Annulation des OQTF d’exilés calaisiens

AFP 18 décembre 2015

Calais/migrants : la justice annule des arrêtés

Le tribunal administratif de Marseille a annulé hier 37 arrêtés pris par la préfète du Pas-de-Calais à l’encontre des étrangers de la « jungle » de Calais transférés, en octobre au centre de rétention administrative de Marseille, ont indiqué  aujourd’hui des sources judiciaires.

Ces arrêtés faisaient obligation à ces Syriens, Afghans, Irakiens, Erythréens, Iraniens, Soudanais de quitter la France sans délai et, dans ce but, ordonnait leur placement en rétention administrative. Le tribunal a considéré que «ni les mentions figurant dans ces arrêtés ni les pièces composant chacun des dossiers ne permettaient d’établir que la préfète du Pas-de-Calais avait, avant de prendre ces décisions, procédé à un examen personnel de la situation de chaque étranger». Evoquant un à un les arrêtés concernant ceux qu’ils nomment les raflés de Calais, les avocats avaient critiqué le caractère systématique de ces décisions, leur apparence de copié-collé. «Ils ont tous le même niveau d’études, tous sont sans profession, sont célibataires et sans enfant, même ceux qui déclarent vouloir rejoindre en Grande-Bretagne leur épouse et leurs enfants. Ces auditions n’ont pas été individualisées », avait ainsi déploré Me Laurent Bartoloméi.

La défense de ces étrangers déplacés avait dénoncé « un détournement de la procédure » de la rétention administrative, comme l’a fait également le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le 1er décembre, Adeline Hazan concluait ainsi ses recommandations faites en urgence au ministre de l’Intérieur : « Il est donc établi que, depuis le 21 octobre 2015, le placement en rétention administrative est utilisé non pas aux fins d’organiser le retour dans les pays d’origine mais dans le seul objectif de déplacer plusieurs centaines de personnes interpellées à Calais et de les répartir sur l’ensemble du territoire français, et ce dans le but de +désengorger+ Calais ».

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/12/18/97001-20151218FILWWW00132-calaismigrants-la-justice-annule-des-arretes.php

A Calais, le ministère accusé « d’atteintes graves aux droits fondamentaux »

« le Monde » 2 décembre 2015

par Maryline Baumard

En dix jours, c’est le deuxième désaveu officiel infligé à la politique menée par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, à Calais. Après le Conseil d’Etat, qui le 23 novembre exigeait un aménagement rapide du campement où vivent plus de 5 000 migrants, c’est au tour de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté de dénoncer le non-respect des droits de l’homme, par les pouvoirs publics, dans ce no man’s land de misère et de détresse qu’est la jungle calaisienne.

Dans une recommandation rendue publique le 2 décembre, Adeline Hazan demande au ministre qu’il « soit mis fin » aux placements collectifs en rétention qui se succèdent à un rythme endiablé depuis plus de quarante jours. Elle dénonce l’enfermement de 779 migrants entre le 21 octobre et le 10 novembre (1 039 au 1er décembre selon la Cimade), « dans le but de désengorger Calais ». « Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté », constate-t-elle.

Aux yeux de cette haute autorité, la politique de M. Cazeneuve bafoue le droit des étrangers parce que ces migrants ne sont pas dans une situation où leur mise en rétention s’impose, mais aussi parce qu’on les prive « de l’accès à leurs droits » et que leur privation de liberté se fait « dans des conditions matérielles portant atteinte à leur dignité ».

Désengorger Calais

Ces violations du droit découlent du choix fait le 21 octobre par le ministre de l’intérieur. Ce jour-là, M. Cazeneuve annonce un plan pour Calais. Officiellement, il propose d’offrir un hébergement, quelque part en France, aux migrants qui acceptent de renoncer à leur projet migratoire vers la Grande-Bretagne. Il décide en même temps de renforcer largement la présence des forces de police sur le lieu afin de rendre la frontière hermétique. Pas un mot, alors, sur les places réservées jusqu’à fin décembre dans sept centres de rétention administrative (CRA) aux quatre coins du pays. Toutes les facettes de sa politique convergent vers un but unique : désengorger le site de Calais en le vidant par tous les moyens de quelques-uns des 6 500 migrants qui y résident alors.

Selon les textes juridiques en vigueur, le placement en rétention n’est pas prévu pour vider un campement: il est réservé à la préparation effective du retour d’un migrant dans son pays ou un pays tiers. Or, la contrôleure, qui a fait les calculs jusqu’au 10 novembre, est arrivée à la conclusion que seules 4 % des personnes retenues avaient effectivement quitté la France. Preuve que l’enfermement n’avait pas pour but premier de leur faire quitter l’hexagone – même si, dans sa réponse à Mme Hazan, le ministre rappelle que « tous les étrangers placés en CRA ont vocation à être éloignés et y sont placés dans ce seul but ».

La contrôleure ne donne les nationalités des « déplacés » que jusquà mi novembre mais la Cimade les a consigné jusquau 1er décembre. Sur les 1 039 personnes enfermées depuis octobre dans les sept CRA semi-réquisitionnés, figuraient 147 Érythréens, 113 Irakiens et 138 Syriens – autant de migrants qu’il est impossible de renvoyer chez eux parce que cette mesure les exposerait à des risques importants. Un bilan fait par la même association montre d’ailleurs que 94 % de ceux qui ont été enfermés depuis la mi-octobre ont été libérés, soit par la préfecture elle-même, soit par un juge. Selon nos informations, la plupart d’entre eux sont retournés à Calais par le premier train.

Entassement et indignité

Afin de disposer de tous les éléments, la contrôleure des lieux de privation de liberté et six de ses collaborateurs se sont rendus à deux reprises à l’hôtel de police de Coquelles, qui jouxte Calais. Ils ont suivi le transfert par avion de 46 personnes vers le centre de rétention de Nîmes et assisté à l’arrivée de 32 autres à Vincennes. Ils ont ainsi pu observer qu’une bonne partie des migrants mis en rétention avaient été enfermés suite à des contrôles d’identité aléatoires dans Calais, et non alors qu’ils tentaient de passer la frontière. La plupart avaient en outre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) « présentant une motivation stéréotypée et un argumentaire identique ». Un élément qui témoigne d’une absence d’examen de la situation individuelle contraire au droit.

La contrôleure a en outre pu observer que les policiers menaient les interpellations en fonction des places disponibles dans les CRA, et non en fonction des projets de renvoi. « Il reste quatre personnes à interpeller », a entendu l’un des enquêteurs de terrain, alors que 46 personnes étaient déjà gardées à vue ou retenues dans le centre de Coquelles dans des conditions d’entassement et d’indignité dénoncées par le rapport. La liste des violation des droits est tellement longue que le fait que l’« information relative à la possibilité de déposer une demande d’asile » soit « parfois omise lors de l’énumération des droits », pourrait paraître accessoire.

La contrôleure des lieux de privation de liberté n’est pas la seule à critiquer l’attitude des pouvoirs publics à Calais. Mardi 1er décembre, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), qui regroupe seize associations, de la Ligue des Droits de l’Homme aux syndicats d’avocats, a publié une lettre ouverte interrogeant le premier ministre Manuel Valls, sur le sens de ces déplacements forcés.

Contrôleure générale des lieux de privation de libertéb (CGLPL), 2 décembre 2015

Recommandations en urgence relatives aux déplacements collectifs de personnes étrangères interpellées à Calais

Au Journal Officiel du 2 décembre 2015 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives aux déplacements collectifs de personnes étrangères interpellées à Calais.

L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre.
Le ministre de l’intérieur a été destinataire de ces recommandations et a apporté ses observations, également publiées au Journal Officiel (http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2015/12/joe_20151202_0279_0091.pdf).

A l’occasion d’un contrôle du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles en juillet 2015, le CGLPL a observé une pratique de transferts groupés de personnes alors même que le centre n’était pas plein. Dans une lettre adressée au ministre de l’intérieur le 7 août 2015, la Contrôleure générale s’est inquiétée des risques d’atteintes au droit au recours de ces personnes et des conséquences anxiogènes de ces déplacements.

En octobre 2015, le CGLPL a été alerté de la mise en œuvre d’un dispositif similaire de déplacements, mais de plus grande ampleur, s’effectuant de Calais vers sept CRA du territoire national (Metz, Marseille, Rouen-Oissel, Paris-Vincennes, Toulouse-Cornebarrieu, Nîmes et le Mesnil-Amelot) dans des conditions suscitant de nombreuses questions, d’autant que le CRA de Coquelles n’était toujours pas complet.

Le contrôle a dès lors décidé de procéder à des vérifications sur place et s’est rendu à l’hôtel de police de Coquelles les 26 et 27 octobre 2015 puis dans la nuit du 9 au 10 novembre 2015, a suivi intégralement le transfert par avion de quarante-six personnes jusqu’au CRA de Nîmes le 27 octobre 2015 et a assisté à l’arrivée de trente-cinq autres personnes au CRA de Paris-Vincennes le 3 novembre 2015.

Un traitement de masse des déplacements induisant une prise en charge collective et sommaire qui prive les personnes de l’accès à leurs droits

– Des atteintes au droit au maintien des liens familiaux. Le CGLPL est attentif au respect du maintien des liens familiaux des personnes privées de liberté. Plusieurs personnes rencontrées par le CGLPL se sont plaintes d’avoir été séparées de membres de leur famille, principalement de leurs frères ou cousins mineurs laissés libres, et se sont inquiétées de l’avenir de ceux-ci, désormais seuls.

– Un accès insuffisant aux droits et à l’information. Le fait de recevoir plusieurs dizaines de personnes de manière quasiment simultanée entraîne une gestion collective des situations. La majorité des notifications des décisions administratives et des droits des personnes retenues, auxquelles les contrôleurs ont assisté, se sont déroulées de manière grandement insatisfaisante : notifications collectives dans des lieux particulièrement occupés et bruyants, mauvaises conditions d’interprétariat, voire absence d’interprète (remplacé par la remise de documents écrits), manque d’informations sur la vie au CRA et les missions des associations d’aide juridique, etc. Plusieurs des personnes retenues et des intervenants ont déclaré aux contrôleurs être convaincus, compte tenu des informations délivrées, que ce placement en rétention n’était pas destiné à organiser leur éloignement.

– Des actes stéréotypés et des procédures non-individualisées, sources d’imprécisions et d’irrégularités Il ressort de l’examen par le CGLPL de quatre-vingt-une procédures administratives (OQTF et placement en rétention administrative) que les décisions présentent une motivation stéréotypée et un argumentaire identique ; certaines sont pré-imprimées (mentions manuscrites portées dans des espaces vierges : date de la procédure, état civil de la personne et destination) et de nombreuses décisions ne fixent pas de pays de destination particulier. Ces documents, manifestement préparés à l’avance, témoignent d’une absence d’examen de la situation individuelle de chaque personne.

– Le contrôle juridictionnel. Le CGLPL estime que ces déplacements collectifs restreignent de fait l’assistance juridique et neutralisent, par la durée du trajet, une partie importante du délai de recours, ce qui porte atteinte à l’effectivité du droit au recours des personnes retenues contre les décisions les concernant. En outre, il saisit l’occasion des présentes recommandations pour rappeler sa préconisation de réduire le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention à 48 heures, ce qui permettrait un contrôle plus effectif de la régularité des procédures. Enfin, le CGLPL a constaté que de nombreuses personnes ont été libérées sur décision de l’administration avant le contrôle du juge des libertés et de la détention.

Des conditions indignes pour les personnes retenues comme pour le personnel

– Des cellules sur-occupées à l’hôtel de police de Coquelles. Les contrôleurs on constaté que des personnes séjournaient à quatre dans des cellules individuelles (7m2), parfois à treize dans des cellules collectives (11m2). La grande majorité des personnes dormait à même le sol, certaines sans couverture. Les cellules collectives sont dépourvues de WC, les personnes sont donc soumises à la disponibilité des policiers pour se rendre aux toilettes. Des WC séparés par une cloison à mi-hauteur équipent les cellules simples, les personnes se retrouvaient contraintes d’utiliser les WC en présence de co-cellulaires, situation attentatoire au respect de la dignité humaine.

– Des policiers et gendarmes très impliqués mais épuisés par la charge de travail. L’arrivée des renforts dans le Calaisis entraîne une désorganisation dans le fonctionnement, les différents fonctionnaires ne se connaissant pas et appartenant à des services distincts. Les policiers de l’hôtel de police de Coquelles sont tous soumis à une forte pression du fait du traitement de masse qui leur est imposé. Au sein des CRA de destination, le nombre de personnes déplacées simultanément pèse sur la qualité de l’accueil et des informations délivrées et  nuit également à la prise en charge des autres personnes retenues.

Un usage détourné de la procédure de placement en rétention administrative

– Un ensemble d’éléments démontrant une volonté de répartir les personnes sur le territoire national pour « désengorger » Calais. Les contrôleurs ont constaté que le nombre de personnes déplacées chaque jour est élevé et stable. Des propos entendus par les contrôleurs (« il reste quatre personnes à interpeller ») ainsi qu’une mention manuscrite lue par les contrôleurs sur un tableau (« 25 personnes, CRA de Nîmes, départ 12h. Pas de Syriens ») tendent à démontrer qu’un nombre  de placements est fixé à l’avance en fonction de la capacité des moyens de transport vers les CRA du territoire national. En outre, la programmation des déplacements semble être organisée selon un roulement prédéfini (tous les cinq à neuf jours pour un même établissement), qui suppose – compte tenu des capacités d’accueil des CRA de destination – que les personnes arrivées dans le CRA par un premier convoi en soient sorties au moment de la seconde arrivée de personnes déplacées.

– 578 personnes libérées sur 779 personnes déplacées entre le 21 octobre et le 10 novembre 2015. Le 10 novembre 2015, 186 personnes (24 %) sont encore retenues, dont 117 depuis moins de cinq jours. Les 593 autres (76 %) sont sorties de CRA : 15 ont été réadmises dans un pays de l’Union européenne (2 % des 779 personnes déplacées) et 578 ont été libérées (74 %). Ces dernières ont été remises en liberté par différentes instances : 397 par la préfecture (51 % des 779 personnes déplacées), 81 par un JLD ou une cour d’appel (10 %) et 100 par le tribunal administratif auprès duquel elles avaient formé un recours contre la décision d’OQTF (13 %).

– Le placement en rétention administrative doit avoir pour seule finalité de permettre à l’administration d’organiser l’éloignement de la personne. Un étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et si l’application de mesures moins coercitives ne suffit pas. Le CGLPL observe que les pays d’origine de la majorité des personnes déplacées sont particulièrement sensibles : Syrie, Afghanistan, Irak, Erythrée et Soudan. Or, compte tenu des risques encourus pour leur intégrité physique en cas de retour, nombre de ces personnes ne peuvent, en pratique, y être reconduites.  Le nombre très important de remises en liberté sur décision de l’administration démontre une absence de volonté de mise à exécution des OQTF émises.

Le CGLPL est conscient de la gravité de la situation nationale créée par une crise migratoire de très grande ampleur ainsi que de la complexité de la situation locale mais il tient à rappeler que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être respectés en toutes circonstances.
La procédure utilisée par les pouvoirs publics depuis le 21 octobre 2015, instaurant des déplacements collectifs sur l’ensemble du territoire national, prive les personnes concernées de l’accès à leurs droits et est mise en œuvre dans des conditions matérielles portant atteinte à leur dignité. En outre, cette procédure est utilisé non pas aux fins d’organiser le retour dans les pays d’origine mais dans l’objectif de déplacer plusieurs centaines de personnes interpellées à Calais et de les répartir sur l’ensemble du territoire français, et ce dans le but de « désengorger » la ville. Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté.

Le CGLPL recommande qu’il y soit mis fin.

http://www.cglpl.fr/2015/recommandations-en-urgence-relatives-aux-deplacements-collectifs-de-personnes-etrangeres-interpellees-a-calais/

Entrée en vigueur de la nouvelle loi asile au 1er novembre 2015

Article de la Cimade du 16 juillet 2015

Publiée au Journal officiel,  la loi relative à la réforme du droit d’asile va considérablement modifier les procédures et le dispositif d’accueil. Petit inventaire. 

 

CE QUE LA RÉFORME VA CHANGER DANS LE PARCOURS DU DEMANDEUR D’ASILE

 

1. Asile à la frontière

 

Ce qui change : en plus de la demande manifestement infondée qui est pour la première fois définie par la loi (obligation qui existe pourtant depuis 2005), le ministre de l’intérieur, peut rejeter la demande si elle relève de la responsabilité d’un autre État-membre selon le règlement Dublin  ou si elle est irrecevable (voir plus loin).

L’avis de l’OFPRA après une audition où un avocat ou un membre d’une association peut être présent, lie le ministre, sauf en cas de trouble grave à l’ordre public.
Le maintien en zone d’attente peut être interrompu si l’OFPRA le demande en raison de la vulnérabilité de la personne ou s’il s’agit d’un mineur (sauf s’il est d’un pays sûr, a menti sur son identité et constitue une menace grave à l’ordre public).

Ce qui ne change pas : le recours contre le refus d’entrée au titre de l’asile (RATATA) doit toujours être formulé dans le délai très bref et non prorogeable de 48 heures et le juge unique du TA statue dans un délai de soixante douze heures.

Ce qui doit être fixé par voie réglementaire: les modalités d’audition par l’OFPRA avec la présence d’un tiers et les modalités d’évaluation et de signalement des personnes vulnérables.

 

2. L’accès à la procédure et l’enregistrement des demandes d’asile et au dispositif d’accueil

Ce qui change :Les plateformes d’accueil des demandeurs d’asile (PRADA) sont chargées de saisir un formulaire simplifié qui est transmis à la préfecture qui donne un rendez vous dans le délai obligatoire de trois jours ouvrés (au maximum 5 jours).

Le préfet se borne à identifier le demandeur qui n’a pas besoin d’une domiciliation , à enregistrer sa demande et de lui délivrer une attestation de demande d’asile , sauf si le règlement Dublin permet d’écarter la responsabilité de la France. L’ attestation de demande d’asile est valable jusqu’à la décision CNDA (sauf pour  les Dublinés, les demandes en rétention, les demandes irrecevables en particulier les réexamens et les personnes faisant l’objet d’un mandat définitif d’extradition).
L’OFII, qui est présent dans les mêmes locaux que la préfecture dans un guichet unique des demandeurs d’asile (GUDA) , fait une proposition à tous les demandeurs consistant en un hébergement et une allocation. L’OFII oriente directement le demandeur d’asile vers un CADA ou un lieu d’hébergement adapté si une vulnérabilité est détectée par lui ou par l’OFPRA. Pour tous ceux qui ne sont pas directement hébergés, ils sont orientés vers la PRADA qui assurent 7 missions (domiciliation,  complément du forumulaire OFPRA, orientation vers un hébergemenent d’urgence, aide matérielle d’urgence, accompagnement pour accès à la scolarisation, aux soins et à l’assurance maladie, sortie)

Ce qui ne change pas : le préfet de région est toujours compétent pour enregistrer les demandes et procède au relevé EURODAC.
Ce qui doit être fixé par voie réglementaire: le délai pour déposer sa demande d’asile à lOFPRA en procédure normale et accélérée; les modalités de domiciliation après le premier passage au GUDA..

 

3. Procédure Dublin : un recours suspensif

 

Ce qui change : le demandeur  Dubliné bénéficie d’un droit au maintien jusqu’à son transfert effectif vers l’autre Etat membre. Il peut cependant être assigné à résidence pendant la détermination de l’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile (pendant six mois)  et après la notification de la décision de transfert.
Un recours suspensif peut être exercé contre la décision de transfert dans un délai de quinze jours. Le juge statue dans un délai de quinze jours. Si la personne est assignée à résidence ou retenue dans un centre de rétention, les délais sont de quarante huit heures et de soixante-douze heures.
Il bénéficie des conditions d’accueil pendant la procédure mais n’a pas accès au CADA.
Ce qui ne change pas : le préfet reste compétent pour déterminer l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile, l’OFPRA n’est pas saisi de la demande d’asile et n’est pas compétent pour examiner la demande.

ce qui doit être fixé par voie réglementaire : les modalités de délivrance de l’attestation, des assignations à résidence et du recours contre la décision de tranfert.

 

4. Condition d’examen des demandes d’asile à l’OFPRA

 

Ce qui change : la procédure prioritaire est remplacée par les procédures accélérées et les procédures d’irrecevabilité.
L’OFPRA les met en œuvre quand il y est obligé par la loi (pays d’origine sûrs, réexamens présentant un fait nouveau) par le constat du préfet (refus de relevé EURODAC, dissimulation d’identité, dépôt d’une demande après 120 jours de séjour en France si entrée irrégulière, demande déposée pour faire obstacle à une mesure d’éloignement, menace grave à l’ordre public) mais aussi de sa propre initiative (dissimulation d’identité de nationalité ou d’itinéraire, demande sans pertinence ou manifestement infondée).
Il peut néanmoins revenir sur cette accélération si la personne est vulnérable (notamment les mineurs isolés) ou si l’instruction de la demande ne peut pas se faire dans le délai de quinze jours.
L’OFPRA peut déclarer irrecevables les demandes relevant de Dublin, celles d’un bénéficiaire de la protection internationale effective  dans un pays de l’UE ou d’un réfugié dans un pays tiers qui lui assure une protection effective et surtout les réexamens sans faits nouveaux. Il peut clore l’instruction d’une demande si la personne n’adresse pas les éléments de sa demande ou ne se rend pas à l’entretien personnel ou ne dispose pas d’une adresse.
Il peut mettre en œuvre une procédure par priorité si la demande est  manifestement fondée ou la personne est vulnérable.

Ce qui ne change pas : le préfet joue un rôle important dans le déclenchement de la procédure accélérée dans 5 cas. Les délais d’examen seront sensiblement les mêmes qu’aujourd’hui (15 jours trois semaines).
Ce qui doit être fixé par voie réglementaire: les délais d’instruction des demandes et modalités d’information de la procédure;

5. Conditions d’entretien

Ce qui change : le demandeur est entendu (sauf s’il est malade ; a un très bon dossier ou si sa demande de réexamen est considérée comme irrecevable) en présence d’un interprète et s’il le souhaite, un avocat ou une association habilitée. Le demandeur doit coopérer et répondre aux questions de l’officier de protection. L’entretien fait l’objet d’une transcription qui peut être fournie avant la décision (sauf pour les procédures accélérées) et d’un enregistrement sonore (qui n’est consultable qu’après la décision). L’OFPRA peut faire procéder à un examen médical.

Ce qui ne change pas : l’officier de protection reste anonyme et assure seul l’entretien.
Ce qui doit être fixé par voie réglementaire: les modalités de la présence d’un tiers (avocat et associations),  de la transcription (enregistrement ou compte-rendu), de la notification des décisions

 

6. Critères de protection

 

Ce qui change : les actes et les motifs de persécution selon la convention de Genève sont ceux de la directive européenne dite « directive qualification »en particulier les demandes d’asile liées au genre ou l’orientation sexuelle. L’OFPRA est tenu de retirer la protection si une clause de cessation ou d’exclusion peut être mise en œuvre. Le statut peut être refusé ou retiré si la personne a porté une atteinte à la surêté de l’Etat, a été condamnée pour terrorisme ou constitue une menace pour la société.

Ce qui ne change pas : Il y a toujours deux statuts (réfugié et protection subsidiaire).  la demande peut être rejetée s’il existe une protection d’une organisation internationale ou d’un parti ou la possibilité d’un asile interne.

 

7. Recours CNDA

 

Ce qui change : les recours devant la CNDA sont suspensifs sauf s’il s’agit d’une décision d’irrecevabilité, de clôture ou en rétention. La CNDA statue dans un délai de cinq mois s’il s’agit d’une procédure normale. S’il s’agit d’une procédure « accélérée », un juge unique statue sur le recours en cinq semaines mais il peut à tout moment considérer que la procédure accélérée a été mal appliquée ou qu’il existe une difficulté sérieuse et replacer le recours en procédure normale.
Il y a davantage de présidents permanents et le mode de désignation des assesseurs est modifié.
Ce qui ne change pas : le délai de recours reste d’un mois pour toutes les procédures. Cependant le délai pour déposer une demande d’aide juridictionnelle  isolée afin qu’un avocat le rédige est réduit à quinze jours.

La CNDA statue en plein contentieux et ne peut annuler et renvoyer la demande à l’OFPRA que s’il n’y a pas eu d’examen particulier ou d’entretien (hors des exceptions prévues). Le juge unique peut toujours rejeter par une ordonnance après étude par le rapporteur.

Ce qui doit être fixé par voie réglementaire : les modalités de dépôt des recours et le fonctionnement des audiences à juge unique.

 

8. Asile en rétention

 

Ce qui change : le préfet peut par une décision écrite et motivée, maintenir le demandeur en rétention si, en se fondant sur des critères objectifs, il estime que la demande n’a pas pour seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement.  La demande d’asile est alors examinée en procédure accélérée (96 heures). Si l’OFPRA reconnaît une protection ou s’il considère qu’il ne peut statuer dans le délai , la personne est libérée.

Il est créé un recours de plein droit suspensif (sauf s’il s’agit d’une demande de réexamen après OQTF ou d’un deuxième réexamen)  qui doit être exercé dans un délai de quarante huit heures après la notification de la décision de maintien et un juge unique statue dans un délai de 72 heures après la notification de la décision OFPRA. Si le juge annule la décision du préfet, le demandeur est admis à se maintenir en France avec l’attestation délivrée aux demandeurs d’asile.

Ce qui ne change pas : les délais (96 heures) et l’absence de recours suspensif contre la décision OFPRA. Le recours suspensif n’est pas applicable dans les départements d’outre-mer où le recours contre l’OQTF n’est pas de plein droit suspensif.

Ce qui doit être fixé par voie réglementaire : les modalités de dépot et de transmission des demandes d’asile ainsi que les délais pour statuer

 

9. Dispositif d’accueil

 

Ce qui change : tous les demandeurs d’asile ont accès aux CADA (sauf les Dublinés) ou à un lieu d’hébergement et c’est l’OFII qui décide de leur entrée, d’un changement de lieu ou d’une sortie au niveau national ou régional.
Les demandeurs d’asile se voient verser par l’OFII une allocation de demandeur d’asile qui est calculée en fonction de leur mode d’hébergement et de leur composition familiale. Ils ont tous accès à une assurance maladie. Le demandeur doit rester dans le centre jusqu’à la décision définitive. Le préfet peut l’en faire sortir avec un référé mesure-utile.
Cependant, si le demandeur refuse l’offre d’hébergement ou le quitte de façon prolongée et sans justification, il peut se voir limiter le bénéfice des conditions d’accueil. C’est également le cas s’il a menti sur ses ressources, s’il s’agit d’une demande de réexamen de son dossier ou s’il a déposé sa demande tardivement.

Ce qui ne change pas : Les CADA sont toujours inscrits dans le code de l’action sociale et des familles mais ne relèvent plus de l’aide sociale d’Etat.

Ce qui doit être fixé par voie réglementaire : le schéma national et régional d’hébergement (et le nombre de places à créer), les modalités d’évaluation de la vulnérabilité, de suspension ou de limitation des condiitions d’accueil et  le montant et le barème de l’allocation.

 

10. Droits des bénéficiaires de la protection

 

Ce qui change : le droit à un titre de voyage et à la réunification familiale est affirmé. La procédure de vérification de l’état civil des familles rejoignantes est simplifiée.
Le titre de séjour des personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire est renouvelé pour deux ans. S’il y a un retrait ou une renonciation de la protection au cours des cinq premières années, possibilité de retirer la carte de résident ou de séjour.

Ce qui ne change pas : les mesures d’intégration (qui sont seulement déplacées dans le CESEDA).

Ce qui doit être fixé par voie réglementaire : le délai de délivrance des titres.

Pour aller plus loin

Analyse de la loi adoptée par l’Assemblée nationale

Les droits des personnes « sans-papiers » au commissariat ou à la gendarmerie

Les personnes « sans-papiers », les étrangers en situation irrégulière, les migrants, ont statistiquement plus de « chances » d’être contrôlées par la police (voir par exemple « Contrôles d’identité : les français jugent sévèrement les forces de l’ordre », Le Monde, 09.05.2014). Au commissariat ou à la gendarmerie, pour un contrôle d’identité, une retenue aux fins de vérification de leur droit au séjour ou une garde à vue, ces personnes ont des droits. Encore faut-il les connaître pour les faire appliquer.

Me Norbert Clément a publié cette année une notice à destination des personnes d’origine étrangère afin qu’elles connaissent leurs droits et puissent les faire respecter. Vous pouvez la télécharger sur ces liens : en français, anglais et arabe

Plus d’informations : http://pole-juridique.fr/wp/?p=2617

Le règlement Dublin et les renvois vers l’Italie

- Crédits : Arthur Janssen http://arthurjanssen.wix.com/photo

– Crédits : Arthur Janssen
http://arthurjanssen.wix.com/photo

Dans la région Nord-Pas-de-Calais, la grande majorité des migrants qui se retrouvent sur les campements et bidonvilles sont passés par l’Italie. La plupart s’y sont vus enregistrer leurs empreintes, de telle sorte que lorsqu’ils décident de demander l’asile en France, ils sont « dublinés« . La France considère que c’est à l’Italie qu’il revient d’examiner leur demande d’asile et donc essaie de les expulser en direction de ce pays. Les demandeurs d’asile ne souhaitent pas y retourner, soit parce qu’ils y ont été mal traités, soit parce que personne ne s’est occupé d’eux.

Cette situation ressemble fortement à celle de la Grèce il y a quelques années. Le traitement des demandeurs d’asile était si mauvais que la Cour européenne des Droits de l’Homme a été saisie de la question. En 2011, elle a condamné la Grèce pour traitements inhumains ou dégradants des demandeurs d’asile, ce qui a conduit tous les pays européens à stopper les renvois des demandeurs d’asile vers la Grèce.

La Cour européenne des Droits de l’Homme a également été saisie de la situation en Italie. En novembre 2014, dans l’arrêt Tarakhel contre Suisse, il était question d’une famille afghane que la Suisse essayait de renvoyer en Italie. En cas de retour en Italie, il y avait un fort risque que les parents ne soient pas placés dans le même hébergement que leurs enfants. La Cour a conclut qu’il y aurait violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme si la Suisse renvoyait la famille vers l’Italie sans avoir obtenu des autorités italiennes la garantie que la prise en charge de la famille serait adaptée à l’âge des enfants et respecterait le principe de l’unité familiale.

En revanche, la Cour a eu de nouveau à se prononcer dans l’arrêt A.M.E. contre Pays-Bas, en février 2015 sur la situation en Italie, mais cette fois-ci dans le cas d’un demandeur d’asile masculin, seul et bien portant. La Cour relève que ce qui a été développé dans l’arrêt Tarakhel n’est utilisable que par les familles de demandeurs d’asile, pas par les célibataires, et que la situation de l’Italie n’a rien à voir avec la situation de la Grèce en 2011. Elle rejette donc la demande du demandeur d’asile qui souhaitait voir condamnée la décision de l’expulser en Italie.

Ces arrêts de la Cour EDH ne changent donc pas grand chose pour la majorité des demandeurs d’asile se trouvant dans le Nord-Pas-de-Calais, l’État français cherchera toujours à les renvoyer vers l’Italie. Le but est bien évidemment de les empêcher de choisir le pays où ils iront demander l’asile. Cependant, on peut se rassurer en regardant les statistiques des renvois effectifs vers les pays responsables des demandes d’asile. En 2012, 14% des demandeurs d’asile « dublinés » ont effectivement été expulsés vers l’État responsable de leur demande d’asile. Ceux qui ne sont pas expulsés peuvent finalement déposer leur demande d’asile en France au bout de 6 à 18 mois d’attente.

CALAIS – Démarches juridiques avant et après l’expulsion du lieu de distribution « Salam » le 02 juillet 2014

Le 28 mai 2014, à Calais, a lieu l’expulsion de deux camps de migrants installés dans le centre ville. En réaction à cette expulsion, la plupart des migrants se réfugie dans le lieu de distribution des repas, rue de Moscou, lieu appelé Salam en référence à une des associations qui y sert des repas aux exilés.

Ce lieu de distribution est géré par la mairie, sur délégation du conseil régional, propriétaire du terrain. Les autorités, préfecture et mairie, accordent aux migrants présents sur les lieux le droit d’y rester pendant une ou deux nuits mais après ce délai, ils devront aller s’installer ailleurs. Une négociation s’ouvre entre les migrants et les représentants de l’État, mais celle-ci est stoppée net par l’État qui déclare ne rien avoir de plus à proposer aux exilés. Les migrants qui cherchent à aller s’installer ailleurs (terrains vagues, camping municipal inoccupé) sont délogés par les forces de l’ordre. Ils reviennent donc s’installer sur le lieu de distribution.

Le 26 juin 2014, à 16h30, la mairie affiche sur le lieu de distribution un dossier de plus de 70 pages (photo ci-dessus). Il s’agit d’un référé « toute mesure utile » dans lequel la mairie demande au tribunal administratif de constater l’insalubrité du camp sur le lieu de distribution des repas ainsi que la gêne occasionnée pour les riverains en termes de bruits et de violence. Elle demande au tribunal de décider de l’expulsion du campement et de la destruction des tentes et couvertures qui servent d’abris aux exilés. L’audience au tribunal est prévue pour le lendemain, à 9h.

A 17h30, la PSM contacte plusieurs avocats spécialisés en droit des étrangers afin d’en trouver un disponible pour l’audience de demain. Maître Norbert Clément et Maître Ludivine Herdewyn, son associée, du cabinet d’avocats Pôle juridique acceptent de se charger du dossier. S’ensuit une course contre la montre :

  • Convaincre les habitants du lieu de distribution de se lancer dans une procédure juridique pour essayer d’éviter l’expulsion et donc les convaincre de remplir des documents permettant à Me Clément de s’occuper de cette affaire
  • Demander aux responsables d’associations d’expliquer la situation sur le camp : ce qui importe le plus est que les autorités ont elles-mêmes accepté que les exilés s’installent sur le camp mais aussi que l’insalubrité du lieu est pour grande partie due à la mairie qui ne ramasse pas les poubelles du lieu, ne nettoie pas les toilettes qu’elle a mises à disposition, etc.
  • Constituer un dossier sur la situation des exilés qui vivent dans le campement (demandeurs d’asile, femmes, enfants).

Les avocats et les associations travailleront jusque minuit pour que tout cela soit prêt pour l’audience du lendemain matin. Toutefois, le lendemain après-midi (l’audience avait été mise en délibéré), le tribunal administratif ordonne l’expulsion du lieu mais n’autorise pas la mairie à détruire les biens des exilés (tentes, couvertures, vêtements).

Deux suites juridiques sont alors envisagées par les avocats : saisir le Conseil d’État mais cela ne pourra pas arrêter ou retarder l’expulsion et pourra juste servir dans le futur, dans le cas où d’autres expulsions similaires seraient demandées ; et puis saisir la Cour européenne des droits de l’Homme en demande de mesures provisoires : on demande à la Cour de faire retarder l’expulsion tant que des solutions appropriées, en matière de relogement, ne sont pas prévues pour les exilés présents sur le camp.

Me Clément se chargera de la saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme. Celle-ci demandera à la France de justifier des mesures prises pour reloger les 600 migrants, femmes, enfants et demandeurs d’asile, présents sur le camp. Le mardi soir, la Cour annonce dans un communiqué que la réponse de la France est suffisante et qu’elle ne prendra pas de mesures provisoires. L’expulsion peut avoir lieu.

Le 2 juillet 2014, militants, bénévoles, journalistes et migrants, se trouvent ensemble sur le lieu de distribution des repas. Les forces de police arrivent vers 6h du matin et entrent dans le lieu de distribution en usant de gaz lacrymogène. Les militants, les bénévoles et les journalistes, toutes les personnes de couleur de peau blanche, sont emmenés en dehors du lieu. Les migrants qui s’enfuient sont ramenés à l’intérieur. Les migrants sont ensuite classés par nationalités. Des bus scolaires arrivent et les emmènent. Les derniers d’entre eux partiront du lieu de distribution aux alentours de 18h. Les mineurs seront envoyés en-dessous de Boulogne-sur-Mer. Certains seront emmenés au poste de police de Coquelles, d’autres à Saint Omer, d’autres à Lille, pour bientôt se retrouver en centre de rétention aux quatre coins de la France (Lille, Metz, Paris, Rennes, Rouen) avec l’obligation de quitter la France. Certains seront renvoyés en Italie car ayant des titres de séjour italiens, tous les autres seront relâchés au bout de quelques jours et de retour à Calais aussitôt.

Grâce aux vidéos, photos et témoignages des bénévoles, des militants, des migrants, qui se trouvaient là le jour de l’expulsion, Me Clément et Me Herdewyn vont constituer un dossier à destination de la Cour européenne des droits de l’Homme. Car les conditions dans lesquelles cette expulsion a eu lieu sont bien loin de répondre aux exigences de la convention européenne des droits de l’Homme. Si vous avez assisté à l’expulsion et que vous souhaitez témoigner de ce que vous avez vu, contactez-nous.

Pour aller plus loin…

ASILE – La France mise en demeure de respecter la directive sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile

En juin 2011, Maître Calonne, avocate au barreau de Boulogne-sur-Mer a introduit une plainte auprès de la Commission européenne au nom de trois demandeurs d’asile vivant dans un squat à Calais. Elle y soulignait l’impossibilité pour les demandeurs d’asile d’obtenir un hébergement ainsi que des conditions matérielles d’accueil couvrant leurs besoins fondamentaux. Le système d’accueil des demandeurs d’asile français est saturé, obligeant les demandeurs d’asile à s’installer dans des locaux qui ne leur appartiennent pas.

Sur la base des observations de Me Calonne, et d’autres rapports allant dans le même sens, la Commission européenne a demandé à la France ce qu’elle compte faire afin de résoudre le problème du manque d’hébergement pour les demandeurs d’asile. Les autorités françaises ont promis la création de 4000 nouvelles places d’hébergement avant la fin de l’année 2014.

Pour autant, la Commission européenne a trouvé cette mesure insuffisante et a donc envoyé une lettre de demeure à la France le 20 novembre 2013. C’est ce qu’elle explique ici.

Quelles pourraient être les conséquences d’une telle mise en demeure ?

Le système d’hébergement des demandeurs d’asile en France compte un peu plus de 20 000 places. Or, plus de 60 000 personnes ont demandé l’asile rien qu’en 2013. Sachant qu’une demande d’asile prend en moyenne 18 mois, les hébergements des demandeurs d’asile sont en permanence saturés. Il est peu probable que la France arrive rapidement à héberger tous les demandeurs d’asile de son territoire. La mise en demeure de la France est une première étape. Si la Commission européenne constate que rien n’est fait pour améliorer les conditions de vie des demandeurs d’asile, elle pourrait saisir la Cour de justice de l’Union européenne qui elle pourrait condamner la France pour non-respect de la directive européenne fixant les règles de l’accueil des demandeurs d’asile. Cette condamnation, qui peut être pécuniaire, obligerait la France à respecter ces règles avec, potentiellement, si elle ne les respecte pas, des astreintes à payer.

ASILE – La Cour de justice de l’Union européenne donne des précisions sur les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) est venue préciser, dans un arrêt du 27 février 2014, ce que doivent être les conditions matérielles d’accueil* des demandeurs d’asile.

Dans cette affaire, la famille Saciri avait demandé l’asile en Belgique. Les centres d’hébergement belges étant saturés, elle avait été renvoyée vers le centre public d’action sociale, qui lui-même ne leur avait pas trouvé de solution d’hébergement. Les membres de cette famille avaient donc trouvé un logement loué par un propriétaire privé. Les demandeurs d’asile n’étant pas autorisés à travailler en Belgique (comme en France d’ailleurs), la famille a sollicité une aide financière pour le paiement de son loyer au centre public d’action sociale. Mais cette aide leur a été refusée en raison de leur qualité de demandeurs d’asile.

La question posée à la Cour dans cette affaire est de savoir si l’Etat belge devait rembourser le montant des loyers de la famille Saciri. La Cour condamne l’Etat belge à ce remboursement et en profite pour poser une règle de droit, qui s’applique partout en Europe : le montant de l’allocation financière donnée aux demandeurs d’asile doit être « suffisant pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile, en leur permettant notamment de disposer d’un hébergement ». Cela signifie qu’en cas de saturation des dispositifs publics d’hébergement, l’allocation doit permettre aux demandeurs d’asile de trouver un logement dans le parc locatif privé. Reste à voir désormais si le montant de l’allocation temporaire d’attente*, donnée aux demandeurs d’asile en France, répond à ces critères…

* Conditions matérielles d’accueil : lorsqu’une personne arrive dans un pays européen et qu’elle souhaite y déposer une demande d’asile, le pays dans lequel elle se trouve doit lui fournir des « conditions matérielles d’accueil », qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance du demandeur d’asile. En pratique, elles correspondent à un hébergement et une allocation financière (pour couvrir les frais de restauration, vestimentaire, etc.).

* L’allocation temporaire d’attente est la somme versée aux demandeurs d’asile qui ne sont pas hébergés dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Elle est censée leur permettre de subvenir à leurs besoins en matière de logement et de nourriture par exemple. Son montant est de 11,35€/jour, soit entre 340 et 350€ par mois.

CALAIS : Les violences policières dénoncées par le Défenseur des Droits

Crédit : S.Prestianni

Crédits : S.Prestianni

Article rédigé par Lou Einhorn-Jardin,

extrait du Journal des Jungles n°0 (juin/août 2013)

 

En juin 2011, les No Border, soutenus par une vingtaine d’associations locales, nationales et internationales de soutien aux exilés et de défense des Droits de l’Homme remettent au Défenseur des Droits (1) un rapport sur les violences policières que subissent les exilés dans le Calaisis. Ce rapport comprend de nombreuses vidéos et témoignages du harcèlement policier.

Suite à une enquête, il a relevé et dénoncé plusieurs abus dont des contrôles d’identité, des interpellations et des conduites au commissariat de Coquelles sur une même personne dans un délai rapproché, y compris sur des étrangers en situation régulière, des visites répétées sur les lieux de vie ainsi que des comportements policiers individuels de provocations ou d’humiliations sur des migrants. Des destructions de dons humanitaires et d’effets personnels ont également été rapportés. Enfin, des expulsions hors de tout cadre juridique ont été observées. Tous ces agissements sont dénoncés dans le rapport du Défenseur des Droits daté du 13.11.2012.

Le Défenseur des Droits a appelé la police à cesser ces agissements irrespectueux. Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur, a répondu que ces faits étaient non vérifiables et anciens, niant tout en bloc. Le monde associatif a réagi par un communiqué de presse.

Depuis le rapport, les agissements illégaux de la police continuent.

Les associations appellent les migrants à leur signaler tout comportement irrespectueux de la part de la police, afin que ceux-ci soient transmis au Défenseur des Droits.

Toute fermeture de squat, toute confiscation ou destruction d’ affaires personnelles ou de matériel  humanitaire (tentes, couvertures, duvets, etc.), tout contrôle d’identité près du lieu de distribution des repas, toutes visites répétées de la police dans le squat ou la jungle sont des éléments importants à faire connaître aux acteurs associatifs. Les témoignages peuvent être anonymes.

 L’accumulation de preuves significatives pourra faire évoluer cette situation concernant les violences policières. Pour rappel, la police, qui a vocation à faire respecter la loi, est également tenue de la respecter, que l’on soit avec ou sans papiers.

1 : Le Défenseur des Droits en France est une autorité indépendante veillant au respect des droits et libertés ainsi qu’à la promotion de l’égalité.

Documents à télécharger :

Saisine Calais Migrant Solidarity

Rapport du Défenseur des Droits