La voix d Nord, 17 décembre
Lille: les migrants de la friche Saint-Sauveur pourraient bénéficier du droit à l’hébergement opposable
Une semaine après l’incendie qui a détruit des baraquements dans un camp de migrants de la friche Saint-Sauveur à Lille, les associations haussent le ton en direction de la préfecture et de la ville, qu’ils accusent de rester trop « inactives » face aux besoins de relogement. Martine Aubry s’en est défendue au dernier conseil municipal. Et mercredi, la préfecture a annoncé que les dossiers de droit à l’hébergement opposable (DAHO) des occupants de la friche étaient à l’instruction.
Il y a du nouveau dans le dossier des migrants de la friche Saint-Sauveur. Mercredi soir, la préfecture a annoncé que les recours DAHO (droit à l’hébergement opposable), déposés par l’association Exod pour reloger les personnes vivant dans le bidonville bordant la rue de Cambrai, « sont en cours d’instruction ». Les 46 demandes sont arrivées à la Direction départementale de la cohésion sociale le 14 décembre, précise la préfecture. L’association les avait envoyées le 8, soit la veille de l’incendie qui a détruit plusieurs baraquements abritant des migrants.
Le feu, impressionnant, n’a pas fait de victime. Mais dans les jours qui suivaient, le comité Génération.s Lille a rappelé aux autorités l’urgence de trouver une solution pour une soixantaine de jeunes adultes et une dizaine d’adolescents installés depuis plusieurs mois sur cette friche, dans des conditions indignes. La préfecture avait répondu alors ne pas avoir eu connaissance de demandes de relogement après l’incendie (dans un premier temps), et invité les migrants à solliciter un hébergement du dispositif national d’accueil ou le 115. Une réponse qui a fait bondir les associations, soulignant que « la ville comme les services préfectoraux sont au courant depuis longtemps de la situation à Saint-Sauveur », en produisant des copies de lettres ou mails envoyées à l’automne à Martine Aubry ou au préfet Michel Lalande (lire ci-contre).
« On a droit à une vie digne »
En attendant le résultat des recours DAHO, les conditions sont encore très difficiles sur place. Mardi, en début d’après-midi, le long du mur bordant la rue de Cambrai, quelques jeunes gens s’attellent à reconstruire de nouveaux abris, dans la boue et sur les restes calcinés des anciens. Un peu plus loin dans le camp où sont éparpillés une trentaine de baraques de fortune, d’autres discutent de leur situation. Ils viennent majoritairement de Guinée et de Côte d’Ivoire. Certains sont scolarisés dans la métropole lilloise. Comme, Ernest (*), 20 ans, qui apprend la maçonnerie dans un lycée lommois. Il se plaint surtout de l’humidité. « Je vis dans une cabane depuis cinq mois, explique-t-il. Je me lève à 6 h pour prendre le métro . En ce moment, je me réveille dans le froid, malgré trois ou cinq couvertures. J’ai les doigts figés, je dois rallumer le feu pour chauffer l’eau et faire une toilette. »
En journée aussi, la fraîcheur pousse les occupants à se resserrer autour des braseros. Ce mardi après-midi, ils sont une quinzaine encore, se demandant comment va passer l’hiver qui s’annonce. « Nous qui sommes là, on est des êtres humains avant tout, lance un jeune homme. On a besoin d’une vie digne, on y a droit. »
(*). Le prénom a été modifié.
Associations, préfecture, ville: une communication pas toujours facile
Accompagné d’un agent de sécurité, mardi, un huissier compte les cabanons debout sur la friche, pour le propriétaire la SPL Euralille. L’homme de loi progresse tranquillement au milieu du bidonville. Il fait partie des meubles : « je viens régulièrement », observe-t-il.
Une présence qui, soulignent les associations, « prouve que les autorités sont bien au courant de la situation des exilés ici, dont beaucoup ont des problèmes de santé ». Des courriers d’alerte ont aussi été envoyés par les collectifs et associations LHAstsauveur, Exod et UTOPIA56-Lille : aux élus lillois dont Martine Aubry le 1er octobre ; à la MEL, la préfecture, et au Département le 20 novembre, pour demander une mise à l’abri d’urgence. Et la réponse de la préfecture à la Voix du Nord, le 10 décembre, invitant les migrants à solliciter soit les dispositifs nationaux d’hébergement, soit le 115, a fait bondir les bénévoles. « Les exilés vont de camp en camp depuis deux ou trois ans, souligne Orlane pour Utopia. Certaines propositions d’hébergement, quand il y en a, sont loin des lieux où ils ont créé les liens qui leur permettent de survivre, et où beaucoup sont scolarisés. Quant au 115, ils sont surchargés, il y a des critères de vulnérabilité. Il faut plus de structures d’accueil et sans conditions d’accès. »
Au dernier conseil municipal, Faustine Balmelle (Génération.s et Lille Verte) a appelé aussi au relogement des occupants de Saint-Sauveur. Si l’hébergement d’urgence est une compétence de l’État, la ville offre de jouer les intermédiaires avec la préfecture (comme lors du premier confinement – 30 exilés relogés). « Mais pour ça, on a besoin d’une liste nominative, souligne Marie-Christine Staniec, élue à l’hébergement d’urgence. Une liste que les associations ont refusé de fournir dans un premier temps, expliquant que ce n’est pas leur rôle. « Il faut que les associations acceptent de donner les identités », demande Martine Aubry.