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Médiacité // 5 étoiles, une expulsion aussi inexplicable qu’intolérable

« 5 étoiles » : « Une expulsion aussi inexplicable qu’intolérable »

« 5 étoiles » : « Une expulsion aussi inexplicable qu’intolérable »

Le Préfet du Nord a procédé le 4 juin à l’expulsion des 200 occupants du squat lillois surnommé ironiquement le « 5 étoiles ». Une décision prise deux jours avant un recours en justice qui a finalement accordé un sursis à l’évacuation de trois ans, ce qui scandalise les avocates Emilie Dewaele et Muriel Ruef.

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Tag sur un mur du squat 5 étoiles. Photo : Julien Pitinome

Monsieur le Préfet du Nord,

Le « 5 étoiles » a été expulsé il y a deux jours, le 4 juin, jour de l’Aïd El-Fitr. Vous savez bien que le mal nommé « 5 étoiles » n’est pas un hôtel de luxe mais le logement de fortune d’un grand nombre d’exilés, environ 200, dont beaucoup de mineurs isolés scolarisés pour certains dans des collèges et lycées de la métropole.

Le « 5 étoiles » , qui avait ouvert en octobre 2017, était également devenu un point d’ancrage, permettant l’intervention de nombreuses associations et bénévoles. De fil en aiguille, ces centaines de mètres carrés de hangars froids et inhospitaliers étaient devenus un lieu de partage et d’entraide, symbole de l’union des plus malheureux en lutte contre leur propre misère.

Il avait fallu se battre, devant les juges, pour obtenir des délais, de l’eau courante, des toilettes, le minimum vital. Tout avait été difficile mais tout avait été tenté, requête après requête, pour obtenir des conditions d’hygiène minimales et le droit de rester un peu plus longtemps dans les lieux, faute de meilleure solution.

Les combats ont été durs mais nous en avions gagnés certains. Le juge judiciaire avait donné un délai qui expirait à la fin de la trêve hivernale. Le juge administratif avait ordonné que soit organisé un accès à l’hygiène, et qu’un diagnostic social soit réalisé. Le délai expiré, les habitants avaient demandé sa prorogation en saisissant le Juge de l’exécution, ce qui est expressément prévu par les textes.

Une audience avait eu lieu le 9 mai. C’était une audience digne, parce que les très nombreux requérants étaient venus écouter, dans un silence profond, ce qu’il se disait entre robes noires de ces hangars en lutte contre le désespoir et qui constituent l’unique endroit au monde où ils peuvent se dire chez eux.

Monsieur le Préfet, vous saviez très bien que le juge avait fixé son délibéré au 6 juin. Nous l’attendions tous avec impatience. Vous saviez également que le 4 juin marquait la fin du ramadan, et que ce jour était pour de nombreux habitants du lieu un jour de fête, un rare moment de joie et de partage, juste avant le délibéré du Juge de l’exécution. Et vous avez choisi ce jour là pour réaliser l’expulsion. Cette décision est aussi inexplicable qu’intolérable.

Cette expulsion intolérable démontre un rare mépris pour l’institution judiciaire et le travail des juges

Vous n’êtes pas sans ignorer que le Juge de l’exécution du TGI de Lille a accordé, par décision du 6 juin 2019, un délai de trois ans aux habitants du « 5 étoiles » pour quitter les lieux. Sans attendre cette décision, vous avez préféré expulser deux jours plus tôt, en catimini, au petit matin, à la surprise et à la stupéfaction générale, 200 personnes vulnérables et encore endormies qui attendaient le 6 juin pour se voir fixées sur leur sort.

Vous les avez secouées, poussées dans des bus, sans leur donner le temps d’un au-revoir aux amis et aux bénévoles, sans possibilité de rassembler leurs uniques possessions, restées dans les lieux et dont on ne sait ce que vous en ferez, et sans même les informer de leur destination. Et tout ceci sous les yeux des quelques journalistes que vous avez honteusement autorisés à entrer dans les lieux en même temps que la police, pour filmer cette misère, que le droit protège pourtant au titre du respect dû à la vie privée.

Vous avez ainsi piégé des dizaines de proies faciles puisque, nous l’apprenions par la suite, cette expulsion soudaine vous permettait de remplir pas moins de trois centres de rétention, où nos clients attendent un éloignement qui se rapproche d’heure en heure.

Nous nous souviendrons longtemps de la dignité de nos clients, lors de l’audience du Juge de l’exécution, le 9 mai dernier. Ils étaient venus en nombre demander justice. Ils étaient entrés en silence dans la salle d’audience, s’étaient assis, attentifs à tout, marquant un respect évident pour l’institution judiciaire qui les a écoutés.

Cette dignité et ce respect vous ont manifestement fait défaut, ce 4 juin 2019. En ordonnant une expulsion 2 jours avant un délibéré portant précisément sur cette question, vous, représentant de l’État dans le Département, avez bafoué le principe de l’effectivité du recours en justice.

Cette expulsion intolérable démontre un rare mépris pour l’institution judiciaire et le travail des juges, ainsi qu’une profonde indifférence pour nos clients qui ont eu l’illusion de croire en l’effectivité de cette justice.

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BASTAMAG // A Calais les expulsions se poursuivent

https://www.bastamag.net/A-Calais-les-expulsions-se-poursuivent-grilles-et-barbeles-continuent-de

À Calais, « les expulsions se poursuivent, grilles et barbelés continuent de balafrer la ville »

PAR HUMAN RIGHTS OBSERVERS

En octobre 2016, la grande « Jungle » de Calais était intégralement démantelée. Cet événement a marqué un tournant dans l’histoire des migrations à Calais. Pendant des mois, ce « brouillon de ville », comme l’avait surnommé l’anthropologue Michel Agier, figurait régulièrement dans les médias accompagné d’images des échoppes, des restaurants et lieux de culte qui avaient émergé dans ces conditions de précarité extrême. Pour les autorités, il s’agissait de faire en sorte que le démantèlement de la Jungle marque un coup d’arrêt à la présence des exilés dans la ville, qui remonte à la fin des années 70.

Si le nombre d’exilés dans la région a chuté drastiquement à la suite de cet événement, Calais est resté le principal point d’entrée au Royaume-Uni. Au cours de l’hiver suivant, presque inéluctablement, les exilés y sont retournés, même si entre temps la grande Jungle est devenue une vaste étendue terne et déserte.

Campements éparpillés à travers Calais

Depuis lors, la présence des exilés à Calais est marquée par une certaine invisibilité, à l’inverse de la grande Jungle dont les images avaient fait le tour du monde. Rejetée aux marges de la ville, leur présence a été sans cesse mise au ban par l’acharnement de politiques urbaines hostiles. Se sont ainsi formés des campements éparpillés à travers les zones industrielles. Parmi ceux-ci, le camp de la rue des Verrotières était le plus important et existait depuis près de deux ans. Situé à l’est du centre-ville, ce terrain était habité par diverses communautés. En novembre dernier, le Refugee Info Bus a recensé environ 300 individus de 18 nationalités différentes, dont un grand nombre d’Iraniens, de Soudanais, d’Afghans et d’Éthiopiens. Parmi eux se trouvaient également de nombreux mineurs.

Le 9 mars, un panneau a été placé sur chacune des deux rues qui bordent le terrain des Verrotières. Une « requête aux fins d’expulsion » qui ordonne « à toute personne occupant les lieux visés de rendre libre de leurs personnes et de leurs biens ainsi que tous occupants de leur chef, les parcelles cadastrées BO 50, BT 269 et BT 272 ». Des bénévoles présents sur le terrain ont dû traduire ce texte abscon aux habitants du campement, en les informant que celui-ci allait être clôturé de façon imminente, bien que le panneau n’indiquait aucune date précise. L’avis d’expulsion indiquait que des solutions d’hébergement allaient être proposées, sans plus de précisions.

Expulsion sans ménagement

Dans les jours qui ont suivi l’affichage de la requête, certains exilés ont décidé de quitter la ville, ne serait-ce que pour quelques jours, afin de ne pas être présents lors de cette opération qui laissait présager une lourde présence des forces de l’ordre. D’autres, refusant d’être une fois de plus déplacés de leur lieu de vie, se sont organisés pour faire entendre leur voix. Certains d’entre eux ont ainsi pris part à un sit-in, en présence d’autres bénévoles et activistes basés à Calais, qui a été dispersé sans ménagement par les forces de l’ordre. Des banderoles dénonçant la situation ont fleuri autour du site, avant d’être arrachées par des agents de nettoyage.

Le 12 mars, peu avant 9h du matin, un important contingent de forces de l’ordre a soudain été déployé sur le site. Les bénévoles, militants, journalistes et autres témoins présents sur place ont vite été mis à l’écart. Le périmètre de sécurité, tenu par les gendarmes, était d’une envergure telle qu’il était difficile ne serait-ce que d’observer le déroulement de l’opération. Les forces de l’ordre se montraient également peu loquaces pour répondre à toute question du public. Les exilés sur place ont été redirigés vers des bus à destination de centres d’accueil et d’examen de la situation (CAES) de la région. Des exilés ont rapporté que ceux qui essayaient de fuir les forces de l’ordre en passant par la forêt en bordure du terrain ont parfois été rattrapés, et certains conduits en centre de rétention administrative.

Éradiquer tout « point de fixation »

Cette expulsion symbolise la politique actuellement menée à Calais, qui vise à éradiquer tout « point de fixation ». Sur place, les expulsions de campements d’exilés sont quotidiennes. Ces opérations sont distinctes, voire uniques, comparées aux expulsions de terrain que l’on peut généralement observer ailleurs sur le territoire national. Chaque matin, un convoi de véhicules se gare aux abords d’un lieu de vie. Ces lieux sont généralement des terrains vagues, des champs ou des zones plus ou moins boisées. Dans ce convoi se trouvent généralement des représentants de la préfecture, des membres de la police nationale, de la police aux frontières et un certain nombre de gendarmes (ou parfois de CRS). Une équipe de nettoyage est également présente sur place.

Lors de ces expulsions, les autorités mettent en place un périmètre de sécurité, repoussent au-delà tout membre d’association, et demandent aux habitants de déplacer leurs tentes de quelques dizaines de mètres afin de les regrouper en marge du terrain. Les exilés sont ensuite contraints d’attendre jusqu’à ce que l’opération s’achève. Par la suite, il peuvent remettre leur tente à leur emplacement initial. Pour ceux qui ne sont pas présents, parfois en raison d’une visite à l’hôpital ou bien d’une nuit au 115, leurs affaires sont souvent confisquées car considérées comme « abandonnées ».

En trois mois, 238 expulsions de campements

Chaque campement est ainsi expulsé, réoccupé, puis à nouveau expulsé, toutes les 48 heures environ. Ces opérations ne visent pas à expulser les occupants de façon permanente. C’est plutôt une manière d’exténuer les communautés d’exilés en leur imposant tous les deux jours une présence policière démesurée, avec la menace constante de perdre leurs effets personnels ou d’être placé en rétention. Cette approche remonte au mois d’août 2018 et semble inébranlable depuis. Des expulsions ont même eu lieu le jour de Noël. Entre le 1er janvier et le 26 mars 2019, nous avons recensé pas moins de 238 expulsions de campements. Lorsque nous les interrogeons sur le fondement juridique de ces opérations, les autorités présentes se gardent généralement de tout commentaire.

Ce mercredi 20 mars, un autre avis d’expulsion a été affiché rue des Huttes, à proximité d’un campement où certains exilés venaient tout juste de s’installer après avoir été expulsés du campement des Verrotières. Ce terrain sera également clôturé, le rendant inaccessible. Encore une fois, la date de l’expulsion n’est pas précisée, et les habitants se demandent que faire. Pendant ce temps, les expulsions de routine se poursuivent, et les grilles et barbelés continuent de balafrer la ville. La perspective d’un accueil humain et digne des exilés s’amenuise, mais leur présence demeure. Plus que jamais, nous rappelons le droit de toute personne se trouvant sur le territoire national au respect de leur habitat, même précaire, et demandons à ce que celui-ci soit intégralement respecté, à Calais comme ailleurs.

Texte et photos : Diego Jenowein (Human Rights Observers)

- Human Rights Observers est un collectif qui observe et documente, en lien avec les associations soutenant les migrants, les atteintes aux droits humains à Calais et Dunkerque.

Communiqués sur l’expulsion du squat 5 étoiles à Lille

Communiqué n°63 – Collectif des Olieux

Le 4 juin 2019
Une expulsion pour fêter l’Aïd
Le 5 étoiles était un lieu occupé depuis novembre 2017 par des personnes exilées, majeures et mineures ainsi que des personnes sans abri.
Depuis plusieurs mois, une procédure est en cours pour exiger qu’il n’y ait pas d’expulsion sans réelle solution d’hébergement. Alors que la décision du tribunal devait être rendue ce jeudi 6 juin, le préfet, sous l’éternel prétexte de « mise à l’abri », en a

ordonné l’expulsion deux jours avant.

Mardi 4 juin, dès 5h45, une quarantaine de fourgons de CRS débarquent. Le quartier est totalement bouclé par des flics agressifs, armés et casqués. Une dizaine de bus aux vitres teintées attendent dans la rue.
A 6h du mat’ l’ordre est donné d’attaquer . La charge est violente.

Une partie des soutiens se poste devant l’entrée, mais sont très rapidement dégagés sans ménagement.
A l’intérieur, les habitant.es et des soutiens s’organisent pour retarder l’expulsion en bloquant la grille avec les moyens du bord. Les flics gazent à tout va, scient les cadenas et forcent l’entrée. Ils en profitent pour nasser les personnes regroupées à l’intérieur et commencent le tri. D’abord les personnes venues en soutien sont injuriées, traînées, molestées, puis extirpées du lieu. Elles sont

contrôlées, prises en photos et certain.es sont emmené.es pour une garde à vue.
Ce mardi après-midi, 16 personnes sont toujours au commissariat.
Après avoir désolidarisés les soutiens des habitant.es, ces derniers décident de se lever pour partir. Les flics les repoussent violemment. La police use alors de son traditionnel discours bidon et infantilisant : « allez, asseyez vous, on va faire une belle file d’attente et on va vous donner un logement, vous sortir de la merde ».
Le triage des exilé.es commence : suivant une pratique bien huilée les personnes sont réparties dans les bus selon leur situation administrative et embarquées de force sans savoir où elles seront amenées.
Comme d’habitude, la préfecture poursuit sa logique d’invisibilisation et d’enfermement. L’expulsion avait été anticipée par le préfet en faisant de la place dans les deux CRA *de la région. Une grande partie des ancien.nes habitant.es du 5 étoiles se

retrouve aujourd’hui emprisonnée.
La préfecture, en imposant un hébergement provisoire (entre 4 jours et 1 mois de « prise en charge »), brise leur vie, leurs envies, leurs liens avec le collectif, les associations, les écoles, les voisins et les ami.es…
Jusqu’au bout le mépris sera total : personne n’est autorisé à récupérer ses affaires personnelles avant de partir.

Aux dernières nouvelles, les personnes sont réparties sur les différents sites suivants :

CAES* Croisilles, Nedonchel, CRA Coquelles, CRA Lesquin, CAO* Amiens, CAO Beauvais, Foyer pour mineurs à Armentières.

Face à l’augmentation de la répression vis à vis des personnes exilé.es comme des personnes qui se mobilisent,
PASSONS les Frontières
OCCUPONS les espaces vie-des
RÊVONS
PARTOUT CHEZ NOUS
*CAES : Centre d’accueil et d’ examen des situations

*CRA : Centre de rétention administrative
*CAO : Centre d’accueil et d’orientation

COMMUNIQUE DE LA LDH DE LILLE

L’évacuation du squat de Moulins : les faux prétextes contre la concertation

Le préfet du Nord a fait procéder aujourd’hui à l’évacuation du squat dit « 5 étoiles » de la rue de Valenciennes à Lille. Si la décision avait été prise, en effet, en juillet 2018 par le TGI de Lille, la LDH de Lille ne peut que regretter la soudaineté de l’opération en période de rupture du jeûne du Ramadan et sans que les militants associatifs puissent prendre contact avec les personnes avec lesquelles ils étaient en relation pour constituer un dossier de régularisation. Ce qui est le cas de plusieurs associations dont la Ligue des droits de l’Homme de Lille.

La LDH de Lille ne peut que constater, regretter et condamner qu’une fois de plus, l’utilisation de la force publique de répression a prévalu sur la concertation et sur la construction de parcours individuels d’insertion par l’actualisation des dossiers de ces réfugiés. Et que l’aspect sanitaire et le constat des conditions de vie indigne de ces migrants – au demeurant réels – ne soient évoqués que pour permettre et justifier une évacuation soudaine et sans nulle perspective pour les intéressés.

De même, la LDH condamne le fait que les habitants du squat aient été orientés sans concertation vers des destinations inconnues : Coquelles ? Lesquin ? centres d’hébergements ? Elle demande donc à la Préfecture des informations sur le sort individuel et collectif qui a été donné et qui sera donné aux 200 étrangers évacués aujourd’hui afin qu’elle puisse renouer les contacts.

Gérard Minet

Secrétaire de la LDH de Lille

Communiqué de presse // Evacuation illégale, le Préfet du Nord condamné

Communiqué de presse – le 12 mars 2019

Fondation Abbé Pierre, Le Gisti, La Cimade Nord Picardie, Médecins du Monde,

Salam Nord/Pas-de-Calais, Ligue des Droits de l’Homme

 

Evacuation illégale à Grande-Synthe, le préfet du Nord condamné

Le tribunal administratif de Lille vient de confirmer l’illégalité de l’évacuation menée par le préfet du Nord à Grande-Synthe (59) le 19 septembre 2017.

600 personnes, alors présentes sur la commune, avaient été expulsées de leurs lieux de vie par les forces de l’ordre et contraintes de monter dans les bus spécialement affrétés pour les acheminer vers des Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO).

Confirmant les arguments soulevés par nos associations, le tribunal administratif considère que cette opération ne pouvait être qualifiée de mise à l’abri. Les juges affirment que l’évacuation s’est faite en dehors de toute base légale et reprochent par conséquent au Préfet d’avoir eu recours à la force publique. Ils annulent également l’arrêté pris sur la base de l’Etat d’urgence*.

Alors qu’une cinquantaine d’expulsions de terrain ont à nouveau eu lieu à Grande-Synthe depuis mai 2018, cette décision vient dénoncer la politique menée par l’Etat sur le littoral du Nord. Cette politique, visant à lutter contre ce que les pouvoirs publics appellent les « points de fixation », est, en plus d’être coûteuse, inefficace et inhumaine, menée ici de manière illégale. Ce territoire, quelles que soient les difficultés qu’il traverse, n’est pas une zone de non-droits.

Ces opérations d’évacuation ne protègent pas les personnes. Elles renforcent leur vulnérabilité et leur précarité, et contribuent en réalité à la création de nouveaux lieux de vie.

Nous demandons à nouveau que des solutions d’hébergement adaptées et durables soient proposées à Grande-Synthe et sur le littoral dunkerquois et que les personnes puissent accéder à leurs droits fondamentaux, en application de la loi et des préconisations du Défenseur des Droits**. Tant que de telles propositions ne sont pas faites et expressément acceptées par les intéréssé·e·s, toute opération d’expulsion doit être proscrite, en respect de la circulaire du 25 janvier 2018***.

Signataires : Fondation Abbé Pierre, Le Gisti, La Cimade Nord Picardie, Médecins du Monde, Salam Nord/Pas-de-Calais, Ligue des Droits de l’Homme (associations requérantes ou intervenantes volontaires)

 

Contacts presse :

Anne Lambert de Cursay (Fondation Abbé Pierre) : 01.55.56.37.45

Camille Boittiaux (La Cimade Nord Picardie) : 06.71.48.32.11

*Supprimé depuis sous cette forme et remplacé en partie par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

***Rapport Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais – décembre 2018

***Instruction du Gouvernement du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles

Voix du Nord // Le camp du chemin de Pont trouille démantelé mais.. aucun grillage en vue

Ce mardi matin, une opération de démantèlement a eu lieu chemin du Pont-Trouille. Deux camions de CRS se sont stationnés dans la rue et les effectifs de police ont alors demandé aux migrants, principalement des Afghans, des Iraniens, Érythréens et Soudanais, de quitter les lieux. Tout s’est passé dans le calme. Une situation qui se répète « tous les deux jours » depuis plusieurs mois. Après l’évacuation, les réfugiés se sont rendus rue des Huttes où sont distribués des repas par la Vie Active, mandatée par l’État, laissant un terrain, chemin du Pont-Trouille, désert, et jonché de détritus. Une scène de désolation qui montre les conditions dans lesquelles vivent les exilés.

Un peu de retard

Après le démantélement, les migrants ont réinvesti les lieux. Photo Johan Ben AzzouzAprès le démantélement, les migrants ont réinvesti les lieux. Photo Johan Ben Azzouz – VDNPQR

Enedis, l’un des propriétaires du terrain, avec l’agglomération Grand Calais Terres et Mers et la municipalité, avait annoncé la mise en place dès ce mardi de clôtures autour de la zone pour empêcher les migrants de s’y installer, à proximité d’un transformateur électrique, jugé potentiellement dangereux. Ce mardi matin, rien ne présageait une telle opération. Selon nos informations, les travaux, d’une durée de trois semaines, devraient commencer avec un peu de retard.

« Ils veulent jouer, on va jouer »

Cette zone jonchée de déchets, de vêtements a rapidement été réinvestie par les exilés. Plusieurs d’entre eux se sont empressés de réinstaller leurs tentes, de faire sécher leurs couvertures, mouillées après la nuit, et de se mettre autour d’un feu. L’un d’eux, Pakistanais, a bien été informé de la mise en place prochaine de grilles autour du terrain et pour lui, « ça ne va rien changer. On ira ailleurs. On n’a rien à perdre, ce n’est pas quelques grilles qui vont nous décourager. Les forces de l’ordre veulent jouer, nous allons jouer ». Un jeu du chat et de la souris ressenti par lui et les autres réfugiés autour comme « un fait insignifiant » comparé à la situation qu’il vit à Calais depuis son arrivée, il y a trois ans.

condamnations pénales et OQFT suite à l’entrée dans le port

Calais La vidéo édifiante de l’intrusion des migrants sur le ferry DFDS

Samedi soir, une centaine de migrants se sont introduits en force dans l’enceinte du port de Calais. 63 ont réussi à monter dans un ferry. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on peut voir l’assaut des migrants à l’intérieur du ferry de la DFDS, le Calais-Seaways, qui arrivait en provenance de Douvres, vers 21 h 15.

On découvre l’intrusion des migrants au poste 6 (le bateau a ensuite été déplacé au poste 9, plus près du terminal) via les passerelles desquelles ils sautent dans le navire, par la proue. La video montre également des migrants en train d’escalader le bateau et l’on devine qu’un employé de la compagnie tente de les repousser grâce à une lance incendie.

Le port n’avait plus connu ce type d’événement depuis le 24 janvier 2016. Avant d’arriver au bateau, les migrants sont passés par l’accès au parking aérien, en escaladant des grilles. « La sécurité au port a été renforcée, tout est contrôlé, mais il restait une faille… Les migrants n’ont pas pu réaliser ça sans préparation, sans information extérieure », explique Jean-Marc Puissesseau, président de la société d’exploitation des ports du Détroit.

17 migrants sur la cheminée du ferry

Entre 22 h et 2 h, dans la nuit de samedi à dimanche, les forces de l’ordre ont évacué 46 migrants (les autres s’étaient enfuis avant de pouvoir atteindre le navire). Ils ont été placés en garde à vue dans les locaux de la police aux frontières. Trois blessés ont été recensés : deux migrants qui avaient sauté à l’eau et un marin, après une altercation avec des clandestins. Mais 17 migrants, de différentes nationalités (Irakien, Iraniens, Érythréens,…) s’étaient hissés dans la cheminée du ferry.

Ne pouvant pas intervenir de nuit en raison des conditions météorologiques et de l’obscurité, le sous-préfet Michel Tournaire avait décidé de mettre en place une opération dimanche matin. Une équipe du GRIMP (groupement d’intervention en milieu périlleux) a escaladé la cheminée puis les forces de l’ordre ont fait descendre les migrants. Leur état de santé ne nécessitant pas d’hospitalisation, ils ont, eux aussi, été placés en garde à vue.

https://actu.orange.fr/france/intrusion-de-migrants-dans-le-port-de-calais-quatre-mois-ferme-pour-le-meneur-CNT000001dso2w.html

Intrusion de migrants dans le port de Calais: quatre mois ferme pour le « meneur »

Des secouristes du Grimp (groupe de reconnaissance et d’intervention en milieux périlleux) ont dû intervenir le 3 mars 2019 pour faire descendre des migrants réfugiés en haut de la cheminée d’un ferry à Calais

Un migrant, considéré comme le « meneur » des réfugiés montés samedi soir à Calais à bord d’un ferry dont ils avaient ensuite escaladé la cheminée, a été condamné lundi à quatre mois de prison ferme par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) et incarcéré.

Jugé en comparution immédiate, cet homme de 36 ans, originaire du Mali, était poursuivi pour « embarquement frauduleux à bord d’un navire », « introduction non-autorisée dans une zone d’accès restreint » ainsi que « refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques », ayant refusé que la police relève ses empreintes digitales pendant sa garde à vue.

Cet homme « a préconisé au groupe de sauter par la balustrade de la cheminée du ferry », a affirmé la procureure, qui a insisté sur la « dangerosité » de son acte. Le parquet avait requis la même peine.

Le migrant, à Calais depuis quelques mois, a lui nié avoir été un « meneur », affirmant avoir simplement « suivi le groupe ».

Samedi soir, une centaine de migrants voulant rejoindre le Royaume-Uni ont fait une incursion dans le port de Calais, une opération inédite par son ampleur qui a conduit à 63 interpellations.

Une cinquantaine d’entre eux ont réussi à grimper à bord d’un ferry de la compagnie DFDS en provenance d’Angleterre, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre et des secours toute la nuit et la matinée de dimanche.

Dimanche matin, un groupe de migrants se trouvait toujours à bord, perché en haut de la cheminée, à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Ils sont finalement descendus grâce à l’aide des sapeurs-pompiers.

Sur les 63 interpellés, 30 « ont fait l’objet d’une mesure administrative concrétisée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) », avec « placement en centre de rétention administrative pour la moitié d’entre eux », a indiqué la préfecture du Pas-de-Calais.

En outre, 28 migrants doivent être jugés en mai.

Dans un communiqué à l’AFP, la direction de DFDS a justifié lundi l’usage d’une lance à incendie pour tenter d’empêcher les migrants d’accéder au navire, comme le montre une vidéo sur le site de La Voix du Nord. « Face à une situation qu’ils ont jugée +menaçante+ pour leur intégrité physique et celle des passagers, l’équipage a suivi la procédure et les instructions habituelles relatives aux situations d’abordage », mais « le commandant de bord et l’équipage ont rapidement jugé que la méthode utilisée était inefficace et risquée et ont décidé de laisser les personnes monter à bord du navire ».

« Je suis étonné de ce comportement, étonné qu’on en arrive là », a réagi sur ce sujet auprès de l’AFP Christian Salomé, de l’Auberge des migrants, jugeant que les migrants « sont poussés à quitter Calais par l’Etat. »

L’humanité // L’appel au secours des étrangers en rétention

https://www.humanite.fr/immigration-lappel-au-secours-des-etrangers-en-retention-668424?fbclid=IwAR2MLM2CTW-7PJTrjgdB_iuQZDZ7RAkq_X8OXBL-l6iLPbRZBJIL6JUVcHI

Immigration. L’appel au secours des étrangers en rétention

Vendredi, 22 Février, 2019Emilien Urbach

« Trois suicides en une semaine ! » C’est le SOS lancé par un Marocain depuis le centre de Coquelles. Un rapport dénonce l’absence d’accès aux soins des étrangers retenus.

C’est un véritable appel au secours, lancé de derrière les barbelés du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles (Pas-de-Calais), qu’a reçu, mardi soir, Laurent Caffier, militant solidaire des exilés dans le Calaisis. « Y a un Érythréen qui s’est suicidé. On ne sait pas s’il est mort ou non. C’est la troisième fois cette semaine. S’il vous plaît ! C’est un SOS ! » entend-on sur l’enregistrement audio qu’il a immédiatement fait parvenir à l’Humanité. « Il faut nous aider ! » lance une autre voix derrière celle du premier témoin.

Joint, mercredi, par téléphone, ce dernier se présente sous le prénom d’Ahmad, un immigré marocain enfermé depuis vingt-quatre jours. Il dit avoir été interpellé lors d’un contrôle d’identité. Sa situation administrative aurait basculé à la suite de son divorce d’avec sa femme française, il y a quelques années. Une véritable descente aux enfers. « J’avais une maison, un travail en CDI, raconte l’homme. À la suite de cette séparation, j’ai tout perdu. » Le voilà aujourd’hui passible d’expulsion vers un pays où il n’a plus aucune attache et retenu entre les murs de ce CRA, témoin abasourdi du sort réservé à ses semblables. « On n’a rien fait de mal ! clame-t-il. On est enfermés comme dans une prison. Mal logés, mal nourris, sans suivi médical. C’est grave ! »

Ahmad a tenté de dénoncer ce à quoi il assiste au sein du CRA en adressant un courrier à la Ligue des droits de l’homme. L’envoi lui a été refusé. Il nous a fait parvenir une photo du courrier. « Je vous informe d’une tentative de suicide, hier soir, à 8 h 30, à cause de la maltraitance au centre et des comportements abusifs envers des personnes qui n’ont commis aucune infraction pénale, peut-on lire dans cette lettre. J’estime que tout ce qui se passe ici est contraire à mes droits. »

« Je préférerais être en prison »

Ce mercredi matin, un autre retenu se présentant comme Farouk se saisit du téléphone d’Ahmad. « Je suis enfermé depuis quinze jours, indique l’homme d’origine algérienne. Ils m’ont emmené ici en pyjama et sans mes lunettes. Je n’ai aucun habit. J’ai assisté à plusieurs tentatives de suicide. Un homme a bu une bouteille de shampoing devant moi, hier, à la douche. Moi-même, j’ai des pensées suicidaires. On nous dit qu’on peut rester enfermés ici trois mois. J’ai une femme, une maison, ma mère vit en France. Je ne comprends pas ce que je fais ici. Je préférerais être en prison. Au moins, là-bas, tu sais quand tu sors. »

Que se passe-t-il derrière les murs de cette prison pour étrangers ? « Je n’ai pas le droit de vous répondre, indique l’infirmière présente mercredi au CRA. Contactez le chef de poste. » L’officier de la police aux frontières nous invite, pour sa part, à contacter sa hiérarchie : « Je ne peux pas vous donner les informations que vous demandez. » Le centre d’information et de commandement nous renvoie, à son tour, vers la préfecture. « Nous ne savons pas si nous pourrons répondre dans les délais, indique une dame au téléphone. Il faut que les informations que nous vous donnons soient validées par mes supérieurs. »

L’omerta sur les conditions dans lesquelles vivent Ahmad et Farouk et les drames auxquels ils disent avoir été confrontés est totale. Même chez France Terre d’asile (FTA), organisme chargé de l’accompagnement des retenus au sein du CRA de Coquelles, rien ne filtre. « Il faut contacter Paris », nous indique une des personnes de l’association présente sur place. « Le porte-parole de FTA ne souhaite pas commenter vos informations », nous répond le service de communication de la structure. La personne au bout du fil confirme toutefois avoir été informée de trois tentatives de suicide depuis dimanche. Elle s’autorise également à pointer l’absence d’accompagnement psychologique au sein des CRA et le facteur aggravant de la détresse psychique que constitue l’allongement de la durée de rétention, adopté par le législateur au début du mois d’août 2018.

Absence de psychologue

Des affirmations que confirme la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui a publié jeudi, au Journal Officiel, un nouvel avis relatif à la prise en charge sanitaire des personnes étrangères au sein des centres de rétention administrative. « Lors de la création des CRA en 1981, la durée d’enfermement ne pouvait dépasser 7 jours, rappelle l’ex-présidente du Syndicat de la magistrature. L’allongement de cette période, jusqu’à 90 jours aujourd’hui, rend de plus en plus vulnérables des personnes déjà fragilisées par une grande précarité du fait de leur situation administrative. »

Après avoir visité une soixantaine de CRA, Adeline Hazan dénonce l’absence de psychologue, de psychiatre et de garantie d’accès aux soins à l’entrée dans les centres et durant la période de rétention. « Dans un cas, nous avons même vu un policier chargé de filtrer les demandes de prise en charge médicale des retenus », assure-t-elle. Les étrangers enfermés dans les CRA « ne sont pas des délinquants, mais on les retient dans des lieux très carcéraux, dans lesquels l’hygiène et le confort sont inacceptables », pointe encore Adeline Hazan. Et d’ajouter à l’annonce des trois tentatives de suicide vraisemblablement survenues à Coquelles, cette semaine : « Les récentes grèves de la faim étaient déjà des actes de désespoir. »

Le cri de détresse lancé par Ahmad et Farouk pourrait bien n’être qu’une petite partie, rendue audible par l’attention de quelques militants solidaires, d’un grondement bien plus profond de tous ceux qu’on enferme pour n’être pas nés du bon côté de la frontière.

Émilien Urbach

Médiapart // Un rapport révèle combien les souffrances des migrants sont « minimisées » en rétention

http://www.mediapart.fr/journal/france/210219/un-rapport-revele-combien-les-souffrances-des-migrants-sont-minimisees-en-retention?utm_source=global&utm_medium=social&utm_campaign=SharingApp&xtor=CS3-5

FRANCE – NOTE DE VEILLE
Un rapport révèle combien les souffrances des migrants sont «minimisées» en rétention
21 FÉVRIER 2019 | PAR MATHILDE MATHIEU

Alors que des migrants se suicident en rétention, un rapport pointe l’insuffisance des soins dans ces lieux d’enfermement. Il faut « redéfinir les missions » des médecins, leurs moyens, et prévoir enfin des psychiatres, affirme Adeline Hazan, contrôleuse des lieux de privation de liberté, dans un avis publié jeudi 21 février.

Qu’on se le dise : les ministres de l’intérieur et de la santé ne resteront pas les bras ballants face au rapport alarmant publié, jeudi 21 février, par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (la magistrate Adeline Hazan), qui pointe des trous béants dans l’accès aux soins pour les étrangers en centres de rétention administrative (CRA), enfermés en vue de leur expulsion.

Dans une réponse écrite, Christophe Castaner a annoncé qu’un « groupe de travail interministériel », d’ores et déjà en place, allait désormais accélérer, histoire « de faire aboutir rapidement ces travaux ». En réalité, ce « groupe de travail » existe depuis bientôt sept ans, loin des priorités de la place Beauvau.

Or il y a désormais urgence. Depuis janvier, en  application de la loi « asile et immigration » de Gérard Collomb, la durée maximale de rétention est passée de 45 à 90 jours, soit un doublement de l’enfermement autorisé. Avec un risque dédoublé que des étrangers porteurs de maladies infectieuses ne contaminent policiers ou coretenus, qu’ils ne s’automutilent ou se suicident en cas de pathologies psychiatriques, ou que leur droit fondamental « à la protection de [leur] santé » ne soit tout simplement – mais silencieusement – bafoué.

Après une soixantaine de visites, Adeline Hazan et ses équipes, dotées du statut d’autorité indépendante, affirment aujourd’hui que cet allongement de la rétention légale (supposé faciliter l’obtention des laissez-passer consulaires indispensables à tout renvoi dans les pays d’origine) « impose de redéfinir les missions dévolues » au personnel médical des CRA, et de réviser tant les textes que les pratiques. Voici leur diagnostic.

Présence insuffisante des médecins. Dans ces 27 centres d’allure souvent carcérale, où sont passées 43 000 personnes en 2018 (y compris des enfants), les soins sont bien sûr gratuits, puisque « le suivi médical des étrangers malades est primordial non seulement pour […]l’individu mais pour la protection de la collectivité », rappelle Adeline Hazan.

Chacun dispose ainsi d’une « unité médicale », dont le fonctionnement est fixé par convention entre la préfecture et un hôpital public local, avec un temps de présence du personnel (médecins, infirmiers, pharmaciens) corrélé à la taille du centre (selon trois catégories grossières : moins de 50 lits, entre 50 et 100, plus de 100). Pour 2019, le budget s’élève à quelque 16 millions d’euros (en hausse de 2 millions).

« Les effectifs et le temps de présence réelle des médecins au sein de leur unité respectent rarement la convention », révèle cependant Adeline Hazan, jugeant que les étrangers, dans certains endroits, « ne bénéficient pas d’une qualité de prise en charge sanitaire suffisante ». D’autant que les conventions omettent de s’adapter au taux d’occupation réel des centres.

Or celui-ci a explosé sous l’impulsion de Gérard Collomb, traumatisé par l’attentat de la gare de Marseille perpétré à l’automne 2017 par un Tunisien interpellé sans papiers quelques jours plus tôt et laissé libre (sans que la préfecture n’ait ordonné un placement en rétention, ni même signé une obligation de quitter le territoire). Mis sous pression, les préfets ont fait grimper le taux d’occupation des CRA à 79 % au premier semestre 2018 (contre 68 % sur l’année 2017).

Résultat : des « unités médicales » sous-dimensionnées. Et une « réflexion » à mener sur les « conditions [de leur] financement approprié et pérenne », alerte Adeline Hazan.

Aucun dépistage systématique. Concrètement, elle estime que « chaque personne [devrait] être reçue à l’unité médicale à son arrivée », sans avoir à réclamer, afin d’éviter l’organisation indigne constatée dans l’un des CRA, où « ce sont les policiers qui sélectionnaient les demandes de consultations », avec des critères a priori peu respectueux du Vidal.

« Dans une optique de santé publique, il faudrait aussi […] envisager le recours à des spécialistes », glisse-t-elle, et « proposer systématiquement un dépistage des maladies sexuellement transmissibles », ainsi que de la tuberculose, « pathologie contagieuse très fréquente au sein des populations de migrants »– sachant que l’administration se retrouve à libérer ses retenus dans la majorité des cas, faute de laissez-passer des consulats.

Au passage, pour aider les médecins à communiquer, l’avis préconise le recours à des interprètes plutôt qu’à « des expédients (pictogrammes, sites de traduction en ligne, pantomimes, etc.), voire à des coretenus ou des fonctionnaires de police parlant la langue du patient », à rebours du « secret médical ». En creux, sacré tableau.

Les alertes n’ont d’ailleurs pas manqué, ces derniers mois, de la part d’associations (dénonçant une situation « explosive ») ou de syndicats policiers (parlant de « Cocotte-Minute »), avec deux suicides au moins répertoriés (dont un Algérien pendu à Toulouse), un Géorgien malade qui s’est cousu la bouche à Rennes, et une grève de la faim initiée en janvier par une centaine de sans-papiers dans les CRA de région parisienne.

Souffrances « psy » minimisées. Alors que les troubles psychiques (syndromes psychotraumatiques, dépressions, angoisses, etc.) sont « surreprésentés » chez les migrants (et pas seulement ceux passés par la Libye), potentiellement réactivés par la rétention, « il est fréquent d’entendre des [soignants et policiers] minimiser et banaliser [ces troubles], perçus comme un moyen de faire échec à l’éloignement (“Ils font cela pour ne pas prendre l’avion”), regrette Adeline Hazan. Ainsi la demande de soins psychiatriques se heurte-t-elle à un soupçon d’instrumentalisation. »

D’autant que « les unités médicales ne disposent pas de postes de psychiatre ou de psychologue » (à l’exception du CRA du Mesnil-Amelot, en région parisienne) et que les conventions sont rares à prévoir l’accès à ce type de soins à l’extérieur – en cas d’urgence, on se contente d’appeler le 15… Pour l’autorité indépendante, il faut « organiser, au sein des CRA, le recours à une équipe soignante dédiée ».

Dans sa réponse écrite, Christophe Castaner concède l’instauration de consultations, mais pas de médecins, plutôt de psychologues. Des chefs de centre l’ont en effet réclamée « suite à l’augmentation de la durée de rétention », glisse le ministre, qui a donc chargé la police aux frontières « d’établir une expression des besoins CRA par CRA ».

Des mises à l’écart injustifiées. Il existe des chambres dites de « mise à l’écart », utilisées pour raison sanitaire (comme en cas de trouble à l’ordre public), « dépourvues de tout mobilier à l’exception d’une banquette en béton recouverte d’un matelas ou d’un lit en métal et d’un bloc sanitaire », en général sans « lumière naturelle », avec interdiction de sortie. Si la CGLPL n’est pas choquée par l’usage court fait dans certains centres, elle estime que l’isolement prolongé « peut conduire à une dégradation de l’état » de la personne, voire constituer « un traitement inhumain et dégradant ».

« Il n’est pas acceptable, comme cela a pu être constaté à plusieurs reprises, que des personnes soient enfermées […] au motif qu’elles souffrent de troubles psychologiques ou psychiatriques », dénonce le rapport de contrôle. En livrant un exemple : « Un médecin enfreint les règles de déontologie lorsqu’il prescrit, s’agissant d’une personne retenue ayant des antécédents psychiatriques avérés, “sa mise en chambre sous surveillance vidéo constante jusqu’à son départ du centre” – en l’occurrence pendant dix jours. »Pas admissible non plus : le menottage au lit.

« L’étranger mis à l’écart doit pouvoir bénéficier de visites régulières du personnel médical », insiste Adeline Hazan. La durée d’isolement légitime ? Celle « strictement nécessaire à la mise en place d’un traitement de la contagion ou à l’organisation d’une hospitalisation » en bonne et due forme. C’est-à-dire une hospitalisation accompagnée d’une levée « immédiate de la mesure de rétention », puisque l’étranger se retrouve « dans l’impossibilité d’exercer ses droits ». Or dans bien des cas, le délai de 90 jours continue à tourner…

Des hospitalisations hors des clous ? En France, un « tiers » peut organiser une hospitalisation en psychiatrie sans consentement du malade, à condition d’être un membre de la famille ou d’avoir « un intérêt à agir » – sinon la loi exige la signature du préfet, ou l’existence d’« un péril imminent ». « Il n’est pas acceptable, comme cela a pu être constaté par la CGPLP dans une note de service en vigueur au sein d’un CRA, d’envisager […] la procédure d’hospitalisation à la demande du chef de centre faisant office de tiers demandeur : ce dernier ne saurait en effet être regardé comme susceptible d’agir dans l’intérêt du malade », fustige Adeline Hazan.

Elle rappelle, enfin, que tous les médecins de CRA peuvent rédiger un « avis d’incompatibilité » entre l’état de « vulnérabilité » d’un malade et la rétention – les autorités sont ensuite libres de suivre cet avis ou non. Ainsi, « pour une même pathologie », les pratiques varient du tout au tout : « Une personne insulino-dépendante, malade mentale, non voyante, à mobilité réduite, atteinte de tuberculose, d’hépatite ou du VIH sera libérée ou non selon le CRA dans lequel elle a été placée », résume Adeline Hazan. En rappelant les médecins à leur « devoir » déontologique, d’abord « de s’interroger », puis « de rédiger un certificat d’incompatibilité » le cas échéant.

De même, ils doivent fournir un certificat médical aux personnes qui lancent, depuis un CRA, une demande de titre de séjour en tant qu’« étranger malade » (au motif qu’ils ne pourront accéder à un traitement approprié dans leur pays d’origine). Or dans certaines unités médicales, on ne trouve pas trace du moindre certificat. Et d’autres indiquent « qu’elles ont reçu des consignes [de restriction] s’agissant de certaines pathologies et de certaines catégories de personnes, en particulier les demandeurs d’asile en procédure “Dublin”[déjà enregistrés dans un autre pays de l’UE responsable de leur dossier, vers lequel la France peut donc les transférer – ndlr] ».

Les conclusions du groupe de travail interministériel sont désormais attendues « au cours du premier semestre 2019 ». En tout cas, les ministères « s’accordent sur l’importance de [le] faire aboutir » à courte échéance.

L’Humanité // L’appel au secours des étrangers en rétention

https://www.humanite.fr/immigration-lappel-au-secours-des-etrangers-en-retention-668424?fbclid=IwAR2MLM2CTW-7PJTrjgdB_iuQZDZ7RAkq_X8OXBL-l6iLPbRZBJIL6JUVcHI

Immigration. L’appel au secours des étrangers en rétention

Vendredi, 22 Février, 2019Emilien Urbach

« Trois suicides en une semaine ! » C’est le SOS lancé par un Marocain depuis le centre de Coquelles. Un rapport dénonce l’absence d’accès aux soins des étrangers retenus.

C’est un véritable appel au secours, lancé de derrière les barbelés du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles (Pas-de-Calais), qu’a reçu, mardi soir, Laurent Caffier, militant solidaire des exilés dans le Calaisis. « Y a un Érythréen qui s’est suicidé. On ne sait pas s’il est mort ou non. C’est la troisième fois cette semaine. S’il vous plaît ! C’est un SOS ! » entend-on sur l’enregistrement audio qu’il a immédiatement fait parvenir à l’Humanité. « Il faut nous aider ! » lance une autre voix derrière celle du premier témoin.

Joint, mercredi, par téléphone, ce dernier se présente sous le prénom d’Ahmad, un immigré marocain enfermé depuis vingt-quatre jours. Il dit avoir été interpellé lors d’un contrôle d’identité. Sa situation administrative aurait basculé à la suite de son divorce d’avec sa femme française, il y a quelques années. Une véritable descente aux enfers. « J’avais une maison, un travail en CDI, raconte l’homme. À la suite de cette séparation, j’ai tout perdu. » Le voilà aujourd’hui passible d’expulsion vers un pays où il n’a plus aucune attache et retenu entre les murs de ce CRA, témoin abasourdi du sort réservé à ses semblables. « On n’a rien fait de mal ! clame-t-il. On est enfermés comme dans une prison. Mal logés, mal nourris, sans suivi médical. C’est grave ! »

Ahmad a tenté de dénoncer ce à quoi il assiste au sein du CRA en adressant un courrier à la Ligue des droits de l’homme. L’envoi lui a été refusé. Il nous a fait parvenir une photo du courrier. « Je vous informe d’une tentative de suicide, hier soir, à 8 h 30, à cause de la maltraitance au centre et des comportements abusifs envers des personnes qui n’ont commis aucune infraction pénale, peut-on lire dans cette lettre. J’estime que tout ce qui se passe ici est contraire à mes droits. »

« Je préférerais être en prison »

Ce mercredi matin, un autre retenu se présentant comme Farouk se saisit du téléphone d’Ahmad. « Je suis enfermé depuis quinze jours, indique l’homme d’origine algérienne. Ils m’ont emmené ici en pyjama et sans mes lunettes. Je n’ai aucun habit. J’ai assisté à plusieurs tentatives de suicide. Un homme a bu une bouteille de shampoing devant moi, hier, à la douche. Moi-même, j’ai des pensées suicidaires. On nous dit qu’on peut rester enfermés ici trois mois. J’ai une femme, une maison, ma mère vit en France. Je ne comprends pas ce que je fais ici. Je préférerais être en prison. Au moins, là-bas, tu sais quand tu sors. »

Que se passe-t-il derrière les murs de cette prison pour étrangers ? « Je n’ai pas le droit de vous répondre, indique l’infirmière présente mercredi au CRA. Contactez le chef de poste. » L’officier de la police aux frontières nous invite, pour sa part, à contacter sa hiérarchie : « Je ne peux pas vous donner les informations que vous demandez. » Le centre d’information et de commandement nous renvoie, à son tour, vers la préfecture. « Nous ne savons pas si nous pourrons répondre dans les délais, indique une dame au téléphone. Il faut que les informations que nous vous donnons soient validées par mes supérieurs. »

L’omerta sur les conditions dans lesquelles vivent Ahmad et Farouk et les drames auxquels ils disent avoir été confrontés est totale. Même chez France Terre d’asile (FTA), organisme chargé de l’accompagnement des retenus au sein du CRA de Coquelles, rien ne filtre. « Il faut contacter Paris », nous indique une des personnes de l’association présente sur place. « Le porte-parole de FTA ne souhaite pas commenter vos informations », nous répond le service de communication de la structure. La personne au bout du fil confirme toutefois avoir été informée de trois tentatives de suicide depuis dimanche. Elle s’autorise également à pointer l’absence d’accompagnement psychologique au sein des CRA et le facteur aggravant de la détresse psychique que constitue l’allongement de la durée de rétention, adopté par le législateur au début du mois d’août 2018.

Absence de psychologue

Des affirmations que confirme la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui a publié jeudi, au Journal Officiel, un nouvel avis relatif à la prise en charge sanitaire des personnes étrangères au sein des centres de rétention administrative. « Lors de la création des CRA en 1981, la durée d’enfermement ne pouvait dépasser 7 jours, rappelle l’ex-présidente du Syndicat de la magistrature. L’allongement de cette période, jusqu’à 90 jours aujourd’hui, rend de plus en plus vulnérables des personnes déjà fragilisées par une grande précarité du fait de leur situation administrative. »

Après avoir visité une soixantaine de CRA, Adeline Hazan dénonce l’absence de psychologue, de psychiatre et de garantie d’accès aux soins à l’entrée dans les centres et durant la période de rétention. « Dans un cas, nous avons même vu un policier chargé de filtrer les demandes de prise en charge médicale des retenus », assure-t-elle. Les étrangers enfermés dans les CRA « ne sont pas des délinquants, mais on les retient dans des lieux très carcéraux, dans lesquels l’hygiène et le confort sont inacceptables », pointe encore Adeline Hazan. Et d’ajouter à l’annonce des trois tentatives de suicide vraisemblablement survenues à Coquelles, cette semaine : « Les récentes grèves de la faim étaient déjà des actes de désespoir. »

Le cri de détresse lancé par Ahmad et Farouk pourrait bien n’être qu’une petite partie, rendue audible par l’attention de quelques militants solidaires, d’un grondement bien plus profond de tous ceux qu’on enferme pour n’être pas nés du bon côté de la frontière.

Émilien Urbach

Grande Synthe: des associations d’aide aux migrants attaquent l’état pour contester une expulsion au puythouck

http://www.lavoixdunord.fr/534014/article/2019-02-07/des-associations-d-aide-aux-migrants-attaquent-l-etat-pour-contester-une

Grande-Synthe Des associations d’aide aux migrants attaquent l’État pour contester une expulsion au Puythouck

Le 19 septembre, l’état d’urgence avait été invoqué pour justifier la mise à l’abri de 600 migrants installés au Puythouck. Photo Marc Demeure

Le 19 septembre, l’état d’urgence avait été invoqué pour justifier la mise à l’abri de 600 migrants installés au Puythouck. Photo Marc Demeure – VDNPQR

Ce jeudi, devant le tribunal administratif de Lille, plusieurs associations d’aide aux migrants comptent contester le fondement légal d’un ordre d‘évacuation de la jungle du PuythouckLe 19 septembre 2017, près de 400 migrants étaient priés de quitter les lieux, encadrés par les forces de l’ordre.Des bus avaient été affrétés pour les héberger dans des centres d’accueil et d’orientation.

Une opération devenue presque de routine, puisqu’en 2018 , plus d’une quarantaine d’évacuations de ce type ont été ordonnées. Sauf que ce 19 septembre, la préfecture du Nord s’est appuyée sur un article de l’état d’urgence, alors en vigueur à l’époque après les attentats, pour justifier la légalité de cet ordre d’expulsion.

« Il n’y avait pas de risque terroriste et cette opération ne rentre pas dans les critères de l’état d’urgence. »

Selon les associations humanitaires, il s’agit d’un « détournement des mesures de l’état d’urgence à des fins de gestion de questions migratoires. Il n’y avait pas de risque terroriste et cette opération ne rentre pas dans les critères de l’état d’urgence. Le concours de la force publique, par ricochet, a été fait dans l’illégalité », croit savoir Marie Rotane, juriste à la Fondation Abbé-Pierre.

Une action symbolique

Ce sont ces arguments qui seront exposés devant la juridiction administrative, opposant les associatifs à l’État. Une action de principe à la portée symbolique. Si les plaignants obtenaient gain de cause, ils obtiendraient l’annulation de l’arrêté du préfet du 13 septembre 2017 et des euros symboliques pour les sept associations engagées dans cette procédure. L’évacuation ayant déjà eu lieu, il ne peut y avoir de retour en arrière.

« À travers cette action, il s’agit aussi de dénoncer publiquement des évacuations de campement coûteuses, inadaptées, inefficaces et inhumaines », insiste la Fondation Abbé-Pierre. De son côté, la préfecture a toujours soutenu qu’il était plus « humain » d’inciter les migrants à rejoindre des structures d’accueil adaptées, plutôt que de les laisser prospérer dans des « bidonvilles ».

Le jugement du tribunal administratif ne sera pas rendu avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.