Le ministre de l’Intérieur, Christophe CASTANER, salue le lancement aujourd’hui, par les préfets de la zone de défense et de sécurité Nord et du département du Pas-de-Calais, d’un plan zonal et départemental d’action pour prévenir et lutter contre les traversées de la Manche par des migrants.
En 2018, 71 tentatives de traversées irrégulières d’embarcations ont été recensées (contre 12 en 2017), dont 14 tentatives pour les 10 premiers mois de l’année, et 57 tentatives pour les seuls mois de novembre et décembre. Sur ces 71 tentatives, 31 ont échoué, 40 ont réussi. Au total, sur les 504 migrants ayant cherché à franchir la Manche en 2018, 276 sont parvenus à atteindre les eaux et côtes britanniques et 228 ont été interceptés par les autorités françaises. Il s’agit pour l’écrasante majorité d’entre eux de ressortissants iraniens. L’augmentation de ces tentatives s’explique notamment par la sécurisation renforcée des ports de ferries et des installations Eurotunnel.
Ces tentatives de traversées de la Manche, souvent effectuées sur des embarcations de fortune non-adaptées à la pleine mer, se font au péril de la vie des migrants étant donné les conditions de navigation particulièrement dangereuses sur la Manche et l’importance du trafic dans le détroit.
Face à ce phénomène, le plan d’action zonal et départemental lancé aujourd’hui repose sur 5 axes :
- un renforcement de la coordination entre les services et les moyens à terre sous l’autorité des préfets du Nord et du Pas-de-Calais (forces de police et gendarmerie) et des moyens engagés en mer sous l’autorité du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord (patrouilleurs et moyens aériens de la marine nationale, de la gendarmerie maritime et de la douane) qui ont été renforcés et mis en alerte pour assurer une surveillance 24h/24 des espaces maritimes.
- un renforcement de la surveillance et de la sécurisation des ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais (augmentation du nombre de patrouilles, renforcement des installations de sécurisation des ports).
- un renforcement de la surveillance et de la sécurisation des plages et des lieux potentiels de mise à l’eau en dehors des ports (renforcement des patrouilles).
- la mise en place des mesures de sensibilisation et de prévention des professionnels présents sur le littoral afin d’accroître leur vigilance (sensibilisation des gérants d’enseignes de vente de matériel nautique, des loueurs de bateaux et gestionnaires de ports de plaisance et de pêche).
- Un renforcement de la lutte contre les filières de passeurs (systématisation du traitement judiciaire des individus interpellés en mer, mobilisation des échelons local et national de la police aux frontières pour assurer un démantèlement efficace des filières de passeurs).
Pour Christophe CASTANER, « ce plan doit nous permettre de mettre fin à ces traversées de la Manche par des migrants qui sont non seulement illégales mais par ailleurs extrêmement dangereuses. C’est notre intérêt, comme celui du Royaume Uni, de tout mettre en œuvre pour ne pas laisser se développer de nouvelles filières qui seraient susceptibles d’attirer à nouveau des migrants irréguliers sur notre littoral ».
Christophe CASTANER se félicite par ailleurs de la coopération accrue sur cette question entre la France et le Royaume Uni. A l’occasion d’un échange téléphonique entre le ministre de l’Intérieur et son homologue britannique Sajid JAVID, le 30 décembre, les deux ministres ont salué la coopération effective permise par le nouveau Centre conjoint d’information et de coordination (CCIC) de Coquelles (Pas-de-Calais), en fonctionnement depuis le 23 novembre. Le CCIC permet un échange d’information 24h/24 entre services de police britanniques et français, en particulier entre la police aux frontières et la Border Force britannique.
Lors de leur échange téléphonique, les deux ministres se sont par ailleurs accordés pour renforcer davantage encore la coopération franco-britannique pour la prévention des traversées irrégulières de la Manche, en particulier avec l’élaboration d’un plan d’action conjoint franco-britannique, qui viendra compléter les mesures nationales prises de part et d’autre. Sajid JAVID s’est notamment engagé à poursuivre, dans la continuité du Traité de Sandhurst du 18 janvier 2018, l’appui du Royaume Uni à la gestion conjointe de la frontière commune franco-britannique, en particulier par la prise en charge financière du déploiement de moyens techniques de détection et de prévention des tentatives de départs en mer irréguliers (drones, radars, vidéosurveillance). Les ministres ont par ailleurs encouragé un renforcement de la coordination des patrouilles maritimes.
Les éléments précis de ce plan d’action conjoint franco-britannique sont actuellement en cours d’élaboration entre les ministères de l’Intérieur français et britannique, en vue d’un endossement par les deux ministres à l’occasion d’un déplacement prochain de Christophe CASTANER à Londres.
« L’échange téléphonique avec mon collègue britannique Sajid JAVID a été très constructif. La perspective du Brexit n’altère en rien la nécessité pour nos deux pays de renforcer notre coopération bilatérale pour mettre en oeuvre des mesures concrètes et coordonnées afin de lutter contre l’immigration irrégulière. Les engagements britanniques témoignent de la volonté du Royaume Uni de continuer à participer à la prise en charge de la sécurisation de notre frontière commune » a indiqué Christophe CASTANER.
Troisième et dernier volet de notre enquête au CROSS Gris-Nez qui coordonne la surveillance du trafic dans le détroit du Pas-de-Calais et le sauvetage en mer. Le phénomène récent des passages de migrants à bord de frêles embarcations a commandé un renforcement des moyens maritimes et de détection dans la zone.
Là-haut, sur leur promontoire imprenable avec vue (par beau temps) sur les falaises de Douvres, la cinquantaine de personnels du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) du cap Gris-Nez (dix en permanence) scrute leurs écrans. Depuis novembre, en plus de la surveillance de l’autoroute maritime la plus dense du monde avec le détroit de Malacca (entre la Malaisie et l’Indonésie), 400 navires par jour, ils doivent voler et voguer au secours de migrants, très largement iraniens, qui tentent de concrétiser leur rêve britannique. Au mépris du danger, de la température de l’eau (autour de 8º actuellement), des courants marins et des mastodontes des mers, rouliers de 400 m de long ou pétroliers de 300 000 tonnes, qui pourraient les hacher menu sans rien ressentir.
Le bilan de 2018 parle de l’explosion récente de ce phénomène, découlant de la complexité du passage par les ports de Calais, Grande-Synthe et le tunnel sous la Manche : 78 tentatives (60 au troisième trimestre) et 583 personnes, dont la moitié est ramenée côté français. Le sauvetage en mer répond à une convention internationale et sur notre littoral, d’une coopération franco-britannique fonctionnant au quotidien depuis 1972.
La limite des eaux territoriales de 12 milles (environ 22 km) ne peut être atteinte dans le détroit du Pas-de-Calais qui n’en fait que 20 au plus court (32 km). Un plan d’intervention et de sauvetage, intitulé Manche Plan, détermine les zones de sauvetages française, britannique (et belge). Mais l’étroitesse des lieux permet à un navire français, mieux positionné, d’intervenir dans les eaux anglaises et inversement.
Gardes-côtes britanniques ou marins français, that is the question
Cet accord pragmatique, basé pour sauver des vies, prend un contour diablement politique et parfois dramatique quand il s’agit de migration. Pour être clair,les candidats au passage illégal préfèrent être récupérés par un navire des Border Forces britanniques plutôt que par la marine française… qui les ramène au point de départ. Les marins, qui interviennent sur ordre du centre opérationnel de la marine de Cherbourg, assistent parfois à des scènes déchirantes. On exclut la force. On ne sauve pas contre son gré. Mais la frêle embarcation est alors suivie et signalée aux autorités britanniques.
La procédure de sauvetage est rodée même si elle « longue et compliquée », comme le décrit Marc Bonnafous, le directeur du CROSS Gris-Nez. À peine sortis des eaux françaises, les migrants appellent, avec un numéro de mobile britannique, le 112, le numéro européen d’urgence. Pour tomber souvent sur le SAMU de Calais… Le plus dur commence. Pour le farsi, la langue iranienne, des interprètes sont réquisitionnés. Non détectables aux radars, menés par des novices en navigation, les petits bateaux pneumatiques et semi-rigides sont perdus, les occupants à bout de force.
« Une fois un appel reçu, il faut savoir d’où ils sont partis, quand et à combien, explique Marc Bonnafous. Avec ces éléments, nous calculons, les zones de recherche probables. Il faut beaucoup de moyens pour les quadriller. » Le CROSS appelle alors le centre opérationnel de la marine à Cherbourg qui désigne les moyens les mieux adaptés au sauvetage (ou celui des douanes à Rouen, de son homologue britannique, des pompiers, de la sécurité civile, de la police aux frontières, de la gendarmerie, de la coordination médicale maritime à Toulouse au besoin). L’exercice délicat demande ensuite entre deux et huit heures de recherche.
Depuis la première vague de passages par la mer en novembre, les moyens de la marine nationale ont été largement renforcés sur la zone du détroit du Pas-de-Calais. Rares auparavant, les patrouilles de nuit ont ainsi été systématisées. Selon les conditions météorologiques, entre deux et quatre bateaux effectuent des surveillances nocturnes.
Au total, sur le plan naval, on compte trois vedettes côtières de surveillance maritime de la gendarmerie maritime (20 m, 8 personnels) de Boulogne-sur-Mer, Calais et Dunkerque, le remorqueur de haute mer Abeille Languedoc (63 m, 12 personnels), un bateau civil affrété par la marine, le patrouilleur côtier boulonnais des douanes, le Jacques-Oudart Fourmentin, les canots tout temps des bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM, celui de Calais est en réparation actuellement).
Il faut ajouter depuis le début de la crise, par rotations de deux semaines, un des trois patrouilleurs de service public du port de Cherbourg (54 m, 20 personnels), Pluvier, Cormoran ou Flamant.
Les moyens aériens de la marine sont également conséquents avec des missions de surveillance, programmées ou déclenchées, d’un des quatre Falcon 50 de la flottille 24F de la base aéronavale de Lann-Bihoué près de Lorient en Bretagne. Spécialisés dans le sauvetage en haute mer, ils sont équipés de moyens de détection visuels, radars et optroniques (infrarouge) et d’un canot de sauvetage gonflable largable. Un avion est en alerte permanente pour la zone de la Manche. Il embarque et se retrouve sur zone en moins de deux heures
On conclut avec l’hélicoptère Dauphin basé au Touquet et le NH90 Caïman situé à Cherbourg. Sans parler des moyens à terre, du renforcement des patrouilles dans les ports et sur les plages, de la sensibilisation des vendeurs et loueurs de bateaux, de la judiciarisation des individus interpellés en mer…