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Migrants : ces Tunisiens et Algériens qui fuient leur pays

Migrants : ces Tunisiens et Algériens qui fuient leur pays

Reportage Tunisiens et Algériens constituent les deux premières nationalités de migrants qui arrivent par la Méditerranée en Europe. Près de dix ans après leur révolution, les Tunisiens ne croient plus à une embellie sociale dans leur pays. Et les Algériens déchantent, après les espérances du Hirak.

  • Amine Kadi (à Alger) et Rim Mathlouthi (à Tunis), le 20/08/2020 à 19:27 Modifié le 21/08/2020 à 09:15

Wassim ne supporte plus les ruelles étroites de son quartier dans la médina de Tunis. À 36 ans, il vit chez ses parents et cherche en vain des petits boulots. « Même si je travaille, ce que je gagne permet à peine de couvrir mes frais, mes cigarettes, je n’ai aucun projet ici. Mon ami en France a réussi là-bas, il a promis de m’aider dès mon arrivée. » Et il était très

 

Wassim avait gagné le nord du Maroc. « Le corona a contrarié tous mes projets », soupire-t-il, déterminé à reprendre, dès que possible, la route vers l’Union européenne (UE). Le nirvana auquel s’accrochent tant de Tunisiens et d’Algériens qui désespèrent, pour des raisons différentes, de leur pays. Au cours du seul mois de juillet, plus de 4 000 Tunisiens ont rejoint les côtes italiennes – c’est plus que les 3 900 arrivés l’année dernière. Ils sont devenus la première nationalité parmi les migrants qui arrivent dans le sud de l’UE, talonnés par les Algériens qui optent pour la route espagnole, via le Maroc (1).

L’Italie annonce le renvoi des Tunisiens à bord de vols hebdomadaires

Ainsi les passeurs ne transportent plus uniquement des jeunes chômeurs, mais aussi des familles, des adolescents, des personnes âgées et des malades qui ont perdu espoir dans la capacité de leurs dirigeants à éviter le risque d’effondrement économique de la Tunisie et à développer les régions déshéritées de l’intérieur, celles-là mêmes qui furent à l’origine de la révolution il y a près de dix ans.

 

Même s’il reste modeste, pour mettre le holà à ce regain de flux migratoire, une délégation s’est rendue à Tunis le 17 août : les ministres italiens des affaires étrangères et de l’intérieur, Luigi Di Maio et Luciana Lamorgese, ainsi que les commissaires européens à l’élargissement et aux affaires intérieures, Oliver Varhelyi et Ylia Johansson. L’Italie a annoncé le renvoi, par des vols hebdomadaires, des Tunisiens dans leur pays et l’Union européenne a débloqué une aide de plus de 8 millions d’euros pour la surveillance aux frontières. Mais rien qui puisse tarir l’irrépressible envie de départ dans les milieux défavorisés comme dans les plus aisés.

 

« Ici, même si je travaille, je n’arriverai jamais à avoir un crédit pour une voiture, je ne pourrai jamais gagner suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins d’une famille et acheter une maison », peste Anis en remplissant des sacs de sable, sous un soleil de plomb, pour 15 € par jour, à quelque 30 kilomètres de Tunis. Le jeune ouvrier de 22 ans a longtemps travaillé à Zarzis, un des points de départ des embarcations depuis le Sud tunisien.

 

Il connaît toutes les étapes. Il a vu des familles payer 1 000 € par personne, plus de sept fois le salaire minimum, pour partir dans des conditions qu’il estime « correctes avec la garantie d’arriver vivant ». Mais il sait aussi que ceux qui arrivent là-bas peuvent se retrouver « pendant des années sans papiers, sans logement et sans travail ». « Moi je ne partirai pas clandestinement », affirme-t-il, en annonçant planifier un mariage « pour avoir un toit et une vie décente ».

L’appel d’air des « visa start-up » portugais

Même si sa situation peut paraître enviable, Aly, patron d’une start-up de 40 salariés, réclame, lui aussi, une vie meilleure. « Nous ne pouvons pas grandir alors que nous avons les compétences et les clients potentiels pour le faire. Nous sommes chaque jour confrontés à un système qui fait tout pour que nous restions en bas ; on avance péniblement, les épaules lestées de sacs de ciment », maugrée-t-il.

 

Et la Tunisie ne peut pas offrir « un système de santé et une éducation corrects, justifie-t-il, même en payant deux fois le salaire minimum pour l’école de mon fils de 5 ans ». Alors Aly baisse les bras et prévoit de gonfler, grâce aux facilités de « visa start-up » du Portugal, la longue cohorte maghrébine des cadres, informaticiens, médecins, etc. plus favorablement accueillis en Europe.

Le besoin impérieux d’une autre vie a violemment rejailli en Algérie

Ce besoin impérieux d’une autre vie a également violemment rejailli dans l’Algérie voisine à mesure que l’armée et le président Abdelmadjid Tebboune resserrent l’étau sécuritaire et que les horizons économiques se noircissent.

Le Hirak, le mouvement populaire du 22 février 2019 qui avait eu raison du président Bouteflika, avait, par l’immense espoir soulevé, stoppé pendant plusieurs mois les départs des harragas, ces « brûleurs de frontière » qui prennent la mer, avant de s’enliser sous les vagues de répression dès l’été 2019.

 

L’impasse politique prolongée, avant même l’aggravation de la crise sociale en 2020, a relancé les projets de départ dans tous les milieux sociaux. Le soupçon existe d’ailleurs que la répression de la migration ne peut pas être une priorité sécuritaire du gouvernement tant celui-ci n’a rien à offrir aux candidats au départ.

Yassine, activiste du Hirak de 35 ans, reconnaît que, parmi son groupe d’amis algérois, l’idée de tenter la traversée revient très fort depuis la fin du confinement en Europe. « C’est la crise en Algérie, bientôt on ne pourra même pas gratter assez d’argent pour se payer une traversée. C’est maintenant qu’il faut se sauver ! », clame-t-il.

« Tebboune, on te laisse ton Algérie, mange-la avec ton fils ! »

Des vidéos sur Facebook montrant des harragas à leur arrivée « triomphale » sur les côtes espagnoles, ont « lancé » la saison en Algérie en mai dernier. « Tebboune, on te laisse ton Algérie, mange-la avec ton fils ! », criait avec amertume, l’un des jeunes sur la barque, en faisant allusion aux affaires de corruption qui entachent la famille du nouveau président.

 

« Cela fait cinq ans que je bricole », fulmine Sid Ahmed qui aide son oncle dans une quincaillerie du Figuier, une ville balnéaire enchâssée entre Alger et la Kabylie. À 29 ans, il se voyait faire autre chose avec sa licence en droit. « Je ne pense plus rester dans ce pays. Ça se dégrade de jour en jour. »

Son cousin Ali est connu pour être redescendu à la dernière minute d’une barque de 15 harragas, au départ de la plage voisine de Sghirat, à la fin de l’été 2019. « Ali regrette de ne pas être parti, l’année qu’il a passée ici est pire que celle qu’il aurait pu passer là-bas, malgré le coronavirus », pointe Sid Ahmed qui envisage, avec son cousin, de rejoindre le flot des départs.

 

Comme Farida, qui codirige à 32 ans une petite agence d’évènementiel à Alger. Elle avait décidé, avec son mari, de migrer au Canada en 2017, avant de suspendre le projet au printemps 2019. « Nous avons vraiment pensé que l’Algérie allait changer, en voyant cette magnifique énergie des gens dans les rues partout dans le pays », se rappelle-t-elle, avant de déchanter et de réactiver sa procédure auprès des services canadiens de l’immigration. Au sein du gouvernement d’Abdelaziz Djerad, une source dit s’inquiéter de « cette vague qui se prépare de départs des ressources humaines qualifiées, préoccupante pour l’avenir ». Sans que cela n’infléchisse la ligne dure des autorités.

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Les arrivées par la Méditerranée en 2020

Jusqu’au 19 août : 43 500 arrivées, dont 17 000 en Italie, 12 000 en Espagne, 11 500 en Grèce, 2 000 à Malte et 726 à Chypre.

Les Tunisiens représentent 15 % des arrivées, les Algériens 8,5 %. Pour l’Italie, plus de 40 % des départs se font depuis les côtes tunisiennes.

Les départs depuis la Libye sont largement interceptés par les gardes-côtes libyens. 7 100 migrants et réfugiés ont été ramenés en Libye depuis le début de l’année. D’où la baisse des arrivées de Subsahariens et Moyen-orientaux.

Les arrivées les années précédentes

En 2019 : 124 000.

En 2018 : 141 000.

En 2017 : 185 000.

En 2016 : 374 000.

En 2015 : 1 million.

Les morts et disparus

Environ 450 morts depuis le début de l’année, 20 000 depuis 2015.

La situation en Libye

426 000 personnes déplacées en raison de la guerre. 47 000 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés par le HCR, 66 % sont Syriens et Soudanais.

(données HCR)

 

(1) Les départs de Subsahariens depuis la Libye sont en grande partie interceptés par les gardes-côtes libyens.

Dans l’est de la Turquie, le trajet tragique des migrants afghans

Fuyant les talibans, de nombreuses familles partent trouver refuge en Europe. En chemin, elles sont souvent bloquées dans les montagnes kurdes, où elles sont à la merci des trafiquants d’êtres humains et de la police.

Le dos voûté sous leurs lourds sacs à dos, la peau brûlée par le soleil et les lèvres craquelées par la soif, Nizamuddin et Zabihulah sont à bout de forces. Se traînant pesamment en bord de route, près de la petite ville de Çaldiran dans l’extrême est de la Turquie, ils cherchent désespérément un moyen d’abréger leur trajet. «Nous marchons presque sans arrêt depuis deux jours et deux nuits. Nous avons franchi sept ou huit montagnes pour arriver ici depuis l’Iran», raconte le premier. Affamés, les pieds enflés, et dépités par le refus généralisé de les conduire vers la grande ville de Van à une centaine de kilomètres de là, ils finissent par se laisser tomber au sol, sous un arbre.

«J’ai quitté l’Afghanistan il y a huit mois parce que les talibans voulaient me recruter. C’était une question de temps avant qu’ils m’emmènent de force», explique Zabihulah. Originaire de la province de Jozjan, dans le nord de l’Afghanistan, où vivent sa femme et son très jeune fils, son quotidien était rythmé par les menaces de la rébellion afghane et la misère économique dans laquelle est plongé le pays en guerre depuis plus de quarante ans. «Je suis d’abord allé en Iran pour travailler. C’était épuisant et le patron ne m’a pas payé», relate-t-il. Ereinté par les conditions de vie, le jeune homme au visage fin mais marqué par le dur labeur a décidé de tenter sa chance en Turquie. «C’est ma deuxième tentative, précise-t-il. L’an dernier, la police iranienne m’a attrapé, m’a tabassé et tout volé. J’ai été renvoyé en Afghanistan. Cette fois, je vais rester en Turquie travailler un peu, puis j’irai en Grèce.»

Pierres tombales

Comme Nizamuddin et Zabihulah, des dizaines de milliers de réfugiés afghans (mais aussi iraniens, pakistanais et bangladais) pénètrent en Turquie illégalement chaque année, en quête d’un emploi, d’une vie plus stable et surtout de sécurité. En 2019, les autorités turques disent avoir appréhendé 201 437 Afghans en situation irrégulière. Deux fois plus que l’année précédente et quatre fois plus qu’en 2017. Pour la majorité d’entre eux, la province de Van est la porte d’entrée vers l’Anatolie et ensuite la Grèce. Cette région reculée est aussi la première muraille de la «forteresse Europe».

Si le désastre humanitaire en mer Méditerranée est largement documenté, la tragédie qui se déroule dans les montagnes kurdes des confins de la Turquie et de l’Iran est plus méconnue mais tout aussi inhumaine. Régulièrement, des corps sont retrouvés congelés, à moitié dévorés par les animaux sauvages, écrasés aux bas de falaises, criblés de balles voire noyés dans des cours d’eau. Dans un des cimetières municipaux de Van, un carré comptant plus d’une centaine de tombes est réservé aux dépouilles des migrants que les autorités n’ont pas pu identifier. Sur les pierres tombales, quelques chiffres, lettres et parfois une nationalité. Ce sont les seuls éléments, avec des prélèvements d’ADN, qui permettront peut-être un jour d’identifier les défunts. Un large espace est prévu pour les futures tombes, dont certaines sont déjà creusées en attente de cercueils.

Pour beaucoup de réfugiés, la gare routière de Van est le terminus du voyage. «Le passeur nous a abandonnés ici, nous ne savons pas où aller ni quoi faire», raconte Nejibulah, le téléphone vissé à la main dans l’espoir de pouvoir trouver une porte de sortie à ses mésaventures. A 34 ans, il a quitté Hérat, dans l’ouest de l’Afghanistan, avec douze membres de sa famille dont ses trois enfants. Après quinze jours passés dans des conditions déplorables dans les montagnes, la famille a finalement atteint le premier village turc pour tomber entre les mains de bandits locaux. «Ils nous ont battus et nous ont menacés de nous prendre nos organes si nous ne leur donnions pas d’argent», raconte Nejibulah. Son beau-frère exhibe deux profondes blessures ouvertes sur sa jambe. Leurs proches ont pu rassembler un peu d’argent pour payer leur libération : 13 000 lires turques (1 660 euros) en plus des milliers de dollars déjà payés aux passeurs. Ces derniers sont venus les récupérer pour les abandonner sans argent à la gare routière.

Impasse

La police vient régulièrement à la gare arrêter les nouveaux arrivants pour les emmener dans l’un des deux camps de rétention pour migrants de la province. Là-bas, les autorités évaluent leurs demandes de protection internationale. «Sur le papier, la Turquie est au niveau des standards internationaux dans la gestion des migrants. Le problème, c’est le manque de sensibilité aux droits de l’homme des officiers de protection», explique Mahmut Kaçan, avocat et membre de la commission sur les migrations du barreau de Van. Le résultat, selon lui, c’est une politique de déportation quasi systématique. Si les familles obtiennent en général facilement l’asile, les hommes seuls n’auraient presque aucune chance, voire ne pourraient même pas plaider leur cas.

Pour ceux qui obtiennent le droit de rester, les conditions de vie n’en restent pas moins très difficiles. Le gouvernement qui doit gérer plus de 4 millions de réfugiés, dont 3,6 millions de Syriens, leur interdit l’accès aux grandes villes de l’ouest du pays telles Istanbul, Ankara et Izmir. Il faut parfois des mois pour obtenir un permis de séjour. L’obtention du permis de travail est quasiment impossible. En attendant, ils sont condamnés à la débrouille, au travail au noir et sous-payé et aux logements insalubres.

La famille Amiri, originaire de la province de Takhar dans le nord de l’Afghanistan, est arrivée à Van en 2018. «J’étais cuisinier dans un commissariat. Les talibans ont menacé de me tuer. Nous avons dû tout abandonner du jour au lendemain», raconte Shah Vali, le père, quadragénaire. Sa femme était enceinte de sept mois à leur arrivée en Turquie. Ils ont dormi dans la rue, puis sur des cartons pendant des semaines dans un logement vétuste qu’ils occupent toujours. La petite dernière est née prématurément. Elle est muette et partiellement paralysée. «L’hôpital nous dit qu’il faudrait faire des analyses de sang pour trouver un traitement, sans quoi elle restera comme ça toute sa vie», explique son père. Coût : 800 lires. La moitié seulement est remboursée par la sécurité sociale turque. «Nous n’avons pas les moyens», souffle sa mère Sabira. Les adultes, souffrant aussi d’afflictions, n’ont pas accès à la moindre couverture de santé. Shah Vali est pourtant d’humeur heureuse. Après deux ans de présence en Turquie, il a enfin trouvé un emploi. Au noir, bien sûr. Il travaille dans une usine d’œufs. Salaire : 1 200 lires. Le seuil de faim était estimé en janvier à 2 219 lires pour un foyer de quatre personnes. «Nous avons dû demander de l’argent à des voisins, de jeunes Afghans, eux-mêmes réfugiés», informe Shah Vali. Pour lui et sa famille, le voyage est terminé. «Nous voulions aller en Grèce, mais nous n’avons pas assez d’argent.»

Lointaines, économiquement peu dynamiques, les provinces frontalières de l’Iran sont une impasse pour les réfugiés. Et ce d’autant que, depuis 2013, aucun réfugié afghan n’a pu bénéficier d’une réinstallation dans un pays tiers. «Sans espoir légal de pouvoir aller en Europe ou dans l’ouest du pays, les migrants prennent toujours plus de risques», souligne Mahmut Kaçan. Pour contourner les check-points routiers qui quadrillent cette région très militarisée, les traversées du lac de Van – un vaste lac de montagne aux humeurs très changeantes – se multiplient. Fin juin, un bateau a sombré corps et biens avec des dizaines de personnes à bord. A l’heure de l’écriture de cet article, 60 corps avaient été retrouvés. L’un des passeurs était apparemment un simple pêcheur.

Climat d’impunité

Face à cette tragédie, le ministre de l’Intérieur turc, Suleyman Soylu, a fait le déplacement, annonçant des moyens renforcés pour lutter contre le phénomène. Mahmut Kaçan dénonce cependant des effets d’annonce et l’incurie des autorités. «Combien de temps un passeur res te-t-il en prison généralement ? Quelques mois au plus, s’agace-t-il. Les autorités sont focalisées sur la lutte contre les trafics liés au PKK [la guérilla kurde active depuis les années 80] et ferment les yeux sur le reste.» Selon lui, les réseaux de trafiquants se structureraient rapidement. Publicités et contacts de passeurs sont aisément trouvables sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram. Dans un climat d’impunité, les passeurs corrompent des gardes-frontières, qui eux-mêmes ne sont pas poursuivis en cas de bavures. «Le trafic d’être humain est une industrie sans risque, par comparaison avec la drogue, et très profitable», explique l’avocat. Pendant ce temps, les exilés qui traversent les montagnes sont à la merci de toutes les violences. Avec la guerre qui s’intensifie à nouveau en Afghanistan, le flot de réfugiés ne va pas se tarir. Les Afghans représentent le tiers des 11 500 migrants interceptés par l’agence européenne Frontex aux frontières sud-est de l’UE, entre janvier et mai.

Jérémie Berlioux Envoyé spécial à Van Avec la contribution de Mohammed Mahdi Soltani

Baie de Somme. Douze migrants secourus à Cayeux-sur-Mer

Ces migrants tentaient de traverser la Manche, mais ont été repoussés sur la plage. Ces traversées sont rares à partir de la Baie de Somme, car la distance est grande jusqu’à l’Angleterre.

Douze migrants qui tentaient de traverser la Manche ont été secourus jeudi matin sur la plage de Cayeux-sur-Mer (Somme), en baie de Somme, où les tentatives de ce type sont assez rares, a-t-on appris de sources concordantes.

Selon la gendarmerie, leur embarcation a dès la première vague été ramenée sur la plage d’où ils étaient partis et des patrouilles de recherche ont été lancées pour retrouver d’autres migrants participant à cette tentative de traversée qui auraient pris la fuite à terre.

La préfecture maritime a confirmé à l’AFP qu’aucune opération de recherche en mer n’a été engagée.

Des traversées rares depuis cet endroit

De source proche des secours, les douze migrants, dont la nationalité n’était pas connue, ont été transportés à l’hôpital d’Abbeville, l’un d’entre eux en hypothermie.

La gendarmerie a également indiqué que les tentatives de traversée de la Manche depuis la baie de Somme étaient as

Les enfants disparus de Roissy

29 juil. 2020 Par Leïla Miñano (Investigate Europe)
– Mediapart.fr
De nombreux mineurs vietnamiens se sont évaporés, ces dernières années, après leur arrivée à l’aéroport francilien. Débarqués sans famille, l’aide sociale à l’enfance était chargée de les mettre à l’abri. Mais au nez et à la barbe des autorités, ils ont été pris en main par les trafiquants qui les attendaient. Nos révélations, en partenariat avec le collectif Investigative Europe.
Le scénario semble toujours le même. L’enfant vietnamien atterrit à l’aéroport de Roissy accompagné d’un adulte qui se présente comme l’un de ses parents. Une fois les contrôles d’identité passés, ce dernier lui prend ses papiers et l’abandonne dans l’enceinte de l’aéroport. Le petit, qui ne parle pas le français, peut patienter des jours assis sur un siège sans que personne se rende compte de sa présence, parfois jusqu’à s’évanouir de faim. Quand enfin il est remis à la police aux frontières (PAF), il réclame l’asile politique, visiblement les seuls mots qu’on lui a appris à prononcer.
Comme la procédure l’exige – pour toutes les personnes qui se présentent dans les aéroports, les ports et les gares internationales sans titre de séjour –, il est enfermé en « zone d’attente ». Si la justice l’autorise à entrer sur le territoire, le mineur est théoriquement pris en charge par un éducateur de l’Aide sociale à l’enfance (ASE, service du département chargé de protéger les mineurs en danger), censé le conduire en foyer d’urgence, en famille d’accueil ou à l’hôtel. Théoriquement. Car, comme l’a découvert Investigate Europe, à Roissy, personne ne semble venir chercher les enfants libérés. Une prise en charge défaillante qui fait les beaux jours des trafiquants.
« C’est effectivement à nous d’aller les chercher à Roissy, mais nous n’y allons pas, confirme Dominique*, employé de l’ASE de Seine-Saint-Denis, qui a accepté de nous répondre sous le couvert de l’anonymat. Nous sommes saisis par le juge par mail et/ou appelés par la PAF, mais comme nous n’avons plus de standardiste, il n’y a personne pour décrocher » – une assertion que nous avons pu vérifier en tentant d’appeler ce standard fantôme, plusieurs jours durant. « Nous avons chacun entre 100 et 150 dossiers de mineurs étrangers non accompagnés [MNA dans le jargon administratif – ndlr], justifie Sophie*, sa collègue. Il y a seulement 10 éducateurs pour 20 postes ouverts, nous avons fait grève deux fois cette année, tellement la situation est critique… Nous n’avons pas le temps de sortir pour emmener les jeunes à leur rendez-vous à la préfecture, alors aller à Roissy… Impossible. »
[[lire_aussi]]Mais alors, qui est venu chercher les 150 enfants libérés de Roissy au premier trimestre 2019 ? Et avant ? « La PAF les amène ici dans nos bureaux ou directement à l’hôtel, le problème c’est que quand ils les déposent à l’hôtel, on n’est pas forcément au courant qu’ils sont là », répondent gênés les deux agents de l’ASE. La police aux frontières donc, qui n’est pas habilitée « pour des questions d’assurance » à conduire les enfants, pas plus qu’elle n’a le droit de les garder après l’heure de libération fixée par le juge…
Aux yeux de l’Anafé (association qui défend les droits des étrangers aux frontières), il s’agirait de « détention arbitraire ». Et « que se passerait-il s’il y avait un accident de la circulation ? Ou si n’importe quoi arrivait au mineur sur la route ? », demande l’association.
Interrogée sur cette prise en charge irrégulière, la préfecture de Seine-Saint-Denis nous a renvoyés vers la préfecture de police, qui nous a elle-même renvoyés vers le ministère de l’intérieur, qui nous a renvoyés vers le parquet de Bobigny.
Surtout, cette prise en charge défaillante à la sortie de la zone d’attente de Roissy peut avoir des conséquences dramatiques pour la sécurité des mineurs isolés. Notamment pour les enfants vietnamiens qui semblent systématiquement disparaître quelques heures ou quelques jours après leur arrivée sur le sol français.
« Depuis au moins deux ans, une fois installés en foyer ou à l’hôtel, les mineurs vietnamiens arrivés de la zone de Roissy disparaissent, tous, sans exception », témoigne Dominique de l’ASE 93. Sophie ajoute : « Il y a plusieurs mois, j’ai moi-même suivi une jeune fille de 17 ans en foyer d’urgence pour m’assurer qu’elle ne disparaisse pas et ça n’a pas manqué, elle s’est évaporée le lendemain. » « Nous avons fait des dizaines de déclarations de fugue auprès du commissariat de Bobigny, ajoute Dominique. Mais ça ne change rien, on nous donne aucun moyen de les protéger, c’est à chaque fois pareil… »
Des disparitions systématiques qui n’auraient pas été prises au sérieux par la police ? Interrogée, la préfecture de police – dont dépend le commissariat de Bobigny – répond qu’« aucun signalement relatif à ces faits n’a été porté à sa connaissance ». En réalité, même Europol est au courant de ces disparitions d’enfants vietnamiens qui auraient été abandonnés non seulement en France, mais aussi dans plusieurs aéroports de l’UE. « Nous sommes intervenus en appui de plusieurs enquêtes sur le trafic d’enfants vietnamiens vendus dans un objectif de travail, de prostitution, de criminalité ou de mendicité forcés, explique l’agence européenne de police criminelle dans son dernier rapport sur le trafic de mineurs dans l’UE. La majorité des victimes ont été identifiées en France, aux Pays-Bas et en Angleterre. »
Europol explique aussi que les survivant·e·s de ce trafic, enlevé·e·s ou acheté·e·s au Vietnam, ont été briefé·e·s au préalable par les trafiquants sur la procédure à suivre (les déclarations qu’elles devaient faire à la PAF pour demander l’asile, qui elles devaient contacter une fois sur place, le point de rendez-vous après avoir fugué des foyers, etc.). Les experts révèlent aussi que les enfants travaillent pour rembourser la dette de leur voyage (plusieurs dizaines de milliers d’euros) : ils sont réduits en esclavage dans les fermes à cannabis, des bars à ongles, ou travaillent pour des réseaux de prostitution.
Europol n’est pas la seule à avoir publié sur le sujet. Si rien n’est encore sorti dans l’Hexagone sur les ramifications françaises de ce qui ressemble à un véritable réseau de trafic paneuropéen, de récentes enquêtes journalistiques ont pointé des dizaines de disparitions des structures sociales de l’UE. Au moins 60 disparitions des refuges aux Pays-Bas, 32 des foyers de Brandebourg en Allemagne, 44 en Belgique depuis 2017, encore plus aux Royaume-Uni. Ces articles – rédigés pour la plupart par le collectif de journalistes Lost in Europe – suggèrent que l’action des différentes polices européennes, souvent au courant de ces disparitions d’enfants migrants depuis plusieurs années, serait insuffisante. Et en France ?
Interrogée juste avant la pandémie de Covid-19 et le confinement, la procureure de la République de Bobigny (juridiction dont dépend l’aéroport) confirmait à Mediapart que les mineurs vietnamiens « arrivant par Roissy fuguaient systématiquement de leur lieu de placement dans les premières 48 heures après leur sortie de zone d’attente », « vraisemblablement récupérés par des réseaux de traite et contactés par téléphone dès leur sortie de zone d’attente ». Plusieurs enquêtes seraient toutefois en cours ou bouclées, selon Fabienne Klein-Donati : le procès d’une « filière » est attendu « prochainement » (à l’issue d’une instruction ayant mené en 2018 à deux vagues d’interpellations) ; deux dossiers supplémentaires ont été confiés, en 2018 et 2019, à des juges d’instruction ; et « deux enquêtes préliminaires sont en cours depuis juillet 2019 ».
D’après nos informations, les premiers soupçons sont en effet anciens. Une des journalistes néerlandaises d’Argos ayant enquêté sur ces « disparitions » à l’échelle européenne nous a communiqué le réquisitoire prononcé en janvier 2019 lors d’un procès aux Pays-Bas portant sur deux affaires liées à Roissy-Charles-de-Gaulle. On y apprend qu’à la fin 2016 huit enfants libérés de la zone d’attente de l’aéroport français ont été embarqués par des trafiquants : dans une voiture immatriculée aux Pays-Bas pour les uns, en direction de la frontière franco-belge ; dans une planque à Villiers-le-Bel (93) pour les autres, avant de partir pour le même endroit. Les enfants filés par les polices européennes seront retrouvés par la suite dans des fermes de cannabis.
Dans ce document, on apprend que « la police française a détecté un flux de migrants vietnamiens abusant de l’aéroport de Roissy depuis septembre 2016 ». Avant même que Sophie et Dominique, les deux employés de l’Aide sociale à l’enfance 93, ne s’aperçoivent des disparitions. Quelles mesures les autorités françaises ont-elles prises depuis quatre ans pour mettre ces enfants à l’abri ?
« Le parquet a élaboré une solution avec l’ASE 93 et la cellule nationale de répartition des mineurs non accompagnés, affirme la procureure de Bobigny. À leur sortie de zone d’attente, le parquet contacte la cellule pour avoir une orientation éloignée de l’Île-de-France. » Combien d’enfants exactement auraient été « exfiltrés » ainsi ? « Je n’ai pas de chiffres, répond Fabienne Klein-Donati. C’est un traitement au cas par cas. »
Et la magistrate d’ajouter : « Le fait que des mineurs non accompagnés fuguent (quelle que soit leur nationalité) de leur lieu de placement est une réalité quels que soient le lieu et la nature du placement (foyer, famille d’accueil). Compte tenu du manque de places, une partie des mineurs est placée en hôtel et donc la fugue est d’autant plus facile. » Selon elle, « la question principale » serait donc : « pourquoi laisse-t-on le département de la Seine-Saint-Denis seul face à la prise en charge des mineurs non accompagnés qui arrivent en nombre et qui connaissent tous (sans distinction d’origine) d’importants problèmes ? »
Entre 2015 et 2017, au plus fort de la crise des réfugiés, le nombre d’arrivées de MNA a certes augmenté de 147 % en Seine-Saint-Denis ; au 31 décembre 2019, 1 263 enfants étrangers étaient pris en charge par l’ASE, soit 30 % de ses effectifs. Mais début 2020, d’après nos informations, des enfants vietnamiens continuaient de disparaître après leur arrivée à Roissy.

la Préfecture de police de Paris évacue le vaste campement de migrants d’Aubervilliers le 29 juillet

« Mon pays est en guerre, je n’ai pas le choix d’être là » : la Préfecture de police de Paris évacue le vaste campement de migrants d’Aubervilliers

L’opération d’évacuation des migrants, orientés vers différents centres d’hébergement et gymnases d’Ile-de-France, s’est terminée mercredi, peu après 11 heures.

Publié le 29 juillet 2020 à 06h53 – Mis à jour le 29 juillet 2020 à 12h44

 

Durant l’évacuation d’un campement où habitaient des migrants à Aubervilliers, dans le nord de Paris, le 29 juillet.

Les forces de l’ordre ont évacué, mercredi 29 juillet au matin, le vaste campement de migrants situé au bord du canal de Saint-Denis à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) où plus de 1 500 personnes s’étaient progressivement installées ces dernières semaines, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).

L’opération d’évacuation des migrants, qui doivent être orientés vers différents centres d’hébergement et gymnases d’Ile-de-France, a débuté peu après 6 heures, pour se terminer vers 11 heures, selon l’AFP. Le campement de fortune, où plus de 800 tentes étaient installées, était majoritairement constitué d’hommes seuls, originaires de la Corne de l’Afrique ou d’Afghanistan. Beaucoup sont auparavant passés par d’autres campements à Paris, successivement démantelés, mais qui se recréent un peu plus loin, en banlieue nord. La préfecture notamment a invoqué le risque sanitaire pour justifier l’évacuation. 

Les campements se recréent en banlieue nord

« Cette opération est la suite logique de toutes celles que nous avons conduites déjà depuis plusieurs mois », a déclaré à la presse Didier Lallement, le préfet de police de Paris, présent. « Je souhaitais évacuer les campements qui étaient en périphérie de Paris et faire en sorte que sur l’ensemble du secteur de la police de Paris et des trois départements limitrophes, [les migrants] ne se regroupent pas dans des camps », a-t-il ajouté.

Les forces de l’ordre évacuent le campement de migrants à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 29 juillet.

La confusion a régné en début de matinée, a constaté une journaliste de l’AFP, ce qui provoqué des mouvements de foule et obligé la police à filtrer les sorties du campement. « Les gens sont épuisés, pour certains c’est la dixième évacuation, ils savent qu’ils vont se retrouver dans des gymnases, et la moitié va se retrouver dès ce soir à la rue », regrette auprès de l’AFP Silvana Gaeta, du collectif Solidarité Migrants Wilson.

« Ils poussent les migrants hors de Paris et, surtout, hors de la vue des gens, bien cachés, comme cela les gens pensent que tout se passe bien et que les migrants sont bien hébergés et bien pris en charge. Ce qui est faux », évoque la bénévole, qui effectuait des distributions de repas sur le campement.

 

« Sentiment de déjà-vu »

Pour Alalisad, l’évacuation « est incompréhensible ». Ce Somalien de 32 ans en est à sa cinquième expulsion, en cinq années en France. « Je ne comprends pas, ils viennent nous chercher, nous mettent dans des hôtels pendant trois mois et puis après on revient dans la rue. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement français gaspille autant d’argent en nous mettant dans des hôtels au lieu de nous donner un hébergement sur le long terme », a-t-il déclaré à l’AFP, lui qui ne porte pour bagage qu’un sac à dos.

Les associations d’aide aux migrants vivent cette évacuation comme « un sentiment de déjà-vu. Il y a de l’usure, du désespoir, presque cinq ans que cette situation dure. Ce film, on l’a déjà vu. L’Etat est incapable d’accueillir dignement », a aussi dénoncé Louis Barda, coordinateur général de Médecins du monde à Paris.

La nouvelle maire d’Aubervilliers, Karine Franclet (UDI), qui avait écrit au préfet de Seine-Saint-Denis pour réclamer l’évacuation du campement, s’est dite satisfaite de son démantèlement, tout en concédant que « la solution n’est pas pérenne. C’est une problématique qu’il faut régler à l’échelle nationale, mais là il y avait une urgence sanitaire à laquelle il fallait répondre », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Après avoir longuement hésité, Ismaël Fatah s’est résolu à laisser sa tente au bord du canal et attend patiemment d’embarquer dans un bus. « C’est la quatrième fois que je suis dans un camp, la vie est difficile en France, je ne m’attendais pas à cet accueil. Mon pays est en guerre, je n’ai pas le choix d’être là », explique ce jeune père de famille de 29 ans, originaire du Soudan et dont le fils est né en France.

Le Monde

Un article de la Voix du Nord : Deux semaines après les derniers démantèlements à Calais

Après les derniers démantèlements, les migrants et les distributions de repas se réfugient en centre-ville

Ces dernières semaines, de nombreux migrants se tournent vers le centre-ville de Calais et de Coquelles.

La bunkerisation de la zone des Dunes se poursuit

De nouvelles grilles sont en cours d’installation rue des Garennes, zone industrielle des Dunes.

C’est devenu une forteresse. Depuis le grand démantèlement du campement zone industrielle des Dunes, le 10 juillet (500 migrants évacués), des grilles sont en cours d’installation, route de Gravelines, autour du camp rassemblant des Érythréens, et rue des Garennes, près de la station essence Shell. Ce qui complète l’installation de plusieurs kilomètres de grilles et de barbelés depuis plusieurs mois. Résultat : plus aucun terrain n’est disponible hormis le bois Dubrulle, occupé par les migrants, au grand dam des riverains. À noter qu’il sera bientôt démantelé. Pour preuve, l’ordonnance d’expulsion du tribunal affichée sur place ce mercredi. D’ici quelques mois, d’autres grilles pourraient y empêcher l’accès. De quoi rendre difficile la moindre installation de camp dans le secteur, où se trouvent pourtant des points d’eau et l’endroit où la Vie active distribue des repas, rue des Huttes.

Déplacement de migrants vers Coquelles et le centre de Calais

Une vingtaine de migrants dorment contre la façade de Conforama, fermé depuis une semaine.Par conséquent, de nombreux migrants se sont résignés à se rapprocher du centre-ville de Calais, voire plus loin, comme Coquelles. En effet, depuis plusieurs semaines, « il y a effectivement de plus en plus de migrants dans le secteur », assure Olivier Desfachelles, directeur général des services à la ville de Coquelles. Chaque nuit, une vingtaine de migrants dort devant le magasin Conforoma, qui a récemment baissé le rideau. « On a été contacté la semaine dernière par un collectif de commerçants qui s’inquiètent de cette présence qui créerait un sentiment d’insécurité », poursuit le DGS. Une réunion devrait avoir lieu prochainement avec le maire de Coquelles, des services de l’État, de la police nationale et des directeurs de plusieurs enseignes comme Leroy Merlin et Auchan. Pour Olivier Desfachelles, « cet afflux est lié aux derniers démantèlements à Calais et accentué par des distributions de repas menées par une association près de Conforama ». Fin 2019, une présence de migrants, moins importante, avait déjà été observée dans le secteur.

Des distributions de repas en centre-ville

Depuis quelques semaines, tout comme à Coquelles, d’autres distributions sont organisées au centre-ville de Calais, notamment quai du Rhin, près de la gare. Et depuis les deux dernières semaines, des associatifs se disent « débordés » par la demande. Pourtant, depuis 2017, des arrêtés municipaux interdisent les distributions de repas aux migrants en centre-ville de Calais. « Elles restent interdites aux associations, c’est de la provocation, et elles vont à l’encontre de la décision du Conseil d’État en 2017, estime Philippe Mignonet, adjoint chargé de la sécurité. Le préfet a été informé et on attend sa décision face à la situation. »

Des repas et des douches toujours accessibles mais trop éloignés des migrants

Près de 1 200 repas distribués par jour, l’accès à des douches par des navettes, la distribution de bidons d’eau, quatre lieux où l’accès à l’eau est maintenu, zone Marcel-Doret, au Virval, route de Saint-Omer et rue des Huttes… Selon la préfecture de Pas-de-Calais, l’État fait « bien fonctionner » un dispositif humanitaire réservé aux migrants à Calais.

Le dispositif est pourtant dénoncé par des associations d’aide aux migrants. « Oui, les repas et l’eau continuent à être distribués sur deux ou trois sites en ville, mais le problème, c’est la distance », explique une bénévole de l’association Utopia 56. En effet, depuis le 10 juillet et le démantèlement rue des Garennes, le préfet a décidé d’interrompre la distribution rue des Huttes, menée par la Vie active, jusqu’au 2 août, « suite à la forte baisse de la présence migratoire ». Et selon Utopia 56, les migrants se trouvant actuellement au bois Dubrulle, près de la route de Gravelines, doivent marcher plus de 20 minutes pour accéder au point de distribution de repas le plus proche. Par conséquent, l’association propose de la nourriture près du bois Dubrulle et en centre-ville.

Le même problème concerne l’accès aux douches. « Les navettes sont disponibles, certes, mais au départ de l’hôpital, à cinq kilomètres de la route de Gravelines », souligne la bénévole. Un associatif du Secours catholique confirme ces propos. « Certains migrants ne se sont pas lavés depuis deux semaines, surtout des femmes et leurs enfants », ajoute-t-il. Ces dernières, souvent, ne possèdent pas de masques pour prendre un bus et se rendre au point d’eau.

DARIANNA MYSZKA ET A. B.

Calais: ils se font passer pour des policiers et humilient des migrants

Calais: ils se font passer pour des policiers et humilient des migrants

Sous la menace d’une arme, les migrants ont été humiliés par les deux prévenus. PHOTO ARCHIVES JOHAN BEN AZZOUZ

Le 16 mars, à Calais, un groupe d’amis s’est réuni pour une fête. Durant la soirée, les participants apprennent qu’un ami se serait fait agresser par un groupe de migrants et qu’il est à l’hôpital. Dès lors, ils décident de se lancer dans une opération punitive.

À ce titre, un Calaisien de 24 ans revêt un uniforme de policier – le tribunal n’a pas précisé d’où il tenait cette tenue mais il n’exerce pas ce métier. Le prévenu s’arme également d’une chaîne de vélo. Sa compagne, une Calaisienne de 19 ans, s’équipe quant à elle d’une barre de fer et de deux couteaux. Aux abords du canal, ils aperçoivent un groupe de migrants. La jeune fille disant reconnaître un exilé qui l’aurait importunée la veille.

Ils se dirigent vers les migrants et, sous la menace de leurs armes, les obligent à se déshabiller et à sauter dans le canal. Dans le même temps, ils jettent leurs téléphones dans l’eau tandis que la jeune Calaisienne détruit la carte bancaire de demandeur d’asile de l’un des migrants. Aperçus par une patrouille de police, les deux Calaisiens sont interpellés, mis en garde à vue et finalement placés sous contrôle judiciaire. Un contrôle judiciaire qui ne sera pas respecté.

Absents à l’audience du tribunal de Boulogne-sur-Mer, les deux Calaisiens ont été condamnés, l’homme à une peine d’emprisonnement de huit mois, la femme six mois, et ils ont interdiction de porter une arme durant trois ans.

Moi Jeune : «On déménage tout le temps, c’est la galère»

https://www.liberation.fr/france/2020/02/19/la-zep-et-liberation_1778923

 

Six jeunes migrants, tous mineurs et aidés par l’association Utopia 56, racontent leur errance dans le nord de Paris, leur quotidien, et leur désarroi.

En publiant ces témoignages, Libération poursuit son aventure éditoriale avec la Zone d’expression prioritaire, média participatif qui donne à entendre la parole des jeunes dans toute leur diversité et sur tous les sujets qui les concernent. Ces récits de jeunes migrants installés dans le nord de Paris, entre la Porte de la Chapelle et la Porte d’Aubervilliers, que nous publions aujourd’hui, ont été élaborés lors d’ateliers d’écriture organisés par la ZEP en partenariat avec Utopia 56, une association d’aide aux exilés et notamment aux mineur·e·s non accompagné·e·s.

«Je suis dehors depuis mars 2019. Ça fait cinq jours que je vis dans une caravane, à Porte dorée. Dans cinq jours, je devrai partir, je ne sais pas où, à Porte d’Aubervilliers encore. Quand tu déménages tout le temps, t’es tout le temps en galère. Ici, en France, on n’est rien. Je ne peux compter que sur des associations comme Utopia 56 et les Midis du MIE. Je suis arrivé en décembre 2018, du Mali. Pendant trois semaines, j’ai dormi à côté d’un pont. Puis la police est venue ramasser tout le monde. Après deux mois en foyer, j’ai reçu un courrier qui m’a dit que les mineurs ne peuvent pas rester dans les foyers de majeurs.

Mamadou, 17 ans : «Ici en France, on n’est rien»

«J’ai rencontré un monsieur dans la rue. Il m’a accompagné jusqu’à Rosa-Parks pour me montrer Utopia. Utopia m’a donné la tente. Ils m’ont installé derrière leur local. Il y avait beaucoup de personnes mineures. Il n’y avait pas de bruit, pas de problèmes, on était tranquilles. Je laissais mon sac, on me le volait pas. On pouvait demander beaucoup de choses à Utopia : du shampooing, des chaussures, de l’habillement… Mais la police y a pris mes affaires trois fois. La première fois, elle a pris ma tente ; dedans, il y avait mon téléphone et le Coran. Trois semaines après, elle est venue pour les prendre encore. La troisième fois, c’était pour le changement de camp. Ça faisait trois mois qu’on était là. On est partis s’installer deux semaines à Porte d’Aubervilliers, mais ça n’allait plus du tout. On m’y a volé mon téléphone trois fois. Là-bas, c’est tous des majeurs. On trouvait pas de place. Il y avait un petit coin, tout le monde y pissait. On nous a dit que si on s’y installait, ils iraient quand même. Et la nuit, tout le monde est venu pour pisser là où on dormait. On n’avait pas de place pour mettre nos sacs, on les portait tous les jours, on était fatigués.

«Du coup, Agathe, des Midis du MIE, nous a amenés à Porte dorée. C’est mieux, il n’y a pas de vols, mais c’est loin d’Utopia : une heure avec le métro. Je sais pas comment trouver un foyer. Utopia m’a pas parlé de foyer. Ils m’ont dit d’aller à MSF, qui m’a donné la convocation du juge pour le test des os. Si tu n’es pas reconnu mineur, tu attends, dehors. Je resterai là jusqu’à la réponse du juge. J’ai fait le test le 4 novembre et MSF m’a dit d’attendre deux, trois mois. Mais ça fait un an que je suis là déjà. On perd beaucoup de temps, on n’a pas d’école, on fait rien. Je suis fatigué de tout ça. Si on me donne la réponse quand j’aurai 18 ans, je ne sais pas ce qu’ils vont me dire, ce qui va se passer.»

«Dès que je me réveille, il faut être rapide. Je me lève vers 6 ou 7 heures, si j’ai un rendez-vous ou pas. J’ai à peine le temps de me brosser les dents que je dois déjà partir. J’habite dans un campement à Porte d’Aubervilliers et j’ai quarante minutes de marche pour aller à Stalingrad et prendre mon petit-déjeuner. Si j’arrive en retard, il y a moins de choses à manger car beaucoup d’autres personnes viennent se nourrir comme moi. Parfois il reste que du café ou du thé, et il n’y a plus de pain quand j’arrive. Du coup, j’ai faim jusqu’à midi.

«Après, je dois vite partir parce que j’ai trente minutes de marche pour rejoindre Belleville. C’est là-bas que je vais me laver, le problème, c’est qu’il y a beaucoup de queue. On est entre 50 et 60 personnes pour deux douches. Ça m’arrive de ne pas me laver pendant trois ou quatre jours parce que j’arrive en retard. Et parfois, je dois choisir entre me doucher et manger. On doit arriver avant 11 h 30, sinon on peut plus y aller. Souvent je dois bien attendre trente minutes avant de pouvoir passer sous l’eau. Je n’ai que cinq minutes pour me laver parce que d’autres attendent leur tour. Si jamais on met plus de huit minutes, on vient taper sur la porte pour nous dire que c’est terminé et qu’il faut sortir.

«Ensuite, direction Couronnes, pour aller manger à l’association les Midis du MIE. Heureusement, c’est qu’à cinq minutes à pieds. Là-bas, y a toujours les mêmes 50-60 mineurs. Je trouve toujours à manger, mais c’est encore la queue. Si on arrive après 14 heures, on nous dit : «Désolé, c’est fini.» Je me dépêche pour aller à la bibliothèque à Porte de la Villette pour pouvoir brancher mon téléphone sur une prise, parce que parfois on doit attendre deux heures. Je pars vers 17 heures pour aller manger à Porte de la Villette. On peut y aller à partir de 18 heures. Je suis fatigué d’attendre, il y a encore la queue. J’ai trente minutes de marche pour retourner à Porte d’Aubervilliers. A 19 heures, on se rejoint à Rosa-Parks pour discuter, et vers 20 heures on va chercher nos tentes à Utopia. Si on vient après 22 heures, on peut plus avoir de tente. Je mets vingt minutes à monter ma tente. Vers 22 h 30, je peux enfin dormir. Mais demain, ça recommence.»

Sidibé, 16 ans : «C’est le téléphone qui gère mes affaires»

«C’est impossible de vivre sans téléphone, parce que c’est le téléphone qui gère mes affaires. Je peux pas contacter les assos ou être hébergé sans téléphone. C’est important parce que ce sont les assos qui m’aident. Il y a Utopia 56 qui t’accompagne à MSF si tu connais pas, MSF pour les démarches, les Midis du MIE qui donne la nourriture, des vêtements aux ados, et dit s’il y a un spectacle de cirque. Et Timmy pour les cours de français. Timmy, ils m’appellent pour me dire quand il y a des cours ou quand j’ai pas pu y aller. MSF, ils m’appellent s’il y a un rendez-vous : ils m’ont appelé trois fois pour les démarches sur ma minorité. Les Midis du MIE m’appellent pour que je sois hébergé deux jours, trois jours… parce qu’en ce moment, je dors dans la rue. Le téléphone, c’est aussi important pour le GPS, si une asso me donne une adresse où je dois aller. Et puis si je tombe malade, faut que j’appelle le médecin. Sinon, comment je vais faire ? C’est arrivé à un ami, il a dû appeler les urgences. Autre exemple : une personne d’Utopia est venue nous dire que les policiers vont venir Porte d’Aubervilliers, et comme ça on peut prévenir par téléphone les autres qui dorment là-bas.

«Mais avec la langue, c’est compliqué. Le français, c’est pas facile. Quand on m’appelle, je passe le téléphone à quelqu’un d’autre pour qu’il traduise. Il y a toujours un ami avec moi qui peut traduire du bambara ou du soninké en français. Ça m’est déjà arrivé d’être seul et c’était compliqué, parce que je savais pas quoi dire. Quand je comprends pas qui parle, je raccroche. Je vais voir un ami, je bippe le numéro, ils me rappellent et je passe le téléphone à mon ami. Mon téléphone, je l’ai depuis l’Espagne, mais j’ai une puce française. Avec les habits, la puce de téléphone c’est la première chose qu’on m’a donnée quand je suis arrivé en France.»

Niaraga, 16 ans : «Le froid m’empêchait complètement de dormir, toutes les nuits ça me réveillait»

«Depuis mon arrivée en France en juin 2019 jusqu’en novembre, j’ai dormi dehors. En septembre, octobre, le plus fatigant, c’était le froid. Parfois, ça m’empêchait complètement de dormir. Toutes les nuits, ça me réveillait. Pour se réchauffer, on se collait avec mon ami et on mettait des couvertures sur nous. C’était une couverture par personne. C’est Utopia 56 qui donne les couvertures. Ils donnent aussi des tentes, des chaussettes. J’ai demandé des pulls, mais il n’y en avait pas. Mon manteau, c’est une dame de [l’association] les Midis du MIE qui me l’a donné. Je dormais Porte d’Aubervilliers. Toutes les deux ou trois semaines, la police nous demandait de nous en aller. On était obligés de prendre et remettre nos affaires à chaque fois. Je me suis déplacé dans deux foyers, mais ils disaient qu’il y avait pas de place. Le froid, ça me fatiguait tellement que parfois je dormais pendant les cours de français, parce que j’avais pas dormi et que j’arrivais pas à me concentrer. C’était difficile, mais j’ai tellement envie de parler français que ça m’a donné du courage. «Manger, c’est dehors aussi… à Porte de la Villette, ou à Couronnes, au jardin. Mais on y trouve du café, du thé. Maintenant, ça va mieux car depuis novembre je suis dans une caravane à Porte dorée, mais on sait jamais. C’est Agathe, des Midis du MIE, qui m’y a logé. Dedans, il fait chaud, il y a le chauffage. Je dors bien, je suis tranquille. C’est trop bien.

«Hier, il pleuvait et j’ai pu rester toute la journée dans la caravane à boire du thé, du jus, du lait, à manger des biscuits et des bananes. Il y a un salon avec deux lits dedans. Mais si je trouvais une maison, on serait mieux, parce que c’est dans un champ, à un kilomètre du métro. C’est loin parce qu’on marche déjà beaucoup toute la journée. Quand je vais à la bibliothèque pour me réchauffer, je parle sur Facebook avec mes amis et ma famille qui sont au Mali. Je leur dis pas que j’ai dormi dehors et que maintenant je dors dans une caravane. Ils sont déjà inquiets pour moi, et si je leur dis, ils vont se faire trop de souci. Si pour un parent, son enfant dort dehors, il va plus dormir lui non plus.»

Fofana, 16 ans : «Ça m’arrive de ne pas me laver pendant trois jours, parfois je dois choisir entre me doucher et manger»

«Je suis dehors depuis mars 2019. Ça fait cinq jours que je vis dans une caravane, à Porte dorée. Dans cinq jours, je devrai partir, je ne sais pas où, à Porte d’Aubervilliers encore. Quand tu déménages tout le temps, t’es tout le temps en galère. Ici, en France, on n’est rien. Je ne peux compter que sur des associations comme Utopia 56 et les Midis du MIE. Je suis arrivé en décembre 2018, du Mali. Pendant trois semaines, j’ai dormi à côté d’un pont. Puis la police est venue ramasser tout le monde. Après deux mois en foyer, j’ai reçu un courrier qui m’a dit que les mineurs ne peuvent pas rester dans les foyers de majeurs.

«J’ai rencontré un monsieur dans la rue. Il m’a accompagné jusqu’à Rosa-Parks pour me montrer Utopia. Utopia m’a donné la tente. Ils m’ont installé derrière leur local. Il y avait beaucoup de personnes mineures. Il n’y avait pas de bruit, pas de problèmes, on était tranquilles. Je laissais mon sac, on me le volait pas. On pouvait demander beaucoup de choses à Utopia : du shampooing, des chaussures, de l’habillement… Mais la police y a pris mes affaires trois fois. La première fois, elle a pris ma tente ; dedans, il y avait mon téléphone et le Coran. Trois semaines après, elle est venue pour les prendre encore. La troisième fois, c’était pour le changement de camp. Ça faisait trois mois qu’on était là. On est partis s’installer deux semaines à Porte d’Aubervilliers, mais ça n’allait plus du tout. On m’y a volé mon téléphone trois fois. Là-bas, c’est tous des majeurs. On trouvait pas de place. Il y avait un petit coin, tout le monde y pissait. On nous a dit que si on s’y installait, ils iraient quand même. Et la nuit, tout le monde est venu pour pisser là où on dormait. On n’avait pas de place pour mettre nos sacs, on les portait tous les jours, on était fatigués.

«Du coup, Agathe, des Midis du MIE, nous a amenés à Porte dorée. C’est mieux, il n’y a pas de vols, mais c’est loin d’Utopia : une heure avec le métro. Je sais pas comment trouver un foyer. Utopia m’a pas parlé de foyer. Ils m’ont dit d’aller à MSF, qui m’a donné la convocation du juge pour le test des os. Si tu n’es pas reconnu mineur, tu attends, dehors. Je resterai là jusqu’à la réponse du juge. J’ai fait le test le 4 novembre et MSF m’a dit d’attendre deux, trois mois. Mais ça fait un an que je suis là déjà. On perd beaucoup de temps, on n’a pas d’école, on fait rien. Je suis fatigué de tout ça. Si on me donne la réponse quand j’aurai 18 ans, je ne sais pas ce qu’ils vont me dire, ce qui va se passer.»

«Dès que je me réveille, il faut être rapide. Je me lève vers 6 ou 7 heures, si j’ai un rendez-vous ou pas. J’ai à peine le temps de me brosser les dents que je dois déjà partir. J’habite dans un campement à Porte d’Aubervilliers et j’ai quarante minutes de marche pour aller à Stalingrad et prendre mon petit-déjeuner. Si j’arrive en retard, il y a moins de choses à manger car beaucoup d’autres personnes viennent se nourrir comme moi. Parfois il reste que du café ou du thé, et il n’y a plus de pain quand j’arrive. Du coup, j’ai faim jusqu’à midi.

«Après, je dois vite partir parce que j’ai trente minutes de marche pour rejoindre Belleville. C’est là-bas que je vais me laver, le problème, c’est qu’il y a beaucoup de queue. On est entre 50 et 60 personnes pour deux douches. Ça m’arrive de ne pas me laver pendant trois ou quatre jours parce que j’arrive en retard. Et parfois, je dois choisir entre me doucher et manger. On doit arriver avant 11 h 30, sinon on peut plus y aller. Souvent je dois bien attendre trente minutes avant de pouvoir passer sous l’eau. Je n’ai que cinq minutes pour me laver parce que d’autres attendent leur tour. Si jamais on met plus de huit minutes, on vient taper sur la porte pour nous dire que c’est terminé et qu’il faut sortir.

«Ensuite, direction Couronnes, pour aller manger à l’association les Midis du MIE. Heureusement, c’est qu’à cinq minutes à pieds. Là-bas, y a toujours les mêmes 50-60 mineurs. Je trouve toujours à manger, mais c’est encore la queue. Si on arrive après 14 heures, on nous dit : «Désolé, c’est fini.» Je me dépêche pour aller à la bibliothèque à Porte de la Villette pour pouvoir brancher mon téléphone sur une prise, parce que parfois on doit attendre deux heures. Je pars vers 17 heures pour aller manger à Porte de la Villette. On peut y aller à partir de 18 heures. Je suis fatigué d’attendre, il y a encore la queue. J’ai trente minutes de marche pour retourner à Porte d’Aubervilliers. A 19 heures, on se rejoint à Rosa-Parks pour discuter, et vers 20 heures on va chercher nos tentes à Utopia. Si on vient après 22 heures, on peut plus avoir de tente. Je mets vingt minutes à monter ma tente. Vers 22 h 30, je peux enfin dormir. Mais demain, ça recommence.»

Traoré, 17 ans : «La bibliothèque c’est pas la rue, y a de la sécurité»

«Depuis le mois d’août, je suis à Paris. Je suis arrivé du Mali, je ne savais pas comment faire, où aller. Alors depuis, je suis à la rue. Vivre comme ça, c’est des journées compliquées, alors je passe beaucoup de temps à la bibliothèque. On reste là-bas pour se mettre au chaud, parce que dehors, en ce moment, il fait froid, y a beaucoup de pluie. La bibliothèque où je vais, à Porte de la Villette, est grande. On y va à plusieurs, les gens de la bibliothèque sont gentils. Y a beaucoup de livres et d’ordinateurs. Moi, je me pose sur les chaises parce que c’est là qu’il y a les chargeurs. Pour aller sur l’ordinateur, il faut s’inscrire avec une pièce d’identité. Mais moi, j’ai mon téléphone et y a du wi-fi gratuit. Je branche mon téléphone et après, soit je lis un livre soit je regarde un film. Un livre, comme ça, n’importe lequel, juste pour m’entraîner. Ou j’écoute de la musique : du rap français ou malien !

«J’y reste longtemps, parfois cinq heures, de 13 heures à 18 heures. Entre les deux repas que je vais récupérer à une association. La bibliothèque, c’est pas la rue, c’est calme, y a de la sécurité. Alors que dehors, là où je dors à Porte d’Aubervilliers, c’est difficile. Je dors pas bien parce que c’est dur, y a du bruit, je pense aux voleurs et à la police. Dans la rue, y a tout, même de la violence. Au moindre bruit, je me réveille. Si c’est pas la bibliothèque, je vais métro Couronnes pour les cours de français ou au jardin pour jouer au foot. Tout ça, c’est pour passer le temps ou me faire plaisir. Tout ça en attendant le juge. J’attends sa réponse pour que ça change, mais je crois qu’il m’a oublié. J’attends un rendez-vous juridique. Tout ça pour montrer que j’ai 17 ans.»

ZEP Zone d’expression prioritaire Dessin James Albon

Newsletter °42

LE JOURNAL HORS LES JUNGLES
n°42 //10 juillet 2020

La lettre d’info de la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
Réseau d’associations intervenant dans les camps d’exilé.e.s de passage
du Nord de la France et du littoral de la Manche

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Infos des lieux de vie

  • A Calais, les nouvelles arrivées se multiplient ces dernières semaines, avec une réponse toujours aussi inadaptée et indigne des pouvoirs publics et peu de leçons tirées de la période de crise pandémique a priori. Le harcèlement policier se poursuit avec des expulsions tous les 2 jours sur les différents campements, mais aussi des interventions répétées ces derniers temps de la Police aux Frontières au niveau de la gare de Calais, ou à l’intérieur des bus de ville. Les associations présentes s’alarment également des conditions sanitaires et d’assainissement désastreuses dans lesquelles se retrouvent les personnes, alors que la collecte des déchets n’est pas prise en charge sur la plupart des lieux de vie.

A Grande-Synthe, les quelques douches et toilettes installés en avril dernier, ainsi que la citerne d’eau mise en place au début de la crise pandémique, ont été retirés le 3 juin, laissant ainsi plus de 400 personnes sans aucun accès à l’hygiène, et avec un accès à un unique point d’eau, en dehors du site de La Linière désormais clôturé. Les différentes expulsions des lieux de vie menées ces derniers mois maintiennent par ailleurs les personnes dispersées, ce qui les fragilisent d’autant plus dans leur accès aux services et dans leur capacité à faire respecter leurs droits. Découvrez ici le communiqué de presse inter-associatif du 24 juin réclamant à la mairie et la préfecture le rétablissement d’un accès à l’eau et à l’hygiène. Pour en savoir plus, vous pouvez aussi lire cet article d’InfoMigrants en date du 16 juin.

Le bagage précieux d’un voyageur iranien désireux de partir en Angleterre. Il ne sait pas nager.

  • A Ouistreham, après avoir été mises à l’abri du fait de la pandémie à Tailleville et prises en charge par la Croix Rouge et ses bénévoles, une bonne partie des soixante personnes hébergées a souhaité revenir à Ouistreham. Une 1ère tentative le 11 mai s’est soldée, après le déploiement de nombreuses forces de l’ordre, par un retour contraint à Tailleville. Depuis, le centre d’hébergement s’est de fait vidé, et les personnes exilées se retrouvent dans une situation encore plus précaire qu’avant : Le rond-point de l’entrée de ville où était leur campement a été rendu inaccessible par de nombreuses pierres, et les contrôles d’identité non justifiés, arrestations, harcèlement et enfermements en CRA se multiplient. Le 5 juin, une quinzaine de personnes exilées étaient ainsi présentes devant la gendarmerie pour demander la libération d’une des leurs. Les brigades mobiles sont intervenues de manière virulente. Le 6 juin, une manifestation d’une centaine de personnes s’est tenue pour dénoncer ces pratiques policières. Voir le reportage de France 3 à ce sujet ici.
  • Du côté de Norrent Fontes : 6 personnes vivent sur le campement de Quernes désormais, sans accès aux douches et épuisées par des contrôles policiers intensifiés sur le parking. A Saint Hilaire Cottes, les personnes continuent de survivre dans les fossés. A Fouquière les Béthune, ce sont des visites fréquentes de la police sur le campement, avec prises de photos et de l’identité des personnes. On leur avait promis de venir les rechercher la semaine dernière pour « les mettre à l’abri à Calais » mais finalement rien ne s’est produit. Pas plus d’accès aux douches ici. Au pradha de nombreuses personnes sont passées en procédure normale du fait de la crise pandémique et du confinement, d’autres ont obtenu la protection subsidiaire ou le titre de réfugié.e pour 10 ans. Cependant, la préfecture a demandé à un couple dont la femme doit accoucher en septembre de repartir en Italie. Les activités d’aide ou de sensibilisation sont plutôt à l’arrêt à cause de l’épidémie. Tout devrait reprendre en septembre…
  • A Lille, depuis la crise sanitaire, les difficultés d’hébergement se sont aggravées, touchant en premier les personnes les plus vulnérables, les isolant et les précarisant encore plus, que ce soit dans les résidences universitaires du CROUS , dans les hébergements d’urgence liés à la trêve hivernale gérés par les services du 115 ou pour les locataires précaires. Ce 10 juillet, c’est la fin de la trêve hivernale. Le collectif des Olieux témoigne de quelques situations à Lille et dans ses environs.
  • A Paris, Dans la nuit du 30 juin, un campement abritant une centaine d’adolescents s’est installé dans le 11e arrondissement de Paris, square Jules Ferry. Comme de nombreux autres, les adolescents qui occupent ce campement sont en recours auprès de juges pour enfants d’Ile-de-France pour faire valoir leurs droits à une protection par l’Aide Sociale à l’Enfance. Cette protection leur a été refusée à l’issue de premiers entretiens menés par les départements. Plus d’informations avec Médecins Sans Frontières.

[#NeLesLaissezPasAlaRue] Mobilisez-vous pour les mineurs isolés étrangers

Infos des assos

  • A Dunkerque, en écho aux mobilisations entourant le meurtre de Georges Floyd aux États-Unis par la police, et à l’invitation de la Ligue des Droits de l’Homme locale notamment, plusieurs associations du réseau ont participé à un rassemblement le 9 juin dernier, en y dénonçant notamment le harcèlement et les violences subies par les personnes exilées présentes sur le territoire.

Crédits : Newsletter de Salam, Sabine Donnaint

  • A Cherbourg, la vie d’Itinérance reprend doucement. Claudie, membre et ancienne présidente de l’association, nous donne des nouvelles : « depuis quelques années le CA d’Itinérance était réduit à sa plus simple expression. Après le décès tragique de Jean Dussine, nous avons mis en place une coordination pour gérer les problèmes urgents. Cette coordination est composée des présidents historiques d’Itinérance et des différents responsables de commissions. Une assemblée générale extraordinaire aura lieu le 2 juillet afin que nous puissions élire un CA avant l’été. Les cours de français ont repris en s’adaptant aux conditions sanitaires avec maintien des gestes barrières. Les cours ont lieu en extérieur. Les bénévoles, venu.e.s en nombre, ont dû parfois repartir faute de candidat.e.s. Depuis plusieurs années, Josiane met en place des conversations d’été pour les migrant.e.s qui le souhaitent. Elles auront lieu cette année tous les lundis en extérieur. Le mois de juillet verra la sortie de nombreuses personnes des dispositifs d’hébergement. Nous sommes très inquiet.e.s de la situation de ces personnes qui vont se retrouver à la rue dans une totale précarité en pleine période estivale où nous savons les bénévoles moins présent.e.s »
  • Itinérance Dieppe, un bilan 2019 en quelques chiffres : 350 heures de permanences ont été réalisées pour le suivi des personnes exilées au local de l’association, réparties en 140 permanences qui ont connu une fréquentation de 450 personnes. 300 repas ont été confectionnés par les exilés eux-mêmes et pris au local. 20 000 km ont été parcourus par les bénévoles de l’association avec leurs propres véhicules. 300 nuitées d’hébergement solidaire et 750 nuitées pour les exilés mineurs ont été assurées par des familles et personnes bénévoles. 35 permanences juridiques ont été organisées au local. 1300 heures de cours de français ont été dispensés, via notre réseau d’une dizaine de bénévoles enseignants. 20 jeunes majeurs ont bénéficié d’un soutien logistique pour l’autonomisation et le suivi en appartements.
  • Une journée solidaire au profit de Salam, le 26 juillet à Steenwerck : au programme : table ronde, lecture de textes kurdes, conférence gesticulée sur l’immigration par Christine Almeida, concerts. Plus de renseignements ici.

Infos de la PSM

  • La PSM est partenaire de diffusion du livre « Villes ouvertes, villes accueillantes », co-écrit par Cyrille Hanappe et Élise Al Neimi. On aura plusieurs exemplaires à distribuer gratuitement et, pourquoi pas, à faire connaître aux équipes municipales des différentes villes où sont présents des campements de personnes exilées… On vous tient au courant !

Envie d’agir

  • Été solidaire dans le Briançonnais. Cet été, Tous Migrants vous propose des rencontres en montagne, à la frontière franco-italienne, en fraternité avec les personnes exilées : grands bivouacs festifs, randonnées commentées, veillées bavardes au coin du feu. L’objectif : que la montagne ne devienne pas seulement une zone militarisée, un cimetière, mais reste le lieu de rencontres et de temps festifs. Tous les détails sur ce flyer

Belles échappées

  • « Migrants », un album de Issa Wanatabe : un album sans parole qui peut toucher tous les publics pour représenter le drame et l’espoir des migrations.

  • L’Odyssée d’Hakim est une série de bande dessinée documentaire écrite, dessinée et mise en couleur par Fabien Toulmé. Il s’agit du témoignage d’Hakim, réfugié syrien, qui a fui son pays en guerre et qui a traversé plusieurs régions avant de parvenir en France. Le 3ème tome racontant la 3ème partie de son voyage vient de sortir.

En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques

  • Un nouvel et dernier rebondissement dans l’affaire Martine Landry : à moins de 24 heures de l’audience, le Parquet d’Aix en Provence se désiste. La relaxe de Martine est donc définitive. Pour rappel, Martine Landry était poursuivie depuis près de 3 ans pour délit d’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire français de deux mineurs isolés étrangers. Portrait de cette militante de 75 ans.
  • Un guide d’informations pour les personnes exilées édité par l’association WAZIMAT fournit sur Paris les informations nécessaires pour débuter les démarches, avec les adresses, les horaires, et plein de conseils utiles pour la vie quotidienne. Mis à jour chaque mois, il est disponible en français, anglais, arabe et pachto. Il est téléchargeable ici sur le nouveau site internet de l’association. Pour Calais et Grande-Synthe, c’est l’association Refugee Info Bus qui actualise régulièrement un guide des différents services et activités auxquels peuvent avoir accès les personnes exilées. Tout est en ligne ici !
  • Des vidéos filmées à Calais ont permis de blanchir un bénévole accusé de violence envers des policiers.  » Les images paraîtraient presque anodines en comparaison des nombreuses vidéos de violences policières diffusées ces derniers mois. Mais les trois courtes séquences sont lourdes de conséquences : elles ont permis à la justice de blanchir un bénévole de Calais (Pas-de-Calais), injustement accusé de violence et d’outrage envers des policiers. Et elles valent désormais à trois CRS d’être renvoyés devant la justice, l’un pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, et les trois pour faux en écriture publique. » Retrouvez ici l’article paru dans Le Monde.
  • La police aux frontières anglaise recommence à prendre les empreintes des migrants à Calais. Le ministère de l’Intérieur britannique impose à ses agents de la police aux frontières se trouvant dans la région de Calais, en France, de relever les empreintes digitales des personnes exilées interceptées lors d’une tentative de traversée de la Manche. Le but est de pouvoir les expulser plus facilement si elles parviennent à rejoindre l’Angleterre. Lire la suite sur InfoMigrants.

Pour comprendre / pour cogiter

  • Accueil des personnes migrantes : les municipalités ont le pouvoir d’agir. Au lendemain du second tour des élections municipales, La Cimade appelle les villes à agir en faveur du respect des droits fondamentaux des personnes migrantes. A lire ici
  • 5 propositions de la Cimade pour la régularisation large et durable des personnes sans-papiers. Elle demande de refondre profondément les politiques migratoires pour tendre vers la liberté de circulation et d’installation dans une dynamique d’égalité des droits entre toutes et tous, indépendamment du statut ou de la nationalité. A lire ici

Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
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Travailleurs sans papiers : vingt-quatre heures avec les « premiers de corvée »

 

Par  Julia Pascual et  Camille Millerand
Nettoyage, sécurité, aide à la personne… La crise sanitaire a mis en lumière l’importance de secteurs qui ont recours à une main-d’œuvre sans papiers. Des appels à manifester pour leur régularisation ont été lancés pour ce samedi.
La crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a révélé l’importance « des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », a déclaré le président de la République, Emmanuel Macron, le 13 avril. Parmi ces agents de caisse, de nettoyage ou de sécurité, ces éboueurs ou aides à domicile, se trouvent de nombreux travailleurs étrangers sans papiers. Pour les raconter, Le Monde a reconstitué vingt-quatre heures dans la vie de l’économie française, au contact de ces « premiers de corvée ».

• 5 h 45

Abdoul (prénom modifié), ripeur intérimaire, emprunte un bus de nuit pour se rendre au travail.
Abdoul (prénom modifié), ripeur intérimaire, emprunte un bus de nuit pour se rendre au travail. CAMILLE MILLERAND / DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
La nuit est encore dense et, dans le métro, les premiers travailleurs de l’aube s’engouffrent. Abdoul (le prénom a été modifié) est de ceux-là. Ce Malien de 26 ans commence à 8 heures, mais, pour rejoindre l’usine de traitement des ordures ménagères pour laquelle il travaille, dans le sud de l’Ile-de-France, il doit prendre un métro, un RER et un bus, soit un peu plus d’une heure et demie de transport. Abdoul est « ripeur », ainsi qu’on nomme les éboueurs juchés à l’arrière des camions-bennes. Chaque jour, durant sa tournée, avec les deux collègues qui forment son équipe, il ramasse et charge une vingtaine de tonnes de déchets.

Pendant le confinement, Abdoul effectuait quarante heures par semaine. Le jeune homme fait partie de ces travailleurs restés au front au plus fort de l’épidémie. Chaque jour, il recevait un SMS de son employeur. « 5 heures demain matin, merci » ; « 8 heures demain matin, merci »… « Oui, chef », répond Abdoul sans varier. Ce boulot, c’est sa survie, sa planche de salut.

Uniforme d’Abdoul (prénom modifié), ripeur intériméraire depuis un an.
Uniforme d’Abdoul (prénom modifié), ripeur intériméraire depuis un an. Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
Bus de nuit emprunté par Abdoul (prénom modifié), ripeur intérimaire, pour se rendre au travail. Il doit prévoir 1 h 30 de transport en commun.
Bus de nuit emprunté par Abdoul (prénom modifié), ripeur intérimaire, pour se rendre au travail. Il doit prévoir 1 h 30 de transport en commun. Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
Abdoul est sans papiers. « Si t’as pas le truc, t’es dans la merde. » Le truc, c’est la façon pudique qu’il a de désigner le titre de séjour, le sésame pour une vie en règle. Après une année de galère, à dépendre des billets de 20 euros que les Maliens du foyer où il vit voulaient bien lui céder, Abdoul a réussi à trouver du travail, en utilisant les papiers d’un autre. On appelle ça « travailler sous alias », une méthode classique pour ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter un faux document d’identité. Abdoul pense que son employeur n’est pas dupe mais, dans le non-dit qui prévaut entre eux, chacun trouve son compte.

• 7 heures

Ousmane (le prénom a été modifié) arrive parmi les premiers ouvriers sur le chantier. Depuis trois ans, ce Sénégalais de 38 ans s’accommode d’une vie dans les interstices de la légalité. « Si tu n’as pas de papiers, tu n’es pas tranquille, reconnaît-il toutefois. Tu n’as pas de maison, tu ne peux pas circuler parce que tu as peur en cas de contrôle, tu n’as pas de carte Vitale, donc, quand tu es malade, tu ne peux pas être en arrêt… »

Ousmane travaille pour le sous-traitant d’une des plus grosses entreprises de construction française, spécialisé dans la propreté. Sur des chantiers d’Ile-de-France, il fait « tout », résume-t-il. Du ramassage de gravats à la désinfection de préfabriqués, en passant par le nettoyage de sanitaires ou encore le démontage d’échafaudages. « Parfois, on nous demande même de faire du béton », dit-il. Une vie dure, loin de son fils de 15 ans, resté au Sénégal, et marquée par des fins de mois à découvert. Mais Ousmane prend son mal en patience, dans l’espoir d’une régularisation future. « Quand j’aurai le titre de séjour, dit-il, j’irai visiter la France, je passerai mon permis de conduire et le permis de cariste. »

• 8 heures

Ousmane (prénom modifié), sénégalais, 38 ans, vit en France depuis trois ans. Il est agent de nettoyage sur des chantiers de BTP en Ile-de-France.
Ousmane (prénom modifié), sénégalais, 38 ans, vit en France depuis trois ans. Il est agent de nettoyage sur des chantiers de BTP en Ile-de-France. Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
D’ordinaire, à cette heure-ci, Lassana Soumare termine sa première vacation du jour. Jusqu’au 1er mai, il faisait le ménage dans une mairie d’arrondissement tôt le matin et, le soir, il rempilait pour quelques heures dans un grand hôpital parisien. La crise sanitaire a été une période chargée pour ce Malien de 35 ans, arrivé en France en 2014.

Mais, le 1er mai, son patron a mis fin à presque deux ans et demi de collaboration. Sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), délivrée après un contrôle d’identité, Lassana Soumare avait dû lui révéler sa situation et lui demander une promesse d’embauche pour essayer de contester la mesure administrative devant le tribunal. Résultat : l’employeur ne veut plus prendre le risque de le faire travailler tant qu’il n’est pas régularisé.

Pour se nourrir, Lassana Soumare dépend aujourd’hui des dons de l’Armée du salut. Et du 115 pour ne pas dormir dans la rue. Hébergé dans un centre du 10e arrondissement de Paris, il partage une chambre avec trois autres personnes . « Ce sont des gens ramassés dans la rue, ça change tout le temps. » Début juin, le test qu’il a effectué s’est révélé positif au SARS-CoV-2.

• 10 heures

Mamadou Nassokho, sénégalais, 26 ans, est livreur Frichti. Ici, lors d’une mobilisation devant le site Arago de la plate-forme, pour demander une régularisation, à Paris (14e).
Mamadou Nassokho, sénégalais, 26 ans, est livreur Frichti. Ici, lors d’une mobilisation devant le site Arago de la plate-forme, pour demander une régularisation, à Paris (14e). Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
Ils sont une dizaine au moins, rassemblés devant un « hub » de Frichti, l’enseigne de préparation et de livraison de repas, dans le 14e arrondissement. Ils y resteront la journée. Tous réclament leur régularisation, lors d’un mouvement social inédit dans le secteur de la livraison. Plus de deux cents livreurs Frichti y participent. Originaires de Côte-d’Ivoire, du Burkina Faso, de Guinée, du Sénégal ou du Cameroun, ils ont été recrutés comme autoentrepreneurs, souvent sur simple présentation de leur passeport. « Pendant le confinement, on a tous travaillé », assurent-ils.

Mamadou Nassokho, sénégalais, 26 ans, livreur pour la plate-forme Frichti.
Mamadou Nassokho, sénégalais, 26 ans, livreur pour la plate-forme Frichti. Camille Millerand /Divergence pour « Le Monde »
Mamadou Nassokho, Sénégalais de 26 ans, est l’un d’eux. Depuis mars 2019, à raison d’une cinquantaine de kilomètres parcourus par jour, il gagnait entre 1 000 et 1 200 euros par mois. Avant cela, ce jeune titulaire d’une licence en logistique des transports et d’un master en management de qualité, a multiplié les petits boulots. « J’ai fait la plonge dans un resto, le ménage dans des bureaux, du bricolage… », énumère-t-il. De loin en loin, les grèves de travailleurs sans papiers viennent rappeler l’importance de la main-d’œuvre étrangère dans certains secteurs de l’économie.

• 11 heures

Réunion syndicale avec des intérimaires du nettoyage en Ile-de-France, dans la permanence départementale CGT Paris. Des traducteurs peuls et bambaras assurent la traduction des infos du jour.
Réunion syndicale avec des intérimaires du nettoyage en Ile-de-France, dans la permanence départementale CGT Paris. Des traducteurs peuls et bambaras assurent la traduction des infos du jour. Camille Millerand/ Divergence pour  » Le Monde »
Les bureaux de la CGT ne désemplissent pas. Depuis l’ouverture, à 8 h 30, de la permanence départementale d’accueil des travailleurs sans papiers, dans le 19e arrondissement, les personnes défilent, une liasse de documents sous le bras, autant de preuves de leur vie en France, qu’ils soumettent aux cégétistes, avant de déposer une demande de régularisation en préfecture.

Une partie seulement pourra solliciter une « admission exceptionnelle au séjour ». La régularisation par le travail dépend de critères qui ont été définis par une circulaire de 2012, dite « circulaire Valls ». Elle prévoit par exemple une présence minimum de trois ans sur le territoire, la détention d’au moins vingt-quatre feuilles de paie, ainsi qu’une promesse d’embauche. Ces critères n’ont pas force de loi. Et chaque préfecture conserve un pouvoir discrétionnaire pour délivrer un titre de séjour.

Alors qu’on estime entre 300 000 et 600 000 le nombre de sans-papiers en France, environ 30 000 personnes sont régularisées chaque année. La majorité obtient un titre pour des motifs familiaux et, pour 7 000 personnes environ, en raison du travail qu’elles exercent. « C’est une gestion de la politique migratoire au fil de l’eau, considère Marilyne Poulain, membre de la direction confédérale de la CGT. Et ça reste un instrument qui relève de l’exceptionnel, appliqué différemment selon les préfectures, et donc qui ne garantit pas l’égalité de droits. »

Interrogé par Le Monde, un cadre du ministère de l’intérieur convient que la circulaire Valls, dans sa mise en œuvre à bas bruit, présente l’avantage « de ne pas traiter le sujet par des grandes opérations de régularisation polémiques et déstabilisantes ». Place Beauvau, on veut éviter la « controverse » politique.

Certains considèrent qu’il faut au contraire ouvrir le débat, alors que la crise sanitaire a mis en lumière l’utilité sociale des « premiers de corvée » dans les métiers du nettoyage, de la sécurité, de la distribution ou encore du service à la personne. « Ces gens occupent des postes que personne ne veut occuper, précaires et difficiles. Ils font partie des personnes qu’on aurait pu applaudir pendant le confinement », fait valoir Clémence Martin, qui travaille pour le Secours catholique, dans le Val-de-Marne.

Espace café d’un foyer de travailleurs de Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
Espace café d’un foyer de travailleurs de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
Le 13 mai, l’ONG a écrit au président de la République, conjointement avec la CFDT, la CGT, la Cimade ou encore Emmaüs, pour demander la régularisation des personnes sans papiers comme mesure de justice et de reconnaissance. Les interpellations se multiplient en ce sens, en provenance d’associations, mais aussi de l’Eglise de France ou encore de députés de l’aile gauche macroniste.

Samedi 20 juin, des manifestations devaient avoir lieu dans plusieurs villes de France, à l’appel de la Marche des solidarités, un rassemblement de collectifs et de plus de deux cents organisations. Au ministère de l’intérieur, on considère qu’« il ne faut pas modifier les critères de régularisation » pour éviter un « effet d’attraction », mais on souhaite« porter une attention particulière aux personnes qui se sont exposées dans l’intérêt général pendant la crise ». Par exemple, sans régulariser davantage, mais en privilégiant les travailleurs plutôt que la régularisation pour motif familial.

• 12 heures

Rahim (prénom modifié), 28 ans, est agent de propreté dans le RER. Avant d'occuper cet emploi, il a été livreur pour les plates-formes Deliveroo, Stuart, UberEats et Globo.
Rahim (prénom modifié), 28 ans, est agent de propreté dans le RER. Avant d’occuper cet emploi, il a été livreur pour les plates-formes Deliveroo, Stuart, UberEats et Globo. CAMILLE MILLERAND POUR « LE MONDE »
Aujourd’hui encore, Nesrine, une Algérienne âgée 27 ans, n’aura pas de pause déjeuner. Depuis 2018, elle travaille au noir comme caissière dans une enseigne de la grande distribution, à Paris. Elle pointe six jours sur sept, n’a pas de congés payés et touche moins d’un smic par mois. Pendant le confinement, elle est restée sur le pont. Elle a même livré des personnes âgées à leur domicile. « Au début, on n’avait pas de protection, se souvient-elle. Ça a duré une vingtaine de jours. Après, on avait des masques et des gants, mais on devait les garder pendant deux jours. »

Dans l’espoir d’être déclarée – et de constituer un dossier de régularisation –, la jeune femme a bien proposé au gérant du magasin de s’acquitter elle-même des charges sociales, mais il a refusé. Si sa situation n’évolue pas, Nesrine ne remplira pas les critères de la circulaire Valls.

Rahim (le prénom a été modifié) ne nourrit pas davantage d’espoir. Ce Tunisien de 29 ans n’est en France « que » depuis deux ans et n’a pas encore cumulé suffisamment de fiches de paie. Devant la difficulté de la tâche, il est parfois gagné par l’angoisse. Pourtant, tous les jours, dans le RER, il désinfecte et nettoie des poignées et des barres de maintien par centaines, pour éviter la propagation du Covid-19 dans les transports franciliens.

Rahim est arrivé en Europe en traversant la Méditerranée. Il avait échoué trois fois avant de réussir à gagner l’île italienne de Lampedusa. « La première fois, le bateau a coulé, et vingt-huit personnes sont mortes », se souvient-il. Le jeune homme a alors repris un temps son travail de veilleur de nuit dans une clinique de Zarzis, en Tunisie, payé 200 euros par mois, avant de retenter la traversée.

En France, les bons mois, il peut gagner jusqu’à 1 100 euros et envoyer un peu d’argent à ses parents. S’il réussit à économiser suffisamment, il voudrait s’acheter un scooter et reprendre, sur son temps libre, des vacations comme livreur pour UberEats ou Deliveroo. Rahim ne repartira pas. « Je veux faire ma vie en France, confie-t-il. Avoir un petit pavillon, une petite famille, aider mes parents. » Dans l’espoir d’une vie meilleure, pour soi et les siens, les parcours des migrants sans papiers sont bien souvent marqués du sceau de l’abnégation.

• 14 h 30

Sire (au premier plan) et Sara, tous deux sénégalais, sont plongeurs dans un restaurant gastronomique à Paris.
Sire (au premier plan) et Sara, tous deux sénégalais, sont plongeurs dans un restaurant gastronomique à Paris. CAMILLE MILLERAND POUR « LE MONDE »
Le déjeuner est terminé. Dans les cuisines du restaurant chic Baltard, au Louvre, dans le 1er arrondissement de Paris, le personnel peut lever le pied. Sire et Sara vont s’assoupir quelques heures dans un canapé, avant le service du soir, qui s’étale de 19 heures à 23 heures. Ces deux cousins sénégalais ont été embauchés il y a près de trois ans comme plongeurs dans l’établissement. Ils sont en cours de régularisation.

A leur prise de service, au sous-sol du restaurant, ils s’emploient à nettoyer les poubelles, à laver les tabliers et les torchons, à lessiver le sol et à faire briller les établis en acier chromé. Ce qu’ils préfèrent, c’est donner un coup de main en cuisine. « Je lave la salade, j’émince les oignons, je coupe les saint-jacques, je prépare le jus de volaille », énumère Sara, fièrement, tandis qu’à l’étage Sire épaule les commis pour la mise en place.

Le propriétaire du Baltard, Vincent Sitz, le dit sans ciller : « Dans mes restaurants, aucun Blanc ne fait la plonge, et je veux entendre un seul restaurant me dire qu’il n’a pas de travailleur étranger, je ne le croirai pas. »Le chef d’entreprise, qui est aussi président de la commission emploi, formation et qualité de vie au travail du Groupement national des indépendants, un syndicat de l’hôtellerie-restauration, est confronté depuis des années aux difficultés de recrutement dans son secteur. « On a 140 000 postes à pourvoir, et on forme 45 000 jeunes par an, sachant qu’au bout de cinq ans il en reste la moitié. C’est un métier dévalorisé, il faut travailler le soir, le week-end et les jours fériés. Comme ils n’ont pas les moyens de se loger à Paris, les jeunes ont peu de chances de rentrer chez eux en banlieue pendant la coupure du milieu de journée, ce qui fait qu’ils n’ont pas de vie privée. »

M. Sitz en est convaincu : « Il faut être honnête et régulariser ceux qui sont dans nos entreprises, qui se taisent, mais qui charbonnent. On sait qu’ils travaillent avec les papiers d’un autre et ce n’est pas gratuit. » Une parole rare dans le milieu patronal. « Il y a des secteurs très réfractaires à la régularisation, observe Mme Poulain. Des employeurs se servent des travailleurs migrants comme variable d’ajustement et profitent de leur vulnérabilité. »

« Il y a des situations d’abus, corrobore Catherine Rose Bengan-Durand, membre de l’association de défense des travailleurs migrants philippins Nagkakaisang Pilipino (« les Philippins unis en France »). La plupart des travailleurs philippins en France sont sans papiers et évoluent dans le nettoyage ou la garde d’enfants, dans une grande précarité. »

• 19 h 15

En général, si son employeur ne lui demande pas de faire un baby-sitting, Rosaline (le prénom a été modifié) a terminé sa journée de travail. Cette nounou philippine de 27 ans, qui s’occupe de trois enfants dans le 16e arrondissement de Paris, a le sentiment d’avoir enfin trouvé une situation stable.

Lors de son arrivée en France, en 2015, elle a travaillé pour une famille dans des conditions délétères pendant près de trois ans. « Je vivais chez eux, dans les Yvelines. Je m’occupais des enfants et je faisais le ménage, rapporte-t-elle. Mais je n’étais payée que 700 euros pour quarante à quarante-cinq heures par semaine, avec un seul jour de repos et jamais de vacances. »

Les employeurs actuels de Rosaline appuient sa démarche de régularisation, toujours en cours. « Au début, j’habitais à Saint-Cloud, mais je n’arrivais pas à obtenir de rendez-vous à la préfecture de Nanterre, alors j’ai déménagé à Paris. » Dans certains départements franciliens, les délais de prise de rendez-vous en préfecture pour une régularisation sont supérieurs à un an. Si Rosaline obtient des papiers, elle voudrait retourner aux Philippines voir son fils de 7 ans. Elle pense aussi à changer de métier. Elle aimerait travailler dans un hôtel.

• 20 heures

Minkoro Toure est agent de sécurité. Ivoirien, il vit en France depuis l’été 2014.
Minkoro Toure est agent de sécurité. Ivoirien, il vit en France depuis l’été 2014. Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
Minkoro Toure passe la porte du foyer de travailleurs où il loge, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Cet Ivoirien de 38 ans est agent de sécurité et, pendant tout le confinement, il a veillé au respect des règles de distanciation dans un bureau de La Poste. « J’ai travaillé à fond, du lundi au samedi », dit-il. A terme, s’il obtient des papiers, Minkoro, titulaire d’un DUT en transit et transports, nourrit le projet de monter sa propre société d’import-export. Pour l’instant, il multiplie les missions de vigile, au Palais de Tokyo et dans des boutiques des Champs-Elysées, dans une parfumerie comme dans une enseigne de cosmétiques bio.

En France depuis près de six ans, Minkoro a écumé les squats, les hôtels sociaux, les gymnases, les collocations et autres foyers, et a déjà fait l’objet de deux OQTF. « C’est un pays où le stress ne manque pas », confie-t-il. Il raconte la dépendance aux autres, l’impossibilité d’ouvrir un compte courant ou de s’engager dans une relation amoureuse, compte tenu de sa situation. Il dit aussi l’assignation à résidence et qu’il n’a donc pas pu se rendre aux funérailles de son père, en Côte-d’Ivoire.

« Notre souhait, c’est d’avoir des papiers, de payer les impôts, bien s’intégrer, assure-t-il. Ce n’est pas de travailler au noir. L’Etat y perd et nous aussi. » Bénévole au Cedre, une antenne du Secours catholique spécialisée dans l’accompagnement des étrangers, Minkoro se souvient d’avoir assisté à une visite de députés dans les locaux de l’association. Il a réalisé que « certains ne savent pas la portée réelle des décisions qu’ils prennent ».

• 00 h 30

Abdoul (prénom modifié) et Diaguely vivent dans un foyer situé en Seine-Saint-Denis. Le premier est ripeur en intérim, le second est agent de nettoyage. Ils se connaissent depuis leur enfance. Tous les deux sont soninkés. Ils ont grandi dans un village au Mali.
Abdoul (prénom modifié) et Diaguely vivent dans un foyer situé en Seine-Saint-Denis. Le premier est ripeur en intérim, le second est agent de nettoyage. Ils se connaissent depuis leur enfance. Tous les deux sont soninkés. Ils ont grandi dans un village au Mali. Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
Le calme domine dans le foyer où vit Diaguely Traore, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Après avoir dîné d’un sombi, une spécialité soninké faite de bouillie de maïs au lait caillé, le jeune homme de 35 ans part attraper un bus de nuit. Jusqu’à l’aube, il nettoie les cuisines d’un restaurant McDonald’s de la région parisienne. Diaguely Traore a obtenu, il y a moins de deux ans, un titre de séjour, après huit ans de vie en France. Il a « réussi » là où d’autres « galèrent » encore. « Tout le monde n’a pas la même chance », reconnaît-il.

M. Baradji prépare le sombi pour Diaguely, qui s'apprête à partir au travail. M. Baradji vit en France depuis 50 ans. C'est le plus ancien de l'étage du foyer, il organise la vie des plus jeunes arrivés recemment en France.
M. Baradji prépare le sombi pour Diaguely, qui s’apprête à partir au travail. M. Baradji vit en France depuis 50 ans. C’est le plus ancien de l’étage du foyer, il organise la vie des plus jeunes arrivés recemment en France. Camille Millerand / Divergence pour « Le Monde »
La première chose qu’il a faite, quand il a été régularisé, c’est de rentrer voir sa femme et ses enfants au Mali. La vie est plus « facile » pour lui, désormais, même si, par certains aspects, elle continue de ressembler à celle de ceux qui demeurent dans les limbes du système. Diaguely cherche toujours un « projet ». Il aimerait monter des sociétés dans son pays, dans le bâtiment ou l’alimentation, faire travailler son frère et un cousin. Il dit en soupirant : « Il y a beaucoup de gens à aider. »

Les femmes évoquées dans le récit n’ont pas souhaité être photographiées. 
Julia Pascual