Dans la région Nord-Pas-de-Calais, la grande majorité des migrants qui se retrouvent sur les campements et bidonvilles sont passés par l’Italie. La plupart s’y sont vus enregistrer leurs empreintes, de telle sorte que lorsqu’ils décident de demander l’asile en France, ils sont « dublinés« . La France considère que c’est à l’Italie qu’il revient d’examiner leur demande d’asile et donc essaie de les expulser en direction de ce pays. Les demandeurs d’asile ne souhaitent pas y retourner, soit parce qu’ils y ont été mal traités, soit parce que personne ne s’est occupé d’eux.
Cette situation ressemble fortement à celle de la Grèce il y a quelques années. Le traitement des demandeurs d’asile était si mauvais que la Cour européenne des Droits de l’Homme a été saisie de la question. En 2011, elle a condamné la Grèce pour traitements inhumains ou dégradants des demandeurs d’asile, ce qui a conduit tous les pays européens à stopper les renvois des demandeurs d’asile vers la Grèce.
La Cour européenne des Droits de l’Homme a également été saisie de la situation en Italie. En novembre 2014, dans l’arrêt Tarakhel contre Suisse, il était question d’une famille afghane que la Suisse essayait de renvoyer en Italie. En cas de retour en Italie, il y avait un fort risque que les parents ne soient pas placés dans le même hébergement que leurs enfants. La Cour a conclut qu’il y aurait violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme si la Suisse renvoyait la famille vers l’Italie sans avoir obtenu des autorités italiennes la garantie que la prise en charge de la famille serait adaptée à l’âge des enfants et respecterait le principe de l’unité familiale.
En revanche, la Cour a eu de nouveau à se prononcer dans l’arrêt A.M.E. contre Pays-Bas, en février 2015 sur la situation en Italie, mais cette fois-ci dans le cas d’un demandeur d’asile masculin, seul et bien portant. La Cour relève que ce qui a été développé dans l’arrêt Tarakhel n’est utilisable que par les familles de demandeurs d’asile, pas par les célibataires, et que la situation de l’Italie n’a rien à voir avec la situation de la Grèce en 2011. Elle rejette donc la demande du demandeur d’asile qui souhaitait voir condamnée la décision de l’expulser en Italie.
Ces arrêts de la Cour EDH ne changent donc pas grand chose pour la majorité des demandeurs d’asile se trouvant dans le Nord-Pas-de-Calais, l’État français cherchera toujours à les renvoyer vers l’Italie. Le but est bien évidemment de les empêcher de choisir le pays où ils iront demander l’asile. Cependant, on peut se rassurer en regardant les statistiques des renvois effectifs vers les pays responsables des demandes d’asile. En 2012, 14% des demandeurs d’asile « dublinés » ont effectivement été expulsés vers l’État responsable de leur demande d’asile. Ceux qui ne sont pas expulsés peuvent finalement déposer leur demande d’asile en France au bout de 6 à 18 mois d’attente.