Communiqué inter-asso sur le rapport du DDD

Communiqué sur le rapport du Défenseur des droits du 19 décembre 2018 «  Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais »

Nous, réseau d’associations intervenant auprès des exilés dans la région Hauts-de-France et sur le littoral de la Manche, sommes heureux de la parution du nouveau rapport du Défenseur des droits : « Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais ». Le Défenseur des droits reconnaît non seulement notre travail associatif, le rapport parlant d’« aidants se substituant aux pouvoirs publics », mais souligne en outre la « pénalisation protéiforme » dont nous faisons l’objet en tant que personnes ou collectifs aidant les exilés, mobilisant aussi des outils juridiques qui ne sont a priori pas prévus à cette fin : infractions au code de l’urbanisme, dénonciations calomnieuses, contraventions routières assez massives, mise en danger d’autrui ou encore fermeture d’une cuisine solidaire pour raisons sanitaires.

Le rapport du Défenseur des droits confirme les nombreuses atteintes aux droits fondamentaux des personnes exilées que notre réseau dénonce inlassablement ; dénonciations que les autorités publiques, de la maire de Calais en passant par la préfecture affirment  être sans fondement. Merci aux équipes du Défenseur des droits de lutter une fois de plus contre l’invisibilisation des exilés du littoral.

Le Défenseur des droits constate une dégradation des conditions sanitaires et sociales vécues par les personnes exilées, n’épargnant pas même les plus vulnérables d’entre-eux tels les mineurs étrangers non accompagnés ou encore les demandeurs d’asile.

 

EN CE QUI CONCERNE LES MINEURS ÉTRANGERS NON ACCOMPAGNÉS

Le Défenseur des droits relève une inadéquation des mécanismes existants à la réalité vécue par les mineurs étrangers non accompagnés, en demande d’asile ou non, en procédure de réunification familiale vers la Grande-Bretagne ou en cours de stabilisation en France.

Des maraudes à la mise à l’abri, les moyens mis en œuvre sont insuffisants et ne permettent ni de créer un lien de confiance avec les mineurs, ni de suivre leur état de santé physique ou psychique, ni de leur assurer une information claire et précise sur leurs droits.

De l’évaluation à la prise en charge pérenne, la clé de répartition nationale – qui revêt un caractère automatique – semble primer sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

Du dépôt de la demande d’asile à la demande de réunification familiale, les procédures longues et complexes ne permettent pas à ces enfants de rejoindre rapidement leur famille en attente de les accueillir au Royaume-Uni.

Les mineurs en transit sont exposés de façon permanente à des violences liées à leurs conditions de vie précaires, des violences sexuelles, des violences de la part des forces de l’ordre.

La situation des mineurs étrangers non accompagnés apparaît donc particulièrement inquiétante, d’autant que ces adolescents sont aujourd’hui, plus encore qu’auparavant, placés au centre d’un conflit de compétences et d’enjeux financiers entre l’Etat et les départements.

Plus encore que les autres, les mineurs en transit sont considérés comme des étrangers avant d’être appréhendés comme des enfants en danger.

DES ATTEINTES AUX DROITS FONDAMENTAUX FAVORISÉES PAR DES CHOIX POLITIQUES ET DES PRATIQUES CONTESTABLES

Pour le Défenseur des droits, ces atteintes résultent à la fois de l’application du règlement « Dublin », particulièrement rigide de la part de la France, et de la politique migratoire de l’Union européenne relayée par les États membres. La réduction drastique des voies légales d’immigration, loin d’empêcher les exilés de quitter leur pays d’origine, place ceux-ci dans des conditions précaires et attentatoires à la dignité des personnes sur le territoire européen et notamment français. La France, garante de la frontière Schengen pour le Royaume-Uni, a sur le Littoral de la Manche un rôle qui consiste non pas à empêcher les entrées irrégulières sur sn territoire mais bien à éviter que des personnes n’en sortent. Cette politique migratoire est aussi à l’origine de la présence en France, parfois depuis plusieurs années, de personnes maintenues dans la clandestinité alors qu’elles ont pour la plupart besoin d’une protection.

L’application stricte du règlement « Dublin » apparaît au Défenseur des droits particulièrement paradoxale au regard de la volonté affichée des pouvoirs publics de favoriser les demandes d’asile dans les campements. Le lien entre constitution de camps et application du règlement « Dublin » est assez largement établi.

Les entraves au droit d’asile sont pléthore, les dispositifs d’accueil étant saturés, les informations sur les droits difficilement accessibles, et l’ensemble des nouvelles dispositions législatives concernant les demandeurs d’asile s’inscrivant dans une logique de pénalisation et de sanction et d’amoindrissement des garanties procédurales.

Les pouvoirs publics mènent des stratégies de dissuasion et d’invisibilisation des exilés, reflétant une forme de « criminalisation des migrants ». Les évacuations des campements ont lieu dans un cadre légal indéterminé à ce jour malgré les demandes adressées par les associations. Ceci prive les personnes évacuées de l’accompagnement auquel elles pourraient prétendre, de la compréhension de l’opération et de la possibilité de la contester. C’est leur qualité de sujets de droit qui leur est ainsi déniée. Les contrôles d’identité menés aux abords des campements sont détournés de leur objet et utilisés aux fins de dissuader l’accès aux lieux d’aide, en plus d’être parfois attentatoires à la dignité humaine.

Le défenseur des droits aboutit aux conclusions suivantes, que nous avons-nous-même formulées à maintes reprises, et que nous reprenons une fois encore avec force :

–        Garantir à toutes les personnes exilées des conditions de vie dignes, et notamment l’effectivité du droit à l’hébergement inconditionnel, des conditions matérielles de vie décentes et une meilleure prise ne charge de leur santé.

–        Rendre effective la protection due aux mineurs non accompagnés, ce qui inclut, notamment, l’indispensable formation des professionnels en charge de cette mission.

–        Revoir des orientations politiques favorisant de graves atteintes aux droits fondamentaux des personnes exilées en entamant une réflexion sur l’opportunité de poursuivre l’exécution des accords migratoires passés avec le Royaume-Uni, en participant activement à la réforme de la politique européenne d’asile et d’immigration, en améliorant l’accès à la procédure d’asile en France ainsi que celui des personnes bénéficiant d’une protection en France.

–        Garantir le respect des droits des exilés dans le cadre des opérations de « mise à l’abri »

–        Garantir un usage de la force publique conforme aux règles de déontologie

–        Réformer le délit dit « de solidarité » notamment en ce que seuls les actes accomplis sciemment et dans un but lucratif puissent être sanctionnés.

Le rapport complet est disponible ici : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/mots-cles/calais

Faites tourner largement !

 

Signataires :

L’Auberge des Migrants

Bethlehem

La Cabane juridique

Itinérance Cherbourg

Médecins du monde

Secours Catholique Caritas France – Délégation du Pas de Calais

The School Bus Project

Utopia 56