Communiqué inter-associatif – référé contre les circulaires Collomb

 

Communiqué de presse
Paris, le 10 janvier 2018
 
 
Recours devant le Conseil d’Etat
contre les circulaires « hébergement d’urgence »
Plus de vingt associations saisissent le juge des référés du Conseil d’Etat contre la circulaire du 12 décembre organisant le tri des personnes étrangères dans les centres d’hébergement.
A la fin de l’année 2017, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Cohésion des territoires ont édicté, sans concertation, plusieurs circulaires visant en particulier l’hébergement des ressortissants étrangers. Et ce, malgré la vive opposition de l’ensemble des associations et acteurs concernés qui s’est manifestée dès leurs parutions et une saisine du Défenseur des droits.
La circulaire du 4 décembre est relative à « l’évolution du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés ». Elle prévoit d’orienter les personnes de nationalité étrangère qui sollicitent un hébergement vers des dispositifs au regard de leur statut administratif. La circulaire du 12 décembre organise « l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence » par des « équipes mobiles» composées d’un ou plusieurs agents de l’OFII et d’agents de la préfecture compétents en droit des étrangers.
Par ces textes qui instaurent des procédures de recensement et d’évaluation des personnes sans-abri ou hébergées à raison de leur nationalité et de leur statut administratif, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Cohésion des territoires contreviennent aux principes fondamentaux qui gouvernent l’hébergement des plus vulnérables.
En particulier, ils remettent en cause le principe d’accueil inconditionnel en hébergement d’urgence prévu par le Code de l’Action Sociale et des familles au profit de « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale », quels que soient sa nationalité ou son statut administratif, ainsi que son corollaire, la continuité de la prise en charge. Ces principes sont cardinaux pour l’ensemble du secteur de la veille sociale, de l’hébergement, et de l’accompagnement.
En prévoyant un tri selon la nationalité ou le statut administratif des personnes dans les centres d’hébergement, les circulaires en viennent donc à hiérarchiser, voire à mettre en concurrence les situations de pauvreté et de misère, sur le fondement de critères discriminatoires.
Plus grave encore, pour mettre en oeuvre cette politique de tri entre les plus vulnérables, la circulaire du 12 décembre 2017 a prévu un ensemble de mesures intrusives et qui vont affecter la mission de protection sociale des centres d’hébergement.
D’une part, la circulaire autorise des « équipes mobiles » composées d’agents de la préfecture et de l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) à intervenir directement dans l’ensemble des structures d’hébergement d’urgence pour procéder à l’identification et donc au tri des personnes. Du fait de cette intrusion, les centres d’hébergement vont se muer en des lieux de contrôle et de tri des personnes sans domicile, où risquent d’être réalisées de véritables opérations de contrôle d’identité et des titres de séjour. A l’issue de ces contrôles dans les centres d’hébergement, certaines personnes sans abri et sans droit au séjour pourront être visées par une assignation à résidence ou un placement en rétention ainsi que par une mesure d’éloignement du territoire, remettant directement en cause le principe d’accueil inconditionnel.
D’autre part, la circulaire risque de transformer les intervenants sociaux, auxquels les personnes sans domicile font confiance, en véritables auxiliaires de l’OFII et de la préfecture. En effet, non seulement les centres d’hébergement devront ouvrir leurs portes aux agents de la préfecture et aux agents de l’OFII, mais, la circulaire implique que les centres collectent et transmettent aux autorités relevant du ministre de l’Intérieur un ensemble d’informations à caractère personnel et confidentiel concernant les personnes hébergées, contraires aux directives de la CNIL.
Dès lors que le Gouvernement persiste à mettre en oeuvre un tel projet malgré la forte opposition des principaux acteurs concernés, plus de vingt associations qui agissent dans le secteur de l’hébergement social et qui défendent les droits et libertés ont mandaté Me Patrice SPINOSI, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, afin de saisir le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre ces circulaires, assorti d’une demande, en référé, de suspension.
Les requêtes au fond seront déposées le 11 janvier. Le Conseil d’Etat aura vocation à se prononcer d’ici environ dix mois, au fond, sur la légalité de ces circulaires.
Le dispositif de tri et de contrôle dans les centres d’hébergement étant d’ores et déjà mis en oeuvre, ces recours seront assortis d’une procédure d’urgence : une demande de suspension en référé contre la circulaire du 12 décembre 2017.
Par cette action spécifique, les associations sollicitent du juge des référés du Conseil d’Etat qu’il suspende au plus vite les deux points qui sont les plus manifestement illégaux et attentatoires aux droits et libertés :
     –   D’abord le fait que la circulaire autorise, sans base légale, des équipes relevant du ministère de l’intérieur à pénétrer dans des centres d’hébergement protégés pour y réaliser des contrôles;
     –  Ensuite, le fait que les données personnelles et confidentielles des personnes hébergées soient collectées et transmises aux autorités, mais aussi que les centres d’hébergement soient contraints de participer à cette collecte illégale.
Le juge des référés saisi pourra organiser une audience publique qui se tiendrait alors deux à trois semaines après le dépôt du recours. Cette audience permettra qu’un débat ait lieu entre les associations et les représentants du gouvernement. A l’issue de ces débats, le juge des référés rendra sa décision.
En tout état de cause, après le recours en référé, les arguments et critiques des associations contre les circulaires seront examinés par le Conseil d’Etat réuni en formation collégiale pour statuer sur les recours en annulation.
Liste des associations requérantes :
Fédération des acteurs de la solidarité
Cités du Secours Catholique
Association Droit au Logement
Association les Petits frères des Pauvres
Aurore
Dom’Asile
Emmaüs France
Emmaüs Solidarité
France Terre d’Asile
L’Amicale du Nid
ANAS
UNIOPSS
La Cimade
Fédération Entraide Protestante
FEHAP
Fondation Abbé Pierre
Fondation de l’Armée du Salut
Ligue des Droits de l’Homme
Le CASP
Centre Primo lévi
GISTI
Le Refuge
Le Secours Catholique
Médecins du Monde
Médecins sans frontières
Oppelia
Contacts presse :
Fédération des acteurs de la solidarité
Marguerite Bonnot – Céline Figuière

Lettre ouverte du GISTI au Premier ministre

Communiqué

« Concertation asile-immigration », lettre ouverte au Premier ministre

Paris, le 9 janvier 2018

Monsieur le Premier ministre,

Par un message du 6 janvier, vous avez invité le Gisti à une réunion de concertation sur la politique de l’asile et de l’immigration fixée au 11 janvier, précisant qu’il s’agissait d’une « deuxième réunion pour évoquer l’avant-projet de loi » et que l’ordre du jour détaillé nous en serait communiqué « ultérieurement ».

Nous tenons à vous faire connaître les raisons pour lesquelles il ne nous apparaît pas possible de répondre positivement à cette invitation.

Nous souhaitons d’abord vous rappeler que 470 associations, réseaux ou collectifs engagés dans la défense des droits des personnes migrantes lançaient le 20 juin 2017 un appel à un changement radical de politique migratoire en France [1]. Constatant que la gestion répressive des migrations internationales et le non-respect du droit d’asile qui prévalent dans la plupart des pays d’Europe et en France en particulier sont un échec effroyable, ces organisations vous appelaient, ainsi que le Président de la République, à convoquer d’urgence une conférence impliquant tous les acteurs, afin qu’émergent des politiques alternatives d’accueil et d’accès aux droits.

Sans égard pour ces recommandations, vous présentiez le 12 juillet 2017 un « plan migrants » – incluant un projet de loi, alors annoncé pour le mois de septembre 2017 – dont le Défenseur des droits lui-même devait relever, le 21 juillet, qu’il « s’inscrit dans la ligne des politiques successives qui dysfonctionnent depuis 30 ans ».

Constatant que cette annonce ignorait les propositions portées par celles et ceux qui œuvrent au plus près des personnes migrantes, ce sont alors près de 260 associations et collectifs de solidarité et de défense des droits humains qui, en réponse, décidaient de prendre elles mêmes en charge l’organisation d’une large concertation citoyenne sur l’accueil et les droits des personnes migrantes en France [2]. Cette concertation a pris la forme d’États généraux des migrations, dont le processus a été lancé le 21 novembre 2017 [3].

De son côté, la Commission nationale consultative des droits de l’homme adoptait le 17 octobre 2017 une « déclaration alerte sur le traitement des personnes migrantes », publiée le 19 novembre 2017 au Journal officiel, aux termes de laquelle, « ayant pris connaissance par voie de presse de certaines dispositions du projet de loi intitulé « pour un droit d’asile garanti et une immigration maîtrisée » elle soulignait « l’urgente nécessité de construire une autre politique migratoire avec une dimension internationale et européenne », ajoutant que « cette refonte politique suppose une véritable concertation avec l’ensemble des acteurs (État, société civile, chercheurs, syndicats, etc.) ».

Pourtant, conviées au cabinet du ministre de l’intérieur le 20 novembre 2017, les représentantes du Gisti se voyaient présenter les premiers axes d’un futur projet de loi sur l’immigration et l’asile qui confirmaient les orientations annoncées le 12 juillet, à rebours de celles que nous défendons, avec tant d’autres. Au cours de cet entretien, aucun intérêt n’était manifesté par leurs interlocuteurs ni pour les observations critiques suscitées par les mesures annoncées, ni pour le rappel de cette voie alternative.

C’est dans ce contexte que vous nous invitiez le 20 décembre à une première « réunion de concertation Asile immigration » fixée au lendemain même, augurant ainsi fort mal de la volonté de concertation affichée sur un avant-projet de loi dont le texte restait au surplus inconnu.

Nous sommes aujourd’hui contraints de constater que la deuxième réunion, fixée au 11 janvier, ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices : le texte de l’avant-projet de loi ne nous est toujours pas communiqué et l’ordre du jour de cette réunion ne nous sera précisé qu’ultérieurement, de sorte qu’il est déjà acquis qu’il ne pourra en aucune façon s’agir d’une véritable concertation, en dépit d’un affichage trompeur.

Il nous faut relever en outre qu’une fois de plus seuls les sièges de quelques associations nationales sont pressentis pour être associés à cette concertation, laissant de côté les centaines d’associations locales, de collectifs, comités de soutien, réseaux qui partout en France se mobilisent et agissent au quotidien pour pallier les défaillances de l’État en matière d’accueil, manifestant ainsi leur hostilité aux politiques que votre gouvernement entend encore amplifier.

Mais le contexte de cette invitation ne se résume ni à votre désintérêt pour les recommandations de tant d’institutions de la République et de représentants de la société civile, ni aux conditions gravement dégradées de la « concertation » à laquelle vous nous conviez. Il est également marqué par la circulaire de votre ministre de l’intérieur du 12 décembre 2017, relative à l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence.

Vous avez pu prendre la mesure, Monsieur le Premier ministre, de l’émoi considérable soulevé par les instructions données dans cette circulaire, qui remettent en cause tant le principe d’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence que l’inviolabilité de domiciles relevant de lieux privés et la protection de données à caractère personnel.

A l’évidence, une concertation digne de ce nom ne pourrait être engagée que dans le climat apaisé qui résulterait de signes forts attestant de votre volonté que ces instructions restent sans suites et sans effets.

Faute d’avoir perçu le moindre écho, jusqu’à ce jour, d’une telle préoccupation de votre part et compte tenu de l’absence de perspectives d’une concertation loyale et approfondie sur un projet de loi dont il est déjà annoncé qu’il sera présenté et examiné dans des délais contraints, vous comprendrez que nous ne jugions pas utile de répondre à votre invitation. Vous comprendrez également que, compte tenu des enjeux qui s’attachent à un débat public sur ces questions, nous prenions la liberté de rendre cette réponse elle-même publique.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, à l’assurance de notre parfaite considération.

Vanina Rochiccioli
Présidente

 

La Cimade // Entendez nous Monsieur le Président

Entendez-nous Monsieur le Président !

21 décembre 2017

Alors que les associations sont « consultées » sur les questions d’asile et de migrations ce 21 décembre 2017 après-midi par le Premier ministre, La Cimade a choisi d’interpeller le Président de la République sur l’une de ses promesses.

La fin de l’année approche, Geneviève Jacques, présidente de La Cimade, rappelle dans un message vidéo adressé au président Emmanuel Macron, que contrairement à sa déclaration du 27 juillet à Orléans, des personnes migrantes dorment encore dans les rues et dans les bois. Depuis, rien n’a été fait par le gouvernement pour proposer des solutions d’hébergement, notamment à Paris ou à Grande-Synthe où ces images ont été filmées ces derniers jours. Bien au contraire, deux circulaires ont été publiées, elles remettent en cause l’accueil inconditionnel des personnes dans les centres d’hébergement d’urgence, principe fondamental de l’action sociale. Elles engagent l’État dans le tri des personnes migrantes.

La Cimade invite le Gouvernement et le Président de la République à respecter l’engagement pris en juillet dernier, et mettre un terme à toutes les décisions en cours qui violent massivement les droits des personnes en migration et en quête de protection par la France. Une autre politique migratoire basée sur l’accueil, la solidarité et l’hospitalité est attendue.

 

Entendez-nous Monsieur le Président ! from La Cimade on Vimeo.

 

Verbatim du message adressé par Geneviève Jacques, présidente de La Cimade :

Monsieur le Président,

Le 27 juillet vous avez déclaré : « Je ne veux plus avoir, d’ici la fin de l’année, des femmes et des hommes qui vivent dans les bois, dans les rues, perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité ».

Nous sommes à la fin de l’année.

Regardez ces images : des centaines, des milliers d’exilés vivent et dorment encore dans les rues et dans les bois. Parce qu’il n’y a pas assez d’abris pour eux et aussi parce que les pouvoirs publics ne veulent pas les accueillir en France.

Où est la dignité ? Quand des exilés sont harcelés par les forces de l’ordre qui détruisent leurs abris et leurs couvertures, aggravant les situations de souffrance et d’errance.

Où est l’humanité ? Quand des centres d’hébergement d’urgence sont transformés en lieux de fichage et de triage entre ceux qui seraient « accueillables » et ceux qui seraient « jetables », c’est à dire voués à l’expulsion vers des pays qu’ils viennent de fuir.

Le refus des acteurs associatifs de coopérer à des dispositifs qui lient l’hébergement à l’éloignement forcé n’est pas une posture Monsieur le Président.

C’est l’expression d’un très sérieux malaise devant les conséquences inhumaines de la politique migratoire menée en votre nom.

Cessez de taxer d’angélisme ou de naïveté des associations ou des citoyens qui se mobilisent partout en France par solidarité et qui réclament une politique digne de ce nom, une politique d’accueil à la hauteur des défis migratoires d’aujourd’hui.

Pour eux, pour nous, c’est une question de dignité, c’est une question d’humanité, c’est un enjeu de choix de société.

Entendez-nous Monsieur le Président !

 

Réaction d’une bénévole Dominique, suite aux articles de presse concernant la mort de Jabar

Le « migrant mort » dans l’accident de camion qui serait érythréen selon Adrien Boussemart de La Voix du Nord est une personne.

Il s’appelle Jabar, il est afghan, a 30 ans.

 » Jabar était un jeune homme tout calme, tout en douceur avec une petite coquetterie dans l’oeil. Le personnel de l’OFII l’appelait Al Pacino, c’est vrai qu’il avait un côté un peu italien  » Brigitte qui venait en aide aux exilés de passage à Tatinghem, l’avait rencontré pour la première fois durant l’été 2014. Son frère est au CAES de Belval. Il a un petit frère et une compagne en Angleterre. Les autres membres de sa famille sont en Afghanistan.

Ci-dessous, une photo de cet homme « invisible »:

La Voix du Nord // Ce que Natacha Bouchart a demandé à la Ministre de la Justice

Après avoir rencontré le ministre de l’Intérieur puis le Premier ministre en décembre, Natacha Bouchart a été reçue ce mercredi, à partir de 17 h, par la Garde des Sceaux Nicole Belloubet. «  Il y a une accélération de la prise en compte de notre situation. Cela m’a permis d’expliquer tous les problèmes rencontrés face à la présence migratoire. J’ai effectué plusieurs propositions  », explique la maire de Calais.

« Un arsenal judiciaire trop faible »

La Garde des Sceaux n’a pas apporté de réponse immédiate. Mais elle pourrait intégrer certaines idées dans la future loi sur l’asile et l’immigration, que le président Macron pourrait présenter à Calais dans les prochains jours. «  J’ai expliqué au ministre que ce n’est pas parce qu’il n’y a plus 10 000 migrants que les problèmes n’existent pas. Actuellement, l’arsenal judiciaire est trop faible  », poursuit-elle.

Natacha Bouchart a d’abord mis en avant «  la dégradation des situations des migrants qui les tirent vers plus de violence, d’alcoolisme, de délits  ». Elle a demandé plus de fermeté avec ceux qui ne demandent pas l’asile. «  Je souhaite que l’on rétablisse le délit de séjour irrégulier et qu’on mette en place des mesures d’éloignement. Cela éviterait aussi les rixes entre communautés et les tensions avec la population locale. J’ai aussi demandé l’expulsion des migrants auteurs de délits  », détaille-t-elle.

« Expulser les activistes et no borders »

Prise d’empreinte, éloignement sous la contrainte de migrants qui ne demandent pas l’asile, augmentation des durées de la rétention administrative, durcissement législatif pour ceux qui s’introduisent sur l’autoroute, la rocade portuaire… La liste des revendications est longue. La maire s’en est de nouveau pris «  aux activistes, no borders qui aident les migrants dans les délits. Je demande leur expulsion du territoire  ».

Emmanuel Macron viendra à Calais avant le 15 janvier

À la fin du mois de novembre, la maire (LR) de Calais Natacha Bouchart a rencontré le président de la République Emmanuel Macron à l’occasion du congrès des maires. Celui-ci s’était engagé à venir à Calais avant le sommet franco-britannique, dans le courant du mois de janvier. La délicate question de la frontière transmanche et les Accords du Touquet, controversés, seront au centre de cette rencontre bilatérale dont la date et le lieu n’ont pas encore été fixés. Toutefois, selon Natacha Bouchart, «  Emmanuel Macron doit venir à Calais avant le 15 janvier  ».

« Un challenge pour le président »

La maire se dit toujours prête à soutenir la loi sur l’asile et l’immigration que va présenter le gouvernement. «  Si certaines de mes propositions sont intégrées, ce sera plus facile de la défendre  », note-t-elle. Elle n’en fera pas une question politique. «  Je sais sortir de ces clivages. Je l’ai déjà fait. Qu’est-ce que cela amènerait au territoire de rester dans une démarche d’opposition ? Si on arrive à s’en sortir, je saurai reconnaître les choses  », ajoute-t-elle.

Ainsi, voir le président venir présenter sa loi à ses côtés, et en faire aussi une affaire d’image et de communication, ne la gêne pas. «  C’est vrai qu’il peut se servir de ça. Mais il a tout intérêt à ne pas venir à Calais les mains vides de propositions… Après, c’est aussi un challenge pour lui de réussir là où tous se sont cassé les dents  », termine-t-elle.

La quatrième rencontre ministérielle en quatre mois

– Le 23 août, Natacha Bouchart rencontre le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Un premier rendez-vous où la maire se déclare «  déçue  ». Elle évoque «  l’impression qu’on essaie de banaliser la situation migratoire à Calais  ».

– Le 7 décembre, la maire de Calais se déplace une seconde fois place Beauvau à la rencontre du ministre de l’Intérieur. Au centre de la rencontre, le projet de loi sur l’asile et l’immigration.

– Le 22 décembre, Natacha Bouchart se rend à Matignon pour rencontrer le Premier ministre Édouard Philippe. Elle se dit prête à soutenir le projet de loi «  qui fait preuve de plus de fermeté  ».

La Croix // E.Macron se rendra à Calais en janvier

Emmanuel Macron aime les symboles. C’est à Calais qu’il devrait annoncer les grandes lignes d’un projet de loi sur l’immigration, lors d’une visite à Calais, a annoncé le premier ministre Édouard Philippe à l’issue du Conseil des ministres, mercredi 3 janvier.

La maire de Calais, Natacha Bouchart (LR), avait annoncé en novembre que le président s’était engagé à venir dans sa ville avant le sommet franco-britannique qui doit se tenir en janvier dans les environs de Londres. À cette occasion, pourrait être évoquée une éventuelle renégociation des accords du Touquet, qui fixent depuis 2004 la frontière britannique à Calais.

Les migrants pourchassés par la police à Calais

Sur place, malgré le démantèlement en octobre 2016 de la « jungle », un campement sauvage de plus de 7 000 migrants installé sur un terrain vague proche du port, et l’éloignement de ses habitants dans des Centre d’accueil et d’orientation (CAO) dans toute la France, de nombreux candidats au passage en Grande-Bretagne continuent à arriver à Calais.

Ils tentent chaque nuit de monter dans les camions qui montent dans les bateaux en route vers l’Angleterre, où ils espèrent retrouver des proches et décrocher un permis de travail, via le port de Calais.

Les associations d’aide aux migrants dénoncent des mauvais traitements de la part de la police, qui mène une politique stricte de lutte contre les « points de fixation », et la confiscation des tentes et des duvets des migrants.

Politique répressive du gouvernement

De manière générale, le gouvernement insiste depuis ces dernières semaines sur le volet répressif de sa politique migratoire. Le 16 octobre puis le 20 novembre, deux circulaires ont accru la pression sur les préfets pour qu’ils accélèrent les placements en rétention et les expulsions.

Les migrants dits « dublinés », qui sont censés faire leur demande d’asile dans le premier pays européen où leurs empreintes ont été enregistrées, pourraient aussi bientôt être placés en rétention, puis renvoyés, comme le prévoit une proposition de loi du député Jean-Luc Warsmann. La durée maximale de rétention, qui est aujourd’hui de 45 jours, pourrait passer à 90, voire 105 jours.

Attendu en Conseil des ministres en février, le texte de loi « Asile et immigration » doit arriver à l’Assemblée nationale en mars.

Une circulaire qui prévoyait l’envoi d’équipes administratives dans les centres d’hébergement d’urgence pour recenser les migrants, notamment ceux qui sont en situation irrégulière, avait provoqué la colère des responsables associatifs fin 2017. Édouard Philippe doit de nouveau les rencontrer le 13 janvier.

Streetpress // Circulaire demandant aux personnels de santé de favoriser les expulsions de personnes sans papiers

https://www.streetpress.com/sujet/1514991948-circulaire-hopital-expulsion-sans-papiers

Une circulaire envoyée à plusieurs hôpitaux psychiatriques demande aux
personnels de santé de favoriser les procédures d'expulsion de
sans-papiers hospitalisés sous contrainte. Plusieurs syndicats dénoncent
une dérive grave.

Les sans-papiers seront-ils poursuivis jusque dans les hôpitaux publics
? C’est le sens d’une nouvelle circulaire dévoilée par le site
d’information spécialisée HospiMedia, ce mardi 2 janvier. Celle-ci a été
envoyée à des directeurs d’hôpitaux psychiatriques (EPSM) du sud de la
France, confirme à StreetPress Alain Chabert, le vice-président de
l’Union syndicale de la psychiatrie qui a pu consulter le document. Dans
le cas où un sans-papiers est hospitalisé sous contrainte, la circulaire
intime au personnel médical de participer à son expulsion. Concrètement,
les médecins devront, sur instruction de la préfecture, lui faire signer
son obligation de quitter le territoire français avant de la transmettre
à l’agence régionale de santé. Qui elle-même se chargera de la faire
remonter à la préfecture.
« Inconcevable »

La nouvelle a du mal à passer auprès des professionnels de santé. Le 29
décembre, deux des principaux syndicats de psychiatres, l’union
syndicale de la psychiatrie (USP) et le syndicat des psychiatres des
hôpitaux (SPH) ont publié un communiqué de presse au vitriol. Ils
dénoncent la confusion des genres « entre des agences chargées de la
santé et des décisions de police » et demandent à la ministre de la
santé, Agnès Buzyn, l’annulation de cette mesure :

    « La consigne donnée aux personnels soignants de devenir des agents
administratifs pour le compte du ministère de l’intérieur est de plus
inacceptable. »

Claire Gekière, adhérente à l’USP partage cet avis :

    « C’est insupportable, je ne vois pas quel cadre de santé pourrait
faire ça. On fait jouer à la psychiatrie un rôle qui n’est pas le sien.
»

Hospitaliser pour mieux contrôler

Dans ce même communiqué de presse, les deux syndicats évoquent une
seconde mesure qui provoque l’ire des psychiatres :

    « L’utilisation des hospitalisations en SDRE [soins psychiatriques à
la demande d’un représentant de l’Etat] pour repérer et contrôler des
personnes non désirées sur le territoire, est très inquiétante. »

Ce protocole d’hospitalisation prévoit qu’un maire ou un préfet peut
demander, certificat médical à l’appui, l’internement de quelqu’un si
son comportement nuit à l’ordre public. Cette mesure fourre-tout
pourrait être utilisé contre des sans-papiers, craint Claire Gekière.

Contacté par StreetPress, le ministère de la santé n’a pour l’instant
pas donné suite à nos demandes d’interview.

Hommage à Jabar, père de famille afghan décédé en tentant le passage

 

Une minute de silence a été observée pour rendre un dernier hommage à Jabar, afghan d’une trentaine d’années

NORTKERQUE

Le migrant mort dans l’accident de camion sur l’A26 serait Érythréen

Un camion s’est couché sur la chaussée ce vendredi matin sur l’A26 à Nortkerque, dans le sens Calais – Reims. Un migrant a été retrouvé mort dans la remorque. Il s’agirait d’un Érythréen d’une trentaine d’années.

Ce vendredi, vers 6 h 30, un accident de la circulation s’est produit sur l’autoroute A26, à hauteur de Nortkerque, dans le sens Calais – Reims, au point kilométrique 12. Un poids lourd, qui transportait des rouleaux de papier, s’est couché sur la bande d’arrêt d’urgence. Alertés de l’accident, les sapeurs-pompiers ont découvert, à l’intérieur de la remorque, le corps sans vie d’un migrant, écrasé par les rouleaux de papier. Il pourrait s’agir, selon nos informations, d’un homme de nationalité érythréenne d’une trentaine d’années.

On ignore, pour le moment, si d’autres personnes avaient embarqué avec lui à bord du camion. Les gendarmes fouillent actuellement le poids lourd pour répondre à cette interrogation. Le chauffeur de nationalité roumaine est quant à lui indemne et va être auditionné par les gendarmes. Une enquête a été ouverte.

La circulation est perturbée dans le sens Calais – Reims. Des membres de la SANEF ont installé un balisage pour signaler l’accident aux automobilistes et les empêcher de rouler sur la voie de droite sur quelques centaines de mètres.

Le chauffeur surpris par la main du migrant ?

Selon ses propos, relayés par la gendarmerie, le chauffeur a passé la nuit à Calais et n’aurait pas remarqué, ce vendredi matin, la présence du migrant à l’intérieur de sa remorque. Il était en route pour Clermont-Ferrand afin de livrer sa cargaison, à hauteur de Nortkerque.

Après s’être rendu compte de la direction prise par le camion, vers le sud de la France, l’exilé aurait tailladé la bâche de la remorque avant de passer sa main à travers et de faire signe au chauffeur d’arrêter le poids lourd. Surpris, celui-ci aurait mis un coup de volant et perdu le contrôle de son véhicule. L’enquête permettra de connaître les circonstances exactes de l’accident et de valider, ou non, les propos du chauffeur.

D’autres drames liés à la pression migratoire ont marqué la fin du mois de décembre : le 24 décembre, un migrant irakien a été grièvement blessé après avoir été percuté sur l’A16, à hauteur de Grande-Synthe. Dans la nuit du 20 au 21 décembre, un mineur afghan d’une quinzaine d’années est mort après avoir été percuté par un véhicule sur la rocade menant au port de Calais.

 Les articles de presse concernant son décès (la presse parlait alors d’une personne de nationalité érythréenne):

http://www.ledauphine.com/france-monde/2017/12/29/un-migrant-meurt-ecrase-par-des-bobines-de-papier

Un Erythréen d’une trentaine d’années a été retrouvé mort dans la remorque d’un camion qui s’est couché sur l’autoroute A 26.

Un migrant est mort écrasé par le chargement du camion dans lequel il s’était caché ce matin sur l’autoroute A 26 à Nortkerque (Pas-de-Calais), annonce La Voix du Nord. A la suite d’une perte de contrôle, le poids-lourd qui transportait du papier s’est couché sur la chaussée. Un migrant décédé a été retrouvé dans la remorque, écrasé par des bobines de papier.

Il pourrait s’agir d’un Érythréen âgé d’une trentaine d’années. Les gendarmes fouillent le camion pour savoir si le migrant avait embarqué seul dans la remorque.

 Il s’agit du deuxième décès d’un migrant en quelques jours dans la région de Calais. Il y a une semaine, un jeune Afghan d’une quinzaine d’années est mort après avoir été percuté par un véhicule sur la rocade qui mène au port de Calais.

Dimanche dernier, un migrant irakien de 22 ans a été grièvement blessé après avoir été fauché par une voiture qui zigzaguait sur l’autoroute A 16 à Grande-Synthe (Nord). Le conducteur, un homme d’une cinquantaine d’années, a été interpellé le lendemain à son domicile dans le Dunkerquois. Il a été mis en examen pour blessures involontaires et délit de fuite. Le parquet a indiqué qu’il n’était pas possible de déterminer s’il était alcoolisé au moment de l’accident.

Avis de la CNCDH sur le concept de pays tiers sur

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036251268

Assemblée plénière du 19 décembre 2017
Adoption à l’unanimité

1. Bien que le droit d’asile constitue un droit fondamental consacré tant par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que par le droit français, force est de constater la multiplication des entraves à son exercice qui conduit à l’errance, la misère et la peur, voire la mort de milliers de personnes en quête de protection. Si crise de l’asile il y a, c’est en vérité une crise de la politique d’asile dont il faut parler. Tant au niveau européen qu’au niveau national, les Etats se dotent d’outils pour limiter l’accès aux procédures d’asile et externaliser le traitement des demandes d’asile. Le recours au concept de pays sûr constitue à cet égard une illustration particulièrement éloquente de la dérive des politiques d’asile (1).
2. Alors que l’encre des lois du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile et du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers est à peine séchée, la CNCDH a pris connaissance, par voie de presse, de certaines dispositions du nouveau projet de loi  » pour un droit d’asile garanti et une immigration maîtrisée « , notamment de celle visant à intégrer dans le droit français la notion de pays tiers sûr pour en faire un nouveau cas d’irrecevabilité des demandes d’asile. Sans attendre que le texte de ce projet soit définitivement arrêté et qu’elle en soit saisie afin d’exercer sa mission de promotion et de protection des droits de l’Homme, la CNCDH entend faire part de son inquiétude à l’égard d’un concept issu du droit dérivé de l’Union européenne qui, très contestable d’un point de vue juridique (I) et pratique (II), conduit à un bouleversement radical du droit d’asile.

I. – Un concept juridiquement contestable

3. Introduit par la directive du 1er décembre 2005 dans le cadre de l’harmonisation des politiques d’asile des Etats membres prévue par le traité d’Amsterdam (2),  » le concept de pays tiers sûr  » est repris par la nouvelle directive  » Procédures  » n° 2013/32/CE du 26 juin 2013 qui s’est attachée à fixer des procédures communes pour assurer la mise en œuvre d’un régime d’asile européen commun (RAEC) (3).
4. Aux termes des articles 33 et 38 de cette directive refondue, le concept de pays tiers sûr permet à un Etat membre de déclarer irrecevable une demande d’asile et de renvoyer le demandeur concerné vers un Etat non membre de l’Union avec lequel il a  » un lien de connexion « , rendant son renvoi  » raisonnable  » si ce pays est sûr pour lui. La sûreté du pays se caractérise d’une part, par l’absence de risque pour sa vie ou sa liberté pour l’un des motifs de la convention de Genève ou d’atteintes graves au sens de la directive qualification (4), d’autre part, par le respect par cet Etat du principe de non refoulement posé par l’article 33 de la convention de Genève, ainsi que de l’interdiction requise par le droit international de toute mesure d’éloignement susceptible de l’exposer à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, enfin par la possibilité d’y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié et d’y bénéficier d’une protection conformément à la convention de Genève. L’application du concept de pays tiers sûr se voit subordonnée à un examen individuel en vue de déterminer si le pays tiers concerné est sûr pour le demandeur (5). En revanche, l’Etat membre est dispensé de l’examen au fond de la demande d’asile (6). La prévalence ainsi donnée à la définition d’espaces de sûreté sur l’obligation de protection, pourtant au cœur du droit d’asile, conduit à s’interroger tant sur la conventionnalité que sur la constitutionnalité de l’application de ce concept.

A. – Sur la conventionnalité du concept de pays tiers sûr

5. En disposant que  » le droit d’asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne  » (7), l’Union européenne confirme au plus haut niveau l’exigence de conformité du droit européen d’asile à la convention de Genève qui en constitue la pierre angulaire, ainsi que le rappelle le droit dérivé relatif à l’asile. Or le concept de pays tiers sûr ne satisfait pas à cette obligation de conformité du droit d’asile à la convention de Genève tant au regard des stipulations de cette convention que de son objet.
6. A cet égard, la CNCDH se doit de rappeler au gouvernement que la convention de Genève subordonne la reconnaissance de la qualité de réfugié à quatre critères qu’elle énonce en son article 1 A 2 (craintes personnelles de persécution, motifs de persécution déterminés, départ du pays d’origine ou de résidence habituelle, perte de la protection de ce pays) (8) mais ignore le concept de pays tiers sûr. Dès lors, en permettant à un Etat membre de refuser de traiter une demande d’asile au motif qu’elle serait irrecevable en raison du passage du demandeur dans un pays tiers sûr, la directive ajoute une condition que la Convention de Genève n’a pas prévue. L’introduction de ce concept n’est donc pas conforme à l’article 1 A2, et ce d’autant que l’article 42 de cette convention interdit d’y apporter des réserves.
7. Le Conseil d’Etat n’a pas manqué de le relever depuis longtemps. Il a ainsi une première fois annulé en Assemblée pour erreur de droit le refus de la qualité de réfugié opposé à un ressortissant guinéen ayant séjourné quatre ans au Sénégal avant de venir en France, au motif qu' » il ne résultait pas de ce seul fait que l’intéressé ait pu être privé de la reconnaissance de cette qualité  » (9). Saisi quinze ans plus tard du refus opposé par le ministre de l’intérieur à l’entrée sur le territoire d’un demandeur d’asile libérien qui, arrivé en France en provenance du Cameroun, pays signataire de la convention de Genève, avait omis d’y demander la qualité de réfugié, il a de même censuré en Assemblée l’erreur de droit entachant un tel motif de refus en relevant qu' » une telle circonstance n’aurait pas par elle-même permis de refuser le statut qu’il sollicitait et qu’elle n’était pas dès lors, au nombre de celles dont le ministre de l’intérieur pouvait légalement tenir compte pour regarder comme  » manifestement infondée  » la demande de l’intéressé et lui interdire pour ce motif […] l’accès au territoire durant l’instruction de sa demande  » (10).
8. La CNCDH relève par ailleurs que si la convention de Genève énonce des clauses d’exclusion du statut de réfugié (art 1 D, E et F), le passage dans un pays tiers sûr ne correspond à aucune des hypothèses visées par ces clauses. Parfois évoquée, l’exclusion au titre de l’article 1 E d’une personne  » considérée par les autorités du pays dans lequel elle a établi sa résidence comme ayant des droits et des obligations attachées à la nationalité de ce pays  » ne saurait justifier l’irrecevabilité d’une demande d’asile présentée par une personne ayant transité ou même ayant séjourné dans un pays tiers sûr. L’application de cette clause requiert une protection élevée dans le pays d’accueil que l’on peut résumer à la condition  » précise et exigeante de possession de facto de la nationalité du pays d’accueil  » (11).
9. A fortiori l’article 31 de la convention de Genève qui interdit aux Etats parties à la convention de sanctionner pénalement les réfugiés arrivant directement sur leur territoire sans documents ne saurait fournir par une interprétation a contrario un appui ou un fondement au concept de pays tiers sûr car il porte sur  » une question différente « . L’immunité pénale n’emporte en effet aucune conséquence sur la reconnaissance du statut de réfugié et ne saurait donc conduire à réserver cette reconnaissance à ceux qui arrivent directement du territoire d’un pays dont ils fuient la persécution en écartant ceux ayant transité par un pays tiers sûr (12).
10. Ignoré de la convention de Genève et non-conforme à ses stipulations, le concept de pays tiers sûr en contredit plus largement l’objet et l’esprit. Il s’inscrit en effet dans une logique radicalement opposée à celle de protection qui fonde la convention. Rompant avec la définition des réfugiés par groupe de nationalités qui prévalait dans l’entre-deux-guerres, la convention a voulu, ainsi qu’il ressort de la définition du réfugié énoncée à l’article 1 A 2, protéger celui qui a des craintes personnelles de persécution. Certes cet article, en employant l’expression  » craindre avec raison  » la persécution, indique que le sentiment personnel de crainte doit prendre appui sur des éléments objectifs. Pour autant, l’on ne saurait inverser les priorités en privilégiant ces raisons objectives définies in abstracto pour conclure à la non-sûreté, ou a contrario à la sûreté d’un pays, et rejeter alors sur ce seul fondement la demande d’asile. De même, le principe de non refoulement vers un pays à risque énoncé à l’article 33-1 de la convention de Genève (13) ne saurait donner un fondement au concept de pays sûr. En effet, ce principe cardinal du droit des réfugiés constitue pour un demandeur d’asile déterminé une garantie fondamentale de non renvoi vers un pays où, pour l’un des motifs de craintes fondant le droit au statut de réfugié, il serait personnellement exposé à un risque pour sa vie ou sa liberté. Dès lors interpréter ce principe comme offrant une protection générale contre le renvoi vers un pays défini a priori comme  » à risques « , et a contrario comme permettant le renvoi d’un demandeur d’asile vers un pays considéré de manière générale comme sans risque, c’est à dire sûr, est contraire tant au texte qu’à l’esprit de cet article.
11. C’est dire que l’appréciation des craintes personnelles laquelle est au cœur du dispositif de Genève implique un examen individuel du besoin de protection, c’est-à-dire un examen au fond de la demande et non un examen de recevabilité ayant pour seul objet de s’assurer de la sûreté du pays de provenance ainsi que de la trajectoire empruntée par le demandeur.
12. Enfin la CNCDH rappelle l’attention particulière qui doit être portée aux préconisations du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) lequel, aux termes de l’article 35 de la convention de Genève, est chargé d’en surveiller l’application. Or, très tôt préoccupé par les pratiques nationales de réadmission vers des pays tiers sûrs, pratiques informelles ou s’inscrivant dans le cadre d’accords de réadmission et susceptibles d’ouvrir la voie à des renvois en chaîne ou à des retours forcés vers des pays de persécution (14), le HCR a rappelé  » le principe que l’asile ne peut être refusé uniquement pour le motif qu’il aurait pu être demandé à un autre Etat  » (15). De même le fait qu’un réfugié a trouvé une protection efficace dans un autre pays ne délie pas l’Etat d’accueil de son obligation de non refoulement vers des pays à risque (16). Au-delà, le HCR s’est attaché à assortir ce concept de pays tiers sûr d’un ensemble de garanties de fond et de procédure si importantes que leur mise en œuvre parait aléatoire (infra II) et l’usage même de ce concept mis en cause.

B. – Sur la constitutionnalité du concept de pays tiers sûr

13. Sur le fondement de l’alinéa 4 du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a consacré par sa décision du 13 août 1993 le caractère de droit fondamental de valeur constitutionnelle du droit d’asile et en a précisé la portée (17). Si ce droit n’est pas un droit à l’asile, il implique toutefois un double droit pour le demandeur d’asile : un droit absolu à l’examen de sa demande ainsi qu’un droit au séjour provisoire, le temps du traitement de celle-ci.
14. La CNCDH se doit d’attirer l’attention du gouvernement sur la non-conformité du concept de pays tiers sûr avec l’une et l’autre de ces exigences constitutionnelles.
15. En premier lieu, elle rappelle que le droit absolu à l’examen de la demande d’asile, qui est fondé à la fois sur le respect du droit constitutionnel d’asile et sur les droits de la défense, également de valeur constitutionnelle, s’entend comme le droit à un examen au fond de cette demande par les autorités spécialement dédiées à cette mission, à savoir l’OFPRA et la CNDA. Cet examen doit permettre au demandeur d’être entendu pour exposer son besoin de protection et le bien-fondé de sa demande d’asile. C’est au demeurant le non-respect de cette obligation constitutionnelle qui avait conduit le Conseil constitutionnel à censurer dans sa décision du 13 août 1993 la disposition législative permettant au préfet de priver l’OFPRA du traitement des demandes d’asile relevant d’un autre Etat membre en application des accords européens de Schengen et Dublin (18). Le concept de pays tiers sûr, dont l’application conduit à rejeter pour irrecevabilité une demande d’asile au seul motif que le demandeur a transité ou séjourné dans un tel pays et après un examen portant sur la seule sûreté que présente ce pays pour lui et non sur le fond de sa demande de protection par l’OFPRA, est entaché du même grief d’inconstitutionnalité.
16. En second lieu, ce concept ne respecte pas l’exigence constitutionnelle d’un droit au séjour provisoire le temps du traitement de la demande d’asile. Certes ainsi qu’en a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993, ce droit peut être limité par le législateur  » en vue de le concilier avec d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle  » (19), et donc avec un objectif constitutionnel comme celui de la sauvegarde de l’ordre public. Reste toutefois à savoir si le fait de provenir d’un pays tiers sûr répond à une telle nécessité. Alors que le Conseil constitutionnel avait répondu positivement en 1993 dans un cas voisin (20), le commissaire du gouvernement Jean-Marie Delarue a au contraire souligné l’inconstitutionnalité de ce motif de provenance d’un pays tiers sûr, motif ne pouvant être rattaché à la nécessité de la sauvegarde de l’ordre public (21).
17. Enfin la CNCDH se doit de rappeler que si la Constitution comporte depuis la révision du 25 novembre 1993 un nouvel article 53-1 selon lequel  » La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d’asile et de protection des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l’examen des demandes d’asile qui leur sont présentées « , cette disposition permet seulement des accords visant à confier l’examen d’une demande d’asile à un Etat européen. Elle n’autorise pas la France à se délier de son obligation d’examen d’une demande d’asile en application du concept européen de pays tiers sûr qui exclut par définition le traitement de la demande par un Etat européen.
18. Elle relève de surcroît que s’il était envisagé d’imposer aux Etats membres d’appliquer le concept de pays tiers sûr, alors qu’il ne s’agit aujourd’hui que d’une faculté qui leur est laissée par la directive  » Procédures « , le droit constitutionnel dont les autorités de la République disposent d’accorder  » toujours  » l’asile à qui elles souhaitent en vertu de ce même article 53-1 de la Constitution serait également méconnu (22).

II. – La mise en œuvre aléatoire du concept de pays tiers sûr

19. Non seulement le concept de pays tiers sûr doit être écarté pour les raisons liées à son inconstitutionnalité et à son inconventionnalité, mais de surcroît les conditions de sa mise en œuvre condamnent son introduction dans le droit français et son maintien dans le droit de l’Union européenne.

A. – La sûreté : une notion incertaine

20. L’article 38-1 de la directive Procédures définit la sûreté dans le pays tiers de manière principalement négative par la protection contre les persécutions que peut assurer le pays tiers, tant au niveau juridique que pratique (23). Mais la définition même de la sûreté revêt un caractère aléatoire. Par ailleurs si de manière plus positive, la directive prend en compte la protection au titre de l’asile comme élément de la sûreté du pays tiers, il convient de noter qu’elle ne garantit qu’une possibilité de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et d’obtenir dans ce cas un statut conforme à la convention de Genève. S’agissant de cette dernière condition, la protection est à la fois forte car elle n’envisage que le statut de réfugié et non la protection subsidiaire, et faible car il ne s’agit que d’une possibilité de solliciter ce statut. Il n’est en outre pas envisagé que soit mis en place un système d’asile garantissant l’accès aux procédures et des conditions d’accueil des demandeurs. Au-delà du caractère insuffisant de la notion de sûreté appliqué à un pays, les conditions d’application du concept de pays tiers sûr sont aléatoires.
21. L’article 38 – 2 de la directive encadre l’application du concept par trois règles (24) qui renvoient à celles fixées dans le droit national. Cela signifie que ce sont les Etats qui doivent définir les conditions d’application du concept et qu’en conséquence, ils peuvent aller au-delà de la directive et élaborer des conditions plus restrictives, créant ainsi une disparité dans son application. Aucune des règles n’encadre véritablement les conditions d’application et laisse une grande latitude d’appréciation aux Etats.
22. La directive précise que des règles doivent prévoir  » un lien de connexion  » entre le demandeur et le pays tiers concerné. La notion de connexion est sujette à caution et peut revêtir de nombreuses formes. Mais dans la mesure où ce lien de connexion doit être tel qu’il soit  » raisonnable que le demandeur [se] rende [dans le pays en cause] « , il devrait uniquement être considéré comme tangible (25) et réel et se caractériser par la langue, les liens familiaux, la présence de biens dans le pays, l’intérêt particulier à vivre dans le pays etc., mais en aucun cas par la proximité géographique ou le fait d’être un simple pays de transit.
23. Le concept de pays tiers sûr rend ainsi compte d’une confusion entre les notions de persécution et de protection (26). Au lieu d’examiner les craintes de persécution du demandeur, ce seront finalement son itinéraire, la protection contre des mesures attentatoires à ses droits dans tout pays de passage et la simple possibilité d’y solliciter l’asile qui seront examinés dans un examen conditionnant la recevabilité de la demande. Le droit d’asile ne sera plus un droit personnel tenant compte de la situation de l’intéressé.
24. La directive prévoit ensuite que les Etats pourront choisir la méthode pour s’assurer que le concept de pays tiers sûr peut être appliqué à un pays déterminé ou à un demandeur déterminé. Si ces méthodes prévoient un examen au cas par cas, aucune obligation de procéder à un examen au fond n’est envisagée, ce qui ouvre la possibilité de recourir à des listes. L’établissement d’une liste commune aux Etats membres avait déjà été proposé pour les pays d’origine sûrs mais le Conseil y a renoncé devant l’incapacité des Etats à se mettre d’accord. Pour les pays d’origine sûrs, les Etats dressent eux-mêmes leur liste nationale. En France elle est établie par le conseil d’administration de l’OFPRA. Les disparités entre ces listes sont saillantes. Le nombre de pays figurant sur les listes varie sensiblement d’un Etat à un autre. Certains pays peuvent être considérés comme sûrs dans certains Etats et non sûrs dans d’autres. Ainsi, la France avait déclaré l’Albanie comme pays sûr et non le Kosovo alors que la Belgique avait déclaré l’inverse, à quelques jours d’intervalle (27). L’insécurité créée par cette disparité confirme qu’il n’est pas possible d’établir de liste applicable à tous les Etats membres, comme l’a souligné la CNCDH dans plusieurs de ses avis (28).
25. Le Conseil d’Etat exerce un contrôle des listes des pays d’origine sûrs qui s’est peu à peu renforcé qu’il s’agisse des motifs de classement ou de l’intensité de son contrôle en vérifiant, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, si l’OFPRA a fait une juste appréciation de la sûreté. Ce contrôle exercé sur des listes qui évoluent fréquemment atteste de la volatilité de la notion de sûreté et soulève la question de l’évaluation régulière des situations locales.

B. – Les difficultés d’application du concept

26. La déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016, bien qu’elle ne mentionne pas explicitement la notion de pays tiers sûr, illustre la relativité du concept de sûreté. En pratique, elle permet le renvoi vers la Turquie de tous les migrants entrés irrégulièrement en Grèce ou interceptés avant leur entrée (29), en les faisant  » bénéficier  » d’une procédure dite accélérée à la suite d’un entretien individuel et en application des règles européennes et nationales de l’asile. Si cette procédure a été confirmée par le Conseil d’Etat hellénique (30), son application fait l’objet de nombreuses critiques en raison notamment des violations des droits fondamentaux et libertés constatées dans le pays et de la violation du principe de non refoulement par la Turquie (31), principe pourtant cardinal garanti par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. A cet égard, l’OFPRA a refusé de participer à l’examen de recevabilité conduit dans les  » hotspots  » auprès des réfugiés arrivés après le 20 mars (2016) (32).
27. La déclaration UE-Turquie confirme que la définition de la sûreté est loin d’être harmonisée. Son évolution est incertaine comme en attestent les discussions au niveau européen autour de l’extension de la notion de sûreté à des zones au sein d’un pays tiers (qui ne serait lui-même pas sûr) (33), faisant écho à la notion déjà existante en droit de l’Union européenne et en droit français d’asile interne dans le pays d’origine. De telles évolutions sont dangereuses car elles ouvrent la possibilité d’une reconnaissance quasi infinie de zones sûres et peuvent rendre de facto sûrs quasiment tous les pays.
28. Des obligations concrètes pèsent sur les Etats en ce qui concerne les conditions d’accès à la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, qui ont été définies peu à peu par la jurisprudence européenne mais aussi administrative. La CNCDH rappelle à cet égard la très abondante et importante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et notamment l’arrêt M. S.S. c. Belgique et Grèce (34) qui, à propos du Règlement Dublin III, a rappelé notamment les conditions que doit vérifier l’Etat membre avant tout renvoi tandis que la Cour de justice de l’Union Européenne, pointant du doigt les possibles défaillances systémiques en matière d’asile, a pris acte que la sûreté des Etats membres eux-mêmes pouvait être sujette à caution (35).
29. En conséquence, les demandeurs d’asile doivent pouvoir bénéficier de garanties procédurales mais leur mise en œuvre n’est pas effective.
30. L’application du concept de pays tiers sûr a pour effet de renverser la charge de la preuve puisqu’en cas d’irrecevabilité, le demandeur d’asile doit prouver, en se fondant sur sa situation individuelle, que le pays tiers réputé sûr ne l’est pas pour lui. S’il est indispensable que la présomption de sûreté puisse être renversée, elle crée néanmoins une nouvelle situation d’insécurité pour des demandeurs d’asile qui, par nature sont extrêmement vulnérables. Au surplus, le renversement de la présomption de sûreté risque d’être très difficile à opérer, surtout dans des délais courts, ce qui revient en pratique à rendre le recours contre une décision d’irrecevabilité illusoire.
31. Dans ce contexte, la CNCDH rappelle avec force qu’il est indispensable de garantir le droit à un recours effectif devant la juridiction spécialisée du droit d’asile, qu’est la CNDA, conformément à l’article 13 de la CESDH (36), notamment en prévoyant un recours ayant systématiquement un effet suspensif contre la décision d’irrecevabilité (37). Cela est d’autant plus important que les autorités françaises ne cachent pas leur volonté d’appliquer cette notion en Guyane aux demandeurs d’asile ayant notamment transité par le Brésil. Il convient de noter que le régime dérogatoire applicable aux obligations de quitter le territoire français dans les Outre-mer (38) rendrait de facto possible un renvoi massif des demandeurs d’asile vers le Brésil avant toute décision de justice, car le référé liberté ne fonctionne pas en pratique (39).
32. L’application du concept de pays tiers sûr est par ailleurs de nature à alourdir le traitement des demandes d’asile et de le rendre plus complexe car il implique l’examen individuel de la situation du demandeur, la vérification de sa situation (même s’il s’agit uniquement de vérifier son trajet), l’opposabilité du concept de pays tiers sûr, la possibilité de renverser la présomption de sûreté, la contestation du lien avec le pays tiers de renvoi, les recours contentieux à caractère suspensif, sans oublier les cas de déni par l’Etat tiers de sa capacité à accueillir le demandeur d’asile, avec en conséquence l’introduction d’un examen au fond de la demande. La notion de pays tiers sûr aura en outre pour effet de créer une véritable usine à gaz juridique et de d’accroître encore un peu plus un contentieux déjà de masse en matière d’asile.
33. Enfin, au-delà des conditions de mise en œuvre de ce concept, l’Etat tiers doit garantir des conditions matérielles d’accueil comprenant un accès à des moyens de subsistance suffisants : l’accès aux soins, à la santé, à l’éducation, à l’hébergement, au regroupement familial etc. La vulnérabilité inhérente au demandeur d’asile doit par ailleurs être prise en compte et la législation lui offrir en conséquence une protection stable avec la délivrance de titres de séjour spécifiques pour les demandeurs d’asile. Or, il apparaît aujourd’hui que peu d’Etats remplissent toutes ces conditions. Les accords de coopération qui se dessinent entre l’Union européenne et certains pays africains, laissent à penser que les pays tiers qui pourraient être considérés comme sûrs, ne garantissent pas encore l’accès à l’ensemble de ces droits.
34. La CNCDH se voit donc une nouvelle fois conduite à rappeler sa ferme opposition à cette notion. Ses inquiétudes sont d’autant plus sérieuses qu’un projet de règlement européen (comme tel directement applicable dans la législation des Etats membres) prévoit une réforme de l’application de la notion de pays tiers sûr avec notamment l’établissement d’une liste commune qui devrait s’appliquer à tous les Etats après une période de cinq ans suivant l’entrée en vigueur du règlement. Les Etats ne disposeraient plus d’aucune latitude dans l’application de ce concept.
35. La CNCDH entend souligner la gravité de la situation et appelle le gouvernement à renoncer à cette notion qui vide le droit d’asile de sa substance et confirme son instrumentalisation au service de la régulation de flux migratoires.
36. Face à ce bouleversement radical de l’esprit de la convention de Genève, la CNCDH invite le gouvernement non seulement à renoncer au concept de pays tiers sûr mais également à agir auprès de l’Union européenne pour qu’il soit abandonné.

(1) C. Teitgen-Colly,  » le concept de pays sûr « , Mélanges F.Julien-Laferrière,Bruylant 2011, p. 525 ; X.Créach,  » La notion de  » pays tiers sûr « ou l’instrumentalisation des itinéraires par les Etats d’accueil « , Recherches et asile, n° 2, 1997, p. 23.

(2) Directive 2005/85/CE du 12 décembre 2005 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale. Le renvoi vers un pays tiers a été envisagé dès la convention de Dublin (art.5-3) puis repris et développé dans les Résolutions et conclusions dites de Londres adoptées le 30 novembre et 12 décembre 1992 par les ministres des Etats membres de la Communauté européenne.

(3) La nouvelle directive ne considère plus une telle demande comme une demande infondée ouvrant comme telle aux Etats membres la possibilité de la traiter en procédure prioritaire (Dir. 2005/85/CE, art.23-4).

(4) Les atteintes graves sont :  » a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international « .

(5) Art. 38-2.

(6) Point 44.

(7) Article 18 de la Charte des droits fondamentaux.

(8) Aux fins de la présente Convention, le terme réfugié s’appliquera à toute personne 2) qui par suite d’événements survenus avant le 18 janvier 1951 er craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

(9) CE Ass. 16 janvier 1981, Conté, n° 20527.

(10) CE Ass.18 décembre 1996, Rogers, Concl. J.-M. DELARUE, RFDA, 1997 p. 281.

(11) Concl. Bacquet sur CE, Ass 16 janvier 1981, Conté, n° 20527, AJDA 1981, 366.

(12) De surcroît comme l’a relevé J-M Delarue dans ses conclusions sur l’arrêt Rogers, l’article 31 ne dit rien des Etats autres que celui de premier asile et  » il ne saurait y avoir d’a contrario dans [sa] formulation « .

(13) Aux termes de l’article 33-1  » Aucun des Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.  »

(14) UNHCR, Considerations on the Safe Third Country” Concept, Vienne 8 -11 juillet 1996.

(15) Conclusions n° 6 (XXVIII) et n° 125 (XXX) adoptées en 1977 et 1979.

(16) UN HCR, Considerations…prec.1996.

(17) Décision n° 93-325 du 13 août 1993 13 août 1993.

(18) Censure qui fut surmontée par la révision de la Constitution (v. nouvel article 53-1 (infra).

(19) CC 13 août 1993, cons.81.

(20) Motif prévu à l’article 31 bis 2° de l’ordonnance du 2 novembre 1945 d’admissibilité effective du demandeur dans un Etat tiers autre que son pays d’origine et de la possibilité pour lui d’y bénéficier d’une protection effective. Ce motif a été abrogé par la loi du 11 mai 1998.

(21) Concl. sur CE Ass. 1996, Rogers, préc. N’étant pas juge de la constitutionnalité de la loi, le Conseil d’Etat n’a pu se prononcer sur ce point. La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l’asile a prévu un cas d’irrecevabilité s’agissant d’un demandeur bénéficiant du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers où il est effectivement réadmissible ; (art L.723-11, 2°), la loi n’ayant pas été déférée au Conseil constitutionnel, il ne s’est pas prononcé sur la constitutionnalité de cette irrecevabilité nouvelle issue du droit de l’Union qui consacre  » le concept de pays de premier asile « .

(22) Pour les nouvelles irrecevabilités fondées sur l’application du concept de premier asile introduites en 2015 à l’occasion de la réforme de l’asile, le législateur a pris soin d’indiquer que  » L’office conserve la faculté d’examiner la demande présentée par un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection pour un autre motif  » (art.L723-11 ceseda).

(23) Absence de risque pour sa vie ou sa liberté pour l’un des motifs de la convention de Genève, respect du principe de non refoulement posé par l’article 33, non édiction de mesures d’éloignement contraires aux exigences du droit international, notamment l’interdiction de la torture ou de traitements inhumains et dégradants.

(24) Article 38 – 2 : L’application du concept de pays tiers sûr est subordonnée aux règles fixées dans le droit national, et notamment :

a) Les règles prévoyant qu’un lien de connexion doit exister entre le demandeur et le pays tiers concerné, sur la base duquel il serait raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays ;

b) Les règles relatives aux méthodes appliquées par les autorités compétentes pour s’assurer que le concept de pays tiers sûr peut être appliqué à un pays déterminé ou à un demandeur déterminé. Ces méthodes prévoient un examen au cas par cas de la sécurité du pays pour un demandeur déterminé et/ou la désignation par l’État membre des pays considérés comme étant généralement sûrs ;

c) Les règles, conformes au droit international, qui autorisent un examen individuel en vue de déterminer si le pays tiers concerné est sûr pour un demandeur déterminé, ce qui, au minimum, permet au demandeur de contester l’application du concept de pays tiers sûr au motif que le pays tiers n’est pas sûr dans son cas particulier. Le demandeur est en outre autorisé à contester l’existence d’un lien entre lui-même et le pays tiers conformément au point a.

(25) Audition de Jacques Dia Gondo, HCR, administrateur principal chargé de protection du 4 décembre 2017.

(26) Xavier Créach , article précité.

(27) A la suite d’une décision du 16 décembre 2013 par laquelle le conseil d’administration de l’OFPRA avait ajouté l’Albanie et le Kosovo à la liste des pays d’origine sûr, le Conseil d’Etat a annulé partiellement, le 10 octobre 2014, cette dernière, conduisant au retrait du Kosovo de cette liste, estimant qu’il ne pouvait être considéré comme  » d’origine sûr  » eu égard notamment à l’instabilité du contexte politique et social et à l’insuffisance de protection offerte par les autorités publiques, alors qu’il estimait que l’Albanie pouvait être maintenue sur la liste en raison des évolutions positives constatées dans ce pays depuis 2011 (remaniant ainsi sa position exprimée sur la même question le 26 mars 2012 où il avait annulé la décision du conseil d’administration de l’OFPRA pour les deux pays). A l’inverse, le 23 octobre 2014, soit treize jours plus tard, le Conseil d’Etat belge a estimé que l’Albanie ne pouvait pas être considérée comme un pays d’origine  » sûr « , notamment eu égard au taux de reconnaissance élevé en Belgique du statut de réfugié pour ce pays alors qu’il n’a pas vu d’objection à ce que les autres pays de la liste, y compris le Kosovo, aient été désignés comme  » sûrs « .

(28) CNCDH, Avis sur le régime d’asile européen commun, adopté le 28 novembre 2013, JORF n° 0287 du 11 décembre 2013, texte n° 82, CNCDH, Avis sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, adopté le 20 novembre 2014, JORF n° 0005 du 7 janvier 2015, texte n° 57.

(29) CNCDH, Déclaration à propos du projet d’accord de l’Union européenne -Turquie des 17 et 18 mars 2016, JORF n° 0084 du 9 avril 2016, texte n° 103.

(30) CE hellénique du 22 septembre 2017- jugements 2347/2017 et 2348/2017.

(31) Christoph Tometten,  » la fortification juridique de l’asile en Europe « , La Revue des droits de l’homme, actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 7 novembre 2017.

(32) Voir l’audition de Pascal Brice devant le Sénat du 18 mai 2016, lien au 8 décembre 2017 : http://www.senat.fr/rap/r16-038/r16-03825.html

(33) Carine Fouteau  » Le diabolique projet de l’Europe pour les demandeurs d’asile « , Médiapart.fr : 28 novembre 2017.

(34) CEDH, G.C. 21 janvier 2011, M. S.S. c. Belgique et Grèce, req. n° 30696/09.

(35) CJUE 21 décembre 2011, aff. C-411/10 NS c/ Secretary of State for the Home Department.

(36) Article 13 – Droit à un recours effectif : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

(37) Audition de Serge Slama du 137 décembre 2017.

(38) CNCDH, avis sur  » le droit des étrangers et le droit d’asile dans les Outre-mer. Le cas de la Guyane et de Mayotte « , adopté le 26 septembre 2017, JORF n° 0276 du 26 novembre 2017 texte n° 41.

(39) Audition de Gérard Sadik du 1er décembre 2017.

Lettre ouverte interassociative – Résorption des bidonvilles

Résorption des bidonvilles

Paris, le 14 décembre 2017

Monsieur le Président,

Depuis votre élection, la plupart de nos associations ont rencontré les ministres de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires ou leurs cabinets.

Suite à ces différents rendez-vous, il nous paraît que si les ministères sont au fait de la situation des 15 à 20 000 personnes vivant en bidonville et squat en France, aucune stratégie claire de résorption des bidonvilles, à la hauteur des enjeux et des attentes, ne semble être en préparation.

Le 27 juillet 2017 à Orléans, vous avez déclaré :

« La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité là aussi. »

Nous ne pouvons qu’approuver cet objectif ambitieux qui doit se traduire rapidement par des actions concrètes, concertées et financées sur le long terme, afin de remédier efficacement à l’ensemble de ces situations.

Cette bataille doit d’abord être menée de façon cohérente : ainsi il doit être mis fin à la politique d’expulsions sans solution de relogement stable. Depuis votre élection, nous avons compté près de 80 expulsions concernant des milliers d’hommes, femmes et enfants, pour la plupart citoyens européens roumains et bulgares, et dont beaucoup appartiennent à la minorité rom. Par ailleurs, la question des expulsions de squats et bidonvilles touche aussi des ressortissants extra-européens – en demande d’asile ou non – pour lesquels l’accueil inconditionnel semble remis en question.

Cette action publique, conduite depuis des années, a prouvé son inefficacité, son coût exorbitant et ses conséquences dramatiques de renforcement de la précarité des personnes. C’est cette hypocrisie que vous dénonciez d’ailleurs dans le courrier que vous avez adressé au CNDH Romeurope le 20 avril 2017.

En outre, cette politique, qui se traduit parfois par quelques mises à l’abri à l’hôtel, n’est pas à même d’apporter des réponses à des problématiques qui concernent des personnes vulnérables, incluant notamment des familles, dont les enfants sont nés ou ont grandi en France. Alors qu’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté des
enfants et des jeunes est en préparation, la précarité des enfants des bidonvilles et de leur famille doit être pleinement considérée pour être combattue.

La diversité des situations nécessite des réponses adaptées aux besoins et projets de chacun. Pour autant, il ne peut y avoir qu’un seul et même objectif : la résorption des bidonvilles et des squats et la sortie par le haut de leurs habitants, avec un accompagnement social global, quelle que soit leur situation administrative et leur nationalité.

La circulaire du 26 août 2012 est aujourd’hui dépassée et n’est absolument plus respectée sur les territoires. Par ailleurs, le Cerema qui en a fait une évaluation1 en novembre 2016 affirme :

« L’application de la circulaire se fait donc de façon hétérogène et sélective, en définissant implicitement un public cible qui n’est fonction ni exclusivement de ses conditions de vie […], ni à une spécificité des droits […]. L’évolution des dynamiques migratoires et des populations présentes dans les campements devrait conduire aujourd’hui à dépasser ces catégorisations. »

Ainsi, il est nécessaire Monsieur le Président qu’un cadre national s’impose sur tout le territoire national pour tendre vers la résorption des bidonvilles. Après 25 ans de politiques sécuritaires menées principalement par le ministère de l’Intérieur, qui n’ont fait que pérenniser l’existence des bidonvilles – le dossier de la résorption des bidonvilles doit avant tout être piloté par les ministère de la Cohésion des territoires et du Logement ainsi que le ministère des Solidarités et de la Santé.

Il est urgent, Monsieur le Président, de mettre en place un texte à valeur contraignante, mettant l’approche sociale et de protection des personnes au cœur de l’action publique, avec des méthodes et des moyens renouvelés. Ce texte devra notamment permettre la mise en place d’une concertation multipartite dès l’installation du bidonville ou du squat et non pas dans l’urgence de l’expulsion, afin de trouver des solutions dignes et ajustées à chaque personne, quels que soient sa nationalité, sa situation personnelle, son parcours. Nos associations seront très vigilantes sur la qualité de ce texte qui ne saurait marquer un recul des droits, déjà insuffisants, des personnes en grande précarité.

Dans l’attente d’une réponse concrète de votre part, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations distinguées.

 

Guillaume LARDANCHET, Président du Collectif national droits de l’Homme Romeurope

Florent GUEGUEN, Délégué général de la Fédération des acteurs de la solidarité

Christophe ROBERT, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre

William BILA, Président de La Voix des Rroms