Voix du Nord // Ces entreprises qui s’entourent de barbelés pour repousser les migrant.e.s

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Difficile de ne pas les apercevoir dans les rues du Calaisis, principalement sur les zones Marcel-Doret et Transmarck. En novembre, des barbelés ont été installés au bas des barrières situées autour de la station essence Total dans la zone Marcel-Doret. Financés par l’entreprise, ils ont pour but de dissuader les migrants d’entrer sur le parking.

Depuis plusieurs jours, à certains endroits, des morceaux clôtures et de barbelés ont été coupés vraisemblablement par des migrants. Ce type d’incident surviendrait régulièrement selon les professionnels de la zone Marcel-Doret.

Combien ça coûte ?

L’entreprise Saniez, basée dans le Valenciennois, est un fournisseur de ce type de barbelés. Elle est déjà intervenue à de nombreuses reprises dans le Calaisis, notamment pour l’entreprise Total et Pidou (un vendeur de boissons alcoolisées), zone Transmarck. L’installation autour de la station Total aurait coûté plus d’une centaine de milliers d’euros. Une facture à six chiffres dépensée par Total pour près de 450 mètres de barbelés nommés «  concertina  ».

Hormis ces barbelés, considérés comme «  plus coupants  » et donc «  plus dissuasifs  », l’entreprise Saniez a installé des clôtures hautes de 2,5 mètres et d’autres éléments permettant de soutenir l’ensemble. La facture ? 250 euros le mètre.

Le port de Calais est déjà encerclé par 32 km de grilles haute sécurité de 4 mètres et le tunnel par près de 40 km. Il ne s’agit pas exactement du même type de clôtures mais on peut imaginer l’importance de la facture.

« Très régulièrement, des grilles autour de certaines entreprises sont coupées proprement »

Un salarié de l’entreprise Saniez confirme être «  régulièrement appelé pour des réparations. C’est un problème pour nos clients mais il est évident que pour nous, c’est une bonne chose  ». Il serait régulièrement appelé par des entreprises privées pour des réparations ou des installations.Il existe une quinzaine d’entreprises comme la sienne dans les Hauts-de-France à être sollicitées pour ces installations. «  Parfois dès le lendemain de notre intervention, les grilles sont déjà coupées  ». Un constat confirmé par Philippe Mignonet, adjoint délégué à la sécurité à la mairie de Calais : «  Très régulièrement, des grilles autour de certaines entreprises sont coupées proprement.  »

Comment les barbelés sont-ils coupés?

C’est une question que beaucoup se posent. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il suffit d’une simple pince coupante pour sectionner ces barbelés « concertina ». Selon un employé de l’entreprise Saniez, les migrants sont «  évidemment  » équipés. «  Une fois, j’ai discuté avec des jeunes migrants et ils m’ont expliqué que peu importe les barbelés et les clôtures, ils continueront de passer. On peut comprendre leur motivation, à moins de trente kilomètres de leur rêve  ». Selon lui, les migrants sont équipés de pinces coupantes, voire de petite meuleuse portative pour sectionner ces installations.

Philippe Mignonet dit n’avoir jamais vu un migrant en possession d’une pince ou d’une meuleuse. Selon lui, ils sont approvisionnés par un «  tiers  ». Une version réfutée par Loan Torondel de l’Auberge des migrants. «  Sur les distributions, je n’ai jamais vu d’outils et nous n’en donnons pas. Je pense que les migrants vont simplement dans les magasins de bricolage. Plus largement, je pense qu’avec l’implantation de ces clôtures et barbelés, on veut soigner les symptômes et non pas la maladie. Une chose est sûre, ça continue de passer et personne ne pourra les empêcher, pas même des barbelés  ».

La «bunkerisation» se développe depuis 2015

Dès 2015, on a pu constater la «  bunkerisation  » du Calaisis et du port. À ce moment-là, près de 6 000 migrants s’entassaient à la « jungle » et le nombre d’intrusions sur la rocade et au tunnel sous la Manche s’intensifiait. Durant l’été 2015, au nom de la sécurité du Tunnel sous la Manche, 66 ha de végétation avaient été «<UN>débroussaillés<UN>» sur le gigantesque site du lien fixe transmanche. Parallèlement, 37 ha de végétation avaient été enlevés par SNCF Réseau, aux abords du Tunnel.

Dans le même temps, 40 km de clôtures haute sécurité de 4 mètres de hauteur et 500 caméras de surveillance avaient été installées, juste avant l’inondation des terrains. Sur la rocade portuaire, les premières grilles anti-intrusions ont été installées en avril 2015. Depuis, 32 km de grilles haute sécurité et 129 caméras ont été installées autour du port. En supplément de ces installations, un mur végétalisé autour de la rocade et des kilomètres de barbelés et de clôtures ont été installés dans le Calaisis.