Témoignage d’une bénévole de l’association Itinérance Dieppe.
Ici à Dieppe, la détresse des exilés est comme ailleurs bien présente ; on ne quitte pas son pays, ses racines de gaieté de cœur…
Ici, cependant, une particularité : nous avons quelques réfugiés de guerre (kurdes iraniens ou irakiens, soudanais… avons eu également des syriens, érythréens) mais nous avons surtout une majorité de jeunes albanais, parfois mineurs.
Les concernant, souvent on nous dit : « oui, mais, ce sont des réfugiés économiques ; leur pays n’est pas en guerre »…
Ok… alors on fait quoi ?… on se dit qu’après tout il y a les bons et les mauvais migrants et on laisse ceux-là crever de froid et de faim dans nos rues, avec la barrière de la culture, de la langue, parfois l’hostilité…WELCOME !
Ces jeunes ne rentrent dans aucune case.
Les principales difficultés pour eux :
- très peu d’espoir de passer en Angleterre (sécurisation maximum à Dieppe des abords du transmanche)
- aucun espoir d’obtenir une demande d’asile en France ; tout au plus et dans de rares cas, la protection subsidiaire s’ils arrivent à faire valoir qu’une lourde menace pèse sur eux (loi du kanun, sorte de vendetta en Albanie)
- aucun centre d’accueil.
Notre association « Itinérance Dieppe » a vu le jour en Janvier 2016 lorsque des jeunes gens dormaient dans les creux des falaises pour s’abriter du vent, du froid… jusqu’à -7 degrés… des citoyens émus de cette situation insupportable se sont sensibilisés et d’autres sont venus les rejoindre.
Avec l’aide de Médecins sans Frontières, nous avions réussi au mois de mai à installer un campement sur la falaise dont ils ont été expulsés peu de temps après.
Aujourd’hui, ils sont disséminés où ils peuvent avec des petites tentes parfois, qui prennent l’eau parfois aussi… au gré de la météo. Alors oui, ils sont fatigués… et parfois même, malades.
Nous essayons donc de leur apporter une aide basique mais indispensable pour un minimum de dignité à laquelle à droit tout être humain.
Je dis bien, nous essayons car nous avons alerté les pouvoirs publics, sollicité le maire encore tout récemment pour obtenir un abri, mais il semble que la présence de ces jeunes nuit à l’image du port… on nous dit qu’on ne veut surtout pas créer d’appel d’air… mais est-ce la vraie raison ?…Pourquoi, par exemple, avoir donné une très mauvaise image d’eux à la population via les médias, sous prétexte de passeurs ?… Les passeurs existent aussi dans les autres communautés.
Bref, ils N’EXISTENT pas… tout simplement.
Pourtant, ce sont des êtres humains comme nous… Nous parlons avec eux de leurs projets, leur métier, leurs études en Albanie, certains sont universitaires.
Nous essayons de comprendre… sentons leur désespérance parfois, leur solitude loin de leur famille et surtout, leur espoir d’une vie meilleure.
Et cela, on ne peut pas ne pas l’entendre…
Nous sommes des citoyens lucides, conscients, d’horizons différents. Ensemble, nous réfléchissons et sommes profondément choqués de ce manque évident d’humanité à leur égard.
Si l’humanité est sélective, peut-elle porter ce nom ?…
Surprenant pour une mairie qui mise pour son image sur cette valeur, non ?…
Devons-nous nous résigner à ce qu’une fois de plus, la politique l’emporte sur l’humain ?…
Un nouvel hiver arrive et, avec lui, nous savons d’avance que notre action sera rendue très difficile mais nous serons là… tout simplement parce que nous ne pouvons pas ne pas l’être.
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