Dossier du Monde sur  » les kurdes, peuple sans état pris entre quatre pays »

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Sur fond de fortes tensions à la frontière turco-syrienne – dont 600 km sur 900 sont tenus côté syrien par les Kurdes du PYD –, l’armée turque et ses supplétifs de l’Armée syrienne libre (ASL) ont lancé une offensive dans le nord de la Syrie, à Afrin, samedi 20 janvier. Ankara a justifié cette intervention par le fait que la ville est tenue par des milices kurdes qu’elle considère comme terroristes.

Occupant une région qui va de la Méditerranée à l’Iran, on estime à 30 à 40 millions la population kurde, selon les chiffres habituellement avancés. Répartis au Proche et au Moyen-Orient sur environ 500 000 km2, les Kurdes sont essentiellement présents dans quatre Etats : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. A 80 % environ, ils sont de confession musulmane sunnite, les 20 % restants se partagent entre chiisme et alévisme (une branche du chiisme).

Le kurde comme langue et comme écriture n’est pas unifié. On compte deux dialectes principaux : d’un côté le kurmandji, principal ensemble linguistique kurde, surtout parlé dans le Nord, en Turquie et Syrie principalement, mais aussi dans le nord du Kurdistan d’Irak et du Kurdistan d’Iran. Et de l’autre le sorani, un dialecte qui s’écrit en alphabet arabe, surtout parlé dans le sud du Kurdistan d’Irak et d’Iran.

L’idée d’une nation distincte naît au milieu XIXe siècle, sous l’Empire ottoman (1299-1922), selon les principes énoncés par Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris.

Plusieurs dizaines de millions de Kurdes

Une population à cheval sur quatre Etats

Les communautés kurdes s’intègrent de manière très différente selon le pays où elles se trouvent implantées, du point de vue des des règles sociales du droit. Si, aujourd’hui, la province du Kurdistan irakien semble avoir gagné son autonomie dans la guerre contre l’organisation Etat islamique (EI), on ne peut pas en dire autant dans les autres pays. En Turquie, la situation des communautés kurdes est précaire et Ankara entend garder le contrôle dans le quart sud-est du pays qui les abrite.

L’Iran chiite, « héritier des empires orientaux multi-ethnique et multi-religieux, donne une certaine facilité aux Kurdes pour affirmer leur différence culturelle » – selon les termes de la thèse (2008) de Saywan Barzani –, bien que ceux-ci soient sunnites.

Lire : 1916-1923, le partage de l’Empire ottoman

A l’image de la situation actuelle en Iran – où se côtoient Perses, Kurdes, Baloutches, Pachtounes, etc. –, celle qui prévalait dans l’Empire ottoman était celle des grands empires multiculturels. Dans ces grands espaces austro-hongrois ou ottomans, chaque groupe culturel peut vivre comme il l’entend tant qu’il respecte les obligations – notamment fiscales – édictées par le pouvoir.

Un Etat kurde sur les ruines de l’Empire ottoman ?

Allié de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, l’Empire ottoman fait partie des perdants de la première guerre mondiale. A ce titre, les puissances victorieuses s’entendent pour remodeler le Proche et le Moyen-Orient. Signé en 1916, le texte des accords Sykes-Picot, qui partagent toute la partie sud de l’Empire ottoman (aujourd’hui la Syrie, le Liban, l’Irak, la Jordanie, la Palestine et Israël), énonce que l’objectif est de « chercher à détacher les Arabes des Turcs en facilitant la création d’un Etat ou d’une confédération d’Etats arabes ». Dans ces accords franco-britanniques, il n’est pas question de l’actuelle Turquie.

Quatre ans plus tard (le 10 août 1920), et deux ans après la victoire des Alliés, vainqueurs et vaincus signent à Sèvres (Hauts-de-Seine, anciennement Seine-et-Oise) un accord qui ne jamais ratifié par toutes les parties. Il peut être vu comme la suite des accords Sykes-Picot de 1916, il partage les restes de l’Empire ottoman – à peu près la Turquie actuelle – entre Turcs, Grecs, Arméniens et Kurdes.

Le traité de Sèvres en 1920 : une nation, un Etat

Le traité de Sèvres intervient dans une période de tensions dans l’Empire ottoman entre, d’un côté, le sultan Mehmet VI et, de l’autre, Mustafa Kemal et les partisans d’une République turque. Entre 1919 et 1922, Kemal et les restes de l’armée ottomane sont victorieux des Arméniens, des Grecs et des Kurdes, reprennant à ceux-ci les territoires qui leur avaient été promis à Sèvres.

Ces conquêtes territoriales correspondent à peu de chose près au territoire de la Turquie actuelle ; celles-ci sont reconnues par le traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923 et ratifié par les parties présentes. Celui-ci abandonne l’idée d’un Etat pour les Kurdes, le territoire promis aux Arméniens est réduit au cinquième de sa taille. Il organise également des déplacements de population : un million et demi de Grecs ottomansquittent les côtes turques pour les îles grecques ou la Grèce continentale, tandis que 500 000 Turcs doivent partir pour la Turquie.

 

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