Conférence-débat avec Karen Akoka: compte-rendu

Migrant.e.s économiques ou réfugié.e.s politiques

Faut-il trier les indésirables ?

Conférence-débat avec Karen Akoka

Organisée par la PSM, à Grande-Synthe, le 27 Janvier 2017

Compte-rendu par Martine Devries

 

La réponse était non, bien sûr, et Karen Akoka a développé ses arguments de manière convaincante, vivante et humoristique. Ces arguments venaient de son travail de chercheuse, car le sujet de sa thèse de science politique était : « La fabrique du réfugié à l’OFPRA ». Travail entrepris à la suite d’une expérience en tant qu’agente du Haut-Commissariat aux Réfugiés, expérience qui l’avait mise devant des contradictions insupportables.

La distinction entre réfugié.e et migrant.e est structurante pour l’administration, et elle l’est devenue également pour l’opinion publique.

Dans cette optique, les réfugié.e.s serait « obligé.e.s » de fuir leur pays, pour des raisons politiques, et la France, ayant signé la convention de Genève, serait « obligée » de leur accorder le droit d’asile, sans considération politique. Et, toujours dans cette optique, les migrant.e.s « économiques » auraient choisi de partir, et la France aurait le choix de les accepter ou non, pour des raisons politiques.  Il y a déjà un paradoxe.

Le travail de l’agent.e de l’OFPRA, — décider d’accorder ou non l’asile –, est figuré comme s’il y avait une essence qui caractérisait à coup sûr la personne réfugiée, comme si il y avait une vérité à découvrir. Comme si dans le monde, les choses étaient noires ou blanches, et jamais grises, ne parlons pas de couleur !

Cela pose deux questions :

-Est-ce possible de trier ? Est-ce que on en connaît assez sur la vie, sur les conditions de cette vie dans les pays d’origine ? Est-ce qu’on peut se rendre compte…pour juger?

-Est-ce que c’est juste de protéger les un.e.s et de renvoyer les autres ?

Quand la question de la vérité ne se pose plus, cette question-là surgit, et elle est très gênante. Serait-il légitime de sauver les personnes de la guerre et de laisser mourir de faim les autres, après un séisme, par exemple, ou l’accaparement de leur terre ?

 

Voyons la question avec l’éclairage de l’Histoire. Celle-ci nous apprend que ces questions n’ont pas été traitées de la même manière au cours du temps. C’est une manière de questionner ce qui est accepté aujourd’hui, comme une évidence.

Le choix des définitions :

La définition de la personne réfugiée a subi des changements, et à chaque fois,  cela correspondait à une utilisation politique. Il faut également être attentif à celles et ceux qui n’étaient pas considéré.e.s comme réfugié.e.s, et qui obtenaient néanmoins un titre de séjour.

Le terme « réfugié.e » au XVIème et XVIIème siècle est admis pour les protestant.e.s, de manière à les valoriser, car ces personnes fuyaient les persécutions religieuses. Des populations juives et arabes fuyaient aussi des persécutions, mais elles n’ont pas été qualifiées du même terme.

Au XXème siècle, « les russes », en tant que groupe, sont accepté.e.s comme réfugié.e.s. Car ce groupe fuit les persécutions du communisme. Nul besoin d’être persécuté.e personnellement, il suffit de faire partie du groupe. Dans la même période, les « espagnol.e.s » et les « portugais.es » qui fuient les régimes fascistes de Franco et de Salazar ne sont pas étiqueté.e.s réfugié.e.s. Car la France maintient des relations avec ces régimes, et ces groupes sont accueillis comme « émigrés ».  A cause du  terme « persécution » qui figure dans la convention de Genève, admettre quelqu’un.e à ce titre comporte un enjeu politique : la critique du régime du pays que ces personnes fuient.

En 1951, il y a dans le monde deux blocs : le Bloc socialiste et l’Occident. Il y aurait deux motifs envisageables pour accorder l’asile : au titre du droit socio-économique, pour les victimes d’inégalités. Ou au titre de victime de violences, pour défendre les libertés politiques. C’est le second qui a été choisi, donnant plus d’importance aux droits civiques qu’aux droits socio-économiques, et également plus  d’importance aux droits de l’individu qu’aux droits collectifs. Si le choix avait été différent, ce serait maintenant la personne qui fuit la faim et la misère qui serait le « bon » réfugié, et celle en dissidence politique qui serait à renvoyer.

Comment sont appliquées les définitions au fil du temps ?

Entre 1950 et 1970, on parle de « candidat.e.s », et non de « demandeuses ou demandeurs d’asile ». Les personnes venant de pays sous domination communiste et candidates à l’asile étaient la preuve vivante de la décrédibilisation du régime communiste, et c’était une période de plein emploi. Elles étaient acceptées sans difficulté. En 1956, lors du soulèvement de Budapest, c’est un accueil enthousiaste et spectaculaire qui est fait aux personnes venant de Hongrie. Le gouvernement français de l’époque était farouchement anti-communiste. Et cet événement, très médiatisé, permettait aussi de ne pas voir le désastre ridicule de Panama, enjeu politique évident pour le régime.

A l’arrivée des « boat-people » venant du Viet-Nam, du Laos, et de Birmanie, pays de régime communiste, les personnes ont été reconnues comme réfugiées, sans entretien individuel. Les CADA ont été créés à cette période. L’accord était quasi automatique, et les archives montrent que celles et ceux qui ont été accueilli.e.s en France l’ont été sur des critères d’adaptabilité : maîtrise de la langue, qualification, services rendus à la France ; et pas sur des critères de persécution.

L’immigration « de travail » avait été suspendue en France en 1973. Elle avait été alimentée essentiellement par des gens venant du Maghreb. Ces travailleuses et travailleurs, progressivement, étaient devenu.e.s une main d’œuvre moins docile, plus sensible aux syndicats. Il restait des besoins de main d’œuvre. Ils ont été remplis par ces « boat people », réputé.e.s plus dociles, et venu.e.s à titre de réfugié.e.s. Pourquoi ? Pour dénoncer les régimes communistes, pour ne pas remettre en cause l’arrêt de l’immigration de travail : ce sont des enjeux de politique intérieure. Pendant cette période, les espagnol.e.s, portugais.es, et yougoslaves bénéficiaient de moins de tolérance. Toujours pour des raisons de politique, extérieure cette fois.

Donc, la catégorie « réfugié.e » est flexible. Il y a du jeu possible, de la confusion même. Or, du point de vue de l’exilé.e, le statut de  réfugié.e est un statut contraignant. Il n’y a pas de retour possible au pays, la rupture est totale.  Le statut de migrant.e est moins radical et conviendrait mieux à certain.e.s.

Dans les années 80, le contraste est grand entre le traitement des exilé.e.s asiatiques, reconnu.e.s réfugié.e.s sans difficulté, (on étouffe même certaines fraudes) et les personnes venant du Zaïre : pour celles-là, la suspicion préfigure celle qui règne actuellement. Pourquoi cette évolution ? C’est la fin de la guerre froide, plus personne n’est intéressé à décrédibiliser les régimes communistes.  La période est maintenant loin de la décolonisation, et les relations avec les anciennes colonies sont recherchées, pour favoriser les échanges commerciaux.

De même, dans les années 90, l’entrée des Kurdes devient difficile : ce n’est pourtant pas la situation en Turquie qui a changé, ce sont les relations de la France avec la Turquie !

 

Regarder l’évolution historique éclaire ainsi le présent : de 20% de refoulé.e.s et 80% de statut de réfugié.e accordé par l’OFPRA, on est passé à la proportion inverse. Ce n’est pas parce que l’OFPRA aurait perdu son « indépendance ». En fait, elle ne l’a jamais eue. Les critères ont changé, voilà tout ! Avant, les critères diplomatiques étaient prépondérants, actuellement ce sont les nécessités de la politique intérieure. Il s’agit, devant l’opinion publique, de « gérer les flux migratoires ». Parce que la période est une période de crise économique, et que c’est facile et commode de désigner l’exilé.e comme bouc émissaire. Ce n’est pas que les agent.e.s de l’OFPRA soient devenu.e.s xénophobes. C’est que ces personnes sont formées à chercher « le vrai dissident », « le bon réfugié », introuvables. Les motivations des personnes sont, par définition, personnelles et mêlent, la plupart du temps, des raisons politiques, ou religieuses, mais aussi professionnelles, affectives, d’évènements de vie, de goût pour l’ailleurs…

Ce que nous apprend cette recherche historique, c’est  que le critère entre exilé.e accepté.e et indésirable n’est pas une vérité objective et éternelle. C’est aussi que ce n’est pas une question de nombre, c’est une question de volonté politique. Et cela conforte l’idée qu’il ne peut pas y avoir de politique de l’asile  sans une politique ouverte de l’immigration dans son ensemble. Celles et ceux qui pensent en protéger au moins quelques-un.e.s en se consacrant aux personnes ayant demandé l’asile exclusivement se trompent : le nombre des un.e.s et des autres baisse ensemble.

C’est stupéfiant de constater le fossé entre les résultats d’une telle recherche, historique et sociologique, et d’autres qui convergent, et les décisions administratives qui sont prises.

En conclusion : ne nous laissons pas abuser par de fausses oppositions : migration économique en opposition à l’asile politique, migration individuelle  en opposition à la  migration collective, départ volontaire en opposition au départ forcé.

 

Journal des jungles n°7 – la suite

 

Ils avaient participé à la rédaction du Journal des Jungles n° 7.

6 mois après, ils l’ont lu et racontent ce qu’ils sont devenus.

 

Mahamoud, Mohammed et Jobeni vivaient dehors, dans le parc des Olieux, à Lille.

Mahamoud

A ce jour ma minorité n’a toujours pas été reconnue. Le problème de mes papiers soi disant faux est arrivé au Ministère des affaires étrangères qui vient de décider qu’ils ne le sont pas. Mais j’aurai 18 ans dans un mois. J’ai perdu un an. Est ce que je  peux porter plainte ?

Je dors chez un ami. L’important c’est  d’aller à l’école. Je suis une formation de comptabilité et gestion.

Je suis content de voir ce journal et d’y avoir participé. C’est une trace. Aujourd’hui, il n’y a plus rien au square des Olieux.

Je vais le garder. Ça fait partie de ma vie : les photos , les amis rencontrés que je  ne reverrai plus.

Mohamed

Je vais à l’école, je suis en bac pro ‘système numérique’. Je vais faire un stage au Fresnoy, lieu de diffusion et de  productions artistiques, audiovisuelles et multimédia. Moi ce que m’intéresse c’est le cinéma d’animation.

Je suis hébergé dans une famille qui m’aide beaucoup, pour mes devoirs par exemple. Cette famille est d’accord pour que je reste chez elle même lorsque je pourrai aller en foyer. J’ai beaucoup de chance d’avoir des personnes qui m’encouragent.

Mon seul problème : ma minorité n’est toujours pas reconnue.

Les difficultés ne sont pas faites pour détruire la vie mais pour te l’enseigner.

Aujourd’hui, je peux dire Dieu merci.

 

Joël/Jobéni – L’interview, suite…

Coco m’avait dit que si mon interview n’avait pas marché c’était parce que je parlais trop bien français.  Je suis parti à Lille et j’ai fait semblant d’être quelqu’un qui ne savait pas parler français. J’ai déformé ma manière de parler et à EMA (Dispositif Évaluation Mise à l’Abri), lors d’un entretien, il m’ont même trouvé  un interprète. Je suis allé aux cours de français proposés par le collectif parce qu’à la fin on avait un repas. Mais c’était difficile de jouer ce rôle. Lors d’une réunion avec tout le monde, les jeunes et les gens du collectif, j’étais très en colère à cause d’une pagaille occasionnée par une distribution de vêtements. Et j’ai parlé normalement. Personne n’était content. Tous me disaient que je m’étais moqué d’eux.

Mon parcours depuis le mois de  mai ? Une  semaine au parc des Olieux. Et je me suis souvenu avoir connu des jeunes qui avaient quitté la mise à l’abri de Saint Omer pour retourner dans la jungle de Calais. Je me suis dit que c’était parce que ça devait être bien, mieux que dormir dans une tente qui fuit. Une semaine à Calais avec 2 essais de passage en Angleterre. C’était pire que le parc. J’y suis revenu.

Et puis, c’est la grâce de Dieu : ma minorité reconnue en 2 semaines, une place dans un foyer au bout d’un mois et maintenant un appartement, l’opération de mon oreille en août  et l’école en octobre. D’abord en CAP ‘carreleur’, la prof de français m’a dit que je n’étais pas à ma place et je suis maintenant en Bac pro ‘installation thermique et sanitaire’. Après ce sera un BTS.

Je ne suis pas encore arrivé où je dois être.

Mais je ne suis plus où j’étais. J’ai quitté l’exode.

 

Les jeunes  de la Maison du Jeune Réfugié à Saint Omer

Afzaal est en contrat d’apprentissage ‘installateur thermique’ à Arras.

Aldelsalam et Roland suivent une formation de charpentier, Assadullah une formation de peintre et ils sont toujours à Saint Omer, en appartement.

Zakir vient d’Afghanistan. Dans le JdJ, il envoyait un message aux Nations Unies.

En septembre dans le journal de la Maison du Jeune Réfugié de Saint Omer, il écrivait:

J’aime la France mais je ne veux pas faire ma vie ici  pour la simple raison que mon oncle vit et travaille en Angleterre depuis plusieurs années. Nous attendons impatiemment le jour où nous nous retrouverons enfin…Après quoi, je pourrai à nouveau rêver d’une nouvelle vie et d’un plus bel avenir.

Il a pu profiter du rapprochement familial et rejoindre son oncle en Angleterre.

Chemins d’exil – 8 à 14 ans

Chemins d’exil

Cet outil a été conçu par la Croix Rouge de Belgique, en réaction notamment aux insultes et discriminations que subissaient des adolescent.e.s demandant l’asile au sein de leurs établissements scolaires. Il s’appuie sur une bande-dessinée.

 

L’histoire

Trois familles venant d’Afrique, du bassin méditerranéen et du Caucase, sont contraintes de quitter leurs pays. Elles se retrouvent dans un centre d’accueil de la Croix-Rouge en Belgique et partagent pendant quelques mois les réalités de la demande d’asile.

 

Fiche technique

Public ciblé: 8 à 14 ans

Objectif: Sensibiliser au vécu des personnes qui demandent l’asile, aux réalités socio-économiques de l’exil. Réfléchir à la notion de préjugés.

Durée: 50 minutes et plus

Matériel requis: 1 BD + 1 cahier pédagogique

 

Le matériel

Le cahier pédagogique est disponible ici

La bande-dessinée peut être commandée à cette adresse : service.ada@croix-rouge.be

 

Remarques

La bande-dessinée, sortie en 2004, et le cahier pédagogique, sont adaptés au contexte belge. Les ressources du cahier pour approfondir certains points  devront donc être revues et actualisées. Par contre, les jeux et outils d’animation proposés sont mobilisables tels quels !

 

Le Carnet de Chico – 5 à 8 ans

Le carnet de Chico

« Regards d’enfants sur le parcours de demandeurs d’asile »

 

Cet outil a été conçu par la Croix Rouge de Belgique, autour d’un petit film d’animation de 11 minutes. 25 élèves, âgé.e.s de 10 et 11 ans, ont participé à chacune des étapes de ce film, de sa conception à la réalisation cinématographique !

 

L’histoire

Chico et Moclou construisent un bateau afin d’accompagner un animal marin lors de son dernier voyage. Un jour, Chico disparaît mystérieusement. Inquiet, Moclou part à sa recherche. Son enquête le mène jusqu’au centre d’accueil des personnes demandant l’asile, où il récoltera les indices nécessaires pour retrouver son ami et sa famille…

 

Fiche technique

Public ciblé: 5 à 8 ans

Objectif: Réfléchir aux raisons de l’exil et découvrir l’accueil en Belgique d’un jeune demandeur d’asile et de sa famille

Durée: 1heure et plus

Matériel requis: Film et carnet + fiches pédagogiques

 

Le matériel

Le film d’animation et le making-of sont visibles en ligne (mais pas téléchargeables). Film et carnet peuvent être commandés à cette adresse : service.ada@croix-rouge.be

 

Remarques

Le film est sorti en 2007. Les quelques données dans les fiches pédagogiques datent de 2008 et concernent la Belgique. Quelques informations devront donc être adaptées, mais assez marginalement!

 

Outils vidéo : documenter le travail des volontaires

L’Auberge des migrants et Help Refugees ont produit 3 courts documentaires sur le travail des volontaires auprès des exilé.e.s à Calais :

  1. « Entre’Aide: Le Parapluie » (5:27)video-le-parapluie2. « Entre’Aide: Recensement mensuel » (7:24)video-recensement-mensuel3. « Entre’Aide: Refugee Community Kitchen » (7:26)video-community-kitchen

 

Voeux de lucidité, de clairvoyance et d’énergie // Martine Devries, Présidente de la PSM

C’est la coutume de faire des vœux, je vais m’y conformer.

Je fais le vœu que nous, lectrices et lecteurs de cette lettre, nous restions lucides et clairvoyants, et pleins d’énergie pour agir dans le sens que nous souhaitons.

Lucides et clairvoyants sur la situation des exilé·e·s dans notre région : le déguerpissement de la jungle de Calais s’est accompagné de beaucoup de violence, administrative au moins, et d’injustices criantes. Les problèmes de celles et ceux qui ont quitté Calais pour les CAO sont loin d’être réglés, au contraire des promesses qui ont eu l’air d’être faites, au moins aux médias. Le sort des personnes mineures en particulier, empêchées de rejoindre leur famille ou leurs proches, alors qu’on leur a fait croire à cette possibilité, est inadmissible et révoltant.

Lucides sur la présence d’exilé·e·s dans notre région, qu’elles ou ils soient primo-arrivants ou de retour, par tout petit groupe, ou en camp formel ou  informel. Sur la manière dont on rend ces personnes « invisibles » : cueillies à l’arrivée du train, emmenées systématiquement en centre de rétention, transférées dans un autre, relâchées ou parfois expulsées avec les dangers que l’on sait et que nous voulons continuer à dénoncer.

Lucides sur les politiques migratoires de l’Union européenne, responsables de ces mauvais traitements.

Et aussi, pleins d’énergie pour chacun·e, pour faire connaître ces injustices, y pallier lorsque c’est possible, conforter les liens entre nous pour rester, et même devenir plus efficaces dans la diversité de nos actions. C’est la raison d’être de la PSM : agir en soutien à chacun·e, contribuer à coordonner les actions, à lutter contre les dénis de droit et à toujours mieux faire connaître les conséquences du non-accueil.

Bonne année !

Martine Devries, Présidente de la Plate-forme de services aux migrants

Permanences de l’association Terre d’errance à Norrent Fontes

Depuis plus d’un an, l’association Terre d’Errance tient une permanence tous les lundis, à Norrent-Fontes.
Il était important pour les milivoles, au moment où l’association était mise en cause devant la justice, de mettre en place un lieu ouvert à toutes et à tous d’une manière régulière autour des questions migratoires et des activités de l’association.
Parallèlement, alors que beaucoup de personnes bouleversées par la photo du petit Eylan voulaient s’investir et demandaient à nous rencontrer, il devenait compliqué de gérer un agenda de rendez-vous pour accueillir les nouveaux bénévoles.
Après avoir animé plusieurs réunions publiques d’informations à Lillers, Norrent-Fontes et Béthune, Terre d’Errance a donc mis en place cette permanence.

Chaque lundi, de 14h à 16h (plus longtemps si possible), un.e membre du CA de Terre d’Errance est disponible pour répondre aux questions, recevoir les dons, donner de la documentation, nourrir les réflexions, offrir du thé à celles et ceux qui poussent la porte du presbytère de Norrent-Fontes.

Parfois aucun nouveau venu ne vient, la permanence est alors l’occasion pour les bénétants de discuter d’une manière informelle autour d’un café.
Mais les venues sont fréquentes et très diverses: étudiants à la recherche d’un stage, élèves cherchant à préciser un exposé sur la question, exilés ayant pour projet de créer un blog sur la jungle, nouvelle habitante du village voulant s’investir auprès des exilés, agriculteur qui annonce un prochain semi et demande que ses champs soient préservés, habitante du campement venant simplement boire un thé chaud, professeure demandant une intervention dans sa classe, personnes qui déménagent et en profitent pour donner des couvertures, etc…

Ces permanences sont riches d’échanges. Elles permettent d’avoir un contact direct avec les habitants du campement et des alentours.
Terre d’Errance a pour projet de mettre en place un prêt de livres sur les questions migratoires durant ces permanences.

Zoom sur un camp : DIEPPE

Témoignage d’une bénévole de l’association Itinérance Dieppe.

Ici à Dieppe, la détresse des exilés est comme ailleurs bien présente ; on ne quitte pas son pays, ses racines de gaieté de cœur…

Ici, cependant, une particularité : nous avons quelques réfugiés de guerre (kurdes iraniens ou irakiens, soudanais… avons eu également des syriens, érythréens) mais nous avons surtout une majorité de jeunes albanais, parfois mineurs.

Les concernant, souvent on nous dit : « oui, mais, ce sont des réfugiés économiques ; leur pays n’est pas en guerre »…

Ok… alors on fait quoi ?… on se dit qu’après tout il y a les bons et les mauvais migrants et on laisse ceux-là crever de froid et de faim dans nos rues, avec la barrière de la culture, de la langue, parfois l’hostilité…WELCOME !

Ces jeunes ne rentrent dans aucune case.

Les principales difficultés pour eux :

  • très peu d’espoir de passer en Angleterre (sécurisation maximum à Dieppe des abords du transmanche)
  • aucun espoir d’obtenir une demande d’asile en France ; tout au plus et dans de rares cas, la protection subsidiaire s’ils arrivent à faire valoir qu’une lourde menace pèse sur eux (loi du kanun, sorte de vendetta en Albanie)
  • aucun centre d’accueil.

Notre association « Itinérance Dieppe » a vu le jour en Janvier 2016 lorsque des jeunes gens dormaient dans les creux des falaises pour s’abriter du vent, du froid… jusqu’à -7 degrés… des citoyens émus de cette situation insupportable se sont sensibilisés et d’autres sont venus les rejoindre.

Avec l’aide de Médecins sans Frontières, nous avions réussi au mois de mai à installer un campement sur la falaise dont ils ont été expulsés peu de temps après.

Aujourd’hui, ils sont disséminés où ils peuvent avec des petites tentes parfois, qui prennent l’eau parfois aussi… au gré de la météo. Alors oui, ils sont fatigués… et parfois même, malades.

Nous essayons donc de leur apporter une aide basique mais indispensable pour un minimum de dignité à laquelle à droit tout être humain.

Je dis bien, nous essayons car nous avons alerté les pouvoirs publics, sollicité le maire encore tout récemment pour obtenir un abri, mais il semble que la présence de ces jeunes nuit à l’image du port… on nous dit qu’on ne veut surtout pas créer d’appel d’air… mais est-ce la vraie raison ?…Pourquoi, par exemple, avoir donné une très mauvaise image d’eux à la population via les médias, sous prétexte de passeurs ?… Les passeurs existent aussi dans les autres communautés.

Bref, ils N’EXISTENT pas… tout simplement.

Pourtant, ce sont des êtres humains comme nous… Nous parlons avec eux de leurs projets, leur métier, leurs études en Albanie, certains sont universitaires.
Nous essayons de comprendre… sentons leur désespérance parfois, leur solitude loin de leur famille et surtout, leur espoir d’une vie meilleure.

Et cela, on ne peut pas ne pas l’entendre…

Nous sommes des citoyens lucides, conscients, d’horizons différents. Ensemble, nous réfléchissons et sommes profondément choqués de ce manque évident d’humanité à leur égard.

Si l’humanité est sélective, peut-elle porter ce nom ?…

Surprenant pour une mairie qui mise pour son image sur cette valeur, non ?…

Devons-nous nous résigner à ce qu’une fois de plus, la politique l’emporte sur l’humain ?…

Un nouvel hiver arrive et, avec lui, nous savons d’avance que notre action sera rendue très difficile mais nous serons là… tout simplement parce que nous ne pouvons pas ne pas l’être.

Pour en savoir plus, nos page Facebook :

Itinérance Dieppe
Forum Itinérance Dieppe

Expulsion des habitants du bidonville de Calais – Les réactions de diverses organisations

Après de multiples rumeurs et atermoiements, les autorités ont détruit le bidonville de Calais et expulsé ses habitant.e.s à partir du 24 octobre 2016. Ceci a entraîné de multiples réactions avant, pendant et après l’expulsion de la part d’organisations très diverses. En voici certaines:

Jungle News // après Calais… le camp de Tatinghem

Depuis 2009, des exilé.e.s (sur)vivent dans un fossé entre les commmunes de Tatinghem et Longuenesse. Il y a quelques semaines, sous la pression du maire de Tatinghem et du Sous-Préfet de St Omer, le propriétaire du terrain a porté plainte pour occupation illégale. L’enquête est en cours, mais des poursuites pourraient être engagées avec un risque d’expulsion du terrain.