Les « 6 héros » sont acquittés . Une victoire pour la solidarité. #jenelabouclepas
Bonne nouvelle // Communiqué de presse sur l’acquittement des 6 héros
Les « 6 héros » sont acquittés . Une victoire pour la solidarité. #jenelabouclepas
Abdulah avait 15 ans. Il est mort sur la rocade portuaire, percuté. Un drame de plus, le troisième en 2017. Au cours de l’année 2016, quatorze migrants avaient perdu la vie dans le Calaisis, neuf d’entre-eux avaient été percutés sur la rocade ou l’A16. Ils étaient plus nombreux encore en 2015.
Ce décès sur le chemin de l’Angleterre met en lumière la difficile protection des mineurs isolés. Après l’accident, Sabrya Guivy, de l’association Refugee Youth Service, affirmait que la présence du jeune homme avait été signalée aux services de Département, lequel a l’obligation de leur porter assistance. Dans un communiqué, deux jours plus tard, le Département du Pas-de-Calais démentait avoir reçu une information préoccupante au sujet de ce mineur isolé.
Il y a de la vérité dans les deux affirmations, ce qui ajoute au tragique de la situation. « Nous avons rencontré l’enfant le 14 décembre lors d’un entretien rue des Verrotières, affirme Julie Shapira, de Refugee Youth Service. Une information préoccupante a été remontée au Département le 16 décembre. » L’information est transmise par mail à France Terre d’asile et au Département, qui gère l’accueil d’urgence des mineurs isolés. « On nous a répondu que ce mineur était déjà pris en charge à Condette depuis le 6 décembre, accueilli dans le cadre d’une procédure de rapprochement familial, poursuit la jeune femme. On a dit qu’ils se trompaient, qu’il était bien à Calais. »
Une homonymie, ou plutôt l’emprunt d’un nom par le cousin de la victime, serait à l’origine de ce quiproquo. Deux adolescents ont donné le nom d’Abdulah D. « Le conseil départemental sait que ces jeunes peuvent fournir des identités différentes », pouvait-on déjà lire dans le communiqué diffusé dimanche. Ce mercredi, au Département, le personnel se disait bouleversé et cherchait à comprendre, même si le communiqué officiel se voulait très factuel. « Le Département du Pas-de-Calais déplore le drame qui bouleverse aussi ses travailleurs sociaux. Une enquête est en cours, elle n’est pas terminée. Enfin, une incertitude persiste sur l’identité de la personne décédée. »
Une source bien au fait de la prise en charge des mineurs isolés confesse : « Le Pas-de-Calais est confronté à une situation sans égale en France. Le système prouve son efficacité mais comporte des failles, celle-ci a des conséquences désastreuses. »
« On peut reprocher aux services du Département de ne pas avoir creusé davantage, car les salariées des associations maintenaient qu’elles avaient face à elles un migrant mineur, tranche pour sa part François Guennoc, de l’Auberge des migrants. Depuis la fermeture des conteneurs, huit enfants se présentent tous les soirs pour une prise en charge la nuit, ils sont refoulés. Abdulah faisait partie de ces huit enfants. » Ce mercredi soir, en raison d’un vent fort, la préfecture a décidé de rouvrir l’accueil de nuit aux migrants.
Les associations d’aide aux migrants considèrent que le secours apporté aux mineurs isolés est plus efficace dans le Pas-de-Calais que n’importe où ailleurs en France, pointant des dysfonctionnements dans le Dunkerquois, à Lille ou Paris. « Mais cela reste insuffisant », regrette Sabrya Guivy, de Refugee Youth Service. Selon son association et l’Auberge des migrants, ils seraient encore une centaine de mineurs isolés à errer dans le Calaisis, alors que toutes les places pour les hébergements d’urgence (80 à Saint-Omer) et l’accueil dans l’attente de la stabilisation d’une situation (40 à Condette et 30 à Béthune) seraient occupées. « Il y a un problème, le Département a l’obligation de prendre en charge les mineurs, or il n’y a pas de place pour eux, confie François Guennoc. La procédure pour les réunifications familiales est devenue trop longue, jusqu’à onze mois d’attente, cela bloque des places pour les urgences. »
Le Département et la préfecture contestent ces affirmations. Selon le Département, « notre opérateur de terrain (France terre d’asile) estime qu’il y a une quarantaine de jeunes mineurs étrangers à Calais. 80 % d’entre eux refusent tout hébergement. » Et rappelle que « du 1er janvier au 15 décembre 2017, 2 136 jeunes ont bénéficié d’une ou plusieurs nuitées de mise à l’abri. » La préfecture du Pas-de-Calais détaille les maraudes financées par l’État et le Département : « Des maraudes quotidiennes par France Terre d’asile permettent de repérer les mineurs isolés et de leur proposer une mise à l’abri. Six personnes assurent une présence sept jours sur sept là où sont les mineurs étrangers isolés. Tous les jours, les maraudeurs rencontrent entre 30 à 40 mineurs, soit la quasi-totalité. Tous les mineurs qui le souhaitent sont pris en charge (environ 20 %). »
La jeune victime, Abdulah D., aurait été identifiée par des proches ce mardi. Son frère n’ayant pas obtenu de visa pour venir en France, la dépouille devrait être rapatriée en Afghanistan, dans la province de Nangarhar où vit encore sa famille. Le rapatriement devrait coûter entre 6 000 et 8 000 €, financés par les associations. Un appel aux dons est cependant lancé. Pour y contribuer, se rendre sur www.laubergedesmigrants.fr.
Au-delà de ces impératifs éthiques et légaux, c’est aussi notre expérience concrète auprès des populations défavorisées qui nous commande de ne pas collaborer à la mise en œuvre de ces nouvelles instructions. Nous n’anticipons que trop bien les conséquences sociales et sanitaires désastreuses qu’elles pourraient avoir : la fuite et la clandestinité, le repli sur des formes d’habitat précaires telles que les bidonvilles, les squats ou les marchands de sommeil, le non-recours aux droits et aux soins, la mise en danger des publics les plus vulnérables comme les enfants, les familles, les personnes âgées, les femmes victimes de violences, les personnes en situation de prostitution ou victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de troubles psychiques, de pathologies chroniques, etc.
Enfin, « L’équipe mobile pourra se rendre à nouveau sur place pour s’assurer de la bonne maîtrise des règles de séjour applicables et s’informer des suites données à ses préconisations. Elle rendra compte au préfet des difficultés rencontrées en vue d’une orientation adaptée des personnes hébergées. »
Pour plus de détail voir sur le site service-public.fr :
Contrôle des papiers d’un étranger : quelles sont les règles ?
Contrôle d’identité : quelles sont les règles ?
Pour plus de détails voir sur le site service-public.fr : Demande d’asile
Et sur le site du ministère de l’Intérieur : Guide du demandeur d’asile
Textes de référence :
– Art. L311-3, L311-4, L345-1, L411-3 et D. 345-11 du CASF ; et art. 226-13 du code pénal.
– Pour les SIAO : délibération de la CNIL n°2011-224 du 21 juillet 2011 autorisant la Direction Générale de la Cohésion Sociale à mettre en œuvre le traitement des demandes d’hébergement d’urgence et de logement d’insertion (SI SIAO)
– Pour les centres d’hébergement et services assurant l’accompagnement des personnes en difficulté : Autorisation unique n°AU-048 relative à l’accompagnement et au suivi social des personnes en difficultés.
– Réponse de la CNIL aux questions de la Fédération des acteurs de la solidarité, courrier du 20 décembre 2017
Textes de référence : art. L313-1, L331-1 à L331-9 du CASF
Textes de référence : art. L 345-1 à L 345-4, L133-4 et suivants du CASF
http://www.sudsantesociaux.org/circulaire-collomb-lier-l-ignoble.html
Publiée le 12 décembre, une circulaire du ministère de l’Intérieur prévoit le recensement des migrants dans les centres d’hébergement d’urgence. Cette mesure en plus d’être discriminatoire et contraire à la loi sur l’hébergement, nourrit l’antienne d’extrême droite selon laquelle “le SDF français vit plus mal que le migrants récemment arrivé”.
Un cap est franchi, au mépris de l’esprit de la loi, en niant les valeurs qui fondent le travail social, le ministre de l’intérieur enjoint les préfectures à procéder à des contrôles au sein mêmes des lieux d’accueil et d’hébergement.
Le ministère des solidarités et de la santé définit le travail social comme :
“Être à l’écoute des autres, accompagner les personnes en difficulté, créer des liens, reconstituer des réseaux de solidarité, mais aussi négocier, élaborer des projets, être acteur du développement social…”
Monsieur Collomb,
Pour nos organisations, Monsieur Collomb, votre circulaire est criminelle :
Il y a quasi un an jour pour jour, dans un foyer à Chalons en Champagne les visites de la police aux frontières, et la crainte qu’elles inspirent, ce sont soldées par la défenestration de deux jeunes, dont l’un est décédé.
Alors que 76% des familles monoparentales demandant l’asile en France dorment dans la rue, la peur de la police les poussera à ne pas accepter d’hébergement alors même qu’elles sont accompagnées d’enfants en bas âge.
Pour nos organisations, cette circulaire est ignoble, elle dénie à certains le respect de leurs droits fondamentaux au seul prétexte de la régularité du séjour, nous ne sommes pas les seuls à le penser, le défenseur des droits est également intervenu en ce sens.
C’est, nommé par le Président de la république, pour lequel on nous a sommé de voter pour faire barrage au FN, que le ministre de l’intérieur entend mettre en place la politique de “préférence nationale” prônée par l’extrême droite. Ainsi les contrôles au sein des structures seraient justifiés pour vous, par la nécessité de libérer des places pour les personnes en situation régulière.
La rengaine du “bon clochard français face au migrant profiteur” a assez duré, alors que les cadeaux au patronat continuent ( CICE, CITS, baisse des cotisations sociales…) et que ceux aux plus riches explosent ( suppression de l’ISF, Flat Tax,…) il est inacceptable et honteux de sous-entendre qu’un SDF serait plus méritant qu’un autre.
Si tant de personnes sont aujourd’hui contraintes de dormir à la rue, c’est le résultat d’année de renoncement politique à mettre en place une réelle politique d’accès à un logement pour toutes et tous, en luttant contre la spéculation immobilière et le mal logement. Les personnes migrantes ou non n’ont pas à payer le prix de l’incapacité de Monsieur Collomb et de ses amis à mettre en œuvre une politique d’accueil et d’hébergement à hauteur des besoins.
Installer une concurrence entre les misères est infâme !
Le travail social est issu d’idéaux humains et démocratiques, ses valeurs sont basées sur le respect de l’égalité, de la reconnaissance et de la dignité de toutes et tous.
Les professions du social œuvrent au soulagement de la misère et à l’accompagnement des personnes vulnérables, exclues et opprimées afin de renforcer leur capacité d’agir et leur participation à la vie de la société. Le travail social par son essence rejette la politique de mise en concurrence et de chasse au sans papiers !
Les Fédération SUD Santé Sociaux et SUD Collectivités Territoriales exigent un accueil digne pour toutes et tous et la régularisation de l’ensemble des personnes sans papiers !
Les Fédération SUD Santé Sociaux et SUD Collectivités Territoriales prendront toute leur place dans la bataille contre les politiques ségrégatives, racistes et anti sociales de ce gouvernement !
Communiqué de l’Observatoire de l’Enfermement des étrangers
OEE
Une circulaire du ministre de l’intérieur Gérard Collomb fixant « les objectifs et les priorités en matière de lutte contre l’immigration irrégulière » en date du 20 novembre 2017 vient renforcer l’arsenal des mesures qui pèsent sur les personnes migrantes en France. Elle rétablit de fait la politique du chiffre en matière d’expulsions et organise la surveillance et le contrôle des migrants dès le début de leur parcours en France.
Avant même la discussion parlementaire, ce texte donne le ton de la future loi, annoncée pour début 2018, préfigurant un nouveau renforcement de la politique d’éloignement. Au détriment de l’accueil et des droits des personnes étrangères, une seule logique : l’expulsion. L’une des orientations majeures impulsées par circulaire tient au lien assumé qu’elle établit entre hébergement et surveillance. Impossible de s’y tromper : les innombrables formules de l’accueil – des CHUM en passant par les CAO ou autres CAES – qui sont déjà déployées sur l’ensemble du territoire vise à répertorier les personnes, les trier, les contrôler pour, finalement, expulser la plupart. S’y ajoutent la pression sur les pays d’origine pour une « bonne coopération », la multiplication des vols spéciaux privés pour le renvoi des familles ou les renvois groupés de type « charter ». Le développement des lieux d’enfermement indignes, où les droits des personnes enfermées ne sont pas garantis, n’est pas en reste : les locaux de rétention administrative pourront désormais être une cellule de garde-à-vue ou même une chambre d’hôtel surveillée. . Enjoignant aux préfets d’augmenter le nombre d’expulsions, le ministre de l’intérieur rétablit de facto la politique du chiffre menée de 2003 à 2012. Il les incite par ailleurs à recourir à des pratiques abusives et illégales comme le prononcé d’interdictions de retour sur le territoire français pour des personnes ayant demandé un retour volontaire, ou la systématisation de mesures d’éloignement à l’encontre des personnes interpellées sans qu’il ait été procédé à un examen individuel de leur situation. Alors que le nombre de placements en rétention et d’assignations à résidence ne cesse d’augmenter et que les dispositifs d’expulsion « hors les murs » se multiplient, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers, qui s’inquiète de la porosité croissante entre accueil et détention, dénonce cette politique qui, sous couvert d’accueil, organise la surveillance des personnes étrangères, les violations massives de leurs droits et, finalement, leur rejet.
Organisations membres de l’OEE : Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Étrangers (Anafé) ; Avocats pour la Défense des Droits des Étrangers (ADDE) ; Comité pour la santé des exilés (Comede) ; Droits d’Urgence ; Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI) ; Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI) ; Groupement Étudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées (Genepi) ; La Cimade ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) ; Observatoire du CRA de Palaiseau ; Revue Pratiques ; Syndicat de la Magistrature (SM) ; Syndicat de la Médecine Générale (SMG) ; Syndicat des Avocats de France (SAF).
François Guennoc explique que « la plupart du temps, ce sont des gens qui n’ont pas d’argent, qui donc vont prendre des risques, la nuit en particulier, pour aller sur des parkings, autour de stations-service, voire le long des autoroutes, pour essayer à l’occasion d’un bouchon ou d’un arrêt sur un parking de monter dans un camion ». « Ce qui veut dire qu’il y a beaucoup de gens qui circulent le long des autoroutes qui prennent des risques. »
Un homme d’une cinquantaine d’années a été placé en garde à vue ce lundi pour « blessures involontaires aggravées ». Il est soupçonné d’avoir percuté un ressortissant irakien dimanche après-midi sur l’autoroute A16.
Un homme d’une cinquantaine d’années, suspecté d’avoir gravement blessé un migrant de 22 ans dimanche en le percutant sur l’autoroute A16 à Grande-Synthe (Nord), a été placé en garde à vue lundi, a-t-on appris auprès du parquet de Dunkerque.
La CRS autoroutière « a pu remonter à cette personne grâce à sa plaque d’immatriculation relevée par des automobilistes » témoins du drame, a indiqué le parquet Laconfirmant une information de LCI.
Ainsi, l’homme d’une cinquantaine d’années, domicilié dans la région dunkerquoise, a été interpellé à son domicile lundi à 06h45 et placé en garde à vue pour « blessures involontaires aggravées ».
La chaîne d’information indique par ailleurs que : « l’homme a été contrôlé par les gendarmes peu de temps après le drame, en état d’alcoolémie. Son permis de conduire lui aurait d’ailleurs été retiré. »
Dimanche, un migrant d’origine irakienne a été percuté vers 16h30 par un véhicule à Grande-Synthe, où des migrants vivent dans la précarité dans le campement sauvage du Puythouck, alors qu’il marchait le long de la bande d’arrêt d’urgence avec d’autres ressortissants irakiens. L’auteur de l’accident avait pris la fuite. L’homme percuté est toujours entre la vie et la mort.
Selon le parquet, à Dunkerque et aux alentours, de nombreux migrants marchent ainsi le long de l’autoroute pour rejoindre les aires de repos et tenter de monter dans les camions pour rejoindre l’Angleterre.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, un migrant de nationalité afghane est mort après avoir été percuté par un véhiculesur la rocade menant au port de Calais, portant à trois le nombre de décès de migrants à Calais et ses environs en 2017.
Action collective
Dans une circulaire adressée aux préfets en octobre, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, rappelait que « l’éloignement des étrangers en fin d’une peine d’emprisonnement doit être une priorité ». Il faut dire que l’action de l’administration ne manque pas d’efficacité en ce domaine. Un rapport parlementaire rappelait en effet en 2015 que la police aux frontières était parvenue à éloigner 78% des sortants de prison l’année précédente [1].
Un tel « rendement » s’explique en partie par le fait que la contestation en justice des OQTF notifiées en prison est en pratique très difficile en raison de procédures expéditives. Les ressortissants étrangers détenus ne disposent en effet que d’un délai de 48 heures pour contester la mesure d’éloignement [2]. Et le tribunal, s’il est saisi, doit se prononcer dans les 72 heures.
Or, la brièveté de ces délais de recours est souvent insurmontable pour des personnes étrangères placées – rappelons-le – sous l’entière dépendance de l’administration pénitentiaire. Les nombreux obstacles qu’elles rencontrent sont liés tant aux conditions de la notification de la décision en prison (notification en fin de semaine, absence d’interprète ou de traduction écrite, etc.) qu’au délai de recours (privation de moyens de libre communication, accès au droit limité, isolement carcéral, etc.) ou à la défense de leurs intérêts (constitution de dossier empêchée, accès aux documents personnels difficile, rencontre avec l’avocat et extraction pour l’audience incertaine, etc.)
L’enquête réalisée par l’OIP – avec le soutien de La Cimade et du GISTI – auprès d’avocats, de points d’accès au droit et d’associations intervenant en détention et en rétention confirme que, sous couvert d’efficacité, la loi impose une véritable « défense impossible » aux étrangers détenus. Beaucoup d’entre eux n’arrivent tout simplement pas à former un recours contre la mesure d’éloignement. Et l’analyse d’un corpus d’une centaine de décisions de tribunaux administratifs montre que près de 45 % des requêtes adressées aux juridictions ont été jugées irrecevables au motif qu’elles ont été formées après l’expiration du délai de recours. Un taux qui n’a d’équivalent dans aucune autre branche du contentieux administratif !
Dépourvus des garanties minimales en termes d’exercice des droits et de recours effectif, les personnes étrangères détenues sont finalement les sujets sans droits d’une politique ministérielle d’éloignement avide du chiffre. Elles courent le risque d’être éloignés sans qu’on tienne compte de leur situation personnelle et des attaches qu’elles peuvent avoir en France.
Soucieux de la protection de leurs droits, l’OIP, La Cimade et le GISTI saisissent donc ce jour le Conseil d’Etat d’une demande de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant les dispositions législatives relatives au délai de recours contre les OQTF notifiées en détention. Cette procédure viendra en renfort d’une QPC transmise très récemment par la Cour administrative d’appel de Douai sur le même sujet [3]. Elle invite la Haute Juridiction à rappeler que rien ne saurait justifier que l’on abandonne délibérément les étrangers dans des zones de non-droit.
Consulter le rapport sur les obstacles à la contestation des OQTF notifiées en détention.
Organisations signataires :
[1] Rapport n° 716 (2014-2015) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 septembre 2015, p. 138.
[3] CAA Douai, 14 déc. 2017, n°17DA00603
POLITIQUE – Ça commençait à faire beaucoup. Alors que la majorité se met clairement à exprimer son malaise à l’égard de la politique gouvernementale vis-à-vis des migrants, Gérard Collomb se voit contraint de lâcher du lest concernant son projet de loi sur l’immigration et le droit d’asile prévue pour la mi-janvier.
C’est notamment ce qui ressort de l’interview accordée par le député LREM de la Vienne Sacha Houlié ce mercredi 20 décembre à Europe 1, ce qu’a confirmé le ministère quelques minutes plus tard à l’AFP. Le vice-président de l’Assemblée nationale a annoncé que la notion de « pays tiers sûr » ne figurerait pas dans la loi qui sera présentée par le ministre de l’Intérieur. Or cette mesure figurait bien dans le texte que l’AFP avait pu consulter.
« C’est une annonce que je peux faire parce que je me suis entretenu hier soir avec Gérard Collomb qui nous a assuré que ça ne serait pas repris dans le texte qui nous sera présenté en 2018 », a assuré Sacha Houlié, qui a visité mardi un centre d’accueil en compagnie du ministre de l’Intérieur (vidéo ci-dessous).
Très décriée par les associations, cette notion de « pays tiers sûr » prévoit le renvoi d’un débouté du droit d’asile vers le pays par lequel il a transité. Autrement dit, un ressortissant du Darfour pourrait être renvoyé vers un pays du Maghreb par lequel il est passé pour rejoindre la France.
Cette disposition est autorisée par le droit européen. Pour autant, pas question pour Sacha Houlié d’y recourir. « S’ils ont transité par un pays vers lequel on serait autorisé à les renvoyer, nous nous priverons de cette possibilité parce que nous considérons que ça n’a pas à figurer dans le texte », a-t-il insisté.
« Certains le font déjà, comme la Hongrie, qui renvoie en Croatie et en Serbie les migrants qui arrivent sur son territoire, au nom de ce concept de pays tiers sûr et ce, pour fermer la route des Balkans », expliquait au Monde, Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble. Pour Gérard Sadik, responsable de l’asile à la Cimade, cette approche « déroge à la tradition française de l’asile ». Ce que les députés LREM ont visiblement réussi à faire entendre à Gérard Collomb
Abus policiers et températures glaciales menacent leur sécurité
Martine Landry, militante d’Amnesty International France (AIF), sera jugée à Nice, lundi 8 janvier 2018. Il lui est reproché d’avoir « facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière ». Elle risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Des poursuites injustes, explication.
Engagée auprès d’AIF depuis 2002, Martine Landry est en charge d’une mission d’observation à la frontière entre la France et l’Italie pour notre organisation.
Le 28 juillet 2017, la police italienne a renvoyé, à pied, deux mineurs étrangers isolés vers la France. Martine Landry les a récupérés au poste frontière Menton/Vintimille du côté français pour les accompagner à la Police aux frontières (PAF), munie des documents attestant de leur demande de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Les deux mineurs, tous deux âgés de 15 ans et d’origine guinéenne, ont par la suite été pris en charge par l’ASE.
Le 31 juillet, Martine Landry s’est rendue à la PAF de Menton suite à l’interpellation et au transfert de onze migrants. Ce jour-là, elle se voit remettre une convocation pour une audition le 2 août. Le lendemain, Martine Landry reçoit une convocation du tribunal correctionnel de Nice. Elle doit être jugée le 8 janvier 2018 pour « avoir facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière […], en ayant pris en charge et convoyé pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France ».
À la frontière française, les enfants non accompagnés ne font pas l’objet de l’attention requise au regard de leur situation de vulnérabilité. C’est pourtant ce qu’exige la législation française relative à la protection de l’enfance. Les enfants sont renvoyés au même titre que les adultes, de façon expéditive et sans possibilité d’exercer leurs droits ni même d’être accompagnés.
Martine est une militante expérimentée, respectueuse du droit et qui connaît parfaitement le cadre juridique dans lequel son action s’inscrit.
Martine Landry est membre d’Amnesty International depuis 2002. Elle est également la référente régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur sur la question des réfugiés et migrants depuis 2011 et chargée d’une mission d’observation en zone d’attente pour AIF. En parallèle, elle participe aux missions militantes de conseil aux demandeurs d’asile et d’accompagnement dans l’accès à leurs droits, missions pour lesquelles elle a bénéficié de plusieurs formations.
Par ailleurs, en dehors de ses activités pour AIF, Martine Landry est engagée au sein de différentes associations locales et nationales pour la défense des migrants et des réfugiés dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).
Ces personnes qui aident les réfugiés sont inquiétées, intimidées, poursuivies alors qu’elles défendent avant tout les droits humains. Elles agissent pour protéger les droits des personnes migrantes et réfugiées auxquels portent atteintes les autorités françaises. Ces personnes sont des défenseurs des droits humains et, ils doivent bénéficier de la protection de l’État.
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Alors que, depuis plus de deux ans, nos organisations dénoncent les violations du droit international, européen ou français, à la frontière franco-italienne par les autorités françaises, ces dernières intimident et poursuivent celles et ceux qui tentent de protéger les droits humains de personnes aussi vulnérables que des mineurs isolés.
Le procès de Martine Landry doit être l’occasion pour le gouvernement français de modifier sa législation qui permet, comme cette situation le démontre, de criminaliser l’aide apportée par des citoyens pour protéger les droits des personnes migrantes et réfugiées.
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Il est urgent et indispensable que la politique du gouvernement français soit réorientée de façon à répondre à l’impératif du strict respect des droits des personnes migrantes et réfugiées qui franchissent la frontière franco-italienne et à la nécessaire protection de celles et ceux qui leur apportent leur aide.
J’ai été commissaire de police pendant quinze ans. Attendez-vous à devoir vous battre devant la commission de discipline pour ne pas être exclu ! » tonne le président du tribunal. En face, c’est un policier de 44 ans qui est sur le banc des prévenus. Le 3 août 2016, il a mis une gifle à un migrant alors qu’ils attendaient l’arrivée des magistrats, dans une petite salle d’audience voisine de l’hôtel de police de Coquelles. C’est une greffière, qui, en débarquant dans la salle à l’improviste, rapportera avoir assisté à la scène de la gifle.
Alors oui, le migrant en question était du genre agité, ce jour-là. Mais justement, la situation semblait être sous contrôle au moment où la gifle a été administrée. « On ne peut pas accepter un tel comportement de la part de fonctionnaires de police », et ce même dans la situation très compliquée qu’ils vivent à Calais, explique encore le président. Le parquet avait requis six mois de prison ferme et le tribunal a suivi ces réquisitions. Il a de plus révoqué 4 mois de prison avec sursis d’une précédente condamnation pour des faits de violence. Quant à savoir si le policier pouvait continuer à exercer au sein des forces de l’ordre… Le tribunal a plus ou moins botté en touche : le prévenu a interdiction d’utiliser une arme pour une durée de cinq ans. Il lui est aussi interdit d’exercer dans la fonction publique pendant deux ans, mais cette condamnation est avec sursis. Il pourra donc en théorie sauver son poste… s’il parvient à convaincre la commission de discipline.
Un an après le démantèlement de la « jungle » de Calais, la situation est loin de s’être améliorée, rappelle le chercheur François Gemenne, qui dénonce une politique axée sur le sécuritaire.
Des files d’attente à l’entrée de bus, des valises à la main… Le 24 octobre 2016, l’État démarrait le transfert de quelque 7 400 migrants de la « jungle » de Calais vers des centres d’accueil en régions. Un an après le démantèlement de ce vaste bidonville, François Gemenne, chercheur en sciences politiques à l’université de Liège et à celle de Saint-Quentin-en-Yvelines, dresse le bilan de cette opération et constate le manque flagrant de solutions à plus long terme.
Un an après le démantèlement de la « jungle » de Calais, quel bilan dressez-vous ?
François Gemenne On peut considérer que la situation est pire, sans doute, par rapport à ce qu’était la « jungle ». À Calais, les conditions de vie et les droits humains, le droit à l’eau et à un toit, ne sont pas respectés a minima. La France est condamnée moralement à la fois par l’ONU, par le Défenseur des droits et par le Conseil d’État. La logique du gouvernement d’éviter tout « point de fixation » est absurde. Tant que Calais restera situé à 30 kilomètres des côtes anglaises et tant que la géographie de la France et de l’Angleterre restera ce qu’elle est, cet endroit restera un point de passage attractif pour les migrants. La traque permanente organisée par la police occasionne une tension très forte avec les associations et les migrants. Mais ces actions policières sont des gesticulations. C’est incroyable que la police empêche les associations d’aider, alors qu’elles pallient les manques de l’État. Calais est devenu un symbole de la politique d’asile de la France. Ces démonstrations de force n’ont aucun effet sinon de politiser le dossier à outrance.
L’évacuation de la « jungle » s’est aussi accompagnée d’une ouverture de centres d’accueil et d’orientation (CAO) partout en France. Que pensez-vous de cette politique de répartition ?
François Gemenne Sur le fond, cette politique est une bonne chose. Les solutions locales, avec des groupes de réfugiés moins nombreux, permettent un meilleur accueil, de moins inquiéter la population et de pratiquer une politique d’insertion plus réussie. Cela dit, cette répartition en CAO ne peut être faite de manière directive. Or c’est trop souvent ce qui s’est passé en France. Contrairement à l’Allemagne, où un plan de répartition plus réfléchi a été élaboré, les autorités françaises, je trouve, n’ont pas assez pris en compte les desiderata des réfugiés, dont beaucoup ne souhaitaient pas aller dans les centres qu’on leur imposait plus ou moins.
Que préconisez-vous pour améliorer la situation spécifique de Calais ?
François Gemenne Le Royaume-Uni a chargé la France d’appliquer sa politique migratoire. Il faudrait renégocier les accords du Touquet pour que cela se fasse de façon plus équilibrée. Et contraindre le Royaume-Uni à accepter les mineurs et à respecter un minimum les droits de l’homme. La France fait la même chose avec l’Italie dans la vallée de la Roya. Sans parler de ce que fait l’Europe avec la Turquie… Il faut cesser ces logiques de sous-traitance. Pour Calais, il est urgent d’ouvrir un centre humanitaire d’accueil qui fournisse les services de base.
Sur le plus long terme, quelles solutions envisagez-vous ?
François Gemenne D’abord, il y a des urgences humanitaires : les violences dont sont victimes les migrants et les noyades. On croit à tort que la crise humanitaire est derrière nous. Elle n’a jamais été aussi aiguë. Il faut lancer une opération de secours de grande envergure. Ensuite, la procédure d’asile est à bout de souffle. Donc il faudrait une agence européenne de l’asile. L’Union doit se doter d’une vraie politique d’asile commune. Mais aussi d’une politique d’immigration, en déterminant des voies d’accès sûres et légales pour ceux qui veulent migrer, sans opposer migrants économiques et réfugiés politiques. Le phénomène migratoire est complexe. Il possède des dimensions aussi bien politiques, environnementales qu’économiques. Et toutes les trois s’influencent mutuellement.
François Gemenne est politologue à l’université de Liège (Cedem)
42 % d’exilés ont obtenu l’asile
D’après l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), 42 % des migrants vivant dans la « jungle » de Calais et ayant demandé l’asile l’ont obtenu et 46 % attendent toujours une décision définitive. Au total, 5 466 adultes ont été acheminés dans l’un des 301 centres d’accueil et d’orientation en régions et 1 952 mineurs non accompagnés ont été orientés vers des CAO dédiés. Pour les mineurs, 515 d’entre eux ont été transférés vers le Royaume-Uni ou l’Irlande, 194 orientés vers l’Aide sociale à l’enfance, alors que 709 ont fugué. Ils sont 333 à avoir été évalués majeurs et redirigés vers un CAO.