J’ai rencontré Akhmad

J’ai rencontré Akhmad le 10 janvier dans une laverie, à Saint Omer. J’étais venue pour laver une couette, lui pour sécher deux ou trois vêtements qu’il avait lavés ailleurs. Difficulté pour comprendre le fonctionnement de la machine, pas de monnaie. Je l’aide et en attendant notre linge, on bavarde.

Akhmad est afghan, il a 19 ans, un sourire magnifique. 2 mois de voyage pour arriver dans la « jungle » de Saint-Omer, la veille. Il a quitté son pays parce qu’il est dangereux. Il est coiffeur et part retrouver un ami en Angleterre, espérant exercer son métier. Tout en parlant il nettoie ses chaussures boueuses avec des lingettes.

Dans l’urgence je lui donne une tente de 2 personnes, un sac de couchage, lui indique les points de rendez vous pour prendre une douche et recharger son portable. On s’échange nos numéros de téléphone.

C’est moi qui l’appelle le samedi suivant pour prendre de ses nouvelles. Je sais que la vie dans ce nouveau camp après démantèlement est encore plus difficile qu’avant. Je lui propose de venir chez moi, puisque le samedi soir les camions ne roulent pas.

A peine arrivé il prend une douche et s’endort. Longtemps. Connecté à la wifi, il téléphone, à sa famille me dit-il. On mange, il me fait découvrir les musiques afghanes qu’il aime. Je lui lave quelques vêtements, très peu car il a tout sur lui : 2 couches de pantalons, pareil pour les tee shirts, les pulls et les blousons. Il me fait rire en rangeant dans le lave vaisselle la tasse qu’il vient de laver. Il est discret, fait attention à ce que j’aie toujours une tasse de thé pleine à côté de moi. Il est très content quand je lui propose une paire de chaussures pour la jungle, ses baskets resteront propres pour la ville. Le dimanche en fin d’après midi il prend le train pour Dunkerque (Grande-Synthe, en fait). C’est mieux pour partir en Angleterre.

Akhmad a passé deux week-end à la maison, en passant les nuits sur le canapé bien que je lui aie proposé une chambre. Je ne comprends pas tout.

Le troisième week-end, je l’ai appelé plusieurs fois sans résultat. Il a fini par me rappeler avec un autre numéro que le sien. Il avait réussi à monter dans un camion, il était dans un centre de rétention. « I stress ». Il a des empreintes en Grèce.

Et puis je n’arrive pas à le joindre sur son téléphone.

Le 4 mars, il m’appelle. Le centre de rétention n’était pas anglais comme je le croyais mais belge. Erreur de camion. « je n’y ai fait que manger et dormir ».

Retour à Dunkerque. Il sait surtout ce qu’il ne veut pas : retourner en Afghanistan. Il a des empreintes maintenant en Belgique. Il pense que la France « is good ». Urgence de trouver un interprète qui pourra lui expliquer en pachtou ses droits et leurs limites…

Il a toujours le même beau sourire.

Marche de Vintimille à Calais, voire Douvres !

L’Auberge des Migrants, en lien avec la Roya Citoyenne, organise une marche qui partira le 30 avril de Vintimille et arrivera à Calais le 7 juillet, et peut-être à Douvres le 8 juillet.

L’objectif est de plaider pour l’accueil des réfugié.e.s, contre le délit de solidarité et contre le blocage de la frontière franco-italienne et de la frontière franco-britannique. « Laissez-les passer !  » et « Accueillons les ! » seront les thèmes de cette marche de 60 étapes.

Le groupe d’une cinquantaine de marcheuses et de marcheurs sera accueilli par les sympathisant.e.s à l’entrée des villes étapes. Toutes et tous entreront en cortège dans la ville. Dans chacune des villes étapes,  repas partagé, fête, conférence-débat, projections de films, concerts… seront l’occasion d’ouvrir un dialogue avec les citoyennes et citoyens. Ce sera aussi l’occasion de mettre en valeur les actions locales en faveur de l’accueil des personnes migrantes.

L’inscription des marcheuses et marcheurs, pour une ou plusieurs étapes… ou pour la totalité du parcours, se fera à partir de mi-mars.

Des appels à parrainage et financements seront lancés à partir du 20 mars pour assurer le budget de cette Marche.

Un point fort est prévu à Paris le 17 juin, avec la proposition de multiples marches convergeant vers une grande place de la capitale.

Plus de détails très bientôt sur le site Internet de l’Auberge des Migrants : http://www.laubergedesmigrants.fr/fr/accueil/ . Les associations, collectifs, réseaux d’aide aux migrant.e.s et candidat.e.s à la marche peuvent communiquer avec nous sur l’adresse : marche.auberge@gmail.com.

Des interprètes érythréens accusés de travailler pour Asmara

Censés être indépendants, certains interprètes erythréens sont pourtant accusés de collaborer avec les autorités de leur pays d’origine (image d’illustration).
© GABRIEL BOUYS / AFP

Par Michel Arseneault Publié le 01-03-2018 Modifié le 01-03-2018 à 19:04

Des dissidents érythréens s’interrogent sur les interprètes auxquels leurs concitoyens font appel lorsque ces derniers demandent l’asile en Italie. Plusieurs d’entre eux seraient en relation avec l’ambassade de l’Érythrée à Rome. Des chercheurs vont plus loin en affirmant que, dans certains cas, ces interprètes ne sont pas de simples traducteurs mais des informateurs au service du parti au pouvoir à Asmara.

« Traduire c’est trahir », selon un proverbe italien. Pour des milliers d’Érythréens fraîchement débarqués en Italie, ce n’est pas qu’une figure de style : plusieurs se demandent s’ils peuvent faire confiance à leurs concitoyens installés de longue date en Italie et qui leur servent d’interprètes. Ces derniers, censés être indépendants, sont régulièrement accusés de collaborer avec les autorités de leur pays d’origine.

Selon le père Mussie Zerai, prêtre catholique et candidat au prix Nobel de la paix pour son rôle auprès des migrants érythréens en Europe, « au moins la moitié » serait en relation avec le parti au pouvoir à Asmara (PFDJ, le Front populaire pour la démocratie et la justice) et plus particulièrement la jeunesse du parti. « Certains interprètes sont membres du parti, explique le père Zerai. Ils y jouent même un rôle actif. »

Dans la péninsule, des interprètes italien-tigrinya sont à pied d’œuvre dans les centres où sont accueillis les Érythréens qui débarquent en Italie (plus de 27 000 au cours des deux dernières années, selon l’Organisation internationale des migrations) ou dans les « commissions » qui détermineront s’ils obtiendront l’asile politique en Italie.

Des « médiateurs culturels »

Dans ce processus, où les migrants sont invités à s’exprimer en toute confiance et sous le sceau de la confidentialité, les « médiateurs culturels » (comme on les appelle parfois) jouent même un rôle déterminant. « Un médiateur culturel peut nous aider à contrôler la véracité d’une déclaration, explique Anis Cassar, un porte-parole du Bureau d’appui en matière d’asile, une agence européenne qui soutient l’Italie dans de domaine. Son rôle n’est pas simplement de traduire des propos mot-à-mot mais de contrôler s’ils sont fondés. »

Plusieurs de ces interprètes semblent pourtant ignorer l’importance d’être indépendants. « Ils ne se cachent même pas ! constate Slid Negash, porte-parole de la Coordination Érythrée démocratique à Rome. Ils mettent leurs photos sur Facebook. Ils parlent de leur rôle dans les rangs du parti au pouvoir. »

Certains médiateurs culturels vont parfois plus loin en conseillant à des demandeurs d’asile de déclarer aux autorités italiennes qu’ils fuient la Corne de l’Afrique pour des raisons économiques et non politiques (la meilleure façon de ne pas obtenir le statut de réfugié). C’est, du moins, ce que certains Érythréens ont répété au père Zerai.

Code de bonne conduite

Leur rôle est d’une telle importance que les interprètes qui travaillent dans les commissioni doivent adhérer à un code de bonne conduite, qui précise qu’ils ne doivent pas avoir de relations avec les autorités de leur pays d’origine. C’est notamment le cas de la trentaine d’interprètes italien-tigrinya qui travaille pour la Cooperativa ITC, un cabinet de traducteurs et d’interprètes, à Rome.

« On fait tous les efforts pour faire comprendre à nos traducteurs et à nos interprètes qu’ils ne doivent absolument pas avoir de rapports avec les États et les gouvernements d’origine », explique Mariana De Maio, présidente du conseil d’administration de Cooperativa ITC. On pourrait croire que le message a été entendu : cette entreprise n’a jamais licencié personne pour non-respect du code de bonne conduite.

« Je ne suis pas en mesure de savoir ce qu’un interprète fait en dehors de ses heures de travail ou s’il utilise les informations qu’il obtient dans le cadre de son travail à d’autres fins, soutient Mariana De Maio. Je ne suis pas la police ! »

La Cooperative ITC soumet toutefois les noms des candidats au poste d’interprète – il s’agit en règle générale de candidatures spontanées – à la police italienne. Cette dernière, ajoute Mariana De Maio, retoque parfois des candidatures, sans révéler toutefois les raisons motivent ce désaveu.

Réseau de renseignement

Des « médiateurs culturels » peu scrupuleux réussissent, malgré cela, à passer à travers les mailles du filet, selon les défenseurs des migrants. Il ne faut guère s’en étonner car les interprètes sont au cœur du renseignement érythréen en Europe, estime Marjam van Reisen, une chercheuse néerlandaise.

« Les cabinets d’interprètes n’ont aucune façon de savoir ce qui se passe, explique-t-elle. Comment le pourraient-ils ? C’est un problème qui existe au Pays-Bas et, très certainement, en Italie. »

En 2015, cette professeure aux universités de Leiden et de Tilburg a constaté que deux interprètes installés de longue date aux Pays-Bas étaient le frère et la sœur d’un homme qui était, d’une part, le responsable local des jeunes du PFJD, et d’autre part, un agent du renseignement érythréen.

Après que l’homme mis en cause (lui aussi interprète) a porté plainte pour diffamation, l’affaire s’est retrouvée dans les tribunaux néerlandais. En 2017, un juge lui a donné raison, déclarant que la jeunesse du PFDJ était « une composante du réseau d’informateurs du gouvernement de l’Érythrée ».

Vu les tentatives d’infiltration des organisations qui viennent en aide aux migrants, notamment des églises, sur le continent européen et en Scandinavie, la chercheuse Marjam van Reisen ne voit pas pourquoi l’Italie ferait exception à la règle.

Le mauvais réflexe

La France, l’Allemagne et la Suisse n’y échappent pas non plus, selon le père Zerai. Cela teindrait parfois à des considérations pratiques : lorsque des Européens sont à la recherche de traducteurs ou d’interprètes, leur réflexe est de contacter l’ambassade, y compris dans le cas de l’Érythrée. « Quand on lui demande un interprète, c’est évident que l’ambassade enverra un des siens », soutient Don Mussie.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides se dit sensible au problème. « Nous sommes très attentifs à ça, explique le directeur général de l’Ofpra, Pascal Brice. Dès qu’il y a des faits avérés, nous en tirons les conséquences. » Il refuse toutefois de préciser si des interprètes français-tigrinya ont déjà été remerciés pour avoir été en relation avec les autorités érythréennes.

Les renseignements obtenus dans la diaspora permettraient, notamment, à Asmara de percevoir un impôt de 2% sur le revenu de ses ressortissants établis à l’étranger. Les opposants assimilent cette pratique à une forme de racket. Le régime dément prélever une taxe sur les expatriés et qualifie cette accusation de « propagande » anti-érythréenne.

Contactée par RFI, l’ambassade de l’Érythrée à Rome n’a pas souhaité s’exprimer.

BELGIQUE // Arrestations de migrants: la police osera-t-elle l’action de « désobéissance civile »?

Le malaise semble bien se développer dans les rangs de la police sur le bien-fondé des opérations de police et interpellations de migrants dans le parc Maximilien et alentours, gares et trains. De plus en plus de policiers se poseraient des questions sur ce que deviendraient effectivement les migrants arrêtés après expulsions, notamment vers le Soudan.

Ces expulsions sont – on le rappelle – suspendues, pour le moment. Le temps que soit publié un rapport confié au Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA), chargé de vérifier si les migrants soudanais renvoyés vers leur pays n’y sont pas victimes de mauvais traitements et tortures. Ce rapport est attendu pour la fin de ce mois.

La CGSP Police en particulier récolte les témoignages et questionnements de ses affiliés et tire la sonnette d’alarme.

« Les policiers ne veulent pas être otages du politique« 

Pour Marc Duplessis de la CGSP Police, « le sentiment est que le monde politique utilise la police pour montrer à la population que l’on se préoccupe au maximum du dossier des migrants« .

« Or, poursuit-il, nombre de policiers se posent de plus en plus de question à propos du respect ou non de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui interdit à tout État de pratiquer la torture ou de soumettre toute personne à des traitements inhumains ou dégradants. Une disposition qui ne connaît pas d’exceptions. Les autorités belges devraient donc préalablement examiner si, oui ou non, il y a des risques que les personnes arrêtées chez nous et expulsées vers leur pays d’origine. Beaucoup de policiers se voient ainsi confrontés à leur conscience et se sentent pris en otages par le monde politique. »

Et Marc Duplessis d’ajouter que les questions sont d’autant plus pressantes que les policiers voient ces missions « anti-migrants » devenir quotidiennes ou quasi-quotidiennes, et ce depuis des semaines à présent. Les policiers, souligne la CGSP, ont aussi des femmes, des enfants et ne voient pas avec plaisir « des gens rester ainsi dans des gares ou des parcs pour espérer avoir une meilleure vie« .

Des actions à prévoir ?

La CGSP appelle à un débat sur le fond de la politique d’asile et un meilleur encadrement des policiers. « Nous avons l’impression que l’article 3 de la Convention des droits de l’Homme n’est pas respecté ni par les autorités, ni par le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA, ndlr), ni par le secrétaire d’État à l’Asile Theo Francken (N-VA) ; il nous faut un débat avec l’autorité pour avoir des éclaircissements sur la totalité de la problématique. C’est trop facile de dire que les policiers doivent exécuter ce que le monde politique ordonne« .

Et sinon ? Faute de débat de fond ? Marc Duplessis prévient : « Une grève est une possibilité, mais nous n’obtiendrions sans doute pas ce que nous voulons. Je pensais plutôt à une campagne à la Gandhi, c’est à dire ne pas exécuter ce que nous devons exécuter, et voir ce qui s’en suit« Une campagne de « désobéissance civile » qui serait de l’ordre du jamais-vu.

Ex-camp de Tatinghem, nouveau campement à Longuenesse

Tout s’est passé comme prévu : les exilés, mis à la rue et non mis à l’abri la semaine de Noël, sont revenus 10 jours après le démantèlement. Ils sont une quinzaine, non loin du camp précédent. Ils ont pourtant changé de commune et occupent maintenant un terrain appartenant à la commune de Longuenesse.

Comme prévu leurs conditions de survie sont beaucoup beaucoup plus difficiles. Quelques tentes de 2 personnes au milieu de la boue.

Mais ils se réinstallent et s’organisent. Tout est à recommencer. Un bidon pour faire du feu, des palettes pour affronter la boue, une grande bâche pour se protéger de la pluie, ce sont leurs premières demandes. Emmaüs et la Croix Rouge les accueillent pour les douches, comme avant.

Heureusement pour ceux qui leur viennent en aide à nouveau que leur belle énergie est communicative.

Dossier du Monde sur  » les kurdes, peuple sans état pris entre quatre pays »

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/visuel/2018/01/22/les-kurdes-peuple-sans-etat-pris-entre-quatre-pays_5245189_4355770.html?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook

Graphiques et cartes à voir directement sur le site du Monde

Sur fond de fortes tensions à la frontière turco-syrienne – dont 600 km sur 900 sont tenus côté syrien par les Kurdes du PYD –, l’armée turque et ses supplétifs de l’Armée syrienne libre (ASL) ont lancé une offensive dans le nord de la Syrie, à Afrin, samedi 20 janvier. Ankara a justifié cette intervention par le fait que la ville est tenue par des milices kurdes qu’elle considère comme terroristes.

Occupant une région qui va de la Méditerranée à l’Iran, on estime à 30 à 40 millions la population kurde, selon les chiffres habituellement avancés. Répartis au Proche et au Moyen-Orient sur environ 500 000 km2, les Kurdes sont essentiellement présents dans quatre Etats : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. A 80 % environ, ils sont de confession musulmane sunnite, les 20 % restants se partagent entre chiisme et alévisme (une branche du chiisme).

Le kurde comme langue et comme écriture n’est pas unifié. On compte deux dialectes principaux : d’un côté le kurmandji, principal ensemble linguistique kurde, surtout parlé dans le Nord, en Turquie et Syrie principalement, mais aussi dans le nord du Kurdistan d’Irak et du Kurdistan d’Iran. Et de l’autre le sorani, un dialecte qui s’écrit en alphabet arabe, surtout parlé dans le sud du Kurdistan d’Irak et d’Iran.

L’idée d’une nation distincte naît au milieu XIXe siècle, sous l’Empire ottoman (1299-1922), selon les principes énoncés par Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris.

Plusieurs dizaines de millions de Kurdes

Une population à cheval sur quatre Etats

Les communautés kurdes s’intègrent de manière très différente selon le pays où elles se trouvent implantées, du point de vue des des règles sociales du droit. Si, aujourd’hui, la province du Kurdistan irakien semble avoir gagné son autonomie dans la guerre contre l’organisation Etat islamique (EI), on ne peut pas en dire autant dans les autres pays. En Turquie, la situation des communautés kurdes est précaire et Ankara entend garder le contrôle dans le quart sud-est du pays qui les abrite.

L’Iran chiite, « héritier des empires orientaux multi-ethnique et multi-religieux, donne une certaine facilité aux Kurdes pour affirmer leur différence culturelle » – selon les termes de la thèse (2008) de Saywan Barzani –, bien que ceux-ci soient sunnites.

Lire : 1916-1923, le partage de l’Empire ottoman

A l’image de la situation actuelle en Iran – où se côtoient Perses, Kurdes, Baloutches, Pachtounes, etc. –, celle qui prévalait dans l’Empire ottoman était celle des grands empires multiculturels. Dans ces grands espaces austro-hongrois ou ottomans, chaque groupe culturel peut vivre comme il l’entend tant qu’il respecte les obligations – notamment fiscales – édictées par le pouvoir.

Un Etat kurde sur les ruines de l’Empire ottoman ?

Allié de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, l’Empire ottoman fait partie des perdants de la première guerre mondiale. A ce titre, les puissances victorieuses s’entendent pour remodeler le Proche et le Moyen-Orient. Signé en 1916, le texte des accords Sykes-Picot, qui partagent toute la partie sud de l’Empire ottoman (aujourd’hui la Syrie, le Liban, l’Irak, la Jordanie, la Palestine et Israël), énonce que l’objectif est de « chercher à détacher les Arabes des Turcs en facilitant la création d’un Etat ou d’une confédération d’Etats arabes ». Dans ces accords franco-britanniques, il n’est pas question de l’actuelle Turquie.

Quatre ans plus tard (le 10 août 1920), et deux ans après la victoire des Alliés, vainqueurs et vaincus signent à Sèvres (Hauts-de-Seine, anciennement Seine-et-Oise) un accord qui ne jamais ratifié par toutes les parties. Il peut être vu comme la suite des accords Sykes-Picot de 1916, il partage les restes de l’Empire ottoman – à peu près la Turquie actuelle – entre Turcs, Grecs, Arméniens et Kurdes.

Le traité de Sèvres en 1920 : une nation, un Etat

Le traité de Sèvres intervient dans une période de tensions dans l’Empire ottoman entre, d’un côté, le sultan Mehmet VI et, de l’autre, Mustafa Kemal et les partisans d’une République turque. Entre 1919 et 1922, Kemal et les restes de l’armée ottomane sont victorieux des Arméniens, des Grecs et des Kurdes, reprennant à ceux-ci les territoires qui leur avaient été promis à Sèvres.

Ces conquêtes territoriales correspondent à peu de chose près au territoire de la Turquie actuelle ; celles-ci sont reconnues par le traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923 et ratifié par les parties présentes. Celui-ci abandonne l’idée d’un Etat pour les Kurdes, le territoire promis aux Arméniens est réduit au cinquième de sa taille. Il organise également des déplacements de population : un million et demi de Grecs ottomansquittent les côtes turques pour les îles grecques ou la Grèce continentale, tandis que 500 000 Turcs doivent partir pour la Turquie.

 

Voeux 2018 // Martine Devries, Présidente de la PSM

Au début de cette année 2018, nous vous souhaitons de tenir bon dans la tempête, à l’image de notre région secouée par des coups de vent successifs.

Nos amis exilés, de passage, ou souhaitant rester en France, sont éprouvés par les restrictions grandissantes de tous ordres et les barrières imposées par l’Etat et les différentes institutions qu’il dirige. Nous en sommes les témoins scandalisés, et nous sommes également les soutiens aussi énergiques que possible aux victimes de ces dénis de droit. C’est notre raison d’être, notre fierté, gardons cette force et cette énergie !

Une journée à Calais – une bénévole de Salam raconte…

6H45, départ pour Calais. La radio annonce des bouchons dans cette direction et je serai en retard pour la préparation du petit déj, je me dis en soupirant que la journée commence mal…

Arrivés rue des Verrotières, une longue file nous attendait, les gars étaient transis de froid, nous commençons notre distribution, aujourd’hui pour moi : poste « Marmelade » avec Maxime.

Peu après notre installation et en plein travail, Maxime me fait remarquer qu’il y a de grands hommes en blanc qui circulent dans le bois. « Annick, va tout de suite prévenir Yolaine », s’exclame-t-il, mais quelques-uns parmi les migrants sont déjà en train de courir. Yolaine et moi-même, abandonnons nos postes et partons au secours des affaires personelles de nos amis. Yolaine hurlant « Allez allez, les petits gars, police police, take the blanckets and sleeping bags », certains déménagent déjà et se sauvent affolés avec la couverture sur le dos, l’un d’entre eux nous emmène de l’autre côté du bois sur la route, où surprise, cinq camions de CRS, un de la PAF et le camion benne étaient garés. Devant chaque camion, un CRS posté… alors impossible de prendre en photo les numéros d’immatriculation.

Sur le chemin, deux Afghans nous signalent qu’ils ont déjà embarqué six personnes en nous montrant leurs deux mains croisées pour s’exprimer et ils nous conduisent exactement où se trouve l’équipe en bleu cette fois. Ils étaient environ  une vingtaine encerclant une rangée de migrants assis au sol, il ne manquait plus que les mains sur la tête pour qu’ils n’oublient pas le pays en guerre qu’ils avaient quitté, pour certains, pour arriver chez nous afin de sauver leur peau. Un des policiers s’approche et nous somme de quitter le bois « Mesdames, vous savez que c’est une propriété privée », notre battante Yolaine impuissante mais toujours dans un calme olympien ne désarme pas et demande qu’ils aient au moins la gentillesse de leur laisser prendre les affaires personnelles, comme il était prévu au cours d’une réunion avec Monsieur le Préfet. Le policier répond « Ceux qui acceptent d’être contrôlés pourront les récupérer  et ceux qui refusent le contrôle seront emmenés en Centre de Rétention», Yolaine désemparée : « Mais alors Monsieur, il y a apparemment deux sons de cloche à en croire vos paroles ». Le CRS nous explique que ce n’est qu’un contrôle de papiers… en bref pour nous : un triage, d’un côté ceux en règle, de l’autre les illégaux qui ne se soumettent pas à ce contrôle… De qui se moque-t-on ?

Un peu plus loin, de l’autre côté du bois, un groupe d’Afghans déjà triés, mais les mains presque vides, simplement un sac de couchage au bras, attendait hors du bois, ils étaient très en colère et surtout très énervés. Certains d’entre eux hurlaient en voyant la destruction de leur cabane de fortune. La police demande à Yolaine de les calmer… Tout en s’approchant d’eux, « BOSS MAMIE» comme ils disent si bien, finit par apaiser le groupe, de par son regard rempli d’affection, ses accolades et ses mots rassurants.

Durant tout ce temps, les hommes en blanc étaient en pleine mission de découpage et débarrassaient les affaires laissées sur place. C’est passionnant comme métier « DETRUIRE ».

Une policière nous amène un très jeune garçon accompagné de son soi-disant frère, mais dans l’échange des regards nous avons tout de suite compris : le grand avait des papiers mais pas le « tcho » de 9 ou 10 ans au plus, il s’accrochait et ne voulait pas quitter son garde du corps, cet enfant avait des yeux de supplication, c’est un petit bout de gamin pour qui la vie devrait être remplie de joies. A ce moment-là, je n’ai pu retenir mes larmes, je pensais à mon Léo du même âge avec en plus un brin de ressemblance, je me suis dit à moi-même : « Mais si cela devait arriver à nos petits enfants ? »… Un moment de grande émotion. Pour moi, c’est insupportable, c’est l’âge ou l’on découvre le monde qui nous entoure, l’âge ou l’on ne pense qu’à jouer et lui !!!!!! que vit-il ? J’avais le cœur brisé. Mamie Yolaine « URGENCE » prend son téléphone et appelle, appelle, laisse des messages pour trouver une protection, certains sont sur répondeur, d’autres ne répondent pas, désarmée, elle ne savait plus comment faire… Et subitement une réponse positive de France Terre d’Asile mais malheureusement, le temps de deux coups de fil, le gamin a réussi à s’enfuir, je mets au défi celui qui court aussi vite que lui…

Arrivées en dehors du bois, le policier nous somme à nouveau de quitter le lieu. « Encore un terrain privé », nous dit-il, il y avait une barrière de trois mètres de haut, Yolaine toujours très courtoise : « Mais monsieur, je ne peux pas escalader une barrière si haute, je n’en ai plus l’âge ». Il appelle le commissaire qui nous montre l’endroit où l’on peut sortir et nous dit avec ironie : « Vous voyez, je ne suis pas méchant ».

Quelques instants plus tard un salarié du Secours Catholique vient nous rejoindre et s’explique avec les CRS mais cela ne change rien dans leur attitude.

Aujourd’hui où est cet enfant ? Par quelles mains sera-t-il pris en charge et comme on le sait bien ce n’est pas toujours protecteur… Dans quelles conditions va-t-il vivre ? Qui va le prendre sous son aile protectrice ? Bien des questions restent sans réponse et pendant ce temps-là, un enfant est dans la nature.

La journée s’est mal terminée c’était sans doute prévu au départ, je savais que quelque chose allait se passer, j’en avais le pressentiment …

Annick Coubel (bénévole Salam).

La criminalisation des militants continue!

Appel à soutien lors de plusieurs procès

Les autorités tentent depuis des années d’intimider les militants et bénévoles. Ce sont des témoins gênants de certains faits et certaines exactions policières. Ils ont la sale manie de souvent s’armer d’appareils photos et d’être à plusieurs, d’écrire des témoignages et d’alerter le Défenseur des droits.

Parfois elles ou ils sont interpellé-es pour un bête contrôle d’identité ou pour une simple remarque qui enclenche un processus d’outrage et rébellion. Parfois c’est lors d’une tentative de mobilisation réclamant le respect des droits des êtres humains (de la liberté de circulation, à un toit pour tous, en passant par le refus de meeting de l’extrême droite, ou réclamer des douches pour les exilés, ou même lors d’un rassemblement en mémoire d’un.e exilé.e décédé.e). Il y en a aussi qui reçoivent par la poste des PV de circulation parfois farfelus et généralement injustes. Et d’autres qui sont convoqués en audition « libre » pour « appels téléphoniques malveillants » plusieurs mois après avoir appelé le Commissariat de Calais pour demander des nouvelles d’une camarade placée en garde à vue.

Une bonne nouvelle quand même : Les deux camarades mis en examen pour « violence et rébellion » suite à la mobilisation pour la paix du 23 septembre à Calais ont été relaxés ! Des peines de prison avec sursis et d’indemnisations de trois policier de la BAC avaient été requises. Mais leur arrestation a été déclarée sans motif, et tout le dossier est tombé. L’un de nos deux amis a d’ailleurs déposé plainte pour les violences subies lors de son transfert au commissariat . Affaire à suivre. Il n’est pas habituel que des militants maltraités et injustement accusés par la police se lancent dans un dépôt de plainte.

Prochains procès:

– G., convocation le 13 décembre au TGI de Boulogne-sur-Mer, pour violence lors de la mobilisation pour la paix du 23 septembre. Il s’était fait interpellé chez lui le lundi 25 octobre tôt le matin. Le même jour, L. avait été interpellé à son domicile également. L. était sorti de GAV sans convocation. G., quant à lui, après 27h de garde à vue, est poursuivi. Depuis sa GAV, il doit pointer au commissariat de Calais chaque samedi matin jusqu’à son procès.

– R., le 9 janvier au TGI de Boulogne sur Mer à 13h30, pour un refus de dispersion lors d’une manif contre la venue de Marine Le Pen le 8 juin dernier à Calais). Il s’était pris un coup de matraque sur la tête qui lui a valu 2 points de suture et une garde à vue (il porte lui-même plainte contre ces violences). Dans la même affaire, J., était, lui, passé devant le Juge des enfants au TGI de Boulogne-sur-Mer début octobre Le juge des enfants face aux arguments de Maitre Calonne a annulé la procédure. Le dossier montre que le policier qui a cogné R. a déclaré qu’il s’était volontairement laissé tomber sur la matraque. Mais nous disposons d’un film qui montre l’agression.

– L. est convoqué le 11 janvier à 13h30 au TGI de Boulogne-sur-Mer pour un procès en diffamation suite à une plainte de Natacha Bouchart, maire de Calais. Fin août, il avait collé des affiches sur un panneau d’expression libre reprenant les conclusions du Tribunal administratif de Lille et du Conseil d’état saisis par les associations humanitaires au sujet des accès aux droits fondamentaux des exilés bloqués à Calais: « traitement inhumain et dégradant » (http://www.lavoixdunord.fr/214979/article/2017-09-08/affichage-anti-bouchart-une-plainte-conforme-pour-diffamation-deposee-par-la)

-A. est convoquée le 22 janvier à 13h30 au Tribunal de Calais parce qu’elle conteste une amende l’accusant de non-port de ceinture de sécurité alors qu’elle déposait un exilé blessé aux urgences en juin dernier.

Rendez-vous donc, si vous le pouvez, à ces diverses audiences pour soutenir nos camarade victimes de la politique de criminalisation des actions militantes.

M.P.