Communiqué de la Cimade sur le squat du 5 étoiles

Squat du 5 étoiles : le tribunal reconnaît une atteinte à la dignité humaine

26 novembre 2018

Communiqué de presse de La Cimade Nord-Picardie suite à la décision rendue par le tribunal administratif de Lille qui se base sur notre rapport pour reconnaitre une atteinte à la dignité humaine pour les 151 personnes du squat « 5 étoiles ».

Le tribunal administratif de Lille, saisi en référé liberté par 151 personnes contraintes de dormir sur le squat dit du « 5 étoiles » à Lille, vient de rendre ses décisions.

En se fondant notamment sur le rapport d’observation réalisé par la Cimade et sur une visite réalisée sur le site par l’association Médecins Solidarité Lille, le juge reconnaît « l’atteinte aux droits et à la dignité des requérants ainsi que l’extrême précarité de leurs conditions de vie et l’insécurité à laquelle ils sont soumis au sein du bâtiment ».

Le juge enjoint ainsi au préfet du Nord et au maire de Lille de mettre en place des équipements provisoires d’accès à l’eau potable et des toilettes en nombre suffisant pour l’ensemble des occupants, à proximité du lieu de vie.

Toutefois, ces aménagements demeurent insuffisants au vu des besoins sur place. Le juge n’a pas retenu de « carence caractérisée en matière d’alimentation, d’élimination des déchets et d’accès aux douches » alors que notre rapport d’observation soulignait la difficulté pour prendre une douche ou s’alimenter plus d’une fois par jour, en raison notamment de la saturation des dispositifs d’accueils de jour.

Au cours de notre enquête, nous avons pu constater que toutes les personnes présentes sur le squat n’avaient pas de couverture et que certaines dormaient à même le sol, sans matelas, dans un bâtiment non chauffé. Alors que le froid se fait déjà fortement ressentir et que l’insalubrité et l’insécurité des lieux ont été reconnues, le tribunal administratif n’a pas fait droit aux demandes d’hébergement des requérants, enjoignant seulement la préfecture « à procéder à une évaluation sociale de leur situation en vue de rechercher une solution d ‘orientation adaptée » dans un délai de quinze jours. La loi prévoit pourtant le droit à l’hébergement pour toute personne en situation de détresse sociale, et un dispositif spécifique d’hébergement pour des personnes en demande d’asile.

Seul le département a été enjoint à héberger des requérants mineurs, devant être mis à l’abri au titre de la protection de l’enfance.

La Cimade regrette que le tribunal administratif n’ait pas pris des décisions à la hauteur de l’indignité constatée. Nous espérons qu’à l’issue des évaluations sociales, la vulnérabilité et la détresse des personnes seront prises en compte et que seront proposées de vraies solutions protectrices. Sans cela, la situation sur le squat risque de perdurer et de s’aggraver avec l’arrivée de nouvelles personnes en quête de protection, qui faute de solution d’hébergement, n’auront pas d’autres alternatives que d’aller rejoindre sur le squat.

TA de Lille : Squat de la rue de valenciennes

http://lille.tribunal-administratif.fr/Actualites/Communiques/Squat-de-la-rue-de-Valenciennes

22 novembre 2018

Squat de la rue de Valenciennes.

Le juge des référés du tribunal administratif de Lille rejette la plupart des requêtes présentées par les occupants de l’immeuble situés rue de Valenciennes appartenant à Partenord Habitat en vue d’obtenir un hébergement. Il enjoint néanmoins au préfet et au maire de Lille de mettre en place des équipements provisoires d’accès à l’eau potable ainsi que des toilettes. L’Etat est également contraint de procéder à évaluation sociale de la situation de chacun des requérants en vue de rechercher une solution d’orientation adaptée.

Les faits et la procédure

Malgré une expulsion prononcée, le 24 mai 2018, par le juge des référés du tribunal d’instance de Lille, plusieurs centaines de personnes occupent irrégulièrement, depuis quelques mois, un bâtiment situé 25 rue de Valenciennes à Lille et appartenant à Partenord Habitat.

151 de ces personnes, dont 64 se présentant comme mineures, ont saisi le juge des référés libertés du tribunal administratif de Lille afin d’obtenir, à titre principal, un lieu d’hébergement ou, à titre subsidiaire, des conditions de vie plus dignes sur place.

Le juge des référés s’est prononcé après avoir tenu 4 audiences.

Les décisions du tribunal

– S’agissant des mineurs, le juge considère que les requêtes ont perdu leur objet dans 6 cas dans la mesure où 6 personnes ont d’ores et déjà été prises en charge par le département du Nord. Dans 5 autres cas, le juge des référés enjoint au président du conseil départemental du Nord de leur procurer une solution d’hébergement incluant leur logement et la prise en charge de leurs besoins alimentaires.

Les requêtes des 53 autres se présentant comme mineures sont rejetées.

– S’agissant des majeurs, 12 demandeurs d’asile ont bénéficié d’un hébergement de la part de l’Office de l’immigration et de l’intégration. Leurs requêtes sont donc devenues sans objet. Pour les autres, les conclusions tendant à ce que leur soit procurée une solution d’hébergement sont rejetées.

Toutefois, le juge des référés estime que les conditions dans lesquelles les occupants des locaux doivent y vivre (absence de toilettes fonctionnelles, un point d’eau pour 150 personnes) font apparaître que la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des occupants, en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable est manifestement insuffisante. Il considère ainsi que ces conditions révélaient une carence des autorités publiques investies des pouvoirs de police générale, carence de nature à exposer le occupants des locaux, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Eu égard à la situation d’urgence, le juge des référés enjoint au préfet du Nord et au maire de Lille, de mettre en place, dans tout lieu adapté situé à proximité des locaux du 25 rue de Valenciennes ou, en lien avec le propriétaire desdits locaux, sur le site lui-même, des équipements provisoires d’accès à l’eau potable permettant aux occupants des locaux de boire, de se laver et de nettoyer leurs vêtements, ainsi que des toilettes, et ce pour une période couvrant la période dite de « trêve hivernale » soit jusqu’au 31 mars 2019.

Le juge enjoint aussi à l’État de procéder, en application des dispositions de l’article L. 345-2 du code l’action sociale et des familles, à une évaluation sociale de la situation de chacun des requérants en vue de rechercher une solution d’orientation adaptée et ce dans le délai de quinze jours à compter de la notification de ses ordonnances.

La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures afin de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

>voir ordonnance n°1810013-1810062

Voix du nord // Lille, au squat des 5 étoiles, la justice refuse le relogement mais exige l’hygiène

http://www.lavoixdunord.fr/493474/article/2018-11-22/au-squat-5-etoiles-la-justice-refuse-le-relogement-mais-exige-l-hygiene

Depuis deux semaines, les 150 occupants d’une friche insalubre, située rue de Valenciennes, saisissent la justice par vagues afin d’obtenir un relogement. Le juge a rejeté cette demande, tout en ordonnant l’installation d’équipements sanitaires.

  1. B. | 22/11/2018

Avec un hiver de plus en plus virulent, les habitants du squat « 5 Étoiles », ouvert aux quatre vents, risquent de souffrir.

Le 6 novembre, l’atmosphère est presque suffocante dans la principale salle d’audience du tribunal administratif. La salle est comble. Des associatifs, des militants, des sympathisants et, surtout, de très nombreux migrants s’entassent dans cet espace pourtant très vaste. L’audience compte parmi une série de rencontres marathon entre les 151 occupants du squat dit « 5 Étoiles », épaulés par leur avocate Émilie Dewaele, la ville de Lille, le département du Nord, l’État et, surtout, la justice. Au 25, rue de Valenciennes, des dizaines d’êtres humains vivent (ou survivent) presque sans eau. Ces hommes, essentiellement des migrants originaires d’Afrique, ont choisi d’interpeller la justice. Une justice qui connaît bien le dossier. Le 24 mai dernier, un juge d’instance avait exigé l’expulsion des lieux, déjà investis par des centaines de squatteurs.

 

Cette fois, il est question d’un bidonville camouflé se dirigeant tout droit (encore une fois) vers la catastrophe sanitaire. Un seul point d’eau potable, aucun WC, zéro douche… Sans oublier un autre léger impondérable : l’arrivée de l’hiver dans un lieu ouvert aux quatre vents avec des résidents se protégeant sous la tente. Ce jeudi, à l’issue de quatre audiences devant le juge des référés, le tribunal administratif a rejeté l’essentiel des demandes de relogement. Près de 64 squatteurs, se présentant comme mineurs, avaient formulé un souhait dans ce sens. Le magistrat a enjoint le département du Nord à en prendre en charge cinq. Il estime que six autres cas sont déjà pris en compte. Tous les autres sont écartés. S’agissant des majeurs, «  douze demandeurs d’asile ont bénéficié d’un hébergement de la part de l’Office de l’immigration et de l’intégration  », constate le tribunal administratif. Là encore, les autres cas sont rejetés.

En revanche, la ville de Lille et l’État devront, tout de même, intervenir dans le dossier. Au regard des conditions d’hygiène déplorables, la justice les enjoint à installer des alimentations en eau et des toilettes provisoires. Et ce, jusqu’à la fin de la trêve hivernale, soit le 31 mars. La préfecture a également quinze jours pour établir un diagnostic social des occupants des lieux.

Analyse par la Cimade du rapport du l’OFII sur le TS pour raisons de santé

#SoignerOuSuspecter ? Le rapport de l’Ofii donne sa réponse

16 novembre 2018

Attendu depuis un an, le rapport que l’Office français de l’immigration et de l’intégration devait rendre au parlement est enfin sorti en catimini. Une publication sur l’admission au séjour en France des personnes étrangères gravement malades pour l’année 2017 analysée par La Cimade.

Le 13 novembre 2018, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) a été reconduit dans ses fonctions jusqu’en 2022. Avec la sortie du rapport tant attendu sur l’admission au séjour en France des personnes étrangères gravement malades pour l’année 2017, La Cimade réalise un petit bilan de ses trois dernières années à la tête de l’établissement.

En effet, avec un an de retard, l’Ofii publie en catimini, (juste un post sur leur page Facebook sans page dédié sur leur site Internet), son tout premier rapport sur l’admission au séjour en France des personnes étrangères gravement malades, dispositif dont il a la charge depuis la réforme apportée par la loi du 7 mars 2016.

Chute des avis favorables et des titres de séjour délivrés

Ce rapport, que La Cimade a pu consulter, confirme les craintes exprimées dans notre publication Soigner ou suspecter en juin 2018 : avec l’Ofii, la suspicion envers les personnes gravement malades l’emporte sur le droit à la santé et la protection contre l’expulsion. En effet, le taux d’avis favorables au maintien en France s’est effondré de manière spectaculaire : de 75% en 2013 avec les Agences régionales de santé sous la tutelle du ministère de la santé, il est désormais à 52% pour 2017, première année où c’est l’Ofii, agence sous la tutelle du ministère de l’intérieur, qui décide du sort des personnes étrangères malades. Selon l’Ofii, impossible toutefois « d’en tirer une quelconque conclusion » : « données pas compatibles », « méthodologie employée par l’ARS inconnue », « moyennes nationales auparavant faussées en raison du taux « anormalement » élevé d’avis favorables de certaines ARS »…

Pourtant, les chiffres sont têtus : alors que le nombre de demandes enregistrées d’année en année ne change pas (environ 40 000), la France a délivré 4 187 titres de séjour à des personnes gravement malades en 2017 contre presque 7 000 en 2016.

Selon l’Ofii, la France aurait, en Europe, « la législation la plus favorable » aux personnes étrangères gravement malades ne pouvant accéder à des soins appropriés dans leur pays d’origine. La Suède est qualifiée de « plus restrictive ». Pourtant, ce même rapport constate qu’en Suède, les personnes étrangères gravement malades obtiennent immédiatement un titre de séjour permanent. En France, c’est la précarité qui prime : autorisations provisoires de séjour, impossibilité d’obtenir une carte pluriannuelle.

L’obsession de la lutte contre la fraude

Le service médical de l’Ofii semble avoir fait sienne l’obsession de « la lutte contre la fraude » chère aux préfectures et au ministère de l’intérieur : celle supposément commise par les personnes étrangères qui prétendraient être malades afin d’obtenir un titre de séjour. Pourtant, sur les 40 000 dossiers reçus en 2017, et 27 000 avis rendus, l’Ofii ne fait état que de 115 cas de « fraude avérée », notamment pour les pathologies virales. Soit 0,41%. Face à une telle ampleur, l’Ofii déplore ne pas pouvoir saisir le parquet. Ni informer le préfet des cas de fraude : le Conseil de l’ordre des médecins s’y est opposé, estimant qu’« qu’aucun texte ne prévoit la levée du secret médical dans cette situation et qu’il n’appartient pas au médecin d’informer le préfet d’une suspicion de fraude ». Mauvais nouvelle pour l’Ofii qui aurait tant aimé faire des médecins sous sa tutelle des informateurs de l’administration pour lutter contre les 0,41% de fraudeurs…

Autre curiosité, l’Ofii a fait le choix d’isoler systématiquement la direction territoriale de Bobigny pour illustrer « la fraude ». Exemple : « Le taux d’absentéisme à l’examen médical est en moyenne de 12,2%, il peut atteindre « par exemple » 21,6% à Bobigny ». Ou encore : « la fraude documentaire (falsification de documents existants, de vols de papiers à entête, de duplication de documents) est plus difficile à déceler par les infirmiers ou médecins et représenterait « par exemple » 0,5% des dossiers traités par la DT de Bobigny ». L’Ofii suppute même qu’ « une partie des non présentations, alors que les personnes ont été contactées au téléphone, peuvent laisser penser qu’elles ont eu la volonté de se soustraire aux convocations, notamment aux analyses biologiques ».

Pour la confraternité entre médecins, l’Ofii ne semble pas très au point : le service médical de l’Ofii égratigne sévèrement les médecins qui établissent les certificats pour leurs patients étrangers gravement malades qui demandent un titre de séjour. En particulier, les psychiatres en prennent pour leur grade. Selon l’Ofii, « les effets pervers » de la procédure pour les troubles de la santé mentale sont désormais identifiés : « des psychiatres ont rempli chacun près de 200 certificats médicaux dans certaines régions en 2017 ». « Une grande similitude dans les certificats médicaux est observée », « la réalité de l’affection se pose parfois, notamment quand le diagnostic repose sur des éléments déclaratifs », ainsi que « l’effet des psychothérapies quand la langue française n’est pas maîtrisée ».

Et quand ce ne sont pas les médecins qui mentent, ce sont les personnes étrangères : pour l’Ofii, « le fait de risquer d’être privé du renouvellement du titre de séjour n’incite pas à s’afficher comme patient en état d’amélioration clinique ».

Et les enfants dans tout ça ? L’Ofii a un avis là-dessus aussi : « lorsque le trouble des enfants est un handicap, par ailleurs souvent fixé, il relève plus d’une prise en charge socio-éducative que médicale ». Ces enfants ne sont donc pas gravement malades au sens du Ceseda.

La procédure en centre de rétention administrative

L’Ofii énonce laconiquement que la procédure prévue dans les centres de rétention (CRA) n’est pas suspensive de l’éloignement, sans plus. Or, il ne s’agit pas là d’un détail, mais du cœur du problème : une personne gravement malade enfermée en CRA peut être expulsée avant que son état de santé n’ait pu faire l’objet d’une évaluation et d’un avis. Elle est ainsi renvoyée vers la souffrance et la mort certaine. La personne enfermée ne peut en plus pas faire valoir son état de santé toute seule : la saisine de l’Ofii dépend du bon vouloir du médecin du CRA. Avec des conséquences dramatiques. Par exemple, le 22 octobre 2018 : un Bulgare a été expulsé depuis le CRA de Toulouse, alors qu’il se faisait soigner depuis 2013 en France pour ses pathologies virales et qu’il avait déjà obtenu des titres de séjour pour soins. Le médecin du CRA de Toulouse a estimé qu’il n’y avait pas lieu de saisir l’Ofii pour un ressortissant de l’Union européenne (UE), ce que l’Ofii contredit dans son propre rapport : les ressortissants de l’UE sont aussi protégés contre l’expulsion par la loi quand ils sont au CRA !

L’Ofii ne trouve rien à redire sur le fait qu’en rétention, l’avis est rendu par un seul médecin, contrairement au collège de trois médecins qui se prononcent quand la personne est libre sur le territoire. Curieux : l’Ofii a pourtant fait sienne la conclusion de l’Inspection générale de l’administration en 2013, selon laquelle « l’isolement décisionnel » du médecin de l’Agence régionale de santé était à l’origine de tous les maux de la procédure antérieure à 2017.

VIH

Selon l’Ofii, « au Brésil, 9 personnes sur 10 porteuses du VIH et sous traitement ont une charge virale négative, ce qui témoigne d’un programme de soins efficace dans ce pays ». L’Ofii s’étonne donc que « des personnes transsexuelles brésiliennes invoquent des discriminations sociales qu’elles subissent, avec pour conséquences des problèmes d’accès aux soins, alors même que des programmes dédiés pour ce public existent au Brésil ». Pourtant, sur une problématique identique d’accessibilité aux soins, l’Ofii nous apprend que « des ressortissants américains se font soigner en France pour des difficultés d’accessibilité à leur propre système de santé. Et qu’ils « bénéficient d’un avis favorable lorsqu’ils sont en cours d’un traitement qui ne peut être médicalement interrompu, alors même que les États-Unis ont un système de santé parmi les plus évolués au monde »

 

Le rapport de l’Ofii confirme les risques soulevés à de multiples reprises par La Cimade, par l’Observatoire du droit à la santé des étrangers et par le monde associatif. L’approche restrictive de l’Ofii (et donc du ministère de l’intérieur) sur l’admission au séjour pour les patient·e·s gravement malades est synonyme de chute de droits. Les conséquences sont lourdes pour les personnes étrangères gravement malades et pour les enjeux de santé publique.

FAS // La domiciliation : porte d’entrée aux autres droits

http://www.federationsolidarite.org/champs-d-action/accueil-orientation/9358-pas-d-adresse-pas-de-droit

Dans le cadre du projet de loi de finances 2019, la Fédération des acteurs de la solidarité, aux côtés du Secours catholique, d’Emmaüs France, de Dom’Asile et du Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, ont souhaité faire exister le sujet du financement de la domiciliation, qui constitue un chantier indispensable et pourtant délaissé des priorités gouvernementales.

Pas d’adresse pas de droit !

En effet, nos associations regrettent que la domiciliation soit absente de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, ainsi que du plan national pour un numérique inclusif, alors que ces derniers visent à renforcer l’accès aux droits des personnes en situation d’exclusion et à lutter contre le non recours.

Ce collectif inter-associatif a proposé en ce sens un amendement visant à apporter aux organismes de domiciliation une aide financière, aujourd’hui inexistante et pourtant essentielle pour leur permettre d’assurer leurs missions et de garantir l’accès aux droits des personnes en situation d’exclusion, à travers la création d’une ligne budgétaire dédiée à la domiciliation au sein de l’action 12 « Hébergement et logement adapté » du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Dans une lettre en date du 5 novembre, le collectif a également saisi Jacqueline Gourault, nouvelle Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, demandant que le gouvernement s’empare de cette question lors de l’examen du projet de loi de finances en séance publique à l’Assemblée nationale le vendredi 9 novembre dernier. Cet amendement a reçu un avis défavorable de la part de Julien Denormandie, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, qui, bien qu’ayant souligné l’importance de ce sujet, a rejeté la demande du collectif.

Mais, au juste, pourquoi la domiciliation est-elle si importante en matière d’accès au droit et pourquoi son accès se trouve entravé ?

La domiciliation permet aux personnes sans domicile stable de disposer d’une adresse administrative leur permettant de faire valoir leurs droits civils, civiques et sociaux. Dans le cadre des politiques publiques de lutte contre les exclusions, la domiciliation constitue en ce sens la première porte d’entrée en matière d’accès aux droits. Sans celle-ci, les personnes sans domicile stable ne peuvent prétendre à une couverture maladie, à une demande de logement social, à l’exercice des droits civils et civiques, aux prestations sociales, à la régularisation du séjour, à l’ouverture d’un compte bancaire ou encore à l’accès à un emploi.

Plus encore, avoir une adresse, c’est avant tout exister socialement dans la société, c’est symboliser une appartenance à un territoire. Pour des personnes en situation de grande exclusion qui ne recourent pas ou plus à certains services sociaux et médicaux, l’entretien de demande d’élection de domicile permet d’appréhender des problématiques plus globales de santé, d’hébergement et de logement.

Si les CCAS ont l’obligation légale de domicilier les personnes sans domicile stable et ayant un lien avec la commune, des associations et organismes peuvent solliciter un agrément de domiciliation pour assurer ce service. Très souvent, ce sont des accueils de jour qui assurent cette mission. Dans une enquête réalisée par la Fondation Abbé Pierre et la Fédération des acteurs de la solidarité en juin et juillet 2016 auprès de 136 accueils de jour en France – représentant 58 départements – la moitié de ces derniers déclarait disposer d’un service de domiciliation.

Or, la domiciliation, qui ne fait l’objet d’aucun financement en propre pour les structures domiciliataires, est pourtant coûteuse : elle nécessite des locaux adaptés et un espace physique important pour la gestion du courrier (réception, tri, stockage et mise à disposition) mobilisant du personnel en charge de celle-ci et de l’accueil des personnes. Le personnel est également souvent amené à aider les personnes dans la lecture ou la rédaction de courriers, ainsi que dans l’accès à certains droits. Plus qu’une boîte à lettre, la domiciliation est une porte d’entrée pour accompagner les personnes dans leurs démarches administratives et sociales. Enfin, la gestion du courrier doit répondre à certaines compétences et exigences légales, notamment en matière de confidentialité et de protection des données personnelles, et nécessite en ce sens des compétences spécifiques.

Si la loi ALUR de 2014 a consacré bon nombre d’avancées, la domiciliation administrative est depuis plusieurs années en crise. Le nombre d’élections de domiciliation a connu une hausse significative et régulière, qui touche aussi bien les CCAS/ CIAS que les associations agrées de la veille sociale – notamment les accueils de jour – et qui se concentre en partie dans les zones urbaines : entre 2012 et 2014, cette augmentation est, à titre d’illustration, de plus de 70 % en Seine-Saint-Denis1, 31% dans les Pyrénées-Atlantiques2, 25% dans le Rhône3.

Cette hausse conduit les organismes domiciliataires (CCAS et associations) à devoir refuser des domiciliations voire à renoncer à renouveler leur agrément de domiciliation faute de moyens matériels, humains et financiers pour mener à bien cette mission.Ces fermetures successives de services associatifs de domiciliation provoquent de véritables déséquilibres territoriaux ayant pour conséquence le non-recours à ce droit pour un grand nombre des personnes sans domicile stable.


1 Schéma départemental de la domiciliation des personnes sans domicile stable – Seine-Saint-Denis 2015-2017

2 Schéma départemental de la domiciliation des personnes sans domicile stable – Pyrénées-Atlantiques 2017-2022

3 Schéma départemental et métropolitain de la domiciliation des personnes sans domicile stable – Rhône 2016-2020

La Cimade // Dublin, le CE révise sa jurisprudence sur le report du délai de transfert en cas de recours

https://www.lacimade.org/procedure-dublin-a-armes-egales/

26 septembre 2018

Dans une décision du 24 septembre 2018, prise exceptionnellement par des chambres réunies, le Conseil d’Etat a revu sa jurisprudence concernant les effets de report du délai de transfert en cas de recours.

Le Conseil d’État révise sa position dans un contexte où de plus en plus de personnes Dublinées sont soumises à une  procédure d’une durée indéterminée.

Rappel des dispositions

Le règlement Dublin encadre la procédure de transfert dans un délai précis. A compter de la date de  la réponse favorable d’un autre pays européen, l’Etat a sis mois pour  transférer la personne. Cependant ce même règlement a prévu que la personne doit disposer d’un recours effectif. En France, ce recours, prévu à l’article L. 742-4 du CESEDA est suspensif de plein droit  Dans ce cas le règlement prévoit que le délai de transfert court à compter de la décision définitive sur le recours (sous-entendu de rejet puisqu’en cas d’annulation, la décision ne peut pas être éxécutée)

Le Conseil d’État avait,  dans une ordonnance du 4 mars 2015; établi des règles de computation de délai assez complexes.

  • Si le juge du TA rejette le recours de la personne , le délai court à compter de la date du jugement.
  • si le TA annule pour un vice de forme, le délai initial court toujours et le préfet peut prendre une nouvelle décision en purgeant le vice dans ce délai. Si le demandeur conteste cette nouvelle décision, le délai de transfert redémarre, en cas de rejet, à la date du deuxième jugement.
  • Le préfet peut également faire appel. En cas d’annulation du jugement et de rejet des conclusions initiales du demandeur (car il arrive que la cour administrative d’appel annule en confirmant le jugement), le délai de transfert court à compter de l’arrêt. En conséquence, même en cas d’annulation par le tribunal administratif, le demandeur reste en procédure Dublin jusqu’à la décision de la cour administrative d’appel

 

A partir d’un échantillon des arrêts mis en ligne des cours administratives d’appel et du Conseil d’Etat, on peut voir plusieurs tendances.

Le règlement Dublin encadre la procédure dans des délais stricts : si un préfet veut saisir un Etat-membre, il ne dispose que de trois mois pour le faire, la réponse intervient dans un délai de deux semaines à deux mois selon la procédure appliquée. En revanche, il n’encadre pas le délai pour prendre la décision de transfert (même si le texte indique que lorsque l’accord est donné, la décision est prise). Or ce délai est essentiel pour savoir, quel sera la durée totale de cette procédure en cas de rejet du tribunal administratif.

La première surprise de l’échantillon est la promptitude des préfets à saisir les États-membres (parfois le jour même de l’enregistrement) avec une moyenne de 21 jours et un maximum de 91 jours. Comme la majorité des procédures concerne des reprises en charge avec relevé Eurodac, le délai moyen de réponse est de 32 jours avec un maximum de 62 jours. La principale différence concerne le délai de notification de la décision après l’accord de l’État responsable. En moyenne, il est de 73 jours mais varie d’un jour à 5 mois en particulier dans certains départements comme la Haute Garonne (149 jours),  la Meurthe -et Moselle(133  jours) ,  ou le  Val-d’Oise (117 jours). En tout la procédure de détermination dure en moyenne 123 jours soit 4 mois.

Lorsque le demandeur obtient satisfaction en appel, le plus souvent le délai de transfert de six mois est déjà expiré et il y a parfois des non lieux à statuer. En revanche, avec la jurisprudence  du 4 mars 2015 , en cas d’appel du préfet, la procédure Dublin était  systématiquement allongée jusqu’à l’arrêt de la cour. Si elle rejette l’appel et confirme l’annulation du tribunal, la personne était enfin admise à saisir l’OFPRA. Si le préfet obtenait satisfaction  il pouvait  alors procéder au transfert dans un nouveau délai de six mois (éventuellement prolongé d’un an supplémentaire en cas de fuite).

Y avait-il égalité des armes puisque l’exercice du recours par une personne conduisait à un allongement de la procédure Dublin en particulier pour ceux qui ont obtenu ne annulation au tribunal administratif,  contestée en appel par le préfet alors qu’un tel effet n’était pas prévu pour la personne. Et surtout,  il devenait extrêmement difficile de connaître la fin d’une procédure Dublin, ce qui va à l’encontre de l’esprit  même du règlement Dublin qui est de traiter avec célérité les demandes d’asile dans l’Etat-membre responsable.

Le Conseil d’Etat révise son interprétation

C’est cette question qui a été posée au juge des référés du Conseil d’État en mai 2018. Il s’agissait d’une famille érythréenne qui avait obtenu l’annulation de la décision de transfert vers l’Italie en juin 2017  avec une injonction du tribunal administratif pour que la France examine leur demande. Le préfet a fait appel et a maintenu les intéressés en procédure Dublin. Le 4 avril 2018, la cour administrative d’appel a infirmé le jugement. Cependant les intéressés considérant que le délai de transfert ne pouvait pas être interrompu par l’appel, non suspensif du préfet et que depuis octobre 2017, c’était à la France d’examiner la demande, se sont présentés à la préfecture qui leur a opposé le report du délai de transfert jusqu’au 4 octobre 2018. Le juge des référés du  tribunal administratif de Nice a rejeté la requête et un appel a été formé devant le Conseil d’Etat, au soutien duquel la Cimade et l’ADDE sont intervenues volontairement.

Les questions posées par ce contentieux ont conduit le juge des référés à renvoyer l’affaire en chambres réunies et une audience s’est tenue le 11 juillet. Dans ses conclusions, la rapporteure public, Julie Burguburu, a considéré que la solution du 4 mars 2015 devait être maintenue mais à condition que le préfet demande et obtienne le sursis à exécution d’un jugement en cas d’appel. Elle a considéré qu’il n’était pas nécessaire de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle.

Dans sa décision du 24 septembre 2018, les 5e et 6e chambres réunies  du Conseil d’Etat ont  fixé de  nouvelles règles :

  1. L’exercice du recours interrompt  le délai de transfert de six mois  qui recommence à courir à compter du jugement, une seule et unique fois, quel que soit le sens de la décision .  Si le juge rejette le recours, pas de changement mais,  même s’il y a une annulation pour un motif de fond, le préfet dispose de six mois à compter du jugement pour réexaminer la situation et soit permettre l’accès à l’OFPRA, soit reprendre une nouvelle décision de transfert, susceptible d’un nouveau recours. En cas de rejet du recours, le préfet dispose du reliquat du délai de six mois après le premier jugement  pour exécuter la décision de transfert
  2. L’appel, même assorti d’un sursis à exécution,  n’a plus d’effet sur le délai de transfert, quelle que soit la personne requérante. La Cour administrative d’appel peut annuler en faveur du demandeur ou du préfet mais dans ce dernier cas, le préfet ne dispose pas d’un nouveau délai de six mois pour exécuter le transfert.

Dans le cas d’espèce, Le Conseil d’État estime que le délai de transfert avait expiré le 2 décembre 2017 et il enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de faire accéder les personnes à la procédure normale de l’OFPRA.

Cela a immédiatement des conséquence pour les personnes Dublinées, qui ont fait annuler une décision de transfert , jugement contre lequel le préfet a fait appel, sans prendre de nouvelle décision de transfert pendant les six mois après le jugement. Elles  peuvent d’ores et déjà se rendre à la préfecture pour exiger la délivrance d’une attestation  de demande d’asile procédure normale ou accélérée et un formulaire OFPRA.

Généralisation des constats de fuite

Mais d’autres prolongations de la procédure peuvent intervenir  comme celle  de considérer la personne en fuite et donc d’ajouter un an supplémentaire au délai de six mois (article 29-2 du règlement Dublin)

La notion de fuite n’est pas définie par le règlement mais depuis 2006, le Conseil d’État la définit comme la “soustraction systématique et intentionnelle à l’exécution de la décision de transfert.” Cette définition a été reprise dans les textes réglementaires  pour permettre de retirer l’attestation de demande d’asile (article R. 742-3 du CESEDA).

Cette définition supposait  que la personne ne se rende pas à plusieurs reprises à des convocations de l’administration ou qu’elle s’y rende sans ses bagages ou ses enfants.

L’administration dispose de trois voies pour exécuter une décision de transfert selon le règlement d’application 1560/2003. La première est à l’initiative de la personne. La jurisprudence prévoit alors qu’elle peut être aidée par l’OFII. A Paris, lorsqu’une décision de transfert est notifiée, les personnes sont invitées à se rendre auprès de l’OFII pour se voir proposer cette aide. Si elle la refuse, cela est comptabilisé comme une preuve de la soustraction à l’exécution.

La deuxième dite sous contrôle consiste normalement à la conduite par des policiers jusqu’aux portes de l’avion ou du train. Le Conseil d’Etat a jugé que l’absence à une convocation à 500 km, sans prévoir de moyens de transport entre le lieu de résidence et l’aéroport ne pouvait être considérée comme une fuite.

Le départ sous contrôle suppose une départ sous contrainte. Mais une version intermédiaire entre les deux modalités a été mise en place. Depuis plusieurs années, les préfectures remettent à la personne, un document interne à l’administration adressé par le bureau central d’éloignement du ministère de l’intérieur aux préfets que l’on appelle “routing”. Celui-ci précise  que la personne doit se rendre auprès d’un service de la police aux frontières (PAF), situé à proximité de son lieu de résidence et détaille l’itinéraire de ce point jusqu’à l’aéroport et l’avion qui la conduit dans l’Etat-membre.

Un infléchissement  est apparu dans la jurisprudence du Conseil d’Etat qui est saisi par la voie d’appel du juge des référés. Désormais,  ne pas exécuter la feuille de route en ne se présentant pas au rendez vous fixé suffit pour être considérée en fuite,  par exemple à la gare située à proximité du lieu quand bien même le rendez-vous est à 4h du matin à 40km du lieu d’hébergement et qu’il n’y a pas de moyen de transport pour s’y rendre.  Lorsque la personne est assignée, ne pas respecter l’obligation de pointage est aussi considérée comme tel.  De même, quand bien même une personne allègue des risques en cas de transfert, le simple refus d’embarquer est considérée comme une preuve de fuite.

La conséquence est la prolongation du délai de transfert d’un an supplémentaire mais aussi l’interruption immédiate de l’hébergement et de l’allocation pour demandeur d’asile par l’OFII.

Alors qu’en 2017, 2 633 transferts ont été exécutées (soit 9% des accords intervenus), la déclaration de fuite est devenue la norme (7 500 ont été comptabilisées mais ce chiffre est sous-évalué.) Elle conduit, conjointement avec le report du délai de transfert en cas de recours et d’appel, à rallonger la durée de la procédure Dublin, bien au-delà de la durée théorique maximale de 23 mois, qui est indiquée par le règlement Dublin. Cela se fait au détriment des personnes qui quel que soit le sort de leur recours, sont placées dans des limbes  juridiques et sociales, pendant des mois supplémentaires.

 

450 exilé.e.s évacués d’une zone municipale

https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/grande-synthe/grande-synthe-450-migrants-evacues-zone-municipale-1574504.html?fbclid=IwAR17j4RgvkZUWiFUMdxuzWMZHRyETvW36IHFlsAFfJBv2EA0JRy5gyDSvyI

Illustration d'une précédente évacuation, le 23 octobre. / © FRNCOIS LO PRESTO / AFP
Illustration d’une précédente évacuation, le 23 octobre. / © FRNCOIS LO PRESTO / AFP

Parmi eux, 267 hommes isolés, 17 mineurs isolés et plusieurs familles.

Par Q.V avec AFP

Quelque 450 migrants ont été évacués mardi d’une zone municipale à Grande-Synthe, près de Dunkerque, lors d’une nouvelle opération.

Cette opération, menée par des CRS entre 8h et 13h, a conduit à l’évacuation par bus de ces personnes qui se trouvaient sur le site dit de la ferme des jésuites, près de la zone du Puythouck où des migrants installent régulièrement leurs campements.

Parmi elles figuraient 267 hommes isolés, 17 mineurs isolés et des familles, a indiqué la préfecture du Nord. Elles ont été orientées vers une vingtaine de centres d’accueil dans les Hauts-de-France en fonction de leur situation.

Septième opération en 6 mois

Cette évacuation a pour origine « une décision d’expulsion du tribunal de grande instance de Dunkerque à la demande de la mairie de Grande-Synthe« , a précisé la préfecture.

Il s’agit de la septième opération de ce type en six mois à Grande-Synthe, qui enregistre des arrivées régulières de migrants – en majorité kurdes – désireux de rejoindre l’Angleterre.

Fin octobre, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait pourtant affirmé la « volonté de fermeté » du gouvernement pour que le campement ne se reconstitue pas « une énième fois« , après la précédente évacuation de la zone du Puythouck.

Evacuation et enfermement en rétention de personnes exilées à Grande Synthe

https://www.lacimade.org/evacuation-et-placement-en-retention-de-personnes-exilees-a-grande-synthe/

25 octobre 2018

Le 23 octobre, une énième opération d’évacuation a été menée par les services de l’Etat, appuyés par un arsenal policier impressionnant : 31 fourgons de CRS, 20 fourgonnettes de gendarmerie, 11 fourgons de la police nationale. Pour quel résultat ?

 

Depuis fin mai, l’histoire se répète sur la commune de Grande-Synthe

Près d’une dizaine d’opérations d’évacuation ont eu lieu en cinq mois. Cela n’a pas empêché les personnes exilées de continuer à arriver et à s’installer là où elles peuvent dans une grande précarité, faute de places d’hébergement.

Depuis plusieurs semaines, pas moins de 1 500 personnes vivaient dans le bois du Puythouck, dans des conditions indignes et insalubres. Parmi elles, beaucoup de mineur·e·s non accompagné·e·s, particulièrement vulnérables et complètement oublié·e·s par le département qui a obligation de les prendre en charge.

Mardi 23 octobre, une énième opération d’évacuation a été menée par les services de l’Etat, appuyés par un arsenal policier impressionnant : 31 fourgons de CRS, 20 fourgonnettes de gendarmerie, 11 fourgons de la police nationale. Pour quel résultat ?

Le lendemain soir, à nouveau une centaine de personnes erraient sur la commune à la recherche d’un abri. Les personnes évacuées étant pour la plupart hébergées dans des gymnases, pour quelques jours seulement et sans accompagnement social sur place ; nombre d’entre elles reviendront très certainement à Grande-Synthe.

Pire, une soixantaine de personnes interpellées sont désormais menacées d’une expulsion, principalement vers l’Irak, pays où elles sont exposées à des risques de traitement inhumains et dégradants. Elles sont enfermées dans les centres de rétention administrative (CRA) de Coquelles (Pas-de-Calais), de Lesquin (Nord) d’Oissel (Seine-Maritime) et du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Dans ce dernier, où La Cimade intervient, les témoignages recueillis font état du traitement infligé par les forces de l’ordre. Interpellées tôt le matin, ces personnes n’ont pas pu récupérer leurs effets personnels (argent, vêtements, documents divers). Elles déclarent avoir été privées de nourriture depuis leur interpellation à 7 h du matin jusqu’au lendemain, du fait de leur arrivée tard dans la soirée au centre de rétention. De surcroît, certaines font état de problèmes de santé et toutes sont marquées par la précarité de leurs conditions de vie.

Toutes ces personnes ont contesté leur enfermement et les conditions de leur interpellation devant la justice.

La grande majorité des personnes évacuées à Grande-Synthe y est arrivée en passant par un autre pays européen ; pour autant, la France doit leur permettre de demander l’asile ici, sans appliquer la procédure Dublin.

Au moment où la mairie de Grande-Synthe s’apprête à signer avec l’Etat un accord prévoyant un dispositif d’accueil, celui-ci ne pourra être viable que si les structures d’hébergement ne se transforment pas en centres de tri et que l’accueil y est inconditionnel.

La Cimade rappelle que les personnes exilées qui arrivent sur la commune doivent bénéficier de l’hébergement de droit commun, avec notamment l’accès aux dispositifs du 115, comme solution digne et durable. De plus, l’enfermement en rétention administrative et la volonté du gouvernement d’expulser vers l’Irak sont profondément contraires à une politique d’accueil et de protection des personnes exilées, et doivent cesser immédiatement.

 

Rapport de la Cimade sur le squat des 5 étoiles à Lille

Rapport d’observation sur les conditions de vie dans le squat du “5 étoiles” à Lille

5 novembre 2018

La Cimade Lille est allée le 18 octobre à la rencontre des personnes vivant ce squat afin d’en savoir plus sur leurs accès à un certain nombre de droits fondamentaux

Alertée par des personnes étrangères accompagnées dans le cadre de ses activités et interpellée par des associations et citoyens, La Cimade Lille a mené une enquête le 18 octobre dernier sur le squat dit du « 5 étoiles » à Lille.

Ce dernier est situé dans les locaux d’un ancien entrepôt et a été ouvert suite à l’évacuation le 24 octobre 2017 des personnes installées sur le site de l’ancienne gare Saint Sauveur.

Les membres de l’association y ont rencontré 79 personnes, soit environ la moitié des personnes estimées sur le site, et les ont questionnées sur leur accès à un certain nombre de droits fondamentaux (accès à l’eau, à la lessive, aux toilettes, à une douche, nourriture, soins et hébergement) et sur leur statut (nationalité, âge, date d’arrivée en France et sur le squat, situation administrative).

Nos constats, repris dans un rapport d’observation rendu public le 5 novembre, sont édifiants. Les lieux sont insalubres et les conditions de vie sur place précaires et indignes. Toutes les personnes ont exprimé des difficultés d’accès à l’eau et à l’hygiène. En effet, le seul point d’eau du squat, rétabli le 20 juillet 2018 après une coupure de plusieurs mois, ne garantit pas un accès suffisant à de l’eau potable. Le site n’est équipé ni de WC, ni de douches, alors que les accueils de jour présents sur la ville de Lille sont débordés. La faim fait partie du quotidien de plus de la moitié des personnes du squat qui ne mangent qu’une seule fois par jour, et pas toujours un repas chaud. En outre, alors que l’hiver arrive et que le froid se fait déjà ressentir, toutes les personnes présentes sur le squat n’ont pas de couverture et certaines dorment à même le sol, sans matelas.

Originaires de 15 pays différents (principalement d’Afrique subsaharienne et plus particulièrement de Guinée), les personnes présentes sont âgées à 80% de moins de 30 ans et sont arrivées en France et sur le squat, pour la grande majorité, depuis moins de 3 mois, orientées sur le squat par le bouche à oreille, mais aussi par des agents du département et de la Préfecture.

24% de personnes rencontrées se sont déclarées mineures. En attente d’un rendez-vous pour évaluer leur minorité ou en cours d’évaluation, la moitié de ces personnes auraient dû être prises en charge par le département dans le cadre de l’accueil provisoire d’urgence prévu à l’article L. 223-2 du Code de l’action sociale et des familles (seuls 2 mineurs l’étaient).

Les autres personnes, majeures, sont quasiment toutes en demande d’asile et devraient à ce titre être hébergées durant toute la durée de la procédure d’asile dans le cadre du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, conformément aux articles L 744-1 et suivants du Code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile.

Ces conditions de vie amplifient la détresse morale des personnes vivant sur le squat et favorisent un climat d’insécurité et de tensions. Si 4 habitants sur 5 appellent le 115, aucune place ne leur est proposée, faute d’hébergement disponible au titre de la veille sociale. Alors que le délai d’attente est sur la métropole lilloise de 90 à 100 jours pour obtenir une première place d’hébergement d’urgence, rejoindre le squat semble être devenu la seule alternative à la rue.

Notre rapport d’observation a été adressé aux autorités compétentes, dont Monsieur le Préfet du Nord et Madame la Maire de Lille. Nous appelons à des solutions d’hébergement pérennes pour l’ensemble de ces personnes conformément à la législation, et demandons, dans l’attente, que soient prises des mesures urgentes afin de garantir le respect de la dignité de ces personnes, notamment en termes d’alimentation, d’hygiène, de santé et d’accompagnement.

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Procès des 7 de briançon

Action collective

Procès des 7 de Briançon hier :
Une audience exceptionnelle dans un contexte d’intimidations des personnes migrantes et des militant·e·s solidaires

L’audience du procès des 7 de Briançon poursuivis pour « aide à l’entrée sur le territoire français d’étrangers en situation irrégulière en bande organisée », qui s’est tenue hier le 8 novembre, a été marquée par la force et l’endurance de la défense et la mobilisation pacifique continue à l’extérieur du tribunal de Gap. Le verdict a été mis en délibéré au 13 décembre 2018.

C’est dans une ambiance tendue que l’audience s’est tenue pendant plus de 17 heures hier au tribunal correctionnel de Gap. Les longs débats, qui ont duré près de 11 heures, n’ont pas permis d’établir le caractère délictueux des faits reprochés, mais le caractère fondamental du droit de manifester a été réaffirmé.

Au terme d’1h30 de réquisitoire et après avoir finalement (et enfin !) abandonné la circonstance aggravante de « bande organisée », le Ministère public n’a même pas pris la peine d’établir la responsabilité individuelle de Bastien, Benoit, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo concernant les infractions qui leur étaient reprochées, principe pourtant indispensable en droit pénal. Il a néanmoins demandé au tribunal de condamner chacun des prévenu·e·s à respectivement 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple pour Bastien, Benoit, Eleonora, Lisa et Théo ; 12 mois dont 8 avec sursis simple pour Juan ; et 12 mois dont 8 avec sursis avec mise à l’épreuve pour Mathieu.

En revanche, les avocat·e·s de la défense (Me Binimelis, Me Brengarth, Me Chaudon, Me Djermoune, Me Faure-Brac et Me Leclerc) ont brillamment démonté, aux termes de 3h10 de plaidoiries, un à un les quelques éléments avancés par le Parquet, et ont démontré qu’il n’y avait pas d’infraction à reprocher à des « marcheurs solidaires ». Le procès a également permis aux avocat·e·s et aux prévenu·e·s de dénoncer, à nouveau, les violations quotidiennes des droits des personnes migrantes commises par les forces de l’ordre à la frontière franco-italienne, les agissements illégaux restés impunis à ce jour du groupuscule Génération Identitaire et les tentatives d’entraves au droit fondamental de manifester à la fois des prévenu·e·s mais aussi des personnes exilées.

En face du tribunal, un rassemblement pacifique de soutien a réuni plus de 2 500 personnes venues de la région de Gap, de Briançon, de Marseille, Toulouse, Grenoble, etc. Collectifs, associations françaises et européennes et militant·e·s étaient rassemblé·e·s pour soutenir les prévenu·e·s et dénoncer les pressions, intimidations et poursuites à l’encontre des militant·e·s, et porter haut et fort leur attachement à la solidarité dans les Alpes et au-delà. C’est dans un esprit pacifique et déterminé que le soutien s’est organisé de 7 heures à 2 heures du matin, malgré une présence policière disproportionnée. La préfecture avait mobilisé plus d’une dizaine de camions de CRS, plus d’une dizaine de camions de gendarmes, de nombreux policiers en civil, et même un canon à eau. En plus des poursuites intentées par le procureur de Gap contre Bastien, Benoit, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo, d’autres bénévoles solidaires des personnes migrantes de Briançon sont convoqués devant la justice en janvier 2019, comme Pierre de l’association Tous Migrants.

Nos organisations dénoncent l’acharnement de certains procureurs contre celles et ceux qui défendent les droits humains en venant en aide aux personnes migrantes.

Soutenues par près de 50 000 personnes qui ont déjà signé la pétition lancée par les organisations signataires, celles-ci espèrent donc que le tribunal se prononcera en faveur de la relaxe des 7 de Briançon, et demandent l’abandon de toutes les poursuites pour délit de solidarité contre les personnes, dans les Alpes et ailleurs, qui agissent dans un esprit de fraternité.

Rappel des faits : Bastien, Benoit, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo sont poursuivi·e·s pour avoir participé en avril dernier à une marche solidaire pour dénoncer les violences commises par le groupuscule identitaire à l’encontre des personnes exilées dans la région de Briançon. L’État leur reproche d’avoir à cette occasion « facilité l’entrée de personnes illégales sur le territoire français », et de l’avoir fait « en bande organisée ». Ils et elles risquent jusqu’à 10 ans de prison et 750 000 euros d’amende.

9 novembre 2018

Organisations signataires :

  • Anafé
  • La Cimade
  • Gisti
  • Comité de soutien, personnes inculpées et Tous Migrants