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Fermeture du parking de Setques

http://www.lavoixdunord.fr/328102/article/2018-03-03/fermeture-du-parking-de-setques-c-est-un-peu-le-jeu-du-chat-et-de-la-souris

Fermeture du parking de Setques, « c’est un peu le jeu du chat et de la souris »

Le sous-préfet de Saint-Omer explique pourquoi le parking poids lourds du péage de Setques a fermé le 20 février dernier.

Le sous-préfet de Saint-Omer explique pourquoi le parking poids lourds du péage de Setques a fermé le 20 février dernier.

Il y avait urgence à prendre cet arrêté…

« Après le démantèlement, on a pensé que le flux de migrants allait se tarir dans le secteur mais ça n’a pas été le cas. On a interdit le stationnement des poids lourds sur le parking du péage de Setques de façon à ce que les passeurs n’aient plus la possibilité de faire monter les migrants dans les poids lourds stationnés là. Si on limite les parkings poids lourds, on limite la zone d’activité des passeurs. »

Les aires de repos, les parkings poids lourds ferment les uns après les autres. Est-ce que finalement, ça ne déplace pas sans cesse le problème ?

« Nous avons vu le résultat lorsque l’aire de Villefleur a fermé. Le flux s’est tari mais c’est vrai, il s’est reporté sur l’aire de Setques. Notre but reste de gêner au maximum les passeurs. »

C’est un jeu sans fin…

« Les passeurs s’adaptent à ce que nous faisons, et nous, à ce qu’ils font. C’est un peu le jeu du chat et de la souris. Malgré tout, l’État obtient des résultats comme à Calais où nous sommes passés de plus de 8 000 migrants à environ 400-500 personnes aujourd’hui. Ce bilan n’est pas critiquable. On fait dans la dentelle. On essaie de gérer intelligemment le problème dans un contexte international. »

Avez-vous déjà des retours une semaine après la mise en place du dispositif ?

« Dans quelques semaines, nous devrions voir le flux baisser. Mardi 6 mars, je vais faire un premier bilan avec les forces de gendarmerie et la SANEF (exploitant de l’A26, NDLR). »

Quels effets, cet arrêté peut-il avoir sur le camp de migrants qui s’est reformé à Longuenesse ?

« Cela pourrait avoir des conséquences sur ce camp. Ce qui intéresse les personnes qui y vivent, c’est la proximité avec le parking poids lourds de Setques. Ce n’est plus le cas pour l’instant. »

Deux articles sur le camp d’Angres et ses habitant.e.s

http://www.liberation.fr/societe/2018/04/05/a-100-km-de-calais-vietnam-city-discret-camp-de-migrants-aux-mains-de-passeurs_1641148

A 100 km de Calais, «Vietnam City», discret camp de migrants aux mains de passeurs

Par AFP

 

A cent kilomètres au sud de Calais, à l’abri des regards, une quarantaine de Vietnamiens vivent dans une maison abandonnée, en attendant de rejoindre l’Angleterre. Régi par des passeurs, ce camp de migrants d’Angres est dans le viseur de l’État qui compte le démanteler avant l’été.

Dans la cour, à l’orée d’un bois, un autel bouddhiste accueille les visiteurs. «Camp d’Angres, 50 personnes maximum», peut-on lire sur une pancarte placardée sur cet ancien bâtiment des mines mis à disposition par la mairie communiste.

Les premiers migrants vietnamiens sont arrivés en 2006. D’abord «à côté de la station-service, dans la gadoue» puis, depuis 2010, sur ce terrain communal avec des «conditions de vie moins précaires», raconte Maryse Roger-Coupin, maire de cette petite ville de 4.300 habitants.

Ils sont aujourd’hui une quarantaine dans ce bâtiment, surnommé «Vietnam City», à côté d’un site classé Seveso. «Ils ont déjà été plus de 200», affirme Benoît Decq, bénévole du collectif Fraternité migrants. «Des migrants économiques originaires de la région de Vinh, quelques mineurs, 20% de femmes et le turn-over est important», expose-t-il.

Dans le dortoir, de nombreux migrants dorment encore. Il est 15H, mais certains ont passé la nuit à essayer de grimper dans des camions en partance pour l’Angleterre. Des ballons dégonflés pendent au plafond du hangar à côté, «des restes de la fête du Têt, le nouvel an vietnamien», commente Benoît Decq. Plus loin, des jeunes jouent au ping-pong, se réchauffent autour d’un poêle ou cuisinent du poulet aux oignons. Le silence est de mise.

Comme chaque soir, ils dîneront ensemble avant de traverser la forêt pour rejoindre l’aire de repos sur l’A26, l’avant-dernière avant Calais, où des chauffeurs de camion font halte la nuit. Sur leur route, certains fleuriront la tombe de soldats français morts en 1915. «Inconcevable pour eux de laisser une tombe à l’abandon», explique M. Decq.

– «Jusqu’à 30.000 euros le passage» –

Après ses dix années de bénévolat, celui-ci a une certitude: «Du Vietnam en Angleterre, le trajet est géré par des passeurs. On n’arrive pas à Angres par hasard, en se promenant!»

Une filière de passeurs a d’ailleurs été démantelée en février: 14 personnes ont été interpellées à Angres et Paris et mises en examen du chef d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’étrangers en France en bande organisée. «Mais il s’agit de trafics tellement rentables que les équipes de passeurs se reconstituent rapidement», selon le procureur de Béthune, Philippe Peyroux.

Selon une source proche du dossier, «le coût du passage varie en fonction du degré d’organisation. Les passages +garantis+, dans des véhicules avec des caches aménagées difficiles à détecter lors de contrôles, peuvent monter jusqu’à 30.000 euros».

Pour payer, certains migrants empruntent: «les réseaux avancent l’argent et les personnes remboursent avec leur salaire une fois passées en Angleterre. Elles deviennent ainsi prisonnières de ces réseaux pendant des années», dénonce cette source. D’autres, en deviennent complices : «Ce sont les +concierges+, ils ferment la porte des camions», explique Benoît Decq persuadé que les «chefs» du réseau n’habitent pas dans le camp.

Vendredi, cinq migrants vietnamiens ont été blessés au couteau lors d’une rixe dont les circonstances sont pour l’heure inconnues.

A Angres, «nous avons affaire à un trafic criminel d’êtres humains», estime la préfecture du Pas-de-Calais qui a mis en demeure la mairie de fermer le bâtiment. «C’est un point de fixation pour les passeurs, le site est dangereux et les conditions de vie indignes, l’État est déterminé à ce que ce lieu ne puisse plus accueillir de migrants», tonne la préfecture.

Réponse de la maire: «Ce n’est pas le camp qui aspire les Vietnamiens, c’est l’aire de repos. Si on démantèle, ils continueront à arriver et se retrouveront dans le bois, dans des conditions épouvantables».

https://www.mediapart.fr/journal/international/050418/angres-des-migrants-vietnamiens-en-partance-vers-les-fermes-de-cannabis-anglaises?onglet=full

A Angres, des migrants vietnamiens en partance vers les fermes de cannabis anglaises

Par Elisa Perrigueur

Avant de gagner l’Angleterre, des centaines de ressortissants vietnamiens transitent chaque année par la commune d’Angres, dans le Pas-de-Calais, où se situe le camp de migrants baptisé « Vietnam City ». Outre-Manche, une grande partie d’entre eux deviennent esclaves des fermes de cannabis, loin des promesses d’emploi de leurs passeurs.

Angres (Pas-de-Calais), Londres (Royaume-Uni), envoyée spéciale.– Le crépuscule tombe sur la bâtisse de briques, les lampions asiatiques rouges ondulent dans le froid, un feu éclaire le hangar adjacent. Le silence domine et ils sont pourtant une trentaine à tuer le temps sur ce site, ce 20 février. Des silhouettes à capuche se réchauffent les mains, deux hommes coupent du bois à la hache. D’autres fument autour d’un poêle dans un dortoir aux graffitis colorés où pendent les câbles électriques. Dans quelques heures, lorsque la nuit aura enrobé le bois qui touche le camp, ces hommes franchiront à pied les centaines de mètres qui les séparent de la station-service British Petroleum (BP) en bordure de l’A26, dite « l’autoroute des Anglais ». Ces Vietnamiens tenteront, comme presque chaque nuit, de monter dans les camions garés qui rejoignent ensuite le Royaume-Uni.

Ces locaux vétustes, situés à Angres, commune du Pas-de-Calais, sont connus des migrants sous le nom de « Vietnam City ». Ils n’abritent que des ressortissants vietnamiens depuis la création du camp en 2010. Rares sont ceux qui pénètrent en ces lieux isolés derrière des locaux techniques municipaux. Ce 20 février, ces hommes ombrageux sont sur la réserve. Un jeune Vietnamien souriant s’approche toutefois. Il est l’un des rares à parler anglais. Venu de la région d’Hanoï, il a mis « trois mois à traverser l’Europe » : un stop en Ukraine, en Allemagne, puis à Paris avant d’échouer dans cette commune du bassin minier de 4 000 habitants, il y a trois semaines. L’homme svelte à la capuche grise n’a pas le temps de terminer son récit, de décrire ses ambitions en Grande-Bretagne. Un cercle se resserre autour de lui, des hommes le scrutent. Le jeune se crispe. Comme le reconnaissent les autorités, les associations et la municipalité d’Angres, les passeurs dorment à « Vietnam City » et vivent aux côtés de ceux que les réseaux surnomment leurs clients.

Basé à une centaine de kilomètres au sud de Calais, le camp d’Angres est méconnu en France. En bordure d’une usine classée Seveso, il constitue pourtant la dernière escale incontournable, avant le Royaume-Uni, de tous les exilés économiques du Vietnam qui ont traversé illégalement l’Europe. Ils échouent ici après avoir payé un trajet 15 000 à 30 000 euros. « Ils passent généralement par la Russie où ils arrivent en avion, souligne Vincent Kasprzyk, capitaine de la brigade mobile de recherche (BMR) à Coquelles (Pas-de-Calais). De là, les Vietnamiens viennent ensuite par les frontières terrestres jusqu’en France. » À pied ou à l’arrière des camions, ils franchissent la Biélorussie ou l’Ukraine, la Pologne, la République tchèque, l’Allemagne puis la France avant leur destination finale.

Sur la façade ocre de la maison, une pancarte indique « Camp d’Angres, 50 personnes maximum, interdit aux mineurs », traduit aussi en vietnamien. « On compte généralement 10 à 15 % de moins de 18 ans, 20 % de femmes et 80 % d’hommes, assez jeunes », explique Mimi Vu, de l’ONG Pacific Links, basée au Vietnam, qui s’est rendue plusieurs fois sur le site. Les familles sont rares. Selon les périodes, entre 70 et 150 personnes logent entre ces murs octroyés par la municipalité communiste. Difficile de chiffrer, car à « Vietnam City » le turn-over règne. « On a vu passer des milliers de Vietnamiens ces dernières années. Ce ne sont jamais les mêmes à quelques mois d’écart », détaille Benoît Decq, du collectif Fraternité migrants bassin minier 62, groupe qui soutient ces migrants depuis plus de dix ans et a gagné leur confiance.

Passeurs comme exilés se succèdent. De nouvelles têtes arrivent, quand d’autres réussissent chaque mois à traverser la Manche. « Il arrive que les autorités au port de Calais retrouvent jusqu’à 20 ou 30 Vietnamiens plusieurs soirs par semaine, indique Julien Gentile, patron de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière (Ocriest). Et la police ne peut pas les intercepter tous les jours, donc on estime qu’il y a un gros trafic entre la France et l’Angleterre. Cette activité importante est très surprenante car le camp est petit comparé au nombre de passages supposé. »

Le camp, créé en 2010, est isolé derrière des locaux
            techniques de la mairie d’Angres. Il compte de 70 à 150
            personnes, selon les périodes. © Elisa Perrigueur
Le camp, créé en 2010, est isolé derrière des locaux techniques de la mairie d’Angres. Il compte de 70 à 150 personnes, selon les périodes. © Elisa Perrigueur

Un trafic régulier, opéré par des passeurs très organisés. « Il y a plusieurs filières au sein du camp, parfois quatre ou cinq », estime Julien Gentile. Ces passeurs donnent des consignes aux « clients » : se méfier des habitants, rester mutique. Car les « concierges », comme les appellent parfois les associations, veillent. Ils ont méticuleusement organisé le voyage Vietnam-Royaume-Uni et ne lâchent pas leurs clients endettés.

À la différence des autres migrants kurdes, afghans, érythréens ou soudanais présents dans le Nord, « les Vietnamiens ne payent pas les passeurs en amont mais travaillent sur la route – dans la restauration, les usines de textile… – pour financer leurs déplacements au fur et à mesure », remarque Vincent Kasprzyk. Ainsi Cam, 32 ans, interrogé pour un rapport de l’association France terre d’asile paru en mars 2017, raconte-t-il avoir travaillé pendant trois mois à Varsovie « pour des Viêt Kiêu (diaspora vietnamienne) dans un restaurant » avant de payer son trajet jusqu’à Paris. En fin de parcours, ils sont déposés à Angres – dont ils ignorent souvent le nom – par des taxis « immatriculés en région parisienne », indique le capitaine. « Ils payent ces courses jusqu’à 600 euros, poursuit-il. Enfin, le franchissement de la dernière frontière à Calais [difficile à passer en raison des contrôles et barbelés – ndlr] coûte jusqu’à 10 000 euros. »

Ils acceptent ce parcours onéreux, souvent long de plusieurs mois, séduits par le discours des passeurs rencontrés au Vietnam qui leur promettent un emploi dans le supposé eldorado britannique. « Ces migrants viennent des régions pauvres du centre et du nord : les provinces de Nghê An, Hà Tinh, Quang Binh… Il n’y a aucun travail pour eux et ils ont une culture de la migration économique, clarifie Mimi Vu, de Pacific Links. Leur objectif est de gagner de l’argent pour l’envoyer à la famille. Les trafiquants leur garantissent qu’ils vont gagner entre 1 500 et 2 000 livres (1 680 à 2 250 euros) par mois, alors ils acceptent malgré le coût pour venir. Ils se disent qu’ils les rembourseront et qu’ils pourront aussi envoyer 1 000 livres à leurs proches. » Beaucoup savent qu’ils travailleront illégalement. Ils ignorent néanmoins le sort réel qui les attend au Royaume-Uni lorsqu’ils sont en transit à Angres.

Les passeurs vietnamiens ont « remporté » Angres au terme d’une longue bataille

Dans la ville aux maisons ocre, où l’on s’habitue à leur présence discrète et permanente, le Collectif Fraternité « veut soutenir ces Vietnamiens ». Car « ce sont des victimes », constate Benoît Decq. « Bien sûr qu’il y a des filières merdiques de passeurs au sein du camp et nous devons aider ces victimes de trafic. C’est pourquoi les membres de notre collectif les emmènent prendre des douches tous les week-ends [le camp comporte une maison, un hangar et des toilettes, mais pas de douches – ndlr], leur apportent du bois, essayent de communiquer avec eux en utilisant les mains, Google traduction… Les migrants, en revanche, font leurs courses eux-mêmes, avec leurs propres moyens. »

Une boule à facettes tournoie au-dessus des longues tables installées dans le hangar éventré, des guirlandes clignotent. « Nous organisons des repas avec eux, comme le jour de la fête du Têt [le nouvel an vietnamien, le 16 février 2018 – ndlr] », explique Benoît Decq. Ce camp officieux est un moindre mal pour la mairie qui fournit les locaux. « Les camps se multipliaient depuis 2006, détaille une source anonyme, les Vietnamiens vivaient dans les bois, autour de la station-essence, c’était difficilement tenable. Au moins, maintenant, ils ont un toit. Et si jamais on le démantèle, un autre campement viendra se créer ailleurs dans la ville. » Angres est en effet l’une des places les plus convoitées des mafias de passeurs depuis la fin des années 1990.

Dans le dortoir, un tag a été dessiné par les “ultras”
            du racing club de Lens qui ont visité le camp il y a
            quelques années. © Elisa Perrigueur
Dans le dortoir, un tag a été dessiné par les “ultras” du racing club de Lens qui ont visité le camp il y a quelques années. © Elisa Perrigueur

Le 6 février, les équipes de l’Ocriest ont découvert un monde souterrain. À quelques encablures du camp, lors d’une opération « antipasseurs » comme elles en mènent presque chaque année dans le camp, elles ont déniché une cavité au cœur du bois. Un câble attaché à un tronc d’arbre permettait de descendre en rappel dans ses profondeurs. Sous trois mètres, des galeries de briques rouges datant de l’exploitation minière donnaient sur des caves. L’un des tunnels abandonnés menait sous le hangar de « Vietnam City ». Sept trafiquants présumés ont été arrêtés lors de cette opération. Au total, la police a emmené 35 ressortissants, dont quatre femmes et huit mineurs. Mais ces passages auraient pu servir à d’autres migrants pour se cacher lors d’opérations policières, d’après les autorités. Quatorze postes de surveillance ont aussi été découverts sur le trajet boisé menant à la station BP.

La logistique traduit l’organisation consciencieuse de l’endroit, gardé comme une forteresse. La cause de cet arsenal : la station-service BP voisine. Stratégique, elle agit comme un aimant sur les passeurs. Elle est l’avant-dernière avant le port de Calais ou l’Eurotunnel. Les poids lourds s’y garent, il faut ensuite y dissimuler les migrants.

Cette aire, les groupes vietnamiens l’ont « remportée » au terme d’une longue bataille de la « guerre des parkings », au milieu des années 2000. Les clans de passeurs se disputaient alors les aires du Pas-de-Calais comme des territoires, au cours de rixes armées. « Les Vietnamiens sont arrivés en France aux alentours de 2002, ils possédaient un parking sur l’autoroute en direction de la Belgique, mais la préfecture l’a fermé, se souvient Vincent Kasprzyk, de la BMR. Ils sont ensuite descendus vers Angres. » Le parking BP « appartenait » alors à un Albanais, tué par le passeur Kurde irakien Ali Tawil, qui voulait reprendre les lieux. Contraint de fuir en Belgique après ce meurtre, il a laissé la place à ses « lieutenants », soit les membres de sa cellule, selon le jargon. Ils n’ont pas tenu longtemps face aux Vietnamiens, qui ont saisi Angres au bout de quelques semaines. Le parking prisé a subi d’autres attaques. Des mafias tchétchènes ont bien tenté de racketter les Vietnamiens en 2009. En vain : ils transitent depuis douze ans en dépit des opérations policières antipasseurs. « Aujourd’hui, l’ambiance est plus fermée qu’il y a quelques années, note toutefois Benoît Decq. Après ces raids, il est difficile pour nous [le collectif] d’aller parler aux Vietnamiens, les chefs deviennent méfiants. »

Récemment, des faits de violence ont également eu lieu dans le camp. Le 30 mars, cinq migrants vietnamiens y ont été agressés dans l’après-midi. Selon une source policière, quatre ont été blessés à l’arme blanche, dont un plus gravement au dos et aux jambes, par deux assaillants selon les premiers éléments de l’enquête. Un autre Vietnamien souffre de contusions. Les autorités ne disposent pour l’heure d’aucune information sur les auteurs de l’agression.

Esclaves des fermes de cannabis

À Angres, ces exilés sont discrets. Outre-Manche, ils restent pour beaucoup des fantômes. Travaillant au noir, une grande partie tombe dans l’esclavage moderne. Le compte-rendu de la National Crime Agency, qui analyse la période allant d’octobre à décembre 2017, rappelle que les Vietnamiens restent parmi les trois nationalités les plus exploitées (pouvant par exemple être victimes de travail forcé, d’exploitation sexuelle ou domestique…) au Royaume-Uni, aux côtés des Albanais et des Britanniques eux-mêmes.

« Tous les migrants que j’ai rencontrés à Angres et Coquelles avaient prévu de travailler dans un bar à ongles », raconte Mimi Vu, de l’ONG Pacific Links. En décembre 2016, les autorités ont perquisitionné plus de 280 nail bars à Londres, Édimbourg et Cardiff dans le cadre de l’opération Magnify, visant à lutter contre la traite humaine. Près de 100 personnes, « majoritairement vietnamiennes », avaient alors été détenues pour « infraction à la législation sur l’immigration », comme le rapporte la chaîne BBC.

L’autre préoccupation des autorités et organisations concerne la traite de Vietnamiens au sein de fermes de cannabis « indoor ». Business souterrain colossal, ces usines de cannabis fleurissent aux quatre coins du pays. La police en démantèle régulièrement. « Ce sont les mafias vietnamiennes qui dominent ce marché », explique Mimi Vu (suivies des Albanais et des Britanniques, selon l’organisation de défense des mineurs Ecpat UK).

Ces groupes asservissent d’autres ressortissants vietnamiens. « Des migrants disent lors de leur périple qu’ils travailleront dans les bars à ongles, mais ils refont en réalité surface dans ces fermes », précise Mimi Vu. En 2014 et 2015, en Angleterre et au Pays de Galles, 366 841 plants de cannabis ont été saisis en douze mois, soit plus de 1 000 chaque jour, selon l’Office national de la statistique cité dans un rapport du commissaire indépendant contre l’esclavage. Le 23 février 2017, la police du Wiltshire, comté du sud-ouest de l’Angleterre, découvrait ainsi une usine de cannabis nichée dans un bunker antinucléaire datant des années 1980. Les champs de cannabis, qui s’étendaient à perte de vue sur vingt pièces, valaient près d’1,12 million d’euros. Trois Vietnamiens, dont un mineur, travaillant « comme des esclaves » d’après les autorités, avaient été interpellés lors de l’opération.

En Grande-Bretagne, ces fermes informelles ont réellement été révélées au grand jour « il y a environ douze ans, lorsqu’un mineur vietnamien avait été retrouvé dans l’une d’elles », raconte Chloé Setter de l’organisation Ecpat UK qui a été au contact de nombreux anciens « jardiniers » enrôlés, parfois même des orphelins enlevés dans leur pays d’origine. Les conditions de leur misère restent floues dans ce business obscur. Enfermés, certains dorment à même le sol dans les usines, d’autres dans des appartements loués. Ils entretiennent le cannabis, qui nécessite un arrosage précis, une température et une lumière calculées. Ils ne comptent pas leurs heures, exposés aux risques dans des locaux vétustes dotés d’installations électriques précaires.

Les trafiquants agitent sans cesse la dette du voyage pour garder le contrôle sur leurs proies. Ils les logent, mais ne restent pas sur place. « Les premiers mois, ils ne les payent pas, en disant qu’ils les hébergent gratuitement et leur fournissent de la nourriture… Ensuite, les jeunes commencent à travailler pour rembourser l’itinéraire mais vu ce qu’ils gagnent, ils n’atteignent jamais les sommes dépensées », relate Chloé Setter. Les travailleurs sortent rarement, et toujours accompagnés d’un trafiquant. Ils gagnent peu, « parfois 10 à 15 livres [11 à 17 euros] par mois, parfois 300 livres [330 euros] pour six mois, parfois rien », détaille-t-elle. Une pression peut aussi être exercée sur les familles dans le pays d’origine pour contribuer au remboursement. « Personne n’ose s’échapper, les trafiquants leur disent que, sans papiers, ils finiront en prison et ne pourront plus les payer. De plus, ces jeunes continuent d’espérer gagner de l’argent, pensant que c’est humiliant de ne rien envoyer à leur famille », conclut Chloé Setter.

Culture du cannabis en Angleterre. © Elisa Perrigueur
Culture du cannabis en Angleterre. © Elisa Perrigueur

Pour les trafiquants, la recette est rentable : peu de risques, pour des profits faramineux. Ils sont souvent absents lorsque les petites mains sont interpellées, au cours des démantèlements d’usines. Ecpat UK se bat désormais pour faire reconnaître ces jeunes Vietnamiens comme des victimes d’esclavage. Dans le court métrage de sensibilisation The Secret Gardeners (Les Jardiniers secrets), réalisé par l’organisation, un adolescent raconte sa séquestration dans une ferme de cannabis. Interpellé par la police britannique, le jeune Vietnamien est accusé de mentir sur son âge, d’être un criminel, il ne « comprend pas » ce qui lui arrive. En 2016, 227 mineurs vietnamiens ont été reconnus comme potentielles victimes de traite, selon Ecpat UK. Mais l’acquisition de ce statut demeure un processus complexe. Au Royaume-Uni comme en France, ces migrants restent silencieux : Chloé Setter explique que les passeurs exigent d’eux qu’ils se taisent en cas d’arrestation.

The Secret Gardeners vise aussi à sensibiliser d’autres intéressés : les fumeurs de cannabis. « Les consommateurs ne savent pas que leurs joints viennent de l’esclavage, traduit Chloé Setter. Le phénomène ne concerne pas uniquement l’Angleterre. Nous savons que des fermes existent aussi en République tchèque, en Allemagne… Nous avons également enquêté en France. » Dans l’Hexagone aussi, des cultures de cannabis indoor poussent dans l’ombre, comme dans cet atelier de confection désaffecté découvert à La Courneuve en 2011, cette maison à Saverne (Bas-Rhin) en 2012 ou encore ce pavillon à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) en 2014. À chaque fois, des Vietnamiens étaient derrière ces plantations illégales.

Communiqué de l’Auberge des Migrants sur la Marche Solidaire

Une Marche Solidaire, de Vintimille à Douvres, 60 étapes, 1 400 km, pour l’accueil des migrants, contre le blocage des frontières, contre le délit de solidarité

Une marche solidaire de plus de deux mois…

L’Auberge des Migrants, avec La Roya Citoyenne, Défends ta Citoyenneté (D.T.C.) et de très nombreux citoyens, associations, ONG, collectifs, organise une longue marche, du 30 avril au 8 juillet 2018

… de Vintimille et la Roya à Calais et Douvres …

La Marche joindra la frontière franco-italienne à la frontière franco-britannique, deux frontières bloquées, l’une pour tenter d’empêcher les migrants d’entrer, l’autre pour les empêcher de sortir !

…pour l’accueil des migrants …

La Marche Solidaire vise à demander un véritable accueil des migrants. Le gouvernement actuel les refoule à la frontière, les laisse dans la rue, les décourage de rester, en détruisant les abris, refuse d’examiner la demande d’asile des « dublinés », rejette de nombreux mineurs isolés en leur déniant leur minorité, expulse, y compris vers des pays en guerre et des dictatures. A travers la future Loi Immigrations et Asile, l’état s’apprête à aggraver la situation des migrants et à favoriser leur expulsion.

… contre le blocage des frontières…

La Marche vise à protester contre le blocage des deux frontières, blocage inefficace, inhumain et coûteux, qui oblige les migrants à prendre des risques énormes et enrichit les passeurs. Les migrants arrivant dans l’Union Européenne doivent pouvoir demander la protection de l’état européen de leur choix.

…contre le délit de solidarité…

La Marche Solidaire s’élève contre le délit de solidarité : au lieu d’encourager les citoyens à accueillir, à aider les migrants à s’abriter, à se nourrir, à se poser pour envisager leur avenir, l’état arrête, inculpe, condamne ces citoyens.

… pour collecter des fonds et susciter des donations en nature pour aider les migrants…

La Marche solidaire permettra de mettre en valeur les actions menées dans 60 villes-étapes, de collecter des fonds, de susciter des collectes de matériel, au bénéfice des actions à Calais et Grande-Synthe, dans la vallée de la Roya et dans d’autres localités.

… de façon colorée, gaie et ouverte…

La Marche sera l’occasion de rencontres, d’échanges. Rassemblements, cortèges, repas, concerts, animations diverses, seront mis sur pied, dans un esprit festif, coloré, joyeux et ouvert au dialogue.

… 60 étapes, toutes organisées avec l’aide de relais locaux, toutes différentes …

30 à 50 marcheurs parcourront chaque étape. Les marcheurs inviteront les citoyens solidaires à les rejoindre à l’entrée des villes-étapes. Le cortège se rendra dans un ou des lieux symboliques. Le dialogue avec la population sera appuyé par des stands, des expositions, des conférences-débats, des projections de films, des concerts… Repas partagé ou pique-nique permettront le dialogue convivial.

Des exemples :

… à Vintimille*, rencontre avec les migrants bloqués à la frontière, avec les soutiens italiens, marche dans la montagne vers Breil, accompagnée par HK !

… à Breil-sur-Roya*, 30 avril au soir et 1 mai, Table Ronde avec des personnalités, concert avec Cali

… à Marseille*, samedi 12 juin et dimanche 13 juin : parcours dans la ville, de la gare Saint-Antoine au Vieux Port, à la découverte d’un Marseille mal connu ; cortège simultané de vélos ; fanfare d’accompagnement ; prises de parole sur la loi immigration et les Etats Généraux des Migrations ; repas partagé aux Grandes Tables ; concert ; hébergement citoyen …

… au Plateau des Glières le 2 et 3 juin, célébration de la Résistance et des résistances…

… à Langres*, 4 juin : parcours dans les quartiers Sud, rassemblement devant la statue de Diderot, repas partagé, projection de films …

… le projet pour Paris*, 17 juin : convergence de marches vers la place de la République, scène musicale, prises de paroles, 16 h à 20 h…

… Calais* le 7 juillet : marche de Gravelines à Calais par Oye-Plage, les Hemmes de Marck, le Fort-vert, puis de la Z.I. Marcel Doret et des Dunes au port ; repas à l’entrepôt de l’Auberge des Migrants, parcours le long des murs et des grilles…

*sous réserves

Le budget de la Marche Solidaire sera de près de 80 000 € (hébergement, repas, sécurité, communication…), couverts par une participation financière des marcheurs, des collectes, le parrainage de marcheurs et d’étapes, l’aide de fondations et d’organisations nationales, des dons de particuliers…

Contacts

Mail marche.auberge@gmail.com

Site Internet www.laubergedesmigrants.fr/fr/la-marche-citoyenne

A Calais : François Guennoc 06 08 49 33 45, Simon Mota 06 28 97 02 99, Emilien Noleau 06 34 69 21 70, Anaïs Vialan 06 18 24 09 88

 

Des nouvelles de Dieppe

DIEPPE : la mise en place d’un flyer et d’une permanence téléphonique pour les migrants

Depuis un an et demi, la population d’exilés majeurs a considérablement diminué sur Dieppe, pour passer d’environ 150 en 2016 à moins de 20 personnes au printemps 2018.  Cette forte diminution s’explique par plusieurs facteurs :

– La politique locale très répressive conduite conjointement par la Municipalité de Dieppe et la Sous-Préfecture, qui s’est traduite par des démantellement réguliers de tous les squats et campements et de la saisie des tentes et affaires personnelles des migrants.

– L’investissement des collectivités dans des travaux massifs afin de sécuriser le terminal transmanche de Dieppe, qui a rendu le passage clandestin de plus en plus difficile, voire presque impossible.

– L’attractivité de l’agglomération de Caen-Ouistreham : bon nombre d’exilés se sont en effet reportés sur l’agglomération Caen-Ouistreham qui, en tant que grand pôle urbain et espace portuaire, s’est avéré représenter davantage d’opportunités que Dieppe pour les migrants (squats, démarches administratives, passage via le transmanche, petits boulots, accès aux soins, etc…).

Dans ce contexte, ITINERANCE DIEPPE s’est adaptée en changeant de stratégie : arrêt des maraudes régulières, des repas sur le port et des permanences physiques à la Maison des Associations, et mise en place d’une permanence téléphonique avec un N° d’appel spécifique destiné à toute personne en situation de migration arrivant à Dieppe ou déjà présente et se trouvant en situation d’urgence ou en difficulté. Afin de faire connaître ce service, des cartes de visite mentionnant toutes les informations utiles en plusieurs langues, sont déposées dans les points stratégiques (gare/maison des associations/magasins fréquentés par les réfugiés/etc.). Un roulement a été mis en place entre différents bénévoles de l’association pour assurer la continuité de cette permanence téléphonique qui reçoit quelques appels par semaine et qui permet de donner, selon les besoins : nourriture, tentes, couvertures, vêtements et conseils…

Parallèlement, l’activité d’ITINERANCE DIEPPE s’est fortement recentrée sur l’accueil et le suivi des mineurs non accompagnés, dont le nombre a fortement augmenté sur Dieppe. Depuis 1 an, l’Association a suivi plus d’une cinquantaine de jeunes dans ce cadre (bilan dans une prochaine Newletter).

Communiqué de l’ONU: la France doit mettre en oeuvre des mesures effectives pour fournir aux migrants l’accès à l’eau

Des experts de l’ONU exhortent la France à mettre en œuvre des mesures effectives pour fournir aux migrants l’accès à l’eau et aux services d’assainissement

GENEVE (4 avril 2018) – Des experts des droits de l’homme de l’ONU* exhortent la France à faire davantage pour fournir de l’eau potable, des services d’assainissement et des abris d’urgence aux migrants et aux demandeurs d’asile de Calais, Grande-Synthe, Tatinghem, Dieppe et d’autres régions de la côte du nord de la France.

Selon les estimations, jusqu’à 900 migrants et demandeurs d’asile à Calais, 350 à Grande-Synthe, et un nombre inconnu dans d’autres régions de la côte nord de la France vivent actuellement sans accès à des abris d’urgence convenables et sans accès régulier à l’eau potable, aux toilettes et aux installations sanitaires.

« Les migrants et les demandeurs d’asile situés le long de la côte du nord de la France et ceux qui ne peuvent pas être accueillis dans le gymnase de Grande-Synthe vivent une situation inhumaine. Ils logent dans des tentes, sans toilettes, et se lavent dans des eaux polluées d’une rivière ou d’un lac, » a dit Léo Heller, le Rapporteur Spécial sur les droits à l’eau potable et à l’assainissement.

« Des efforts ont été faits, mais ils ne sont pas suffisants. Je suis préoccupé que pour chaque pas en avant, nous en faisons deux en arrière. La situation le long de la côte nord de la France est emblématique du besoin d’attention accrue des autorités nationales et internationales à cet égard, » M. Heller a insisté.

Depuis l’an dernier, le gouvernement français met en œuvre des mesures temporaires afin de fournir l’accès à des abris d’urgence, à l’eau potable et aux services d’assainissement pour un certain nombre de migrants et de demandeurs d’asile. Une de ces mesures a été d’embaucher une organisation locale qui fournit l’accès à l’eau potable et à des douches pour les migrants se trouvant le long de la côte nord de la France. Aussi, 200 migrants sont accueillis dans un gymnase à Grande-Synthe.

Les experts de l’ONU ont souligné qu’en l’absence d’alternatives valables pour un accès au logement convenable, y compris dans la région de Calais, le démantèlement des camps n’est pas une solution à long terme. « Nous sommes préoccupés par les politiques migratoires toujours plus rétrogrades et les conditions insalubres dans lesquelles vivent les migrants, » a dit le Rapporteur Spécial sur les droits de l’homme des migrants, Felipe González Morales.

« Les migrants, indépendamment de leur statut, ont des droits humains, sans aucune discrimination, y compris pour accéder à un logement convenable, à l’éducation, aux soins de santé, à l’eau potable et aux services d’assainissement, et aussi au système judiciaire et aux voies de recours. En les privant de leurs droits ou en y empêchant l’accès, la France viole ses obligations internationales en matière de droits de l’homme, » l’expert a signalé.

Les experts ont aussi lancé un appel à l’action pour arrêter le harcèlement et l’intimidation des bénévoles et les membres des ONG qui fournissent une aide humanitaire aux migrants. Ils exhortent la France à honorer ses obligations et à promouvoir le travail essentiel des défenseurs des droits de l’homme.

Heller abordera le sujet des droits à l’eau potable et aux services d’assainissement pour les personnes déplacées de force dans un rapport à l’Assemblée Générale des Nations Unies plus tard dans l’année.

Les Rapporteurs Spéciaux ont déjà pris contact avec le Gouvernement français afin d’obtenir des précisions à l’égard des sujets mentionnés ci-dessus.

Les experts de l’ONU:  M. Léo Heller Rapporteur spécial sur les droits à l’eau potable et à l’assainissement ; M. Felipe Gonzalez Morales Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants ; M. Michel Forst Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.

Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et siègent à titre personnel.

Voix du Nord // Ces entreprises qui s’entourent de barbelés pour repousser les migrant.e.s

http://www.lavoixdunord.fr/350236/article/2018-04-03/ces-entreprises-qui-s-entourent-de-barbeles-pour-repousser-les-migrants

Edition numérique des abonnés

Difficile de ne pas les apercevoir dans les rues du Calaisis, principalement sur les zones Marcel-Doret et Transmarck. En novembre, des barbelés ont été installés au bas des barrières situées autour de la station essence Total dans la zone Marcel-Doret. Financés par l’entreprise, ils ont pour but de dissuader les migrants d’entrer sur le parking.

Depuis plusieurs jours, à certains endroits, des morceaux clôtures et de barbelés ont été coupés vraisemblablement par des migrants. Ce type d’incident surviendrait régulièrement selon les professionnels de la zone Marcel-Doret.

Combien ça coûte ?

L’entreprise Saniez, basée dans le Valenciennois, est un fournisseur de ce type de barbelés. Elle est déjà intervenue à de nombreuses reprises dans le Calaisis, notamment pour l’entreprise Total et Pidou (un vendeur de boissons alcoolisées), zone Transmarck. L’installation autour de la station Total aurait coûté plus d’une centaine de milliers d’euros. Une facture à six chiffres dépensée par Total pour près de 450 mètres de barbelés nommés «  concertina  ».

Hormis ces barbelés, considérés comme «  plus coupants  » et donc «  plus dissuasifs  », l’entreprise Saniez a installé des clôtures hautes de 2,5 mètres et d’autres éléments permettant de soutenir l’ensemble. La facture ? 250 euros le mètre.

Le port de Calais est déjà encerclé par 32 km de grilles haute sécurité de 4 mètres et le tunnel par près de 40 km. Il ne s’agit pas exactement du même type de clôtures mais on peut imaginer l’importance de la facture.

« Très régulièrement, des grilles autour de certaines entreprises sont coupées proprement »

Un salarié de l’entreprise Saniez confirme être «  régulièrement appelé pour des réparations. C’est un problème pour nos clients mais il est évident que pour nous, c’est une bonne chose  ». Il serait régulièrement appelé par des entreprises privées pour des réparations ou des installations.Il existe une quinzaine d’entreprises comme la sienne dans les Hauts-de-France à être sollicitées pour ces installations. «  Parfois dès le lendemain de notre intervention, les grilles sont déjà coupées  ». Un constat confirmé par Philippe Mignonet, adjoint délégué à la sécurité à la mairie de Calais : «  Très régulièrement, des grilles autour de certaines entreprises sont coupées proprement.  »

Comment les barbelés sont-ils coupés?

C’est une question que beaucoup se posent. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il suffit d’une simple pince coupante pour sectionner ces barbelés « concertina ». Selon un employé de l’entreprise Saniez, les migrants sont «  évidemment  » équipés. «  Une fois, j’ai discuté avec des jeunes migrants et ils m’ont expliqué que peu importe les barbelés et les clôtures, ils continueront de passer. On peut comprendre leur motivation, à moins de trente kilomètres de leur rêve  ». Selon lui, les migrants sont équipés de pinces coupantes, voire de petite meuleuse portative pour sectionner ces installations.

Philippe Mignonet dit n’avoir jamais vu un migrant en possession d’une pince ou d’une meuleuse. Selon lui, ils sont approvisionnés par un «  tiers  ». Une version réfutée par Loan Torondel de l’Auberge des migrants. «  Sur les distributions, je n’ai jamais vu d’outils et nous n’en donnons pas. Je pense que les migrants vont simplement dans les magasins de bricolage. Plus largement, je pense qu’avec l’implantation de ces clôtures et barbelés, on veut soigner les symptômes et non pas la maladie. Une chose est sûre, ça continue de passer et personne ne pourra les empêcher, pas même des barbelés  ».

La «bunkerisation» se développe depuis 2015

Dès 2015, on a pu constater la «  bunkerisation  » du Calaisis et du port. À ce moment-là, près de 6 000 migrants s’entassaient à la « jungle » et le nombre d’intrusions sur la rocade et au tunnel sous la Manche s’intensifiait. Durant l’été 2015, au nom de la sécurité du Tunnel sous la Manche, 66 ha de végétation avaient été «<UN>débroussaillés<UN>» sur le gigantesque site du lien fixe transmanche. Parallèlement, 37 ha de végétation avaient été enlevés par SNCF Réseau, aux abords du Tunnel.

Dans le même temps, 40 km de clôtures haute sécurité de 4 mètres de hauteur et 500 caméras de surveillance avaient été installées, juste avant l’inondation des terrains. Sur la rocade portuaire, les premières grilles anti-intrusions ont été installées en avril 2015. Depuis, 32 km de grilles haute sécurité et 129 caméras ont été installées autour du port. En supplément de ces installations, un mur végétalisé autour de la rocade et des kilomètres de barbelés et de clôtures ont été installés dans le Calaisis.

Voix du Nord// Jeune homme décédé à la frontière


http://lavdn.lavoixdunord.fr/346621/article/2018-03-29/le-migrant-de-16-ans-renverse-vendredi-est-decede#

Le migrant de 16 ans renversé vendredi est décédé

Vendredi vers 17 h, un migrant, d’origine érythréenne âgé de 16 ans, a été retrouvé grièvement blessé sur la bande d’arrêt d’urgence de la rocade portuaire. Au vu de ses nombreux traumatismes, les médecins avaient décidé de le placer dans le coma. Il est décédé ce mercredi matin au centre hospitalier de Lille où il avait été transféré. Une autopsie aura lieu ce jeudi matin pour déterminer les causes exactes de sa mort.

On ne connaît toujours pas les circonstances de l’accident mais les premiers éléments tendaient vers une possible chute d’un poids lourd, aujourd’hui introuvable. Une autre hypothèse est imaginée : une collision avec un véhicule qui circulait sur la rocade portuaire. Il s’agit du troisième décès d’un migrant (deux accidents, un meurtre) en 2018 dans le Calaisis.

 

Les demandeurs d’asile dublinés peuvent être placés en rétention

http://www.editions-legislatives.fr/content/les-demandeurs-dasile-%C2%AB-dublin%C3%A9s-%C2%BB-peuvent-%C3%AAtre-plac%C3%A9s-en-r%C3%A9tention

Suite à l’adoption de la loi « permettant une bonne application du régime d’asile européen », l’administration peut désormais recourir de manière quasi-systématique à la rétention administrative pour toutes les personnes placées en procédure « Dublin ».

Publiée après que le Conseil constitutionnel en a validé les dispositions contestées (Cons. const. déc., 15 mars 2018, n° 2018-762 DC), la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 « permettant une bonne application du régime d’asile européen » autorise l’administration à placer en rétention administrative les demandeurs d’asile lors de la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de leur demande.
Remarque : selon le rapporteur du projet de loi, à ce jour, seuls 9 % des demandeurs en procédure « Dublin » sont transférés vers l’État responsable de leur demande, les autres étant admis à déposer une demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ce qui engorgerait ce dernier. Ce taux trouve sa source dans plusieurs facteurs. D’abord, comme le souligne la Commission européenne (Doc COM (2015) 675 du 15 décembre 2015) un système inadapté face à une pression migratoire pesant sur un nombre restreint d’États, qui, en conséquence, adoptent des « stratégies d’évitement » afin de ne pas avoir à réadmettre les demandeurs. Ensuite une administration qui n’arrive pas à faire face à la multiplication des procédures. Par exemple, selon les chiffres de la préfecture de police cités par le rapporteur du projet de loi devant le Sénat, l’impossibilité de placer en rétention les personnes ayant déjà fait l’objet de décisions de transfert divisait par deux le nombre d’exécution de ces décisions.
Pour remédier aux lacunes du droit positif, soulignées tour à tour par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 2e ch., 15 mars 2017, aff. C-528/15, Al Chodor), la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 27 sept. 2017, n° 17-15.160) et le Conseil d’État (CE, 5 mars 2018, n° 405474), et permettre à l’administration d’avoir les coudées franches dans la mise en œuvre des procédures « Dublin », le législateur modifie plusieurs dispositions du Ceseda et y intègre les conditions légales du recours à la rétention administrative. Désormais le placement peut intervenir avant même qu’une décision de transfert ne soit notifiée, s’il existe un « risque de fuite », notion enfin définie (de façon très large) par le législateur.
Remarque : si la loi du 20 mars 2018 entre en vigueur le lendemain de sa publication (soit le 22 mars 2018), le dispositif reste néanmoins suspendu à la publication d’un décret en Conseil d’État, non encore intervenue, qui doit préciser « les modalités de prise en compte de la vulnérabilité et, le cas échéant, des besoins particuliers des demandeurs d’asile ou des étrangers faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge » (art. 1er, 7°). On notera également que deux dispositions n’ayant pas de lien direct avec le règlement « Dublin » ont été intégrées à la loi, la première relative à l’extension de la durée des ordonnances du juge des libertés et de la détention aux fins de visite domiciliaire (art. 1er, 11°), la seconde à l’assignation à résidence de l’étranger frappé d’une interdiction du territoire ou d’une interdiction de retour (art. 4).
Modification du régime juridique des décisions de transfert pour un délai de recours écourté
Ce n’était pas l’objet de la proposition de loi, mais les sénateurs ont profité d’un effet d’aubaine pour raccourcir le délai de recours contre les décisions de transfert (fixé à quinze jours par la loi du 29 juillet 2015) à sept jours lorsque le demandeur ne fait l’objet d’aucune mesure de surveillance (C. étrangers, art. L. 742-4-I). Un délai jugé conforme au droit à un recours juridictionnel effectif par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, lorsque la décision de transfert est notifiée alors que l’intéressé est déjà en rétention, le délai de recours est fixé à quarante-huit heures (C. étrangers, art. L. 742-4-II). Pendant ce délai, la décision ne peut pas être exécutée (C. étrangers, art. L. 742-5).
Remarque : le législateur a omis de coordonner les modifications concernant le délai de recours et celui concernant l’exécution d’office, de sorte que, si le délai de recours est de sept jours, la décision ne peut toujours pas être exécutée d’office avant l’expiration d’un délai de quinze jours (C. étrangers art. L. 742-5, al. 2).
Possibilité de placement en rétention au cours du processus de détermination
Avant la réforme, et comme l’avait précisé le Conseil d’État (CE, avis, 19 juill. 2017, n° 408919), seule une mesure d’assignation à résidence pouvait être prononcée à l’encontre d’un demandeur d’asile placé en procédure « Dublin ».
Suite à la publication de la loi du 20 mars 2018, le placement en rétention au cours de la procédure de détermination est désormais possible et, « au nom de l’intérêt général comme de l’efficacité », ainsi que le soulignait l’auteur de la proposition de loi, de nature à donner « au gouvernement les moyens d’action nécessaires pour accroître le nombre de transfert ».
Remarque : conformément aux dispositions de l’article 28 du règlement, l’administration aura, dans ce cas, un délai de trente jours pour transmettre la demande et l’État requis un délai de quinze jours pour y répondre.
Toutefois, le placement en rétention ne peut être décidé à l’occasion du premier rendez-vous au guichet unique. Le cinquième alinéa de l’article L. 741-1 précise en effet qu’au moment de sa présentation à l’administration en vue de l’enregistrement d’une première demande d’asile, l’étranger ne peut être regardé comme présentant le risque non négligeable de fuite défini aux 1° à 10 du II de l’article L. 551-1 du Ceseda (C. étrangers, art. L. 741-1).
Remarque : en tout état de cause, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel, le fait que le second alinéa de l’article L. 554-1 précise que le placement ou le maintien dure le temps strictement nécessaire à la détermination de l’État responsable (ce qui pouvait laisser penser qu’il pouvait être décidé dès le début de la procédure), « n’a pas pour effet de permettre à l’autorité administrative de prendre cette mesure avant la requête de prise en charge ou de reprise en charge », dès lors que le 1 bis de l’article L. 561-2 (auquel renvoi l’article L. 551-1 modifié), ne concerne que les demandeurs d’asile « faisant l’objet soit d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge […] soit d’une décision de transfert ».
La restriction concernant les parents d’enfants mineurs (C. étrangers, art. L. 551-1, III) est également applicable aux demandeurs d’asile en procédure « Dublin ».
Définition élargie de la notion de « risque non négligeable de fuite »
C’est surtout la définition du « risque non négligeable » de fuite qui constitue la clé de voûte du système dès lors qu’elle conditionne la mise en œuvre de la rétention et, selon l’étendue de son spectre, le nombre de personnes pouvant être placées. A cet égard, le législateur a retenu une définition large. Ainsi, pas moins de douze critères permettent à l’administration de prononcer le placement, le risque de fuite pouvant être regardé comme établi, « sauf circonstances particulières », si l’étranger :
– s’est déjà soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à l’exécution d’une décision de transfert (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 1°) ;
– a été débouté de sa demande d’asile dans l’État membre responsable (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 2°) ;
– est de nouveau présent en France après l’exécution effective d’une mesure de transfert (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 3°) ;
– s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 4°) ;
– refuse de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ou les altère pour empêcher leur enregistrement (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 5°) ;
– aux fins de se maintenir sur le territoire, a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 6°) ;
– a dissimulé des éléments de son identité, de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d’asile, le fait qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité ne pouvant suffire à établir la dissimulation (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 7°) ;
– qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d’accueil ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 8°) ;
– qui a refusé le lieu d’hébergement proposé en application de l’article L. 744-7 ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ou, s’il a accepté le lieu d’hébergement proposé, l’a abandonné sans motif légitime (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 9°) ;
– ne se présente pas aux convocations de l’administration, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination ou de l’exécution de la décision de transfert sans motif légitime (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 10°) ;
– s’est déjà soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 du Ceseda (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 11°) ;
– a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à la procédure de transfert (C. étrangers, art. L. 551-1, II, 12°).
Remarque : à l’instar de l’appréciation du risque de fuite en matière de retour, l’administration n’est pas liée par ces critères et, comme l’e rappelle le Conseil constitutionnel, leur mise en œuvre doit s’opérer « sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé et de tenir compte d’éventuelles circonstances particulières », sous le contrôle du juge.
Une rétention pour un temps strictement nécessaire
Aux termes de la loi, le placement en rétention n’est autorisé que pour le temps strictement nécessaire à la procédure de détermination de l’État responsable et de l’exécution de la décision de transfert.
Remarque : lorsque la personne est placée en rétention, le délai de saisine de l’État responsable est d’un mois à compter de l’introduction de la demande de protection (Règl. no (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil 26 juin 2013, art. 28.3, al. 2). Si l’État ne répond pas dans un délai de deux semaines, il a l’obligation de reprendre en charge le demandeur. Le délai d’exécution du transfert est porté à six semaines à compter de l’acceptation expresse ou implicite de l’État requis ou du moment où le recours qui a été introduit n’a plus d’effet suspensif (art. 28.3, al. 3). Si les délais de présentation de la requête et de transfert ne sont pas respectés, il est mis fin à la rétention (art. 28.3, al. 3). Dans tous les cas, la CJUE a jugé qu’un demandeur en procédure « Dublin » ne peut être placé en rétention au-delà d’une durée de deux mois après que l’État requis a accepté le transfert, ou six semaines après que l’effet suspensif du recours a cessé (CJUE, 13 sept. 2017, aff. C-60/16, Amayry).
L’article L. 554-1 précise que lorsqu’un État requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l’étranger, il est immédiatement mis fin à la rétention, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet État dans les plus brefs délais ou si un autre État peut être requis. En cas d’accord d’un État requis, la décision de transfert est notifiée à l’étranger dans les plus brefs délais.
Possibilité d’appliquer la procédure « Dublin » aux demandes d’asile en rétention
Selon le rapporteur du projet de loi devant le Sénat, l’administration ne pouvait jusqu’alors pas maintenir en rétention un demandeur ayant déposé sa demande à son arrivée au centre, la loi imposant qu’une attestation de demande d’asile soit délivrée ou que la France se reconnaisse responsable, son dossier étant alors présenté à l’Ofpra.
Désormais, lorsqu’un étranger placé en rétention présente une demande d’asile, l’autorité administrative peut procéder à la détermination de l’État responsable et, « le cas échéant, à l’exécution d’office du transfert dans les conditions prévues à l’article L. 742-5 » du Ceseda (C. étrangers, art. L. 556-1). Et, si la France est l’État membre responsable de l’examen, l’administration peut décider du maintien en rétention si les conditions prévues par cette même disposition sont réunies.
Remarque : l’articulation des différents régimes risque d’être source de confusion. En effet, la procédure « Dublin » doit précéder la décision de maintien en rétention mais, au stade de la détermination, le « maintien » doit être justifié par un risque de fuite. Le préfet doit-il alors prendre une décision de maintien en rétention spécifique à la procédure de détermination, puis une nouvelle décision de maintien une fois l’État responsable déterminé ? Une telle succession de décisions serait une option protectrice des droits des personnes, mais provoquerait une multiplication des recours.
Unification du régime de l’assignation à résidence
A travers la loi du 20 mars 2018, le législateur a également entendu simplifier le régime de l’assignation à résidence de courte durée en autorisant à y recourir, sur ce fondement, au cours de la procédure de détermination de l’État responsable et après la notification de la décision de transfert (C. étrangers, art. L. 561-2).
Toutefois, par dérogation au droit commun, la durée maximale de l’assignation à résidence peut être renouvelée deux fois pour les personnes en procédure « Dublin », ce qui la porte à une durée de cent trente-cinq jours (C. étrangers, art. L. 561-2, 10e al.)
Intégration surabondante de garanties préexistantes
Le législateur a assorti le processus décisionnel de deux garanties. Ainsi :
– l’autorité administrative doit prendre en compte la vulnérabilité du demandeur et l’évaluer avant le placement en rétention. Un décret en Conseil d’État doit encore préciser les modalités de cette évaluation (C. étrangers, art. L. 553-6) ;
– au moment de l’enregistrement de la demande d’asile, le demandeur doit recevoir, « dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application [du règlement], dans les conditions prévues à son article 4 ».
Remarque : ces précisions sont en réalité sans portée, la vulnérabilité faisant l’objet d’une évaluation dès le premier entretien (et il est peu probable que l’état de la personne évolue entre cet entretien et le rendez-vous précédant le placement) et les intéressés étant informés de leurs droits et obligations dès le début de la procédure par la remise de deux brochures.
Pas de transfert en cas de défaillances systémiques
Enfin, profitant de la proposition de loi, le législateur a intégré la dérogation à l’application des critères du règlement en cas de défaillances systémiques dans la procédure d’asile de l’État responsable (C. étranges, art. L. 742-7).
Remarque : si, comme le rappellent ces dispositions, la procédure de transfert ne peut être engagée vers cet État, le règlement précise toutefois que, dans ce cas, l’État membre doit poursuivre la procédure de détermination afin de confier, le cas échéant, la responsabilité de l’examen de la demande à un autre État membre.

Le monde // Migrant.e.s à Calais, la majorité des gens sont en souffrance psychologique

> > http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2018/04/02/migrants-a-calais-la-majorite-des-gens-sont-en-souffrance-psychologique_5279651_3224.html

La très grande précarité des conditions de vie des exilés présents dans le Calaisis affecte leur santé psychique, dont la prise en charge demeure complexe.

LE MONDE | 02.04.2018 à 16h09 | Par Anne Guillard

 « On pourrait en distribuer cent litres, tout partirait. » Il fait 5 °C ce jeudi du mois de mars, rue des Verrotières, dans la zone industrielle des Dunes, à Calais, et Christophe, ambulancier bénévole, constate que les thermos de thé sont déjà vides. Médecins du monde (MDM) a installé, comme trois après-midi par semaine, un chapiteau sous lequel les migrants peuvent patienter avant de rencontrer un médecin qui consulte dans une ambulance faisant office de clinique mobile, ou faire une pause avec des membres de l’équipe de coordination et des bénévoles dans un autre véhicule aménagé à cet effet.

Abris détruits, violences au quotidien, isolement, errance… les exilés de retour à Calais après le démantèlement de la « jungle » à la fin d’octobre 2016 – entre 300 et 600 personnes selon les sources – vivent dans une grande précarité. Ces conditions de vie affectent leur santé : associations et professionnels de santé font état de pathologies psychosomatiques (eczéma, insomnies, etc.), de troubles anxio-dépressifs, de stress traumatique et post-traumatique, ainsi que d’une augmentation des addictions. « Surtout l’alcool, par ennui, par manque de perspective », dit le docteur Philippe Legrand, psychiatre addictologue au centre hospitalier de Calais.

Une action en santé mentale

C’est pourquoi, face à l’absence de lieux sûrs et repérables pour mener des actions comme le faisait l’ONG au sein du camp, MDM a relancé au début d’octobre 2017 une action en santé mentale. « Nous avons identifié des besoins », explique Chloé Lorieux, responsable de ce programme sur le littoral. Les violences subies dans le pays d’origine (tortures, viols), sur le parcours d’exil qui dure entre un et quatre ans – « beaucoup sont passés par la Libye » –, puis l’impasse à Calais font que « la majorité des gens sont en souffrance », souligne Chloé Lorieux, qui n’a « jamais connu une situation si difficile ».

« Ils ne se sentent jamais en sécurité et sont dans un état de vigilance permanent »

« Tous les besoins fondamentaux (dormir, se laver…) sont compliqués. On voit ces jeunes face à un mur se désespérer », relève Miriam, l’une des deux art-thérapeuthes, avec Naomi, d’Art Refugee UK, une ONG partenaire de Médecins du monde, présentes deux fois par semaine dans la ville portuaire. « Ici, ils ne se sentent jamais en sécurité et sont dans un état de vigilance permanent », dit Naomi.

Le docteur Philippe Legrand, qui est par ailleurs médecin coordinateur d’une équipe mobile psychiatrie précarité (EMPP) créée il y a quatre ans à la demande de l’autorité régionale de santé (ARS) et qui s’adresse à tous les précaires, dénonce une situation « plus dure qu’auparavant. Ils [les exilés] n’ont plus de place dans la ville ».

Lui qui a travaillé dix ans en Afrique pour Médecins sans frontières (MSF), dans les années 1990, estime « plus difficile de s’occuper de migrants que de séropositifs dans les bidonvilles de Nairobi ».

« Je ne rencontrais pas des gens aussi désespérés qu’ici. Ils mettent tous en avant l’indignité de leurs conditions de vie ; ce qui n’était pas le cas à Nairobi, même si les gens vivaient dans un extrême dénuement. »

Augmentation des addictions

Les associations sont seules sur le terrain pour repérer les personnes en souffrance. Avec son dispositif mobile, MDM cherche à accompagner les exilés, sans se substituer au droit commun, faute de moyens.

L’ONG leur propose des activités psychosociales « afin d’éviter que la souffrance ne se “chronicise”, d’étayer ce qui peut l’être, de repérer les souffrances les plus importantes, les conduites à risques (scarification, mutilation, consommation importante de cannabis, idées suicidaires…) », précise Chloé Lorieux.

« Ces activités permettent de créer du lien social et d’offrir si besoin une première écoute (évaluation de la demande et soutien) auprès de bénévoles psychologues ou soignants en santé mentale. »

 Le médecin hospitalier à la retraite présent ce jeudi témoigne « avoir vu beaucoup de mineurs, très tristes et très fermés ». Ils sont entre quinze et vingt à consulter lors de chaque vacation de MDM, principalement des jeunes hommes soudanais, érythréens et afghans. Sans interprètes, les entretiens se déroulent en anglais quand c’est possible.

« On essaye de proposer une prise en charge »

Les personnes sont ensuite orientées vers des structures de soins, essentiellement la permanence d’accès aux soins de santé (PASS), dont les préfabriqués jouxtent l’hôpital. Destinée aux personnes privées de droits sociaux, celle de Calais reçoit à 95 % des migrants, trente à trente-cinq quotidiennement. Elle dispose d’un interprète afghan qui parle six langues, mais pas l’oromo (Ethiopie), ni le tigrigna (Erythrée), pourtant très représentées.

« Peu de psychoses (…), mais beaucoup de stress traumatiques »

Après avoir vu un médecin, certains seront reçus par une psychologue, laquelle, lors de ses trois vacations par semaine, voit un à deux patients par jour. Il s’agit de « ne pas toujours dire “j’ai mal à la tête”, “j’ai mal au ventre”, mais de tenter de les faire verbaliser », explique le médecin coordinateur de la PASS, le docteur Mohamed El Mouden, qui rapporte « peu de psychoses (entre cinq et dix par an), qui nécessitent une hospitalisation, mais beaucoup de stress traumatiques ». « On essaye de proposer une prise en charge à ces patients qui sont dans l’immédiateté et qui ne se projettent pas en France », dit encore cet urgentiste.

« Sans médicaments, par l’écoute seulement, on parvient à améliorer l’état des personnes, assure le docteur Legrand. Mais l’acceptabilité, l’errance de ces gens font qu’ils ont du mal à rentrer dans le droit commun. »

Un accès aux soins chaotique

Délais, prises de rendez-vous, accompagnement, interprétariat… l’accès aux soins demeure chaotique chez une population très mobile.D’autant qu’à Calais, « l’énergie » de la majorité des exilés « est focalisée sur le transit », rappelle Chloé Lorieux. « Quand quelqu’un dit “ma priorité est de partir en Angleterre”, tout le reste est secondaire », souligne le docteur El Mouden.

Comme l’observe Richard Fusil, psychologue clinicien, qui a travaillé à la PASS de 2013 à 2015, « la dimension psychiatrique se tait quand il s’agit d’abord de survivre ». Elle se fera jour quand la personne va devoir déconstruire son projet migratoire après plusieurs mois de tentatives de passage infructueuses, ou lorsqu’elle parvient en Angleterre et que la tension se relâche.

Le docteur Legrand évoque ces réfugiés statutaires ou demandeurs d’asile, qui, faute d’accompagnement, vivent à la rue, « enlisés », et présentent des symptômes dépressifs. Ainsi ce Soudanais, « en état de stress post-traumatique », qui s’est accroché à l’alcool et auquel on tente de proposer un sevrage. Le psychiatre ou le médecin « ne peut rien », selon lui, « sans un accompagnement social cohérent et complet » en parallèle (apprentissage du français, accès au logement, à la formation).

« Manque d’un espace de coordination de veille sanitaire »

Le député La République en marche (LRM) Aurélien Taché, missionné par Emmanuel Macron sur le volet de l’intégration, propose un plan d’action national pour soigner le stress post-traumatique. « Un enjeu de santé publique », selon le directeur du Comité pour la santé des exilés, Arnaud Veïsse, et auteur d’une étude parue en septembre 2017 sur les troubles psychiques des migrants.

Chloé Lorieux plaide pour une nouvelle veille sanitaire à Calais réunissant les différents acteurs de la santé mentale sous l’égide de l’ARS, comme au temps du camp de la Lande. Elle estime qu’il « manque un véritable espace de coordination ».

Sur le terrain, ce jeudi, quelques dizaines de tentes étaient alignées le long du terrain vague et dans le bois qui bordent la rue des Verrotières. Elles ont été démantelées le lendemain matin par les forces de l’ordre pendant la distribution des repas assurés par l’Etat, quelques rues plus loin. Une situation dénoncée par les associations.