Réinsérer les réfugiés par la cuisine : l’étonnante école des Cuistots migrateurs

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Réinsérer les réfugiés par la cuisine : l’étonnante école des Cuistots migrateurs

Virginie Félix – Photos, Léa Crespi

Publié le 04/01/21  dans Télérama

« Nous nous sommes inspirés de l’école créée par Thierry Marx pour réinsérer des personnes éloignées du marché du travail. » Imaad Ali, responsable pédagogique. Léa Crespi pour Télérama

« Nous nous sommes inspirés de l’école créée par Thierry Marx pour réinsérer des personnes éloignées du marché du travail. » Imaad Ali, responsable pédagogique.

Ils sont Soudanais, Afghans, Ougandais ou Libyens. Tous font partie de la première promotion d’une formation culinaire gratuite ouverte à Paris par Les Cuistots migrateurs. Un traiteur solidaire qui aide les réfugiés à s’insérer. Et espère former en 2021 une centaine d’élèves.

Sur le mur blanc, les Post-it s’éparpillent façon puzzle. « Le navet » côtoie « le poulet », « le saumon » fraye avec « le piment », « la mandoline » voisine avec « la marmite ». Et une poignée de verbes colorés — habiller, attendrir, pocher, barder… — rappelle la poésie du lexique culinaire. Dans une salle de classe du quartier du Père-Lachaise, à Paris, le français s’enseigne à la façon Top chef, et les élèves ont tous dépassé l’âge de la cour de récré. Ce vendredi après-midi, ils sont neuf, trois femmes et six hommes, âgés de 26 à 46 ans, assis autour d’une table en U, qui apprivoisent les sonorités coriaces de « la louche » ou de « l’eau chaude », et s’approprient la langue de Bocuse à coups de vidéos mettant en scène des pros des fourneaux. Dans quelques jours, ils enfileront eux aussi toque et tablier blanc pour apprendre à tailler, émincer, désosser, rôtir. En attendant, Gonpotso, Kunchok, Tahsi, Ali, Hiba, Dogolou, Victoria, Qdarkhan et Lobsang collent studieusement sur le mur leurs petits papiers griffonnés de « spatule » ou de « fouet ». Ces aspirants marmitons viennent du Soudan, d’Afghanistan, d’Ouganda, du Mali, du Tibet ou de Libye, et constituent la promotion pilote d’une école sans équivalent. La première à offrir à des réfugiés une formation culinaire gratuite et qualifiante, qui devrait leur permettre, fin avril, de décrocher le certificat professionnel de commis de cuisine.

L’idée, aussi évidente qu’ambitieuse, a mûri dans la tête de Sébastien Prunier et Louis Jacquot, deux trentenaires qui ont plaqué leur job dans le marketing et la finance pour créer il y a six ans Les Cuistots migrateurs : un traiteur solidaire dont les plats sont mitonnés par des réfugiés venus d’un peu partout dans le monde. Des amateurs, pour la plupart, formés sur le tas, qui concoctent houmous, sfihas (petits pains syriens chauds fourrés à l’agneau et aux épices) ou mantis (des raviolis tchétchènes) pour des buffets d’entreprise ou des soirées événementielles. Faire de la cuisine un outil d’insertion mais aussi d’ouverture aux autres cultures, et transformer le regard sur les migrants, voilà le projet de ces deux baroudeurs, amateurs de voyages et de plats sans frontières. Fin 2019, l’aventure s’est enrichie avec l’ouverture d’un restaurant dans le 11e arrondissement de Paris. Entreprise de l’économie sociale et solidaire, Les Cuistots migrateurs compte aujourd’hui une trentaine de salariés, dont treize réfugiés, tous en CDI. Elle produisait quelque deux cents repas par jour avant que le Covid ne vienne jouer les trouble-fête. « Nous avions envie d’aller plus loin et d’avoir plus d’impact, raconte Sébastien Prunier. Malgré notre activité de traiteur et notre restaurant, nous sommes limités dans la création d’emplois. Ouvrir cette école est un moyen d’accroître le nombre de personnes que nous pouvons aider dans leur insertion sociale. Et de construire une passerelle entre ces migrants et le monde de la restauration qui a un besoin chronique de main-d’œuvre. »

Cours de cuisine de Fabrice Corbonnois et Andy Fernandez à l’Institut culinaire de Paris, qui accueille les premiers stagiaires de l’école des Cuistots migrateurs.
Cours de cuisine de Fabrice Corbonnois et Andy Fernandez à l’Institut culinaire de Paris, qui accueille les premiers stagiaires de l’école des Cuistots migrateurs.

“ La cuisine est un des premiers débouchés pour les migrants. Mais trop souvent, quand ils trouvent un travail, c’est à la plonge ou dans des postes où ils sont exploités.” Sébastien Prunier, l’un des fondateurs des Cuistots migrateurs

Avant la crise sanitaire, cent mille emplois étaient en effet à pourvoir dans le secteur. « La cuisine est, avec le BTP, un des premiers débouchés pour les migrants. Mais trop souvent, quand ils trouvent un travail, c’est à la plonge ou dans des postes où ils sont exploités sans perspective d’évolution », explique le chef d’entreprise, en soulignant la difficulté d’accès à l’emploi pour les étrangers non originaires de l’Union européenne. En 2018, le taux de chômage était de 22 % dans cette catégorie de la population, contre 8 % pour les personnes de nationalité française, selon les chiffres de l’Insee. « Le secteur est en perpétuel recrutement, la restauration collective emploie énormément de monde. Mais il est difficile de mettre la main sur du personnel qualifié », observe Fabrice Corbonnois, le chef formateur qui sera chargé de transmettre aux futurs commis les bases du métier. « Si vous n’avez pas la technique, il sera compliqué de grimper les échelons, vous resterez un exécutant. »

L’objectif de cette formation intensive de quatre mois combinant apprentissage du français et découverte pratique du métier est donc de permettre aux réfugiés statutaires d’obtenir un diplôme reconnu par la profession. Elle se terminera par un stage de trois semaines, au printemps. Et idéalement par une embauche. Une douzaine de restaurants se seraient déjà portés volontaires pour accueillir les étudiants de la première promo. Ce mercredi gris de décembre marque la rentrée pour les neuf élèves que l’on retrouve dans le hall de l’Institut culinaire de Paris, un centre de formation professionnelle situé dans le 11e arrondissement. Les stagiaires sont accueillis là en attendant que Les Cuistots migrateurs déniche les locaux de leurs rêves pour abriter leur école. Derrière les masques, les élèves intimidés font la connaissance de l’équipe qui va veiller sur leur avenir professionnel : responsable pédagogique, profs de français, mais aussi formateurs chargés de les sensibiliser à l’agriculture responsable ou à la gestion de conflit. « Dans les cuisines, il y a parfois beaucoup de stress, de pression, il arrive qu’on se parle mal. Il faut apprendre à mieux gérer ça », détaille Kiran Dihan, qui animera l’atelier. Deux psys, habituées à intervenir dans des camps de réfugiés ou auprès de demandeurs d’asile, sont présentes pour accompagner ces femmes et ces hommes au parcours souvent douloureux, dont les traumas peuvent rejaillir « au détour d’une recette, d’un goût évocateurs de souvenirs… »

Une campagne de financement participatif efficace

La première photo de classe, dans le décor tout en inox de la cuisine d’application, vient briser la glace entre les étudiants. Là, dans quelques jours, ils apprendront l’épluchage et le taillage des légumes, les fonds de sauce, les cuissons rôtie ou braisée, et la centaine de techniques qu’ils auront à maîtriser pour l’examen. Pour l’heure, le ton est à la bienveillance et aux encouragements : « Nous avons reçu plus de cent candidatures. Vous avez été choisis parce que vous étiez les plus motivés. Bravo d’être là ! Je vous souhaite une belle réussite, je suis sûre que vous allez y arriver ! » s’enthousiasme Fatem Zahra Berrada, une des responsables de l’école, en expliquant qu’elle-même a suivi une formation de cuisine de trois mois, au sein de l’école de Thierry Marx, « une belle aventure ». Positif, Sébastien Prunier détaille aux élèves la chaîne de solidarité qui a entouré le projet. « Plus de mille citoyens se sont manifestés pour nous soutenir financièrement et nous avons déjà récolté plus de 85 000 euros. Il y a une grande envie de vous aider et de vous emmener vers ce diplôme. » Lancée début novembre, la campagne de crowdfunding menée sur la plate-forme Ulule aura permis de rassembler 103 632 euros. Joli succès d’un financement participatif auquel s’ajoutent une dotation conséquente du ministère du Travail et le soutien de fondations d’entreprise (Carrefour, Société générale, ERDF, Veolia…), qui ont permis de boucler le tour de table. Le budget de l’école s’élève à 2 millions d’euros sur trois ans. « La formation d’un élève coûte 10 000 euros, notre souhait est que le financement citoyen contribue à hauteur de 1 000 euros », explique Sébastien Prunier, insistant sur l’importance d’impliquer la « société civile » dans l’aventure. De la même manière, chaque élève peut compter sur un parrain ou une marraine, un « monsieur ou madame tout-le-monde bénévole », qu’il rencontrera deux fois par mois pour une balade dans Paris, un ciné ou un café — quand le contexte sanitaire le permettra…

Les Cuistots migrateurs espère former une centaine d’élèves en 2021, et ouvrir un deuxième cursus « service en restauration et sommellerie », suivi, pourquoi pas, d’un autre en boulangerie-pâtisserie. « Nous nous sommes beaucoup inspirés de Cuisine mode d’emploi(s), l’école créée par Thierry Marx pour réinsérer des personnes éloignées du marché du travail. Un modèle de formation intensive et qualifiante que nous adaptons pour des réfugiés. L’école nous a d’ailleurs ouvert ses portes et donné des conseils », explique Imaad Ali, le responsable pédagogique.

“Mettre en valeur le capital culinaire de chacun, à travers des recettes qui font écho aux souvenirs, aux lieux qui influencent la manière de cuisiner. ” Imaad Ali, responsable pédagogique.  

“Mettre en valeur le capital culinaire de chacun, à travers des recettes qui font écho aux souvenirs, aux lieux qui influencent la manière de cuisiner. ” Imaad Ali, responsable pédagogique.

Parmi les quatre-vingts recettes que les élèves apprendront à maîtriser, une vingtaine sont issues des cuisines du monde. « Même s’il y a un cadre de référence avec des incontournables — monter une mayonnaise, émincer une brunoise ou une mirepoix, réaliser un beurre blanc —, on peut y insérer une ouverture aux goûts d’ailleurs, souligne Fabrice Corbonnois. La technique de la tortilla, un appareil à œuf saisi à la poêle puis cuit au four, sera par exemple enseignée à travers une recette iranienne, le coucou sabzi. » Imaad Ali insiste : « Un des éléments importants de cette formation est de mettre en valeur le capital culinaire de chacun, à travers des recettes qui font écho aux souvenirs, aux lieux qui influencent la manière de cuisiner. » Un creuset prometteur qui permettra peut-être un jour d’accrocher le portrait de Gonpotso, Kunchok, Tahsi, Ali, Hiba, Dogolou, Victoria, Qdarkhan ou Lobsang au mur des célébrités de l’Institut culinaire de Paris. Et d’ajouter une touche de diversité aux photos de Pierre Gagnaire, Alain Passard et de la brochette d’étoilés blancs comme leur tablier.

Modèle de lettre au maire de Grande-Synthe

Monsieur Martial Beyaert, maire de la commune de Grande-Synthe
Mairie de Grande-Synthe
Place François Mitterrand
BP 149
59792 Grande-Synthe Cedex

 

A Dunkerque, le …. janvier 2021

Objet : dispositifs de mise à l’abri pour la période hivernale dans le dunkerquois

Copies à Messieurs le préfet du Nord, le sous-préfet de Dunkerque, le président de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD)

Monsieur le Maire de Grande-Synthe,

Je vous demande d’ouvrir, en urgence, un dispositif de mise à l’abri pérenne, accessible à tous de manière inconditionnelle, durant toute la période hivernale et disséminé le long de la côte.

Les associations venant en aide aux personnes exilées à Grande-Synthe constatent quotidiennement dinnombrables témoignages dhommes, de femmes et denfants épuisés physiquement et mentalement par les conditions hivernales (froid, pluie, humidité, vent etc.). Celles-ci rendent insoutenables les conditions de survie inhumaines que ces personnes sans abri subissaient débien avant l’hiver.

Depuis le 1er novembre, date du début de la trêve hivernale, les associations non mandatées par l’État ont accompagné :

  • 652 hommes seuls ; 
  • 101 familles, équivalent à 282 personnes ;
  • 95 femmes, dont 33 femmes seules (dont 11 mères seules), et 7 femmes enceintes ;
  • 127 enfants, dont 107 de moins de 12 ans, 39 de moins de 5 ans et 19 de moins de 3 ans ;
  • 173 mineurs isolés. 

Linstruction interministérielle en date du 3 novembre 2020 concernant la prise en charge des populations précaires pendant la crise sanitaire vous enjoint d’ouvrir : « autant de places que nécessaires en vous fondant sur les demandes non pourvues de SIAO-115 et les données remontées par les maraudes. Lobjectif est quune solution soit proposée à chacun afin d’éviter la présence de personnes à la rue ».

Conformément, au rapport de lIGPN/IGA de 2017, il y a trois ans de cela : « La réduction de la tension sur place passe enfin par une amélioration de la situation humanitaire des migrants, source de risques sanitaires, notamment à l’approche de l’hiver, et facteur dagressivité. La mission estime que la lutte contre l’immigration clandestine et la réapparition de camps est compatible avec des mesures destinées à garantir le respect de la personne et sa dignité ».

Dans ce même rapport, l’IGPN/IGA invitait les autorités à abriter les personnes sans abri en cas de froid et de forte pluie : « Il convient également, à l’approche de l’hiver, de prévoir un dispositif provisoire d’hébergement à actionner, en cas de grand froid ou de pluies intenses, pour ceux qui persisteraient à refuser d’aller dans une structure daccueil. A défaut, la situation de ces migrants, en situation d’extrême précarité, pourrait devenir dramatique et placer l’État et les forces de l’ordre présentes sur place dans une situation risquée, tant sur le plan humanitaire que de la sécurité des personnes ».

Plus encore en cette période hivernale, les mineur.e.s isolé.e.s etranger.e.s dans leur totalité, doivent être systématiquement hébergé.e.s au sein de dispositifs d’accueil d’urgence. Conformément à la protection temporaire prévue par l’article L 223-2 du CASF, un double principe de présomption de minorité et de danger doit prévaloir dans l’attente d’investigations ultérieures.

Or, les associations sur place ont pu constater que les dispositifs de mise à l’abri existants, loin de Grande-Synthe, ne suffisent pas à répondre à cette urgence et comptabilisent depuis le 1er novembre 2020, à minima 203 demandes de mises à l’abri refusées par manque de place au 115 pour des hommes seuls adultes.

Le Défenseur Des Droits rappelait, il y a deux ans dé, en décembre 2018 que « la politique du gouvernement ne doit pas empêcher laccueil digne ». Seule la mise en place d’un dispositif de mise à l’abri adapté, de façon pérenne et ouvert à tous de manière inconditionnelle peut permettre de garantir un minimum de respect de la dignité humaine.

Compte tenu de tout ce qui précède et afin que les demandes ministérielles soient respectées, je vous demande de permettre la mise à l’abri des personnes exilées durant toute la période hivernale.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le maire de Grande-Synthe, l’expression de mes salutations respectueuses.

Modèle de lettre CUD

M. Patrice Vergriete, président de la Communauté urbaine de Dunkerque
Communauté urbaine de Dunkerque
Pertuis de la marine
59140 Dunkerque

A Dunkerque, le …. janvier 2021.

Objet : dispositifs de mise à l’abri pour la période hivernale dans le dunkerquois

Copies à Messieurs le préfet du Nord, le sous-préfet de Dunkerque, le Maire de la commune de Grande-Synthe

Monsieur le président de la Communauté Urbaine de Dunkerque,

Je vous demande d’ouvrir, en urgence, un dispositif de mise à l’abri pérenne, accessible à tous de manière inconditionnelle, durant toute la période hivernale et disséminé le long de la côte.

Les associations venant en aide aux personnes exilées à Grande-Synthe constatent quotidiennement dinnombrables témoignages dhommes, de femmes et denfants épuisés physiquement et mentalement par les conditions hivernales (froid, pluie, humidité, vent etc.). Celles-ci rendent insoutenables les conditions de survie inhumaines que ces personnes sans abri subissaient débien avant l’hiver.

Depuis le 1er novembre, date du début de la trêve hivernale, les associations non mandatées par l’État ont accompagné :

  • 652 hommes seuls ;
  • 101 familles, équivalent à 282 personnes ;
  • 95 femmes, dont 33 femmes seules (dont 11 mères seules), et 7 femmes enceintes
  • 127 enfants, dont 107 de moins de 12 ans, 39 de moins de 5 ans et 19 de moins de 3 ans ;
  • 173 mineurs isolés.

Linstruction interministérielle en date du 3 novembre 2020 concernant la prise en charge des populations précaires pendant la crise sanitaire vous enjoint d’ouvrir : « autant de places que nécessaires en vous fondant sur les demandes non pourvues de SIAO-115 et les données remontées par les maraudes. Lobjectif est quune solution soit proposée à chacun afin d’éviter la présence de personnes à la rue ».

Conformément, au rapport de lIGPN/IGA de 2017, il y a trois ans de cela : « La réduction de la tension sur place passe enfin par une amélioration de la situation humanitaire des migrants, source de risques sanitaires, notamment à l’approche de l’hiver, et facteur dagressivité. La mission estime que la lutte contre l’immigration clandestine et la réapparition de camps est compatible avec des mesures destinées à garantir le respect de la personne et sa dignité ».

Dans ce même rapport, l’IGPN/IGA invitait les autorités à abriter les personnes sans abri en cas de froid et de forte pluie : « Il convient également, à l’approche de l’hiver, de prévoir un dispositif provisoire d’hébergement à actionner, en cas de grand froid ou de pluies intenses, pour ceux qui persisteraient à refuser d’aller dans une structure daccueil. A défaut, la situation de ces migrants, en situation d’extrême précarité, pourrait devenir dramatique et placer l’État et les forces de l’ordre présentes sur place dans une situation risquée, tant sur le plan humanitaire que de la sécurité des personnes ».

Plus encore en cette période hivernale, les mineur.e.s isolé.e.s étranger.e.s dans leur totalité, doivent être systématiquement hébergé.e.s au sein de dispositifs d’accueil d’urgence. Conformément à la protection temporaire prévue par l’article L 223-2 du CASF, un double principe de présomption de minorité et de danger doit prévaloir dans l’attente d’investigations ultérieures.

Or, les associations sur place ont pu constater que les dispositifs de mise à l’abri existants, loin de Grande-Synthe, ne suffisent pas à répondre à cette urgence et comptabilisent depuis le 1er novembre 2020, à minima 203 demandes de mises à l’abri refusées par manque de place au 115 pour des hommes seuls adultes.

Le Défenseur Des Droits rappelait, il y a deux ans dé, en décembre 2018 que « la politique du gouvernement ne doit pas empêcher laccueil digne ». Seule la mise en place d’un dispositif de mise à l’abri adapté, de façon pérenne et ouvert à tous de manière inconditionnelle peut permettre de garantir un minimum de respect de la dignité humaine.

Compte tenu de tout ce qui précède et afin que les demandes ministérielles soient respectées, je vous demande de permettre la mise à l’abri des personnes exilées durant toute la période hivernale.

Je vous prie de vouloir agréer, Monsieur le président de la Communauté Urbaine de Dunkerque, l’expression de mes salutations respectueuses

Modèle lettre sous-préfecture Dunkerque

M. Hervé Tourmente, sous-préfet de Dunkerque
Préfecture de Dunkerque
27 Rue Thiers
59140 Dunkerque

 

A Dunkerque, le …. janvier 2021

Objet : dispositifs de mise à l’abri pour la période hivernale dans le dunkerquois

Copies à Messieurs le préfet du Nord, le président de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD), le maire de la commune de Grande-Synthe

Monsieur le sous-préfet de Dunkerque,

Je vous demande d’ouvrir, en urgence, un dispositif de mise à l’abri pérenne, accessible à tous de manière inconditionnelle, durant toute la période hivernale et disséminé le long de la côte.

Les associations venant en aide aux personnes exilées à Grande-Synthe constatent quotidiennement dinnombrables témoignages dhommes, de femmes et denfants épuisés physiquement et mentalement par les conditions hivernales (froid, pluie, humidité, vent etc.). Celles-ci rendent insoutenables les conditions de survie inhumaines que ces personnes sans abri subissaient débien avant l’hiver.

Depuis le 1er novembre, date du début de la trêve hivernale, les associations non mandatées par l’État ont accompagné :

  • 652 hommes seuls ; 
  • 101 familles, équivalent à 282 personnes ;
  • 95 femmes, dont 33 femmes seules (dont 11 mères seules), et 7 femmes enceintes ;
  • 127 enfants, dont 107 de moins de 12 ans, 39 de moins de 5 ans et 19 de moins de 3 ans ;
  • 173 mineurs isolés. 

Linstruction interministérielle en date du 3 novembre 2020 concernant la prise en charge des populations précaires pendant la crise sanitaire vous enjoint d’ouvrir : « autant de places que nécessaires en vous fondant sur les demandes non pourvues de SIAO-115 et les données remontées par les maraudes. Lobjectif est quune solution soit proposée à chacun afin d’éviter la présence de personnes à la rue ».

Conformément, au rapport de lIGPN/IGA de 2017, il y a trois ans de cela : « La réduction de la tension sur place passe enfin par une amélioration de la situation humanitaire des migrants, source de risques sanitaires, notamment à l’approche de l’hiver, et facteur dagressivité. La mission estime que la lutte contre l’immigration clandestine et la réapparition de camps est compatible avec des mesures destinées à garantir le respect de la personne et sa dignité ».

Dans ce même rapport, l’IGPN/IGA invitait les autorités à abriter les personnes sans abri en cas de froid et de forte pluie : « Il convient également, à l’approche de l’hiver, de prévoir un dispositif provisoire d’hébergement à actionner, en cas de grand froid ou de pluies intenses, pour ceux qui persisteraient à refuser d’aller dans une structure daccueil. A défaut, la situation de ces migrants, en situation d’extrême précarité, pourrait devenir dramatique et placer l’État et les forces de l’ordre présentes sur place dans une situation risquée, tant sur le plan humanitaire que de la sécurité des personnes ».

Plus encore en cette période hivernale, les mineur.e.s isolé.e.s étranger.e.s dans leur totalité, doivent être systématiquement hébergé.e.s au sein de dispositifs d’accueil d’urgence. Conformément à la protection temporaire prévue par l’article L 223-2 du CASF, un double principe de présomption de minorité et de danger doit prévaloir dans l’attente d’investigations ultérieures.

Or, les associations sur place ont pu constater que les dispositifs de mise à l’abri existants, loin de Grande-Synthe, ne suffisent pas à répondre à cette urgence et comptabilisent depuis le 1er novembre 2020, à minima 203 demandes de mises à l’abri refusées par manque de place au 115 pour des hommes seuls adultes.

Le Défenseur Des Droits rappelait, il y a deux ans dé, en décembre 2018, que « la politique du gouvernement ne doit pas empêcher laccueil digne ». Seule la mise en place d’un dispositif de mise à l’abri adapté, de façon pérenne et ouvert à tous de manière inconditionnelle peut permettre de garantir un minimum de respect de la dignité humaine.

Compte tenu de tout ce qui précède et afin que les demandes ministérielles soient respectées, je vous demande de permettre la mise à l’abri des personnes exilées durant toute la période hivernale.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le sous-préfet, l’expression de mes salutations respectueuses.

Modèle lettre préfecture région Hauts de France

M. Michel Lalande, préfet de région Hauts-de-France
Préfecture du Nord
12, rue Jean sans Peur
CS 20003
59039 Lille Cedex

 

A Dunkerque, le …. janvier 2021

Objet : dispositifs de mise à l’abri pour la période hivernale dans le dunkerquois

Copies à Messieurs le sous-préfet de Dunkerque, le président de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD), le maire de la commune de Grande-Synthe

Monsieur le préfet de région,

Je vous demande d’ouvrir, en urgence, un dispositif de mise à l’abri pérenne, accessible à tous de manière inconditionnelle, durant toute la période hivernale et disséminé le long de la côte.

Les associations venant en aide aux personnes exilées à Grande-Synthe constatent quotidiennement dinnombrables témoignages dhommes, de femmes et denfants épuisés physiquement et mentalement par les conditions hivernales (froid, pluie, humidité, vent etc.). Celles-ci rendent insoutenables les conditions de survie inhumaines que ces personnes sans abri subissaient débien avant l’hiver.

Depuis le 1er novembre, date du début de la trêve hivernale, les associations non mandatées par l’État ont accompagné :

  • 652 hommes seuls ; 
  • 101 familles, équivalent à 282 personnes ;
  • 95 femmes, dont 33 femmes seules (dont 11 mères seules), et 7 femmes enceintes ;
  • 127 enfants, dont 107 de moins de 12 ans, 39 de moins de 5 ans et 19 de moins de 3 ans ;
  • 173 mineurs isolés. 

Linstruction interministérielle en date du 3 novembre 2020 concernant la prise en charge des populations précaires pendant la crise sanitaire vous enjoint d’ouvrir : « autant de places que nécessaires en vous fondant sur les demandes non pourvues de SIAO-115 et les données remontées par les maraudes. Lobjectif est quune solution soit proposée à chacun afin d’éviter la présence de personnes à la rue ».

Conformément, au rapport de lIGPN/IGA de 2017, il y a trois ans de cela : « La réduction de la tension sur place passe enfin par une amélioration de la situation humanitaire des migrants, source de risques sanitaires, notamment à l’approche de l’hiver, et facteur dagressivité. La mission estime que la lutte contre l’immigration clandestine et la réapparition de camps est compatible avec des mesures destinées à garantir le respect de la personne et sa dignité ».

Dans ce même rapport, l’IGPN/IGA invitait les autorités à abriter les personnes sans abri en cas de froid et de forte pluie : « Il convient également, à l’approche de l’hiver, de prévoir un dispositif provisoire d’hébergement à actionner, en cas de grand froid ou de pluies intenses, pour ceux qui persisteraient à refuser d’aller dans une structure daccueil. A défaut, la situation de ces migrants, en situation d’extrême précarité, pourrait devenir dramatique et placer l’État et les forces de l’ordre présentes sur place dans une situation risquée, tant sur le plan humanitaire que de la sécurité des personnes ».

Plus encore en cette période hivernale, les mineur.e.s isolé.e.s etranger.e.s dans leur totalité, doivent être systématiquement hébergé.e.s au sein de dispositifs d’accueil d’urgence. Conformément à la protection temporaire prévue par l’article L 223-2 du CASF, un double principe de présomption de minorité et de danger doit prévaloir dans l’attente d’investigations ultérieures.

Or, les associations sur place ont pu constater que les dispositifs de mise à l’abri existants, loin de Grande-Synthe, ne suffisent pas à répondre à cette urgence et comptabilisent depuis le 1er novembre 2020, à minima 203 demandes de mises à l’abri refusées par manque de place au 115 pour des hommes seuls adultes.

Le Défenseur Des Droits rappelait, il y a deux ans dé, en décembre 2018, que « la politique du gouvernement ne doit pas empêcher laccueil digne ». Seule la mise en place d’un dispositif de mise à l’abri adapté, de façon pérenne et ouvert à tous de manière inconditionnelle peut permettre de garantir un minimum de respect de la dignité humaine.

Compte tenu de tout ce qui précède et afin que les demandes ministérielles soient respectées, je vous demande de permettre la mise à l’abri des personnes exilées durant toute la période hivernale.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le préfet de région, l’expression de mes salutations respectueuses.

Appel : Exigeons ensemble une mise à l’abri des personnes exilées à Grande-Synthe !

POUR UN ACCÈS À UN HÉBERGEMENT DIGNE DANS LE DUNKERQUOIS EN PERIODE HIVERNALE

19 associations agissant au soutien de personnes exilées dans le dunkerquois ont demandé à l’administration française d’ouvrir, en urgence, un dispositif de mise à l’abri pérenne, accessible à tou.te.s de manière inconditionnelle, durant toute la période hivernale.

Alors que les températures sont toujours plus basses et les conditions de survie déplorables sur place, votre participation est déterminante. Aidez-nous à les solliciter aussi !

Vous pouvez trouver des lettres pré-rédigées sur le modèle de celle envoyées par les associations aux autorités publiques, et leur demander denfin ouvrir des logements dignes. N’hésitez pas à nous aider en imprimant / modifiant ce courrier ou en rédigeant votre propre version et à solliciter par voie postale /email / sur les réseaux sociaux; le préfet des Hauts-de-France, le sous-préfet de Dunkerque, le président de la Communauté Urbaine de Dunkerque et le Maire de Grande-Synthe. Il est de leur devoir daccueillir dignement les personnes exilé.e.s présent.e.s dans le dunkerquois et dassurer le respect de leurs droits fondamentaux !

Retrouvez les modèles de lettres et l’ensemble des contacts ci-dessous :

Les réseaux sociaux de l’administration :

Les adresses mail de l’administration :

Préfecture du Nord

  • Michel.lalande@nord.gouv.fr
  • pref-courrier-webmestre@nord.gouv.fr
  • virginie.gervois@nord.gouv.fr (cohésion sociale pref. Du Nord : Politique de la ville, migrants, logement social, expulsions, hébergements)
  • anne.peny@nord.gouv.fr (secrétaire générale pref du Nord)

Sous-préfecture :

  • herve.tourmente@nord.gouv.fr
  • sp-dunkerque-marianne@nord.gouv.fr

président de la CUD :

  • dunkenmouv@gmail.com

Maire de Grande-synthe :

  • m.beyaert@ville-grande-synthe.fr
  • contact@ville-grande-synthe.fr

Les adresses postales de l’administration :

Préfecture du Nord :
M. Michel Lalande, Préfet de Région Hauts-de-France
Préfecture du Nord
12, rue Jean sans Peur
CS 20003
59039 Lille Cedex

 ——

Sous-préfecture :
M. Hervé Tourmente, sous-préfet de Dunkerque
Préfecture de Dunkerque
27 Rue Thiers
59140 Dunkerque

 —–

Président de la CUD :
M. Patrice Vergriete, président de la Communauté urbaine de Dunkerque
Communauté Urbaine de Dunkerque
Pertuis de la marine
59140 Dunkerque 

—–

Maire de Grande-Synthe :
Monsieur Martial Beyaert, maire de la commune de Grande-Synthe
Mairie de Grande-Synthe
Place Francois Mitterrand
BP 149
59792 Grande-Synthe Cedex

La PSM recrute !

La Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s recrute deux personnes, dans le cadre de son projet de plaidoyer :

 

  • Une ou un chargé.e d’étude pour coordonner, sur 6 mois, une enquête auprès des personnes exilées bloquées à la frontière franco-britannique.

Les candidatures sont à envoyer avant le 5 février 2021, à cette adresse : sensibilisation[at]psmigrants.org. Retrouvez l’offre d’emploi en format PDF ici.

  • Une ou un chargé.e de recherche pour réaliser, sur 6 mois, une analyse des politiques publiques menées à la frontière franco-britannique ces trente dernières années.

Les candidatures sont à envoyer avant le 5 février 2021 à cette adresse : sensibilisation[at]psmigrants.org.  Retrouvez l’offre d’emploi en PDF ici.

En Ile-de-France, les exilés face à une précarité toujours plus grande

Reportage
« On n’a rien pour dormir. La nuit, on marche » : en Ile-de-France, les migrants face à une précarité toujours plus grande

Par Juliette Bénézit, Publié le 26 décembre 2020, Le Monde

Depuis les évacuations de campements à Saint-Denis et place de la République, à Paris, en novembre, les exilés se retrouvent en situation d’errance, dans un dénuement total. « Le Monde » a pu suivre, dans la nuit de mercredi à jeudi, une maraude qui leur vient en aide.

Lorsque nous le rencontrons, un soir glacial de décembre, Mustafa porte un sweat-shirt fin sur le dos. Il a serré les cordons de son pull au niveau du cou pour affronter ce vent humide qui saisit le corps et raidit les muscles. A ses pieds, deux sacs plastiques laissent entrevoir un modeste kit de survie où sont rangées quelques affaires de rechange. Ce Soudanais de 22 ans, qui a fui la guerre civile dans son pays, engloutit une plâtrée de riz servie par le collectif Solidarité migrants Wilson, dans le 19e arrondissement de Paris. Il raconte : « Toutes les nuits, on marche. Vers Saint-Denis, gare de l’Est… ». Son compagnon de route, Abakar, un Soudanais de 27 ans, poursuit : « On n’a pas d’endroit où dormir. Pas de tente, pas de couverture. A partir d’une heure du matin, il fait vraiment très froid. »

Plus loin, Moussa, 23 ans, squatte un bout de trottoir à deux pas du périphérique. Avec trois camarades afghans, il se prépare à sillonner le nord de Paris dans l’espoir de trouver un point de chute décent pour la nuit. Dépité, Moussa lâche : « Je suis malade. On est beaucoup à avoir des problèmes au corps ». Le jeune homme – qui a demandé l’asile en France – sort de son sac un classeur vert. Il en tire un document de l’hôpital Bichat indiquant qu’il souffre d’une pneumonie. « Et je suis dehors…, s’indigne-t-il. Si vous voyiez où on dort, vous pleureriez tellement c’est sale ».

Un collectif réunissant 33 associations (parmi lesquelles Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, La Cimade, Action contre la faim, Emmaüs ou encore le Secours catholique), a saisi la Défenseure des droits, Claire Hédon, en novembre, sur la situation des personnes migrantes à Paris et en Ile-de-France. Depuis 2015, la région est en effet sous tension : le territoire concentre 50 % de la demande d’asile pour 19 % des places d’hébergement. Seules 30 % des personnes qui entament des démarches pour obtenir le statut de réfugié sont prises en charge dans le dispositif national d’accueil, d’après les chiffres du ministère de l’intérieur. Bilan : les campements se succèdent, dans des conditions toujours plus précaires.

« Une politique d’invisibilisation »

Ces dernières semaines, la tension est montée d’un cran. Le 17 novembre, quelque 3 000 migrants ont été mis à l’abri après l’évacuation d’un camp installé à Saint-Denis ; mal calibrée, l’opération a laissé sur le carreau entre 500 et 1 000 personnes. Plusieurs centaines d’exilés se sont retrouvés en situation d’errance, dans un dénuement total. Le 23 novembre, à l’initiative de l’association Utopia 56, un camp a été installé en plein cœur de Paris, sur la place de la République. Environ 500 Afghans ont réclamé des solutions d’hébergement d’urgence. Le soir-même, la place a été violemment évacuée, les images de l’opération « choquant » jusqu’au ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Les semaines suivantes, l’Etat a mobilisé 604 places supplémentaires et organisé des mises à l’abri au fil de l’eau. En ce moment, entre 200 et 300 migrants seraient dehors ; un chiffre qui inclut les nouveaux arrivants.

Pour les associations, les événements récents représentent un pas de plus dans la mise en œuvre « d’une politique d’invisibilisation des exilés », des mots de Yann Manzi, d’Utopia 56. Depuis 2019, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, affiche un objectif : zéro campement dans la capitale. De fait, ceux-ci sont repoussés vers la Seine-Saint-Denis. « Après l’évacuation du 17 novembre, les exilés se sont installés encore plus loin que d’habitude, dans des lieux toujours plus enclavés et exigus, afin de ne pas être délogés », rapporte Louis Barda, de Médecins du Monde. « Il y a eu une politique avérée de dispersement pendant dix jours après l’évacuation de Saint-Denis », explique Corinne Torre, de Médecins Sans Frontières. Rencontré sur un point de distribution alimentaire du 19e arrondissement de Paris, Usman, un Afghan de 20 ans en situation d’errance, dit : « La police nous prend les tentes le soir et ne nous laisse pas dormir. »

Les associations s’alarment de la situation sanitaire et sociale. « On a vu une grande usure physique et psychologique ces dernières semaines, constate Louis Barda. Ils se sont retrouvés éloignés des hôpitaux et des points de distribution. » Certains exilés se sont installés sur les rames inutilisées de stations de métro, de RER ou de tram. « Ils ont été dans des endroits qu’on met beaucoup de temps à atteindre. Il faut parfois escalader un mur pour y accéder. Comment on organise une prise en charge sanitaire dans ces conditions ? », demande Paul Alauzy, de Médecins du Monde.

« On peut avoir une autre tente ? »

C’est aussi l’accès aux droits qui se complexifie : « Les personnes se trouvent éloignées des services de base. Elles sont encore plus obligées de se concentrer sur leurs besoins primaires et ne peuvent pas se déplacer pour leurs démarches administratives », rapporte Alix Geoffroy, du Secours catholique.

Dans la foulée de l’évacuation de Saint-Denis, Utopia 56 a lancé une maraude dite « urgence police », avec pour objectif d’intervenir rapidement en cas de pressions. Elle est devenue, au fil des semaines, une distribution itinérante spécialement consacrée au nord de Paris. Jan Kakar, un Afghan de 36 ans, chapeaute la maraude deux soirs par semaine. Lui est arrivé en France en 2008, après avoir fui son pays et la guerre qui s’y déroule. Il a obtenu la nationalité française en 2019 et vient désormais en aide aux jeunes Afghans primo-arrivants. « J’ai commencé à faire cette maraude juste après l’évacuation de la place de la République », explique ce traducteur occasionnel pour le ministère de la justice.

Ce soir du 23 décembre, avant de prendre la route, les voitures sont chargées à ras bord. Les coffres et les banquettes arrière débordent : on y entasse des tentes, de grandes couvertures grises « haute protection » de 2 mètres sur 1,5 mètre, des stocks entiers de gants et de bonnets, des plats cuisinés fournis par Les Restos du cœur ou des établissements parisiens, des thermos de thé et de café… La nuit où nous le suivons en mission, M. Kakar est entouré d’un petit groupe d’Afghans. La plupart ont une vingtaine d’années ; certains sont réfugiés, d’autres sont en cours de demande d’asile. Bénéficiant d’une situation plus stable, ils fouillent les recoins de la Seine-Saint-Denis en suivant des coordonnées GPS qu’ils récupèrent en amont ; certaines localisations leur sont envoyées par des exilés qui se signalent par Facebook.

SOUS UN AUTRE PONT, UN HOMME DORT EN PLEIN AIR, À MÊME LE SOL, COINCÉ ENTRE LE MUR ET UN BLOC DE BÉTON QUI SERT DE PROTECTION SUR LES CHANTIERS
Les personnes migrantes que nous rencontrons ce soir-là vivent sous des ponts, le long du canal Saint-Denis. « C’est les associations, vous voulez du thé ? », demande M. Kakar en arrivant sur place. Les fermetures des tentes s’ouvrent, laissant apparaître quelques visages. « On peut avoir une autre tente ? On n’a pas assez de place », lance un Gambien de 19 ans. Il partage son abri de fortune avec un camarade. « J’ai demandé l’asile mais on ne m’a pas encore proposé de logement », dit-il les traits tirés. Les personnes en cours de procédure doivent en principe être hébergées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) le temps que leur dossier soit étudié.

Sous un autre pont, un homme se redresse brusquement au passage des bénévoles. Il dort en plein air, à même le sol, coincé entre le mur et un bloc de béton qui sert de protection sur les chantiers. M. Kakar lui enroule une couverture autour du corps. Il fait moins de 10 degrés. Plus loin, dans la pénombre, un Soudanais est prostré contre un mur. Il n’a ni tente ni duvet.

Sous-dimensionnement du parc d’hébergement

A ce jour, le dispositif national d’accueil (DNA) – soit quelque 107 000 places d’hébergement réservées aux demandeurs d’asile – est plein à 98 %. En 2021, 4 500 places supplémentaires doivent être créées. Marlène Schiappa, la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, a également annoncé la mise en œuvre, dès janvier, d’un nouveau schéma national d’accueil instaurant des transferts systématiques en région pour les demandeurs d’asile franciliens. En cas de refus, des fins de prise en charge – notamment le versement d’aides financières – pourraient être décidées. L’objectif affiché par le gouvernement est de desserrer la pression sur l’Ile-de-France.

Outre le sous-dimensionnement du parc d’hébergement, Didier Leschi, le directeur général de l’OFII, identifie une difficulté principale : « Le nombre de réfugiés en présence indue dans le DNA augmente. On n’arrive pas à les en sortir. Ils relèvent en principe de l’hébergement d’urgence de droit commun. » En 2019, 6,3 % des places étaient occupées par des personnes ayant obtenu le statut de réfugiés.

Les autorités identifient comme autre difficulté le cas des personnes dites « dublinées », en référence au règlement Dublin qui prévoit que les demandes d’asile soient examinées par le premier pays de l’Union européenne dans lequel la personne a été enregistrée. Les Afghans – première nationalité parmi les demandeurs d’asile en 2019 avec 10 175 dossiers déposés – sont particulièrement concernés.

« Plus d’Afghans se sont présentés en préfecture et ont demandé l’asile cette année que l’année dernière à la même époque, alors qu’on est en pleine crise sanitaire. Ils viennent d’autres pays de l’UE et savent qu’ils peuvent avoir l’asile en France. Leur objectif est d’attendre dix-huit mois [délai d’expiration de la procédure Dublin à l’issue duquel ils peuvent déposer une demande en France] », rapporte M. Leschi.

« Aujourd’hui, il faut être dans la bonne case du primo-arrivant : celui qui n’est pas “dubliné”, pas débouté. Or, la vulnérabilité de ces personnes n’est pas moins grande. Ils doivent être pris en charge », insiste Louis Barda. « Après chaque évacuation de campement, et chaque mise à l’abri, il y a des remises à la rue parce qu’on explique que les gens ne rentrent pas dans les critères », explique Alix Geoffroy.

Sous les ponts qui longent le canal Saint-Denis, Jan Kakar demande aux Afghans qu’il rencontre l’état d’avancement de leur procédure. « Lui, il est “dubliné” en Pologne, il vient d’arriver il y a quelques jours », nous explique-t-il après avoir échangé avec l’un d’entre eux. Il prend son  numéro de téléphone pour suivre sa situation. Et aussi « pour lui ramener une paire de chaussures », taille 42 ou 43. Le jeune homme d’une vingtaine d’années marche pieds nus.

Un camp de personnes exilées dans la friche Saint-Sauveur à Lille

La voix d Nord, 17 décembre

Lille: les migrants de la friche Saint-Sauveur pourraient bénéficier du droit à l’hébergement opposable

Une semaine après l’incendie qui a détruit des baraquements dans un camp de migrants de la friche Saint-Sauveur à Lille, les associations haussent le ton en direction de la préfecture et de la ville, qu’ils accusent de rester trop « inactives » face aux besoins de relogement. Martine Aubry s’en est défendue au dernier conseil municipal. Et mercredi, la préfecture a annoncé que les dossiers de droit à l’hébergement opposable (DAHO) des occupants de la friche étaient à l’instruction.

Il y a du nouveau dans le dossier des migrants de la friche Saint-Sauveur. Mercredi soir, la préfecture a annoncé que les recours DAHO (droit à l’hébergement opposable), déposés par l’association Exod pour reloger les personnes vivant dans le bidonville bordant la rue de Cambrai, « sont en cours d’instruction ». Les 46 demandes sont arrivées à la Direction départementale de la cohésion sociale le 14 décembre, précise la préfecture. L’association les avait envoyées le 8, soit la veille de l’incendie qui a détruit plusieurs baraquements abritant des migrants.

Le feu, impressionnant, n’a pas fait de victime. Mais dans les jours qui suivaient, le comité Génération.s Lille a rappelé aux autorités l’urgence de trouver une solution pour une soixantaine de jeunes adultes et une dizaine d’adolescents installés depuis plusieurs mois sur cette friche, dans des conditions indignes. La préfecture avait répondu alors ne pas avoir eu connaissance de demandes de relogement après l’incendie (dans un premier temps), et invité les migrants à solliciter un hébergement du dispositif national d’accueil ou le 115. Une réponse qui a fait bondir les associations, soulignant que « la ville comme les services préfectoraux sont au courant depuis longtemps de la situation à Saint-Sauveur », en produisant des copies de lettres ou mails envoyées à l’automne à Martine Aubry ou au préfet Michel Lalande (lire ci-contre).

« On a droit à une vie digne »

En attendant le résultat des recours DAHO, les conditions sont encore très difficiles sur place. Mardi, en début d’après-midi, le long du mur bordant la rue de Cambrai, quelques jeunes gens s’attellent à reconstruire de nouveaux abris, dans la boue et sur les restes calcinés des anciens. Un peu plus loin dans le camp où sont éparpillés une trentaine de baraques de fortune, d’autres discutent de leur situation. Ils viennent majoritairement de Guinée et de Côte d’Ivoire. Certains sont scolarisés dans la métropole lilloise. Comme, Ernest (*), 20 ans, qui apprend la maçonnerie dans un lycée lommois. Il se plaint surtout de l’humidité. « Je vis dans une cabane depuis cinq mois, explique-t-il. Je me lève à 6 h pour prendre le métro . En ce moment, je me réveille dans le froid, malgré trois ou cinq couvertures. J’ai les doigts figés, je dois rallumer le feu pour chauffer l’eau et faire une toilette. »

En journée aussi, la fraîcheur pousse les occupants à se resserrer autour des braseros. Ce mardi après-midi, ils sont une quinzaine encore, se demandant comment va passer l’hiver qui s’annonce. « Nous qui sommes là, on est des êtres humains avant tout, lance un jeune homme. On a besoin d’une vie digne, on y a droit. »

(*). Le prénom a été modifié.

Associations, préfecture, ville: une communication pas toujours facile

Accompagné d’un agent de sécurité, mardi, un huissier compte les cabanons debout sur la friche, pour le propriétaire la SPL Euralille. L’homme de loi progresse tranquillement au milieu du bidonville. Il fait partie des meubles : « je viens régulièrement », observe-t-il.

Une présence qui, soulignent les associations, « prouve que les autorités sont bien au courant de la situation des exilés ici, dont beaucoup ont des problèmes de santé ». Des courriers d’alerte ont aussi été envoyés par les collectifs et associations LHAstsauveur, Exod et UTOPIA56-Lille : aux élus lillois dont Martine Aubry le 1er octobre ; à la MEL, la préfecture, et au Département le 20 novembre, pour demander une mise à l’abri d’urgence. Et la réponse de la préfecture à la Voix du Nord, le 10 décembre, invitant les migrants à solliciter soit les dispositifs nationaux d’hébergement, soit le 115, a fait bondir les bénévoles. « Les exilés vont de camp en camp depuis deux ou trois ans, souligne Orlane pour Utopia. Certaines propositions d’hébergement, quand il y en a, sont loin des lieux où ils ont créé les liens qui leur permettent de survivre, et où beaucoup sont scolarisés. Quant au 115, ils sont surchargés, il y a des critères de vulnérabilité. Il faut plus de structures d’accueil et sans conditions d’accès. »

Au dernier conseil municipal, Faustine Balmelle (Génération.s et Lille Verte) a appelé aussi au relogement des occupants de Saint-Sauveur. Si l’hébergement d’urgence est une compétence de l’État, la ville offre de jouer les intermédiaires avec la préfecture (comme lors du premier confinement – 30 exilés relogés). « Mais pour ça, on a besoin d’une liste nominative, souligne Marie-Christine Staniec, élue à l’hébergement d’urgence. Une liste que les associations ont refusé de fournir dans un premier temps, expliquant que ce n’est pas leur rôle. « Il faut que les associations acceptent de donner les identités », demande Martine Aubry.

Interdiction pour les associations d’aide aux migrants de visiter le local de mise à l’abri à Menton

Frontière italienne : les associations d’aide aux migrants ne pourront pas visiter le local de mise à l’abri à Menton

La préfecture des Alpes-Maritimes a notifié une nouvelle décision de refus le 30 décembre 2020 à l’association sollicitant l’accès à l’espace de mise à l’abri de Menton.

Contrôle de police à la frontière franco-italienne de Menton.
Contrôle de police à la frontière franco-italienne de Menton. • © Bernard Persia

On pourrait presque dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »  C’est en substance la réponse des autorités aux associations qui demandaient un droit de regard sur les conditions sanitaires des migrants au poste-frontière de Menton.

Il s’agit d’un simple local, baptisé « local de mise à l’abri », un Algéco qui permet d’accueillir les migrants suite à un contrôle de la PAF, la Police aux Frontières.

Chaque jour, plusieurs dizaines de migrants sont refoulés à la frontière entre l'Italie et la France. Leurs affaires sont entreposées dans ce local pendant leur audition dans les locaux de la police aux frontières de Menton (Alpes-Maritimes).
Chaque jour, plusieurs dizaines de migrants sont refoulés à la frontière entre l’Italie et la France. Leurs affaires sont entreposées dans ce local pendant leur audition dans les locaux de la police aux frontières de Menton (Alpes-Maritimes). • © Loïc Blache /FTV

Délai dépassé

Depuis 2019, ni les élus, ni les associations ne peuvent entrer dans les locaux où se trouvent les migrants avant leur renvoi en Italie.

Deux associations dénoncent « des conditions d’accueil indignes ». Le 30 novembre dernier, le tribunal administratif de Nice a demandé au préfet de revoir cette interdiction sous 30 jours.

Un délai dépassé.

Voici la réponse de la préfecture des Alpes-Maritimes à France 3 Côte d’Azur sur cette demande d’accès : 

  • une nouvelle décision de refus a été notifiée le 30/12/2020 à l’association sollicitant l’accès à l’espace de mise à l’abri de Menton
  • la nouvelle décision a été prise conformément aux règles fixées par plusieurs décisions du Conseil d’Etat
  • s’agissant d’étrangers qui ne peuvent être considérés comme des étrangers en situation irrégulière au sens de la directive « retour », le droit de l’Union européenne ne saurait servir de fondement juridique à un accès des associations à un local à but humanitaire
  • l’accès aux locaux sollicité ne peut pas non plus reposer sur les dispositions sur l’accès des associations aux lieux de privation ou de restriction de liberté tels que les centres ou locaux de rétention, puisqu’il ne s’agit pas d’un tel lieu
  • sans accéder à ce local de mise à l’abri, les associations peuvent parfaitement poursuivre leurs missions. Elles sont totalement libres de réaliser leurs missions d’assistance humanitaire dans la zone frontalière à proximité immédiate de ces locaux. Les associations peuvent ainsi s’assurer que les personnes entrent et sortent des locaux de la police aux frontières sans qu’elles n’aient été mises à l’abri pour une durée excessive.

« Il n’y a pas de lit, seulement des bancs »

Contacté, Me Zia Oloumi, est avocat bénévole spécialisé dans le droit des étrangers et président de l’Alliance-DEDF qui regroupe des juristes et des praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux. L’assocaition intervient dans les procédures à Nice et à Marseille. Le juriste prend acte de ce nouveau refus qu’il qualifie « d’illégal, sauf à considérer qu’il existe en France un Guantanamo, un no man’s land français. » Il envisage de redéposer un recours.

Les responsables d’association doivent se réunir ce jeudi 7 janvier pour décider d’une stratégie commune. »C’est ridicule comme situation. » Une situation qui dure depuis cinq ans : les personnes contrôlées à la frontière restent dans des préfabriqués, ne peuvent pas en sortir, il n’y a pas de lit, seulement des bancs, des toilettes avec la porte ouverte…. Alors les « détenus » restent debout dans un angle de l’Algéco pour tenter de se reposer.

Il y a des mineurs avec des majeurs… parfois une femme avec des hommes alors que c’est interdit. »

Me Zia Oloumi, avocat en droit de la mobilité internationale et des droits fondamentaux

« Pas accès aux avocats, aux interprètes et aux associations de soutien »

Avant, ce « local » était placé en zone de rétention. Maître Oloumi glisse : « les maisons d’arrêt sont mieux… On marche sur la tête ! »

Le poste à la frontière italienne à Menton :

Selon lui, les associations devraient pouvoir y accéder : « Là-bas, ils n’ont pas accès aux avocats, aux interprètes et aux associations de soutien. Même des demandeurs d’asile en france ont eu leurs papiers confisqués ! (…) On nous dit que c’est pour le terrorisme, alors il devrait y avoir les empreintes, les noms, les photos. »

Mais le juriste prévient : « Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile va changer avec la décision du Conseil d’Etat. Il est très probable que le gouvernement prenne en considération la décision du 27 novembre qui disait que les décisions de refus d’entrée étaient illégales sur la zone des 10 km. »

Une dizaine de plaintes pour violences physiques et détention arbitraire

Par ailleurs, l’avocat va déposer une dizaine de plaintes pour violences physiques et détention arbitraire. Les associations le constatent régulièrement : les personnes sont retenues du soir jusqu’au matin, de 19h à 8 heures du matin, soit pendant plus de 12 heures. Alors que, selon le Conseil d’Etat, c’est 4 heures maximum.

Pour preuve, la plupart du temps, les heures écrites sur les documents de refus d’entrée en France… ne correspondent pas aux heures inscrites sur les documents italiens. « Ce sont des durées de privation de liberté largement supérieures à 4 heures », ajoute maître Oloumi.Il remarque que, malgré la mise en place de brigades mixtes entre la France et l’Italie, le respect des procédures ne s’améliore pas. Autre problème, les migrants mineurs dont les papiers sont confisqués et dont la date de naissance est ‘majorisée’ sur les papiers d’entrée.

L’avocat va aussi demander les rapports de contrôles du poste-frontière de Menton.

Il confie qu’il est toujours très compliqué d’avoir des témoignages de personnes. Difficile aussi d’avoir les identités des policiers qui signent certains papiers avec un numéro.