Réfugiés ukrainiens : l’indignité derrière la solidarité

 
 

Ellen Salvi, 1 mars 2022

« L’hypocrisie, toujours la même. » Cédric Herrou n’a pas caché son écœurement en découvrant le message posté, samedi dernier, par le maire de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes) en solidarité avec la population ukrainienne. « Le même maire qui a fait sa campagne électorale contre l’accueil que nous avions fait pour d’autres populations victimes de guerres. Seule différence, ces populations étaient noires », a réagi l’agriculteur, l’un des symboles de l’aide aux migrants, grâce auquel la valeur constitutionnelle du principe de fraternité a été consacrée en 2018.

Un principe qui se rappelle depuis quelques jours au souvenir de nombreuses personnes qui semblaient l’avoir oublié, trop occupées qu’elles étaient à se faire une place dans un débat public gangréné par le racisme et la xénophobie. Il y a deux semaines, lorsque la guerre russe était un spectre lointain et que la campagne présidentielle s’accrochait aux seules antiennes d’extrême droite, rares étaient celles à souligner que la solidarité n’est pas une insulte et qu’elle ne constitue aucun danger.

Des réfugié·es ukrainien·nes attendent de monter dans un bus au point de contrôle de la frontière moldo-ukrainienne près de Palanca, le 1er mars 2022. © Photo Nikolay Doychinov / AFPLes mêmes qui jonglaient avec les fantasmes du « grand remplacement » et agitaient les questions migratoires au rythme des peurs françaises expliquent aujourd’hui que l’accueil des réfugiés ukrainiens en France est un principe qui ne se discute pas. À l’exception d’Éric Zemmour, dont la nature profonde – au sens caverneux du terme – ne fait plus aucun mystère, la plupart des candidat·es à la présidentielle se sont prononcé·es en faveur de cet accueil, à quelques nuances près sur ses conditions.

Mais parce que le climat politique ne serait pas le même sans ce petit relent nauséabond qui empoisonne toute discussion, des responsables politiques et des éditorialistes se sont fourvoyés dans des explications consternantes, distinguant les réfugiés de l’Est de ceux qui viennent du Sud et du Moyen-Orient. Ceux auxquels ils arrivent à s’identifier et les autres. Ceux qui méritent d’être aidés et les autres. Les bons et les mauvais réfugiés, en somme.

Ainsi a-t-on entendu un éditorialiste de BFMTV expliquer que cette fois-ci, « il y a un geste humanitaire immédiat, évident […] parce que ce sont des Européens de culture » et qu’« on est avec une population qui est très proche, très voisine », quand un autre soulignait qu’« on ne parle pas là de Syriens qui fuient les bombardements du régime syrien [mais] d’Européens qui partent dans leurs voitures qui ressemblent à nos voitures, qui prennent la route et qui essaient de sauver leur vie, quoi! »

C’est pas du racisme, c’est la loi de la proximité.

Olivier Truchot, présentateur des « Grandes Gueules »Dès le 25 février, sur Europe 1,  le député MoDem Jean-Louis Bourlanges, qui n’occupe rien de moins que la présidence de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, avait quant à lui indiqué qu’il fallait « prévoir un flux migratoire ». Mais attention : « ce sera sans doute une immigration de grande qualité », avait-il pris soin de préciser, évoquant « des intellectuels, et pas seulement ». Bref, « une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit ».

Ces propos ont suscité de vives réactions que l’éditorialiste de BFMTV et l’élu centriste  ont balayées avec la mauvaise foi des faux crédules mais vrais politiciens, le premier les renvoyant à « la gauche “wokiste” » – un désormais classique du genre –, le deuxième à « l’extrême gauche » – plus classique encore, éculé même. « Il faut avoir un esprit particulièrement tordu pour y voir une offense à l’égard de quiconque », a ajouté Jean-Louis Bourlanges, aux confins du « on ne peut plus rien dire ».

C’est vrai enfin, s’indignerait-on aux « grandes Gueules », « c’est pas du racisme, c’est la loi de la proximité ». D’ailleurs, le même type de commentaire a fleuri dans des médias étrangers, tels CBS News, Al Jazzeera, la BBC ou The télégraph, comme autant de « sous-entendus orientalistes et racistes » condamnés  par l’Association des journalistes arabes et du Moyen-Orient (Ameja). Preuve, s’il en fallait, que le racisme – pardon, « la loi de proximité » – n’est pas une exception française. Des initiatives qui tranchent singulièrement avec les politiques à l’œuvre depuis des années.

Suivant la directive d’Emmanuel Macron qui a confirmé que « la France prendra sa part » dans l’accueil des réfugiés ukrainiens, le gouvernement multiplie lui aussi les communications depuis quelques jours, le plus souvent par la voix du ministre de l’intérieur. Ces réfugiés sont « sont les bienvenus en France »a ainsi déclaré   Gérald Darmanin lundi, avant d’appeler « tous les élus […] à mettre en place un dispositif d’accueil » et à « remonter, les associations, les lieux d’hébergement au préfet ».

Dans le même élan de solidarité, la SNCF a annoncé que les réfugiés ukrainiens pourraient désormais « circuler gratuitement en France à bord des TGV et Intercités »« Belle initiative de la SNCF mais je rêve d’une solidarité internationale étendue à TOUS les réfugiés, qu’ils fuient la guerre en Ukraine ou des conflits armés en Afrique ou encore au Moyen-Orient. Les réfugiés ont été et sont encore trop souvent refoulés et maltraités », a réagi la présidente d’Amnesty International France, Cécile Coudriou

Car au risque de sombrer dans le « wokisme » – ça ne veut rien dire, mais c’est le propre des appellations fourre-tout –, on ne peut s’empêcher de noter que ces initiatives, plus que nécessaires, tranchent singulièrement avec les politiques à l’œuvre depuis des années au détriment des exilé·es : l’absence de dispositif d’accueil digne de ce nom ; le harcèlement quasi quotidien de la part des forces de l’ordre, qui lacèrent des tentes, s’emparent des quelques biens, empêchent les distributions de nourriture ; le renforcement permanent des mesures répressives…

1 mars 2022

Or comme l’écrivait récemment la sociologue et écrivaine Kaoutar Harchi, « un accueil digne, une aide sans condition, un accès immédiat à des repas, à des soins, à des logements, un soutien psychologique, devraient être accordés à toute personne qui est en France et qui souffre. Mais c’est sans compter le racisme qui distribue l’humanité et l’inhumanité ». C’est bien lui qui se profile aujourd’hui derrière la solidarité retrouvée de certain·es.

Le 16 août 2021, alors que les images d’Afghans s’accrochant au fuselage d’avions pour fuir l’avancée des talibans faisaient le tour du monde, Emmanuel Macron déclarait : « L’Afghanistan aura aussi besoin dans les temps qui viennent de ses forces vives et l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants. » Imagine-t-on cette phrase prononcée dans le contexte actuel ? La réponse est évidemment non. Et son corollaire fait honte.

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« Pressions » sur des juges de l’asile : une association d’avocats porte plainte

Par Nejma Brahim, Mediapart, 1 février 2022

À la suite des révélations de Mediapart concernant des « pressions » exercées sur des juges à la Cour nationale du droit d’asile pour modifier le sens de leur décision, l’association d’avocats Elena France a déposé plainte auprès du procureur de la République de Bobigny, fin décembre dernier, dans l’objectif qu’une enquête soit ouverte.

L’association d’avocats Elena France, dont les membres ont pour habitude de défendre des demandeurs d’asile, a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République de Bobigny le 21 décembre dernier, pour « menace et acte d’intimidation », « faux en écriture publique », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique » et« discrimination ». Parmi les motifs de la plainte, des « pressions exercées sur les magistrats de la CNDA pour influencer leur activité juridictionnelle » et des « modifications apportées sur un rôle de lecture d’une séance publique à la CNDA ».

En 2021, des juges siégeant à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), chargée d’examiner le recours des demandeurs d’asile déboutés en premier lieu par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, confiaient en effet à Mediapart avoir fait l’objet de « pressions » pour modifier le sens de leur décision, y compris lorsque celle-ci avait déjà été actée par les juges de manière collégiale. Des accusations graves, venant entraver l’indépendance pourtant sacrée des magistrats, que nous révélions après plusieurs mois d’enquête en septembre dernier (lire notre article et voir notre reportage vidéo).

Des demandeurs d’asile devant la CNDA, fin septembre 2021. © NB.

Interrogée à plusieurs reprises à ce sujet, la présidente de la Cour, Dominique Kimmerlin, avait alors nié les accusations de pressions ou d’interventions, assurant que « le caractère collégial de la plupart des formations de jugement rend absurde l’hypothèse de pressions extérieures, qui ne sauraient s’exercer de façon uniforme sur trois magistrats issus d’horizons différents ».

Dans la plainte, que Mediapart a pu consulter, Elena France s’appuie sur une majorité des éléments rapportés dans notre enquête concernant la mise en délibéré prolongé de décisions par des responsables de la cour – qui ne doivent en aucun cas interférer dans le délibéré des juges –, des interventions de différents acteurs de la cour pour modifier le sens d’une décision ou la modification unilatérale d’une décision par le magistrat présidant la formation de jugement sans que les autres juges n’en soient informés. Des dysfonctionnements majeurs et inédits, dénoncés pour la première fois publiquement.

Des zones d’ombre concernant une décision modifiée

De manière plus concrète, document à l’appui, Elena France dénonce un changement apporté à une décision concernant quatre demandeurs d’asile afghans en septembre 2021. Sur le document censé être signé par tous les juges de la formation à l’issue du délibéré (afin d’éviter toute modification anormale a posteriori), appelé « rôle de lecture », on peut lire : « annulation CG », pour Convention de Genève et donc statut de réfugié ; puis la mention « PS », pour protection subsidiaire, une protection moins importante que le statut de réfugié. Une modification « sous-entendant que la décision prise initialement par la formation de jugement était l’octroi, au bénéfice des quatre demandeurs concernés, du statut de réfugié », pointe l’association d’avocats dans la plainte.

Et d’ajouter : « Trois semaines plus tard, le rôle de lecture de cette séance publique a été publié sur le site de la CNDA et ne comporte, au titre du sens de la décision, que la mention protection subsidiaire”, entérinant la modification de la décision prise initialement par la formation de jugement. » « Si ce document a été modifié postérieurement à la prise de décision et dans un sens différent, moins protecteur pour le requérantc’est très grave, relève Me Daoud, conseil d’Elena France. S’il y a eu une intervention qui s’est matérialisée par cette modification, on a donc changé une décision de justice. Est-ce un épisode isolé ? Cela ne concerne que les Afghans ? »

Lors de notre enquête, un fait similaire nous avait été rapporté, sans que nous parvenions à l’étayer. « Il peut arriver, très rarement, que les juges changent leur position dans les trois semaines de délibéré. Le problème, c’est que même si on change le sens de la décision, on doit tous re-signer le rôle. Il devrait donc y avoir au moins le paraphe de chacun des juges sur ce document », souligne un juge assesseur à la CNDA sous couvert d’anonymat, pour qui le coup de tampon tapuscrit « PS » n’a « clairement pas été ajouté au cours de l’audience »« Soit les juges étaient au courant et ont oublié de re-signer le rôle, et il s’agit dans ce cas d’un problème procédural, soit il y a eu un changement de décision sans qu’ils soient avertis, ce qui est très grave. »

Le fonctionnement d’une audience à la CNDA. © Simon Toupet / Mediapart

L’avocate des quatre requérants a choisi de confronter l’un des juges à l’origine de cette décision, qui présidait l’audience ce jour-là. Elle affirme que celui-ci n’était « pas clair dans ses propos »« Cela pose plein de questions. Pourquoi le document n’a pas été re-signé ? Quand le coup de tampon a-t-il été apposé, par qui et pourquoi ? Les juges ont-ils décidé d’accorder le statut de réfugié et ont ensuite changé d’avis ? Quand j’en ai parlé au juge, il n’a pas répondu oui. Il s’est étonné de ce coup de tampon et a évoqué une erreur matérielle. »

Contacté, le magistrat dit « s’en souvenir, sans s’en souvenir dans le détail ». Il confirme avoir lui-même été « surpris » par les événements et préfère parler d’un « cafouillage administratif »« Il y a eu un incident que je ne peux expliquer. La CNDA est une grosse machine dont je ne maîtrise pas les rouages », confie le juge vacataire.

« Quand j’ai été alerté de ça, j’ai essayé de savoir si quelqu’un avait bidouillé la décision que nous avions prise à trois ou non. J’ai essayé de m’assurer que la décision finale correspondait bien à la décision de la collégialité. De mémoire, il y a eu une modification [faite] par la formation elle-même. Je pense que les services administratifs ont publié le sens d’une décision qui n’était pas le bon, avec le sens initial et non le sens corrigé conformément aux possibilités juridiques. »

Pourquoi donc le rôle n’a pas été re-signé par les trois juges après la modification apportée ? « Peut-être y a-t-il un autre exemplaire qui circule et qui a été re-signé, interroge le magistrat, avant de nuancer. À ma connaissance, il n’y a qu’un seul rôleIl est signé une fois en bas à l’issue de l’audience, une fois à côté de la modification s’il y en a une. Je ne m’explique pas que circule ce rôle non signé, avec des coups de tampon, alors qu’on n’est pas équipés de tampon encreur en salle d’audience. Mais sil y avait eu un problème grave, mettant en cause les principes avec lesquels je fonctionne, je m’en souviendrais. »

L’un des autres juges ayant participé à l’audience assure ne pas se souvenir de cette affaire. « On délibère sur le siège et la lecture de la décision a lieu trois semaines après. Lorsqu’il y a une modification sur le rôle, ce qui peut arriver, c’est à la suite d’une décision de la formation de jugement et le rôle est re-signé par tous les membres. Je ne vois pas pourquoi celui-ci ne serait pas signé, on ne peut pas décider administrativement de modifier le sens d’une décision qui a été prise par une formation de jugement. Cela relève d’une connaissance des faits que je n’ai pas. »

Des requérants de certaines nationalités privés d’audience

Pour l’avocate des quatre requérants concernés par ce changement de décision, ces « zones d’ombre » n’aident pas à une meilleure compréhension du processus. « La décision est collégiale et doit être prise sur la chaise après notre plaidoirie. Si les juges se posent des questions ensuite, on doit en être informés pour pouvoir y répondre. Et sla décision n’est pas prise par les personnes devant lesquelles on plaide, mais prise dans un système de contrôle des chefs de chambre chargés de relire les décisions, il y a un problème de procès équitable. Ce contrôle remet en cause la réalité du procès tel qu’il se passe. »

Selon nos informations, la CNDA devait faire l’objet, courant janvier 2022, d’une mission de contrôle de la Mission d’inspection des juridictions administratives (Mija) du Conseil d’État, qui a été reportée compte tenu du contexte sanitaire. Prévue de longue date, celle-ci n’aurait pas de lien direct avec nos révélations, mais pourrait s’attarder sur certains éléments de notre enquête.

Autre point soulevé par la plainte, mais déjà régulièrement dénoncé par les avocats de la CNDA : les ordonnances de tri, qui empêchent les demandeurs d’asile de présenter et défendre leur cas en audience devant le juge. Un procédé censé rester exceptionnel et ne concerner que les dossiers manifestement infondés ou « plus évidents », validé par le Conseil d’État. Pour de nombreux avocats, les ordonnances seraient aujourd’hui utilisées « massivement », y compris pour des dossiers qui mériteraient de passer en audience.

Oumayma Selmi, présidente d’Elena France, espère que cette plainte aura l’effet d’un « électrochoc »« On est arrivés au bout d’un système qui ne nous entend pas et n’entend pas la nécessité de garantir l’accès au juge », déplore l’avocate s’agissant des ordonnances.

Et d’affirmer avoir, certaines semaines, des dizaines de dossiers traités de cette manière : « Quanil y a autant d’opacité sur ces produres, et qu’on constate par ailleurs dans nos cabinets que des nationalités ont statistiquement plus de chances de faire l’objet d’une ordonnance (d’où le caractère discriminatoire mis en avant dans la plainte), ça interroge. »

Parmi les nationalités particulièrement touchées par les ordonnances de tri, le Bangladesh, le Pakistan, la Guinée, la Mauritanie, Haïti, l’Albanie, l’Arménie ou encore l’Algérie. « La juridiction considère donc que certains dossiers ne sont pas dignes de passer en audience. Mais l’audience fait vivre un dossier. Comment peut-on penser qu’on peut statuer en matière d’asile sur des éléments écrits, sans avoir vu le requérant, sans lui avoir laissé le temps de verbaliser ses traumatismes ? », souligne Oumayma Selmi.

La plainte, qui ne s’inscrit pas dans une « stratégie de tentative de déstabilisation de la cour ou de sa présidence », insiste Me Daoud, doit permettre l’ouverture d’une enquête. « Elle a pour vocation de faire changer les choses, le plus rapidement possible », conclut-il.

En Lituanie, les migrants toujours gardés sous clé

Libération, par Nelly Didelot, publié le 9 janvier 2022
Crise migratoire à la frontière entre le Bélarus et la Pologne 

Une loi votée en décembre a allongé la durée de rétention, passant à un an, des demandeurs d’asile arrivés dans le pays cet été grâce à la filière migratoire bélarusse et enfermés depuis dans des camps. Une entorse de plus au droit d’asile européen.

La plupart d’entre eux sont arrivés en Lituanie en connaissant à peine le nom du pays. Le petit Etat balte n’était censé être qu’une porte d’entrée vers l’Union européenne, une étape d’un voyage vers l’Allemagne souvent, la France parfois, ou n’importe quel pays sûr plus riche et plus à l’ouest. C’est en tout cas ce qu’avait fait miroiter le régime bélarusse à des milliers d’Irakiens, de Syriens et d’Africains, en créant à l’été une nouvelle filière migratoire vers l’Europe  Mais pour les plus de 4 000 personnes entrées illégalement en Lituanie entre juin et août, le chemin s’est arêté la frontière à peine franchie.  La plupart d’entre eux sont toujours bloqués dans le pays, enfermés dans des centres d’accueil.

Une question les taraude, qui fuse dès le départ de toute discussion : «Quand retrouverons-nous la liberté ?» Pour l’heure, les autorités lituaniennes n’ont pas prévu ce cas de figure. L’étroite alternative offerte aux réfugiés se résume au maintien dans des centres fermés en attendant le traitement de leur demande d’asile, ou au retour vers leur pays d’origine.Pour les convaincre de rentrer volontairement, Vilnius leur a d’abord offert 300 euros avant de tripler la prime le mois dernier. 482 personnes, qui ont souvent payé bien plus pour essayer d’atteindre l’Europe, ont accepté la compensation et un billet d’avion retour. Une cinquantaine d’autres ont été expulsés.

Entrave au droit d’asile

Les 3 166 demandeurs d’asile qui restent dans les camps n’entretiennent que peu d’espoirs d’obtenir une réponse positive. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, seuls 87 «étrangers ayant franchi illégalement la frontière lituano-bélarusse» ont obtenu l’asile alors que 3 189 décisions défavorables ont été rendues. Aucune disposition spécifique n’a été prévue pour les mineurs, qui représentent un quart des arrivées. Depuis l’été, les mesures prises visent surtout à rogner les droits des demandeurs d’asile.  La plus dure a été adoptée au mois d’août. «Depuis, seules les personnes qui ont des documents de voyage en règle peuvent déposer des demandes d’asile aux postes frontière ou à l’ambassade lituanienne à Minsk. Si elles entrent illégalement, on n’enregistrera pas leur demande, sauf exceptionnellement pour des raisons humanitaires, et elles seront refoulées vers le Bélarus. C’est une entrave excessive au droit d’asile», pointe Luka Lesauskaitė, le porte-parole de la Croix rouge lituanienne.

Même le bureau des droits humains de Frontex s’en est inquiété et a demandé que les réfugiés ne soient plus repoussés de l’autre côté de la frontière mais amenés aux postes de douane où ils pourront déposer une demande de protection. «Nous savons que des gens se cachent dans la fôret et n’osent pas appeler à l’aide malgré la neige parce qu’ils craignent d’être renvoyés», explique Frauke Ossig, coordinatrice d’urgence de Médecins sans frontière en Lituanie, où l’ONG a commencé à intervenir cet été. La situation est encore pire en Pologne,  ce qui vient de contraindre MSF à se retirer de la zone frontière faute d’accès aux personnes en danger.

Un an de détention

En Lituanie, une nouvelle loi adoptée en décembre autorise le maintien en détention des demandeurs d’asile pendant un an. Le texte précédent, taillé sur mesure en juillet, prévoyait six mois d’enfermement. Alors que cette période touchait à son terme pour la plupart des personnes concernées, son allongement est tombé comme un coup de massue. «Ils nous tuent psychologiquement. Personne ne supporterait de rester enfermé tout ce temps mais nous, on doit tenir le coup parce que la situation est encore pire de là où on vient», s’indigne une Congolaise enfermée dans un camp de conteneurs construit au début de l’automne à Medininkai.

Ces centres sont surveillés de près par l’armée ou la police et les migrants sont interdits de toute sortie. Beaucoup se plaignent des conditions d’hébergement et certains évoquent des pressions pour les faire signer un accord de retour volontaire. «Le 1er janvier, on nous a distribué de la nourriture moisie. L’eau n’est pas de bonne qualité et parfois nous avons des maux de ventre», affirme Djany, un jeune Congolais détenu dans le camp de Pabradé. Il ne comprend pas cette privation de liberté. «Depuis tout ce temps, j’aurais pu commencer à m’intégrer et à apprendre la langue, chercher un travail et peut-être trouver une copine. La vie aurait continué. Aujourd’hui, plus personne n’a confiance en ce pays.»

Il ne fait que peu de doutes que ce résultat est celui recherché par les autorités lituaniennes, qui ont tout fait pour ne pas devenir un nouveau pays d’immigration. «Avant l’installation des camps à l’automne, des personnes sont restées enfermées pendant des mois dans des postes frontières, sans moyens de communication, sans accès à un traducteur, affirme Frauke Ossig. C’est une violation claire des directives européennes sur le droit d’asile.» L’Union a choisi de la cautionner : en novembre, elle a proposé d’autoriser la Pologne, la Lituanie et la Lettonie à déroger à certaines dispositions du droit d’asile.

Tribune dans Le Monde Migrations : Il faut mettre fin à « la politique qui ne génère que maltraitance et violence », créée par les accords du Touquet

 

Migrations : Il faut mettre fin à « la politique qui ne génère que maltraitance et violence », créée par les accords du Touquet

Tribune, Le Monde, publiée le 4 février 2022

Collectif

Signé il y a dix-neuf ans par Paris et Londres, ce texte fait de la France le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche, dénoncent une trentaine d’ONG dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Depuis plusieurs décennies, des hommes, des femmes et des enfants originaires d’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Est, du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est, toutes et tous en recherche de protection, survivent sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord. La plupart de ces personnes exilées présentes sur nos côtes n’ont qu’un seul objectif : franchir – par tous les moyens – la frontière qui se dresse devant elles et qui les empêche de rejoindre le Royaume-Uni.

Il y a dix-neuf ans, le 4 février 2003, à la suite de la fermeture du centre de Sangatte et dans le prolongement du traité de Canterbury du 12 février 1986, la France et le Royaume-Uni signent le traité du Touquet. La frontière britannique est externalisée sur le sol français moyennant des financements de la Grande-Bretagne. La France devient le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche.

Expulsions, confiscations

Sur les côtes françaises, les autorités mettent en œuvre une politique de lutte contre la présence des personnes exilées et d’invisibilisation de celles-ci. Les maltraitances quotidiennes qu’elle implique sont nombreuses : expulsion de lieux de vie, confiscation d’affaires, maintien à la rue en l’absence de services permettant de couvrir leurs besoins fondamentaux, entrave à l’action des associations, etc.

Cette politique n’est pas seulement indigne et inacceptable, elle est également mortelle : au moins 342 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique depuis 1999, dont 36 en 2021. La poursuite année après année de cette politique inhumaine, la répétition de ces maltraitances et de ces drames pourraient nous pousser au fatalisme. Au contraire, nous agissons pour l’amélioration de la situation, pour le respect des droits et de la vie des personnes en exil.

C’est dans cet esprit que la Plate-forme des soutiens aux migrant·e·s, dont nous sommes membres ou que nous soutenons, a demandé à l’anthropologue Marta Lotto (« On The Border, la vie en transit à la frontière franco-britannique ») et au politologue Pierre Bonnevalle (« Enquête sur trente ans de fabrique politique de la dissuasion : l’Etat français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique. Harceler, expulser, disperser ») d’enquêter, pour l’une, sur les conditions de vie des personnes en transit et, pour l’autre, sur la gestion par les autorités françaises de la présence des personnes exilées à la frontière [présentation des deux rapports le 4 février, à l’université du Littoral-Côte d’Opale (ULCO), à Dunkerque].

Leurs analyses fines nous permettent une compréhension globale de la situation et nous contraignent, nous citoyens, à mettre les autorités face à leurs responsabilités et à leur imposer la mise en œuvre d’une politique alternative.

Aux portes de leur rêve

En effet, Marta Lotto, dans son rapport, nous indique que les raisons pour lesquelles ces personnes sont à Calais (Pas-de-Calais), Grande-Synthe (Nord), Ouistreham (Calvados) ou, pour d’autres, moins nombreuses, à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais), Steenvoorde (Nord) ou Cherbourg (Manche), sont diverses.

Certaines ont commencé leur parcours migratoire avec l’objectif de vivre en Grande-Bretagne ; après un périple de quelques jours ou de plusieurs années, elles se retrouvent bloquées aux portes de leur rêve.

D’autres, au contraire, n’ont jamais imaginé aller en Grande-Bretagne, mais les circonstances de leur parcours les ont conduites aux portes de ce pays, qui est alors devenu le dernier recours face aux rejets auxquels elles ont été confrontées ailleurs en Europe.

Depuis trente ans, sans cesse, parce qu’elles veulent rejoindre leur famille, parce qu’elles sont anglophones ou parce qu’elles nourrissent de vains espoirs d’accéder à une vie meilleure, des personnes tentent de franchir les quelques dizaines de kilomètres qui les séparent de la Grande-Bretagne.

Barbelés et lames de rasoir

En dehors de la parenthèse 2015-2016, quand le tumulte du monde a poussé plus d’un million de personnes vers l’Europe, et une partie d’entre elles vers la Grande-Bretagne, il y a toujours eu entre 1 000 et 3 000 personnes en transit bloquées à la frontière.

Et, pourtant, ce n’est pas faute, pour les autorités françaises et britanniques, d’avoir tenu un discours de fermeté et mis en œuvre une politique de dissuasion. De manière très détaillée, le politologue Pierre Bonnevalle nous révèle que, depuis trente ans, quels que soient les gouvernements, une seule et même politique est menée : rendre les territoires situés sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord aussi inhospitaliers que possible.

Nous avons donc vu pousser des barrières et des barbelés, nous avons appris ce qu’était une « concertina », ces barbelés couplés à des lames de rasoir. Nous avons vu des arbres abattus et des maisons murées. Nous avons aussi appris que mise à l’abri pouvait être synonyme d’expulsions violentes, et que la solidarité pouvait être un délit.

Atteintes toujours plus fortes à la dignité, violation des droits des personnes exilées et destruction de l’attractivité de nos territoires sont les seuls résultats de cette politique. Vient s’ajouter le reniement constant et systématique de nos valeurs, celles qui fondent notre vivre-ensemble. N’est-elle alors que communication ? Une mise en scène pour montrer que l’Etat agit ? Mais qu’est-ce qu’une politique qui ne génère que maltraitance et violence ?

Un dialogue citoyen

Face à ce constat d’un échec flagrant de la politique mise en œuvre à la frontière franco-britannique, face à la violence qu’elle engendre pour les personnes exilées, mais aussi pour toutes celles qui vivent sur ces territoires, nous devons, aujourd’hui, regarder la réalité en face.

Pour que ces personnes vivent dans des conditions dignes, pour que nos territoires ne soient plus constellés de campements et de bidonvilles, pour que nos valeurs soient respectées, le paradigme des politiques publiques mises en œuvre à la frontière doit changer. Ces deux rapports, mais surtout les maltraitances qui s’exercent chaque jour sur notre sol, nous incitent à l’exiger.

Pour obtenir ce changement de modèle, nous devons, ensemble, engager un dialogue citoyen réunissant l’ensemble des forces vives des territoires du littoral de la Manche et de la mer du Nord et imaginer, collectivement, une politique respectueuse des droits de toutes et tous.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à nous rejoindre pour lancer cette dynamique de convention citoyenne à la frontière franco-britannique.

Principaux signataires : Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaire ; Chrystel Chatoux, coprésidente d’Utopia 56 ; François Guennoc, président de l’Auberge des migrants ; Henry Masson, président de la Cimade ; Martine Minne, présidente d’Attac Flandres ; docteure Carine Rolland, présidente de Médecins du monde ; Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH) ; Antoine Sueur, président d’Emmaüs France ; Corinne Torre, chef de mission de la mission France de Médecins sans frontières ; Véronique Devise, présidente du Secours catholique-Caritas France.

Liste complète des signataires : https://archives.psmigrants.org/site/tribune-accords-du-touquet-fevrier-2003-a-fevrier-2022-mettons-fin-a-la-violence-et-a-linhumanite/

En Ile-de-France, des personnes en exil poussées hors de Paris

 

Un an après le démantèlement des principaux camps de la capitale, faute de mise à l’abri, des squats fleurissent en banlieue parisienne dans des bâtiments désaffectés et insalubres, comme à Vitry-sur-Seine ou à Thiais, dans le Val-de-Marne.

Par Pierre Terraz

Publié le 10 décembre 2021

« Dans la rue, un homme m’a proposé de m’héberger si je couchais avec lui. J’ai refusé, j’ai dormi dehors pendant deux mois, puis je suis arrivé ici. » Comme Amadou (les prénoms ont été modifiés), originaire de Côte d’Ivoire, ils seraient plus de 200 migrants à occuper ce squat installé il y a six mois dans des bureaux désaffectés, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).

En juin, une demande d’expulsion avait été prononcée, jamais mise en application faute de projet concret pour le bâtiment, promis à la démolition. Aucune convention d’occupation n’a non plus été signée, mais l’association United Migrants, qui encadre le lieu, espère encore pouvoir le pérenniser après la fin de la trêve hivernale, le 31 mars 2022.

Des squats comme celui-ci, il en fleurit de plus en plus depuis le démantèlement des principaux camps de la capitale, il y a un an. Un phénomène difficile à quantifier, tant il est imperceptible, mais en progression constante, relatent les acteurs de terrain. En France, au moins 177 bâtiments auraient été occupés en 2021, selon le dernier rapport de l’Observatoire des expulsions de lieux de vie  : c’est trois fois plus qu’en 2020.

« Autour de Paris, on comptabilise encore plus de 1 200 migrants éparpillés dans des squats et micro-campements, explique aussi Paul Alauzy, chargé de projets à l’association Médecins du monde. Il y a eu un déplacement de la population : là où on intervient désormais, on retrouve les mêmes individus que dans les anciens camps démantelés de Paris. » Si les tentes ont quasiment disparu du paysage parisien, les exilés, eux, se voient donc contraints de se replier dans les recoins cachés d’Ile-de-France.

Misère invisible

Au cœur de la zone industrielle de Vitry-sur-Seine, il faut pousser une porte en fer derrière un amas d’ordures afin de pénétrer les lieux. Alors qu’il n’y a pas de voisins directs, mis à part des entrepôts, les volets restent pourtant fermés : impossible de se douter que quelqu’un vit ici. « Le but n’est pas d’être excessivement visible », euphémise Romain Prunier, représentant de l’association United Migrants.

Occupés depuis mai par des migrants d’origine africaine, les bureaux ont été reconvertis en chambres. Dans l’une d’elles, une famille de quatre Ivoiriens partage la pièce plongée dans l’obscurité : « Nous sommes en France depuis 2019, mais notre demande d’asile a été déboutée. Notre enfant ne va pas à l’école. J’ai travaillé plusieurs fois au “black”, on m’a arnaqué à chaque fois. Je faisais le ménage dans les bureaux d’une grande entreprise de vin, une connaissance qui a les papiers me faisait travailler sur son contrat, à sa place. Les deux derniers mois, il a arrêté de m’envoyer l’argent », témoigne le père.

Cette impossibilité de s’intégrer légalement, sans papiers, semble n’être qu’une composante de la précarité des occupants du lieu. Dans une chambre où vivent huit Soudanais, demandeurs d’asile, le plus jeune manifeste sa difficulté à apprendre la langue : « Je suis en France depuis cinq ans, mais je ne trouve pas de bon professeur de français. »

Ce qui fait l’unanimité, surtout, reste la difficulté à trouver un toit correct. Une mère de famille algérienne, dépourvue de titre de séjour, explique : « Le 115 ne marche pas ! On nous donne des adresses très loin de Paris, à plus d’une heure de transports en commun. Je n’ai pas de téléphone, pas Internet… je ne sais pas comment y aller. Je me rappelle une fois où j’étais perdue, à 2 heures du matin, avec ma petite fille dans la poussette. » Jean, un Congolais de 35 ans, ajoute : « Pour les hommes seuls, c’est très compliqué. On te met deux ou trois jours quelque part, puis tu dois partir. Parfois, tu tombes dans des centres où il y a des bagarres. Ici, plus personne ne fait appel au 115. »

Si l’habitat en squat semble permettre un meilleur ancrage territorial et une certaine stabilité, l’isolement communautaire qui en découle détache aussi ses occupants, qui ne font plus confiance aux institutions, du droit commun.

Pour Kerill Theurillat, coordinateur de Utopia 56  à Paris, l’émergence de ce type d’occupation n’a rien d’un hasard, outre la saturation des dispositifs d’accueil (l’Ile-de-France comptabilise 46 % de la demande d’asile, pour seulement 19 % des places d’hébergement). « C’est aussi une manière d’invisibiliser les gens. Les seules fois où ils ne sont pas délogés, c’est quand ils sont dans des squats ou que les camps sont installés sous des ponts, loin des riverains. Pour moi, c’est une politique délibérée », assure-t-il.

Conflits de voisinage

A Thiais, ville aisée du Val-de-Marne, l’ambiance est plus électrique dans le voisinage. En octobre, 228 migrants de tous statuts (sans-papiers, demandeurs d’asile, déboutés…) se sont mis à y occuper une résidence désaffectée, au cœur d’un quartier pavillonnaire.

Depuis, le squat, également encadré par United Migrants, attise la colère des riverains. « J’habite ici depuis 1973. Ils ont débarqué une nuit, et depuis, on n’est plus tranquilles. Le bâtiment n’est pas aux normes de sécurité incendie. Imaginez qu’il prenne feu, notre maison aussi partira en fumée », s’inquiète une dame vivant dans une habitation mitoyenne. Une voisine tempère : « C’est surtout le fait que ce ne soit pas encadré par les pouvoirs publics qui me gêne… Si ça continue comme ça, on va finir à 500 personnes ! Il n’y a eu aucun problème majeur pour le moment, mais j’ai peur pour l’avenir. »

Certains avancent leurs théories. « La préfecture de police a refusé d’intervenir dans les quarante-huit heures, délai légal pour une expulsion immédiate, et le maire de Thiais ne peut rien faire car le bâtiment appartient à la Ville de Paris. En désaffectant le bâtiment, ils n’ont barricadé que trois fenêtres, et une semaine avant l’arrivée des migrants, du personnel est venu faire le ménage. Certaines personnes avec des postes à responsabilité nous ont dit qu’il était fort probable que ce soit organisé : Paris se débarrasse de ses campements pour les JO [Jeux olympiques] de 2024 », assure un riverain.

Face à ces inquiétudes, le maire (Les Républicains) de Thiais, Richard Dell’Agnola, voudrait déplacer les occupants au plus vite. Problème : l’ancienne résidence pour personnes âgées appartient effectivement à la Ville de Paris, qui ignore jusqu’ici les revendications de l’élu.

La municipalité parisienne, elle, défend le bon état du bâtiment, qui ne justifie pas une expulsion alors que la trêve hivernale a commencé, mais un rapport commandé par Richard Dell’Agnola conclut une note de 5/18 en matière de sécurité. Electricité défaillante, risque d’incendie, présence d’amiante, extrême surpopulation… Certains occupants dorment dans les sous-sols, sans fenêtre ni aération. « Légalement, le problème sécuritaire prédomine et annule la trêve hivernale », proteste le maire de Thiais.

Un « problème de responsabilité politique »

L’association United Migrants a pu rencontrer Léa Filoche, adjointe à la Mairie de Paris chargée des solidarités, de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion. Paris aurait-il avantage à installer les migrants dans ce squat plutôt que de les reloger de manière conventionnelle ? L’adjointe proteste et souligne la responsabilité de l’Etat dans l’hébergement des sans-abri : « La doctrine de Paris est simplement de ne pas évacuer tant que nous n’avons pas de solution de remise à l’abri. Contrairement aux manières du préfet de police, Didier Lallement,   qui pousse volontiers les campements en dehors de la capitale ou les planque dans des tunnels aux conditions de salubrité affreuses, sous le périphérique. Laisser ces gens à la rue, c’est le choix de l’Etat, pas celui de la Ville de Paris. » Si la Mairie de Paris ne compte pas déplacer les squatteurs, elle a quand même déposé plainte contre l’occupation : un moyen de se protéger en cas d’incident à l’intérieur de son bâtiment.

La préfecture d’Ile-de-France, elle, n’a pas souhaité réagir, et refuse de communiquer le nombre de migrants à la rue qu’elle recense en région parisienne. Mais elle se félicite de la mise en place des « orientations régionales », un programme visant à proposer des hébergements en régions afin de désengorger la capitale. « Depuis l’entrée en vigueur de ce nouveau schéma d’accueil, le 1er janvier 2021, 13 822 orientations régionales ont été réalisées. Il s’agit d’un effort sans précédent de prise en charge », se réjouit l’un de ses représentants.

Reste à voir la mise en pratique : en septembre, 670 migrants évacués d’un camp parisien étaient déplacés en bus hors de la capitale, sans être informés de leur destination. Certains ont fini en centre de rétention.

Richard Dell’Agnola dénonce un « problème de responsabilité politique qui fait subir le problème à la banlieue ». Pour Kerill Theurillat, d’Utopia 56, ce phénomène révèle plus largement un problème structurel dans l’accueil des réfugiés en France : « Le naufrage qui a eu lieu à Calais [Pas-de-Calais], on en trouve les causes ici. Les gens ne poursuivent pas un “rêve anglais”… Après des mois sans solution, ils fuient tout simplement les conditions de vie en France. Des drames, je suis sûr qu’il va en y avoir d’autres. » Selon l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, 91 % des expulsions effectuées entre novembre 2020 et octobre 2021 n’ont fait l’objet d’aucune mise à l’abri, ou d’une mise à l’abri partielle.

Pierre Terraz

 

Sangatte: 12 caméras de vidéoprotection pour surveiller la plage

Sangatte: 12 caméras de vidéoprotection pour surveiller la plage

Des caméras de videoprotection  vont faire leur apparition, le long de la côte à Sangatte,  afin de prévenir les traversées de la Manche par les migrants en small boats. Ces caméras seront au nombre de douze, a précisé le maire Guy Allemand lors du conseil municipal de mardi soir : une à la rotonde, deux à l’aire des Mouettes (entrée et sortie), deux au niveau du camping du Fort-Lapin, deux aux Salines face aux accès à la plage, trois le long de la digue Camin (à l’entrée, à la sortie et au niveau de la Digue royale) et deux rue Jean-Mermoz, face à la descenderie.

Le conseil municipal en a acté le principe, considérant que « de nombreux véhicules circulent le long du littoral en transportant un nombre important de personnes migrantes, en dehors de toute règle élémentaire de sécurité, y compris de jeunes enfants et que cela constitue un risque avéré pour les personnes transportées et les autres usagers de la route ». La délibération insiste sur « l’augmentation constante des dépôts de matériaux et autres objets en bordure de plage et sur les plages », ainsi que sur « l’insécurité que créent les phénomènes de vols de moteurs à bateaux ou les risques de cambriolages ».

Les crédits avancés par les Britanniques

Les images seront centralisées à Arras. C’est la commune qui paiera les factures « étant entendu que ces crédits seront avancés par les autorités britanniques sur présentation des factures correspondantes et avant leur engagement par la commune », dit la délibération. Ces fonds font partie des 62,7 millions promis sur la frontière par le Royaume-Uni l’an passé.

« Il n’y a aucune raison de refuser ce projet, a estimé le maire Guy Allemand. Il servira à la surveillance du littoral pour arrêter les réseaux de passeurs, et à la commune en cas d’événements malheureux sur le territoire. » Quatre élus de la majorité se sont abstenus.

Au Kurdistan irakien, les rêves d’ailleurs d’une jeunesse désespérée [Le Monde, 28.12.2021]

https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/28/au-kurdistan-irakien-les-reves-d-ailleurs-d-une-jeunesse-desesperee_6107465_3210.html

Au Kurdistan irakien, les rêves d’ailleurs d’une jeunesse désespérée

Ranya, le 11 décembre 2021. Voici Faryad, étudiant. Après ses études, il souhaite partir en Europe. Il sait qu'il ne trouvera pas de travail s'il ne rejoint pas de partie politique.LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

Par  Ghazal Golshiri  (Halabja et Rania, Irak, envoyée spéciale)Publié le 28 décembre 2021

Reportage

Sans avenir, les candidats à l’exil quittent en nombre cette région autonome située dans le nord-est de l’Irak et tentent de gagner l’Europe, souvent au péril de leur vie.

Sur le profil Instagram de Muhammed Fatah Muhammed, une phrase est écrite en anglais : « Des jours meilleurs vont arriver. » Loin, sans doute, du centre-ville de Halabja, ville kurde dans le nord-est de l’Irak, où ce jeune homme de 23 ans au regard doux, le visage fin et barbu, travaille dans un petit restaurant. « De 5 heures du matin jusqu’à 15 h 30, précise-t-il. Et, au mieux, je gagne 6 euros par jour. » Aujourd’hui, comme de nombreux autres jeunes, Muhammed n’a qu’un rêve : quitter le Kurdistan d’Irak pour l’Europe, où vit déjà « une centaine »de ses amis et connaissances. Chaque jour, d’autres continuent de partir, souvent au péril de leur vie. Des milliers de migrants bloqués à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne étaient originaires de cette même région autonome du nord de l’Irak. Le 26 décembre encore, les corps de seize migrants kurdes, noyés dans la Manche un mois plus tôt, alors qu’ils cherchaient à joindre l’Angleterre, ont été rapatriés à Erbil.

Parmi les amis de Muhammed, beaucoup ont emprunté les routes de l’exil. « Au Royaume-Uni, il y en a un qui travaille aujourd’hui comme coiffeur. Il a réussi à acheter une maison pour ses parents ici à Halabja. Il a aussi payé pour le mariage de son frère. Je voudrais faire pareil ! », glisse le jeune Kurde.

Muhammed sait pourtant à quel point le chemin est semé d’embûches. En 2016, un bateau de migrants traversant la mer pour arriver en Italie depuis la Grèce a coulé, tuant dix-neuf membres de sa famille, du côté de sa mère. « Seule la tante de ma mère est restée en vie. Elle est partie ensuite aux Pays-Bas avant de retourner ici, où elle est morte il y a peu de temps »,explique le jeune homme. En 2018 déjà, lui-même a tenté sa chance. Quarante jours de route, 4 300 dollars dépensés (3 800 euros) de ses économies pour payer les passeurs, plusieurs pays traversés et une mer franchie, avant qu’il ne se retrouve enfin à Thessalonique, en Grèce.

A trois reprises, Muhammed a ensuite tenté une nouvelle traversée pour l’Italie. La dernière fois, dit-il, la police l’a arrêté après l’avoir tabassé. Le jeune Kurde a alors décidé de faire demi-tour. « Mais je vais refaire le même chemin, peut-être d’ici au printemps. Je veux aller dans n’importe quel pays, pour me débarrasser du Kurdistan, me sauver d’ici. La vie est dure. Il n’y a pas de boulot. Je vendrai la voiture que je viens d’acheter », assure-t-il.

Crise sans issue

Selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies (ONU), le taux de chômage, pour les Kurdes âgés de 15 à 29 ans, est de 24 % pour les hommes et de 69 % pour les femmes. Dans cette région, la croissance économique est loin de suivre le rythme de la croissance démographique. Chaque année, pour absorber l’arrivée de jeunes sur le marché du travail, il faudrait quelque 50 000 emplois nouveaux dans la région, estime l’ONU.

Le père de Muhammed, employé gouvernemental dans le Bureau des retraités, gagne à peine assez pour subvenir aux besoins de ses quatre enfants. Muhammed voudrait bien se marier, mais il n’en a pas les moyens. Pour lui, comme pour la grande majorité des jeunes Kurdes, l’espoir d’être embauché par le gouvernement s’est éteint.

Depuis 2014, à cause de la crise économique inédite, tous les recrutements ont été gelés au Kurdistan d’Irak, contrairement à ce qui se pratiquait massivement pendant des années. La région compte près d’un million de fonctionnaires, pour une population de 6 millions d’habitants. Cette année-là, le prix du baril du pétrole, principale ressource d’Erbil, a drastiquement baissé, passant de 100 dollars à 30 dollars. L’organisation Etat islamique a surgi en Irak et en Syrie, mettant sous pression les autorités kurdes. Surtout, l’année 2014 a mis fin à la bulle économique créée avec l’arrivée des aides internationales après la chute de Saddam Hussein en 2003 et les milliards de dollars versés par le gouvernement central, plongeant le gouvernement du Kurdistan d’Irak dans une crise sans issue.

Si, aujourd’hui, Muhammed songe à partir, c’est aussi parce que les plaies infligées par le passé à la population sont loin d’être guéries. Le jeune homme et sa famille se rendent tous les ans, le 16 mars, au cimetière de Halabja, où les pierres blanches portent le nom des Kurdes tués à l’arme chimique par le régime de Saddam Hussein, en 1988. Quatorze membres de la famille de Muhammed, du côté de son père, ont péri lors de ce massacre, qui a, en quelques heures, provoqué la mort de quelque 5 000 civils – en majorité des femmes et des enfants – et fait des milliers de blessés et d’invalides. C’était la fin de la guerre Iran-Irak (1980-1988). La région frontalière de Halabja était brièvement passée sous contrôle iranien, avec l’aide des combattants kurdes. Saddam Hussein s’est vengé en bombardant leur territoire avec un mélange de gaz de moutarde, de tabun et de sarin.

« Nous sommes ignorés »

En cette fin de journée glaciale du mois de décembre, Muhammed Fatah Muhammed déambule dans le cimetière et montre du doigt des pierres. « Ça, c’est ma tante, Perwim Muhammed Qader, et son mari, Bahman Kaka Abdulrahman, explique-t-il. Leurs enfants sont aujourd’hui en Angleterre. » Encore plus loin, plus de pierres, plus de noms, dont celui de deux autres tantes, leurs maris et leurs enfants. « Après l’attaque, personne n’est venu dans la ville pendant un mois. Les morts ont été laissés par terre. Je n’étais pas né, mais j’ai entendu dire que les cadavres se transformaient en poudre comme ça »,poursuit le jeune homme en écrasant entre ses doigts une feuille d’arbre séchée.

L’un de ses oncles, Jalal Hussein, a survécu, mais, touché par un éclat à la colonne vertébrale, il ne peut plus bouger sa jambe droite. Assis sur un lit, cet homme écorche ses mots, ses poumons ayant été gravement touchés lors de l’attaque chimique. « Cela fait trente-quatre ans que mon frère vit avec moi, mais l’Etat n’a rien fait pour lui. Il n’y a eu aucune compensation, aucune aide pour ses opérations,regrette l’un des frères de Jalal Hussein, Ruzigar. On n’a plus d’argent pour s’occuper de lui. Depuis quelque temps, il n’arrive pas à contrôler sa vessie. » 

Ancien peshmerga (combattant kurde), Ruzigar s’est battu à Kirkouk lors de l’insurrection irakienne de 1991 contre le régime baasiste de Saddam Hussein, après l’échec de ce dernier dans la guerre du Golfe. La révolte a été matée en un mois par l’armée irakienne. Dans ces combats, Ruzigar a perdu des amis. « On s’est sacrifiés pour nos dirigeants, mais ils ne travaillent pas pour nous, parce qu’ils sont corrompus. Tous des voleurs »,s’emporte-t-il. L’homme, à la retraite depuis quelques années, fait référence aux anciens chefs de la résistance qui ont pris le pouvoir en se substituant au régime de Saddam Hussein au Kurdistan et qui se sont, depuis, considérablement enrichis, aux dépens de la majorité de la population.

La ville de Halabja, utilisée sans cesse par les autorités comme un symbole du martyre kurde, est, elle aussi, « laissée pour compte », disent les habitants. « Tout le monde connaît les Kurdes d’Irak avec ce qui s’est passé ici,explique Shilir, une des sœurs de Ruzigar, une survivante elle aussi de l’attaque chimique de 1988. Et encore aujourd’hui de nombreuses maisons sont en ruine et les services publics demeurent très défaillants. » Dans cette ville de 200 000 habitants, l’eau ne coule que six ou sept heures par jour. Pareil pour l’électricité. « Nous sommes ignorés, poursuit Ruzigar. Si ça ne dépendait que de moi, je dirais que les jeunes doivent tous partir. Cela me rendrait très heureux que Muhammed s’en aille. Peut-être que, comme ça, on pourra emmener Jalal Hussein dans un pays européen et le faire opérer. »

A 70 kilomètres de Halabja, dans l’université publique de la ville de Sharazur, l’enseignant en anglais Hamid Mustafa est entouré des étudiants qui veulent, pour la grande majorité, eux aussi quitter le Kurdistan d’Irak. « Je les comprends. Ici, le chômage est très élevé. La mauvaise gestion est un vrai fardeau. Et l’instabilité règne », explique cet homme de 37 ans, aux cheveux et à la barbe déjà poivre et sel. Son salaire, comme celui de tous les fonctionnaires, a connu des réductions depuis 2017, à cause de la crise économique. « Parfois, pendant des mois, on ne touchait rien du tout, soutient-il. Ici, le système politique appartient à deux clans, les Barzani [à la tête du Parti socialiste du Kurdistan, PSK] et les Talabani [Union patriotique du Kurdistan (UPK), dirigée par Jalal Talabani (1933-2017)]. Ils embauchent qui ils veulent. Même le secteur privé leur appartient. Si tu ne les satisfais pas, tu restes dans les marges. »

L’un de ses étudiants, Shwana Karim, qui se spécialise en langue kurde, fait partie des rares jeunes confiants : « J’ai des contacts. Mes cousins occupent des postes haut placés au sein du parti UPK », assure le jeune homme barbu, assis sur un banc dans la cour de l’université. Son ami Muhammed Zebir n’a pas cette « chance »« Je n’ai pas de connexions. Si je ne trouve pas d’emploi correspondant à mes études, je partirai. » Dans sa ville natale, Rania, à deux heures d’Erbil, nombreux sont ses amis et ses cousins qui ont déjà pris le chemin de l’exil. La plupart vivent aujourd’hui en Angleterre. Muhammed Zebir aussi a voulu leur emboîter le pas, il y a quelques mois, mais ses parents s’y sont opposés. « Dans notre région, Rania, le chômage est très élevé. Les dirigeants la négligent. La situation est meilleure dans les grandes villes comme Erbil et Souleimaniyé. Pas chez nous. »

Comme tous ses amis, il est au courant d’une récente affaire impliquant le premier ministre du Kurdistan irakien, Masrour Barzani. Selon une enquête du magazine The American Prospect,M. Barzani posséderait un immeuble de 18,3 millions de dollars (plus de 16 millions d’euros) aux Etats-Unis. « Je crois cette histoire. Pourquoi pas ? Ils [les dirigeants] ont volé beaucoup d’argent. Pour eux, 18 millions de dollars, c’est rien du tout », dit le Kurde de 19 ans, au physique frêle.

« La classe moyenne disparaît »

Pour Mera Jasm Bakr, chercheur non résident au centre de réflexion de la Fondation allemande Konrad Adenauer, la frustration chez les jeunes Kurdes est à son comble. « Ils voient quotidiennement une classe, proche des leaders, qui s’enrichit. Ce sont aussi les fils des dirigeants, comme une dynastie, qui profitent politiquement et financièrement du système. Et cela est vécu par les jeunes comme une absence de méritocratie dans le pays. La classe moyenne, elle, est en train de disparaître. »

A l’université de Sharazur, même le naufrage du 24 novembre ne semble guère altérer la décision des jeunes de partir. « Je sais que le voyage présente des risques. Mais hors de question que je reste ici », soutient Muhammed Zebir.

A Rania, à trois heures de route de Halabja, dans l’un des seuls parcs de la ville, Faryad Rahman compte deux amis d’enfance déjà installés au Royaume-Uni. Lui-même affirme bientôt vouloir tenter sa chance. Diplômé en informatique, le jeune homme de 23 ans cherche un emploi depuis un an et demi. Il n’appartient à aucun parti politique, ce qu’il juge nécessaire pour trouver un travail. « Ici, pour réussir, tu dois être jaune [couleur du PSK] ou vert [couleur d’UPK], soutient-il. Ces partis demandent beaucoup de choses : tu dois assister à leurs conférences, publier des posts sur Facebook et ailleurs, en soutien au parti et pour démontrer ta loyauté, pour qu’ils te proposent enfin un travail. »

Bijan Hussein Aziz chez lui à Erbil, au Kurdistan irakien, le 16 décembre 2021. Il est déjà allé avec sa famille en France. Il a retenté sa chance seul mais a été bloqué en Biélorussie et souhaite repartir, car il se sent menacé ici.Le jeune homme a participé à une manifestation en 2014 à Rania pour réclamer que la construction d’une route menant à sa ville soit terminée. La police est intervenue et plusieurs participants ont été blessés. « J’ai arrêté de manifester, parce que mes amis dans les partis politiques m’ont dit que des gens appartenant aux partis infiltrent les contestataires et jettent des pierres pour donner un prétexte aux policiers de nous tirer dessus. C’est pour cela que je n’y vais plus. » Le jeune homme a réfléchi à ce qu’il dirait, une fois arrivé au Royaume-Uni. Il compte se présenter comme citoyen iranien. « Je dirai que ma vie en tant que Kurde en Iran est en danger, glisse-t-il. Comme ça, j’aurai plus de chances d’obtenir l’asile politique. »