J’ai rencontré Akhmad le 10 janvier dans une laverie, à Saint Omer. J’étais venue pour laver une couette, lui pour sécher deux ou trois vêtements qu’il avait lavés ailleurs. Difficulté pour comprendre le fonctionnement de la machine, pas de monnaie. Je l’aide et en attendant notre linge, on bavarde.
Akhmad est afghan, il a 19 ans, un sourire magnifique. 2 mois de voyage pour arriver dans la « jungle » de Saint-Omer, la veille. Il a quitté son pays parce qu’il est dangereux. Il est coiffeur et part retrouver un ami en Angleterre, espérant exercer son métier. Tout en parlant il nettoie ses chaussures boueuses avec des lingettes.
Dans l’urgence je lui donne une tente de 2 personnes, un sac de couchage, lui indique les points de rendez vous pour prendre une douche et recharger son portable. On s’échange nos numéros de téléphone.
C’est moi qui l’appelle le samedi suivant pour prendre de ses nouvelles. Je sais que la vie dans ce nouveau camp après démantèlement est encore plus difficile qu’avant. Je lui propose de venir chez moi, puisque le samedi soir les camions ne roulent pas.
A peine arrivé il prend une douche et s’endort. Longtemps. Connecté à la wifi, il téléphone, à sa famille me dit-il. On mange, il me fait découvrir les musiques afghanes qu’il aime. Je lui lave quelques vêtements, très peu car il a tout sur lui : 2 couches de pantalons, pareil pour les tee shirts, les pulls et les blousons. Il me fait rire en rangeant dans le lave vaisselle la tasse qu’il vient de laver. Il est discret, fait attention à ce que j’aie toujours une tasse de thé pleine à côté de moi. Il est très content quand je lui propose une paire de chaussures pour la jungle, ses baskets resteront propres pour la ville. Le dimanche en fin d’après midi il prend le train pour Dunkerque (Grande-Synthe, en fait). C’est mieux pour partir en Angleterre.
Akhmad a passé deux week-end à la maison, en passant les nuits sur le canapé bien que je lui aie proposé une chambre. Je ne comprends pas tout.
Le troisième week-end, je l’ai appelé plusieurs fois sans résultat. Il a fini par me rappeler avec un autre numéro que le sien. Il avait réussi à monter dans un camion, il était dans un centre de rétention. « I stress ». Il a des empreintes en Grèce.
Et puis je n’arrive pas à le joindre sur son téléphone.
Le 4 mars, il m’appelle. Le centre de rétention n’était pas anglais comme je le croyais mais belge. Erreur de camion. « je n’y ai fait que manger et dormir ».
Retour à Dunkerque. Il sait surtout ce qu’il ne veut pas : retourner en Afghanistan. Il a des empreintes maintenant en Belgique. Il pense que la France « is good ». Urgence de trouver un interprète qui pourra lui expliquer en pachtou ses droits et leurs limites…
Il a toujours le même beau sourire.