Communiqué sur les traversées de la Manche et le plan gouvernemental

Communiqué de : L’Auberge des Migrants. ACC Minorités Visibles. La Cabane Juridique. Flandre Terre Solidaire. Gynécologie Sans Frontières. Itinérance Cherbourg. MRAP – Littoral dunkerquois. Secours Catholique Caritas France – Délégation Pas de Calais. Terre d’Errance Flandre Littoral. Terre d’Errance Norrent-Fontes. Utopia 56. LDH Dunkerque 

Les traversées de la Manche par les personnes exilées : nous dénonçons la décision du gouvernement français de se plier aux exigences britanniques !

Les traversées de la Manche en bateau ont fait la une des tabloïds britanniques depuis des semaines. Dans cette soi-disant « crise migratoire », le gouvernement français vient une fois de plus de se plier aux demandes des autorités britanniques. Le ministre britannique de l’Intérieur, Sajid Javid, a en effet annoncé le 30 décembre, conjointement avec M. Castaner, son homologue français, un « plan d’action renforcé » : sur la côte française, encore plus de patrouilles de surveillance, des actions visant à démanteler les « gangs de trafiquants », des campagnes de « sensibilisation des migrants aux dangers de la traversée de la Manche », et la surveillance des plages et ports par des policiers et des drones.

Rappelons des faits simples

D’après les chiffres donnés par la Grande-Bretagne*, y entrent chaque année 630 000 immigrant.e.s. Sur ce chiffre, les autorités évaluent à 70 000 les entrées « illégales », dont 15 000 estimées par camion, voitures ou conteneurs. Et au nom des 239 personnes arrivées par bateau depuis début novembre, les autorités britanniques osent parler de « crise » !

En 2017, la Grande-Bretagne n’a enregistré que 26 350 demandes d’asile (121 200 en France), ce chiffre en baisse de 14% sur l’année précédente (en France + 17 %). La Grande-Bretagne accueille donc de moins en moins de demandeurs et demandeuses d’asile !

Déjà, dans le cadre des accords du Touquet, la France édifie des murs, des grillages, équipe les ports de Dunkerque, Calais, la gare de Frethun et le Tunnel, de caméras, projecteurs, de systèmes de plus en plus élaborés de contrôle des véhicules. Des centaines de policiers et policières gardent des stations-services, des parkings, des ronds-points, et font tout pour décourager les exilé.e.s de rester près de la frontière.

C’est le désespoir qui pousse les exilé.e.s à risquer leur vie !

Ce sont les conditions de survie abominables que l’état français impose aux exilé.e.s, c’est le refus d’examiner leurs demandes d’asile, ou le taux élevé de refus de protection, la violence de la police, qui poussent les exilé.e.s à risquer leur vie sur des canots pneumatiques, pour leur dernière chance, l’Angleterre !

Au nom de quoi M. Castaner accepte-t-il de renforcer encore la surveillance du littoral ? Au nom de quoi empêche-t-on les exilé.e.s de tenter de quitter la France à partir des plages ou des ports ? Les accords du Touquet concernent-ils les plages, les caps, les estuaires, les ports de pêche ?

Les associations d’aide aux exilé.e.s le long de la frontière franco-britannique protestent solennellement contre ces dispositifs coûteux, absurdes, inhumains et inefficaces. Elles demandent l’ouverture de voies d’accès légal vers la Grande-Bretagne. C’est le seul moyen d’éviter les drames qui se nouent chaque nuit sur les eaux glacées de la Manche.

*Sources :

https://www.gov.uk/government/publications/immigration-statistics-october-to-december-2017/how-many-people-do-we-grant-asylum-or-protection-to

https://www.migrationwatchuk.org/briefing-paper/455

Human in the Jungle style – Décembre 2018

Les bénévoles et les salarié.e.s du Secours Catholique – Caritas France se posent souvent cette question : Comment pourrions-nous parler autrement des personnes exilées à Calais ? En effet, celles-ci se trouvent souvent stigmatisées et leur image est limitée à celle de pauvres gens courant derrière des camions sur les autoroutes ou faisant la queue pour obtenir un repas ou une paire de chaussures.

L’un des éléments de réponse à cette question fut la création d’un projet de mode nommé HUMAN IN THE JUNGLE STYLE, construit autour de la pratique de la couture à partir du recyclage de vieux vêtements. Ce  projet aura permis de sensibiliser le public à la situation des exilé.e.s tout en lui offrant une image différente de celle véhiculée par les grands médias. Un autre visage de l’exil s’est donc donné à voir.

Après Lambersart, Paris et Saint-Malo, le 4ème défilé de mode a eu lieu le 15 décembre 2019 à Calais, ville de la dentelle. A partir de tissus issus des pays d’origine, une deuxième vie a été insufflée à des articles mis au rebut. Les vêtements ont été créés grâce aux idées créatives des personnes exilées. Plus de 200 personnes ont assisté à cet événement. Ce fut un plaisir de faire découvrir la situation d’exilé.e.s  à des citoyens et des citoyennes qui ne sont pas forcement en contact avec eux et elles.

De jeunes français.es, des soudanais.es, des iranien.ne.s et d’autres provenant d’autres pays s’improvisèrent mannequins. Ce fut également l’occasion de travailler avec des photographes bénévoles et professionnels. Ce temps est le fruit d’une coopération avec d’autres citoyen.ne.s et habitant.e.s de Calais. Le droit d’entrée était une paire de gants, de chaussettes, un bonnet ou une écharpe au profit des personnes vivant dehors. Avant le défilé, les invité.e.s ont pu profiter d’un thé à la menthe ainsi que des gâteaux du monde ( français, marocains, algériens, etc.) suivi par une vente de la collection présentée. 

  • Mannequins : Yasser, Reza, Moein, Chloé, Julie, Amira, Limmona, Ibrahim, Shafiullah, Gabriel, Louise, Omar, Tariq et encore d’autres 
  • Couturières : Brigitte et Claudine 
  • Lumières et son : Loïc , association Relief
  • Équipe backstage : Liliane, Françoise, Fabienne, Brigitte et encore d’autres
  • Technique : Domdom
  • Regard artistique : Nana 
  • Photo : Eric

Voici quelques articles de presse ainsi que des photos de cet événement :

https://actu.fr/hauts-de-france/calais_62193/calais-quand-migrants-creent-defile-mode_20091078.html

http://www.lavoixdunord.fr/508577/article/2018-12-17/le-human-jungle-style-s-offre-un-defile-de-mode-100-humain

Dalloz //Un arrêté étend les possibilités de contrôles d’identité

Un arrêté, publié dans le dernier Journal officiel de l’année, met en œuvre la disposition de la loi SILT visant à autoriser les contrôles d’identité aux abords des ports français. Une zone large, puisqu’elle recouvre la quasi-totalité des villes de Marseille, Nice, Le Havre, Toulon et le littoral nordiste entre la Belgique et Sangatte.
par Pierre Januelle 8 janvier 2019

Adoptée en septembre 2017, la loi SILT contenait des dispositions sur les contrôles d’identité (v. Dalloz actualité, 20 juill. 2017, obs. S. Fucini ; ibid. 11 oct. 2017, art. P. Januel ) : elle avait notamment permis les contrôles aux abords des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international (et non seulement dans les zones accessibles au public de ceux-ci), étendu la durée maximale de ces contrôles de six à douze heures et permis de faire ces contrôles dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers, dont la liste devait être fixée par arrêté « en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité ». Ces dispositions visent à lutter contre la criminalité transfrontalière mais permettent des possibilités larges de contrôle (v. Dalloz actualité, 5 sept. 2014, obs. S. Fucini ; ibid. 3 mars 2017, obs. D. Goetz ; ibid. 9 juin 2016, obs. C. de Gaudemont ).

L’arrêté du 28 décembre met en œuvre cette disposition intégrée aux articles 78-2 du code de procédure pénale et 67 quater du code des douanes. Il n’évoque pas les aéroports. Mais il prévoit de pouvoir procéder à des contrôles aléatoires dans un rayon de dix kilomètres à compter de leurs emprises des ports de Dunkerque et Calais (ce qui couvre tout le littoral entre la Belgique et le tunnel sous la Manche) et dans un rayon de cinq kilomètres autour des ports de Marseille, Nice, Le Havre, Toulon, Caen-Ouistreham, Cherbourg, Dieppe, Roscoff, Saint-Malo et Sète. Le périmètre englobe le plus souvent la totalité des villes concernées. L’arrêté prévoit aussi le contrôle sur plusieurs portions autoroutières proches de ces ports.

Plus que la vulnérabilité et la fréquentation, ce sont donc bien les problématiques migratoires du territoire qui semblent avoir été le critère déterminant. Cette disposition avait pourtant été instaurée en « raison du caractère durable de la menace terroriste et de la vigilance particulière qu’appelle la grande mobilité des criminels à l’intérieur de l’Union européenne » (circ. DACG).

Un détournement habituel. La disposition sur le contrôle aux abords des gares internationales a entraîné des contrôles dans des parties de gare parisienne réservées aux trains de banlieue. Depuis quelques mois, le nombre de personnes retenues a sensiblement augmenté, sans pour autant qu’il soit procédé à plus d’éloignements (v. Dalloz actualité, 6 déc. 2018, art. P. Januel ).

À noter : le 3 octobre dernier, la France a annoncé à la Commission européenne qu’elle redemandait, pour la onzième fois depuis 2015, la prolongation des contrôles aux frontières Schengen pour six mois. Elle a argué de la permanence de la menace terroriste et de l’organisation du G7 pour prolonger les contrôles aux frontières jusqu’au 30 avril 2019. L’événement phare du G7 n’aura lieu que du 24 au 26 août à Biarritz. La France devrait donc redemander une nouvelle prolongation en avril.

Où en est la dynamique des États Généraux des Migrations ?

Contribution de Luc-Antoine Bonte, du GRDR, à propos de la dynamique des États Généraux des Migrations dans le Nord-Pas-de-Calais :

« Le bilan semble positif puisque cette année d’engagement dans les EGM Nord-Pas-de-Calais a permis de rencontrer et découvrir un grand nombre d’entre vous, de participer à deux plénières inoubliables avec une motivation et une énergie plus que stimulante, la participation à plusieurs actions collectives, l’animation de débat en interne de ma structure, et le renforcement de ma conviction qu’il est plus que nécessaire aujourd’hui de défendre nos valeurs et nos messages pour un modèle de société plus juste, plus solidaire, plus tolérant, et plus humain.

Et puis la dynamique initié début 2018 s’est essoufflée doucement au cours de l’année, et j’ai bien peur qu’elle ne soit plus qu’une liste de diffusion mail aujourd’hui. Nous avons essayé à quelques-uns de relancer la machine cet automne, mais les retours furent trop peu nombreux pour que la dynamique ne reparte.

Je sais que nous tous dans cette liste de diffusion œuvrons à note niveau pour venir en aide aux populations migrantes, améliorer leurs conditions de vie, leur intégration sur leur territoire de vie, pour changer le regard sur les migrants et mettre en avant les richesses qu’ils apportent ici et là-bas. Et je souhaite que cette année 2019 puisse de nouveau nous réunir pour poursuivre cette initiative collective et porter ce message commun encore un peu plus haut car tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin. »

Les traversées par la Manche

Communiqué de presse de Castaner

4 janvier 2019

Le ministre de l’Intérieur, Christophe CASTANER, salue le lancement aujourd’hui, par les préfets de la zone de défense et de sécurité Nord et du département du Pas-de-Calais, d’un plan zonal et départemental d’action pour prévenir et lutter contre les traversées de la Manche par des migrants.

En 2018, 71 tentatives de traversées irrégulières d’embarcations ont été recensées (contre 12 en 2017), dont 14 tentatives pour les 10 premiers mois de l’année, et 57 tentatives pour les seuls mois de novembre et décembre. Sur ces 71 tentatives, 31 ont échoué, 40 ont réussi. Au total, sur les 504 migrants ayant cherché à franchir la Manche en 2018, 276 sont parvenus à atteindre les eaux et côtes britanniques et 228 ont été interceptés par les autorités françaises. Il s’agit pour l’écrasante majorité d’entre eux de ressortissants iraniens. L’augmentation de ces tentatives s’explique notamment par la sécurisation renforcée des ports de ferries et des installations Eurotunnel.

Ces tentatives de traversées de la Manche, souvent effectuées sur des embarcations de fortune non-adaptées à la pleine mer, se font au péril de la vie des migrants étant donné les conditions de navigation particulièrement dangereuses sur la Manche et l’importance du trafic dans le détroit.

Face à ce phénomène, le plan d’action zonal et départemental lancé aujourd’hui repose sur 5 axes :

  • un renforcement de la coordination entre les services et les moyens à terre sous l’autorité des préfets du Nord et du Pas-de-Calais (forces de police et gendarmerie) et des moyens engagés en mer sous l’autorité du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord (patrouilleurs et moyens aériens de la marine nationale, de la gendarmerie maritime et de la douane) qui ont été renforcés et mis en alerte pour assurer une surveillance 24h/24 des espaces maritimes.
  • un renforcement de la surveillance et de la sécurisation des ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais (augmentation du nombre de patrouilles, renforcement des installations de sécurisation des ports).
  • un renforcement de la surveillance et de la sécurisation des plages et des lieux potentiels de mise à l’eau en dehors des ports (renforcement des patrouilles).
  • la mise en place des mesures de sensibilisation et de prévention des professionnels présents sur le littoral afin d’accroître leur vigilance (sensibilisation des gérants d’enseignes de vente de matériel nautique, des loueurs de bateaux et gestionnaires de ports de plaisance et de pêche).
  • Un renforcement de la lutte contre les filières de passeurs (systématisation du traitement judiciaire des individus interpellés en mer, mobilisation des échelons local et national de la police aux frontières pour assurer un démantèlement efficace des filières de passeurs).

Pour Christophe CASTANER, « ce plan doit nous permettre de mettre fin à ces traversées de la Manche par des migrants qui sont non seulement illégales mais par ailleurs extrêmement dangereuses. C’est notre intérêt, comme celui du Royaume Uni, de tout mettre en œuvre pour ne pas laisser se développer de nouvelles filières qui seraient susceptibles d’attirer à nouveau des migrants irréguliers sur notre littoral ».

Christophe CASTANER se félicite par ailleurs de la coopération accrue sur cette question entre la France et le Royaume Uni. A l’occasion d’un échange téléphonique entre le ministre de l’Intérieur et son homologue britannique Sajid JAVID, le 30 décembre, les deux ministres ont salué la coopération effective permise par le nouveau Centre conjoint d’information et de coordination (CCIC) de Coquelles (Pas-de-Calais), en fonctionnement depuis le 23 novembre. Le CCIC permet un échange d’information 24h/24 entre services de police britanniques et français, en particulier entre la police aux frontières et la Border Force britannique.

Lors de leur échange téléphonique, les deux ministres se sont par ailleurs accordés pour renforcer davantage encore la coopération franco-britannique pour la prévention des traversées irrégulières de la Manche, en particulier avec l’élaboration d’un plan d’action conjoint franco-britannique, qui viendra compléter les mesures nationales prises de part et d’autre. Sajid JAVID s’est notamment engagé à poursuivre, dans la continuité du Traité de Sandhurst du 18 janvier 2018, l’appui du Royaume Uni à la gestion conjointe de la frontière commune franco-britannique, en particulier par la prise en charge financière du déploiement de moyens techniques de détection et de prévention des tentatives de départs en mer irréguliers (drones, radars, vidéosurveillance). Les ministres ont par ailleurs encouragé un renforcement de la coordination des patrouilles maritimes.

Les éléments précis de ce plan d’action conjoint franco-britannique sont actuellement en cours d’élaboration entre les ministères de l’Intérieur français et britannique, en vue d’un endossement par les deux ministres à l’occasion d’un déplacement prochain de Christophe CASTANER à Londres.

« L’échange téléphonique avec mon collègue britannique Sajid JAVID a été très constructif. La perspective du Brexit n’altère en rien la nécessité pour nos deux pays de renforcer notre coopération bilatérale pour mettre en oeuvre des mesures concrètes et coordonnées afin de lutter contre l’immigration irrégulière. Les engagements britanniques témoignent de la volonté du Royaume Uni de continuer à participer à la prise en charge de la sécurisation de notre frontière commune » a indiqué Christophe CASTANER.

 

 

http://www.lavoixdunord.fr/516449/article/2019-01-05/des-moyens-renforces-dans-le-detroit-du-pas-de-calais-pour-sauver-des-vies-33#

Migration Des moyens renforcés dans le détroit du Pas-de-Calais pour sauver des vies (3/3)

 

Ouverture du gymnase à Grande Synthe

Accueil des exilés. Grande-Synthe récidive dans la solidarité

Jeudi, 3 Janvier, 2019

Refusant de cautionner la politique gouvernementale de non-accueil des exilés, le maire de la ville a ouvert deux centres d’hébergement, contre l’avis du préfet.

Il persiste et signe dans sa volonté inébranlable de tendre la main aux exilés. Damien Carême, le maire (EELV) de Grande-Synthe (Nord), a de nouveau pris, jeudi dernier, la décision d’ouvrir un gymnase municipal aux personnes isolées vivant à la rue et un autre centre aux familles. Douze employés communaux sont à l’œuvre pour permettre le fonctionnement de ces deux lieux d’accueil, jusqu’à l’arrivée du printemps, et des associations, comme Emmaüs et Salam, sont chargées d’y distribuer les repas. Deux cents personnes environ, en majorité des Kurdes irakiens, doivent ainsi être arrachées au froid hivernal qui s’annonce vigoureux.

Offrir « un minimum de dignité » aux personnes en errance

L’édile a d’abord souhaité répondre à l’urgence en offrant « un minimum de dignité » à ces personnes en errance. « J’agis avec la même motivation que l’an dernier, explique-t-il. Laisser vivre des gens dans cette situation est tout simplement insupportable. » Il souhaite, par ailleurs, s’inscrire dans la même démarche que Médecins du monde France, le Secours catholique-Caritas France et douze autres associations dénonçant, dimanche 29 décembre, dans une lettre à Emmanuel Macron, la « faillite de l’État » et la « mise en danger délibérée », en France, de milliers de personnes à la recherche d’un refuge après avoir fui guerres et pauvreté dans leur propre contrée.

Aucune convention, cette fois encore, n’a été passée avec l’État pour la mise en place de ce centre d’hébergement d’urgence. L’exécutif préfère, depuis la fin de l’expérience du camp humanitaire de la Linière initiée en mars 2016 par Damien Carême, Médecins sans frontières et Utopia 56, laisser les exilés bâtir des camps de fortune dans le bois du Puythouck. En octobre dernier, la préfecture y a, par exemple, délogé 1 800 personnes au cours du sixième démantèlement en l’espace de cinq mois.

« Depuis quelque temps, on arrive à obtenir régulièrement des mises à l’abri de la part de la préfecture, explique l’édile, joint hier au téléphone. Mais ce n’est pas assez. Il y a encore sur la commune 445 personnes à la rue à ce jour. Le préfet n’est pas d’accord pour que j’ouvre ce gymnase. Je lui ai expliqué que je refuse d’être complice de la politique gouvernementale qui vise à rendre les exilés invisibles et à leur faire passer l’envie de venir chez nous, comme l’expliquait l’ex-ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. »

Le maire de Grande-Synthe n’a pas l’habitude d’attendre un quelconque feu vert pour passer à l’action. Ni même, d’ailleurs, de se laisser impressionner par ceux qui tentent d’agiter les peurs. Des élus du parti d’extrême droite, le Rassemblement national, ont déposé deux plaintes contre l’édile début décembre. L’une pour « crime écologique par rapport à l’état dans lequel se trouve le site du Puythouck » ; l’autre « pour détournement d’argent public ».

« Ils en ont déjà déposé une il y a quelques mois que le procureur a classée sans suite, ironise Damien Carême. Je n’ai pas été directement informé de ces nouvelles plaintes mais il paraît qu’on m’accuse de venir en aide à des personnes en situation irrégulière. Il faudra le prouver. Ce n’est pas du ressort du maire de s’occuper de la régularisation des personnes. Moi, je propose un abri à des femmes et des hommes obligés à dormir dehors. »

Émilien Urbach

Euractiv // La Manche, l’autre mer à traverser pour les migrants

Le HMS Mersey sillonne la Manche depuis quelques jours pour endiguer la vague de traversée de migrants.

France et Royaume-Uni tentent d’endiguer les traversées irrégulières de la Manche par les migrants. Un nouveau plan de coopération doit être annoncé dans les prochaines semaines.

71 embarcations ont tenté de rejoindre l’Angleterre par la Manche en 2018. Il n’y en avait eu que 12 en 2017. La grande majorité de ces tentatives pour atteindre les côtes sud du Royaume-Uni ont eu lieu en novembre et en décembre, d’après le ministère de l’Intérieur français.

Son homologue anglais fait état de 539 migrants ayant tenté la traversée en 2018, dont 80 % au cours des trois derniers mois et 230 rien qu’en décembre. Cette recrudescence d’essais est due au renforcement de la sécurité des ports de ferries, d’Eurotunnel, et à la météo : « Les conditions ont été assez clémentes en mer tout le mois de décembre », explique Stéphane Dupré de Meteo France.

Le gouvernement britannique a fait le choix de dépêcher un de ses navires de la Royal Navy. Depuis début janvier, le HMS Mersey patrouille les eaux de la Manche, pour prêter main forte aux deux bateaux garde-côtes anglais déjà présents.

Trois objectifs

« Cette présence navale a trois objectifs : l’interception des embarcations de migrants, l’envoi d’un signal clair de fermeté et, bien sûr, le sauvetage de vies », fait savoir une source diplomatique britannique.

L’utilisation du bâtiment de la marine militaire anglaise doit rester temporaire, le temps que deux autres bateaux garde-côtes remontent de Méditerranée. La faiblesse des moyens de patrouille anglais préoccupe les Britanniques.

Un élu de Douvres, Charlie Ephicke, réclame plus de moyens pour sécuriser toute la côte anglaise : « Deux bateaux pour garder la côte, c’est franchement ridicule », s’est-il récemment alarmé.

Côté français, le discours se veut rassurant. « Le Brexit n’altère en rien la nécessité pour nos deux pays de renforcer notre coopération bilatérale afin de lutter contre l’immigration irrégulière », a rappelé Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur.

Traversée extrêmement dangereuse

Le 4 janvier, il a présenté un plan « zonal et départemental » pour renforcer la lutte contre les passages clandestins. Il doit permettre « de mettre fin à ces traversées de la Manche par des migrants qui sont non seulement illégales mais par ailleurs extrêmement dangereuses ».

La température glaciale de l’eau (en-dessous des 10°C, soit une espérance de vie réduite à deux heures si on y tombe), les forts courants marins et la circulation très dense de bateaux en tout genre rendent l’exercice particulièrement périlleux.

Dans ce plan, la lutte contre les réseaux de passeurs et la sécurisation des ports des ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais est mise en avant. Les vols de petites embarcations se sont multipliés ces derniers mois. Mais l’accent est mis sur la coopération franco-britannique.

Des drones pour patrouiller les plages

Sajid Javid, secrétaire d’État à l’Intérieur côté anglais s’est notamment engagé «à poursuivre, dans la continuité du Traité de Sandhurst du 18 janvier 2018, l’appui du Royaume Uni à la gestion conjointe de la frontière commune franco-britannique », fait-on savoir place Beauvau.

La prise en charge financière de drones patrouillant les plages entre Calais et Boulogne est évoquée. « Entre ces deux ports, il y a une douzaine de points de passage et ils sont connus », fait remarquer Maya Konforti, bénévole à l’Auberge des Migrants, une association qui apporte une aide humanitaire dans la région de Calais. Ce qui rendra facile le travail de ces engins volants s’ils sont mis en place.

Malgré tout, il y a encore aujourd’hui plus de 1 000 candidats au passage de l’autre côté de la Manche, entre les camps de Calais et de Grande-Synthe.

Nouveau plan de coopération en vue

« Les camps de migrants sont démantelés tous les jours, ou tous les deux jours, observe Maya Konforti. L’état psychologique de ces gens est préoccupant. » En perpétuelle quête d’un endroit où dormir ou se reposer, « ils discutent entre eux de la prochaine bonne idée pour traverser, et même s’ils la trouvent, ils ne la partageront pas avec nous », explique la bénévole.

Pendant ce temps, les gouvernements des deux côtés de la Manche s’activent pour mettre en place un plan d’action conjoint pour améliorer la coopération . « Il sera finalisé dans les prochaines semaines », dit-on côté britannique.

Christophe Castaner devrait bientôt effectuer un voyage à Londres afin d’officialiser son entrée en vigueur.

Calais : les exilé.e.s et l’hiver

Le Secours Catholique et les associations se penchent sur un des problèmes de l’hiver : pour les personnes exilées, l’impossibilité de laver et sécher les vêtements. Mais il y en évidemment plein d’autres : la santé physique et morale, le froid et l’humidité, la violence des forces de l’ordre, etc. Il faut se rappeler que le « socle humanitaire » dont se vante le préfet n’a été mis en place que par l’obligation formulée par le Tribunal Administratif de Lille et confirmé par le Conseil d’État, à l’exception des repas distribués, qui concernent environ  les deux tiers des exilés.

Le dispositif Grand Froid mis en place par la DDCS (direction départementale de la cohésion sociale) n’a été ouvert que deux fois (trois nuits + deux nuits). A noter qu’aucun mineur ne s’y est présenté -nous enquêtons pour savoir pourquoi-, et qu’une partie des exilés ne veulent pas aller dans le dispositif de peur de retrouver détruites ou emportées leur tente et leurs affaires personnelles.

Gros afflux de journalistes britanniques et autres sur Calais ces dernières semaines, du fait de l’augmentation des tentatives de passage de la Manche par petits bateaux. Cela concerne surtout les Iraniens (38 % des 600 exilés à Calais mi-décembre) , à partir de Zodiac achetés ou de bateaux de pêche ou de plaisance fracturés, avec des passeurs ou non. Nous insistons auprès des médias sur les dramatiques conditions de survie et sur le non-accueil de la France, qui poussent les exilés à adopter des solutions dangereuses.