Pour Terre d’Errance, il y a des «tentatives de rendre ces personnes invisibles»
Le campement de Norrent-Fontes a été détruit en septembre 2017, par décision du maire et du préfet. « Ceci alors que la justice avait empêché cette destruction à deux reprises, estimant qu’une telle action ne ferait qu’empirer les conditions de vie des habitants, pourtant déjà très précaires », relate Terre d’Errance. Qu’en est-il de la situation aujourd’hui de ces migrants dans le secteur ?
Les 85 personnes expulsées du campement de Norrent-Fontes ne voulaient pas demander l’asile en France et sont majoritairement revenues dans les environs dès la semaine suivante pour tenter le passage en Grande-Bretagne par le parking de l’aire de repos de Saint-Hilaire-Cottes, sur l’A26. Ces personnes se sont alors installées à Quernes sur un terrain dont les propriétaires, comprenant la situation, n’ont pas voulu porter plainte.
« À Quernes, ce sont les bénévoles qui remplissent des jerrycans d’eau pour les leur amener. »
Plus d’un an après, alors que l’on vient de célébrer les 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits Humains et que le 18 décembre était la Journée internationale des migrants, voici ce qu’il en est au niveau local. À Quernes, la plupart des 85 personnes sont parties en Grande-Bretagne après des mois d’errance entre Paris, Quernes et la Belgique. La dizaine d’exilés qui reste (depuis plus de trois ans pour certains) essaie toujours de passer la frontière. « Les conditions de vie de ces hommes sont identiques au campement de Norrent-Fontes, hormis le fait que ce sont désormais les bénévoles qui remplissent des jerrycans d’eau pour les leur amener et qu’il n’y a plus de lieu pour les soins sur place. »
À Norrent-Fontes, d’autres personnes errent de nouveau dans la commune, depuis quelques mois déjà, tentant elles aussi le passage en Grande-Bretagne. « La mairie ayant grillagé le garage ouvert du presbytère, ces personnes n’ont aucun autre abri que l’église et les abribus du village. Elles n’ont pas la possibilité de préparer leurs repas et dépendent totalement des bénévoles de Terre d’Errance et de la solidarité des Norrent-Fontois. »
Même condition qu’il y a dix ans
Dans le Béthunois, à deux par chambre de l’hôtel Sunset de Fouquières-les-Béthune, les 40 personnes qui demandent asile et protection à la France risquent d’être renvoyées dans un autre pays « où elles n’ont aucune attache et d’où elles peuvent être expulsées dans leur pays d’origine, comme ce fut le cas pour Jahed, expulsé en Suède puis en Afghanistan. » Tout près de là, d’autres jeunes hommes qui veulent se rendre en Grande-Bretagne, expulsés il y a quelques mois du campement d’Angres, n’ont d’autre abri que des tentes de camping posées dans un bosquet « et pour l’instant le 115 (samu social) ne permet pas l’accès aux douches de l’accueil de jour. »
Selon Terre d’Errance, les conditions de vie des personnes migrantes dans le Norrent-Fontois sont les mêmes qu’il y a dix ans, c’est-à-dire bien pires qu’avant l’expulsion de septembre 2017. « Ces observations constituent une énième preuve que les destructions d’abris, qui se cachent hypocritement derrière les mots « évacuation sanitaire », ne sont rien d’autre que des tentatives de rendre ces personnes invisibles, inexistantes. Preuve aussi que les avis des tribunaux de Béthune (TGI) et de Douai (Cour d’Appel) étaient tout sauf fantaisistes. Quand est-ce que les autorités locales et préfectorales se décideront à regarder la réalité et à agir en conséquence, dans le respect des droits de toutes et tous ? », lance l’association qui continue, contre vents et marées, d’aider ces migrants et d’alerter sur leurs conditions.