Initiatives solidaires

Le Mone, dimanche 2 août
Hébergement de migrants : « Ça a changé ma vie »

Julia Pascual

Touchés par le sort de jeunes réfugiés contraints de dormir dans la rue, des citoyens ordinaires leur ouvrent la porte de leur domicile. Ils racontent au « Monde » cette expérience

TÉMOIGNAGES
C’est l’été et celui-ci, comme les précédents depuis cinq ans, n’offre pas de répit aux personnes migrantes qui vivent à la rue. Avant une opération de mise à l’abri de la préfecture d’Ile-de-France, mercredi 29 juillet, ils étaient plus de 2000 à camper le long du canal, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) ; des demandeurs d’asile, afghans et soudanais en majorité. Parmi eux, des familles avec des enfants en bas âge et des femmes enceintes.

En France, un demandeur d’asile sur deux n’est pas hébergé, faute de capacité dans le dispositif national d’accueil. Le 115 est, lui aussi, saturé.

En plein centre de Paris, dans un petit square, autour de 70 jeunes se réclamant mineurs, vivent aussi sous tente depuis un mois. Ils viennent en majorité d’Afrique de l’Ouest (Guinée, Mali, Côte d’Ivoire) et ont migré seuls en Europe. Lorsque les départements dont relève l’Aide sociale à l’enfance ne les reconnaissent pas mineurs – à l’issue d’un entretien souvent sommaire –, ils ne font l’objet d’aucune prise en charge, malgré leurs recours devant le juge des enfants.

Cette réalité a suscité ici et là des élans de solidarité de simples citoyens, épaulés parfois par des associations. Ils offrent une chambre, un canapé, le temps d’une nuit, d’un mois, d’une année. Personne n’est capable de dire précisément combien ils sont tant les initiatives sont éparses. Ces retraités ou actifs, qui vivent seuls ou en couple, à Paris ou en province, sont portés par un devoir d’humanité bien plus souvent qu’un élan politique. Le Monde est allé à leur rencontre. Portraits de cette France discrète et active.

Pascale et Bertrand Cohen, 58 ans, Paris
« Ça a changé ma vie. » Pascale Cohen se souvient du jour où elle a décidé de participer à des distributions de repas pour des mineurs isolés étrangers. Cela faisait quelque temps qu’elle entendait Manuela, avec qui elle chante dans une chorale du 11e arrondissement, parler de ces jeunes tout juste arrivés à Paris et qui, faute d’être reconnus mineurs, se retrouvent à la rue.

Manuela est très investie dans l’association Les Midis du Mie, qui aide ces jeunes. Pascale Cohen suit d’abord son engagement de loin, puis saute le pas à son tour. Fille de déporté, elle a toujours entendu son père lui raconter des histoires d’enfants juifs dont les parents avaient été envoyés dans les camps de concentration. Cette histoire familiale l’a marquée. « J’ai toujours eu envie de faire quelque chose en faveur des enfants », confie-t-elle. Son mari, Bertrand, a lui « un rapport à la migration particulier ». A 5 ans, avec sa famille, il a fait partie de ces juifs qui ont massivement dû quitter la Tunisie, dans le climat d’hostilité des années 1960.

Pascale et Bertrand ne se disent pas militants mais l’engagement a toujours accompagné leur histoire. Le couple s’est rencontré au sein d’un mouvement de jeunesse kibboutznik. Ils sont aujourd’hui actifs au sein d’une association pour la paix en Israël.

Le vendredi, Pascale Cohen voit défiler les jeunes lors des distributions de repas de l’association. Un soir d’hiver, début 2019, la situation d’un gamin sans solution d’hébergement la saisit. Elle pleure. « Quand ça vous tombe sur la tête, c’est difficile à encaisser », reconnaît-elle. Une réflexion chemine en elle. Dans l’appartement de 130 m2 qu’elle occupe avec son mari, deux chambres sont vides. Elle consulte ses enfants, tous trois indépendants, qui lui disent de « foncer ». Elle accueille rapidement Madjiou (qui préfère garder l’anonymat), un Guinéen de 16 ans. Le garçon vient d’arriver en France. Son oncle, avec qui il avait entrepris le voyage, s’est noyé en Méditerranée. Ce qui ne doit durer que quelques nuits va se prolonger pendant six mois, jusqu’à ce que Madjiou soit finalement reconnu mineur par un juge des enfants et pris en charge.

Cette expérience a été « vivifiante », rapporte Bertrand, qui évoque même un gain d’amour. « Ça a été un chamboulement positif dans notre vie », abonde Pascale. En août 2019, le couple réitère et accueille cette fois Lateef, un Afghan de 15 ans. « Je l’avais aperçu lors d’une distribution, il était un peu en retrait, se souvient Pascale. En deux minutes j’ai dit que je le prenais chez moi. Au bout de deux jours, je lui confiais les clefs de l’appartement. »

« Je dormais porte d’Aubervilliers depuis deux mois, rapporte l’adolescent. Depuis que j’avais quitté l’Afghanistan en 2018, je n’avais été que dans des camps. » Lateef a finalement été reconnu mineur par un juge. Il entamera à l’automne une formation en informatique. Pascale et Bertrand ont eux été reconnus comme famille d’accueil bénévole. Lateef restera chez eux « jusqu’à ses 18 ans », dit Pascale. Quand leurs amis les félicitent de cette démarche « formidable », Pascale est mal à l’aise. « C’est beaucoup plus simple qu’on ne le croit, dit-elle. Je n’en veux pas aux gens qui ne le font pas, il y a un moment pour ça. Mais j’en veux à ceux qui pensent que c’est extraordinaire. Parce que ce qui est extraordinaire, on n’est pas censé le faire, on l’évite. »

Marie et Stéphane Roussel, 43 et 45 ans, Paris
« Le fruit du hasard » ; « un concours de circonstances ». Marie Roussel ne s’était jamais imaginée accueillir quelqu’un chez elle. Cofondatrice d’un espace de travail partagé dans le 11e arrondissement de Paris, pour lequel travaille son mari Stéphane, elle était peu familiarisée avec la question migratoire. Mais la présence dans son quartier du dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers du département a attiré l’attention du couple de quadragénaires. « On voyait tous les jours des jeunes qui attendaient [pour un entretien d’évaluation] », se souvient Marie. Un soir de novembre 2018, sous une pluie battante, un Sénégalais entre dans le lieu de coworking. Il est fatigué, il a froid et nulle part où aller.« Je n’ai pas compris tout de suite ce qui se passait », explique Marie Roussel. Elle finit par contacter une association qui lui conseille de l’amener porte d’Aubervilliers. Le jeune homme se verra remettre une couverture pour passer la nuit, lui dit-on.

« Avec Stéphane, on s’est dit que ce n’était pas possible », relate-t-elle. Ismaïla est aussitôt hébergé par le couple, qui habite un duplex dans le 10e arrondissement, avec leurs deux enfants de 11 et 15 ans. « La troisième ou la quatrième nuit, Ismaïla a ramené son ami Samba », rapporte Marie Roussel. Les deux jeunes sont installés dans un coin aménagé de l’appartement. « C’est un peu bizarre au début, on ne sait pas comment communiquer, se souvient Marie. Mais les enfants ont permis d’établir un lien facilement. » Au bout de deux semaines, Ismaïla est finalement pris en charge par le tissu associatif et orienté provisoirement vers un hôtel. Samba, lui, est logé encore quelque temps par le couple et d’autres hébergeurs citoyens.

Dans l’entourage du couple, les réactions sont mitigées. « Nos parents nous ont tout de suite dit qu’on pourrait avoir des problèmes. C’était lointain pour eux », se souviennent-ils. Puis, les lignes bougent. Y compris dans l’esprit de Stéphane Roussel : « Ça m’a interrogé sur les raisons de la migration. Ismaïla est venu du fait de l’absence de perspectives économiques dans son pays. Je trouve ça légitime. Il y a des inégalités folles dans le monde. On ne peut pas empêcher ce qui se passe et, à un moment, la solidarité devra jouer pleinement. »

Depuis cette première expérience, le couple est toujours en contact régulier avec Ismaïla – évalué majeur, il a finalement déposé une demande d’asile, qui a été rejetée – mais n’a pas accueilli d’autre personne. « On s’était dit qu’on le referait mais je n’avais pas envie que ça soit une obligation, explique Marie. Je ne sais pas si je serais capable d’en faire un sacerdoce. » Elle reconnaît l’engagement qu’une telle démarche nécessite. « Ça bouleverse ton quotidien », résume-t-elle. Stéphane, lui, veut croire que l’« histoire n’est pas forcément finie ».

Georges Lafon, 72 ans, Paris
Le vaste appartement qu’il occupe, au pied de Montmartre, dans le 18e arrondissement de la capitale, est« trop grand »pour que Georges Lafon, 72 ans, y vive seul. Sa femme habite en Belgique, et il a pris l’habitude, depuis des années, d’héberger des amis ou de louer une chambre à des étudiants. Quand il est allé chercher Abdul Saboor à la gare d’Austerlitz, en novembre 2017, c’était pour « faire plaisir à [sa] belle-sœur ». Un groupe de Bruxellois investi dans le milieu associatif cherchait un pied à terre en urgence pour un Afghan qui débarquait en France. Ce devait être l’affaire de quelques jours. « Ce n’était pas un acte raisonné », assure-t-il. Près de trois ans se sont écoulés et Abdul, âgé d’une trentaine d’années, vit toujours chez lui.

A son arrivée, le jeune homme est dans une situation confuse. Après avoir quitté l’Afghanistan en 2016, il a passé beaucoup de temps sur la route des Balkans, a notamment vécu un an en Serbie et a déjà erré en Espagne, en Belgique, en Italie et en Suisse.« Un ami m’a dit de venir en France pour les papiers », se souvient Abdul.

Georges n’est pas familiarisé avec l’asile. Il a fait carrière dans l’industrie pharmaceutique, notamment aux Etats-Unis, avant d’enseigner l’économie de la santé dans des écoles de commerce ou à l’université. Il mesure aujourd’hui ce que sa rencontre avec Abdul a généré. « Je viens d’un milieu classique de bourgeois parisiens. Aujourd’hui, je suis beaucoup moins sûr de moi à propos de ce que sont de bonnes conditions de vie. Est-ce que l’enrichissement est un but ? J’y croyais, je l’ai enseigné mais je n’y crois plus du tout. Ça engendre des inégalités, des conflits, des pollutions effroyables. » Abdul fait partie de la « famille »de Georges désormais, même si les deux hommes évoluent dans « des mondes différents ». Abdul a obtenu le statut de réfugié. Il s’investit dans la photo. Il a pour projet de refaire le chemin qu’il a parcouru à travers l’Europe des Balkans, pour documenter en images cette route migratoire.

Valérie et Laurent Jorigné, 53 et 55 ans, Montauban
« Je veux rendre l’ISF[impôt sur la fortune]. » C’est animée par cette envie de réinjecter son argent dans la solidarité que Valérie Jorigné, 53 ans, a adressé un mail, fin 2018, à Utopia 56, une association d’aide aux migrants qu’elle a découverte au hasard de recherches sur Internet. Avec son mari Laurent, 55 ans, ils étaient prêts à « accueillir des gamins vivant à la rue », dans leur maison de 400 m2 située sur une route de campagne près de Montauban.

Aucun n’a l’habitude du militantisme associatif ou politique. Valérie connaît, en revanche, les galères de la vie. Il y a près de trente ans, jeune mère célibataire, elle a dû s’en sortir seule, loin d’un premier conjoint tourmenté, violent et porté sur la boisson. Laurent, lui, a hérité d’un père qui a fait fortune en participant à l’aventure des magasins Leclerc. « On a bien conscience de ce qu’on a », résume simplement Valérie Jorigné.

Surtout, le couple a vécu une expérience déterminante en 2018. Ils ont recueilli chez eux Marko Nicic, un Serbe du Kosovo âgé de 22 ans qui dormait sous les gradins du stade de Montauban. Marko est un coureur de demi-fond talentueux. Alertés par le club d’athlétisme de la ville et touchés par l’histoire du jeune homme, Valérie et Laurent le prennent chez eux. Leurs deux aînés, Nikita et Bastien, issus de premières unions, sont déjà indépendants. Leur dernière, Juliette, a 16 ans. Marko devient un frère de plus dans cette famille recomposée.

Il a aujourd’hui intégré une école d’éducateur spécialisé à Albi et le club d’athlétisme de Toulouse. Valérie s’est démenée« au culot »pour arracher sa régularisation en janvier. « Cela nous a apporté beaucoup, dit-elle. Le bonheur de voir un gamin broyé sortir la tête de l’eau, s’ouvrir, reprendre goût à la vie. »

En 2019, le couple veut renouveler l’expérience. Utopia 56 leur propose d’héberger un jeune réputé « compliqué ». Abdoulaye Barry est guinéen et il a fait « deux ans de route jusqu’en Europe », ponctuée par une traversée du désert, des travaux des champs au Maroc et une traversée périlleuse de la Méditerranée. « On était 32 dans un canot pneumatique, se souvient l’adolescent, aujourd’hui âgé de 17 ans. Il y avait aussi des cartons de shit. Trois Marocains conduisaient. Avant d’arriver sur les côtes espagnoles, ils ont sorti des machettes et nous ont dit “vous sautez ou on vous coupe en morceaux” ». Plusieurs passagers sont morts noyés.

Abdoulaye arrive en France en 2018. Il passe de longs mois dans la rue à Paris, sans prise en charge de l’ASE malgré la minorité d’âge qu’il invoque. Utopia 56 et Médecins sans frontières (MSF) le repèrent et, après plusieurs mois dans un hôtel, l’envoient chez Valérie et Laurent Jorigné, à Montauban.« Je me suis dit qu’ils m’avaient jeté au fin fond de la brousse, je flippais un peu », avoue le garçon. Aujourd’hui, il a été reconnu mineur, suit un bac pro mécanique moto, une passion qu’il partage avec Laurent, et affiche des résultats brillants.

En avril 2019, Ihtisham Arif, un Pakistanais de 17 ans, a, lui aussi, rejoint la maisonnée. L’adolescent a quitté son pays en septembre 2016 et, dit-il,« [a] vu la mort devant [lui] »en rejoignant l’Europe. Il a notamment franchi « treize montagnes en une nuit entre l’Iran et la Turquie », voyagé dans la soute d’un bus ou sur l’essieu d’un camion, échappé de peu au naufrage d’un bateau en feu en Méditerranée… A Paris, il ne parvient pas à être reconnu mineur, écume plusieurs départements, se fait rejeter, accusé de présenter des faux documents d’identité… Lorsqu’il arrive dans la famille Jorigné, orienté par Utopia 56 et MSF, il pèse 53 kg pour 1 m 82, parle peu, prend des antidépresseurs. A peine un an plus tard, il s’exprime en français avec facilité. Il a été admis en première générale, avec des spécialités scientifiques. Il a plus de 14 de moyenne générale et ses professeurs louent son « implication ».

Béatrice Le Floch-Meunier, 58 ans, Toulouse
« Sans avoir l’idée de sauver qui que ce soit, j’offre une parenthèse à quelqu’un, ainsi qu’à moi-même. » Béatrice Le Floch-Meunier parle d’une voix douce et sans emphase. Elle repense aux cinq semaines pendant lesquelles, à l’hiver 2019, elle a hébergé Mifta Keita, une Guinéenne de 27 ans, dans son appartement de trois pièces d’un quartier calme du nord-est de Toulouse. « J’ai trouvé l’expérience intéressante dans le partage, j’ai appris plein de choses », souligne-t-elle.

Pour cette infirmière de métier, devenue cadre de santé, la migration renvoie à sa propre expérience de vie. Petite-fille d’immigrés italiens installés en Algérie, elle a rejoint la France au moment de l’indépendance, en 1962, âgée d’à peine 3 mois. L’actualité des personnes migrantes arrivant en Europe lui donne « très envie de [s’] inscrire dans ces histoires ». Valérie voulait trouver sa « juste place », sans tomber dans le « voyeurisme ». Une collègue de travail lui parle de son engagement auprès du programme Welcome de l’association jésuite JRS, qui accompagne des hébergements citoyens de demandeurs d’asile. Elle saute le pas. En décembre 2019, Mifta Keita arrive chez Béatrice.

La jeune femme, danseuse professionnelle en Guinée et mère d’un enfant de 11 ans resté au pays, est en France depuis février 2019. Malgré sa demande d’asile, aucun hébergement ne lui a été proposé par l’Etat. Après des mois de vie en squat, elle est prise en charge par plusieurs familles grâce à Welcome. Chez chacune d’entre elles, elle peut rester un mois. Le programme d’accueil est prévu pour durer au total six mois maximum.

Avec Béatrice, Mifta partage des moments de complicité, devant la télé le soir ou quand elles vont faire le marché. Elles préparent ensemble sa demande d’asile. « J’ai tout découvert, confie Béatrice. A la fois les réseaux de solidarité, mais aussi la complexité du parcours administratif. » La procédure est toujours en cours. Lors du confinement, les six mois du programme Welcome arrivés à leur terme, Mifta a manqué retourner à la rue. Une amie l’a hébergée un mois, puis le 115 lui a trouvé une chambre d’hôtel. « On m’a prévenue que je devrai partir en août, je suis inquiète », avoue-t-elle. De son côté, Béatrice Le Floch-Meunier est prête à réitérer l’expérience. Mais à voir la situation précaire de Mifta, elle pense : « Si elle est à la rue, je préfère l’accueillir, elle, plutôt que quelqu’un d’autre. »

Olivia Martinez et Emilie Kelly, 42 et 34 ans, Banyuls-sur-Mer
Olivia Martinez et Emilie Kelly sont deux amies de longue date installées à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales). Depuis deux ans, elles partagent leur appartement avec Mohamed Ali, un demandeur d’asile soudanais de 25 ans. Leur rencontre est liée au hasard. Celui de l’itinéraire d’un chauffeur routier dans le camion duquel Mohamed et une poignée d’autres Soudanais et Erythréens s’étaient cachés en Italie, pour passer la frontière et entrer en France. Mais lorsque le petit groupe de migrants est extrait du poids-lourd, plusieurs heures plus tard, ils découvrent avec surprise qu’ils sont en Espagne, à Figueras. Ils rebroussent chemin, en train, mais la police française les interpelle à la frontière et veut les refouler en Espagne. Mohamed et trois autres Soudanais parviennent à s’enfuir en courant vers les chemins de montagne. Deux heures après, ils arrivent sur les hauteurs de Banyuls-sur-Mer, par une petite route bordée de vignes, en pleine chaleur, à l’été 2018.

Un couple d’amies d’Olivia et Emilie les croise, leur donne à boire et, de fil en aiguille, le réseau amical se met en branle pour offrir quelques jours de répit à ces voyageurs exténués. Deux d’entre eux ne tardent pas à reprendre la route. Mohamed veut rester à Banyuls. Son ami Habib hésite. Lorsque Emilie et Olivia les accompagnent pour déposer une demande d’asile à Perpignan, elles découvrent qu’aucun hébergement ne leur est proposé. « Sans même avoir besoin de se parler, on les a ramenés à la maison », se souvient Olivia. Les deux amies se connaissent depuis longtemps, elles ont travaillé ensemble dans un club de plongée en Egypte, vécu au Mexique…

Aujourd’hui, elles développent un projet de cosmétique naturelle et de plantes aromatiques et médicinales. Peu de temps après leur rencontre avec les deux Soudanais, ils déménagent tous les quatre dans un nouvel appartement pour entamer une grande colocation. Comprenant que les démarches vont être longues, « on leur a dit qu’ils pouvaient rester le temps qu’ils voulaient », se souvient Emilie. Les deux femmes voient leur rôle comme celui de « grandes sœurs ».

Habib a finalement décidé de rejoindre le Royaume-Uni, tandis que Mohamed n’a toujours pas été convoqué par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour être entendu. En attendant, il entraîne les équipes jeunes du club de foot et a été « adopté » par la famille d’Olivia, installée dans la région. Les deux femmes refusent de voir dans leur démarche un geste politique. « C’est juste humain,fait valoir Emilie Kelly.On ne devrait pas avoir à porter une bannière pour ce genre de droits fondamentaux. »

Bailleul : un Formule 1 devenu CAES puis CAO puis HUDA

Ni vu ni connu
À Bailleul le Formule 1 a fermé ses portes il y a quelques temps. L’état l’a racheté comme 60 autres.
Il y a environ 3 ans, l’État a décidé de le transformer en CAES ( centre d’accueil et d’examen des situations), autrement dit un accueil inconditionnel pour les personnes qui se trouvaient à Dunkerque. Super enfin l’état avait une attention pour ceux qui ne demandais pas forcément l’asile.
C’est Adoma qui a été nommé pour gérer ce centre qui pouvait accueillir jusqu’à 80 personnes.
Pour ceux qui connaissent un peu les Formule 1, il faut savoir qu’il n’y a eu aucun travaux. Ce qui veut dire que pour cuisiner les résidents disposaient de 2 plaques électriques, d’un mini four micro-ondes, d’un cuiseur à riz ainsi que d’une bouilloire, tout ceci dans l’entrée du Formule 1. On voyait donc des mamans descendre avec un faitout pour cuire le repas obligées de remonter dans leur chambre parce qu’ aucun élément de cuisson n’était disponible.
Il n’y avait non plus aucune machine à laver pour la lessive alors que c’était essentiellement des familles avec petits enfants.
Les chambres de Formule 1 sont conçues pour 3 personnes. Quand la famille avait 2 enfants, elle disposait de 2 chambres; le père dormant avec l’un, la mère avec l’autre.
Bien sûr, aucun espace de jeux n’avait été aménagé. On peut imaginer l’ambiance les jours de pluie.
Quelques mois après sans qu’on soit averti de quoi que ce soit je me suis rendue compte que le CAES était devenu un CAO ( centre d’accueil et d’orientation) toujours géré par Adoma. Et encore quelques temps après le CAES devenu CAO était un Huda. Autrement dit l’accueil inconditionnel s’était transformé en accueil de demandeurs d’asile. Ni vu ni connu….
Pour la défense de l’État mais ça c’était largement prévisible, très rapidement des passeurs s’étaient introduits au CAES. Les poids lourds qui stationnaient sur le parking en face on vu leur bâche tailladée. Un soir une rixe a éclaté faisant un blessé et un passeur qui s’était déjà fait repérer dans la ville a été arrêté condamné et incarcéré à Longuenesse où je viens d’apprendre qu’il est décédé sans en connaître les circonstances.
Néanmoins il n’existe toujours pas d’accueil inconditionnel pour les personnes qui n’ont pas encore décidé de demander l’asile.
L’État n’assure toujours pas une information suffisante pour que  les personnes puissent décider et s’engager dans un parcours qu’ils auront choisi en fonction des possibilités.

Claire Cleenewerck

La Voix du Nord // Lille squat de Vauban, l’ultime asile de jeunes albanais

http://www.lavoixdunord.fr/548442/article/2019-03-08/squat-de-vauban-l-ultime-asile-de-jeunes-albanais

On commence à bien connaître ces regards. Méfiants. Terrifiés. Aux aguets. Le plus dramatique serait de s’y habituer. Eux s’habituent à ce semblant de vie dans le dédale des anciens bureaux d’EDF. Un immeuble de six étages, en lambeaux, où ces jeunes gens venus d’Albanie improvisent des chambres là où il y a encore des fenêtres. Avec des matelas sur des palettes ou des briques. Au détour d’un couloir, l’ingéniosité d’une cuisine qui se résume à une planche et un peu de vaisselle. Pas d’eau. Ni douche, ni toilettes. L’unique point d’eau est à l’extérieur du bâtiment. L’électricité va et vient. Selon les coupures et les habiletés de chacun.

 

PHOTO BAZIZ CHIBANE

La situation n’est évidemment pas sans rappeler le squat «5 étoiles» de Moulins. Lieu d’exclusion et de marginalité. À proximité du collège Levi-Strauss, les riverains se plaignent de tapages et de la saleté de ce site à l’abandon.

« Je mens tous les jours à ma famille »

Fin 2017, le squat a commencé par accueillir des familles avec enfants. Des familles irakiennes et africaines qui ont depuis trouvé des solutions plus pérennes grâce au soutien d’associations comme L’île de solidarité. Depuis quelques mois, entre 60 et 100 jeunes gens venus d’Albanie vivent ici. Hysni a 19 ans, s’exprime en anglais. Il a quitté Shköder avec un sac à dos en promettant à ses parents qu’il aurait une vie meilleure en France. Et il fait tout pour sauver les apparences : « Tous les soirs quand ma mère m’appelle, c’est son obsession : elle veut savoir ce que j’ai mangé. Alors j’invente des plats délicieux, parce que bien souvent je me contente d’un sandwich. Oui, je lui mens. Tous les jours. Elle croit que tout va bien… »

 

PHOTO BAZIZ CHIBANEIl se souviendra longtemps de cet hiver. Aussi rude que ses premières désillusions. Mais Hysni est heureux de nous montrer son univers : un lit tiré à quatre épingles, des bouquins de Français et des sacs de course qui contiennent toute sa vie… Et ce dont il est le plus fier : la clé de chez lui. Au bout d’un cadenas.

Des mineurs livrés à eux-mêmes

Comme tous les occupants du squat, Hysni, Fotyom, Armundo, Kolie ont déposé une demande d’asile. Leur pays a beau être considéré comme « sûr » par l’Europe et la France, ces garçons aspirent à une vie décente, des études, un travail sans histoire… « Tous les gens de notre âge quittent l’Albanie parce qu’il n’y a pas de travail. Et il y a tout un système de corruption qui exclut les familles pauvres de tout. Dans mon village, un jeune a voulu se présenter aux élections locales. Ils ont menacé sa famille… »

 

PHOTO BAZIZ CHIBANE

Les plus âgés – ils ont 25 ans tout au plus – nous expliquent qu’ils veillent sur les plus jeunes. Les plus jeunes ? « Il y a plusieurs gamins de 16 ans, confirme Ben de L’île de solidarité. On fait régulièrement appel au 115 mais c’est compliqué. Il manque des places… » C’est pourtant une obligation de mettre les mineurs à l’abri. Les bénévoles de l’association, qui viennent régulièrement apporter des denrées et des soins, sont sur le qui-vive à l’approche de la fin de la trêve hivernale. Ce site privé serait sous le coup d’un avis d’expulsion. En attendant, si certains tuent le temps, Hysni et Fotyom ont trouvé une façon de se rendre utiles : ils participent aux maraudes auprès des sans-abri de la région.

La Préfecture a enregistré 3 310 demandes d’asile l’an dernier

En 2017, l’Albanie a été le premier pays d’origine des demandeurs d’asile avec près de 8 000 demandes répertoriées par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). L’an dernier, cette demande a baissé de 28 %. Pour l’ensemble de l’année 2018, la demande d’asile introduite à l’Ofpra atteint 122 743 dossiers (+22 %). Les principaux pays d’origine de la demande d’asile sont l’Afghanistan, l’Albanie, la Géorgie, la Guinée et la Côte d’Ivoire. Plus de 46 700 personnes (mineurs inclus) ont été placées sous la protection de l’Ofpra aux titres du statut de réfugié et de la protection subsidiaire (+9 % ).

Principaux pays d’origine : Guinée, Algérie, Irak

Dans le Nord, la Préfecture a enregistré 3 310 demandes d’asile en 2018 (1 412 de plus qu’en 2017) avec pour principales nationalités : Guinée, Algérie, Irak.

Candidat à l’entrée dans l’UE, l’Albanie – 3 millions d’habitants, l’équivalent de la Bretagne – est l’un des pays les plus pauvres d’Europe, avec un salaire moyen de moins de 300 euros par mois. Le taux de chômage des jeunes dépassait 30 % en 2017 selon la Banque mondiale.

Un pays d’origine « sûr » pour l’État français

Peu de demandes d’asile aboutissent en France qui a révisé, en 2015, sa liste de pays d’origine « sûrs ». Elle considère que l’Albanie répond à des critères démocratiques européens suffisants au même titre que ses voisins : la Serbie, le Monténégro, le Kosovo, la Macédoine…

Mais la convention de Genève s’applique à tous les « réfugiés s ans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d’origine. » Ce principe exige de chaque pays signataire à traiter tous les dossiers de demande d’asile.

 

34 associations demandent à la rapporteure de l’ONU de venir à Calais

Migrants : 34 associations demandent à la rapporteure de l’ONU de venir à Calais

Plus de 30 associations françaises et britanniques ont saisi la rapporteure spéciale des Nations unies sur le logement convenable, pour qu’elle se rende à Calais (Pas-de-Calais) et Grande-Synthe (Nord) « afin de constater les conséquences d’années de politiques de non-accueil« .

Par AFP Publié le 06/02/2019 à 18:51 Mis à jour le 06/02/2019 à 19:01

« La situation se dégrade et des centaines de personnes dorment toujours dans la rue, à Calais, Grande-Synthe, Cherbourg, Norrent-Fontes/Quernes, Angres/Levin, Tatinghem/Longuenesse et Ouistreham« , s’alarment mercredi dans un communiqué commun ces 34 associations, dénonçant « la politique d’expulsions systématiques et d’invisibilisation des personnes exilées à la frontière franco-britannique« .

Figurent parmi les signataires Emmaüs, la Ligue des droits de l’Homme, ATD Quart Monde Nord Pas-de-Calais et La Cimade Nord-Picardie. Les associations s’appuient sur le rapport publié en décembre du Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui dénonçait une « dégradation » de la situation sanitaire et sociale des migrants vivant sur des campements en France depuis trois ans, avec « des atteintes sans précédents aux droits fondamentaux« .

« Violations des droits de l’homme »

« C’est pourquoi nous en appelons aux Nations unies pour que soient mises en lumière les violations des droits fondamentaux« , ajoutent-elles, et demandent à la rapporteure Leilani Farha de « se rendre sur place, principalement à Calais et Grande-Synthe, afin de constater les conséquences d’années de politiques de non-accueil. »

Selon Sophie Pouget, avocate et bénévole de Committee for refugee relief, Mme Fahra est invitée officiellement par le gouvernement en avril.  « Nous aimerions qu’elle vienne à Calais et qu’elle émette un communiqué officiel dénonçant les violations des droits de l’Homme« , a-t-elle affirmé.

Entre 350 et 400 migrants vivent actuellement à Calais et aux alentours dans l’espoir de rejoindre la Grande-Bretagne, selon la préfecture du Nord.

 

Communiqué de la Cimade sur le squat du 5 étoiles

Squat du 5 étoiles : le tribunal reconnaît une atteinte à la dignité humaine

26 novembre 2018

Communiqué de presse de La Cimade Nord-Picardie suite à la décision rendue par le tribunal administratif de Lille qui se base sur notre rapport pour reconnaitre une atteinte à la dignité humaine pour les 151 personnes du squat « 5 étoiles ».

Le tribunal administratif de Lille, saisi en référé liberté par 151 personnes contraintes de dormir sur le squat dit du « 5 étoiles » à Lille, vient de rendre ses décisions.

En se fondant notamment sur le rapport d’observation réalisé par la Cimade et sur une visite réalisée sur le site par l’association Médecins Solidarité Lille, le juge reconnaît « l’atteinte aux droits et à la dignité des requérants ainsi que l’extrême précarité de leurs conditions de vie et l’insécurité à laquelle ils sont soumis au sein du bâtiment ».

Le juge enjoint ainsi au préfet du Nord et au maire de Lille de mettre en place des équipements provisoires d’accès à l’eau potable et des toilettes en nombre suffisant pour l’ensemble des occupants, à proximité du lieu de vie.

Toutefois, ces aménagements demeurent insuffisants au vu des besoins sur place. Le juge n’a pas retenu de « carence caractérisée en matière d’alimentation, d’élimination des déchets et d’accès aux douches » alors que notre rapport d’observation soulignait la difficulté pour prendre une douche ou s’alimenter plus d’une fois par jour, en raison notamment de la saturation des dispositifs d’accueils de jour.

Au cours de notre enquête, nous avons pu constater que toutes les personnes présentes sur le squat n’avaient pas de couverture et que certaines dormaient à même le sol, sans matelas, dans un bâtiment non chauffé. Alors que le froid se fait déjà fortement ressentir et que l’insalubrité et l’insécurité des lieux ont été reconnues, le tribunal administratif n’a pas fait droit aux demandes d’hébergement des requérants, enjoignant seulement la préfecture « à procéder à une évaluation sociale de leur situation en vue de rechercher une solution d ‘orientation adaptée » dans un délai de quinze jours. La loi prévoit pourtant le droit à l’hébergement pour toute personne en situation de détresse sociale, et un dispositif spécifique d’hébergement pour des personnes en demande d’asile.

Seul le département a été enjoint à héberger des requérants mineurs, devant être mis à l’abri au titre de la protection de l’enfance.

La Cimade regrette que le tribunal administratif n’ait pas pris des décisions à la hauteur de l’indignité constatée. Nous espérons qu’à l’issue des évaluations sociales, la vulnérabilité et la détresse des personnes seront prises en compte et que seront proposées de vraies solutions protectrices. Sans cela, la situation sur le squat risque de perdurer et de s’aggraver avec l’arrivée de nouvelles personnes en quête de protection, qui faute de solution d’hébergement, n’auront pas d’autres alternatives que d’aller rejoindre sur le squat.

TA de Lille : Squat de la rue de valenciennes

http://lille.tribunal-administratif.fr/Actualites/Communiques/Squat-de-la-rue-de-Valenciennes

22 novembre 2018

Squat de la rue de Valenciennes.

Le juge des référés du tribunal administratif de Lille rejette la plupart des requêtes présentées par les occupants de l’immeuble situés rue de Valenciennes appartenant à Partenord Habitat en vue d’obtenir un hébergement. Il enjoint néanmoins au préfet et au maire de Lille de mettre en place des équipements provisoires d’accès à l’eau potable ainsi que des toilettes. L’Etat est également contraint de procéder à évaluation sociale de la situation de chacun des requérants en vue de rechercher une solution d’orientation adaptée.

Les faits et la procédure

Malgré une expulsion prononcée, le 24 mai 2018, par le juge des référés du tribunal d’instance de Lille, plusieurs centaines de personnes occupent irrégulièrement, depuis quelques mois, un bâtiment situé 25 rue de Valenciennes à Lille et appartenant à Partenord Habitat.

151 de ces personnes, dont 64 se présentant comme mineures, ont saisi le juge des référés libertés du tribunal administratif de Lille afin d’obtenir, à titre principal, un lieu d’hébergement ou, à titre subsidiaire, des conditions de vie plus dignes sur place.

Le juge des référés s’est prononcé après avoir tenu 4 audiences.

Les décisions du tribunal

– S’agissant des mineurs, le juge considère que les requêtes ont perdu leur objet dans 6 cas dans la mesure où 6 personnes ont d’ores et déjà été prises en charge par le département du Nord. Dans 5 autres cas, le juge des référés enjoint au président du conseil départemental du Nord de leur procurer une solution d’hébergement incluant leur logement et la prise en charge de leurs besoins alimentaires.

Les requêtes des 53 autres se présentant comme mineures sont rejetées.

– S’agissant des majeurs, 12 demandeurs d’asile ont bénéficié d’un hébergement de la part de l’Office de l’immigration et de l’intégration. Leurs requêtes sont donc devenues sans objet. Pour les autres, les conclusions tendant à ce que leur soit procurée une solution d’hébergement sont rejetées.

Toutefois, le juge des référés estime que les conditions dans lesquelles les occupants des locaux doivent y vivre (absence de toilettes fonctionnelles, un point d’eau pour 150 personnes) font apparaître que la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des occupants, en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable est manifestement insuffisante. Il considère ainsi que ces conditions révélaient une carence des autorités publiques investies des pouvoirs de police générale, carence de nature à exposer le occupants des locaux, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Eu égard à la situation d’urgence, le juge des référés enjoint au préfet du Nord et au maire de Lille, de mettre en place, dans tout lieu adapté situé à proximité des locaux du 25 rue de Valenciennes ou, en lien avec le propriétaire desdits locaux, sur le site lui-même, des équipements provisoires d’accès à l’eau potable permettant aux occupants des locaux de boire, de se laver et de nettoyer leurs vêtements, ainsi que des toilettes, et ce pour une période couvrant la période dite de « trêve hivernale » soit jusqu’au 31 mars 2019.

Le juge enjoint aussi à l’État de procéder, en application des dispositions de l’article L. 345-2 du code l’action sociale et des familles, à une évaluation sociale de la situation de chacun des requérants en vue de rechercher une solution d’orientation adaptée et ce dans le délai de quinze jours à compter de la notification de ses ordonnances.

La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures afin de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

>voir ordonnance n°1810013-1810062

Le Défenseur des droits recommande le retrait de la circulaire du 12 décembre 2017

https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2018/01/le-defenseur-des-droits-recommande-le-retrait-de-la-circulaire-sur

Dès qu’il a eu connaissance de la circulaire du ministre de l’Intérieur et du ministre de la Cohésion des territoires du 12 décembre 2017 relative à l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence, le Défenseur des droits a adressé au ministre de l’Intérieur une demande d’explications et une mise en garde, considérant en première analyse que cette instruction remettait en cause le principe fondamental de l’inconditionnalité de l’accueil dans l’hébergement d’urgence inscrit notamment à l’article L. 345-2-2 du Code de l’action sociale et des familles.

Il a par ailleurs été saisi le 18 décembre dernier par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et 26 associations, ainsi que par SOS Racisme puis, le 26 décembre, par le maire de Grande-Synthe.

Dans le cadre de l’examen contradictoire de ces réclamations, le Premier ministre a répondu le 11 janvier à la lettre du Défenseur des droits au ministre de l’Intérieur.

Sur la base de l’analyse de la circulaire, des réclamations et de la réponse du gouvernement, le Défenseur des droits publie ce jour une décision n° 2018- 23 (en pièce jointe), par laquelle il recommande au gouvernement de retirer la circulaire du 12 décembre.

Le Défenseur des droits fonde sa recommandation sur trois principales observations :

–          Le seul critère pour la mise en œuvre de l’accueil inconditionnel dans l’hébergement d’urgence est la vulnérabilité des personnes, sans que puisse être prise en compte la régularité du séjour, contrairement à ce que prévoit la circulaire.

–          L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) n’a pas vocation à exercer, dans l’hébergement d’urgence relevant du cadre de l’action sociale, le contrôle administratif qu’il assure dans le dispositif national d’accueil des demandes d’asile et des réfugiés relevant de sa compétence. La légalité de son intervention, sans autorisation ni contrôle juridictionnel, apparaît dès lors incertaine.

–          Enfin, le recensement des personnes étrangères présentes dans l’hébergement d’urgence envisagé dans la circulaire, se heurte aux règles de confidentialité qui s’appliquent aux données sensibles telles que la nationalité et la situation au regard du séjour des étrangers dans les conditions fixées par la loi « informatique et libertés ».

Le Défenseur des droits demande au gouvernement de rendre compte des suites données à cette recommandation dans un délai de deux mois, conformément aux dispositions de l’article 25 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.

La Cimade // Entendez nous Monsieur le Président

Entendez-nous Monsieur le Président !

21 décembre 2017

Alors que les associations sont « consultées » sur les questions d’asile et de migrations ce 21 décembre 2017 après-midi par le Premier ministre, La Cimade a choisi d’interpeller le Président de la République sur l’une de ses promesses.

La fin de l’année approche, Geneviève Jacques, présidente de La Cimade, rappelle dans un message vidéo adressé au président Emmanuel Macron, que contrairement à sa déclaration du 27 juillet à Orléans, des personnes migrantes dorment encore dans les rues et dans les bois. Depuis, rien n’a été fait par le gouvernement pour proposer des solutions d’hébergement, notamment à Paris ou à Grande-Synthe où ces images ont été filmées ces derniers jours. Bien au contraire, deux circulaires ont été publiées, elles remettent en cause l’accueil inconditionnel des personnes dans les centres d’hébergement d’urgence, principe fondamental de l’action sociale. Elles engagent l’État dans le tri des personnes migrantes.

La Cimade invite le Gouvernement et le Président de la République à respecter l’engagement pris en juillet dernier, et mettre un terme à toutes les décisions en cours qui violent massivement les droits des personnes en migration et en quête de protection par la France. Une autre politique migratoire basée sur l’accueil, la solidarité et l’hospitalité est attendue.

 

Entendez-nous Monsieur le Président ! from La Cimade on Vimeo.

 

Verbatim du message adressé par Geneviève Jacques, présidente de La Cimade :

Monsieur le Président,

Le 27 juillet vous avez déclaré : « Je ne veux plus avoir, d’ici la fin de l’année, des femmes et des hommes qui vivent dans les bois, dans les rues, perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité ».

Nous sommes à la fin de l’année.

Regardez ces images : des centaines, des milliers d’exilés vivent et dorment encore dans les rues et dans les bois. Parce qu’il n’y a pas assez d’abris pour eux et aussi parce que les pouvoirs publics ne veulent pas les accueillir en France.

Où est la dignité ? Quand des exilés sont harcelés par les forces de l’ordre qui détruisent leurs abris et leurs couvertures, aggravant les situations de souffrance et d’errance.

Où est l’humanité ? Quand des centres d’hébergement d’urgence sont transformés en lieux de fichage et de triage entre ceux qui seraient « accueillables » et ceux qui seraient « jetables », c’est à dire voués à l’expulsion vers des pays qu’ils viennent de fuir.

Le refus des acteurs associatifs de coopérer à des dispositifs qui lient l’hébergement à l’éloignement forcé n’est pas une posture Monsieur le Président.

C’est l’expression d’un très sérieux malaise devant les conséquences inhumaines de la politique migratoire menée en votre nom.

Cessez de taxer d’angélisme ou de naïveté des associations ou des citoyens qui se mobilisent partout en France par solidarité et qui réclament une politique digne de ce nom, une politique d’accueil à la hauteur des défis migratoires d’aujourd’hui.

Pour eux, pour nous, c’est une question de dignité, c’est une question d’humanité, c’est un enjeu de choix de société.

Entendez-nous Monsieur le Président !

 

Lettre ouverte interassociative – Résorption des bidonvilles

Résorption des bidonvilles

Paris, le 14 décembre 2017

Monsieur le Président,

Depuis votre élection, la plupart de nos associations ont rencontré les ministres de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires ou leurs cabinets.

Suite à ces différents rendez-vous, il nous paraît que si les ministères sont au fait de la situation des 15 à 20 000 personnes vivant en bidonville et squat en France, aucune stratégie claire de résorption des bidonvilles, à la hauteur des enjeux et des attentes, ne semble être en préparation.

Le 27 juillet 2017 à Orléans, vous avez déclaré :

« La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité là aussi. »

Nous ne pouvons qu’approuver cet objectif ambitieux qui doit se traduire rapidement par des actions concrètes, concertées et financées sur le long terme, afin de remédier efficacement à l’ensemble de ces situations.

Cette bataille doit d’abord être menée de façon cohérente : ainsi il doit être mis fin à la politique d’expulsions sans solution de relogement stable. Depuis votre élection, nous avons compté près de 80 expulsions concernant des milliers d’hommes, femmes et enfants, pour la plupart citoyens européens roumains et bulgares, et dont beaucoup appartiennent à la minorité rom. Par ailleurs, la question des expulsions de squats et bidonvilles touche aussi des ressortissants extra-européens – en demande d’asile ou non – pour lesquels l’accueil inconditionnel semble remis en question.

Cette action publique, conduite depuis des années, a prouvé son inefficacité, son coût exorbitant et ses conséquences dramatiques de renforcement de la précarité des personnes. C’est cette hypocrisie que vous dénonciez d’ailleurs dans le courrier que vous avez adressé au CNDH Romeurope le 20 avril 2017.

En outre, cette politique, qui se traduit parfois par quelques mises à l’abri à l’hôtel, n’est pas à même d’apporter des réponses à des problématiques qui concernent des personnes vulnérables, incluant notamment des familles, dont les enfants sont nés ou ont grandi en France. Alors qu’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté des
enfants et des jeunes est en préparation, la précarité des enfants des bidonvilles et de leur famille doit être pleinement considérée pour être combattue.

La diversité des situations nécessite des réponses adaptées aux besoins et projets de chacun. Pour autant, il ne peut y avoir qu’un seul et même objectif : la résorption des bidonvilles et des squats et la sortie par le haut de leurs habitants, avec un accompagnement social global, quelle que soit leur situation administrative et leur nationalité.

La circulaire du 26 août 2012 est aujourd’hui dépassée et n’est absolument plus respectée sur les territoires. Par ailleurs, le Cerema qui en a fait une évaluation1 en novembre 2016 affirme :

« L’application de la circulaire se fait donc de façon hétérogène et sélective, en définissant implicitement un public cible qui n’est fonction ni exclusivement de ses conditions de vie […], ni à une spécificité des droits […]. L’évolution des dynamiques migratoires et des populations présentes dans les campements devrait conduire aujourd’hui à dépasser ces catégorisations. »

Ainsi, il est nécessaire Monsieur le Président qu’un cadre national s’impose sur tout le territoire national pour tendre vers la résorption des bidonvilles. Après 25 ans de politiques sécuritaires menées principalement par le ministère de l’Intérieur, qui n’ont fait que pérenniser l’existence des bidonvilles – le dossier de la résorption des bidonvilles doit avant tout être piloté par les ministère de la Cohésion des territoires et du Logement ainsi que le ministère des Solidarités et de la Santé.

Il est urgent, Monsieur le Président, de mettre en place un texte à valeur contraignante, mettant l’approche sociale et de protection des personnes au cœur de l’action publique, avec des méthodes et des moyens renouvelés. Ce texte devra notamment permettre la mise en place d’une concertation multipartite dès l’installation du bidonville ou du squat et non pas dans l’urgence de l’expulsion, afin de trouver des solutions dignes et ajustées à chaque personne, quels que soient sa nationalité, sa situation personnelle, son parcours. Nos associations seront très vigilantes sur la qualité de ce texte qui ne saurait marquer un recul des droits, déjà insuffisants, des personnes en grande précarité.

Dans l’attente d’une réponse concrète de votre part, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations distinguées.

 

Guillaume LARDANCHET, Président du Collectif national droits de l’Homme Romeurope

Florent GUEGUEN, Délégué général de la Fédération des acteurs de la solidarité

Christophe ROBERT, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre

William BILA, Président de La Voix des Rroms

La Cimade // Etat des lieux du dispositif d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile

http://www.lacimade.org/schemas-regionaux-daccueil-des-demandeurs-dasile-quel-etat-des-lieux/

24 octobre 2017

Le Gouvernement vient d’annoncer la création de 7 500 places de centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) en 2018 et 2019 et 5 000 places CPH. Etat des lieux des dispositifs d’accueil et d’hébergement dédiés aux personnes migrantes, demanderesses d’asile et réfugiées tels qu’ils sont décrits par le schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile.

 39 800 places de CADA

Au 1er juillet 2017, le dispositif national d’accueil compte 39 800 places  autorisées de centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Le parc est principalement situé en Ile- de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. Cependant,  ce sont les régions Pays de la Loire, Bretagne, Nouvelle Aquitaine et Occitanie qui ont connu le plus grand nombre de créations. Le principal opérateur est ADOMA devant COALLIA, FTDA, Forum réfugiés-Cosi. A l’occasion des appels à création de l’année 2015 et 2016, le groupe SOS et France Horizon ont développé un réseau important.

 

 

En 2017, l’Etat prévoit la création de 2 150 places supplémentaires dont 700 en Nouvelle-Aquitaine, 600  en Occitanie, 500 en Bretagne et 350 dans les Hauts de France. Le dispositif devrait compter environ 40 500 places. En 2018,  1 500 places supplémentaires sont prévues.

Plus de 6 000 places d’AT-SA

A coté de ce dispositif de CADA, l’Etat a mis en place des centres AT-SA (accueil temporaire Service de l’Asile) .  A vocation nationale, le dispositif géré par ADOMA comprenait 2 160 places début 2015. Avec le plan migrants de juillet 2015, 4 000 places ont été créées par divers opérateurs et dans de nouvelles régions  pour un prix de journée de 15.65€.

 

 

15 000 places d’HUDA

Pour pallier le manque de places de CADA,  un dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) s’était développé au cours de la décennie 2000. Contrairement aux places AT-SA, ce dispositif est essentiellement régional. Il est très développé en Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Grand Est.

 

 

Plus de 2 300  places de CPH

historiquement, première forme de lieu d’accueil lié à l’asile, le centre provisoires d’hébergement accueille des bénéficiaires de la protection internationale. Limité pendant vingt ans à 1 083 places, le dispositif a connu un doublement avec la création de 1 000 places supplémentaires. 3 000 places supplémentaires vont être créées en 2018

 

De nouveaux dispositifs : CAO, CHU(M),  PRAHDA , DPAR CAES

Mis en place pour orienter des personnes vivant dans le campement de la Lande à Calais et développé pour son démantèlement, le dispositif des centres d’accueil et d’orientation (CAO) compte selon le ministère de l’intérieur 10 700 places dont 2 000 ont été dédiés à des mineurs entre novembre 2016 et mars 2017.

Ce dispositif a été rattaché budgétairement depuis 2017  aux crédits de la mission asile et immigration (BOP 303). Il est utilisé aujourd’hui pour orienter les personnes qui sont hébergées dans les centres de premier accueil de Paris. Les personnes peuvent y être admises sans que leur demande d’asile soit enregistrée. Contrairement aux personnes venant de Calais, ces personnes peuvent y être assignées à résidence pendant la procédure de transfert. Le dispositif devrait compter environ 5 000 et être intégré dans le DNA.

 

Bien que financé par la préfecture de région Ile-de-France au titre de l’hébergement d’urgence, le dispositif CHUM (centre d’hébergement d’urgence migrants) partage beaucoup de caractéristiques avec le précédent. Créé pour résoudre la question des campements parisiens de migrants, le dispositif est principalement utilisé pour orienter des personnes sortant du centre d’accueil de Paris.  L’accueil dans ces lieux est conditionné à un examen de situation administrative par la préfecture de police. Elle procède à un relevé d’empreintes pour détecter d’éventuelles demandes d’asile dans un autre Etat-membre et entame une procédure Dublin. L’Etat dispose de 10 000 places . Les personnes accueillies sont tenues de se rendre à des rendez-vous pour faire le point sur leur situation administrative. Les personnes y sont assignées à résidence pour un éventuel transfert Dublin.

Pour assigner à résidence les personnes déboutées, le Gouvernement a mis en place un nouveau dispositif intitulé Dispositif de préparation au retour (DPAR) . Expérimenté à Vitry sur Orne puis à Lyon, de tels centres ont ouverts  en région parisienne et à Marseille.

 

Le ministère de l’intérieur a également décidée de créer 5 351 places dans le cadre d’un programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRAHDA). Lancé par appel d’offres en septembre 2016 remporté pour tous les lots par ADOMA, il consiste en grande partie en des places situées dans  d’anciens hôtels formule 1, rachetés au groupe Accor.   Ces places, gérées par l’OFII,  accueillent pour moitié des personnes isolées, qui ont demandé l’asile ou qui souhaitent le faire et qui n’ont pas été enregistrées. Comme dans les CAO, les personnes peuvent y être assignées à résidence pendant la procédure Dublin.

 

En Ile de France, s’est développé un dispositif spécifique de places d’hébergement dédiées à l’assignation à résidence des Dublinés  (CARDA) que le plan immigration prévoit de développer dans toutes les régions.

Enfin , à la suite d’un discours présidentiel, ont été mis en place des centres d’accueil et d’examen de situation administrative (CAES)  ou de pré-orientation (CPO en Ile de France) qui ont pour objectif de combiner un hébergement et un examen administratif dans les plus brefs délais avant une orientation rapide  dans d’ autres lieux d’hébergement en fonction de la situation administrative.

En tout le dispositif d’accueil dédié compte  entre 75 000 à 80 000 places. Cependant il reste en-deça des besoins d’hébergement car le nombre de demandeurs d’asile en cours d’instance est proche de 110 000 personnes. Comme une partie des places  (environ 20%) est occupée par des personnes qui ne sont plus des demanderesses d’asile (demandes d’asile non enregistrés en raison du délai d’enregistrement, bénéficiaires de la protection internationale ou déboutées), entre 50 à 60% des demandeurs sont hébergés.

Le gouvernement a prévu la création en 2018  de 1  500 places de CADA,  3 000 places de CPH et de  2 500 places d’autres formes. Cependant le dispositif CAO serait transformé dans d’autres formes

Schémas régionaux d’accueil pour demandeurs d’asile

Auvergne-Rhone-Alpes

Bourgogne-Franche-Comté

Bretagne

Centre–Val-de Loire

Grand Est

Hauts-de-France

Ile-de-France

Normandie

Nouvelle-Aquitaine

Occitanie

Pays-de-la-Loire

Provence-Alpes-Côte d’Azur