Histoire de l’extrême droite à Calais

http://theconversation.com/patrouiller-denoncer-detruire-comment-le-vigilantisme-est-ne-a-calais-107239

À leur tour, ils ont été montrés du doigt la semaine passée : plusieurs gilets jaunes auraient dénoncé aux gendarmes des migrants cachés dans des véhicules à Flixericourt dans la Somme. Un acte condamné par la CGT-Douanes, mais dont certains se seraient félicités sur les réseaux sociaux. Des mots et photos vite relayés par différents médias.

Un citoyen peut-il faire « justice » ou du moins « penser » faire justice lui-même ? Ces actes, parfois sinistres semblent connaître un nouvel essor. À Hartlepool, ville côtière du nord-ouest de l’Angleterre, des habitants rendent « justice » sur Facebook ou patrouillent les rues et compliquent la vie des forces de l’ordre.

Or, ce phénomène, appelé vigilantisme, a été particulièrement observé de l’autre côté de la Manche, à Calais et dans ses environs, où des habitants ont décidé de gérer eux-mêmes la question migratoire. Comme nous le soulignons dans un article issu de nos recherches sur ces groupes,

« Les cibles ne sont pas des “criminels” ou des “délinquants”, mais bel et bien l’ensemble des migrants présents à Calais ».

Les collectifs anti-migrants ont ainsi mené une activité soutenue entre 2013 et 2016, incluant des citoyens a priori sans affiliation politique particulière. Ils sont pourtant discrètement appuyés par des groupuscules d’extrême droite qui oeuvrent plus ou moins dans l’ombre, et grâce aux réseaux sociaux.

Si ces derniers attirent l’attention médiatique, par exemple le groupe des Identitaires, ils essaiment aussi désormais parmi « Monsieur et Madame Tout Le Monde ».

Prise en main par l’extrême droite

Le 23 octobre 2013, sur sa page Facebook personnelle, la maire de Calais, Natacha Bouchart, publie un appel incitant les Calaisiens à repérer et à dénoncer toute implantation de squats de migrants.

Cet appel est immédiatement médiatisé et suscite une polémique nationale. Dans la foulée, un jeune activiste d’extrême droite, Kevin Rêche, créée la page Facebook Sauvons Calais, qui précède de quelques semaines la création du collectif.

Dès le début, son objectif est de mobiliser les Calaisiens contre les migrants, en répertoriant les squats afin de « sauver Calais ». La page devient rapidement très fréquentée. Le groupe met en avant trois revendications : la constitution officielle de groupes de vigilance anti-migrants, la dissolution des associations de soutien aux migrants et surtout l’enfermement de tous les réfugiés dans un camp.

Ses militants multiplient les actions, mobilisations et manifestations. Ils se décrivent comme « apolitiques », regroupant des citoyens en colère. En réalité, le groupe développe une rhétorique issue des fractions les plus dures de l’extrême droite française.

Sauvons Calais entretient des liens avec Le Parti de la France, une scission droitière du Front national (liste dans laquelle Kevin Rêche se présente aux élections cantonales de 2015). En avril 2014, le journal La Voix du Nord révèle que Kévin Rêche, leader et porte-parole du collectif s’est fait tatouer une croix gammée sur le torse.

Lors de l’été 2015, alors que la dynamique de Sauvons Calais est en baisse – le groupe est « en sommeil » depuis l’évacuation de la jungle en novembre 2016 – un second groupe émerge, « Les Calaisiens en Colère ». Ceux-ci se présentent comme des « riverains » de la jungle Jules Ferry excédés par la situation, et se déclarent eux aussi apolitiques. Ils développent des dynamiques similaires, et sont eux aussi ancrés à l’extrême droite.

Émergence du vigilantisme

Si ces groupes s’affirment comme des mouvements « citoyens », somme toute des mouvements sociaux classiques, la réalité est plus complexe. Si ceux-ci organisent bel et bien pétitions et manifestations, leur activité ne s’y limite pas, loin de là.

Celle-ci s’inscrit dans ce que l’on appelle le vigilantisme. Les politistes Gilles Favarel Guarrigues et Laurent Gayer le définissent comme

« un certain nombre de pratiques collectives coercitives, mises en œuvre par des acteurs non étatiques afin de faire respecter certaines normes (sociales ou juridiques) et/ou d’exercer la justice ».

Le criminologue britannique Les Johnston conçoit par ailleurs ce phénomène comme un mouvement social dont l’objectif est de rétablir l’ordre par la violence ou du moins, la menace de son utilisation.

Ces groupes ne vont pas ainsi seulement manifester, mais aussi agir contre les migrants, en les surveillant, en les signalant en ligne, voire en intervenant directement à leur encontre.

En l’absence de données sur la totalité des membres de ces collectifs, il n’est pas possible de faire de généralisation concernant sa sociologie mais il est toutefois possible d’affirmer que les militants rencontrés présentent un profil similaire à ceux des skinheads de l’Aisne étudiés par le politologue Stéphane François. En effet ceux que nous rencontrons sont souvent au chômage, ou en contrat précaire, occupant des emplois peu où pas qualifiés dans le secteur des services.

Les participants de ces collectifs, au cours des entretiens qu’ils nous accordent, disent être plusieurs dizaines. Ils habitent à Calais ou dans les environs.

Des « citoyens » à l’assaut de squats

En 2014, à Coulogne, ville de 5 000 habitants près de Calais, une maison est occupée par des militants du mouvement No Border, qui soutient les réfugiés.

Sauvons Calais va alors lancer une mobilisation pour obtenir l’expulsion immédiate de la maison, bien avant les délais légaux. Cette mobilisation se fait en ligne par une campagne sur la page Facebook du collectif, mais aussi par du porte-à-porte dans le quartier de la maison, située dans une zone pavillonnaire.

Sympathisante du mouvement No Border qui prône l’ouverture des frontières, Calais, 18 juin 2016. Alisdare Hickson/FlickrCC BY-SA

Cette mobilisation se poursuit par l’organisation d’un rassemblement de plusieurs dizaines de personnes tous les soirs pendant quinze jours, afin de demander l’expulsion du squat. Il regroupe les militants de Sauvons Calais, des sympathisants d’extrême droite et surtout les habitants de ce quartier, autrement paisible.

Celui-ci se transforme rapidement en siège, avec la participation active des voisins. Tous les soirs, les vitres et les tuiles de la maison sont la cible de jets de pierres. Le squat, devenu inhabitable est abandonné par ses occupants. Le bâtiment est ensuite détruit par un incendie. Son origine n’est pas déterminée mais l’acte criminel est envisagé.

Les militants de Sauvons Calais nient avoir participé à ces actes « individuels commis par des gens perturbés ». Cette version est mise à mal par Alain Fauquet, le maire du village, qui nous affirme lors d’un entretien que les militants de Sauvons Calais ont « remplit des grands sacs de pierres [pris] sur la voie ferrée pour organiser le caillassage » sans nécessairement les jeter eux-mêmes, se contentant de fournir les pierres.

Ces faits illustrent une violence de groupe organisée, certes minimisée mais aussi une stratégie d’évitement. Les militants agissent en sous main afin de ne pas se voir attribuer la responsabilité des violences et préserver ainsi une forme de « respectabilité ».

Les rassemblements de soutien aux riverains

Un autre exemple emblématique de l’action de ces groupes est celui des rassemblements de « riverains » pour « sécuriser » les abords de la jungle Jules Ferry lors des mois de décembre 2015 et janvier 2016, organisés par les Calaisiens en Colère. L’usage de Facebook s’y révèle primordial. La page sert à publiciser l’action vigilantiste du groupe. La présence de terrain est mise en scène : patrouilles, repérages, surveillance, rassemblements de soutien aux riverains.

Lors de leurs patrouilles, les militants publient des photos et vidéos des migrants. Ces publications n’ont pas uniquement vocation à servir de témoignage. Ce sont bel et bien des comptes rendus en temps réel des mouvements des réfugiés et de la situation, dépeinte comme une guerre de basse intensité entre forces de l’ordre et migrants.

La distance entre le spectateur et le spectacle mis en scène sur la page Facebook du groupe est réduite au minimum. Assez régulièrement, les personnes qui suivent le groupe sur les réseaux sociaux sont invitées à rejoindre immédiatement l’action en cours et à franchir le pas pour passer de l’« autre côté du miroir ».

L’objectif est ainsi de susciter une réaction émotionnelle forte vis-à-vis des images diffusées, qui prend la dimension d’un « choc moral », source d’un engagement dans une cause ou un mouvement social.

Ainsi, une publication du 17 décembre 2015 déclare tout simplement « Les clandestins nous attaquent », massivement partagé.

Annonce d’une « attaque » au cours des rassemblements. Author provided

Très rapidement, et de manière encore plus explicite, un post daté du même jour énonce « C’est la guerre venez nous aider » avec une vidéo à l’appui.

Appel à soutien de la part des Calaisiens en colère. Author provided

La violence des foules

Ces appels semblent bel et bien suivis d’effets : les rassemblements de décembre 2015 et janvier 2016 regroupent assez largement des sympathisants d’extrême droite parfois venus de toute la France.

Il apparaît aussi que les militants ne se contentent pas de surveiller les abords, ils prennent part aux affrontements, ce que révèle la mise en ligne d’une vidéo postée par les Calaisiens en colère. Une personne qui participe aux « rondes de sécurisation » du collectif déclare « je sors mon gun », et on la voit ensuite dégainer ce qui ressemble à un flashball (arme à feu qui tire des balles en caoutchouc). Par la suite, l’on entend des détonations sans savoir précisément si ce sont les forces de l’ordre ou les Calaisiens en colère qui en sont à l’origine.

Cette vidéo, postée sur la page du groupe avant d’être rapidement retirée devient virale jusqu’à attirer l’attention des médias (« Les Vidéos controversées », Nord Littoral, 8 janvier 2016, p. 13). Ceux-ci mettent en avant l’illégalité de cette participation à des affrontements aux côtés des forces de l’ordre. Le scandale est tel que les Calaisiens en Colère mettent un terme à l’organisation de ces rondes fin janvier 2016.

Les membres de collectifs tels que Sauvons Calais ont parfois tenter d’accompagner les actions des forces de l’ordre, entretenant un flou destiné à aviver les tensions. Evacuation de la Jungle, 2016. Michel Spekkers/FlickrCC BY-SA

Un flou qui fonctionne

Bien qu’ils aient cessé leurs rassemblements aux abords de la Jungle, les groupes anti-migrants poursuivent d’autres activités. Ils ont ainsi pris part à la très médiatisée manifestation (interdite) du groupe Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident (PEGIDA) le 6 février 2016.

Après le démantèlement de la jungle Jules Ferry en novembre 2016, les Calaisiens en Colère poursuivent pendant quelque temps leurs patrouilles qu’ils publicisent toujours sur leur page Facebook, avant de mettre en sommeil leur activité. De manière assez ironique, Sarah Guerlach, porte-parole du collectif, en guise d’épilogue obtient avec sa société de travaux publics le marché de la démolition de la jungle Jules Ferry ; une fois évacuée par les forces de l’ordre.

Les groupes anti-migrants à Calais sont ainsi représentatifs d’un certain flou entretenu sciemment par certains militants de l’extrême droite, permettant d’impliquer des citoyens « ordinaires » dans des actes de violence collective.

Ce type de mouvement contre l’immigration n’est pas isolé en Europe, loin de là. En Allemagne, les actes contre les migrants se sont multipliés pour culminer dans des journées de mobilisations et de violences à Chemnitz lors du mois d’août 2018.

Cette tendance se retrouve aussi en Italie ou les actes de vigilantisme contre les migrants se multiplient depuis l’accession de la Ligue de Matteo Salvini au pouvoir

De même, en Bulgarie, des milices traquent les migrants à la frontière turque.

En France, les groupes de « Calaisiens » semblent avoir trouvé une postérité avec les actions du mouvement Génération Identitaire, qui a bloqué la frontière franco-italienne et mène campagne contre les ONG qui soutiennent les migrants en Méditerranée.

Communiqué inter-asso sur le rapport du DDD

Communiqué sur le rapport du Défenseur des droits du 19 décembre 2018 «  Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais »

Nous, réseau d’associations intervenant auprès des exilés dans la région Hauts-de-France et sur le littoral de la Manche, sommes heureux de la parution du nouveau rapport du Défenseur des droits : « Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais ». Le Défenseur des droits reconnaît non seulement notre travail associatif, le rapport parlant d’« aidants se substituant aux pouvoirs publics », mais souligne en outre la « pénalisation protéiforme » dont nous faisons l’objet en tant que personnes ou collectifs aidant les exilés, mobilisant aussi des outils juridiques qui ne sont a priori pas prévus à cette fin : infractions au code de l’urbanisme, dénonciations calomnieuses, contraventions routières assez massives, mise en danger d’autrui ou encore fermeture d’une cuisine solidaire pour raisons sanitaires.

Le rapport du Défenseur des droits confirme les nombreuses atteintes aux droits fondamentaux des personnes exilées que notre réseau dénonce inlassablement ; dénonciations que les autorités publiques, de la maire de Calais en passant par la préfecture affirment  être sans fondement. Merci aux équipes du Défenseur des droits de lutter une fois de plus contre l’invisibilisation des exilés du littoral.

Le Défenseur des droits constate une dégradation des conditions sanitaires et sociales vécues par les personnes exilées, n’épargnant pas même les plus vulnérables d’entre-eux tels les mineurs étrangers non accompagnés ou encore les demandeurs d’asile.

 

EN CE QUI CONCERNE LES MINEURS ÉTRANGERS NON ACCOMPAGNÉS

Le Défenseur des droits relève une inadéquation des mécanismes existants à la réalité vécue par les mineurs étrangers non accompagnés, en demande d’asile ou non, en procédure de réunification familiale vers la Grande-Bretagne ou en cours de stabilisation en France.

Des maraudes à la mise à l’abri, les moyens mis en œuvre sont insuffisants et ne permettent ni de créer un lien de confiance avec les mineurs, ni de suivre leur état de santé physique ou psychique, ni de leur assurer une information claire et précise sur leurs droits.

De l’évaluation à la prise en charge pérenne, la clé de répartition nationale – qui revêt un caractère automatique – semble primer sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

Du dépôt de la demande d’asile à la demande de réunification familiale, les procédures longues et complexes ne permettent pas à ces enfants de rejoindre rapidement leur famille en attente de les accueillir au Royaume-Uni.

Les mineurs en transit sont exposés de façon permanente à des violences liées à leurs conditions de vie précaires, des violences sexuelles, des violences de la part des forces de l’ordre.

La situation des mineurs étrangers non accompagnés apparaît donc particulièrement inquiétante, d’autant que ces adolescents sont aujourd’hui, plus encore qu’auparavant, placés au centre d’un conflit de compétences et d’enjeux financiers entre l’Etat et les départements.

Plus encore que les autres, les mineurs en transit sont considérés comme des étrangers avant d’être appréhendés comme des enfants en danger.

DES ATTEINTES AUX DROITS FONDAMENTAUX FAVORISÉES PAR DES CHOIX POLITIQUES ET DES PRATIQUES CONTESTABLES

Pour le Défenseur des droits, ces atteintes résultent à la fois de l’application du règlement « Dublin », particulièrement rigide de la part de la France, et de la politique migratoire de l’Union européenne relayée par les États membres. La réduction drastique des voies légales d’immigration, loin d’empêcher les exilés de quitter leur pays d’origine, place ceux-ci dans des conditions précaires et attentatoires à la dignité des personnes sur le territoire européen et notamment français. La France, garante de la frontière Schengen pour le Royaume-Uni, a sur le Littoral de la Manche un rôle qui consiste non pas à empêcher les entrées irrégulières sur sn territoire mais bien à éviter que des personnes n’en sortent. Cette politique migratoire est aussi à l’origine de la présence en France, parfois depuis plusieurs années, de personnes maintenues dans la clandestinité alors qu’elles ont pour la plupart besoin d’une protection.

L’application stricte du règlement « Dublin » apparaît au Défenseur des droits particulièrement paradoxale au regard de la volonté affichée des pouvoirs publics de favoriser les demandes d’asile dans les campements. Le lien entre constitution de camps et application du règlement « Dublin » est assez largement établi.

Les entraves au droit d’asile sont pléthore, les dispositifs d’accueil étant saturés, les informations sur les droits difficilement accessibles, et l’ensemble des nouvelles dispositions législatives concernant les demandeurs d’asile s’inscrivant dans une logique de pénalisation et de sanction et d’amoindrissement des garanties procédurales.

Les pouvoirs publics mènent des stratégies de dissuasion et d’invisibilisation des exilés, reflétant une forme de « criminalisation des migrants ». Les évacuations des campements ont lieu dans un cadre légal indéterminé à ce jour malgré les demandes adressées par les associations. Ceci prive les personnes évacuées de l’accompagnement auquel elles pourraient prétendre, de la compréhension de l’opération et de la possibilité de la contester. C’est leur qualité de sujets de droit qui leur est ainsi déniée. Les contrôles d’identité menés aux abords des campements sont détournés de leur objet et utilisés aux fins de dissuader l’accès aux lieux d’aide, en plus d’être parfois attentatoires à la dignité humaine.

Le défenseur des droits aboutit aux conclusions suivantes, que nous avons-nous-même formulées à maintes reprises, et que nous reprenons une fois encore avec force :

–        Garantir à toutes les personnes exilées des conditions de vie dignes, et notamment l’effectivité du droit à l’hébergement inconditionnel, des conditions matérielles de vie décentes et une meilleure prise ne charge de leur santé.

–        Rendre effective la protection due aux mineurs non accompagnés, ce qui inclut, notamment, l’indispensable formation des professionnels en charge de cette mission.

–        Revoir des orientations politiques favorisant de graves atteintes aux droits fondamentaux des personnes exilées en entamant une réflexion sur l’opportunité de poursuivre l’exécution des accords migratoires passés avec le Royaume-Uni, en participant activement à la réforme de la politique européenne d’asile et d’immigration, en améliorant l’accès à la procédure d’asile en France ainsi que celui des personnes bénéficiant d’une protection en France.

–        Garantir le respect des droits des exilés dans le cadre des opérations de « mise à l’abri »

–        Garantir un usage de la force publique conforme aux règles de déontologie

–        Réformer le délit dit « de solidarité » notamment en ce que seuls les actes accomplis sciemment et dans un but lucratif puissent être sanctionnés.

Le rapport complet est disponible ici : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/mots-cles/calais

Faites tourner largement !

 

Signataires :

L’Auberge des Migrants

Bethlehem

La Cabane juridique

Itinérance Cherbourg

Médecins du monde

Secours Catholique Caritas France – Délégation du Pas de Calais

The School Bus Project

Utopia 56

Rapport du DDD trois ans après le rapport Calais

https://defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2018/12/le-defenseur-des-droits-publie-son-rapport-exiles-et-droits

LE DÉFENSEUR DES DROITS PUBLIE SON RAPPORT « EXILÉS ET DROITS FONDAMENTAUX, TROIS ANS APRÈS LE RAPPORT CALAIS »

Le 6 octobre 2015, le Défenseur des droits publiait un rapport intitulé « Exilés et droits fondamentaux : la situation sur le territoire de Calais » dans lequel il dénonçait les conditions de vie indignes et les atteintes aux droits fondamentaux des exilés à la frontière franco-britannique.

Trois ans après, le Défenseur des droits a souhaité dresser un nouveau bilan – élargi aux campements de Grande-Synthe, Ouistreham et Paris – en s’appuyant sur une quinzaine de visites sur place et l’instruction contradictoire des réclamations qui lui ont été adressées. Ce rapport dresse un constat très préoccupant du traitement des exilés sur le territoire français. Le Défenseur des droits relève des atteintes inédites aux droits fondamentaux des exilés et adresse des recommandations aux pouvoirs publics.

Le Défenseur des droits constate que les entraves persistantes à l’entrée dans la procédure d’asile, la saturation des dispositifs d’accueil des exilés, leur manque d’informations et le contrôle de leur situation administrative lors de leur mise à l’abri conduisent les campements évacués à systématiquement se reformer et contraignent les exilés à subir des conditions de vie que le Conseil d’État a qualifiées, en 2016 et 2017, de « traitements inhumains ou dégradants ».

Le Défenseur des droits recommande à l’Etat de se conformer au droit positif et de garantir aux exilés un droit inconditionnel à l’hébergement, des conditions de vie dignes ainsi qu’une prise en charge de leur santé, notamment de leurs troubles psychiques nés d’un parcours migratoire et d’un accueil difficiles. Quant aux mineurs, le Défenseur des droits souhaite l’adoption urgente de mesures favorisant la pérennité de leur mise à l’abri, de leur évaluation et de leur prise en charge. Il est également nécessaire de simplifier les procédures d’asile et de réunification familiale, aujourd’hui trop peu accessibles.

À défaut d’une politique nationale assurant un véritable accueil des primo-arrivants, les collectivités locales et les associations caritatives sont contraintes d’agir seules, dans un contexte où se maintient une pénalisation de certains actes de solidarité. Le Défenseur des droits recommande donc d’élargir l’immunité pénale à tous les actes apportés dans un but humanitaire.

Par ailleurs, la chasse aux « points de fixation », devenue une priorité des autorités publiques, conduit au renforcement de la présence policière sur les lieux de vie des exilés et à un usage parfois injustifié du gaz lacrymogène. Les évacuations des campements se font parfois de manière peu respectueuse des effets personnels des exilés et de leur personne. Quant aux contrôles d’identité, faute d’être suffisamment encadrés, ils sont susceptibles d’être détournés de leur objet et utilisés dans le but de dissuader les exilés d’accéder à des lieux d’aide.

Outre les effets de la politique migratoire de l’Union européenne qui contribuent à réduire de manière drastique les voies légales d’immigration en Europe, l’’externalisation de la frontière britannique en France demeure l’une des principales causes de la reconstitution des campements de fortune à Calais, Grande-Synthe ou Ouistreham, puisqu’elle empêche les exilés qui le souhaitent d’atteindre la Grande-Bretagne. Le Défenseur des droits recommande donc au gouvernement de dénoncer les accords conclus avec la Grande-Bretagne.

Beaucoup de personnes présentes dans ces campements sont des demandeurs d’asile dits « dublinés », c’est-à-dire dont la demande de protection est censée relever d’un autre Etat que la France. Ainsi, le Défenseur des droits réitère sa recommandation de 2015 tendant à suspendre l’application du Règlement Dublin III qui ne fait pas renoncer les exilés à leur projet migratoire mais les incite à vivre dissimulés et les condamne à une errance perpétuelle. Le Défenseur des droits partage l’analyse de certains maires ou encore du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) considérant que l’application de ce règlement favorise la reconstitution de campements tels que ceux observés dans ce rapport.

Appel à l’aide de Terre d’Errance Norrent Fontes

15 mois après la destruction du bidonville à Norrent-Fontes,

un bilan catastrophique:

Terre d’Errance lance un appel à l’aide

le 17 décembre 2018

Le campement de Norrent-Fontes a été détruit en septembre 2017, par décision du maire et du préfet. Ceci alors que la justice avait empêché cette destruction à deux reprises, estimant qu’une telle action ne ferait qu’empirer les conditions de vie des habitant-e-s, pourtant déjà très précaires.

Les 85 personnes alors expulsées du campement ne voulaient pas demander l’asile en France et sont majoritairement revenues dans les environs dès la semaine suivante pour tenter le passage en Grande Bretagne par le parking de l’aire de repos de Saint-Hillaire Cottes, sur l’A26.

Ces personnes se sont installées à Quernes sur un terrain dont les propriétaires, comprenant la situation, n’ont pas voulu porter plainte, malgré la pression exercée par la préfecture.

Plus d’un an après, alors que l’on vient de célébrer les 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits Humains et que ce 18 décembre est la Journée Internationale des Migrant-e-s, voici ce qu’il en est au niveau local:

A QUERNES:

La plupart des 85 personnes sont parties en Grande-Bretagne après des mois d’Errance entre Paris, Quernes et la Belgique. La dizaine d’exilés qui reste (depuis plus de 3 ans pour certains) essaie toujours de passer la frontière. Les conditions de vie des ces hommes sont identiques que dans le campement de Norrent-Fontes, hors-mis le fait que ce sont désormais les bénévoles qui remplissent des jerrycans d’eau pour les leurs amener et qu’il n’y a plus de lieu pour les soins sur place.

A NORRENT-FONTES:

D’autres personnes errent à Norrent-Fontes depuis quelques mois déjà, tentant elles aussi le passage en Grande-Bretagne. La mairie ayant grillagé le garage ouvert du presbytère, ces personnes n’ont aucun autre abri que l’église et les abri-bus du village. Elles n’ont pas la possibilité de préparer leurs repas et dépendent totalement des bénévoles de Terre d’Errance et de la solidarité des Norrent-Fontois.e.s.

DANS LE BETHUNOIS:

A deux par chambre de l’hôtel Sunset de Fouquières les Béthune, les 40 personnes qui demandent asile et protection à la France risquent d’être renvoyées dans un autre pays où elles n’ont aucune attache et d’où elles peuvent être expulsées dans leur pays d’origine, comme ce fut le cas pour Jahed, expulsé en Suède puis en Afghanistan.

Tout près de là, d’autres jeunes hommes qui veulent se rendre en Grande-Bretagne, expulsés il y a quelques mois du campement d’Angres, n’ont d’autre abri que des tentes de camping posées dans un bosquet et pour l’instant le 115 (samu social) ne permet pas l’accès aux douches de l’accueil de jour.

Les conditions de vie des personnes migrantes dans le Norrent-Fontois sont les mêmes qu’il y a dix ans, c’est à dire bien pires qu’avant l’expulsion de septembre 2017.

Ces observations constituent une énième preuve que les destructions d’abris, qui se cachent hypocritement derrière les mots «évacuation sanitaire», ne sont rien d’autre que des tentatives de rendre ces personnes invisibles, inexistantes.

Preuve aussi que les avis des tribunaux de Béthune (TGI) et de Douai (Cour d’Appel) étaient tout sauf fantaisistes.

Quand est-ce que les autorités locales et préfectorales se décideront à regarder la réalité et à agir en conséquence, dans le respect des droits de toutes et tous ?

En attendant, l’association Terre d’Errance lance un appel à l’aide, en cette période hivernale:

  • Devant l’inaction des pouvoirs publics, il est urgent de proposer un hébergement aux personnes. Si vous possédez une maison, un terrain que vous acceptez de mettre à disposition (dans le Norrent-Fontois ou le Béthunois), merci de nous contacter.

  • Devant l’inaction des pouvoirs publics, Terre d’Errance propose à ces personnes un accès à l’hygiène. Nous sommes à la recherche de locaux (dans le Norrent-Fontois ou le Béthunois) disposant d’eau et d’électricité afin de faire des lessives et de stocker le linge (nous nous engageons évidemment à payer les frais).

  • Nous manquons cruellement de bénévoles pour proposer des douches ou donner des cours de français (dans le Béthunois), ou pour préparer et distribuer des repas (dans le Norrent-Fontois)

Terre d’Errance reprendra sa permanence dès le mois de janvier, les lundis de 14h à 16h au presbytère de Norrent-Fontes. Nous espérons pouvoir ouvrir bientôt une permanence hebdomadaire à Béthune.

Les permanences sont l’occasion de venir vous informer sur la situation des exilé-e-s dans la région ainsi que sur les différentes formes de soutien possible.

Rejoignez-nous !

Terre d’Errance: 06 95 28 29 43 terrederranceatprotonmail.com

facebook: terre d’errance

Communiqué en soutien au 7 de Briançon

Les 7 de Briançon lourdement condamné·e·s par le tribunal de Gap

[Communiqué Comité de soutien aux 3+4, Gisti, Anafé et La Cimade]

Le 13 décembre 2018, le tribunal correctionnel de Gap a déclaré les 7 de Briançon coupables d’aide à l’entrée sur le territoire d’une personne en situation irrégulière. Si la circonstance aggravante de bande organisée a été abandonnée, la lourdeur des peines prononcées (conformes aux réquisitions du parquet) marque un tournant dangereux dans la répression des personnes solidaires.

 

Benoit, Théo, Bastien, Lisa et Eleonora ont été condamnés à 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple. Juan a été condamné à 12 mois d’emprisonnement dont 8 avec sursis simple et 4 fermes et Mathieu à 12 mois d’emprisonnement dont 4 fermes et 8 avec sursis avec mise à l’épreuve.

Nos organisations sont scandalisées et indignées par ce jugement qui criminalise encore une fois et de manière inédite des militant·e·s agissant en faveur des droits des personnes migrantes.

Le droit fondamental constitutionnel de manifester a donc été nié au profit d’une pénalisation toujours plus forte des personnes solidaires. Aussi, ce jugement va-t-il à l’encontre de l’obligation légale qu’a chacun·e de porter secours à une personne en danger. C’est un signal alarmant pour les défenseurs des droits humains en France qui font l’objet de pressions de plus en plus fortes de la part des forces de l’ordre et des autorités judiciaires.

Nos organisations se dressent aux côtés de Bastien, Benoît, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo et continueront de les soutenir et de dénoncer la situation de péril imminent des personnes migrantes dans les Alpes.

Lors de l’audience du 8 novembre 2018, les avocat·e·s et les prévenu·e·s ont pu dénoncer les violations quotidiennes des droits des personnes migrantes commises par les forces de l’ordre à la frontière franco-italienne, les agissements illégaux restés impunis à ce jour du groupuscule Génération Identitaire et les tentatives d’entraves au droit fondamental de manifester à la fois des prévenu·e·s mais aussi des personnes exilées.

Le Ministère public avait demandé au tribunal de condamner respectivement à 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple pour Bastien, Benoît, Eleonora, Lisa et Théo ; 12 mois dont 4 mois d’emprisonnement ferme et 8 avec sursis simple pour Juan ; et 12 mois dont 4 mois d’emprisonnement ferme et 8 avec sursis avec mise à l’épreuve pour Mathieu.

Au-delà de la condamnation des 7 solidaires, le tribunal est resté sourd aux témoignages et preuves apportées par la défense, faisant le jeu ainsi des pratiques illégales de l’administration, les violations des droits et la traque des personnes migrantes. Alors que des personnes exilées, auxquelles nous essayons de venir en aide, meurent sur les routes dangereuses de la frontière franco-italienne, le tribunal correctionnel de Gap a fait le choix de condamner la solidarité.

Ce jugement est rendu alors que la Cour de cassation a annulé hier des décisions condamnant des militants pour « délit de solidarité ». L’occasion de rappeler que d’autres militants solidaires des personnes migrantes de Briançon sont convoqués devant la justice en janvier et en mars 2019.

Par ailleurs, les associations alertent sur la militarisation de la frontière qui contraint les personnes migrantes à se mettre en danger en montagne dans le froid et la neige. La présence policière permanente entrave le déroulement des maraudes visant à secourir les exilé·e·s.

Soutenues par près de 50 000 personnes qui ont signé la pétition, nos organisations demandent l’abandon de toutes les poursuites pour délit de solidarité contre les personnes, dans les Alpes et ailleurs, qui agissent dans un esprit de fraternité.

 

Rappel des faits  :
Bastien, Benoit, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo étaient poursuivi·e·s pour avoir participé, en avril dernier, à une marche solidaire pour dénoncer les violences commises par le groupuscule identitaire à l’encontre des personnes exilées dans la région de Briançon et pour protester contre la militarisation de la frontière franco-italienne. L’État leur reproche d’avoir à cette occasion « facilité l’entrée de personnes illégales sur le territoire français », et de l’avoir fait « en bande organisée ».

 

Comité de soutien aux 3+4  : Article 1er, Le Cesai, CGT 05, Chemins Pluriels, Chez Marcel, CHUM, Collectif Maraudes, Comité de soutien aux 3+4 Genève, Comité de soutien aux 3+4 Marseille, Les Croquignards, Ensemble 05, La Fanfare Invisible, Icare 05, NO THT 05, PCF 05, Réseau hospitalité 05, Sud 05, Les Tabliers Volants, Tous Migrants.

 

Cherbourg – Nouvelles de décembre 2018

Le gros souci à Cherbourg, en ce moment, est la mise en place de la nouvelle plate-forme Dublin à Rouen.

Jusqu’à maintenant, les demandeurs d’asile en procédure Dublin étaient domiciliés à France Terre d’Asile Saint-Lô et devaient se rendre à la Préfecture de Saint-Lô pour leurs formalités.  Saint-Lô est à une heure de route de Cherbourg en voiture ou 2 heures en bus pour un coût de 2,30 € par voyage.

Depuis la mise en place du pôle Dublin, les personnes concernées sont domiciliées à la PADA de Rouen et doivent se rendre à la préfecture de Rouen pour leurs RDV ou pour renouveler leurs attestations de demande d’asile.  Après être passés au Guichet Unique de Caen, elles sont orientées vers France Terre d’Asile Rouen pour leur domiciliation, puis quelques jours après pour faire leur demande de CMU (4 signatures, environ 5 minutes en comptant large !). Elles doivent ensuite se rendre régulièrement à Rouen pour leurs démarches auprès de la préfecture ou pour aller chercher leur courrier.

Un aller-retour Cherbourg-Rouen prend au minimum 3 heures en voiture et environ le même temps en train pour un coût minimum de 80 €.  Il n’est pas question pour Itinérance de les accompagner à chaque fois.   Cette semaine par exemple, il aurait fallu y aller mardi, mercredi, jeudi et vendredi !  Nous ne pouvons pas non plus financer les billets de train, car les sommes engagées seraient bien trop importantes pour notre budget.

Pour l’instant aucune proposition d’hébergement ne leur est faite sur Rouen, donc toutes ces personnes préfèrent revenir à Cherbourg.

Nouvelles d’Angres – Décembre 2018

Ça bouge à Angres !

Tout d’abord, des nouvelles des migrants vietnamiens : ceux qui se succédaient à Angres depuis plusieurs années, et qui avaient été « définitivement » expulsés par les autorités. On les retrouve le long de l’autoroute A26 Paris Calais , à la sortie pour Bethune et à celle de Rumaucourt près de Cambrai. Ce dernier campement regroupe une trentaine de personnes, viet namiennes, mais aussi Afghanes et soudanaises. Elles s sont soutenues par Emmaus Cambrai.

A Angres même, ce sont une trentaine de soudanais qui sont là, bien que l’aire de stationnement soit fermée, et malgré une présence constante des gendarmes, ils arrivent à passer. Le campement lui-même a déjà été expulsé 3 fois, mais la solidarité continue ! Ce sont maintenant 4 associations locales qui se sont jointes à « Fraternité Migrants » pour les accompagner, avec un repas quotidien et des douches hebdomadaires.

Tout cela en lien avec la mairie, qui a autorisé la distribution quotidienne … dans l’église ! (Avec l’accord de la paroisse) Ce qui fait dire à un militant : « Moi, athée convaincu, je distribue dans une église catholique, à des hommes musulmans ! »

Beaucoup de nouveaux bénévoles contribuent à une aide directe, et l’ activité inter-associative est importante : sensibilisation en milieu scolaire, organisation de concerts de soutien, d’un ciné débat autour du film « hope ».

Journal des Jungles n°12 : la démarche

A l’initiative de l’artiste Paloma Fernandez Sobrino et publiée en 2017, « l’encyclopédie des migrants » réunit 400 témoignages et histoires de vie de personnes migrantes collectés entre Brest et Gibraltar.

Une exposition au sein de la bibliothèque Jacques Prévert de Cherbourg présente une sélection de lettres de cette encyclopédie.

Il a donc été proposé aux personnes exilées d’écrire une lettre à une personne restée au pays, un père, une mère, un.e  ami.e. Elles ont écrit en dari, russe, arabe, albanais , kurde, arménien.

Temps d’écriture. Crédits photo : Dominique Ruelle-Bourgeois

Beaucoup d’émotions pendant ces 3 jours, de larmes à la lecture des lettres mais aussi de moments très joyeux, surtout lorsque Rémi David, écrivain et magicien, venu pour animer un atelier d’écriture, a aussi fait des tours de magie.

Le Monde // ONU: le pacte controversé sur les migrations adopté à Marrakech

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/10/onu-le-controverse-pacte-sur-les-migrations-en-passe-d-etre-adopte-a-marrakech_5395095_3212.html

Une quinzaine de pays ont fait part de leur retrait ou du gel de leur décision sur ce texte non contraignant.

Sur le site de la conférence intergouvernementale sur les migrations, à Marrakech, au Maroc, le 9 décembre 2018. FADEL SENNA / AFP

Des représentants de plus de 150 pays réunis à Marrakech ont formellement approuvé, lundi 10 décembre au matin, le Pacte mondial sur les migrations piloté par l’Organisation des Nations unies (ONU) – un texte qui polarise les critiques des nationalistes et des personnes hostiles aux migrants.

C’est par un simple coup de marteau que le texte, destiné à renforcer la coopération internationale pour une « migration sûre, ordonnée et régulière »,a été adopté après proclamation orale, selon les informations diffusées par l’ONU à Marrakech.

Sans vote ni signature, la conférence intergouvernementale de Marrakech est une simple étape formelle du processus, avant un ultime vote de ratification, le 19 décembre, à l’Assemblée générale de l’ONU. Mais le sujet déchaînant les passions, une quinzaine de pays ont fait part de leur retrait ou du gel de leur décision.

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« Ce moment est le produit inspiré d’efforts », a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à l’ouverture des débats. « Nous ne devons pas succomber à la peur ou aux faux narratifs » sur la migration, a-t-il dit. M. Guterres a dénoncé les « nombreux mensonges » propagés sur cet accord.

« Il est étonnant qu’il y ait eu autant de désinformation à propos de ce que le pacte est et de ce qu’il dit […], il ne crée aucun droit de migrer, il ne place aucune obligation sur les Etats », avait, de son côté, martelé Louise Arbour, la représentante spéciale de l’ONU pour les migrations, dimanche soir au cours d’une conférence de presse à Marrakech. Près de 160 pays, sur les 193 pays membres de l’ONU, étaient annoncés au Maroc, une centaine représentés au niveau des chefs d’Etat, chefs de gouvernement ou ministres, ce qui, selon Louise Arbour, « correspond tout à fait à la moyenne ».

Interdiction des détentions arbitraires

Non contraignant, le pacte recense des principes – défense des droits humains, des enfants, reconnaissance de la souveraineté nationale – et liste des propositions pour aider les pays à faire face aux migrations – échanges d’informations et d’expertises, intégration des migrants. Il interdit les détentions arbitraires, n’autorisant les arrestations qu’en dernier recours. Les défenseurs des droits humains le trouvent insuffisant, notamment sur l’accès des migrants à l’aide humanitaire et aux services de base ou sur les droits des travailleurs migrants. Ses détracteurs, eux, le voient comme un encouragement à un flux migratoire incontrôlé.

Les Etats-Unis, qui s’étaient retirés de l’élaboration du texte en décembre 2017, le jugeant contraire à la politique d’immigration du président Donald Trump, ont lancé vendredi une nouvelle salve contre le pacte et contre toute forme de « gouvernance mondiale ». « Les décisions sur la sécurité des frontières, sur qui est admis à résider légalement ou à obtenir la citoyenneté, figurent parmi les plus importantes décisions souveraines qu’un pays peut prendre », a fustigé la mission diplomatique américaine à l’ONU dans un communiqué.

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Les Etats-Unis ont été particulièrement actifs au cours des derniers mois pour partager leur conception du pacte avec plusieurs pays signataires, notamment en Europe, selon des diplomates de l’ONU. A ce stade, neuf pays se sont retirés du processus après avoir approuvé le texte le 13 juillet à New York : l’Autriche, l’Australie, le Chili, la République tchèque, la République dominicaine, la Hongrie, la Lettonie, la Pologne et la Slovaquie ; et sept ont souhaité plus de consultations internes : la Belgique, la Bulgarie, l’Estonie, Israël, l’Italie, la Slovénie et la Suisse, selon Louise Arbour.

Crise gouvernementale en Belgique

A Ottawa, des échauffourées ont opposé samedi des groupes pro-immigration et des militants de droite opposés à l’adhésion au pacte. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, entend bien le signer : « Accueillir les gens venus du monde entier grâce à un système d’immigration rigoureux est ce qui a fait du Canada un pays fort, et c’est quelque chose dont le monde a toujours davantage besoin », selon lui. Egalement favorable au texte, la chancelière allemande, Angela Merkel, est arrivée au Maroc dimanche. Les chefs des gouvernements espagnol, grec, danois, portugais et belge ont confirmé leur venue.

Mais la décision du premier ministre belge, Charles Michel, de se rendre à Marrakech a fait exploser sa coalition gouvernementale avec les nationalistes flamands du N-VA, après plusieurs jours de bras de fer. Ce parti xénophobe a tenu samedi un meeting à Bruxelles avec Marine Le Pen, patronne de l’extrême droite française, et Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, pour dénoncer le pacte, brandi comme un épouvantail par les populistes à travers l’Union européenne à l’approche des élections européennes, en mai prochain.

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Le président français, Emmanuel Macron, a décidé de déléguer à Marrakech le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, alors que le sujet suscite l’opposition de la droite, de l’extrême droite mais aussi de certains « gilets jaunes », ces Français qui manifestent depuis trois semaines dans les rues contre la politique fiscale et sociale.

Il y a environ 258 millions de migrants et personnes en mobilité dans le monde, soit 3,4 % de la population mondiale.

Communiqué de CMS sur les procès de décembre 2018

https://calaismigrantsolidarity.wordpress.com/2018/12/03/proces-ce-mardi-4-decembre-trial-on-tuesday-4th-december/

Sept personnes ont été jugées mardi pour des accusations de dégradations
et de refus de signalétique, à la suite des expulsions illégales de deux
squats en janvier dernier.

Sur un total de 15 accusations, deux ont fait l’objet de condamnations.

Deux personnes, accusées d’avoir refusé de donner leur signalétique lors
de la garde à vue suivant la première expulsion, ont été condamnées à
150 euros d’amende avec sursis. Elles vont faire appel de ces décisions.

Toutes les personnes accusées de dégradation ont été acquittées.

Le plus remarquable dans ce procès fut le peu d’efforts fournis par la
police et la procureure pour fournir les preuves des dégradations
soi-disant commises, alors que les expulsions ont eu lieu au prétexte
même d’enquêter sur ces dégradations.

Ce procès montre très clairement comment, à Calais, la mairie et la
police jouent avec le droit pénal afin de contourner les procédures
légales requises pour expulser des squats. La police rentre dans les
bâtiments de force, arrête toutes les personnes présentes, les inculpant
de dégradation, mais sans intention réelle d’étayer ou de poursuivre ces
accusations.

Pendant que les occupant-e-s sont retenu-e-s au poste de police, les
bâtiments sont condamnés, ainsi, même s’il ne s’agit pas légalement
d’une expulsion, les occupant-e-s n’ont plus accès à leur domicile, et
ont donc été matériellement expulsé-e-s.

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Seven people were tried on Tuesday for charges of degradation and
refusing to provide DNA and fingerprints following the illegal evictions
of two squats almost one year ago.

There were only two convictions out of the total fifteen charges. They
were for two people refusing to give DNA and fingerprints in the first
case, and the sentence was a suspended fine of €150. All were acquitted
of the charges of property damage.

What was most notable in the trial was the complete lack of effort by
the police and prosecutor to present any evidence of property damage,
although the evictions were carried out under the pretense of
investigating that damage.

The trial showed very clearly how the city hall and police abuse the
criminal law to circumvent the legal procedures required to evict
squatted buildings in Calais. They enter the properties by force and
arrest everyone on charges of criminal damage that they have no
intention of substantiating or actually prosecuting. While the occupants
are in the police station they send workers to barricade the building;
materially, if not legally, evicting them.
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