FAS // La domiciliation : porte d’entrée aux autres droits

http://www.federationsolidarite.org/champs-d-action/accueil-orientation/9358-pas-d-adresse-pas-de-droit

Dans le cadre du projet de loi de finances 2019, la Fédération des acteurs de la solidarité, aux côtés du Secours catholique, d’Emmaüs France, de Dom’Asile et du Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, ont souhaité faire exister le sujet du financement de la domiciliation, qui constitue un chantier indispensable et pourtant délaissé des priorités gouvernementales.

Pas d’adresse pas de droit !

En effet, nos associations regrettent que la domiciliation soit absente de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, ainsi que du plan national pour un numérique inclusif, alors que ces derniers visent à renforcer l’accès aux droits des personnes en situation d’exclusion et à lutter contre le non recours.

Ce collectif inter-associatif a proposé en ce sens un amendement visant à apporter aux organismes de domiciliation une aide financière, aujourd’hui inexistante et pourtant essentielle pour leur permettre d’assurer leurs missions et de garantir l’accès aux droits des personnes en situation d’exclusion, à travers la création d’une ligne budgétaire dédiée à la domiciliation au sein de l’action 12 « Hébergement et logement adapté » du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Dans une lettre en date du 5 novembre, le collectif a également saisi Jacqueline Gourault, nouvelle Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, demandant que le gouvernement s’empare de cette question lors de l’examen du projet de loi de finances en séance publique à l’Assemblée nationale le vendredi 9 novembre dernier. Cet amendement a reçu un avis défavorable de la part de Julien Denormandie, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, qui, bien qu’ayant souligné l’importance de ce sujet, a rejeté la demande du collectif.

Mais, au juste, pourquoi la domiciliation est-elle si importante en matière d’accès au droit et pourquoi son accès se trouve entravé ?

La domiciliation permet aux personnes sans domicile stable de disposer d’une adresse administrative leur permettant de faire valoir leurs droits civils, civiques et sociaux. Dans le cadre des politiques publiques de lutte contre les exclusions, la domiciliation constitue en ce sens la première porte d’entrée en matière d’accès aux droits. Sans celle-ci, les personnes sans domicile stable ne peuvent prétendre à une couverture maladie, à une demande de logement social, à l’exercice des droits civils et civiques, aux prestations sociales, à la régularisation du séjour, à l’ouverture d’un compte bancaire ou encore à l’accès à un emploi.

Plus encore, avoir une adresse, c’est avant tout exister socialement dans la société, c’est symboliser une appartenance à un territoire. Pour des personnes en situation de grande exclusion qui ne recourent pas ou plus à certains services sociaux et médicaux, l’entretien de demande d’élection de domicile permet d’appréhender des problématiques plus globales de santé, d’hébergement et de logement.

Si les CCAS ont l’obligation légale de domicilier les personnes sans domicile stable et ayant un lien avec la commune, des associations et organismes peuvent solliciter un agrément de domiciliation pour assurer ce service. Très souvent, ce sont des accueils de jour qui assurent cette mission. Dans une enquête réalisée par la Fondation Abbé Pierre et la Fédération des acteurs de la solidarité en juin et juillet 2016 auprès de 136 accueils de jour en France – représentant 58 départements – la moitié de ces derniers déclarait disposer d’un service de domiciliation.

Or, la domiciliation, qui ne fait l’objet d’aucun financement en propre pour les structures domiciliataires, est pourtant coûteuse : elle nécessite des locaux adaptés et un espace physique important pour la gestion du courrier (réception, tri, stockage et mise à disposition) mobilisant du personnel en charge de celle-ci et de l’accueil des personnes. Le personnel est également souvent amené à aider les personnes dans la lecture ou la rédaction de courriers, ainsi que dans l’accès à certains droits. Plus qu’une boîte à lettre, la domiciliation est une porte d’entrée pour accompagner les personnes dans leurs démarches administratives et sociales. Enfin, la gestion du courrier doit répondre à certaines compétences et exigences légales, notamment en matière de confidentialité et de protection des données personnelles, et nécessite en ce sens des compétences spécifiques.

Si la loi ALUR de 2014 a consacré bon nombre d’avancées, la domiciliation administrative est depuis plusieurs années en crise. Le nombre d’élections de domiciliation a connu une hausse significative et régulière, qui touche aussi bien les CCAS/ CIAS que les associations agrées de la veille sociale – notamment les accueils de jour – et qui se concentre en partie dans les zones urbaines : entre 2012 et 2014, cette augmentation est, à titre d’illustration, de plus de 70 % en Seine-Saint-Denis1, 31% dans les Pyrénées-Atlantiques2, 25% dans le Rhône3.

Cette hausse conduit les organismes domiciliataires (CCAS et associations) à devoir refuser des domiciliations voire à renoncer à renouveler leur agrément de domiciliation faute de moyens matériels, humains et financiers pour mener à bien cette mission.Ces fermetures successives de services associatifs de domiciliation provoquent de véritables déséquilibres territoriaux ayant pour conséquence le non-recours à ce droit pour un grand nombre des personnes sans domicile stable.


1 Schéma départemental de la domiciliation des personnes sans domicile stable – Seine-Saint-Denis 2015-2017

2 Schéma départemental de la domiciliation des personnes sans domicile stable – Pyrénées-Atlantiques 2017-2022

3 Schéma départemental et métropolitain de la domiciliation des personnes sans domicile stable – Rhône 2016-2020