A Calais, on met des noms sur les tombes

A Calais, on met des noms sur les tombes

Depuis plus de vingt ans, près de 300 migrants sont morts en tentant de franchir la frontière franco-britannique.

Pour éviter que ces disparitions ne passent inaperçues, à Calais, une vingtaine de personnes, réunies dans un « groupe décès », œuvrent pour identifier les disparus, retrouver leur famille et leur donner une sépulture digne.

  • Nathalie Birchem,
  • le 21/01/2021 à 06:00
  • Modifié le 21/01/2021 à 07:00

Lecture en 6 min.

A Calais, on met des noms sur les tombes

A Calais, on met des noms sur les tombes

Tout a commencé par un article dans La Voix du Nord. Ce dimanche 18 octobre 2020, le journal local écrit que « le corps sans vie d’un migrant a été retrouvé sur la plage de Sangatte, au niveau de la mairie », et que la victime, qui ne porte pas de papiers d’identité sur elle, « serait un homme, âgé entre 20 et 40 ans, d’apparence moyen-orientale ». Prise derrière des poteaux de bois plantés dans le sable, une photo montre des officiers de police penchés sur un corps dont on n’entrevoit presque rien.

Ce jour-là, comme à chaque fois que l’un d’entre eux apprend la mort d’un migrant, les membres du « groupe décès » de Calais, qui comprend une vingtaine de personnes, simples citoyens ou salariés d’associations comme le Secours catholique, Utopia 56, Médecins du monde ou la Croix-Rouge, échangent leurs informations. Créé en 2017, le groupe décès s’est donné pour objectif d’identifier les personnes décédées, de retrouver leur famille et de les enterrer conformément à leur rite et aux souhaits de leurs proches. Pour rendre leur dignité à ces disparus, le lendemain de chaque décès, un petit rassemblement a lieu à 18 h 30 place Richelieu pour une minute de silence et un petit temps d’échange.

Tout de suite, une réunion est aussi organisée dans les locaux du Secours catholique, rue de Moscou. Il y a là Juliette Delaplace, chargée de mission « exilés » au Secours catholique de Calais, Mariam Guérey, animatrice dans la même association, Siloé Médriane, la coordinatrice d’Utopia 56, et plusieurs autres Calaisiens. Des équipes sont constituées. Une militante, Fabienne, s’occupera des contacts avec la police, Siloé et Mariam se chargeront des proches.

« Normalement, quand il y a décès, c’est aux policiers de trouver l’identité et de rechercher les causes du décès, explique Juliette Delaplace. Mais ils ne vont plus enquêter dans les camps à la recherche des proches. » Cette fois, par exemple, l’enquête n’avance guère. L’officier de police judiciaire indique qu’il part en vacances le vendredi suivant, et que si d’ici là aucun nom n’apparaît, l’enterrement se fera sous X.

Pas question que l’homme de la plage connaisse ce sort. Au groupe décès, c’est le branle-bas de combat. Chacune de leur côté, Siloé et Mariam, accompagnées d’interprètes en pachtoune et en persan, font le tour des quatre ou cinq lieux de vie des migrants de Calais, avec les maigres informations à leur disposition. Un manteau noir. Une implantation capillaire un peu haute. Chez les Iraniens, où se rend Mariam, un homme manque à l’appel. La description pourrait correspondre. Surtout, quand elle indique que l’homme avait sur lui 50 € dans une poche en plastique, un compatriote est saisi d’effroi. On lui demande une photo de son ami, qui est présentée à la police, laquelle confirme que c’est bien lui. Il s’appelle Behzad Bagheri Parvin, il a 32 ans, il est né à Rasht, dans le nord-ouest de l’Iran, et sa vie s’est arrêtée à la frontière franco-britannique.

« Son camarade, qui partageait sa tente, nous a raconté que la veille du départ, Parvin avait fait un rêve, se souvient Mariam. Il avait expliqué qu’il s’était vu, seul, en Grande-Bretagne. Le lendemain, il est allé acheter un canot pneumatique pour tenter la traversée en solitaire. Quand il est revenu, il lui restait 60 €. Il a donné 10 € à son ami. Ils se sont dit au revoir le samedi à 15 heures. » Le dimanche matin, la Manche avait rejeté le corps de Parvin sur la plage de Sangatte.

Traumatisé, le camarade de tente quitte Calais, refusant hébergement et prise en charge psychologique. Omid, le traducteur persan, et Mariam se chargent alors d’appeler la famille en Iran. Une tâche délicate. Les parents sont incrédules. Il faut leur envoyer le certificat de décès. Ils envisagent alors de faire revenir le corps en Iran. Mais ce souhait se heurte au coût du rapatriement. La décision est alors prise de l’enterrer à Calais, en respectant le rite chiite et les volontés de la famille.

Le jour des funérailles, « j’ai apporté un foulard noir qu’on a mis sur la tombe, et sur lequel on a posé la photo de Parvin et des gâteaux cuisinés par une amie et un collègue iranien. Un représentant du culte musulman a dit une prière, raconte Mariam. On a tout filmé et envoyé à la famille. On a mis de côté pour eux un peu de terre, une photo et un bonnet que son ami a retrouvé dans sa tente ». « On n’était pas beaucoup, ça n’a pas duré très longtemps, c’était un peu triste », se souvient Siloé. Mais, pour le groupe décès, l’essentiel est accompli : Parvin a une tombe à son nom au carré musulman du cimetière nord de Calais.

Ce n’est pas toujours le cas. En mai, le corps d’un homme a été retrouvé dans le port de Calais. Au poignet, il portait un bracelet au nom de Camara, mais son patronyme est resté inconnu. Il a été enterré sous X au carré des indigents du cimetière sud de la ville. Sur la plaque qui surplombe sa tombe est indiqué « Mr X 20-323 ». « Cela arrive, malheureusement, commente Mariam.Ce sont des personnes à qui leurs parents ont donné un nom, c’est insupportable de ne pas le leur rendre. » Les cheveux bouclés, les yeux noirs cernés, le regard intense, Mariam est un peu la mémoire du groupe décès. Depuis 2003 qu’elle travaille au Secours catholique, elle a été témoin de dizaines de disparitions, qui n’ont pas toujours été traitées avec respect. Du temps de la « jungle », il est arrivé que la photo d’un cadavre soit affichée à l’entrée d’un centre, pour avertir d’éventuels proches.

Désormais, depuis la mort le 27 octobre dernier de sept personnes dans un naufrage, dont toute une famille originaire du Kurdistan iranien, avec trois enfants, le groupe décès travaille en lien étroit avec la Croix-Rouge. « Notre travail, explique Marion Huot, officier de recherches du service rétablissement des liens familiaux, c’est de faire le lien avec les autres membres de la famille, de les accompagner dans leur deuil grâce à nos correspondants sur place et de faire en sorte que leurs souhaits soient respectés. » La famille des naufragés, qui a eu la douleur d’apprendre leur décès par la presse, a demandé la plus grande discrétion.

Cette sextuple disparition figure dans la frise chronologique qu’a réalisée Maël Galisson. Ce militant du Gisti, compagnon de route du groupe décès, a fait un impressionnant travail de recensement des décès à la frontière franco-britannique. Depuis 1999, il a compté 296 décès. « Mais je ne prétends pas à l’exhaustivité, commente-t‑il, car je n’ai pas connaissance de toutes les disparitions et avec la croissance des tentatives de traversée en mer, il y a certainement des naufrages dont on n’entend pas parler. »

« Au-delà du nombre de morts, ce qui ressort de ces statistiques, détaille Maël Galisson, c’est que la frontière tue et que ces morts sont étroitement liées aux décisions successives de fortification des lieux de passage. » La majorité des disparitions sont dues aux tentatives de passage elles-mêmes, notamment en camion, bien plus qu’aux violences ou conditions de vie des exilés à proprement parler (lire les repères)« L’une des techniques consiste à s’accrocher sous les essieux ou à essayer de se cacher dans la cargaison, reprend Maël. Certains meurent asphyxiés ou écrasés par les marchandises. Beaucoup décèdent en descendant du camion, percutés par des véhicules. »

Mais surtout, précise-t‑il, « à chaque fois qu’une voie se ferme, les exilés tentent une autre voie, plus dangereuse ». Depuis que le port a fait l’objet de lourds travaux de fortification, « on voit se multiplier le nombre de morts via Eurotunnel ». Puis, après la sécurisation d’Eurotunnel, les exilés tentent de créer des embouteillages sur la rocade, et de nombreux accidents sont recensés. Enfin, à la suite de la fortification de la rocade, se multiplient les tentatives par voie maritime. Dernièrement, « les embouteillages liés au Brexit ont conduit à ce que beaucoup tentent leur chance en essayant de grimper dans des camions sur l’autoroute », note Juliette Delaplace, qui se souvient, alors qu’une réunion d’urgence était organisée à propos d’un décès sur l’A16 le 19 novembre dernier, qu’une vingtaine de Soudanais étaient arrivés au Secours catholique. « Ils savaient ce qui s’était passé, c’était leur ami qui était décédé », se rappelle Siloé.

Le jeune homme en question s’appelait Mohamed Khamisse Zakaria. Il avait 20 ans. Il était arrivé moins de deux mois auparavant à Calais, avec un ami qui, depuis, avait réussi à passer en Angleterre. L’un des jeunes gens du groupe des Soudanais l’a aidé à monter dans un camion et a fermé la porte derrière lui. Que s’est-il passé ensuite ? Mohamed a-t‑il eu peur ? Quoi qu’il en soit, il est ressorti du camion et alors que la police faisait usage de gaz lacrymogène, on a vu Mohamed courir à travers la voie. Avant d’être percuté par une voiture.

C’est un camarade mineur, originaire du même village du Darfour que Mohamed, qui s’est chargé, avec Mariam et Siloé, d’appeler la famille, qui vit désormais dans un camp de réfugiés. « C’était très dur », euphémise Siloé. « La mère n’arrêtait pas de répéter : “Mais il est où ? Mais il est où ?” », se souvient Mariam, qui a mis de côté pour les parents les bijoux que portait leur fils. La Croix-Rouge a pris le relais. Un trio d’amis s’est chargé d’organiser les funérailles au cimetière nord. Les associations ont, elles, organisé deux cérémonies du souvenir au Secours catholique, avec prières musulmane et catholique. Il y avait plus de 150 personnes. Écrit par ses compagnons de route, un texte a été lu. « Ses vingt ans de vie crient à nos cœurs, nos consciences, et à la conscience de l’humanité. Voici en écho notre cri, celui des exilés de Calais : “Nous ne savons pas quoi faire, nous voudrions accéder légalement au Royaume-Uni, nous rêvons d’une vie digne, d’une vie d’humains. Les circonstances nous affaiblissent mais nos cœurs sont forts et l’espoir nous pousse à traverser les frontières.” »

enquête ouverte après la mort du nouveau-né d’une migrante

Deux articles à propos de la mort d’une nouveau-née, Aleksandra Hazhar, dès suite d’une intervention de la police sur la plage de Oye-Plage: Le Monde (ci-dessous) et Libération (plus bas).

« Ils n’avaient qu’un coup de fil à passer mais ils n’ont rien fait » : enquête ouverte après la mort du nouveau-né d’une migrante

Une plainte pour « violences volontaires » a été adressée au parquet de Boulogne-sur-Mer après le décès. Sa mère, une Kurde, avait été interpellée par les forces de l’ordre sur une plage du Pas-de-Calais alors qu’elle s’apprêtait à accoucher.

Par  et 

Publié hier à 20h03, mis à jour à 08h35

Une patrouille de la gendarmerie, à Oye-Plage (Pas-de-Calais), en janvier 2020.

Une patrouille de la gendarmerie, à Oye-Plage (Pas-de-Calais), en janvier 2020. DENIS CHARLET / AFP

Fin août 2020, dans l’arrière-pays calaisien, Anas, 9 ans, et Eilarya, 2 ans, jouaient dans le jardin d’une grande maison de famille. Leur petite sœur « était dans le ventre », comme le racontaient au Monde leur mère Rwpak, 35 ans, et leur père Hazhar, 40 ans, migrants clandestins originaires de la province de Souleymanieh, au Kurdistan irakien.

Ensemble, ils avaient déjà tenté deux fois la traversée de la Manche dans une petite embarcation, malgré la grossesse très avancée de Rwpak, à un mois du terme. « Bien sûr, on a très peur, l’eau ça fait très peur. Les enfants ont très peur, ma femme enceinte a très peur. Mais je préfère qu’on soit morts dans l’eau plutôt que de vivre au Kurdistan », expliquait Hazhar, derrière ses lunettes qui lui donnaient davantage l’air d’un professeur que d’un mécanicien, sa profession en Irak. A ses côtés, sa femme avait l’air effrayé, mais décidé.

Quelques jours plus tard, le 9 septembre 2020, dans le carré musulman du cimetière de Calais, la famille a enterré la petite Aleksandra, née en grande détresse le jour de l’arrestation de sa mère à Oye-Plage (Pas-de-Calais) par une patrouille de gendarmerie.

Rwpak et Hazhar, assistés de Me Julie Gommeaux, viennent d’adresser une plainte, dont Libération et Le Monde ont pris connaissance, contre les forces de l’ordre, le 19 février 2021, au procureur de la République de Boulogne-sur-Mer pour « violences volontaires sur une femme en état de grossesse ayant possiblement causé le décès de son enfant à la naissance ». L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie de l’affaire « et la prend très au sérieux », précise l’avocate.

Dans les hautes herbes

Ce 2 septembre 2020, la nuit est plutôt claire. A telle enseigne que les tentatives pour franchir la Manche se multiplient : 41 en quelques heures, précise la préfecture du Pas-de-Calais, pour « un total de 592 migrants recensés ». Pressée d’arriver en Angleterre pour que les enfants puissent faire leur rentrée des classes, et Rwpak accoucher sur place, la famille kurde espère que cette troisième fois sera la bonne. Sur cette plage située entre Calais et Dunkerque (Nord), ils sont une petite dizaine – une autre famille et deux hommes seuls les accompagnent – cachés dans les hautes herbes qui bordent une partie de l’étendue de sable, où est également dissimulée une embarcation pneumatique.

Le semi-rigide est sur le point d’être mis à l’eau lorsqu’une patrouille de gendarmerie surgit. Les gendarmes confisquent aussitôt le moteur du bateau et emmènent les migrants sur le bord de la route afin de saisir leurs gilets de sauvetage. C’est à partir de cet instant que le récit des autorités et celui des membres de la famille divergent.

Dans un communiqué de presse rendu public mercredi 3 mars, après avoir refusé dans un premier temps de s’exprimer, la préfecture du Nord-Pas-de-Calais assure qu’« à ce moment précis, aucun des migrants ne fait part de difficultés particulières ». Ceux-ci, précise encore le communiqué, sont donc « laissés libres et invités à s’éloigner du littoral ».

Mais, d’après la plainte déposée par Me Gommeaux, que Le Monde a pu consulter, les forces de l’ordre n’auraient pas porté secours à Rwpak : « Peu après l’arrivée des policiers [des gendarmes, en réalité], ma cliente a perdu les eaux, écrit l’avocate. Elle a aussitôt informé les policiers de la situation. Ceux-ci ont contacté leur supérieur et lui ont dit d’attendre. Le groupe est ainsi resté sur le bord de la route, dans le froid, pendant plusieurs heures, sous la surveillance constante » des gendarmes.

« Les policiers n’ont rien voulu entendre, peut-on lire dans la plainte. Ils sont restés sur place sans entreprendre aucune démarche pour aider ma cliente qui saignait »

Contactée en Angleterre, où la famille a finalement réussi à passer après une quatrième tentative, Rwpak raconte : « Mon mari leur a dit en anglais “My friend”, mon ami, mais le policier lui a dit “Je ne suis pas ton ami” (…) Je leur ai dit tout de suite, avec quelques mots d’anglais, que j’étais enceinte, tout le monde leur a dit que j’étais enceinte, j’essayais de leur expliquer mon histoire, que je voulais traverser, mais ils n’avaient aucune considération, ils ont déchiré les sacs et les gilets au couteau, ils ont pris les téléphones portables. » Seul un gendarme « roux, un peu plus âgé » que les autresaurait tenté d’aider la jeune femme, en pure perte. « Il n’avait pas d’autorité », explique-t-elle encore.

Dans le courant de la nuit, deux fonctionnaires en civil de la police aux frontières (PAF), contactés par les gendarmes, sont dépêchés sur place et prennent en charge les deux hommes seuls du groupe, suspectés d’être des passeurs.

Selon la famille, les nouveaux arrivants sont, eux aussi, mis au courant de la situation. Rwpak aurait même montré son ventre à cette occasion, pour tenter de les alerter sur l’urgence médicale de son état. « Les policiers n’ont rien voulu entendre, peut-on lire dans la plainte. Ils sont restés sur place sans entreprendre aucune démarche pour aider ma cliente qui saignait. »

« A aucun moment ils n’ont été avisés de l’état de la mère de famille, répond une source policière. Ils ont donc fait leur travail en procédant aux vérifications administratives sur les deux individus », avant de quitter les lieux.

Une situation « exceptionnellement triste »

Les gendarmes finissent par imiter les policiers aux alentours de 7 heures du matin, après un nouvel entretien téléphonique avec, pense la famille kurde, leur hiérarchie. Désormais libres de leurs mouvements, les migrants marchent jusqu’au plus proche arrêt de bus, près duquel ils allument un feu pour essayer de se réchauffer. Ils sont alors repérés par une nouvelle patrouille de gendarmerie. Cette fois, les militaires appellent une ambulance, qui conduit Rwpak, seule, au centre hospitalier de Calais.

Désormais en attente de son statut de réfugiée à Londres, Rwpak pense tous les jours à la mort de sa petite fille

Echographie fœtale, césarienne : le nourrisson, de sexe féminin, souffre de problèmes respiratoires et neurologiques graves. « Quand je l’ai vue, elle était si belle, elle était belle et joufflue, se souvient Rwpak. Mais j’ai vu qu’elle était reliée à plein de machines. Ils m’ont dit qu’il y avait eu un arrêt cardiaque, puis ils l’ont ranimée, mais il y avait du sang dans les poumons et des atteintes neurologiques (…) Je n’arrêtais pas de pleurer mais la veille de sa mort, j’ai pu la prendre dans mes bras et ça m’a un peu soulagée. » Hospitalisée dans le service de réanimation néonatale, l’enfant est extubée trois jours plus tard, le 5 septembre 2020, faute de la moindre évolution de son état.

« C’est une situation exceptionnellement triste, mais pas exceptionnelle au regard du comportement habituel des forces de l’ordre dans cette zone », estime Frances Timberlake, membre du Refugee Women’s Centre basé à Dunkerque, qui connaît très bien la famille pour l’avoir accompagnée en France pendant des mois et organisé l’enterrement d’Aleksandra. La jeune militante sait que la bataille judiciaire s’annonce longue et complexe. L’enquête est, pour le moment, confiée à l’IGPN, saisie via un signalement effectué sur sa plate-forme en ligne.

La police des polices a sollicité un délai de huit jours auprès du procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Pascal Marconville, pour tenter de déterminer si elle est effectivement compétente, le premier service intervenu étant la gendarmerie. Si tel n’est pas le cas, les investigations pourraient alors être confiées à l’Inspection générale de la gendarmerie.

En attendant, d’autres mesures doivent permettre d’établir formellement le lieu de l’interpellation, Oye-Plage se situant en partie sur le ressort du tribunal judiciaire de Saint-Omer, dont le parquet pourrait finalement se trouver chargé de la procédure.

Désormais en attente de son statut de réfugiée à Londres, Rwpak pense tous les jours à la mort de sa petite fille. Si elle a décidé de porter plainte, dit-elle, c’est « pour que ça n’arrive pas à d’autres ». « Les médecins étaient si tristes, si désolés, ils m’ont dit “si vous étiez arrivés un peu avant, une heure avant, un tout petit avant, les choses ne se seraient pas passées comme ça”, se désespère la mère de famille. C’est la faute de la police si ma fille est morte, ils n’avaient qu’un coup de fil à passer mais ils n’ont rien fait. »

https://www.liberation.fr/societe/exilee-irakienne-dans-le-nord-pas-de-calais-elle-perd-son-bebe-apres-une-intervention-policiere-20210303_AQFWJ2LMWVA4PIIECKTHHZ4OCA/

Exilée irakienne dans le Nord-Pas-de-Calais, elle perd son bébé après une intervention policière

En septembre, une femme enceinte de huit mois, son mari et ses deux enfants ont été interpellés alors qu’ils s’apprêtaient à tenter de rejoindre l’Angleterre. Malgré les demandes répétées de la jeune Irakienne, les secours ont tardé à être appelés. Son bébé est mort trois jours après sa naissance. Une plainte a été déposée et l’IGPN a été saisie.

par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille

publié le 3 mars 2021 à 13h59

Un bébé mort trois jours après sa naissance, à la suite d’une nuit passée dehors, sous surveillance policière, «hors de tout cadre légal», estime Me Julie Gommeaux, l’avocate de la famille, des Kurdes irakiens en exil. Les faits se seraient déroulés à Oye-Plage, entre Calais (Pas-de-Calais) et Dunkerque (Nord), dans la nuit du 1er au 2 septembre. Hajar et Rupak, enceinte de 8 mois, avec leurs deux enfants de 10 et 2 ans, tentaient de passer en Grande-Bretagne par la mer. Lors de leur interpellation, Rupak a perdu les eaux, et n’a jamais été emmenée à l’hôpital, malgré ses demandes répétées, explique-t-elle. La plainte a été déposée le 25 février auprès du procureur de la République de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), pour violences volontaires.

Aujourd’hui, ils vivent en Grande-Bretagne, et y ont demandé l’asile, après deux ans et demi d’errance en Europe. Leur plus jeune enfant est née en Grèce, en janvier 2018. Ils sont partis d’Irak, à cause des tensions grandissantes. Hajar travaillait pour un parti politique d’opposition, le Goran. Sur l’écran du téléphone, par visio interposée, elle a l’air vive, même si ses traits sont tirés. Elle refuse d’oublier ce qui s’est passé cette nuit-là. Ils ont retrouvé leur passeur au Puythouck, à Grande-Synthe, près de Dunkerque, un bois où les exilés vivent sous les tentes, vers 22 heures. «Il faisait noir, on a marché vers de Calais, trois heures à pied. C’était plus loin que prévu, on avait un guide qui nous emmenait», explique-t-elle. Un classique sur le littoral de la Manche, où les réseaux déposent les candidats au passage loin de la plage, pour éviter d’être repérés.

«On a marché une heure environ, et j’ai senti que je perdais les eaux. J’avais mal.»

—  Rupak

Ils sont trois familles, et deux hommes seuls, environ une quinzaine de personnes. Arrivés sur la plage, ils sont surpris par une patrouille. «Les deux hommes qui gonflaient le canot et notre guide se sont enfuis», raconte Rupak. Les forces de l’ordre les contrôlent, tailladent le bateau pneumatique pour qu’il ne puisse pas resservir. Elle estime qu’il est alors dans les deux heures du matin. Les fonctionnaires les conduisent vers leurs deux voitures, de couleur sombre, garées en bord de route, par un chemin de pierres et de sable. «On a marché une heure environ, et j’ai senti que je perdais les eaux. J’avais mal. J’ai prévenu les policiers, en leur disant que j’avais besoin d’une ambulance», précise Rupak. Ceux-ci tentent plusieurs fois de joindre un interlocuteur, sans résultat. Cette nuit-là, 41 tentatives sont recensées, concernant 592 exilés, précise la préfecture du Pas-de-Calais.

Ce n’est que trois ou quatre heures plus tard que deux autres voitures arrivent. «J’ai cru que c’était pour moi, mais c’était pour un nouveau contrôle», raconte Rupak. Les deux hommes célibataires sont emmenés. Les familles sont laissées là. «Ils nous ont dit «bye-bye», et c’est tout», se souvient-elle. L’aurore pointait : «Les policiers attendaient qu’il fasse jour pour éviter qu’ils ne retentent le passage», estime Frances Timberlake, du Refugees Women’s Centre de Dunkerque. Le récit de la famille est confirmé par un autre exilé, témoin de cette nuit, précise l’avocate. La préfecture donne une autre version des faits dans un communiqué : «A 4h26, les gendarmes interviennent pour interdire la traversée à 18 Irakiens […]. Ils prennent alors contact avec les services de la police aux frontières, qui se rendent sur place pour prendre en compte les migrants présents et interpeller certains d’entre eux aux fins de vérifications administratives. A ce moment précis, aucun des migrants ne fait part de difficultés particulières. Ils sont donc laissés libres et invités à s’éloigner du littoral.»

«C’est une satisfaction, l’IGPN a pris le signalement au sérieux et a démarré une enquête rapidement»

—  Me Julie Gommeaux, avocate de la famille

Aidée par les autres, Rupak a pu rejoindre un arrêt de bus : ils bricolent un feu de camp pour la réchauffer. D’autres gendarmes s’arrêtent : «Ils ont appelé tout de suite une ambulance, je leur dis encore merci», témoigne-t-elle. L’hôpital de Calais pratique une césarienne en urgence. La petite fille, Aleksandra, souffre d’une anoxie sévère, une absence d’oxygène. Elle est extubée le samedi 5 septembre, et meurt dans les bras de son père, précise le dossier médical, lu par l’avocate. Une échographie du 28 août ne pointait pourtant aucun problème, ce que confirment plusieurs associatifs qui suivaient la famille à Dunkerque.

Me Julie Gommeaux a saisi l’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale en parallèle de sa plainte. La famille n’avait pas clairement identifié les fonctionnaires, les pensait des policiers. «C’est une satisfaction, l’IGPN a pris le signalement au sérieux, et a démarré une enquête rapidement», note-t-elle. C’est aussi sur la base de ce signalement, antérieur à la plainte, que le procureur de Boulogne-sur-Mer s’est saisi de l’affaire. La préfecture du Pas-de-Calais insiste sur le dispositif mis en place sur les plages : «Les migrants qui nécessitent une prise en charge médicale sont examinés par les sapeurs-pompiers, et dirigés, le cas échéant vers le centre hospitalier le plus proche.» Les autres se voient proposer une place dans un centre d’accueil, affirme-t-elle.

Les associations d’aide aux migrants ont un autre récit des nuits de Calais. «Il n’y a pas trop de protocole de prise en charge, ils sont généralement très embarrassés d’avoir une famille sur les bras», explique Pierre Roques, d’Utopia 56, qui organise des maraudes de nuit. «Cela peut se passer bien, avec une place dans un foyer d’hébergement, cela peut se passer mal, en faisant attendre les exilés pour les dissuader de passer.»

11.02.2021 : La CNCDH publie son avis sur la situation des personnes exilées à Calais et Grande-Synthe

Les 15 et 16 décembre 2020, une délégation de la CNCDH se rendait, pour la troisième fois, à Calais et Grande-Synthe, et y rencontrait les associations agissant à la frontière, des personnes exilées venues en nombre témoigner de leurs conditions de (sur)vie, ainsi que les différentes autorités. Elle publie, ce 11 février 2021, un avis issu de ces différentes rencontres, incluant une série de recommandations.

« La Commission recommande aux autorités publiques de mettre un terme à la politique sécuritaire dite « zéro point de fixation », aux conséquences désastreuses pour les personnes exilées et les aidants. La CNCDH rappelle également la nécessité de mettre en place un « socle humanitaire » à Calais évoqué par le Président de la République pour répondre aux besoins les plus essentiels des personnes exilées. Enfin, à l’issue d’une trentaine de recommandations, la CNCDH souligne la nécessité de mettre en place, dans les négociations post Brexit avec le Royaume-Uni, une protection internationale des personnes exilées. »

Pour télécharger l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, c’est ici : https://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-la-situation-des-personnes-exilees-calais-et-grande-synthe-2021-2

Ci-dessous, le communiqué de presse associé

Newsletter n°47 – Décembre 2020

LE JOURNAL HORS LES JUNGLES
n°47 // 4 décembre 2020

La lettre d’info de la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
Réseau d’associations intervenant dans les camps d’exilé.e.s de passage
du Nord de la France et du littoral de la Manche

Nous avons besoin de votre soutien, faites un don ! Merci !


Infos des lieux de vie

  • A Calais, le 4ème arrêté d’interdiction de distribution des repas en Centre-Ville est valable jusqu’au 14 décembre pour les mêmes 49 rues de l’arrêté précédent. Les expulsions se poursuivent, et ont même repris un rythme quotidien que documente Human Rights Observers (retrouver ici leurs bulletins mensuels) : non seulement la préfecture accorde le concours de la force publique pour les opérations d’expulsion, mais la Mairie de Calais est également allée en justice pour demander l’expulsion du lieu de vie Calypso en utilisant la voie du « référé mesures utiles » que le juge lui a accordé, malgré une mobilisation à l’audience des personnes habitantes soutenues par la Cabane juridique. Une autre manière d’expulser, le déboisement, a été documentée par Reporterre, un article du 2 décembre à retrouver ici. Un philosophe interrogé, Dénètem Touam Bona, s’exprime sur la situation :  » En privant d’hébergement ou de nourriture, l’État ne tue pas lui-même, il délègue aux éléments de la nature le travail de la mort. C’est une nécropolitique active mais discrète. ». L’article ajoute que le samedi 28 novembre, la mairie de Calais a annoncé l’installation de six caméras de vidéosurveillance dans les environs du Fort-Nieulay — comme en février, aux abords de l’Hôpital du Virval.
  • A Ouistreham, depuis début novembre, une maraude propose aux personnes exilées qui y sont présentes de rejoindre le centre de Tailleville pour s’y confiner. Des départs qui devraient être volontaires mais, devant le refus des personnes de s’y rendre, les autorités multiplient ce qu’elles appellent des « opérations de nettoyage », obligeant les personnes exilées à déplacer leurs tentes et affaires de quelques mètres, pendant que les services techniques, sous l’œil des forces de l’ordre, jettent tout ce qui reste, comme le détaille cet article de Ouest France. Les personnes se plaignent par ailleurs du comportement de la police et témoignent de vols de portables, tandis que la mairie de Ouistreham refuse toujours de garantir un accès à l’eau potable…
  • A Marseille, là aussi une expulsion : le 30 novembre, près de 200 demandeurs d’asile, pour la plupart arrivés d’Afrique de l’ouest, principalement du Nigéria ont dû quitter le squat où ils avaient trouvé refuge. Lire le reportage de FranceInfo
  • A Paris, le 17 novembre, plus de 2800 personnes sont expulsées d’un campement au pied du stade de France à Saint-Denis. « Ce campement était majoritairement constitué d’hommes seuls, originaires d’Afghanistan pour la plupart, mais aussi du Soudan, d’Ethiopie et de Somalie. Beaucoup sont des demandeurs d’asile, et étaient auparavant passés par d’autres campements en périphérie de Paris, démantelés les uns après les autres. Depuis la crise migratoire de 2015, il s’agit du soixante-cinquième démantèlement de grande ampleur, comptant pour l’une des trois cents opérations dites de « mise à l’abri » ». A lire l’article du Monde.
  • A Paris encore, le 23 novembre, environ 450 personnes exilées sont chassées violemment de la place de la République . » Laissées à la rue après l’évacuation du campement de Saint-Denis, elles ont essayé de s’installer place de la République à Paris. Soutenues par des associations et des élus, elles espéraient ainsi se rendre visibles. Ce qui a été visible, c’est la violence de leur évacuation par les forces de l’ordre, suscitant critiques et indignations« . Lire la suite d’une analyse de Sébastien Thiery, coordinateur des actions du PEROU (Pôle d’exploration des Ressources Urbaines) et le témoignage d’un réfugié Afghan sur France info

Des migrants dans des tentes sur la place de la République à Paris avant d’être évacués par les forces de l’ordre, le 23 novembre 2020. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA / MAXPPP)

  • Les Canaries : campement de la honte : la Croix-Rouge a monté un campement en août afin de prodiguer les premiers soins aux migrant.e.s qui arrivent, en majorité originaires du Maroc et du Sénégal. Prévu pour 400 places, il y a près de 17 000 personnes à être arrivées sur les côtes des Canaries depuis le début de l’année, dont 5 300 en octobre et 1 400 durant la seule journée du 7 novembre. Pour les ONG, l’explication de ce boom migratoire est double. D’une part, la fermeture de la route du détroit de Gibraltar par le Maroc, en 2019, a provoqué le report des flux sur la voie canarienne, beaucoup plus dangereuse. D’autre part, « la pandémie a augmenté le nombre de personnes parties du fait de la crise économique », résume Txema Santana, porte-parole de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR). A lire l’article de Sandrine Morel dans Le Monde du 16 novembre.

César Dezfuli pour « LE MONDE »

Infos des assos

  • La Note d’analyse 2020 de l’Observatoire des expulsions collectives des lieux de vie informels est sortie début novembre. Les chiffres sont édifiants, pour une année de crise sanitaire, les expulsions se sont poursuivies, particulièrement à la frontière franco-britannique. Pour l’ensemble de la France, 448 personnes sont expulsées tous les jours de lieux de vie informels depuis le début de la crise sanitaire, alors même qu’aujourd’hui, des milliers de personnes sont contraintes de vivre dans des habitats de fortune : des bidonvilles, des squats, des tentes… Encore cette année, de nombreuses expulsions viennent les précariser davantage. Retrouvez sur le site de l’Observatoire la Note d’analyse complète, une synthèse des chiffres principaux, et la possibilité de devenir contributeur de l’Observatoire, pour être tenu informé mensuellement de l’évolution des expulsions en France.

  • Project Play, qui travaille avec les enfants sur les Jungles à la frontière, leur permettant d’exercer leur droit à jouer, mais qui aussi plaide pour tous leurs autres droits, vient de sortir un rapport : « Les expulsions – Des pratiques qui bafouent les droits des enfants à la frontière franco-britannique » A trouver en ligne ici !

  • Communiqué du GISTI – Sortie du rapport « Deadly Crossings ». En 2016, le Gisti publiait un numéro de sa revue Plein Droit intitulé « Homicides aux frontières » dans lequel paraissait l’article « Voir Calais et mourir ». L’auteur, un ancien coordinateur de la Plateforme des Soutiens aux Migrant·e·s (PSM), y décrivait ce travail d’enquête sur les mort·es à la frontière franco-britannique (qui permettait de dresser une liste des victimes et une cartographie) et montrait comment « l’addition d’accords européens et de traités bilatéraux, destinés à empêcher les indésirables d’accéder au territoire britannique a fait de cette région un mur meurtrier ». Des liens récents entre militant·es français·es et activistes britanniques ont permis de travailler à la publication de cette enquête sur les personnes exilées mortes à la frontière franco-britannique

  • Le Refuges Solidaires est un accueil d’urgence à la frontière franco-italienne, à Briançon, dans les Hautes-Alpes. Depuis, leur création en Juillet 2017, le Refuge a accueilli, soigné, orienté près de 1 200 personnes exilées. La plupart sont d’origine Afghane et Iranienne et arrivent de Triestre et de la route des Balkans. « Ce n’est pas tant le confinement en Italie qui nous impacte actuellement mais le doublement des forces de polices à la frontière annoncé par le Président. Le résultat est immédiat avec énormément de refoulement dont des familles avec enfants. Cela pousse les exilés à prendre plus de risques pour arriver en France en passant plus profondément dans la forêt. Depuis cette semaine, nous avons eu de nouveaux beaucoup d’arrivées (15 à 20 personnes par jour) mais l’arrivée de la neige nous inquiète énormément« .
  • L’équipe du Secours Catholique de l’accueil de jour de Calais a proposé le 29 novembre, sa 6ème journée de Talents de femmes. Une journée de partage et d’échanges entre femmes uniquement en visio-conférence. En quelques clics les femmes arrivaient dans la salle virtuelle de l’atelier qu’elles avaient choisi : découverte des langues, cuisine, échanges musicaux, épilation au fil et au sucre, bougies personnalisées, yoga, contes.

Faire et dire, les personnes premières concernées

  • Hommage collectif à Mohamed Khamisse Zakaria. Le 19 novembre, sur l’A16, ce jeune soudanais de 20 ans a perdu sa vie et ses rêves. « Mohamed nous rassemble. Nous sommes tous habités du même désir de vivre qu’il avait…Nous ne savons pas quoi faire, nous voudrions accéder légalement au Royaume-Uni, nous rêvons d’une vie digne, d’une vie d’humains…«  Retrouvez cet hommage des compagnons de route de Mohamed sur le site de Passeurs d’hospitalités
  • Appel des exilé.es du campement de Saint-Denis :  » Nous sommes plus de 1500 à vivre sous les ponts à St Denis dans des conditions innommables. nous écrivons pour alerter sur notre situation. Nous adressons ce texte aux autorités françaises, pour qu’elles cessent de bafouer nos droits, pour qu’elles nous traitent enfin comme des êtres humains. Nous l’adressons aussi à la population française et plus particulièrement francilienne : nous avons besoin de votre soutien, pour lutter ensemble, pour nous faire entendre… » La suite sur le site du Gisti
  • 11 personnes exilées soutenues par 8 associations assignent le préfet du Pas-de-Calais devant le tribunal judiciaire de Boulogne sur-mer suite à l’expulsion dite « en flagrance » par les autorités le 29 septembre du terrain où elles vivaient. A lire ici le communiqué de presse qui parle de cette action en justice, dans lequel une personne habitante de terrain témoigne de l’expulsion du 29 septembre, et de celle qui a suivi le 2 octobre. L’audience aura lieu courant décembre.

Infos de la PSM

  • La PSM vous propose une conférence qui se tiendra le mardi 15 décembre de 18h à 20h en visio-conférence ! C’est le GISTI qui sera présent pour nous partager ses réflexions sur les processus d’externalisation de la frontière, et plus particulièrement l’externalisation de la demande d’asile. Pour organiser au mieux ce temps de conférence, voici le lien pour vous y inscrire : https://framaforms.org/conference-lexternalisation-en-question-15122020-18h-1605701038 . Nous vous enverrons rapidement les modalités pour pouvoir assister à ce temps de discussion avec nous.

Envie d’agir

  • Terre d’errance Norrent Fontes, qui agit dans le Béthunois, vous invite à rejoindre le groupe de familles solidaires de l’association. Ces familles se mobilisent pour offrir aux personnes exilées un peu de dignité, un lit, une douche, des repas chauds, du linge propre, des moments de détente devant les vidéos de musique qu’ils aiment ou devant des jeux de société…
    Pour les contacter, c’est soit sur leur Facebook, ou via leur site internet : https://terreerrance.jimdofree.com/
  • Participez à l’opération « Speak Out ! » – Il s’agit d’une initiative de Médecins du Monde Hauts-de-France et de L’accueil de jour du Secours catholique de Calais « Venez à #Calais, venez à #GrandeSynthe, observez et témoignez. Que ce soit une heure, une demi-journée ou une semaine, qu’il s’agisse de produire une image, un reportage, une illustration, un simple tweet ou un article, qu’il s’agisse de travailler sur une enquête approfondie ou sur un travail de recherche, quel que soit votre mode d’expression ou de travail nous vous accueillerons sur place (dans le cadre de nos activités habituelles) pour vous permettre de vous orienter, de vous repérer et de témoigner de vos observations. Notre objectif est simple: dénoncer publiquement et au niveau national ce qu’il se passe d’indigne au niveau local et municipal. Parce que nous refusons de nous habituer et encore davantage de nous taire. » Si vous êtes intéressé.e.s, s’adresser à ces adresses mails : contact.littoral-nord@medecinsdumonde.net ou juliette.delaplace@secours-catholique.org
  • Des pochettes solidaires à coudre : l’appel du Secours Catholique de Calais à de la couture solidaire est sur leur site ici ! Pour accéder directement au patron, et à toutes les explications, c’est ici. Attrapez vos tissus, vos aiguilles pour réaliser ces pochettes solidaires et aidez à dénoncer les expulsions des lieux de vie et le traitement inhumain des personnes exilées bloquées à la frontière franco-britannique !

Belles échappées

  • Des livres qui bousculent les idées reçues, idées de cadeaux pour les plus petits. « Le choix de Koki », à partir de 3 ans : sur la planète Dragona, chaque dragon naît soit bleu, soit rose, et se comporte selon sa couleur. Koki veut faire ce qui lui plaît et qui le rend heureux, qu’importe sa couleur ! « Massamba, le marchand de tour Eiffel » : arrivé à Paris au terme d’un voyage éprouvant, Massamba doit s’improviser marchand de souvenirs pour touristes. Il découvre, en vrai, la tour Eiffel dont il a tant entendu parler. « La princesse et le grand sage » : Il était une fois une princesse lasse de broder et de jouer de la musique. « Pourquoi ne suis-je pas libre comme mon frère ? » se demandait-elle. Elle entama alors un voyage périlleux à la recherche de la fleur de la liberté. Et vous en découvrirez d’autres en suivant ces liens : les éditions Talents Hauts et la boutique livres jeunesse d’Amnesty International

Autres temps de formation et d’échanges

  • Gynécologie Sans Frontières propose des modules web sur les femmes en exil. Le sujet du prochain rendez-vous : Prendre en charge le psycho-trauma des femmes en exil. Ce sera le 9 décembre. Pour s’inscrire, c’est ici !

En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques

  • Fiche pratique : accompagner une personne étrangère en préfecture. Le groupe chantier des EGM consacré aux pratiques préfectorales a construit une fiche récapitulant divers conseils pour aiguiller les militant·es qui n’en ont pas l’habitude dans la préparation de l’accompagnement des personnes étrangères en préfecture. A retrouver ici .
  • « On enferme pour enfermer au centre de rétention » : à Toulouse, la Cimade multiplie les recours en justice. Enfermer au centre de rétention administrative des étrangers sans papiers, sans expulsion possible du fait de la fermeture des frontières liée à la pandémie représente pour la Cimade, qui saisit la justice, une privation de liberté abusive. A lire la suite sur le site de FranceInfo

Le Centre de Rétention de Toulouse sur la commune de Cornebarrieu • © France 3 Midi-Pyrénées

  • Asile : la France revoit sa position sur l’Afghanistan. Le 20 novembre, la Cour nationale du droit d’asile considère que la violence régnant à Kaboul ne justifie pas d’octroyer une protection internationale. Cette décision met donc fin à la jurisprudence dite « Kaboul », en vigueur depuis 2018. Celle-ci permettait jusque-là à la CNDA d’accorder une protection quasi systématique aux demandeurs d’asile afghans.A lire l’article de Julia Pascual dans le journal Le Monde et cette tribune de Adam Baczko, chargé de recherche au CNRS et Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques à Paris : « Nier l’ampleur de la crise actuelle en Afghanistan et notre part de responsabilité dans celle-ci n’est ni justifiable d’un point de vue éthique ni avisé d’un point de vue politique« .

Un migrant afghan à l’intérieur d’un campement de fortune aux abords du Stade de France, le 2 novembre. Benjamin Girette pour « Le Monde »

  • Relaxé grâce à une vidéo, c’est possible ! C’était en juin 2019, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, a relaxé Tom Ciotkowski, un militant britannique des droits de l’Homme, poursuivi pour outrage et violence sur un CRS à Calais, discréditant les témoignages de trois policiers, qui devront répondre notamment de faux en écriture.. Rappel de cette affaire . A ce jour, les violences policières peuvent être dénoncées grâce au travail des journalistes et des citoyen·ne·s, ainsi qu’à la liberté de prise et de diffusion des vidéos dans les médias et sur les réseaux sociaux. Le vote de la loi Sécurité Globale par le Parlement français suscite des inquiétudes. A lire l’article du Monde

Désinfox, outils pour lutter contre les idées reçues

  • « On a tous un ami noir«  François Gemenne, directeur de l’Observatoire Hugo dédié à l’étude des migrations environnementales, publie cet essai où il propose « d’en finir avec les polémiques stériles sur l’immigration » comme On ne peut pas accueillir toute la misère du monde, L’immigration coûte cher, Il faut fermer les frontières pour éviter une nouvelle crise migratoire, Si on améliore les conditions d’accueil, cela va créer un appel d’air : la question de l’immigration, omniprésente, se heurte à de nombreuses idées reçues. Ce qui contribue à libérer la parole raciste, à rendre les débats passionnels et stériles, à renforcer le caractère déshumanisant des politiques d’asile. Pour en savoir plus, c’est ici.

Pour comprendre / pour cogiter

  • Pour armer notre imaginaire dans ce contexte mortifère, découvrez ici la note de lecture réalisée par Martine sur l’ouvrage de Christiane Vollaire et Philippe Bazin : « Un archipel des solidarités. Grèce 2017-2020« 
  • « Frontières de fer, le cloisonnement du monde« . Dans ce livre, le géographe Stéphane Rosière dresse un indispensable état des lieux. Du mur que Donald Trump érige à la frontière avec le Mexique au mur de séparation édifié par Israël dans le cadre de son projet colonial en passant par les multiples murs de l’Europe forteresse, tout indique que nous assistons à un « nouveau cloisonnement du monde ». Ils sont la partie visible de systèmes de surveillance et de contrôle plus vastes. Des expérimentations de l’époque colo­niale à la création néolibérale d’un vaste marché de la sécurité, ce livre ­rappelle le coût humain des tentatives de contournement de ce monde muré. Plus d’informations sur le blog de Libération

  • La France et le Royaume-Uni s’entendent pour freiner « l’immigration clandestine » par la Manche. L’accord prévoit le doublement des patrouilles françaises à partir du 1er décembre – sans en donner le nombre précis –, qui seront appuyées de drones et de radars permettant de repérer ceux qui tentent la traversée, a déclaré Priti Patel, ministre de l’intérieur britannique, sur la chaîne BBC. Elle s’est félicitée de l’accord en déclarant qu’il permettrait aux deux pays de « partager la mission de rendre impossibles les traversées de la Manche ». Les deux pays ont accepté de dépenser 31,4 millions d’euros pour ces mesures. A lire l’article du journal Le Monde du 28 novembre
  • De Calais à Menton, une pression de tous les instants contre les personnes exilées. De Menton à Calais, des Alpes à la capitale, les bénévoles et exilés font le même récit de tentes détruites, de coups de matraque, d’insultes ou de dispersions systématiques au gaz lacrymogène. A Calais, les bénévoles en témoignent sans détours : «Le triptyque disperser, détruire et violenter, c’est ce que nous connaissons ici», pose Juliette Delaplace, du Secours catholique. «Ce qui se passait à Calais est en train d’arriver ici. Désormais, on vit la même chose à Paris, un harcèlement permanent», explique Yann Manzi, d’Utopia 56. A la frontière franco-italienne, les renvois sont quotidiens, la brutalité est fréquente. Sur la frontière briançonnaise, un collectif d’associations a relevé en 2018 des «pratiques illégales et dégradantes» des forces de l’ordre : «Refoulements de personnes exilées dont des mineurs, contrôles discriminatoires, courses-poursuites dans la montagne, propos menaçants et insultants, entraves à l’enregistrement de demandes d’asile…» A lire l’article paru dans le journal Libération du 24 novembre

A Calais, des migrants voulant rejoindre l’Angleterre bloqués par un policier en 2015. Photo Philippe Huguen. AFP

 


Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
archives.psmigrants.org

Nous avons besoin de votre soutien, faites un don! Merci!


[USER-UNSUBSCRIBE]

Newsletter n°48 – Janvier 2021

LE JOURNAL HORS LES JUNGLES
n°48 // 11 janvier 2021

La lettre d’info de la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
Réseau d’associations intervenant dans les camps d’exilé.e.s de passage
du Nord de la France et du littoral de la Manche

Nous avons besoin de votre soutien, faites un don ! Merci !


Infos des lieux de vie

à la frontière franco-britannique

  • A Calais, 5ème arrêté d’interdiction de distribution des repas en Centre-Ville, valable jusqu’au 12 janvier. Les violences que subissent les personnes exilées sont toujours les mêmes : la survie dans la boue, les expulsions de leurs abris de fortune, leurs tentes parfois lacérées de coups de couteaux, leurs objets personnels jetés dans des bennes, les palets de lacrymo, les tirs de LBD. A retrouver dans cet article de l’Humanité

Les exilés qui s’absentent pour trouver de la nourriture prennent le risque que leurs campements de fortune soient détruits et jetés dans une benne. © David Pauwels

  • A Grande-Synthe, le 8 janvier, des associations dénoncent des contrôles au faciès par les forces de l’ordre à l’entrée du centre commercial Auchan, aboutissant à empêcher les personnes exilées d’accéder au centre commercial. Le Défenseur des droits a été saisi. Retrouvez ici des vidéos sur le compte twitter HRO, cet article de franceinfo relatant les événements, ainsi que le communiqué de presse inter-associatif dénonçant ces pratiques discriminatoires.

et ailleurs…

  • A Lille, une semaine après l’incendie qui a détruit des baraquements du camp de la friche Saint-Sauveur à Lille où survivent des personnes exilées, les associations haussent le ton en direction de la préfecture et de la ville, qu’elles accusent de rester trop « inactives » face aux besoins de relogement. Elles réclament de trouver en urgence une solution pour une soixantaine de jeunes adultes et une dizaine d’adolescents installés depuis plusieurs mois sur cette friche, dans des conditions indignes. A lire dans un article La voix du Nord

Photos Pascal Bonnière

  • A Paris, le retour d’un campement de personnes exilées boulevard de la Chapelle. Un mois et demi après la violente expulsion des personnes installées sur la place de la République, de petits groupes sont à nouveau installés dans Paris ou continuent d’errer en périphérie, au gré des évacuations et de la météo. Leur précarité est de plus en plus grande et le travail des associations presque impossible. A lire l’article de francebleu et celui du Monde
  • A la frontière italienne, depuis 2019, ni les élus, ni les associations ne peuvent entrer dans les locaux où se trouvent les personnes exilées avant leur renvoi en Italie. La préfecture des Alpes-Maritimes a notifié une nouvelle décision de refus le 30 décembre 2020 à ces associations qui dénoncent « des conditions d’accueil indignes » et demandent un droit de regard sur les conditions sanitaires au sein du poste-frontière de Menton. Me Zia Oloumi, avocat en droit de la mobilité internationale et des droits fondamentaux dénonce : « Il y a des mineurs avec des majeurs… parfois une femme avec des hommes alors que c’est interdit » . A lire l’article de Loïc Blache pour franceinfo provence alpes côte d’azur
  • En Bosnie-Herzégovine, l’enfer des personnes après l’incendie du camp de Lipa. Près d’un millier de personnes vivent depuis fin décembre dans le plus grand dénuement, par un temps glacial. Sur fond d’opposition locale, et malgré l’aide européenne, aucune solution d’urgence n’a pour l’heure été trouvée. A lire l’article de Margot Davier dans Libération

Construction d’abris temporaires le 27 décembre, après l’incendie. Photo Dado Ruvic. Reuters

Infos des assos

  • Pour la « journée internationale des migrations », le 18 décembre, le CCFD-Terre Solidaire, organisation qui soutient la PSM depuis sa création, a réalisé un podcast : Sidonie Hadoux nous y invite à partager la journée d’associations de notre réseau, qui témoignent de la situation intolérable dans laquelle sont maintenues les personnes exilées, tout en poursuivant inlassablement leur action auprès de ces personnes et en continuant d’inventer d’autres possibles. Embarquez avec elle !

Deux bénévoles se préparent à partir en maraude à la rencontre des personnes migrantes ©Sidonie Hadoux/CCFD-Terre Solidaire

  • Un concert avec la compagnie Tire-Laine à l’accueil de jour du Secours Catholique de Calais dans l’après midi du 31 décembre. Musique et goûter pour les personnes exilées.

  • Des boites cadeaux, apportées par les bénévoles du CAMO (Collectif d’Aide aux Migrants de Ouistreham ), ce samedi 2 janvier. Les jeunes soudanais de Ouistreham, qui vivent dans un campement de fortune sur les bords du canal, ont reçu chacun ce matin-là une boite « cadeau » contenant douceurs, chocolats et autres gâteaux emballés, gants, chaussettes et surtout produits d’hygiène. Plusieurs paquets contenaient aussi des dessins d’enfants. Une dizaine de personnes de l’association SOS sans abris de Caen avaient aussi apporté des cadeaux.
  • Help 4 Dunkerque, un collectif venu en soutien aux assos de Grande-Synthe, était présent au Puythouck du 24 décembre au 10 janvier. Cette équipe d’une quinzaine de personnes est arrivée très chargée, avec des camions et véhicules remplis de dons pour les personnes exilées, collectés un peu partout en France. Ils ont aussi installé un barnum pour proposer thé, crêpes, coiffure, jeux pour les enfants et différentes animations.

Faire et dire, les personnes premières concernées

  • Rien de ce qui est humain ne m’est étranger. Des récits de vie de personnes migrantes proposés par Marie-Odile Lainé. « En menant ce projet, je me suis très vite trouvée confrontée à la problématique de la rencontre de l’Autre, « l’étrange étranger », pour citer Jacques Prévert… Comment parler pour ceux qui viennent d’une autre culture, d’un autre climat, d’autres usages, sans se projeter, sans interpréter leurs paroles à l’aune de nos propres références et en évitant les pièges de la pitié ? » Retrouvez ici les récits de Ahmad, Mira, Moussa, Soraya et des autres.

Belles échappées

  • Le grand RECHO. Histoire(s) d’une cuisine fraternelle, de Vanessa Krycève, Valérie Sévenet Gentil et Alice Barbosa. Photographies de Alice Barbosa . À l’initiative du RECHO – association agissant pour l’inclusion des personnes exilées à travers la cuisine –, et du maire d’Arras, ce projet collaboratif a fait le pari ambitieux de réunir tous les acteurs et actrices d’un territoire autour de la question de l’accueil. Pendant 10 jours, ce lieu a réunit des communautés qui n’auraient jamais eu l’opportunité de se rencontrer. Chef.fe.s étoilé.e.s ou non, exilé.e.s, associations, artistes, étudiant.e.s, bénévoles, ensemble, ils ont ri, cuisiné, dansé, chanté, raconté, se sont mis à table et ont inventé la plus belle des recettes, celle de la fraternité. C’est la richesse et la créativité de la cuisine née de ces rencontres inédites que ce livre propose à son tour de faire partager.

Désinfox, outils pour lutter contre les idées reçues

  • Ce que les mots « réfugiés » et « migrants » révèlent de nous. Réfugié.e, migrant.e, le statut des ces personnes est-il différent ? Et que signifient ces termes pour nous ? Le discours public dominant aujourd’hui, « c’est que la plupart des demandeurs d’asile sont des faux », explique Karen Akoka, maître de conférence en sciences politiques à l’université de Nanterre. Pour aller plus loin sur ce processus de catégorisation, et sur ce qu’il dit de nous, qui posons ces étiquettes, retrouvez l’interview de Karen Akola sur franceinfo et son livre  » L’asile et l’exil, une histoire de la distinction réfugiés/migrants »

En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques

  • Kit Cimade/Gisti : dématérialisation et prise de rendez-vous en préfecture. Dans cette note réactualisée en décembre 2020, la Cimade et le Gisti, expliquent pourquoi il est souvent nécessaire de saisir un tribunal pour avoir la possibilité de déposer une demande en préfecture, et comment faire ces démarches. A trouver ici
  • Dans une décision rendue le 6 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer se déclare incompétent pour trancher sur la légalité de l’expulsion du 29 septembre à Calais. Retrouvez l’information sur Passeurs d’hospitalités et franceinfo hauts de france

Lou Blaster, artiste calaisienne

  • Le tribunal administratif de Lille a rejeté, le 5 janvier, la demande de deux reporters indépendants d’enjoindre, en urgence, aux préfectures du Nord et du Pas-de-Calais de les autoriser à accéder aux différents sites où il est procédé à l’évacuation de campements. En cause, notamment, plusieurs épisodes durant lesquels les deux journalistes disent avoir été entravé dans leur travail, évoquant une atteinte grave à la liberté d’informer. Louis Witter, photojournaliste indépendant qui couvre les questions migratoires depuis 6 ans, déclarait ainsi : « Jusqu’ici, il n’y avait que deux pays qui m’avaient empêché de travailler : la Hongrie de Viktor Orban et le Maroc de Mohammed VI. Maintenant, il y a la France. » A lire cet article du journal Le monde

Pour comprendre / pour cogiter

  • L’exception Emmaüs : La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie du 10 septembre 2018 a donné la possibilité aux 3 000 compagnes et compagnons « sans-papiers » d’Emmaüs d’obtenir une carte de séjour sur la base de leur expérience au sein des communautés. Un an et demi après l’entrée en vigueur des textes, Emmaüs France constate que leurs chances de régulariser leur situation sont très disparates en fonction des préfectures. Lire l’article de Thiphaine Guignat paru dans le plein droit n°126 du Gisti
  • Brexit et politique migratoire. Après la sortie du Royaume-uni de l’Union européenne, le règlement Dublin cesse de s’appliquer outre-Manche. Un nouveau règlement visant à remplacer Dublin n’a pas encore été trouvé. Pour l’heure, la situation est donc floue et cela pourrait être le cas pendant plusieurs mois. Infosmigrants fait le point sur les changements
  • L’Europe, mortelle forteresse. « Harcèlement des navires de sauvetage, accords avec des pays peu sûrs comme la Lybie. Sur la Manche ou en Méditerranée, le vieux continent ne cesse de renforcer la protection de ses frontières, quitte à pousser les personnes exilées à emprunter des routes toujours plus dangereuses. Souvent au péril de leur vie ». Pour lire la suite de cet article de Nelly Didelot paru dans Libération, c’est ici

Au port de pêche du quartier de Tefess, dans le village sénégalais de Mbour, à une centaine de kilomètres de Dakar, d’où partent pour l’Europe la majorité des pirogues. Photo Sylvain Cherkaoui pour Libération


Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
archives.psmigrants.org

Nous avons besoin de votre soutien, faites un don! Merci!


[USER-UNSUBSCRIBE]

Newsletter n°49 – Février 2021

LE JOURNAL HORS LES JUNGLES
n°49 // 4 février 2021

La lettre d’info de la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
Réseau d’associations intervenant dans les camps d’exilé.e.s de passage
du Nord de la France et du littoral de la Manche

Nous avons besoin de votre soutien, faites un don ! Merci !


Infos des lieux de vie

A la frontière franco-britannique

  • A Calais, toujours les mêmes conditions de vie très précaires pour les personnes en exil, les mêmes violences de la part de la police, la même régularité des expulsions, les mêmes destructions de leurs effets personnels et leur même volonté de partir en Angleterre. Reportage de Romain Mahdoud à voir sur le Média. Des nouveautés : l’expulsion des personnes vivant sous les ponts du centre-ville le 19 janvier. Des arceaux à vélo ont été installés pour empêcher ces personnes de revenir, puis enlevés puis remplacés par des poteaux en fer. Mi-janvier le Plan Grand Froid a été déclenché…pour quelques nuits seulement.

  • A Grande-Synthe, les sous-bois du Puythouck, réserve naturelle, servent d’abri de fortune pour au moins 300 personnes exilées. Il neige en ce mois de janvier, les températures sont négatives et les sols détrempés. Pourtant des personnes dorment là chaque soir, sous des tentes et des bâches. A lire le reportage de Radioparleur.
  • Du côté de Norrent Fontes, les Erythréens vivent beaucoup d’événements hostiles : le vol de leurs cantines qui protégeaient la nourriture et leurs affaires, des accrochages avec des fermiers et des chasseurs du coin ; leurs chats ont disparu et ils ont dû déménager leurs affaires de « cuisine » un peu plus loin. Le maire de Saint Hilaire Cottes contacté trouve que les exilés sont dérangeants. Ils sont toujours hébergés les week-ends ce qui leur donne un peu de répit par rapport aux conditions très difficiles dans lesquelles ils survivent.

Les Vietnamiens, peu nombreux, ne sont pas les bienvenus dans le nouvel endroit où ils se sont installés. Ils ne souhaitent pas être hébergés et survivent dans des conditions très très difficiles (notamment rien pour se réchauffer).

Au PRAHDA à Foucquières-lès-Béthune (le sigle signifie Programme d’Accueil et d’Hébergement des Demandeurs d’Asile), les « cours » de français ont repris, ce qui fait beaucoup de bien aux bénévoles de Terre d’Errance et aux personnes exilées. L’établissement est maintenant interdit aux visiteurs d’où la difficulté de maintenir des liens avec les personnes. Il y a eu de nombreux transferts vers d’autres villes de personnes qui étaient présentes depuis plus d’un an, des transferts voulus ou imposés.

Et ailleurs
  • Désengorger la région parisienne, prévenir la formation de campements de migrants et répartir l’accueil dans les autres régions de France, ce sont les 3 grands objectifs du plan Schiappa, du nom de la ministre déléguée à la citoyenneté. InfoMigrants fait le point sur les principales mesures qui s’appliquent dès janvier et pour deux ans.
  • « A la frontière franco-italienne, l’Etat commet des violations quotidiennes des droits humains ». Une tribune du Monde rédigée par l’anthropologue Didier Fassin et le médecin Alfred Spira alerte :  » Toutes les nuits, dans les Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre, des hommes, des femmes et des enfants en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb tentent de passer à pied d’Italie en France, dans la neige et le froid. Toutes les nuits, puissamment équipés, des agents de la police aux frontières et des gendarmes s’efforcent de les en empêcher et de les reconduire de l’autre côté de la frontière. Toutes les nuits, des bénévoles font des maraudes pour porter assistance à ceux qui, une fois sur le territoire français, essaient d’échapper à leur arrestation. Cette étrange dramaturgie se reproduit depuis 4 ans« .
  • A la frontière franco-espagnole, des blocs de béton ferment 5 routes secondaires entre France et Espagne. La préfecture a décidé, à la demande du gouvernement, une fermeture physique de ces routes avec l’installation de lourds blocs de béton en travers de la chaussée. Une mesure qualifiée de « temporaire » mais pour une « durée illimitée » pour le moment. Les raisons nommées : les luttes contre le terrorisme, contre les trafics et la contrebande mais aussi l’immigration clandestine. « 30 à 50 personnes sont interpellées chaque jour en situation irrégulière depuis novembre » selon le préfet des Pyrénées-Orientales. Une habitante d’un col s’exprime au micro de France 3 : « C’est toujours dommage d’empêcher les gens de circuler librement, quelque soient les circonstances, je pense que si on a fait l’Europe, c’est pour que les gens puissent circuler. » Voir ici l’article de France 3 Occitanie

Col de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) – 11 janvier 2021. • © F3 LR A.Chéron.

  • L’agence européenne Frontex fragilisée par les accusations d’expulsions illégales. L’agence de surveillance des frontières de l’UE, qui a annoncé qu’elle suspendait ses opérations en Hongrie, est accusée d’avoir participé aux pushback (refoulements), qui consiste à repousser les migrants sans leur laisser la possibilité de déposer une demande d’asile. Lire l’article du Monde

La frontière entre la Serbie et la Hongrie, à Asotthalom, en avril 2019. DARKO VOJINOVIC / AP

Infos des assos

  • Le projet Human Rights Observers recherche un.e juriste qui apportera son soutien au collectif qui observe et documente quotidiennement les atteintes aux droits humains des personnes exilées à Calais et à Dunkerque. Retrouvez l’offre d’emploi ici !
  • L’Auberge des Migrants détourne une entreprise de vente en ligne ! L’objectif est d’alerter sur la situation des personnes en exil à Calais et Grande Synthe, mener une campagne de dons et récolter des soutiens. L’association a créé une liste d’articles favoris sur le site, qui sont des objets de première nécessité pour les personnes exilées. Cette liste d’articles est aussi l’occasion pour des personnes qui ont vécu l’exil de témoigner du quotidien sur les Jungles, et cela directement par commentaires sur cette plateforme d’achats en ligne qui est l’un des endroits les plus fréquentés du moment. C’est ici !

un des produits essentiels pour les personnes sur les camps

Faire et dire, les personnes premières concernées

  • « C’est mon histoire, celle d’une mère endeuillée dont le cœur brisé hurle. Elle crie parce qu’elle a perdu son bébé ». Aleksandra Hazhar, fille de Hazhar Ibrahim et Rupak Sharifest, née le 2 septembre 2020, est décédée 3 jours plus tard d’une anoxie périnatale suite à une naissance prématurée. Sa famille, sa mère enceinte de plusieurs mois, avait été interceptée sur une plage par la police suite à une tentative de traversée en bateau. A lire sur le site de Calais Migrants Solidarity la lettre de cette mère au cœur brisé.
  • Malgré une formation diplômante, la difficile obtention d’un titre de séjour à 18 ans pour les jeunes non accompagné.e.s. Les refus de titre de séjour laissent les jeunes désabusé.e.s, c’est la grève de la faim d’un patron à Besançon pour l’apprenti guinéen qu’il employait dans sa boulangerie qui a mis la lumière sur ces refus de régularisation. Ousmane, un apprenti cuisinier malien de 20 ans, a le sentiment « d’avoir fait tout ce qui était demandé » : apprendre le français, suivre assidûment son CAP de cuisine dans le Calvados… « Quand j’allais en cours, je me levais à 4 heures du matin pour ne jamais être en retard », insiste-t-il. Il poursuit aujourd’hui sa formation en apprentissage dans un restaurant normand. Lui aussi a reçu une obligation de quitter le territoire. « Je ne comprends pas, répète-t-il. On nous aide au départ et ensuite plus rien. C’est comme si on nous faisait monter en haut d’un arbre, et une fois qu’on y est, on le coupe. » ». Des témoignages des personnes concernées à retrouver dans cet article du Monde.

Infos de la PSM

  • La sortie du Journal des Jungles n°14, c’est pour très bientôt ! C’est un numéro sur les violences subies par des personnes en exil survivant dans des campements de fortune sur un quai de Ouistreham et des demandeurs d’asile, qui se retrouvent « entre parenthèses » à Caen. Des violences connues durant leur voyage et retrouvées sous des formes différentes une fois arrivées en France. En attendant d’avoir le JDJ entre les mains, un extrait du texte de Akmar : « En Afghanistan J’avais tout entre les mains, c’était moi qui décidai. Si je croisais quelqu’un dans la rue, je lui disais : « passe à la boutique ». J’avais des choses à faire. J’étais avec ma femme. Ici, je suis dans une chambre et on me dit de dormir. Je ne connais personne, je n’ai pas d’activité. Je n’ai pas de programme sauf deux jours par semaine où j’ai un rendez-vous fixe avec mon cours de français« .

Envie d’agir

  • Appel des associations de Grande Synthe à un envoi citoyen massif d’un courrier demandant un hébergement inconditionnel ! Les associations vous proposent de demander avec elles « un dispositif de mise à l’abri pérenne, accessible à tous de manière inconditionnelle, durant toute la période hivernale et disséminé le long de la côte ». Elles ont déjà envoyé la lettre au préfet du Nord, au Sous-préfet de Dunkerque, au Président de la Communauté Urbaine de Dunkerque et au Maire de Grande-Synthe. A vos plumes, voici le modèle de la lettre à modifier, signer et envoyer aux autorités !
  • A Paris, « Les cuistots migrateurs » proposent à des réfugié.e.s une formation culinaire gratuite et qualifiante. Les personnes sont Soudanaises, Afghanes, Ougandaises ou Libyennes et suivent cette formation intensive combinant apprentissage du français et découverte pratique du métier. Ils devraient décrocher, fin avril, le certificat professionnel de commis de cuisine. « La cuisine est, avec le BTP, un des premiers débouchés pour les migrants. Mais trop souvent, quand ils trouvent un travail, c’est à la plonge ou dans des postes où ils sont exploités sans perspective d’évolution », explique Sébastien Prunier, l’un des fondateurs des Cuistots migrateurs dans un article de Télérama. Le projet est amené à se développer : Les Cuistots migrateurs espère former une centaine d’élèves en 2021, et ouvrir un deuxième cursus « service en restauration et sommellerie », suivi, pourquoi pas, d’un autre en boulangerie-pâtisserie… Une envie d’agir à suivre !

Belles échappées

  • Le Prix Caritas Photo Sociale soutient les photographes qui s’investissent sur les questions de la pauvreté et de l’exclusion en France. Aglaé Bory est la lauréate de cette première édition. Voir « Odyssées », le travail photographique sur l’exil qu’elle a réalisé dans la ville du Havre : la photographe y a suivi plusieurs personnes en situation d’exil, demandeurs d’asile ou réfugiés, le plus souvent en attente de statut.

« Odyssées » Aglaé Bory

Désinfox, outils pour lutter contre les idées reçues

  • Troisième édition du Petit guide de la Cimade – Lutter contre les préjugés sur les migrants. Elle a été mise à jour et entièrement remaniée. Elle est encore plus accessible, pour jouer avec nos représentations, et susciter curiosité et réflexions. Un Petit guide conçu pour être glissé facilement dans une poche, consulté, partagé et distribué (gratuitement).

La réponse c’est ici ainsi que le guide complet

En quête de droit(s) – Outils et infos juridiques

  • Une Foire Aux Questions (FAQ) sur la procédure française en cas de décès d’une personne exilée, produite par La Cimade. Première règle d’or : écouter, respecter et accompagner les souhaits de la famille, des proches et de la communauté. Ils et elles savent gérer les deuils et les décès dans des contextes classiques. Les proches ne sont pas familiers des procédures prévues en cas de décès d’une personne en France. C’est dans ce cadre que les besoins de soutien apparaissent. A retrouver sur le site de La Cimade
  • Contre l’inaction de l’Etat français face aux contrôles d’identité discriminatoires, Amnesty International et cinq autres associations lancent une action de groupe et mettent en demeure le Premier ministre et les ministres de l’Intérieur et de la Justice d’apporter des remèdes à la pratique généralisée des contrôles d’identité discriminatoires, appelés aussi « contrôles au faciès ». Il est temps que le gouvernement français s’attaque aux causes profondes de ces pratiques et prenne des mesures concrètes pour qu’elles cessent. Cette initiative intervient dans un contexte de crise de confiance entre la police et la population. A retrouver sur le site d’Amnesty International

  • « Il est urgent de garantir la liberté citoyenne d’informer et d’être informé ». Pour rappel, deux journalistes empêchés par la police, sur « ordre de la préfecture », de couvrir les opérations d’évacuations des camps de personnes migrantes à Calais avaient déposé un référé-liberté afin que la justice enjoigne aux préfectures du Nord et du Pas-de-Calais de laisser la presse travailler sereinement lors de ces opérations. Le Tribunal administratif de Lille avait rejeté leur recours le 5 janvier dernier, au motif d’une “absence d’urgence”. C’est avec le concours de plusieurs confrères et consœurs entravés dans leur travail ces dernières semaines, que ces deux journalistes ont décidé de faire appel devant le Conseil d’État qui a validé le 3 février l’éloignement des journalistes lors des évacuations et estimé qu’il n’y avait pas atteinte à la liberté de la presse. Information à retrouver sur le site de Reporterre et de France Info

Pour comprendre / pour cogiter

  • « Nous, élus, avons décidé de soutenir SOS Méditerranée » : l’appel de 28 collectivités pour « l’inconditionnalité du sauvetage en mer » Ces élu.e.s, maires et président.e.s d’intercommunalités, de conseils départementaux et régionaux ont décidé, avec leurs assemblées locales, d’apporter un soutien moral et financier à SOS Méditerranée, qui vient en aide aux migrant.e.s. Les élu.e.s lancent un appel dans une tribune publiée sur France Info

Ocean viking, Crédit : Anthony Jean / SOS Méditerranée

  • « La forteresse Europe remonte le pont-levis ». « Le Pacte sur la migration et l’asile récemment présenté par la Commission européenne a pour objectif quasi exclusif d’empêcher les migrants et les réfugiés de mettre le pied en Europe et de les décourager de venir« . Retrouvez ce décryptage du pacte européen sur la migration sur le site Voxeurop

Saman Torabi

  • « Impunité : l’urgence de changer de cap » Le 11 décembre, a eu lieu une journée de réflexion coorganisée sous forme de webinaire par le Pôle Solidarités Internationales-Europe, la Cimade Centre-Ouest et le CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement). 470 personnes ont creusé le sujet de l’impunité : de ses origines, de comment elle se maintient et perdure et de comment se mobiliser contre elle. Une des thématiques portait sur les violations des droits des personnes migrantes à la frontière gréco-turque. Un retour en images et vidéos de la journée à trouver sur le site de la Cimade.


Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s
archives.psmigrants.org

Nous avons besoin de votre soutien, faites un don! Merci!


[USER-UNSUBSCRIBE]

Modèle de courrier : Demande de dispositifs de mise à l’abri pour la période hivernale dans le Dunkerquois

A Dunkerque, le …. février 2021

Objet : dispositifs de mise à labri pour la période hivernale dans le Dunkerquois

Copies à Messieurs le Sous-préfet de Dunkerque, le Président de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD), le Maire de la commune de Grande-synthe

Monsieur le Préfet de Région,

Je m’appelle ……………… ……………. et, en tant que bénévole de l’association ……………………………. , je vous demande d’ouvrir, en urgence, un dispositif de mise à l’abri pérenne, accessible à tous de manière inconditionnelle, durant toute la période hivernale et disséminé le long de la côte.

Les associations venant en aide aux personnes exilées à Grande-Synthe constatent quotidiennement d’innombrables témoignages d’hommes, de femmes et d’enfants épuisés physiquement et mentalement par les conditions hivernales (froid, pluie, humidité, vent etc.). Celles-ci rendent insoutenables les conditions de survie inhumaines que ces personnes sans abri subissaient déjà bien avant l’hiver.

Depuis le 1er novembre, date du début de la trêve hivernale, les associations non mandatées par l’Etat ont accompagné :

  • 652 hommes seuls ;
  • 101 familles, équivalent à 282 personnes ;
  • 95 femmes, dont 33 femmes seules (dont 11 mères seules), et 7 femmes enceintes ;
  • 127 enfants, dont 107 de moins de 12 ans, 39 de moins de 5 ans et 19 de moins de 3 ans ;
  • 173 mineurs isolés

L’instruction interministérielle en date du 3 novembre 2020 concernant la prise en charge des populations précaires pendant la crise sanitaire vous enjoint d’ouvrir : « autant de places que nécessaires en vous fondant sur les demandes non pourvues de SIAO-115 et les données remontées par les maraudes. Lobjectif est quune solution soit proposée à chacun afin d’éviter la présence de personnes à la rue ».

Conformément, au rapport de l‘IGPN/IGA de 2017, il y a trois ans de cela : « La réduction de la tension sur place passe enfin par une amélioration de la situation humanitaire des migrants, source de risques sanitaires, notamment à l’approche de l’hiver, et facteur dagressivité. La mission estime que la lutte contre l’immigration clandestine et la réapparition de camps est compatible avec des mesures destinées à garantir le respect de la personne et sa dignité ».

Dans ce même rapport, l’IGPN/IGA invitait les autorités à abriter les personnes sans abri en cas de froid et de forte pluie : « Il convient également, à l’approche de l’hiver, de prévoir un dispositif provisoire d’hébergement à actionner, en cas de grand froid ou de pluies intenses, pour ceux qui persisteraient à refuser d’aller dans une structure daccueil. A défaut, la situation de ces migrants, en situation d’extrême précarité, pourrait devenir dramatique et placer l’État et les forces de l’ordre présentes sur place dans une situation risquée, tant sur le plan humanitaire que de la sécurité des personnes ».

Plus encore en cette période hivernale, les mineur.e.s isolé.e.s etranger.e.s dans leur totalité, doivent être systématiquement hébergé.e.s au sein de dispositifs d’accueil d’urgence. Conformément à la protection temporaire prévue par l’article L 223-2 du CASF, un double principe de présomption de minorité et de danger doit prévaloir dans l’attente d’investigations ultérieures.

Or, les associations sur place ont pu constater que les dispositifs de mise à l’abri existants, loin de Grande-Synthe, ne suffisent pas à répondre à cette urgence et comptabilisent depuis le 1er novembre 2020, à minima 203 demandes de mises à l’abri refusées par manque de place au 115 pour des hommes seuls adultes.

Le Défenseur Des Droits rappelait, il y a deux ans déjà, en décembre 2018 que « la politique du gouvernement ne doit pas empêcher l’accueil digne ». Seule la mise en place d’un dispositif de mise à l’abri adapté, de façon pérenne et ouvert à tous de manière inconditionnelle peut permettre de garantir un minimum de respect de la dignité humaine.

Compte tenu de tout ce qui précède et afin que les demandes ministérielles soient respectées, je vous demande de permettre la mise à l’abri des personnes exilées durant toute la période hivernale.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations respectueuses.

…………….

L’agence européenne Frontex fragilisée par les accusations d’expulsions illégales

Publié le 29 janvier 2021 dans Le Monde

Par Jean-Baptiste Chastand, (Vienne, correspondant régional), Jean-Pierre Stroobants, (Bruxelles, bureau européen)

L’agence de surveillance des frontières de l’UE, qui a annoncé qu’elle suspendait ses opérations en Hongrie, est accusée d’avoir participé au « pushback », qui consiste à repousser les migrants sans leur laisser la possibilité de déposer une demande d’asile.

Accusations d’implication dans des « pushbacks » – des refoulements illégaux de migrants et demandeurs d’asile aux frontières –, enquêtes de l’Office de lutte antifraude de l’Union européenne (UE) et de la Commission de Bruxelles, mise en cause de son directeur, Fabrice Leggeri : l’agence chargée de surveiller les frontières extérieures de UE Frontex traverse de grosses turbulences. Mercredi 27 janvier, elle a même été contrainte d’annoncer qu’elle allait arrêter ses opérations en Hongrie, une première dans l’histoire de cette institution, fondée en 2004.

« Nos efforts communs pour protéger les frontières extérieures ne peuvent réussir que si nous veillons à ce que notre coopération et nos activités soient pleinement conformes aux lois de l’UE », a expliqué un porte-parole, en critiquant implicitement les pratiques illégales de la police hongroise, auxquelles l’agence européenne participait pourtant depuis la crise des réfugiés de 2015.

En cause, la pratique du « pushback », inventée par le premier ministre ultranationaliste Viktor Orban et progressivement adoptée ailleurs dans l’Union. Le fait de repousser les migrants arrivés sur le sol européen sans leur laisser la possibilité de déposer une demande d’asile n’a pas été partout aussi clairement assumé qu’en Hongrie mais la Grèce, la Croatie, l’Italie ou la Slovénie, notamment, ont été mises an cause pour s’être livrées, elles aussi, à cette pratique illégale. Un « Livre noir », épais de 1 500 pages et présenté récemment par un réseau d’ONG, a recensé pas moins de 900 cas de ce type, concernant près de 13 000 personnes.

Expulsions inhumaines

Depuis une loi adoptée en 2016, la Hongrie considère, elle, que tous les migrants arrivant sur son sol peuvent être immédiatement renvoyés vers la Serbie voisine. Lorsqu’ils sont arrêtés, après avoir réussi à franchir la clôture que M. Orban a fait construire tout le long de la frontière, ou même à Budapest, les migrants se voient systématiquement refuser de déposer une demande d’asile et sont expulsés sans autre forme de procès, dans des conditions parfois inhumaines.

Présents à la frontière hongroise depuis 2015, les agents de Frontex ont participé à cette politique, malgré les critiques des organisations non gouvernementales. « La Hongrie est le seul pays à avoir légalisé les “pushbacks” ou à les pratiquer aussi ouvertement. La police hongroise publie même des chiffres tous les jours sur le nombre de personnes renvoyées en Serbie », dénonce Andras Lederer, du Comité Helsinki hongrois, une ONG spécialisée dans l’aide aux migrants. Il estime que la Hongrie a pratiqué 50 000 refoulements depuis 2016. A l’issue d’une longue bataille juridique, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé, le 17 décembre 2020, que les pratiques hongroises enfreignent les directives régissant le droit d’asile.

Malgré cet arrêt, le gouvernement de Budapest a refusé de modifier sa législation et d’adapter ses pratiques. « La Hongrie ne va pas céder devant la pression des forces pro-immigration », affirmait encore le porte-parole du gouvernement, Zoltan Kovacs, jeudi 28 janvier. « Bruxelles veut nous prendre le peu d’aide qu’on avait », a-t-il ajouté en réaction au retrait de Frontex, devenu inéluctable après l’arrêt de la Cour de Luxembourg. Pour M. Lederer, ce retrait est en revanche « bienvenu ». « La Hongrie ne pourra plus se cacher derrière la présence de Frontex pour continuer cette pratique. »

Violences aux frontières de l’Union

Avec un contingent censé atteindre 10 000 hommes, un budget pluriannuel passé à 5,6 milliards d’euros et son rôle de gardienne stricte des frontières, l’agence dirigée par M. Leggeri est l’un des pièces essentielles de la politique migratoire de l’UE et du « pacte » proposé en 2020 pour la Commission. Sa mise en cause, alors même qu’elle est loin de tourner à plein régime, est de mauvais augure.

Jeudi 28 janvier, alors que les vingt-sept ministres de l’intérieur, réunis en visioconférence, évoquaient – en présence du directeur de Frontex – le dossier de la migration, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés évoquait un droit d’asile « menacé » en Europe et disait recevoir « de nombreux rapports » sur les violences exercées aux frontières de l’Union.

D’où l’attention toute particulière que porte la commissaire aux affaires intérieures, Ylva Johansson, au dossier des « pushbacks ». La responsable suédoise se satisfait-elle des explications de la direction de Frontex, dont le conseil d’administration affirmait, le 21 janvier, qu’il n’avait pas trouvé de preuves de violations des droits de l’homme dans les cas qu’il a examinés ? « Sur la base des informations fournies », il n’aurait « pu établir de preuves ». Il a toutefois précisé que ses conclusions ne concernaient que certains incidents en Grèce et que des clarifications étaient nécessaires. Frontex n’avait, en tout cas, pas fourni à temps des informations sur certains « incidents ». M. Leggeri maintiendrait que cinq cas sont « en discussion ».

Jeudi, devant les ministres, Mme Johansson a réclamé « toutes les analyses nécessaires » pour, dit-elle, rétablir la confiance dans l’agence. Elle a aussi évoqué un projet de réforme, incluant la nomination de trois sous-directeurs et la mise en place – enfin – d’un système de surveillance des droits humains.

Le débat « recule »

Au-delà du sort de Frontex, la question est celle de savoir si une définition d’une véritable politique migratoire européenne, avec une refonte des règles de l’asile et une solidarité accrue entre les pays, a une chance de se réaliser. Confirmant que le débat sur le « pacte » élaboré par la Commission « n’a pas beaucoup avancé », le secrétaire d’Etat belge à la migration, Sammy Mahdi, déclarait, jeudi au quotidien La Libre Belgique qu’il fallait le rendre « rationnel ». Pour sortir le débat de l’ornière, pour vérifier que la proposition de la Commission est opérationnelle et, enfin, pour que chacun annonce vraiment ses intentions, M. Mahdi propose « une simulation » : sur la base des chiffres de l’année 2019, chaque pays indiquerait ce qu’il pourrait accomplir en termes d’accueil, de solidarité, de financement des infrastructures d’accueil aux frontières, etc.

Un communiqué du secrétaire d’Etat évoquait une possible évolution de la Hongrie et de ses partenaires du Groupe de Visegrad, à condition que soit satisfaite leur revendication (très floue) d’une solidarité « flexible ».

Un participant à la réunion de jeudi faisait preuve de moins de conviction : « Faire avancer le débat ? Mais il recule ! ». Vétéran des conseils européens sur la migration, le ministre luxembourgeois Jean Asselborn n’est pas loin de confirmer : « Nous sommes sans doute tous d’accord sur les contrôles aux frontières extérieures ou sur les retours. Mais pas sur la manière de respecter les droits humains des demandeurs d’asile, sur les relocalisations obligatoires ou sur l’impératif de solidarité. » Les Etats prêts à respecter ces principes se compteraient, en effet, désormais sur les doigts d’une main.

TRIBUNE du Monde – 28-01-2021 « A la frontière franco-italienne, l’Etat commet des violations quotidiennes des droits humains »

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/28/a-la-frontiere-franco-italienne-l-etat-commet-des-violations-quotidiennes-des-droits-humains_6067856_3232.html

« A la frontière franco-italienne, l’Etat commet des violations quotidiennes des droits humains »

Didier Fassin, anthropologue et Alfred Spira, médecin

Publié le 28 janvier 2021

Au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière, la militarisation de la montagne n’est qu’un geste vain de l’Etat, alertent l’anthropologue Didier Fassin et le médecin Alfred Spira.

Tribune. Toutes les nuits, dans les Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre, des hommes, des femmes et des enfants en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb tentent de passer à pied d’Italie en France, dans la neige et le froid. Toutes les nuits, puissamment équipés, des agents de la police aux frontières et des gendarmes dépêchés sur place s’efforcent de les en empêcher et de les reconduire de l’autre côté de la frontière. Toutes les nuits, des bénévoles font des maraudes pour porter assistance à ceux qui, une fois sur le territoire français, essaient d’échapper à leur arrestation.

Cette étrange dramaturgie se reproduit depuis quatre ans, et, si les hivers sont particulièrement dangereux, certains des accidents les plus tragiques se sont produits en été : il n’est pas de période sûre pour les exilés qui se perdent ou se blessent dans cette voie par laquelle ils espèrent obtenir la protection de la France ou poursuivre plus loin leur périple. Ajoutons à ce tableau la présence de deux compagnies de policiers et de gendarmes chargés du secours en haute montagne qui, en conformité avec leur noble mission, sont parfois paradoxalement conduits à intervenir pour aider des exilés qui fuient leurs collègues.

Leur action se fait au nom du contrôle de l’immigration, et le président de la République a récemment ordonné un doublement des forces de l’ordre qui gardent les frontières.

Mais cette impressionnante mobilisation se révèle à la fois disproportionnée et inefficace, comme le reconnaît un haut fonctionnaire préfectoral. Disproportionnée, car elle ne concerne que 2 000 à 3 000 passages par an. Inefficace, car celles et ceux qui sont reconduits retentent inlassablement leur chance jusqu’à ce qu’ils réussissent.

La véritable conséquence du déploiement de ce dispositif est de contraindre les exilés à emprunter des chemins de plus en plus périlleux, sources de chutes, de blessures et de gelures. Plusieurs décès ont été enregistrés, des amputations ont dû être réalisées. La militarisation de la montagne n’est ainsi qu’un geste vain de l’Etat, dont le principal résultat est la mise en danger des exilés, souvent des familles.

« Délit de solidarité »

Geste d’ailleurs d’autant plus vain qu’il est difficile d’imaginer que des personnes qui ont quitté un pays où ils n’étaient pas en sécurité pourraient y retourner. Les uns ont fait des milliers de kilomètres sur la route des Balkans, y ont été enfermés dans des camps infâmes sur des îles grecques ou ont subi les violences des policiers et des miliciens croates.

Les autres ont franchi le Sahara où ils ont été dépouillés de leurs biens par des gangs avant d’arriver en Libye, où ils ont été détenus, torturés et libérés contre rançon, puis de traverser la Méditerranée sur des embarcations précaires et surchargées. Il est difficile d’imaginer que ces exilés puissent renoncer à cet ultime obstacle, fût-il rendu hasardeux par l’action de la police et de la gendarmerie.

C’est pourquoi l’activité des maraudeurs est cruciale. Les premiers d’entre eux, il y a quatre ans, étaient des habitants de la région pour lesquels il était impensable de laisser des personnes mourir en montagne sans assistance. « Pas en notre nom » était leur cri de ralliement et l’intitulé de leur association, qui est devenue un peu plus tard Tous Migrants, récompensée en 2019 par un prix des droits de l’homme remis par la garde des sceaux. Très vite, ils ont été rejoints par des bénévoles venus de toute la France et même de plus loin, certains étant des professionnels de santé intervenant au nom de Médecins du monde.

Ces maraudeurs qui essaient de mettre à l’abri les exilés ayant franchi la frontière dans des conditions extrêmes ont à leur tour été réprimés. Bien que censuré par le Conseil constitutionnel en 2018, au nom du principe supérieur de fraternité, le « délit de solidarité » continue à donner lieu à des interpellations et parfois à des poursuites.

Nous avons nous-mêmes récemment été, en tant que médecins, les témoins de ces pratiques. L’un de nous a fait l’objet, avec son accompagnateur, d’un long contrôle d’identité et de véhicule qui les a empêchés de porter secours, quelques mètres plus loin, à une dizaine de personnes transies, dont une femme âgée qui paraissait présenter des troubles cardiaques. Alors qu’ils insistaient devant le poste de police sur les risques encourus par cette personne et rappelaient la condamnation de la police aux frontières pour refus de laisser les organisations humanitaires pénétrer leurs locaux pour dispenser une assistance médicale et juridique, ils se sont fait vigoureusement éconduire.

Double contradiction

Un autre a pu, quelques jours plus tard, mettre à l’abri deux adultes avec quatre enfants qui venaient de franchir la frontière par − 15 °C ; il s’est alors rendu compte que deux fillettes étaient sans leurs parents qui avaient, eux, été interpellés ; revenu au poste-frontière pour solliciter la libération du père et de la mère au nom de l’intérêt supérieur des enfants de ne pas être séparés de leur famille, il n’a obtenu celle-ci qu’au prix d’une audition par un officier de police judiciaire, après avoir été fallacieusement accusé d’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire, délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Dans les jours qui ont suivi ces deux épisodes, tous les maraudeurs ont fait l’objet d’un harcèlement non justifié des forces de l’ordre, avec jusqu’à six contrôles et trois contraventions par personne certains soirs.

Tous les policiers et les gendarmes n’adhèrent pas à ces pratiques. Certains vont jusqu’à féliciter les maraudeurs pour leurs actions. Ils sont d’autant plus légitimes à le faire qu’au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière le gouvernement viole les droits humains, lorsque ses agents insultent, volent et frappent des exilés, comme des décisions judiciaires l’ont établi, et qu’il enfreint la législation lorsque les exilés ne sont pas autorisés à demander l’asile à la frontière. Parfois, les mineurs non accompagnés se voient refoulés, ce que condamne la justice.

On aboutit à cette double contradiction : garant de la loi, l’Etat y contrevient au moment même où il sanctionne celles et ceux venus lui demander sa protection ; promoteur des valeurs de la République, il punit celles et ceux qui se réclament de la fraternité. Ces violations des droits humains et ces infractions à la législation contribuent à la crise humanitaire, sécuritaire et sanitaire, contre laquelle le devoir éthique de tout citoyen est d’agir, comme nous le faisons, pacifiquement et dans le strict respect de la loi.

Didier Fassin est professeur à l’Institut d’études avancées de Princeton et titulaire de la chaire annuelle « santé publique » au Collège de France ; Alfred Spira est professeur honoraire de santé publique à la faculté de médecine de Paris-Saclay et membre de l’Académie nationale de médecine. Tous deux sont occasionnellement maraudeurs bénévoles pour l’association Médecins du monde.

 

Malgré une formation diplômante, la difficile obtention d’un titre de séjour à 18 ans pour les mineurs non accompagnés

 

La récente grève de la faim d’un boulanger à Besançon, afin d’obtenir la régularisation de son apprenti guinéen, met en lumière les difficultés que rencontrent nombre de jeunes migrants.

Par Juliette Bénézit

Publié le 23 janvier dans LE MONDE

Ousmane, apprenti cuisinier malien de 20 ans, dans le restaurant qui l’emploie, dans le Calvados, le 19 janvier. BENJAMIN CARROT POUR « LE MONDE »

L’histoire est celle d’un patron au grand cœur, Stéphane Ravacley, un boulanger de 50 ans qui a entamé une grève de la faim pour voir son apprenti guinéen, Laye Fodé Traoré, obtenir un titre de séjour. L’histoire est aussi celle d’une mobilisation inédite d’élus locaux, nationaux, européens, de personnalités, de citoyens et de médias, pour que ce jeune de 18 ans, menacé d’expulsion alors qu’il suit avec succès une formation en France, puisse rester sur le territoire. L’histoire, enfin, a connu un dénouement heureux : le 14 janvier, la préfecture de Haute-Saône a indiqué qu’il pourrait être admis au séjour après « l’examen de nouvelles pièces apportées à son dossier ». Stéphane Ravacley a perdu huit kilos, a fait un tour aux urgences, mais qu’importe : son apprenti est de retour derrière les fourneaux, dans sa boulangerie de Besançon, depuis le 19 janvier.

Dans l’ombre, depuis plusieurs années, des centaines de jeunes étrangers sont confrontés à une situation similaire. M. Ravacley a d’ailleurs créé une page Facebook, « Patrons solidaires », pour tous les cas semblables à celui de son apprenti. « La situation [de Laye Fodé Traoré] n’est absolument pas isolée, c’est partout sur le territoire », avance Violaine Husson, de l’association de soutien aux migrants La Cimade.

De leur arrivée en France et en principe jusqu’à leur majorité, ces mineurs non accompagnés sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), un service géré par les départements. Ces dernières années, leur nombre a augmenté de façon exponentielle. Au 31 décembre 2019, l’Assemblée des départements de France recensait 40 000 mineurs non accompagnés pris en charge par l’ASE. Ils étaient quelques milliers au début des années 2010.

Dans ce cadre, ils entament très souvent une formation, majoritairement dans les filières manuelles. L’année de leurs 18 ans, ils doivent déposer un dossier en préfecture pour se voir délivrer un titre de séjour. Les jeunes pris en charge par l’ASE avant 16 ans peuvent bénéficier d’une carte dite « vie privée et familiale », octroyée de plein droit si plusieurs critères sont remplis. La situation est plus incertaine pour les jeunes pris en charge par l’ASE après 16 ans. Eux dépendent de la procédure dite de l’« admission exceptionnelle au séjour », soumise à une plus large interprétation des préfectures.

« Si on n’a pas ces jeunes, on fait quoi ? »

Plusieurs motifs peuvent justifier un refus. Parmi eux : une fraude qui démontrerait l’absence de minorité du jeune lors de sa prise en charge, la commission d’actes délictueux, des liens persistants avec la famille au pays, des actes d’état civil jugés non authentiques, une formation qui ne serait pas réellement suivie… Moult décisions de refus de titre de séjour sont contestés par les associations, qui dénoncent leur caractère « arbitraire » et évoquent une « pluie d’obligations de quitter le territoire », selon les mots de Violaine Husson. Parmi les situations récurrentes, les spécialistes notent une « remise en cause fréquente des documents d’état civil, par exemple guinéens et ivoiriens. Les autorités vont dire qu’ils sont faux alors que les pays ont validé ces documents », rapporte Clément Cavelier, avocat au barreau de Caen et spécialiste du droit des étrangers.

La mobilisation de Stéphane Ravacley a mis en lumière une situation que connaissent de nombreux patrons. A Beuvron-en-Auge, un village du Calvados, le maire, Jérôme Bansard, possède deux restaurants, dont un étoilé au guide Michelin. Depuis des années, il travaille avec des jeunes migrants « très motivés » qu’il forme en apprentissage. « En France, il y a une pénurie de main-d’œuvre pour tous les métiers manuels. J’ai déjà reçu des élèves du coin mais ils ne restent jamais longtemps. Donc si on n’a pas ces jeunes, on fait quoi ? », interroge-t-il.

A Lisieux (Calvados), Alexandre Bezault dresse le même constat. En septembre 2018, il avait accueilli Azim (les prénoms ont été modifiés), un Albanais alors âgé de 17 ans, dans son entreprise d’agencement pour deux ans de contrat d’apprentissage en ébénisterie. Il raconte : « En trois semaines, il a mis tout le monde d’accord. A la fin de sa formation, j’étais prêt à l’embaucher. » En réponse à sa demande de titre de séjour, Azim a reçu une obligation de quitter le territoire, la préfecture estimant qu’il avait toujours des liens avec sa famille en Albanie. Son patron, lui, a dû renoncer à l’embaucher. « Le but d’un apprentissage, c’est de former les jeunes pour les garder ensuite. Sinon, ça n’a aucun intérêt », déplore-t-il. Avec un CAP validé à plus de 14 de moyenne, Azim est aujourd’hui en situation irrégulière et vit sur les économies qui lui restent.

« Perdre pied »

Les refus de titre de séjour laissent les jeunes désabusés. Ousmane, un apprenti cuisinier malien de 20 ans, a le sentiment « d’avoir fait tout ce qui était demandé » : apprendre le français, suivre assidûment son CAP de cuisine dans le Calvados… « Quand j’allais en cours, je me levais à 4 heures du matin pour ne jamais être en retard », insiste-t-il. Il poursuit aujourd’hui sa formation en apprentissage dans un restaurant normand. Lui aussi a reçu une obligation de quitter le territoire. « Je ne comprends pas, répète-t-il. On nous aide au départ et ensuite plus rien. C’est comme si on nous faisait monter en haut d’un arbre, et une fois qu’on y est, on le coupe. »

Les jeunes peuvent contester leur obligation de quitter le territoire devant les juridictions administratives. Dans l’attente, certains se noient dans un désespoir sans fin. Psychologiquement, il arrive qu’ils « vrillent », observe Thierry Choubrac, responsable de mission pour Médecins du monde et pédopsychiatre : « Ce ne sont pas des jeunes qui sont structurellement psychotiques mais ils subissent de telles pressions qu’ils peuvent perdre pied. »

C’est le cas d’Abdul, un Sierra-Léonais de 21 ans. Après avoir suivi une formation en hôtellerie-restauration, il a reçu cette même obligation de quitter le territoire en 2018. « Je me suis retrouvé à la rue, sans rien, sauf mon diplôme », explique-t-il. Emu, il livre : « J’étais mélangé dans ma tête. J’avais beaucoup de stress et d’angoisses. C’était très dur, il fallait trouver à manger, une place où dormir. » Après plusieurs épisodes de violence, il a été placé en détention puis hospitalisé en psychiatrie. « Je ne veux pas devenir un soûlard, sans occupation, sans responsabilité », dit-il. Il est en ce moment pris en charge par le Samusocial et attend la décision d’une ultime tentative de régularisation.

« C’est comme si on nous faisait monter en haut d’un arbre, et une fois qu’on y est, on le coupe. » Ousmane, dans le restaurant qui l’emploie, le 19 janvier. BENJAMIN CARROT POUR « LE MONDE »

« J’ai perdu des amis »

Les refus de titre de séjour sont d’autant plus compliqués à digérer qu’ils interviennent à un moment « où les jeunes commençaient à se stabiliser », explique Géraldine Bidel, intervenante sociale à Lisieux. Depuis plusieurs années, ils « accumulent les psychotraumatismes », rapporte Thierry Choubrac. Pour expliquer leur venue en Europe, beaucoup évoquent la perte d’un parent, une situation familiale impossible, une vie à la rue. Avant d’arriver, ils sont souvent passés par la Libye avant de traverser la Méditerranée. Moussa, un Malien de 20 ans, apprenti cuisinier, raconte, la voix tremblante : « On était beaucoup sur le bateau, moi je n’ai pas coulé mais j’ai perdu des amis. » L’obtention de ses papiers à 18 ans devait lui permettre d’aller de l’avant. L’obligation de quitter le territoire qu’il a reçu lui a « donné envie de se suicider ».

Après 18 ans, certains jeunes peuvent bénéficier d’un contrat dit « jeune majeur », par lequel un département décide de prolonger la prise en charge jusqu’à 21 ans. Les autres se débrouillent pour se loger, via leur établissement scolaire, des associations ou le 115, et pour se nourrir. Des patrons font le choix de les garder malgré leur situation irrégulière. Certains poursuivent leurs études en dépit des nuits blanches et des difficultés de concentration.

Au ministère de l’intérieur, on insiste sur une circulaire envoyée par Gérald Darmanin aux préfets, le 21 septembre 2020, visant à « généraliser l’examen anticipé du droit au séjour des mineurs étrangers confiés à l’ASE de manière à éviter des ruptures de droits à leur majorité alors qu’ils sont engagés dans un parcours professionnalisant ».

Les mesures d’éloignement sont loin d’être toujours effectives. Ces dernières années, le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire oscille entre 10 et 20 %. Dans le Calvados, le département et l’Office français de l’immigration et de l’intégration ont lancé, en début de semaine, une expérimentation permettant d’accompagner la réinsertion dans le pays d’origine. Azim résume le sentiment de beaucoup de jeunes dans sa situation : « Je suis prêt à tout plutôt que repartir. »

Juliette Bénézit