Bonne nouvelle // Communiqué de presse sur l’acquittement des 6 héros


Communiqué de presse – 13 décembre 2017

Les « 6 héros » sont acquittés . Une victoire pour la solidarité.  #jenelabouclepas
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a prononcé ce matin l’acquittement des six passagers poursuivis pour s’être opposés à l’expulsion d’une personne sans papiers à bord de leur avion le 17 août 2016.
Les passagers avaient été inculpés d’une part  d’avoir « commis une entrave méchante à la circulation aérienne » et d’autre part de  « ne pas s’être conformé aux instructions données par le commandant de bord ».
Le tribunal considère que les passagers doivent être acquittés de la première prévention car ils n’étaient pas mus par l’intention d’entraver la circulation aérienne : au contraire, ils ont agi « par sympathie envers la personne expulsée ou par indignation envers une personne maintenue détenue sous la contrainte à bord de leur vol et poussant des cris selon eux « de douleur » suite à des violences commises à son égard par des policiers l’entourant. »
Pour ce qui est de la deuxième prévention, le tribunal relève que trente à quarante passagers se sont levés pour protester contre l’expulsion, que la tentative d’expulsion a été abandonnée, et que le commandant de bord a enjoint aux passagers de regagner leurs sièges après que la personne à expulser ait été débarquée. Il considère ensuite que rien ne prouve que les six prévenus, en particulier, ont désobéi aux injonctions du commandant de bord, raison pour laquelle ils doivent être acquittés de cette seconde prévention également.
Les six prévenus étaient soutenus par une centaine d’associations dont la Ligue des droits de l’Homme, Tout Autre Chose, le Réseau ADES, Hart Boven Hard et Vrede. Celles-ci avaient lancé une pétition proposant à tout citoyen d’assumer publiquement, qu’en pareille situation, il « ne la bouclerait pas ». Plusieurs personnalités artistiques ont témoigné leur soutien dans une vidéo: Philippe Geluck, Bénédicte Liénard, Geneviève Damas, David Murgia…
 
Si les associations se félicitent de cette victoire judiciaire, elles dénoncent « une instrumentalisation de la justice » par le Secrétaire d’Etat à la Migration Theo Francken : « Le jour des faits, alors que les six passagers étaient toujours au commissariat, M. Francken avait annoncé sur les réseaux sociaux que des poursuites seraient menées. Ils semble clair que c’est ici une manière pour lui de faire passer un message politique et médiatique. Par cet acquittement, la justice montre qu’elle ne se laisse pas instrumentaliser. Cela dit, on regrette que cette affaire soit allée aussi loin et que les ressources des appareils policier et judiciaire aient été mobilisées pendant de nombreux mois contre des personnes qui n’ont rien fait d’autre que faire preuve d’humanité. »
 

La Voix du Nord // Pourquoi le migrant mineur mort sur l’A16 n’a-t’il pas été mis à l’abri?

Abdulah avait 15 ans. Il est mort sur la rocade portuaire, percuté. Un drame de plus, le troisième en 2017. Au cours de l’année 2016, quatorze migrants avaient perdu la vie dans le Calaisis, neuf d’entre-eux avaient été percutés sur la rocade ou l’A16. Ils étaient plus nombreux encore en 2015.

Ce décès sur le chemin de l’Angleterre met en lumière la difficile protection des mineurs isolés. Après l’accident, Sabrya Guivy, de l’association Refugee Youth Service, affirmait que la présence du jeune homme avait été signalée aux services de Département, lequel a l’obligation de leur porter assistance. Dans un communiqué, deux jours plus tard, le Département du Pas-de-Calais démentait avoir reçu une information préoccupante au sujet de ce mineur isolé.

Deux enfants présentaient la même identité

Il y a de la vérité dans les deux affirmations, ce qui ajoute au tragique de la situation. «  Nous avons rencontré l’enfant le 14 décembre lors d’un entretien rue des Verrotières, affirme Julie Shapira, de Refugee Youth Service. Une information préoccupante a été remontée au Département le 16 décembre. » L’information est transmise par mail à France Terre d’asile et au Département, qui gère l’accueil d’urgence des mineurs isolés. «  On nous a répondu que ce mineur était déjà pris en charge à Condette depuis le 6 décembre, accueilli dans le cadre d’une procédure de rapprochement familial, poursuit la jeune femme. On a dit qu’ils se trompaient, qu’il était bien à Calais. »

Une homonymie, ou plutôt l’emprunt d’un nom par le cousin de la victime, serait à l’origine de ce quiproquo. Deux adolescents ont donné le nom d’Abdulah D. «  Le conseil départemental sait que ces jeunes peuvent fournir des identités différentes  », pouvait-on déjà lire dans le communiqué diffusé dimanche. Ce mercredi, au Département, le personnel se disait bouleversé et cherchait à comprendre, même si le communiqué officiel se voulait très factuel. «  Le Département du Pas-de-Calais déplore le drame qui bouleverse aussi ses travailleurs sociaux. Une enquête est en cours, elle n’est pas terminée. Enfin, une incertitude persiste sur l’identité de la personne décédée. »

« Faille aux conséquences désastreuses »

Une source bien au fait de la prise en charge des mineurs isolés confesse : «  Le Pas-de-Calais est confronté à une situation sans égale en France. Le système prouve son efficacité mais comporte des failles, celle-ci a des conséquences désastreuses. »

«  On peut reprocher aux services du Département de ne pas avoir creusé davantage, car les salariées des associations maintenaient qu’elles avaient face à elles un migrant mineur, tranche pour sa part François Guennoc, de l’Auberge des migrants. Depuis la fermeture des conteneurs, huit enfants se présentent tous les soirs pour une prise en charge la nuit, ils sont refoulés. Abdulah faisait partie de ces huit enfants. » Ce mercredi soir, en raison d’un vent fort, la préfecture a décidé de rouvrir l’accueil de nuit aux migrants.

Mineurs isolés: un manque de place?

Les associations d’aide aux migrants considèrent que le secours apporté aux mineurs isolés est plus efficace dans le Pas-de-Calais que n’importe où ailleurs en France, pointant des dysfonctionnements dans le Dunkerquois, à Lille ou Paris. «  Mais cela reste insuffisant  », regrette Sabrya Guivy, de Refugee Youth Service. Selon son association et l’Auberge des migrants, ils seraient encore une centaine de mineurs isolés à errer dans le Calaisis, alors que toutes les places pour les hébergements d’urgence (80 à Saint-Omer) et l’accueil dans l’attente de la stabilisation d’une situation (40 à Condette et 30 à Béthune) seraient occupées. «  Il y a un problème, le Département a l’obligation de prendre en charge les mineurs, or il n’y a pas de place pour eux, confie François Guennoc. La procédure pour les réunifications familiales est devenue trop longue, jusqu’à onze mois d’attente, cela bloque des places pour les urgences. »

Le Département et la préfecture donnent d’autres chiffres

Le Département et la préfecture contestent ces affirmations. Selon le Département, «  notre opérateur de terrain (France terre d’asile) estime qu’il y a une quarantaine de jeunes mineurs étrangers à Calais. 80 % d’entre eux refusent tout hébergement. » Et rappelle que «  du 1er janvier au 15 décembre 2017, 2 136 jeunes ont bénéficié d’une ou plusieurs nuitées de mise à l’abri. » La préfecture du Pas-de-Calais détaille les maraudes financées par l’État et le Département : «  Des maraudes quotidiennes par France Terre d’asile permettent de repérer les mineurs isolés et de leur proposer une mise à l’abri. Six personnes assurent une présence sept jours sur sept là où sont les mineurs étrangers isolés. Tous les jours, les maraudeurs rencontrent entre 30 à 40 mineurs, soit la quasi-totalité. Tous les mineurs qui le souhaitent sont pris en charge (environ 20 %).  »

Appel aux dons pour le rapatriement du corps

La jeune victime, Abdulah D., aurait été identifiée par des proches ce mardi. Son frère n’ayant pas obtenu de visa pour venir en France, la dépouille devrait être rapatriée en Afghanistan, dans la province de Nangarhar où vit encore sa famille. Le rapatriement devrait coûter entre 6 000 et 8 000 €, financés par les associations. Un appel aux dons est cependant lancé. Pour y contribuer, se rendre sur www.laubergedesmigrants.fr.

Quelques réactions à la circulaire de Gérard Collomb sur l’identification des personnes en situation irrégulière dans l’hébergement d’urgence

La FNARS:

Défendre les droits fondamentaux et l’accueil inconditionnel en hébergement – Recommandations aux structures adhérentes

. Actualités
Paris, le 22 décembre 2017

Louis Gallois, Président
Florent Guéguen, Directeur général
Fédération des acteurs de la solidarité
Les grands Voisins
76 rue du Faubourg Saint-Denis
75010 Paris
Aux directeur.trice.s, intervenant.e.s sociaux.ales/médico-sociaux.ales/médicaux.ales,
chef.fe.s de service/d’établissement, personnes accueillies et accompagnées,
travailleurs.euses pairs, personnels techniques/supports
et aux bénévoles des structures d’hébergement adhérentes

Objet : Défendre les droits fondamentaux et l’accueil inconditionnel en hébergement – Recommandations aux structures adhérentes
Mesdames, Messieurs,
Vous avez été nombreux à saisir la Fédération pour exprimer vos plus vives inquiétudes à la suite du récent durcissement des orientations gouvernementales en matière d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement des personnes sans domicile étrangères. Deux circulaires co-signées des ministères de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires, datées respectivement des 4 et 12 décembre 2017, instaurent en effet des procédures de recensement et d’évaluation des personnes sans-abri ou hébergées à raison de leur nationalité et de leur statut administratif.
Par la présente, nous souhaitons répondre à vos interrogations légitimes quant au cadre juridique applicable et vous recommander des leviers d’action face aux sollicitations de l’OFII, des préfectures et de leurs services qui s’intensifieront vraisemblablement dans les semaines à venir. Face à un risque majeur de régression des droits fondamentaux et de démantèlement du principe d’accueil inconditionnel de toutes les personnes sans-abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, nous comptons sur la mobilisation résolue du secteur associatif et plus généralement de toute la société civile. Afin de préserver l’intégrité éthique du travail social, de garantir l’application du droit et la permanence des valeurs républicaines, nous vous demandons de vous approprier ces orientations, d’en informer les personnes accueillies et accompagnées, vos équipes professionnelles et bénévoles, et de les mettre en débat au sein de vos instances de gouvernance.
La période qui s’ouvre met à l’épreuve notre projet de solidarité, notre responsabilité individuelle et collective. Elle nous commande de réaffirmer fermement :
  • Que le principe d’accueil inconditionnel en hébergement, et son corollaire la continuité de la prise en charge, constituent non seulement la pierre angulaire de notre engagement, mais encore un principe cardinal du code de l’action social et des familles (CASF) sur lequel repose l’ensemble du secteur de la veille sociale, de l’hébergement, et de l’accompagnement ;
  • Que nous nous opposons à toute forme de mise en concurrence de la pauvreté et de la misère, sans égard pour la nationalité ou le statut administratif des personnes qui en sont affligées ;
  • Que nous refusons que les centres d’hébergement se muent en lieux de contrôle et de tri des personnes sans domicile, et que les intervenants sociaux, auxquels elles font confiance, deviennent des auxiliaires de police ou de l’administration ;
  • Que nous ne nous soumettrons pas aux injonctions illégales de collecte et de transmission d’informations à caractère personnel susceptibles de porter préjudice aux personnes ;
  • Que même sans droit au séjour, les personnes ne sont pas dépourvues de droits (à l’hébergement, à la santé, à l’éducation, à la protection du domicile, à la protection contre les traitements inhumains et dégradants, etc.).


Au-delà de ces impératifs éthiques et légaux, c’est aussi notre expérience concrète auprès des populations défavorisées qui nous commande de ne pas collaborer à la mise en œuvre de ces nouvelles instructions. Nous n’anticipons que trop bien les conséquences sociales et sanitaires désastreuses qu’elles pourraient avoir : la fuite et la clandestinité, le repli sur des formes d’habitat précaires telles que les bidonvilles, les squats ou les marchands de sommeil, le non-recours aux droits et aux soins, la mise en danger des publics les plus vulnérables comme les enfants, les familles, les personnes âgées, les femmes victimes de violences, les personnes en situation de prostitution ou victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de troubles psychiques, de pathologies chroniques, etc.

Bien qu’elle soit absolument nécessaire, l’action de la Fédération ne se borne pas à la diffusion de ses principes. Depuis plusieurs semaines, elle se mobilise dans le cadre d’un large mouvement inter-associatif pour interpeller les pouvoirs publics, sensibiliser l’opinion et saisir les instances et juridictions compétentes. Dans une lettre ouverte datée du 14 novembre, les grands réseaux de lutte contre la pauvreté et les exclusions sociales ont alerté le Président de la République sur l’évolution préoccupante des politiques d’accueil des personnes étrangères. Après s’être vigoureusement opposé au dispositif de recensement des étrangers dans l’hébergement présenté par les ministres de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires le 8 décembre, le mouvement inter-associatif a saisi officiellement le Défenseur des droits pour qu’il examine la légalité des orientations portées par les instructions. Enfin, la Fédération a récemment saisi pour conseil la Commission nationale de l’informatique et des libertés. D’autres voies de recours sont actuellement en cours d’étude.
L’engagement de la Fédération est aussi le vôtre. Afin que vous puissiez vous saisir plus aisément de nos recommandations, elles sont articulées autour de situations pratiques. Elles renvoient par ailleurs à une multitude d’outils et de documents existants, ainsi qu’à deux propositions de courriers types à destination des services de l’État. Enfin, nous vous invitons à informer votre Fédération régionale et nationale des difficultés que vous pourriez rencontrer au sein de vos services et structures, afin que nous puissions objectiver les situations litigieuses, vous prodiguer des conseils adaptés, consolider notre plaidoyer et notre mobilisation interassociative.
En espérant que ces recommandations vous seront utiles et que nous pourrons compter sur votre mobilisation, nous vous prions de recevoir, Mesdames, Messieurs, nos meilleures salutations.
Louis GALLOIS
Président
Florent GUÉGUEN
Directeur général
I. Que disent les circulaires du 4 et du 12 décembre 2017 ?
La première circulaire, datée du 4 décembre, concerne « l’évolution du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés ». Cette circulaire prévoit d’orienter les personnes de nationalité étrangère vers des dispositifs au regard de leur statut administratif. Elle prévoit à cette fin un premier niveau de prise en charge : « une mise à l’abri avec évaluation immédiate des situations administratives ». Selon l’instruction, ce dispositif a « vocation à accueillir, pour une durée brève n’excédant pas un mois, des migrants recensés qui souhaitent demander l’asile, identifiés par le SIAO, par les structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) ou lors d’opérations d’évacuation de campements, ou à défaut, d’autres demandeurs d’asile présents localement et en besoin immédiat d’hébergement ». L’annexe 4.2 comporte un tableau de bord précisant les « catégories » d’étrangers présents dans ces centres et devant être renseignées : « les demandeurs d’asile, les personnes en attente de l’enregistrement de leur demande d’asile en GUDA, les personnes ayant obtenu une protection internationale, les personnes déboutées, les personnes n’ayant pas manifesté le souhait d’introduire une demande d’asile, et les personnes détentrice d’un titre de séjour autre ». Ce tableau de bord précise également les « sorties » du dispositif : orientation vers le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, placement sous assignation à résidence, orientation vers le SIAO, orientation vers le logement ou un CPH, éloignement du territoire (transfert Dublin et obligation de quitter le territoire français- OQTF), et départs volontaires.
La seconde circulaire, datée du 12 décembre, organise « l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence » par des « équipes mobiles » composées d’un ou plusieurs agents de l’OFII et d’agents de la préfecture compétent en droit des étrangers : « Ces équipes mobiles, après avoir indiqué au moins 24 heures à l’avance leur venue au gestionnaire du centre d’hébergement, devront : sur la base du recensement des personnes présentes dans les hébergements, procéder à une évaluation administrative. L’équipe mobile devra s’entretenir avec les personnes de nationalité étrangère, déterminer leurs conditions légales de séjour en France et s’assurer qu’elles ont pu faire valoir l’ensemble de leurs droits ».
A la réception de cette annonce, nous vous invitons à adresser un courrier type demandant le fondement légal de cette intervention.
Après recensement et évaluation, ces « équipes mobiles » préconiseront « toute mesure utile pour assurer orientation individuelle adaptée chaque fois que c’est possible » :
  • pour les personnes bénéficiaires de la protection internationale : « une orientation vers un logement pérenne doit être privilégiée et des places en CPH pourront être mobilisées ;
  • « pour les personnes souhaitant s’engager dans une demande d’asile ou en situation de demande d’asile » : un enregistrement rapide de leur demande d’asile sera assuré et l’OFII devra veiller à leur accès au dispositif national d’accueil dédié ;
  • « pour les personnes dont la situation au regard du séjour n’a pas fait l’objet d’une actualisation récente ou semble litigieuse : un examen de situation administrative pourra être proposé; si au terme de cet examen, il apparaissait que la personne relevait d’un des motifs légaux d’admission au séjour tels que précisés par les instructions applicables, la délivrance rapide d’un titre de séjour devra être effectuée et une solution de sortie vers le logement ou l’hébergement d’insertion recherchée; à l’inverse, en l’absence d’admission au séjour possible, une mesure d’éloignement devra être rapidement notifiée »;
  • « pour les personnes en situation irrégulière sur le territoire national, faisant l’objet d’une OQTF : une aide au retour devra leur être proposée; si elles ne souhaitent pas en bénéficier, elles devront être orientées vers un dispositif adapté en vue de l’organisation d’un départ contraint ».

Enfin, « L’équipe mobile pourra se rendre à nouveau sur place pour s’assurer de la bonne maîtrise des règles de séjour applicables et s’informer des suites données à ses préconisations. Elle rendra compte au préfet des difficultés rencontrées en vue d’une orientation adaptée des personnes hébergées. »

II. Quelles questions suis-je en droit de me poser dans le cadre de l’application de ces circulaires ?
1. Dans le cadre de leur demande d’hébergement d’urgence et dans les centres qui les accueillent, les personnes peuvent-elles être « identifiées » en vue de faire l’objet d’une « évaluation de leur situation administrative » par des agents de l’OFII et de la préfecture ?
NON.
Le code de procédure pénale et le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile définissent les procédures permettant « d’identifier » ou de « recenser » des personnes de nationalité étrangère et d’examiner leur situation administrative.
Mais encore ?
L’examen du droit au séjour s’effectue soit :
a) De façon contrainte
  • Les papiers d’un étranger présent en France peuvent être vérifiés par des agents habilités des forces de l’ordre (police, gendarmerie, douane) lors d’un contrôle d’identité ou de titre de séjour. Ces contrôles doivent respecter certaines règles (autorités compétentes, éléments motivants l’interpellation, conditions de lieu et de temps, etc.). Le contrôle d’identité est notamment possible pour motif d’ordre public, ou s’il est lié à la recherche où la poursuite d’une infraction pénale par un agent habilité ou sur réquisition du Procureur de la République. En dehors de tout contrôle d’identité, les forces de l’ordre peuvent inviter un étranger majeur à présenter ses papiers. Ce contrôle est effectué sur la base d’éléments objectifs extérieurs à la personne permettant de présumer qu’elle est étrangère et il ne peut avoir lieu que sur la voie publique, dans des lieux publics ou ouverts au public (gares, aéroports, cafés, etc.). Le contrôle, tel qu’il découle des instructions, ne respecte ainsi pas les garanties prévues par la loi.

Pour plus de détail voir sur le site service-public.fr :
Contrôle des papiers d’un étranger : quelles sont les règles ?
Contrôle d’identité : quelles sont les règles ?

b) A la demande de la personne
  • Les personnes qui entrent dans les conditions pour obtenir un titre de séjour déposent leur demande de titre de séjour accompagnée des pièces justificatives auprès du service des étrangers de la préfecture de leur lieu de résidence (la prise de rendez-vous est désormais dématérialisée). La préfecture doit alors leur remettre un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et procéder à l’instruction de leur dossier.
  • Les personnes qui sont ou craignent d’être persécutées ou de subir des mauvais traitements dans le pays d’origine peuvent déposer une demande d’asile auprès de l’OFPRA. Cette autorité est chargée d’instruire le dossier et de rendre une décision. En aucun cas, l’autorité administrative (préfecture, OFII, par exemple) ne peut apprécier les motifs de fond qui justifient la demande d’asile présentée sur le territoire. Les personnes doivent ainsi préalablement se rendre dans une plateforme pour demandeur d’asile qui enregistrera leur demande de rendez-vous auprès du « guichet unique des demandeurs d’asile » (GUDA). Les agents de l’OFII procèdent à une évaluation de leur vulnérabilité à l’ouverture de leur allocation pour demandeurs d’asile et doivent leur proposer une place d’hébergement dans le dispositif national d’accueil. Par ailleurs, la préfecture est tenue d’enregistrer la demande d’asile dans un délai de 3 jours ouvrés (ce délai est porté à 10 jours en cas d’arrivée massive de demandeurs d’asile) et de délivrer à la personne un document d’information. Une fois la demande enregistrée, la préfecture devra en principe lui délivrer une attestation de demande d’asile valant droit au maintien sur le territoire, ainsi que le dossier à remplir expliquant les risques qu’elle encourt en cas de retour dans son pays d’origine qu’elle devra envoyer à l’OFPRA dans un délai de 21 jours maximum.

Pour plus de détails voir sur le site service-public.fr : Demande d’asile
Et sur le site du ministère de l’Intérieur : Guide du demandeur d’asile

Une recommandation ?
Les personnes doivent être informées et accompagnées pour l’exercice de leurs droits fondamentaux. Nous invitons à :
– leur communiquer les instructions ministérielles et à leur présenter l’objet de « l’examen de la situation administrative » tel qu’il est présenté dans les deux instructions afin qu’elles soient parfaitement informées.
-leur expliquer le cadre légal des vérifications du droit au séjour, et des procédures légalement définies par la loi pour déposer une demande d’asile ou de titre de séjour ainsi qu’à les accompagner dans le cadre de ces démarches.
Vous pouvez orienter les personnes vers les dispositifs d’accès aux droits de votre département pour qu’elles puissent bénéficier d’une information par un professionnel du droit et, en cas de difficultés, vers un délégué du Défenseur des droits. Vous trouverez leurs coordonnées dans ce document.
2. L’association a-t-elle le droit de communiquer la liste des personnes de nationalité étrangère présentes dans le centre d’hébergement à l’équipe mobile OFII/service étrangers de la préfecture pour le recensement de ces personnes ?
NON.
Vous ne pouvez pas participer au recensement des personnes de nationalité étrangère qui sollicitent un hébergement ou qui sont accueillies dans votre centre d’hébergement et transmettre ces informations à l’équipe mobile. Dans le cas contraire, vous engagez votre responsabilité pénale.
Mais encore ?
  • Les associations gestionnaires de lieux d’accueil et les intervenants sociaux sont soumis à une obligation de confidentialité des informations dont elles ont connaissance dans le cadre de leurs missions. En effet, tous les centres d’hébergement doivent garantir les droits prévus par la charte des droits et libertés des personnes accueillies, dont le droit pour les personnes à la confidentialité des informations qui les concernent dans le cadre des lois existantes. Certains sont également soumis au secret professionnel. Les personnes qui sont appelées à intervenir dans le cadre du SIAO, dans l’instruction des demandes de prise en charge, l’évaluation et l’orientation des personnes ou familles en situation de détresse ou en difficulté, sont ainsi tenues au secret professionnel. Il est de même du personnel des centres d’hébergement et de réinsertion sociale ou des assistants des services sociaux. La violation du secret professionnel est une infraction pénale.
Textes de référence : Art. L311-3, L311-4, L345-1, L411-3 et D. 345-11 du CASF ; et art.226-13 du code pénal.
  • Les organismes et associations sont responsables du traitement des données à caractère personnel des personnes accueillies dans les structures qu’elles gèrent. Elles sont soumises au respect de loi « informatique et libertés » de 1978 et leurs fichiers (papiers et informatiques) font l’objet d’un contrôle par une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). La loi « informatique et libertés » rappelle que « L’informatique doit être au service de chaque citoyen. […] Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. ». Dans le secteur social, la CNIL est venue préciser les informations qui peuvent être collectées et les conditions du traitement des données. Elle n’autorise pas les organismes et les associations à renseigner dans un fichier de manière systématique la nationalité précise des personnes, ni de transmettre aux services de l’Etat des informations nominatives sur le statut administratif des personnes. La CNIL a rappelé que « malgré la légitimité et la nécessité d’un suivi personnalisé des personnes concernées par les structures d’hébergement, le traitement automatisé de données nominatives constitue un risque de « fichage » des populations hébergées ». Elle appelle donc l’attention de la DGCS et des opérateurs SIAO sur le fait que « les mesures de sécurité à mettre en œuvre doivent effectivement garantir les droits des personnes concernées, notamment en évitant toute confusion entre les données de suivi individuel, de terrain [traités sous format nominatif], et d’évaluation des politiques publiques [traitées à des fins statistiques], par les services déconcentrés de l’Etat[…] et que l’ensemble des informations traitées ne doit faire l’objet d’aucune transmission nominative, ou réutilisation, qui serait contraire à l’intérêt de la personne.»
En ce qui concerne les demandes de remontées statistiques, les organismes et les associations doivent s’assurer qu’elles ne permettent aucune identification, même indirecte, des personnes concernées. En tout état de cause, nous vous rappelons que les services déconcentrés de l’Etat disposent de données statistiques agrégées dans le cadre des logiciels SI SIAO et DN@ pour leur permettre d’assurer le pilotage de la politique d’hébergement et celle de l’accueil des demandeurs d’asile.

Textes de référence :
– Art. L311-3, L311-4, L345-1, L411-3 et D. 345-11 du CASF ; et art. 226-13 du code pénal.
– Pour les SIAO : délibération de la CNIL n°2011-224 du 21 juillet 2011 autorisant la Direction Générale de la Cohésion Sociale à mettre en œuvre le traitement des demandes d’hébergement d’urgence et de logement d’insertion (SI SIAO)
– Pour les centres d’hébergement et services assurant l’accompagnement des personnes en difficulté : Autorisation unique n°AU-048 relative à l’accompagnement et au suivi social des personnes en difficultés.
Réponse de la CNIL aux questions de la Fédération des acteurs de la solidarité, courrier du 20 décembre 2017

Une recommandation ?
En tant que responsable du traitement des données, vous devez vous assurer de la légalité des demandes de transmission d’informations à caractère personnel et demander systématiquement aux personnes qui vous en font la demande:
– le texte légal qui les autorise à accéder aux informations demandées
– les raisons pour lesquelles cette transmission d’informations est demandée (finalité).
Vous pouvez à cette fin utiliser ce courrier type et, le cas échéant, contacter la CNIL qui pourra vous informer sur vos obligations et vous conseiller (leurs téléconseillers sont joignables par téléphone au 01.53.73.22.22).
3. L’équipe mobile OFII/service étrangers de la préfecture peut-elle consulter le registre des personnes accueillies tenu par les centres d’hébergement pour recenser celles qui sont de nationalité étrangère?
NON.
L’accès à ce registre et aux informations qu’il contient est réglementé.
Mais encore ?
  • Tous les centres d’hébergement ont l’obligation de tenir un registre dont le contenu a été encadré par le législateur. L’accès au registre peut être demandé par l’autorité judiciaire et les autorités administratives « compétentes » pour le contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux. Le contrôle de l’administration a pour finalité de s’assurer que la santé, la sécurité ou le bien-être moral ou physique des personnes hébergées ne sont pas menacés ou compromis par les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement de l’établissement. Il est effectué par des inspecteurs de l’action sociale et sanitaire (IASS). Les agents habilités à réaliser ces contrôles sont soumis au secret professionnel.
  • Par ailleurs, ce registre mentionne toutes les personnes accueillies et il ne doit comporter que leur identité, les dates d’entrée et de sortie définitives du centre. Il est soumis à la loi « Informatique et Libertés » : vous ne pouvez pas mentionner la nationalité des personnes dans ce registre, ni leur situation administrative (cf. question précédente).


Textes de référence : art. L313-1, L331-1 à L331-9 du CASF

Une recommandation ?
Cf. question précédente
4. L’équipe mobile OFII/service étrangers de la préfecture peut-elle décider de l’entrée et de l’orientation dans les centres d’hébergement ?
NON.
Les procédures d’admission, d’évaluation et d’orientation sont définies par le code de l’action sociale et des familles.
Mais encore ?
  • Selon la loi, « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». La seule condition prévue par la loi pour accéder à ce dispositif est la situation de détresse des personnes. Les personnes doivent y être accueillies « dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine ». Elles doivent en conséquence bénéficier d’un hébergement mais également de prestations essentielles : couvert, hygiène, évaluation médicale, psychique ou sociale et accompagnement social. Elles ont droit au maintien dans la structure dès lors qu’elles le souhaitent, jusqu’à ce qu’une orientation leur soit proposée. Elles doivent être orientées vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de leur apporter l’aide justifiée par leur état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier.
  • L’accès au dispositif d’hébergement d’urgence est assuré par le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO). Ce service est notamment chargé de gérer les demandes d’hébergement des personnes sans abri et de « veiller à la réalisation d’une évaluation sociale, médicale et psychique des personnes ou familles mentionnées au même premier alinéa, de traiter équitablement leurs demandes et de leur faire des propositions d’orientation adaptées à leurs besoins, transmises aux organismes susceptibles d’y satisfaire. »
  • Les centres d’hébergement mettent à disposition du SIAO leurs places d’hébergement et l’informent de toutes les places vacantes ou susceptibles de l’être. Ils mettent en œuvre les propositions d’orientation du SIAO, et, le cas échéant, motivent le refus d’une admission. Ils peuvent directement admettre, en urgence, les personnes en situation de détresse sous réserve d’en informer les SIAO.
  • Les services des affaires sociales et sanitaires instruisent les demandes d’aide sociale au regard des conditions d’attribution de l’aide et donc pour l’hébergement d’urgence en fonction de la situation de détresse des personnes. Ils sont soumis au secret professionnel dans le cadre de cette mission.


Textes de référence : art. L 345-1 à L 345-4, L133-4 et suivants du CASF

Rappel
Le dispositif d’hébergement d’urgence a pour unique finalité d’apporter une aide et une protection aux personnes qui sont à la rue ou en difficulté et de les accompagner dans leur insertion sociale. Il n’est pas destiné à l’examen des situations administratives des ressortissants étrangers. Il n’appartient ni aux agents de l’OFII, ni aux agents du service étrangers d’intervenir dans les décisions d’admission ou des sorties des centres d’hébergement relevant du dispositif d’hébergement d’urgence.

 

 

http://www.sudsantesociaux.org/circulaire-collomb-lier-l-ignoble.html

Circulaire Collomb : Lier l’ignoble à l’infâme !

Publiée le 12 décembre, une circulaire du ministère de l’Intérieur prévoit le recensement des migrants dans les centres d’hébergement d’urgence. Cette mesure en plus d’être discriminatoire et contraire à la loi sur l’hébergement, nourrit l’antienne d’extrême droite selon laquelle “le SDF français vit plus mal que le migrants récemment arrivé”.

Un cap est franchi, au mépris de l’esprit de la loi, en niant les valeurs qui fondent le travail social, le ministre de l’intérieur enjoint les préfectures à procéder à des contrôles au sein mêmes des lieux d’accueil et d’hébergement.

Le ministère des solidarités et de la santé définit le travail social comme :
Être à l’écoute des autres, accompagner les personnes en difficulté, créer des liens, reconstituer des réseaux de solidarité, mais aussi négocier, élaborer des projets, être acteur du développement social…

Monsieur Collomb,

  • • Devrons-nous être à l’écoute de l’autre ou des bruits de bottes des agents qui viendront le contrôler ?
  • • Accompagnerons-nous les personnes en difficulté vers un mieux vivre ou vers le centre de rétention ?
  • • S’agira-t-il de créer des liens ou de les nouer autour des poignets de personnes forcées de prendre un avion par une mesure de reconduite à la frontière ?
  • • Nous faudra t’il reconstituer des réseaux de solidarité permettant aux personnes migrantes d’échapper aux griffes de vos agents ?
  • • Devrons-nous négocier le degré de violence des interventions en fonction de la vulnérabilité de nos publics ?
  • • Les projets élaborés seront ils brisés par une expulsion ?
  • • Serons-nous acteur du développement social de pays où sévit la famine, en préparant un projet de développement locale avec une personne en attente d’éloignement ?

Pour nos organisations, Monsieur Collomb, votre circulaire est criminelle :
Il y a quasi un an jour pour jour, dans un foyer à Chalons en Champagne les visites de la police aux frontières, et la crainte qu’elles inspirent, ce sont soldées par la défenestration de deux jeunes, dont l’un est décédé.

Alors que 76% des familles monoparentales demandant l’asile en France dorment dans la rue, la peur de la police les poussera à ne pas accepter d’hébergement alors même qu’elles sont accompagnées d’enfants en bas âge.

Pour nos organisations, cette circulaire est ignoble, elle dénie à certains le respect de leurs droits fondamentaux au seul prétexte de la régularité du séjour, nous ne sommes pas les seuls à le penser, le défenseur des droits est également intervenu en ce sens.

C’est, nommé par le Président de la république, pour lequel on nous a sommé de voter pour faire barrage au FN, que le ministre de l’intérieur entend mettre en place la politique de “préférence nationale” prônée par l’extrême droite. Ainsi les contrôles au sein des structures seraient justifiés pour vous, par la nécessité de libérer des places pour les personnes en situation régulière.
La rengaine du “bon clochard français face au migrant profiteur” a assez duré, alors que les cadeaux au patronat continuent ( CICE, CITS, baisse des cotisations sociales…) et que ceux aux plus riches explosent ( suppression de l’ISF, Flat Tax,…) il est inacceptable et honteux de sous-entendre qu’un SDF serait plus méritant qu’un autre.

Si tant de personnes sont aujourd’hui contraintes de dormir à la rue, c’est le résultat d’année de renoncement politique à mettre en place une réelle politique d’accès à un logement pour toutes et tous, en luttant contre la spéculation immobilière et le mal logement. Les personnes migrantes ou non n’ont pas à payer le prix de l’incapacité de Monsieur Collomb et de ses amis à mettre en œuvre une politique d’accueil et d’hébergement à hauteur des besoins.
Installer une concurrence entre les misères est infâme !

Le travail social est issu d’idéaux humains et démocratiques, ses valeurs sont basées sur le respect de l’égalité, de la reconnaissance et de la dignité de toutes et tous.
Les professions du social œuvrent au soulagement de la misère et à l’accompagnement des personnes vulnérables, exclues et opprimées afin de renforcer leur capacité d’agir et leur participation à la vie de la société. Le travail social par son essence rejette la politique de mise en concurrence et de chasse au sans papiers !

Les Fédération SUD Santé Sociaux et SUD Collectivités Territoriales exigent un accueil digne pour toutes et tous et la régularisation de l’ensemble des personnes sans papiers !

Les Fédération SUD Santé Sociaux et SUD Collectivités Territoriales prendront toute leur place dans la bataille contre les politiques ségrégatives, racistes et anti sociales de ce gouvernement !


Communiqué de l’Observatoire de l’Enfermement des étrangers

OEE

Circulaire Collomb : l’accueil des personnes étrangères asservi à la logique d’expulsion

Une circulaire du ministre de l’intérieur Gérard Collomb fixant « les objectifs et les priorités en matière de lutte contre l’immigration irrégulière » en date du 20 novembre 2017 vient renforcer l’arsenal des mesures qui pèsent sur les personnes migrantes en France. Elle rétablit de fait la politique du chiffre en matière d’expulsions et organise la surveillance et le contrôle des migrants dès le début de leur parcours en France.

Avant même la discussion parlementaire, ce texte donne le ton de la future loi, annoncée pour début 2018, préfigurant un nouveau renforcement de la politique d’éloignement. Au détriment de l’accueil et des droits des personnes étrangères, une seule logique : l’expulsion. L’une des orientations majeures impulsées par circulaire tient au lien assumé qu’elle établit entre hébergement et surveillance. Impossible de s’y tromper : les innombrables formules de l’accueil – des CHUM en passant par les CAO ou autres CAES – qui sont déjà déployées sur l’ensemble du territoire vise à répertorier les personnes, les trier, les contrôler pour, finalement, expulser la plupart. S’y ajoutent la pression sur les pays d’origine pour une « bonne coopération », la multiplication des vols spéciaux privés pour le renvoi des familles ou les renvois groupés de type « charter ». Le développement des lieux d’enfermement indignes, où les droits des personnes enfermées ne sont pas garantis, n’est pas en reste : les locaux de rétention administrative pourront désormais être une cellule de garde-à-vue ou même une chambre d’hôtel surveillée. . Enjoignant aux préfets d’augmenter le nombre d’expulsions, le ministre de l’intérieur rétablit de facto la politique du chiffre menée de 2003 à 2012. Il les incite par ailleurs à recourir à des pratiques abusives et illégales comme le prononcé d’interdictions de retour sur le territoire français pour des personnes ayant demandé un retour volontaire, ou la systématisation de mesures d’éloignement à l’encontre des personnes interpellées sans qu’il ait été procédé à un examen individuel de leur situation. Alors que le nombre de placements en rétention et d’assignations à résidence ne cesse d’augmenter et que les dispositifs d’expulsion « hors les murs » se multiplient, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers, qui s’inquiète de la porosité croissante entre accueil et détention, dénonce cette politique qui, sous couvert d’accueil, organise la surveillance des personnes étrangères, les violations massives de leurs droits et, finalement, leur rejet.

Le 15 décembre 2017

Organisations membres de l’OEE  : Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Étrangers (Anafé) ; Avocats pour la Défense des Droits des Étrangers (ADDE) ; Comité pour la santé des exilés (Comede) ; Droits d’Urgence ; Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI) ; Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI) ; Groupement Étudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées (Genepi) ; La Cimade ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) ; Observatoire du CRA de Palaiseau ; Revue Pratiques ; Syndicat de la Magistrature (SM) ; Syndicat de la Médecine Générale (SMG) ; Syndicat des Avocats de France (SAF).

 

Deux exilés percutés sur l’autoroute à Calais et à Grande Synthe

France: de plus en plus de migrants renversés, les associations inquiètes
Par RFI

Un migrant d’origine irakienne est toujours entre la vie et la mort après avoir été percuté par une voiture dimanche 24 décembre sur une autoroute près de Grande-Synthe, dans le nord de la France. C’est le deuxième incident du genre en quelques jours, après le décès d’un migrant de nationalité afghane. Une fréquence d’accidents qui commence à inquiéter les associations.

Le véhicule avait percuté le jeune Irakien de 22 ans près de Grande-Synthe, où des migrants vivent dans le campement sauvage du Puythouck, alors qu’il marchait le long de la bande d’arrêt d’urgence avec d’autres migrants. Le conducteur, qui avait pris la fuite, est en garde à vue depuis dimanche 24 décembre pour « blessures involontaires aggravées ».
Deux jours plus tôt, dans la nuit de jeudi 21 à vendredi 22 décembre, un migrant de nationalité afghane est mort renversé par un véhicule près du port de Calais. Avec cet accident, ce sont trois migrants qui sont morts à Calais et ses environs en 2017.Pour François Guennoc, vice-président de l’association L’Auberge des migrants, « il y a deux types de circonstances possibles » pour ces accidents. « Quelqu’un qui marche le long de l’autoroute (…) et il peut faire un écart, ou bien c’est le véhicule qui aura fait un écart – involontaire, je l’espère – et qui aura donc percuté la personne. » Ou bien une chute qui provoque un renversement : « un migrant qui monte sur en essieu de camion ou dans un camion et il s’aperçoit que ce camion ne va pas dans la bonne direction, il essaie alors de descendre puis se fait percuter par un autre véhicule », dit-il.

François Guennoc explique que « la plupart du temps, ce sont des gens qui n’ont pas d’argent, qui donc vont prendre des risques, la nuit en particulier, pour aller sur des parkings, autour de stations-service, voire le long des autoroutes, pour essayer à l’occasion d’un bouchon ou d’un arrêt sur un parking de monter dans un camion ». « Ce qui veut dire qu’il y a beaucoup de gens qui circulent le long des autoroutes qui prennent des risques. »

Un migrant de nationalité afghane est mort dans la nuit de jeudi à vendredi après avoir été probablement percuté par un véhicule sur la rocade menant au port de de Calais, a-t-on appris auprès de la préfecture.
Jeudi vers 23H30, «sur la rocade dans le sens Calais-port», un migrant «a été retrouvé mort, probablement percuté par un véhicule qui a pris la fuite», a dit à l’AFP la préfecture du Pas-de-Calais.
«Au regard des premières constatations, il pourrait s’agir d’un individu de nationalité afghane» d’une quinzaine d’années, selon la préfecture, précisant qu’une enquête de police avait été ouverte.
Le jeune garçon a été retrouvé sur la bande d’arrêt d’urgence par un automobiliste, qui s’est arrêté, et a appelé les secours. Les forces de l’ordre ont aussitôt lancé un message d’alerte au port, afin de repérer une voiture accidentée ou ensanglantée. Cette alerte n’a rien donné

https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/grande-synthe/migrant-percute-grande-synthe-personne-garde-vue-1390845.html

Un homme d’une cinquantaine d’années a été placé en garde à vue ce lundi pour « blessures involontaires aggravées ». Il est soupçonné d’avoir percuté un ressortissant irakien dimanche après-midi sur l’autoroute A16.

Un homme d’une cinquantaine d’années, suspecté d’avoir gravement blessé un migrant de 22 ans dimanche en le percutant sur l’autoroute A16 à Grande-Synthe (Nord), a été placé en garde à vue lundi, a-t-on appris auprès du parquet de Dunkerque.

La CRS autoroutière « a pu remonter à cette personne grâce à sa plaque d’immatriculation relevée par des automobilistes » témoins du drame, a indiqué le parquet Laconfirmant une information de LCI.

Ainsi, l’homme d’une cinquantaine d’années, domicilié dans la région dunkerquoise, a été interpellé à son domicile lundi à 06h45 et placé en garde à vue pour « blessures involontaires aggravées ».

La chaîne d’information indique par ailleurs que : « l’homme a été contrôlé par les gendarmes peu de temps après le drame, en état d’alcoolémie. Son permis de conduire lui aurait d’ailleurs été retiré. »

Toujours entre la vie et la mort

Dimanche, un migrant d’origine irakienne a été percuté vers 16h30 par un véhicule à Grande-Synthe, où des migrants vivent dans la précarité dans le campement sauvage du Puythouck, alors qu’il marchait le long de la bande d’arrêt d’urgence avec d’autres ressortissants irakiens. L’auteur de l’accident avait pris la fuite. L’homme percuté est toujours entre la vie et la mort.

Selon le parquet, à Dunkerque et aux alentours, de nombreux migrants marchent ainsi le long de l’autoroute pour rejoindre les aires de repos et tenter de monter dans les camions pour rejoindre l’Angleterre.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, un migrant de nationalité afghane est mort après avoir été percuté par un véhiculesur la rocade menant au port de Calais, portant à trois le nombre de décès de migrants à Calais et ses environs en 2017.

 

Communiqué Cimade, GISTI, OIP sur l’éloignement des personnes étrangères détenues

Action collective

Cimade, Gisti, OIP
Éloignement des personnes étrangères détenues
De la loi du chiffre au déni de justice

« Priorité » – pour ne pas dire obsession – nationale des gouvernements successifs, les politiques migratoires françaises sont largement focalisées sur l’éloignement des ressortissants étrangers. Parmi eux, les personnes détenues constituent des cibles privilégiées. L’existence de procédures expéditives pour contester les obligations de quitter le territoire français (OQTF) notifiées en détention empêchent les intéressées de faire valoir leurs droits, facilitant et accélérant les renvois. L’OIP, la Cimade et le GISTI déposent ce jour une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dénonçant l’atteinte portée au droit à un recours effectif.

Dans une circulaire adressée aux préfets en octobre, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, rappelait que « l’éloignement des étrangers en fin d’une peine d’emprisonnement doit être une priorité ». Il faut dire que l’action de l’administration ne manque pas d’efficacité en ce domaine. Un rapport parlementaire rappelait en effet en 2015 que la police aux frontières était parvenue à éloigner 78% des sortants de prison l’année précédente [1].

Un tel « rendement » s’explique en partie par le fait que la contestation en justice des OQTF notifiées en prison est en pratique très difficile en raison de procédures expéditives. Les ressortissants étrangers détenus ne disposent en effet que d’un délai de 48 heures pour contester la mesure d’éloignement [2]. Et le tribunal, s’il est saisi, doit se prononcer dans les 72 heures.

Or, la brièveté de ces délais de recours est souvent insurmontable pour des personnes étrangères placées – rappelons-le – sous l’entière dépendance de l’administration pénitentiaire. Les nombreux obstacles qu’elles rencontrent sont liés tant aux conditions de la notification de la décision en prison (notification en fin de semaine, absence d’interprète ou de traduction écrite, etc.) qu’au délai de recours (privation de moyens de libre communication, accès au droit limité, isolement carcéral, etc.) ou à la défense de leurs intérêts (constitution de dossier empêchée, accès aux documents personnels difficile, rencontre avec l’avocat et extraction pour l’audience incertaine, etc.)

L’enquête réalisée par l’OIP – avec le soutien de La Cimade et du GISTI – auprès d’avocats, de points d’accès au droit et d’associations intervenant en détention et en rétention confirme que, sous couvert d’efficacité, la loi impose une véritable « défense impossible » aux étrangers détenus. Beaucoup d’entre eux n’arrivent tout simplement pas à former un recours contre la mesure d’éloignement. Et l’analyse d’un corpus d’une centaine de décisions de tribunaux administratifs montre que près de 45 % des requêtes adressées aux juridictions ont été jugées irrecevables au motif qu’elles ont été formées après l’expiration du délai de recours. Un taux qui n’a d’équivalent dans aucune autre branche du contentieux administratif !

Dépourvus des garanties minimales en termes d’exercice des droits et de recours effectif, les personnes étrangères détenues sont finalement les sujets sans droits d’une politique ministérielle d’éloignement avide du chiffre. Elles courent le risque d’être éloignés sans qu’on tienne compte de leur situation personnelle et des attaches qu’elles peuvent avoir en France.

Soucieux de la protection de leurs droits, l’OIP, La Cimade et le GISTI saisissent donc ce jour le Conseil d’Etat d’une demande de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant les dispositions législatives relatives au délai de recours contre les OQTF notifiées en détention. Cette procédure viendra en renfort d’une QPC transmise très récemment par la Cour administrative d’appel de Douai sur le même sujet [3]. Elle invite la Haute Juridiction à rappeler que rien ne saurait justifier que l’on abandonne délibérément les étrangers dans des zones de non-droit.

Consulter le rapport sur les obstacles à la contestation des OQTF notifiées en détention.

Le 21 septembre 2017

Organisations signataires :

  • La Cimade
  • Gisti
  • OIP

[1Rapport n° 716 (2014-2015) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 septembre 2015, p. 138.

[3CAA Douai, 14 déc. 2017, n°17DA00603

Huffingtonpost // Gérard Collomb renonce à l’idée de « pays tiers sur » dans sa loi sur l’immigration

Gérard Collomb renonce à l’idée du « pays tiers sûr » dans sa loi sur l’immigration

Très décriée par les associations, cette mesure prévoyait le renvoi d’un débouté du droit d’asile vers le pays par lequel il a transité.

http://www.huffingtonpost.fr/2017/12/20/gerard-collomb-renonce-a-lidee-du-pays-tiers-sur-dans-sa-loi-sur-limmigration_a_23312661/

 

POLITIQUE – Ça commençait à faire beaucoup. Alors que la majorité se met clairement à exprimer son malaise à l’égard de la politique gouvernementale vis-à-vis des migrants, Gérard Collomb se voit contraint de lâcher du lest concernant son projet de loi sur l’immigration et le droit d’asile prévue pour la mi-janvier.

 

C’est notamment ce qui ressort de l’interview accordée par le député LREM de la Vienne Sacha Houlié ce mercredi 20 décembre à Europe 1, ce qu’a confirmé le ministère quelques minutes plus tard à l’AFP. Le vice-président de l’Assemblée nationale a annoncé que la notion de « pays tiers sûr » ne figurerait pas dans la loi qui sera présentée par le ministre de l’Intérieur. Or cette mesure figurait bien dans le texte que l’AFP avait pu consulter.

 

« C’est une annonce que je peux faire parce que je me suis entretenu hier soir avec Gérard Collomb qui nous a assuré que ça ne serait pas repris dans le texte qui nous sera présenté en 2018 », a assuré Sacha Houlié, qui a visité mardi un centre d’accueil en compagnie du ministre de l’Intérieur (vidéo ci-dessous).

 

Très décriée par les associations, cette notion de « pays tiers sûr » prévoit le renvoi d’un débouté du droit d’asile vers le pays par lequel il a transité. Autrement dit, un ressortissant du Darfour pourrait être renvoyé vers un pays du Maghreb par lequel il est passé pour rejoindre la France.

 

Cette disposition est autorisée par le droit européen. Pour autant, pas question pour Sacha Houlié d’y recourir. « S’ils ont transité par un pays vers lequel on serait autorisé à les renvoyer, nous nous priverons de cette possibilité parce que nous considérons que ça n’a pas à figurer dans le texte », a-t-il insisté.

« Certains le font déjà, comme la Hongrie, qui renvoie en Croatie et en Serbie les migrants qui arrivent sur son territoire, au nom de ce concept de pays tiers sûr et ce, pour fermer la route des Balkans », expliquait au Monde, Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble. Pour Gérard Sadik, responsable de l’asile à la Cimade, cette approche « déroge à la tradition française de l’asile ». Ce que les députés LREM ont visiblement réussi à faire entendre à Gérard Collomb

Human Right Watch // L’arrivée du froid met les migrant.e.s de Calais en danger

France : L’arrivée du froid met les migrants de Calais en danger

Abus policiers et températures glaciales menacent leur sécurité

Des demandeurs d’asile et d’autres migrants dorment dehors dans la neige, à Calais, le 11 décembre 2017.

© 2017 Futuro Berg/Help Refugees

(Paris) – Les migrants et demandeurs d’asile à Calais font face à des conditions de vie dramatiques, particulièrement en cette période de chute des températures, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. De nombreux migrants, enfants et adultes, ont rapporté que les destructions et confiscations de leurs effets par la police étaient plus fréquentes depuis début novembre 2017, leur rendant la vie dehors encore plus difficile.

Dans cette ville du nord de la France, les policiers emploient une force excessive contre les demandeurs d’asile et autres migrants. Les forces de l’ordre confisquent ou détruisent fréquemment les sacs de couchage, vêtements et autres possessions des demandeurs d’asile et des migrants, apparemment dans le but de les dissuader de rester à Calais.

« Les violences policières, les destructions et les confiscations en cours sont inhumaines et inadmissibles», a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. « Les autorités françaises doivent mettre immédiatement fin à ces abus et sassurer que les migrants sont traités avec la dignité à laquelle tout être humain a droit. »

Human Rights Watch a constaté que, très récemment, au cours de la première semaine de décembre, la police, en particulier du corps anti-émeute des Compagnies républicaines de sécurité (CRS), avait confisqué ou détruit des effets personnels des demandeurs d’asile et des autres migrants, tels que leurs sacs de couchage, couvertures, vêtements, voire parfois leurs téléphones, médicaments et documents.

Au moins 500 migrants et demandeurs d’asile, dont on estime que 100 sont des enfants non accompagnés, vivent dans les rues et les zones boisées de Calais et des alentours. La plupart d’entre eux sont originaires d’Érythrée, d’Éthiopie et d’Afghanistan.

Depuis la fermeture du camp de Calais, dit « la Jungle », par les autorités françaises en octobre 2016, les autorités municipales et nationales ont exprimé à plusieurs reprises leur volonté d’éviter la réinstallation d’un nouveau camp permanent dans la ville ou aux alentours, où se sont regroupés des migrants dans l’espoir d’atteindre le Royaume-Uni. Pendant un temps, les autorités françaises ont défié une décision de justice leur ordonnant de procurer aux demandeurs d’asile et aux autres migrants de l’eau potable et d’autres services d’aide humanitaire, mais cela est aujourd’hui partiellement résolu.

Début décembre à Calais, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 36 migrants, dont des demandeurs d’asile, notamment avec 20 enfants non accompagnés. Human Rights Watch s’est également entretenu avec 23 employés et volontaires d’organisations non gouvernementales fournissant une assistance humanitaire, juridique et médicale. Outre la confiscation d’objets personnels, Human Rights Watch a documenté des agressions physiques de migrants par la police ainsi que des actes de  harcèlement à l’encontre de travailleurs humanitaires.

Ceci fait suite aux recherches menées en juin et juillet par Human Rights Watch, qui ont mis en évidence un usage excessif de la force à l’encontre des migrants, notamment l’utilisation routinière de gaz irritant, ainsi que la confiscation régulière de leurs biens, le blocage de l’aide humanitaire et le harcèlement des travailleurs humanitaires. Le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) et de nombreux groupes humanitaires opérant à Calais et aux environs, dont l’Auberge des migrants et Help Refugees, ont publié des rapports similaires sur les abus policiers commis pendant les mois suivant la fermeture du vaste camp de migrants.

En réaction aux conclusions des recherches de Human Rights Watch et du Défenseur des droits, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a annoncé que les services d’enquête interne de l’administration et des forces de sécurités françaises investigueraient les pratiques policières à Calais. Le rapport officiel des inspecteurs, publié  en octobre, a conclu qu’il existait des preuves convaincantes de l’usage excessif de la force et d’autres abus commis par les policiers. Il a appelé à des améliorations dans les pratiques des policiers opérant à Calais face aux  demandeurs d’asile et autres migrants.

« Ces actes représentent une stratégie de harcèlement et dépuisement de la part des autorités, visant à dissuader la présence de migrants à Calais », selon Loan Torondel, coordinateur terrain de l’Auberge des migrants, une organisation humanitaire française. « Laisser des personnes  vulnérables sans abri, par ce temps, ne fait quaugmenter leur désespoir. » L’association a également détaillé tout récemment, dans un rapport publié début décembre, les confiscations et destructions par la police de tentes, bâches, sacs de couchage et autres effets des migrants et des demandeurs d’asile.

Des demandeurs d’asile et d’autres migrants se blottissent autour d’un feu de camp dans le froid, à Calais, le 11 décembre 2017.

© 2017 Loan Torondel/Auberge des Migrants

Le 11 décembre, après plusieurs semaines d’un froid de plus en plus vif, mais avant que la loi ne leur impose de le faire, les responsables municipaux de Calais ont ouvert des hébergements d’urgence pour deux jours, dont la durée a ensuite été prolongée jusqu’au 18 décembre au matin. D’après les déclarations des autorités locales aux organisations humanitaires, cet hébergement est constitué de containers avec 70 places pour les femmes, les enfants et les personnes vulnérables, par exemple âgées ou malades, et d’un entrepôt avec 200 places pour les hommes. Ces dispositifs ne sont ouverts que pendant la nuit.

Les informations rapportées par les groupes humanitaires varient, mais certains ont rapporté que les migrants devaient prendre des bus spécifiques, en se rassemblant à des points de départ particuliers, avant 19 heures chaque soir, à moins qu’ils ne soient amenés par les services d’urgence. Ils ont indiqué que  les personnes qui parvenaient à l’abri d’urgence par d’autres moyens, à pied par exemple, étaient refoulés, tandis que d’autres ne pouvaient accéder à cet hébergement par manque d’informations sur l’ouverture des abris et sur les procédures d’admission.

La décision des autorités locales d’ouvrir ces abris d’urgence avant d’être strictement obligées de le faire est cohérent avec les engagements du président Emmanuel Macron. Il avait ainsi déclaré en juillet : « Je ne veux plus, dici la fin de lannée, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois […]. Je veux […] partout des hébergements d’urgence. »

Les autorités devraient maintenir ces hébergements d’urgence ouverts pendant tout l’hiver, de jour comme de nuit, afin d’assurer une protection adéquate à ceux qui, sinon, seraient sans abri, notamment les demandeurs d’asile et les autres migrants, a déclaré Human Rights Watch. Par ailleurs les autorités devraient mettre fin aux pratiques policières abusives, sanctionner les agents abusant de leur pouvoir et mettre en œuvre les recommandations émises en octobre par les services d’enquête interne de l’administration et des forces de sécurité françaises.

« Les abus et le harcèlement policiers ne devraient pas être un élément constitutif de la politique de la France envers les migrants et les demandeurs dasile », a conclu Bénédicte Jeannerod.

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Conditions de vie

Les conditions de vie précaires ont de lourdes conséquences sur la santé mentale des demandeurs d’asile et des autres migrants, ont déclaré à Human Rights Watch des membres d’équipes médicales. Avec l’arrivée du froid, les travailleurs humanitaires ont noté que les migrants avaient d’avantage de risques de souffrir  d’engelures et d’hypothermie. Les groupes humanitaires apportent des réserves de gants, de chauffe-mains et d’autre matériel similaire d’urgence.

Parmi les autres problèmes de santé fréquents, il faut citer la gale, le pied des tranchées, un syndrome douloureux causé par le fait d’avoir les pieds humides de façon prolongée ; des infections oto-rhino-laryngologiques ; et des douleurs musculaires et dorsales dues à la vie en extérieur. Un nettoyage régulier des vêtements et des couchages est nécessaire pour prévenir la gale.

Suite à un jugement émis fin juillet par le plus haut tribunal administratif français, le Conseil d’État, les représentants locaux du gouvernement ont installé des points d’eau, des toilettes et des douches. Cependant, les migrants et les demandeurs d’asile ne peuvent ni laver ni sécher leurs vêtements et leurs couchages.

La loi française exige que des hébergements d’urgence soient ouverts pour toutes les personnes sans abri, y compris les migrants sans papiers, lorsque la météo atteint certaines conditions, par exemple lorsque la température tombe à -5 ºC pendant deux nuits consécutives ou bien demeure à 0 ºC ou en-dessous pendant la journée. Les responsables locaux peuvent, à leur discrétion, ouvrir des abris d’urgence dans des conditions moins rigoureuses.

Autres abus

Human Rights Watch a également réuni des informations sur des cas récents de violences physiques commises par la police à l’encontre de migrants et de demandeurs d’asile, notamment des coups sur les mains, les jambes et les chevilles, parfois alors qu’ils sont assis de manière pacifique aux points de distribution, en train de dormir ou bien de se réveiller. Certains migrants et demandeurs d’asile, aussi bien enfants qu’adultes, ont déclaré qu’ils avaient été aspergés de gaz irritant pendant qu’ils dormaient. Les travailleurs médicaux ont rapporté qu’ils avaient soigné des migrants et demandeurs d’asile qui souffraient d’irritations oculaires et d’autres symptômes concordant avec ces récits.

Human Rights Watch a également constaté que la police harcelait les travailleurs humanitaires par des contrôles d’identité répétés et des procès-verbaux pour des infractions mineures, telles qu’une quantité insuffisante de liquide lave-glace ou une pression des pneus trop faible, ou encore d’amendes de stationnement. Un travailleur humanitaire a déclaré que des agents avaient vérifié les documents d’identité de certains responsables et volontaires plusieurs fois dans la même journée.

Récits de migrants (enfants non accompagnés et adultes)

Afin de protéger la vie privée des personnes interrogées, la plupart des noms ont été modifiés et d’autres informations qui pourraient aider à les identifier n’ont pas été incluses. Si un âge est précisé, il s’agit de l’âge que la personne a déclaré à Human Rights Watch.

« Ils me font peur, je n’aime pas les policiers de Calais. J’aime bien les policiers de France, mais pas ceux de Calais. Ils m’ont aspergé le visage il y a trois jours, et tout le corps. Ils m’ont pris toutes mes affaires. »

– Un jeune garçon [âge et nationalité non divulguées], le 6 décembre 2017.

« Ils ont pris tous nos sacs de couchage aujourd’hui [le 5 décembre], après midi. Les animaux sont plus respectés que nous, ici. »

 – Un homme adulte originaire dÉthiopie, le 5 décembre 2017

« Je dors dans les bois. Les policiers [viennent] tous les jours. Ils pulvérisent du gaz. Ils frappent… Il y a deux semaines, ils m’ont aspergé les yeux de gaz et j’ai dû passer une journée à l’hôpital. »

– Un garçon de 15 ans originaire dÉrythrée, le 5 décembre 2017

« J’ai reçu du gaz deux fois. Ça fait très mal. Ça brûle aussi. La douleur met deux, trois jours à passer. Ça brûle vraiment beaucoup. Même la peau. […] La deuxième fois [que j’ai été aspergé de gaz], je dormais. Ils m’ont réveillé et m’ont aspergé. À tous, ils nous ont fait pareil. »

– Un homme adulte originaire dÉthiopie, le 5 décembre 2017

« Ce matin, les policiers sont venus, ils étaient plus de 25. Ils ont pris tous nos sacs de couchage, mon téléphone… Quand ils viennent, ils nous frappent. Ils prennent nos sacs de couchage et nos vestes, à chaque fois. Ils me frappent parfois. Ils utilisent leurs bombes de gaz, partout sur mon visage. Ils disent : ‘Ne dormez pas. Allez-vous-en !’… Maintenant la vie est affreuse. Maintenant il commence à pleuvoir, à geler. La nuit est très, très froide. Nous dormons dehors la nuit, mais nous n’avons rien. »

– Un garçon de 17 ans, « Kuma », originaire dOromie, le 5 décembre 2017

« Je dors sous le pont… Hier, les policiers sont venus avec leurs bombes. Ils m’ont aspergé le visage, ont pulvérisé du gaz partout. Je n’ai plus de sac de couchage – les policiers me l’ont pris.

– Un garçon de 15 ans, « Neissa », originaire dOromie, le 5 décembre 2017

« Les policiers prennent les sacs de couchage, les couvertures… normal ! Ils me pulvérisent les yeux, le nez, la bouche. Après, je tousse pendant 20 ou 30 minutes.

– Un jeune garçon [âge et nationalité non divulguées], le 6 décembre 2017.

C’est vraiment dur. Les policiers  viennent le matin. Ils prennent votre sac de couchage et vous pulvérisent le visage, les yeux. Ce sont les CRS [la police anti-émeute française]. »

– Un homme de 18 ans originaire dÉrythrée, le 6 décembre 2017

« Calais, ce n’est pas bon. Les policiers viennent à chaque fois. Ils ramassent les vêtements, pulvérisent de gaz, frappent. C’est vraiment très dur. Les CRS à chaque fois, nuit et jour. Ils prennent les couvertures, les sacs de couchages et même les vêtements. Aujourd’hui, [ils ont pris] mon sac de couchage… [J’ai été] frappé à la jambe. Ce matin, ils m’ont pulvérisé les yeux et les vêtements. Hier, c’était mes vêtements.

– Un garçon de 16 ans originaire dÉthiopie, le 6 décembre 2017

Communiqué d’Amnesty International // délit de solidarité

Une de nos membres poursuivie pour « délit de solidarité »

https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/une-de-nos-membres-poursuivie-pour-delit-de-solidarite

Martine Landry, militante d’Amnesty International France (AIF), sera jugée à Nice, lundi 8 janvier 2018. Il lui est reproché d’avoir « facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière ». Elle risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Des poursuites injustes, explication.

Engagée auprès d’AIF depuis 2002, Martine Landry est en charge d’une mission d’observation à la frontière entre la France et l’Italie pour notre organisation.

Accusée… de faire appliquer la loi sur la protection des mineurs

Le 28 juillet 2017, la police italienne a renvoyé, à pied, deux mineurs étrangers isolés vers la France. Martine Landry les a récupérés au poste frontière Menton/Vintimille du côté français pour les accompagner à la Police aux frontières (PAF), munie des documents attestant de leur demande de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Les deux mineurs, tous deux âgés de 15 ans et d’origine guinéenne, ont par la suite été pris en charge par l’ASE.

Le 31 juillet, Martine Landry s’est rendue à la PAF de Menton suite à l’interpellation et au transfert de onze migrants. Ce jour-là, elle se voit remettre une convocation pour une audition le 2 août. Le lendemain, Martine Landry reçoit une convocation du tribunal correctionnel de Nice. Elle doit être jugée le 8 janvier 2018 pour « avoir facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière […], en ayant pris en charge et convoyé pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France ».

À la frontière française, les enfants non accompagnés ne font pas l’objet de l’attention requise au regard de leur situation de vulnérabilité. C’est pourtant ce qu’exige la législation française relative à la protection de l’enfance. Les enfants sont renvoyés au même titre que les adultes, de façon expéditive et sans possibilité d’exercer leurs droits ni même d’être accompagnés.

Une militante expérimentée

Martine est une militante expérimentée, respectueuse du droit et qui connaît parfaitement le cadre juridique dans lequel son action s’inscrit.

Martine Landry est membre d’Amnesty International depuis 2002. Elle est également la référente régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur sur la question des réfugiés et migrants depuis 2011 et chargée d’une mission d’observation en zone d’attente pour AIF. En parallèle, elle participe aux missions militantes de conseil aux demandeurs d’asile et d’accompagnement dans l’accès à leurs droits, missions pour lesquelles elle a bénéficié de plusieurs formations.

Par ailleurs, en dehors de ses activités pour AIF, Martine Landry est engagée au sein de différentes associations locales et nationales pour la défense des migrants et des réfugiés dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).

L’injuste « délit de solidarité »

Ces personnes qui aident les réfugiés sont inquiétées, intimidées, poursuivies alors qu’elles défendent avant tout les droits humains. Elles agissent pour protéger les droits des personnes migrantes et réfugiées auxquels portent atteintes les autorités françaises. Ces personnes sont des défenseurs des droits humains et, ils doivent bénéficier de la protection de l’État.

Lire aussi : 3 questions sur le délit de solidarité

Alors que, depuis plus de deux ans, nos organisations dénoncent les violations du droit international, européen ou français, à la frontière franco-italienne par les autorités françaises, ces dernières intimident et poursuivent celles et ceux qui tentent de protéger les droits humains de personnes aussi vulnérables que des mineurs isolés.

Une criminalisation insupportable

Le procès de Martine Landry doit être l’occasion pour le gouvernement français de modifier sa législation qui permet, comme cette situation le démontre, de criminaliser l’aide apportée par des citoyens pour protéger les droits des personnes migrantes et réfugiées.

Lire aussi : Réfugiés, ce que cache le mot « délit de solidarité »

Il est urgent et indispensable que la politique du gouvernement français soit réorientée de façon à répondre à l’impératif du strict respect des droits des personnes migrantes et réfugiées qui franchissent la frontière franco-italienne et à la nécessaire protection de celles et ceux qui leur apportent leur aide.

Nord Littoral // L’Agent gifle un migrant: six mois de prison ferme

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Jai été commissaire de police pendant quinze ans. Attendez-vous à devoir vous battre devant la commission de discipline pour ne pas être exclu ! » tonne le président du tribunal. En face, c’est un policier de 44 ans qui est sur le banc des prévenus. Le 3 août 2016, il a mis une gifle à un migrant alors qu’ils attendaient l’arrivée des magistrats, dans une petite salle d’audience voisine de l’hôtel de police de Coquelles. C’est une greffière, qui, en débarquant dans la salle à l’improviste, rapportera avoir assisté à la scène de la gifle.

Alors oui, le migrant en question était du genre agité, ce jour-là. Mais justement, la situation semblait être sous contrôle au moment où la gifle a été administrée. « On ne peut pas accepter un tel comportement de la part de fonctionnaires de police », et ce même dans la situation très compliquée qu’ils vivent à Calais, explique encore le président. Le parquet avait requis six mois de prison ferme et le tribunal a suivi ces réquisitions. Il a de plus révoqué 4 mois de prison avec sursis d’une précédente condamnation pour des faits de violence. Quant à savoir si le policier pouvait continuer à exercer au sein des forces de l’ordre… Le tribunal a plus ou moins botté en touche : le prévenu a interdiction d’utiliser une arme pour une durée de cinq ans. Il lui est aussi interdit d’exercer dans la fonction publique pendant deux ans, mais cette condamnation est avec sursis. Il pourra donc en théorie sauver son poste… s’il parvient à convaincre la commission de discipline.

L’Humanité// François Gemenne « La crise humanitaire n’est pas derrière nous »

Entretien réalisé par Ixchel Delaporte
Mardi, 24 Octobre, 2017

Un an après le démantèlement de la « jungle » de Calais, la situation est loin de s’être améliorée, rappelle le chercheur François Gemenne, qui dénonce une politique axée sur le sécuritaire.

Des files d’attente à l’entrée de bus, des valises à la main… Le 24 octobre 2016, l’État démarrait le transfert de quelque 7 400 migrants de la « jungle » de Calais vers des centres d’accueil en régions. Un an après le démantèlement de ce vaste bidonville, François Gemenne, chercheur en sciences politiques à l’université de Liège et à celle de Saint-Quentin-en-Yvelines, dresse le bilan de cette opération et constate le manque flagrant de solutions à plus long terme.

Un an après le démantèlement de la « jungle » de Calais, quel bilan dressez-vous ?

François Gemenne On peut considérer que la situation est pire, sans doute, par rapport à ce qu’était la « jungle ». À Calais, les conditions de vie et les droits humains, le droit à l’eau et à un toit, ne sont pas respectés a minima. La France est condamnée moralement à la fois par l’ONU, par le Défenseur des droits et par le Conseil d’État. La logique du gouvernement d’éviter tout « point de fixation » est absurde. Tant que Calais restera situé à 30 kilomètres des côtes anglaises et tant que la géographie de la France et de l’Angleterre restera ce qu’elle est, cet endroit restera un point de passage attractif pour les migrants. La traque permanente organisée par la police occasionne une tension très forte avec les associations et les migrants. Mais ces actions policières sont des gesticulations. C’est incroyable que la police empêche les associations d’aider, alors qu’elles pallient les manques de l’État. Calais est devenu un symbole de la politique d’asile de la France. Ces démonstrations de force n’ont aucun effet sinon de politiser le dossier à outrance.

L’évacuation de la « jungle » s’est aussi accompagnée d’une ouverture de centres d’accueil et d’orientation (CAO) partout en France. Que pensez-vous de cette politique de répartition ?

François Gemenne Sur le fond, cette politique est une bonne chose. Les solutions locales, avec des groupes de réfugiés moins nombreux, permettent un meilleur accueil, de moins inquiéter la population et de pratiquer une politique d’insertion plus réussie. Cela dit, cette répartition en CAO ne peut être faite de manière directive. Or c’est trop souvent ce qui s’est passé en France. Contrairement à l’Allemagne, où un plan de répartition plus réfléchi a été élaboré, les autorités françaises, je trouve, n’ont pas assez pris en compte les desiderata des réfugiés, dont beaucoup ne souhaitaient pas aller dans les centres qu’on leur imposait plus ou moins.

Que préconisez-vous pour améliorer la situation spécifique de Calais ?

François Gemenne Le Royaume-Uni a chargé la France d’appliquer sa politique migratoire. Il faudrait renégocier les accords du Touquet pour que cela se fasse de façon plus équilibrée. Et contraindre le Royaume-Uni à accepter les mineurs et à respecter un minimum les droits de l’homme. La France fait la même chose avec l’Italie dans la vallée de la Roya. Sans parler de ce que fait l’Europe avec la Turquie… Il faut cesser ces logiques de sous-traitance. Pour Calais, il est urgent d’ouvrir un centre humanitaire d’accueil qui fournisse les services de base.

Sur le plus long terme, quelles solutions envisagez-vous ?

François Gemenne D’abord, il y a des urgences humanitaires : les violences dont sont victimes les migrants et les noyades. On croit à tort que la crise humanitaire est derrière nous. Elle n’a jamais été aussi aiguë. Il faut lancer une opération de secours de grande envergure. Ensuite, la procédure d’asile est à bout de souffle. Donc il faudrait une agence européenne de l’asile. L’Union doit se doter d’une vraie politique d’asile commune. Mais aussi d’une politique d’immigration, en déterminant des voies d’accès sûres et légales pour ceux qui veulent migrer, sans opposer migrants économiques et réfugiés politiques. Le phénomène migratoire est complexe. Il possède des dimensions aussi bien politiques, environnementales qu’économiques. Et toutes les trois s’influencent mutuellement.

François Gemenne est politologue à l’université de Liège (Cedem)

42 % d’exilés ont obtenu l’asile

D’après l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), 42 % des migrants vivant dans la « jungle » de Calais et ayant demandé l’asile l’ont obtenu et 46 % attendent toujours une décision définitive. Au total, 5 466 adultes ont été acheminés dans l’un des 301 centres d’accueil et d’orientation en régions et 1 952 mineurs non accompagnés ont été orientés vers des CAO dédiés. Pour les mineurs, 515 d’entre eux ont été transférés vers le Royaume-Uni ou l’Irlande, 194 orientés vers l’Aide sociale à l’enfance, alors que 709 ont fugué. Ils sont 333 à avoir été évalués majeurs et redirigés vers un CAO.