Accueil des exilés. Grande-Synthe récidive dans la solidarité
Refusant de cautionner la politique gouvernementale de non-accueil des exilés, le maire de la ville a ouvert deux centres d’hébergement, contre l’avis du préfet.
Il persiste et signe dans sa volonté inébranlable de tendre la main aux exilés. Damien Carême, le maire (EELV) de Grande-Synthe (Nord), a de nouveau pris, jeudi dernier, la décision d’ouvrir un gymnase municipal aux personnes isolées vivant à la rue et un autre centre aux familles. Douze employés communaux sont à l’œuvre pour permettre le fonctionnement de ces deux lieux d’accueil, jusqu’à l’arrivée du printemps, et des associations, comme Emmaüs et Salam, sont chargées d’y distribuer les repas. Deux cents personnes environ, en majorité des Kurdes irakiens, doivent ainsi être arrachées au froid hivernal qui s’annonce vigoureux.
Offrir « un minimum de dignité » aux personnes en errance
L’édile a d’abord souhaité répondre à l’urgence en offrant « un minimum de dignité » à ces personnes en errance. « J’agis avec la même motivation que l’an dernier, explique-t-il. Laisser vivre des gens dans cette situation est tout simplement insupportable. » Il souhaite, par ailleurs, s’inscrire dans la même démarche que Médecins du monde France, le Secours catholique-Caritas France et douze autres associations dénonçant, dimanche 29 décembre, dans une lettre à Emmanuel Macron, la « faillite de l’État » et la « mise en danger délibérée », en France, de milliers de personnes à la recherche d’un refuge après avoir fui guerres et pauvreté dans leur propre contrée.
Aucune convention, cette fois encore, n’a été passée avec l’État pour la mise en place de ce centre d’hébergement d’urgence. L’exécutif préfère, depuis la fin de l’expérience du camp humanitaire de la Linière initiée en mars 2016 par Damien Carême, Médecins sans frontières et Utopia 56, laisser les exilés bâtir des camps de fortune dans le bois du Puythouck. En octobre dernier, la préfecture y a, par exemple, délogé 1 800 personnes au cours du sixième démantèlement en l’espace de cinq mois.
« Depuis quelque temps, on arrive à obtenir régulièrement des mises à l’abri de la part de la préfecture, explique l’édile, joint hier au téléphone. Mais ce n’est pas assez. Il y a encore sur la commune 445 personnes à la rue à ce jour. Le préfet n’est pas d’accord pour que j’ouvre ce gymnase. Je lui ai expliqué que je refuse d’être complice de la politique gouvernementale qui vise à rendre les exilés invisibles et à leur faire passer l’envie de venir chez nous, comme l’expliquait l’ex-ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. »
Le maire de Grande-Synthe n’a pas l’habitude d’attendre un quelconque feu vert pour passer à l’action. Ni même, d’ailleurs, de se laisser impressionner par ceux qui tentent d’agiter les peurs. Des élus du parti d’extrême droite, le Rassemblement national, ont déposé deux plaintes contre l’édile début décembre. L’une pour « crime écologique par rapport à l’état dans lequel se trouve le site du Puythouck » ; l’autre « pour détournement d’argent public ».
« Ils en ont déjà déposé une il y a quelques mois que le procureur a classée sans suite, ironise Damien Carême. Je n’ai pas été directement informé de ces nouvelles plaintes mais il paraît qu’on m’accuse de venir en aide à des personnes en situation irrégulière. Il faudra le prouver. Ce n’est pas du ressort du maire de s’occuper de la régularisation des personnes. Moi, je propose un abri à des femmes et des hommes obligés à dormir dehors. »