Voix du Nord // Le camp du chemin de Pont trouille démantelé mais.. aucun grillage en vue

Ce mardi matin, une opération de démantèlement a eu lieu chemin du Pont-Trouille. Deux camions de CRS se sont stationnés dans la rue et les effectifs de police ont alors demandé aux migrants, principalement des Afghans, des Iraniens, Érythréens et Soudanais, de quitter les lieux. Tout s’est passé dans le calme. Une situation qui se répète « tous les deux jours » depuis plusieurs mois. Après l’évacuation, les réfugiés se sont rendus rue des Huttes où sont distribués des repas par la Vie Active, mandatée par l’État, laissant un terrain, chemin du Pont-Trouille, désert, et jonché de détritus. Une scène de désolation qui montre les conditions dans lesquelles vivent les exilés.

Un peu de retard

Après le démantélement, les migrants ont réinvesti les lieux. Photo Johan Ben AzzouzAprès le démantélement, les migrants ont réinvesti les lieux. Photo Johan Ben Azzouz – VDNPQR

Enedis, l’un des propriétaires du terrain, avec l’agglomération Grand Calais Terres et Mers et la municipalité, avait annoncé la mise en place dès ce mardi de clôtures autour de la zone pour empêcher les migrants de s’y installer, à proximité d’un transformateur électrique, jugé potentiellement dangereux. Ce mardi matin, rien ne présageait une telle opération. Selon nos informations, les travaux, d’une durée de trois semaines, devraient commencer avec un peu de retard.

« Ils veulent jouer, on va jouer »

Cette zone jonchée de déchets, de vêtements a rapidement été réinvestie par les exilés. Plusieurs d’entre eux se sont empressés de réinstaller leurs tentes, de faire sécher leurs couvertures, mouillées après la nuit, et de se mettre autour d’un feu. L’un d’eux, Pakistanais, a bien été informé de la mise en place prochaine de grilles autour du terrain et pour lui, « ça ne va rien changer. On ira ailleurs. On n’a rien à perdre, ce n’est pas quelques grilles qui vont nous décourager. Les forces de l’ordre veulent jouer, nous allons jouer ». Un jeu du chat et de la souris ressenti par lui et les autres réfugiés autour comme « un fait insignifiant » comparé à la situation qu’il vit à Calais depuis son arrivée, il y a trois ans.

condamnations pénales et OQFT suite à l’entrée dans le port

Calais La vidéo édifiante de l’intrusion des migrants sur le ferry DFDS

Samedi soir, une centaine de migrants se sont introduits en force dans l’enceinte du port de Calais. 63 ont réussi à monter dans un ferry. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on peut voir l’assaut des migrants à l’intérieur du ferry de la DFDS, le Calais-Seaways, qui arrivait en provenance de Douvres, vers 21 h 15.

On découvre l’intrusion des migrants au poste 6 (le bateau a ensuite été déplacé au poste 9, plus près du terminal) via les passerelles desquelles ils sautent dans le navire, par la proue. La video montre également des migrants en train d’escalader le bateau et l’on devine qu’un employé de la compagnie tente de les repousser grâce à une lance incendie.

Le port n’avait plus connu ce type d’événement depuis le 24 janvier 2016. Avant d’arriver au bateau, les migrants sont passés par l’accès au parking aérien, en escaladant des grilles. « La sécurité au port a été renforcée, tout est contrôlé, mais il restait une faille… Les migrants n’ont pas pu réaliser ça sans préparation, sans information extérieure », explique Jean-Marc Puissesseau, président de la société d’exploitation des ports du Détroit.

17 migrants sur la cheminée du ferry

Entre 22 h et 2 h, dans la nuit de samedi à dimanche, les forces de l’ordre ont évacué 46 migrants (les autres s’étaient enfuis avant de pouvoir atteindre le navire). Ils ont été placés en garde à vue dans les locaux de la police aux frontières. Trois blessés ont été recensés : deux migrants qui avaient sauté à l’eau et un marin, après une altercation avec des clandestins. Mais 17 migrants, de différentes nationalités (Irakien, Iraniens, Érythréens,…) s’étaient hissés dans la cheminée du ferry.

Ne pouvant pas intervenir de nuit en raison des conditions météorologiques et de l’obscurité, le sous-préfet Michel Tournaire avait décidé de mettre en place une opération dimanche matin. Une équipe du GRIMP (groupement d’intervention en milieu périlleux) a escaladé la cheminée puis les forces de l’ordre ont fait descendre les migrants. Leur état de santé ne nécessitant pas d’hospitalisation, ils ont, eux aussi, été placés en garde à vue.

https://actu.orange.fr/france/intrusion-de-migrants-dans-le-port-de-calais-quatre-mois-ferme-pour-le-meneur-CNT000001dso2w.html

Intrusion de migrants dans le port de Calais: quatre mois ferme pour le « meneur »

Des secouristes du Grimp (groupe de reconnaissance et d’intervention en milieux périlleux) ont dû intervenir le 3 mars 2019 pour faire descendre des migrants réfugiés en haut de la cheminée d’un ferry à Calais

Un migrant, considéré comme le « meneur » des réfugiés montés samedi soir à Calais à bord d’un ferry dont ils avaient ensuite escaladé la cheminée, a été condamné lundi à quatre mois de prison ferme par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) et incarcéré.

Jugé en comparution immédiate, cet homme de 36 ans, originaire du Mali, était poursuivi pour « embarquement frauduleux à bord d’un navire », « introduction non-autorisée dans une zone d’accès restreint » ainsi que « refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques », ayant refusé que la police relève ses empreintes digitales pendant sa garde à vue.

Cet homme « a préconisé au groupe de sauter par la balustrade de la cheminée du ferry », a affirmé la procureure, qui a insisté sur la « dangerosité » de son acte. Le parquet avait requis la même peine.

Le migrant, à Calais depuis quelques mois, a lui nié avoir été un « meneur », affirmant avoir simplement « suivi le groupe ».

Samedi soir, une centaine de migrants voulant rejoindre le Royaume-Uni ont fait une incursion dans le port de Calais, une opération inédite par son ampleur qui a conduit à 63 interpellations.

Une cinquantaine d’entre eux ont réussi à grimper à bord d’un ferry de la compagnie DFDS en provenance d’Angleterre, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre et des secours toute la nuit et la matinée de dimanche.

Dimanche matin, un groupe de migrants se trouvait toujours à bord, perché en haut de la cheminée, à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Ils sont finalement descendus grâce à l’aide des sapeurs-pompiers.

Sur les 63 interpellés, 30 « ont fait l’objet d’une mesure administrative concrétisée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) », avec « placement en centre de rétention administrative pour la moitié d’entre eux », a indiqué la préfecture du Pas-de-Calais.

En outre, 28 migrants doivent être jugés en mai.

Dans un communiqué à l’AFP, la direction de DFDS a justifié lundi l’usage d’une lance à incendie pour tenter d’empêcher les migrants d’accéder au navire, comme le montre une vidéo sur le site de La Voix du Nord. « Face à une situation qu’ils ont jugée +menaçante+ pour leur intégrité physique et celle des passagers, l’équipage a suivi la procédure et les instructions habituelles relatives aux situations d’abordage », mais « le commandant de bord et l’équipage ont rapidement jugé que la méthode utilisée était inefficace et risquée et ont décidé de laisser les personnes monter à bord du navire ».

« Je suis étonné de ce comportement, étonné qu’on en arrive là », a réagi sur ce sujet auprès de l’AFP Christian Salomé, de l’Auberge des migrants, jugeant que les migrants « sont poussés à quitter Calais par l’Etat. »

L’humanité // L’appel au secours des étrangers en rétention

https://www.humanite.fr/immigration-lappel-au-secours-des-etrangers-en-retention-668424?fbclid=IwAR2MLM2CTW-7PJTrjgdB_iuQZDZ7RAkq_X8OXBL-l6iLPbRZBJIL6JUVcHI

Immigration. L’appel au secours des étrangers en rétention

Vendredi, 22 Février, 2019Emilien Urbach

« Trois suicides en une semaine ! » C’est le SOS lancé par un Marocain depuis le centre de Coquelles. Un rapport dénonce l’absence d’accès aux soins des étrangers retenus.

C’est un véritable appel au secours, lancé de derrière les barbelés du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles (Pas-de-Calais), qu’a reçu, mardi soir, Laurent Caffier, militant solidaire des exilés dans le Calaisis. « Y a un Érythréen qui s’est suicidé. On ne sait pas s’il est mort ou non. C’est la troisième fois cette semaine. S’il vous plaît ! C’est un SOS ! » entend-on sur l’enregistrement audio qu’il a immédiatement fait parvenir à l’Humanité. « Il faut nous aider ! » lance une autre voix derrière celle du premier témoin.

Joint, mercredi, par téléphone, ce dernier se présente sous le prénom d’Ahmad, un immigré marocain enfermé depuis vingt-quatre jours. Il dit avoir été interpellé lors d’un contrôle d’identité. Sa situation administrative aurait basculé à la suite de son divorce d’avec sa femme française, il y a quelques années. Une véritable descente aux enfers. « J’avais une maison, un travail en CDI, raconte l’homme. À la suite de cette séparation, j’ai tout perdu. » Le voilà aujourd’hui passible d’expulsion vers un pays où il n’a plus aucune attache et retenu entre les murs de ce CRA, témoin abasourdi du sort réservé à ses semblables. « On n’a rien fait de mal ! clame-t-il. On est enfermés comme dans une prison. Mal logés, mal nourris, sans suivi médical. C’est grave ! »

Ahmad a tenté de dénoncer ce à quoi il assiste au sein du CRA en adressant un courrier à la Ligue des droits de l’homme. L’envoi lui a été refusé. Il nous a fait parvenir une photo du courrier. « Je vous informe d’une tentative de suicide, hier soir, à 8 h 30, à cause de la maltraitance au centre et des comportements abusifs envers des personnes qui n’ont commis aucune infraction pénale, peut-on lire dans cette lettre. J’estime que tout ce qui se passe ici est contraire à mes droits. »

« Je préférerais être en prison »

Ce mercredi matin, un autre retenu se présentant comme Farouk se saisit du téléphone d’Ahmad. « Je suis enfermé depuis quinze jours, indique l’homme d’origine algérienne. Ils m’ont emmené ici en pyjama et sans mes lunettes. Je n’ai aucun habit. J’ai assisté à plusieurs tentatives de suicide. Un homme a bu une bouteille de shampoing devant moi, hier, à la douche. Moi-même, j’ai des pensées suicidaires. On nous dit qu’on peut rester enfermés ici trois mois. J’ai une femme, une maison, ma mère vit en France. Je ne comprends pas ce que je fais ici. Je préférerais être en prison. Au moins, là-bas, tu sais quand tu sors. »

Que se passe-t-il derrière les murs de cette prison pour étrangers ? « Je n’ai pas le droit de vous répondre, indique l’infirmière présente mercredi au CRA. Contactez le chef de poste. » L’officier de la police aux frontières nous invite, pour sa part, à contacter sa hiérarchie : « Je ne peux pas vous donner les informations que vous demandez. » Le centre d’information et de commandement nous renvoie, à son tour, vers la préfecture. « Nous ne savons pas si nous pourrons répondre dans les délais, indique une dame au téléphone. Il faut que les informations que nous vous donnons soient validées par mes supérieurs. »

L’omerta sur les conditions dans lesquelles vivent Ahmad et Farouk et les drames auxquels ils disent avoir été confrontés est totale. Même chez France Terre d’asile (FTA), organisme chargé de l’accompagnement des retenus au sein du CRA de Coquelles, rien ne filtre. « Il faut contacter Paris », nous indique une des personnes de l’association présente sur place. « Le porte-parole de FTA ne souhaite pas commenter vos informations », nous répond le service de communication de la structure. La personne au bout du fil confirme toutefois avoir été informée de trois tentatives de suicide depuis dimanche. Elle s’autorise également à pointer l’absence d’accompagnement psychologique au sein des CRA et le facteur aggravant de la détresse psychique que constitue l’allongement de la durée de rétention, adopté par le législateur au début du mois d’août 2018.

Absence de psychologue

Des affirmations que confirme la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui a publié jeudi, au Journal Officiel, un nouvel avis relatif à la prise en charge sanitaire des personnes étrangères au sein des centres de rétention administrative. « Lors de la création des CRA en 1981, la durée d’enfermement ne pouvait dépasser 7 jours, rappelle l’ex-présidente du Syndicat de la magistrature. L’allongement de cette période, jusqu’à 90 jours aujourd’hui, rend de plus en plus vulnérables des personnes déjà fragilisées par une grande précarité du fait de leur situation administrative. »

Après avoir visité une soixantaine de CRA, Adeline Hazan dénonce l’absence de psychologue, de psychiatre et de garantie d’accès aux soins à l’entrée dans les centres et durant la période de rétention. « Dans un cas, nous avons même vu un policier chargé de filtrer les demandes de prise en charge médicale des retenus », assure-t-elle. Les étrangers enfermés dans les CRA « ne sont pas des délinquants, mais on les retient dans des lieux très carcéraux, dans lesquels l’hygiène et le confort sont inacceptables », pointe encore Adeline Hazan. Et d’ajouter à l’annonce des trois tentatives de suicide vraisemblablement survenues à Coquelles, cette semaine : « Les récentes grèves de la faim étaient déjà des actes de désespoir. »

Le cri de détresse lancé par Ahmad et Farouk pourrait bien n’être qu’une petite partie, rendue audible par l’attention de quelques militants solidaires, d’un grondement bien plus profond de tous ceux qu’on enferme pour n’être pas nés du bon côté de la frontière.

Émilien Urbach

Mineurs isolés de Calais – la maltraitance d’état condamnée

Action collective

Mineurs isolés de Calais, la maltraitance d’État condamnée

La France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme à verser 15.000 euros à un jeune Afghan pour l’avoir laissé à l’abandon pendant près de six mois dans la « jungle » de Calais, entre septembre 2015 et mars 2016. Âgé de onze ans à son arrivée dans ce bidonville de plusieurs milliers de personnes, cet enfant n’a bénéficié d’aucune aide des autorités françaises pendant cette période, ni des services du département en charge de la protection de l’enfance, ni de ceux de l’État, Parquet, forces de police et de gendarmerie .

Rappelons que les enfants étrangers en situation d’isolement sur le territoire français ont droit à une protection au même titre que tous les autres enfants en danger.

Première circonstance aggravante, la cabane dans laquelle il avait trouvé refuge à son arrivée a été détruite lors de l’expulsion des habitant·e·s de la zone sud de la « jungle », en février 2016, sans qu’aucune solution d’hébergement ne lui soit offerte, alors qu’on était en plein hiver. Il venait d’avoir douze ans.

Seconde circonstance aggravante, cet enfant avait fini par obtenir, avec l’aide du Centre des femmes et enfants et de la Cabane Juridique, une mesure de protection ordonnée par le juge des enfants. Cette décision de justice n’a jamais été respectée ni même n’a connu un début de mise en œuvre. Pour sa défense, l’État français a soutenu que l’inexécution de cette mesure judiciaire était de la responsabilité de l’intéressé lui-même, qui aurait dû effectuer les démarches nécessaires à sa prise en charge. La Cour a écarté ce misérable argument en lui rappelant qu’il s’agissait d’un enfant étranger isolé de douze ans, « c’est-à-dire d’un individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société ».

Aujourd’hui en France, il faut donc aller jusqu’à saisir une juridiction internationale pour faire sanctionner des violations aussi graves et flagrantes du droit, commises régulièrement par l’administration. Et si un enfant maltraité a obtenu, cette fois, une réparation pécuniaire, qu’en est-il de toutes celles et ceux, expulsé·e·s de la même manière depuis 2016 et aujourd’hui quotidiennement à Calais, Grande-Synthe et sur le littoral, qui continuent de subir des traitements inhumains et dégradants ?

Alors que nous sommes toujours en période de trêve hivernale, à Calais, plus d’une centaine de jeunes sont triés au faciès à l’entrée des hébergements d’urgence et à Grande-Synthe, les mineurs ne peuvent même pas prétendre à une mise à l’abri dédiée. Plus d’une cinquantaine d’entre eux, en attente d’une évaluation du département, dorment chaque soir à même le sol dans un gymnase avec plus de deux cents adultes exilé·e·s.

Pour que cette condamnation internationale ait tout son sens, pour qu’elle sonne le glas de l’impunité pour l’État français, il faudrait rien moins qu’une volonté politique de respecter l’esprit et la lettre de décisions qui rappellent que la dignité des personnes doit l’emporter sur toutes autres considérations.

Gageons que l’État français en prendra acte, au risque sinon d’être exposé à de nouvelles plaintes que nous continuerons à soutenir.

Le 1er mars 2019

Signatures :

  • La Cabane juridique
  • Gisti
Arrêt CEDH du 28 février 2019

Amnesty // Loan Torondel « je n’ai commis aucun délit, j’ai juste voulu défendre les droits des gens »

https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/loan-torondel-je-nai-commis-aucun-delit

Loan Torondel : « Je n’ai commis aucun délit, j’ai juste voulu défendre les droits des gens »

En janvier 2018, ce militant de 22 ans poste sur Twitter une photo. Elle montre deux policiers qui sont en train d’arrêter un migrant pendant une distribution. Le jeune homme ne se doute pas de la suite.

Son témoignage est une plongée dans la répression des aidants, quand dénoncer un abus devient un délit.

En savoir plus : L’histoire de Loan Torondel

Que s’est-il passé après avoir posté cette photo ?

Loan Torondel : J’ai reçu un appel sur mon téléphone. Un policier me convoquait au commissariat le lendemain pour une audition libre. Il m’apprend alors que je suis accusé de diffamation.

J’en ai presque ri sur le moment car le tweet était humoristique. Mais surtout, il était basé sur ce que j’observais sur le terrain en tant que coordinateur à l’Auberge des migrants de Calais, entre l’été 2016 et 2018. À savoir que la police ramasse les couvertures des migrants à Calais. Et que cela se produit tout le temps.

Pourquoi la police leur prendrait-elle leur couverture ?

Pour éviter la formation de campement. Plusieurs fois par semaine, elle vient avec des services de nettoyage et détruit les camps, les tentes. C’est observé, c’est filmé.

Pour qu’une enquête soit ouverte à ce sujet, nous avons déposé plusieurs plaintes auprès du parquet de Boulogne-sur-Mer. Bien que nous ayons apporté des éléments probants, aucune suite n’a jamais été donnée à ces plaintes, aucune enquête n’a été ouverte.

En savoir plus : Calais, des conditions de vie inhumaines

Pourquoi ce tweet ?

Le 1er janvier 2018, j’ai regardé les vœux du président Macron à la télévision. Il déclarait que pour toutes les personnes qui avaient des moments difficiles, la nation française serait là. En l’écoutant, je me suis dit qu’à Calais, les migrants allaient, eux aussi, avoir des moments difficiles. On allait leur retirer leurs couvertures en plein hiver, comme ils survivent dehors, ils tomberaient malades.

J’ai voulu dénoncer le décalage entre les propos bienveillants du président et cette répression. Dans un tweet, j’ai donc repris la phrase de Macron en imaginant un dialogue fictif entre des policiers et des migrants.

Que s’est-il passé suite à votre convocation au commissariat ?

Le premier choc c’est l’audition, voir que si les policiers n’étaient jamais poursuivis pour leurs actes, ceux qui les dénonçaient pouvaient, à l’inverse, se retrouver dans les mains de la justice… pour un simple tweet.

Pourquoi vous avoir poursuivi selon vous ?

D’abord pour discréditer les aidants. Clairement, aussi, pour nous faire partir. Car on dérange. Nos rapports, nos alarmes à la presse, le fait de s’exprimer sur la situation, empêchent les autorités d’avoir les mains totalement libres, évitent que les migrants ne soient invisibilisés.

Et puis, c’est pour décourager les personnes de parler. Elles n’oseront plus si elles savent qu’elles prennent alors le risque d’être poursuivies. Cela fait peur.

La condamnation pour diffamation le 25 septembre dernier vous a-t-elle fait peur ?

Bien sûr. Je ne m’y attendais pas. Nos arguments étaient fiables, les faits avérés. D’ici l’appel en mai 2019, j’ai encore cinq mois à attendre. Des mois à vivre avec l’épée de Damoclès au-dessus de la tête, celle d’être reconnu coupable. Pourtant, je n’ai commis aucun délit, j’ai juste voulu défendre les droits des gens.

Cela vous a découragé ?

Pour être honnête, il faut reconnaître qu’un procès c’est épuisant, stressant, on est face à un juge, un procureur, dont on a l’impression que leur but est de démontrer que vous êtes coupable.

Mais Amnesty a pris ma défense. J’ai alors reçu beaucoup de messages, de mails de soutien. Des gens m’ont écrit : « Accroche-toi, on sait que ce n’est pas facile ».

Je suis aujourd’hui étudiant à Poitiers en accompagnement des personnes en difficulté, je suis engagé avec Médecins du Monde dans un centre de soin à Saint-Denis où je me bats pour l’accès à la santé pour les personnes précaires. Je m’accroche !

Protégeons les défenseurs des droits des migrants

Demandez au Président Macron de mettre un terme au harcèlement des personnes et des organisations qui défendent les droits des réfugiés et des migrants.

Médiapart // Un rapport révèle combien les souffrances des migrants sont « minimisées » en rétention

http://www.mediapart.fr/journal/france/210219/un-rapport-revele-combien-les-souffrances-des-migrants-sont-minimisees-en-retention?utm_source=global&utm_medium=social&utm_campaign=SharingApp&xtor=CS3-5

FRANCE – NOTE DE VEILLE
Un rapport révèle combien les souffrances des migrants sont «minimisées» en rétention
21 FÉVRIER 2019 | PAR MATHILDE MATHIEU

Alors que des migrants se suicident en rétention, un rapport pointe l’insuffisance des soins dans ces lieux d’enfermement. Il faut « redéfinir les missions » des médecins, leurs moyens, et prévoir enfin des psychiatres, affirme Adeline Hazan, contrôleuse des lieux de privation de liberté, dans un avis publié jeudi 21 février.

Qu’on se le dise : les ministres de l’intérieur et de la santé ne resteront pas les bras ballants face au rapport alarmant publié, jeudi 21 février, par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (la magistrate Adeline Hazan), qui pointe des trous béants dans l’accès aux soins pour les étrangers en centres de rétention administrative (CRA), enfermés en vue de leur expulsion.

Dans une réponse écrite, Christophe Castaner a annoncé qu’un « groupe de travail interministériel », d’ores et déjà en place, allait désormais accélérer, histoire « de faire aboutir rapidement ces travaux ». En réalité, ce « groupe de travail » existe depuis bientôt sept ans, loin des priorités de la place Beauvau.

Or il y a désormais urgence. Depuis janvier, en  application de la loi « asile et immigration » de Gérard Collomb, la durée maximale de rétention est passée de 45 à 90 jours, soit un doublement de l’enfermement autorisé. Avec un risque dédoublé que des étrangers porteurs de maladies infectieuses ne contaminent policiers ou coretenus, qu’ils ne s’automutilent ou se suicident en cas de pathologies psychiatriques, ou que leur droit fondamental « à la protection de [leur] santé » ne soit tout simplement – mais silencieusement – bafoué.

Après une soixantaine de visites, Adeline Hazan et ses équipes, dotées du statut d’autorité indépendante, affirment aujourd’hui que cet allongement de la rétention légale (supposé faciliter l’obtention des laissez-passer consulaires indispensables à tout renvoi dans les pays d’origine) « impose de redéfinir les missions dévolues » au personnel médical des CRA, et de réviser tant les textes que les pratiques. Voici leur diagnostic.

Présence insuffisante des médecins. Dans ces 27 centres d’allure souvent carcérale, où sont passées 43 000 personnes en 2018 (y compris des enfants), les soins sont bien sûr gratuits, puisque « le suivi médical des étrangers malades est primordial non seulement pour […]l’individu mais pour la protection de la collectivité », rappelle Adeline Hazan.

Chacun dispose ainsi d’une « unité médicale », dont le fonctionnement est fixé par convention entre la préfecture et un hôpital public local, avec un temps de présence du personnel (médecins, infirmiers, pharmaciens) corrélé à la taille du centre (selon trois catégories grossières : moins de 50 lits, entre 50 et 100, plus de 100). Pour 2019, le budget s’élève à quelque 16 millions d’euros (en hausse de 2 millions).

« Les effectifs et le temps de présence réelle des médecins au sein de leur unité respectent rarement la convention », révèle cependant Adeline Hazan, jugeant que les étrangers, dans certains endroits, « ne bénéficient pas d’une qualité de prise en charge sanitaire suffisante ». D’autant que les conventions omettent de s’adapter au taux d’occupation réel des centres.

Or celui-ci a explosé sous l’impulsion de Gérard Collomb, traumatisé par l’attentat de la gare de Marseille perpétré à l’automne 2017 par un Tunisien interpellé sans papiers quelques jours plus tôt et laissé libre (sans que la préfecture n’ait ordonné un placement en rétention, ni même signé une obligation de quitter le territoire). Mis sous pression, les préfets ont fait grimper le taux d’occupation des CRA à 79 % au premier semestre 2018 (contre 68 % sur l’année 2017).

Résultat : des « unités médicales » sous-dimensionnées. Et une « réflexion » à mener sur les « conditions [de leur] financement approprié et pérenne », alerte Adeline Hazan.

Aucun dépistage systématique. Concrètement, elle estime que « chaque personne [devrait] être reçue à l’unité médicale à son arrivée », sans avoir à réclamer, afin d’éviter l’organisation indigne constatée dans l’un des CRA, où « ce sont les policiers qui sélectionnaient les demandes de consultations », avec des critères a priori peu respectueux du Vidal.

« Dans une optique de santé publique, il faudrait aussi […] envisager le recours à des spécialistes », glisse-t-elle, et « proposer systématiquement un dépistage des maladies sexuellement transmissibles », ainsi que de la tuberculose, « pathologie contagieuse très fréquente au sein des populations de migrants »– sachant que l’administration se retrouve à libérer ses retenus dans la majorité des cas, faute de laissez-passer des consulats.

Au passage, pour aider les médecins à communiquer, l’avis préconise le recours à des interprètes plutôt qu’à « des expédients (pictogrammes, sites de traduction en ligne, pantomimes, etc.), voire à des coretenus ou des fonctionnaires de police parlant la langue du patient », à rebours du « secret médical ». En creux, sacré tableau.

Les alertes n’ont d’ailleurs pas manqué, ces derniers mois, de la part d’associations (dénonçant une situation « explosive ») ou de syndicats policiers (parlant de « Cocotte-Minute »), avec deux suicides au moins répertoriés (dont un Algérien pendu à Toulouse), un Géorgien malade qui s’est cousu la bouche à Rennes, et une grève de la faim initiée en janvier par une centaine de sans-papiers dans les CRA de région parisienne.

Souffrances « psy » minimisées. Alors que les troubles psychiques (syndromes psychotraumatiques, dépressions, angoisses, etc.) sont « surreprésentés » chez les migrants (et pas seulement ceux passés par la Libye), potentiellement réactivés par la rétention, « il est fréquent d’entendre des [soignants et policiers] minimiser et banaliser [ces troubles], perçus comme un moyen de faire échec à l’éloignement (“Ils font cela pour ne pas prendre l’avion”), regrette Adeline Hazan. Ainsi la demande de soins psychiatriques se heurte-t-elle à un soupçon d’instrumentalisation. »

D’autant que « les unités médicales ne disposent pas de postes de psychiatre ou de psychologue » (à l’exception du CRA du Mesnil-Amelot, en région parisienne) et que les conventions sont rares à prévoir l’accès à ce type de soins à l’extérieur – en cas d’urgence, on se contente d’appeler le 15… Pour l’autorité indépendante, il faut « organiser, au sein des CRA, le recours à une équipe soignante dédiée ».

Dans sa réponse écrite, Christophe Castaner concède l’instauration de consultations, mais pas de médecins, plutôt de psychologues. Des chefs de centre l’ont en effet réclamée « suite à l’augmentation de la durée de rétention », glisse le ministre, qui a donc chargé la police aux frontières « d’établir une expression des besoins CRA par CRA ».

Des mises à l’écart injustifiées. Il existe des chambres dites de « mise à l’écart », utilisées pour raison sanitaire (comme en cas de trouble à l’ordre public), « dépourvues de tout mobilier à l’exception d’une banquette en béton recouverte d’un matelas ou d’un lit en métal et d’un bloc sanitaire », en général sans « lumière naturelle », avec interdiction de sortie. Si la CGLPL n’est pas choquée par l’usage court fait dans certains centres, elle estime que l’isolement prolongé « peut conduire à une dégradation de l’état » de la personne, voire constituer « un traitement inhumain et dégradant ».

« Il n’est pas acceptable, comme cela a pu être constaté à plusieurs reprises, que des personnes soient enfermées […] au motif qu’elles souffrent de troubles psychologiques ou psychiatriques », dénonce le rapport de contrôle. En livrant un exemple : « Un médecin enfreint les règles de déontologie lorsqu’il prescrit, s’agissant d’une personne retenue ayant des antécédents psychiatriques avérés, “sa mise en chambre sous surveillance vidéo constante jusqu’à son départ du centre” – en l’occurrence pendant dix jours. »Pas admissible non plus : le menottage au lit.

« L’étranger mis à l’écart doit pouvoir bénéficier de visites régulières du personnel médical », insiste Adeline Hazan. La durée d’isolement légitime ? Celle « strictement nécessaire à la mise en place d’un traitement de la contagion ou à l’organisation d’une hospitalisation » en bonne et due forme. C’est-à-dire une hospitalisation accompagnée d’une levée « immédiate de la mesure de rétention », puisque l’étranger se retrouve « dans l’impossibilité d’exercer ses droits ». Or dans bien des cas, le délai de 90 jours continue à tourner…

Des hospitalisations hors des clous ? En France, un « tiers » peut organiser une hospitalisation en psychiatrie sans consentement du malade, à condition d’être un membre de la famille ou d’avoir « un intérêt à agir » – sinon la loi exige la signature du préfet, ou l’existence d’« un péril imminent ». « Il n’est pas acceptable, comme cela a pu être constaté par la CGPLP dans une note de service en vigueur au sein d’un CRA, d’envisager […] la procédure d’hospitalisation à la demande du chef de centre faisant office de tiers demandeur : ce dernier ne saurait en effet être regardé comme susceptible d’agir dans l’intérêt du malade », fustige Adeline Hazan.

Elle rappelle, enfin, que tous les médecins de CRA peuvent rédiger un « avis d’incompatibilité » entre l’état de « vulnérabilité » d’un malade et la rétention – les autorités sont ensuite libres de suivre cet avis ou non. Ainsi, « pour une même pathologie », les pratiques varient du tout au tout : « Une personne insulino-dépendante, malade mentale, non voyante, à mobilité réduite, atteinte de tuberculose, d’hépatite ou du VIH sera libérée ou non selon le CRA dans lequel elle a été placée », résume Adeline Hazan. En rappelant les médecins à leur « devoir » déontologique, d’abord « de s’interroger », puis « de rédiger un certificat d’incompatibilité » le cas échéant.

De même, ils doivent fournir un certificat médical aux personnes qui lancent, depuis un CRA, une demande de titre de séjour en tant qu’« étranger malade » (au motif qu’ils ne pourront accéder à un traitement approprié dans leur pays d’origine). Or dans certaines unités médicales, on ne trouve pas trace du moindre certificat. Et d’autres indiquent « qu’elles ont reçu des consignes [de restriction] s’agissant de certaines pathologies et de certaines catégories de personnes, en particulier les demandeurs d’asile en procédure “Dublin”[déjà enregistrés dans un autre pays de l’UE responsable de leur dossier, vers lequel la France peut donc les transférer – ndlr] ».

Les conclusions du groupe de travail interministériel sont désormais attendues « au cours du premier semestre 2019 ». En tout cas, les ministères « s’accordent sur l’importance de [le] faire aboutir » à courte échéance.

L’Humanité // L’appel au secours des étrangers en rétention

https://www.humanite.fr/immigration-lappel-au-secours-des-etrangers-en-retention-668424?fbclid=IwAR2MLM2CTW-7PJTrjgdB_iuQZDZ7RAkq_X8OXBL-l6iLPbRZBJIL6JUVcHI

Immigration. L’appel au secours des étrangers en rétention

Vendredi, 22 Février, 2019Emilien Urbach

« Trois suicides en une semaine ! » C’est le SOS lancé par un Marocain depuis le centre de Coquelles. Un rapport dénonce l’absence d’accès aux soins des étrangers retenus.

C’est un véritable appel au secours, lancé de derrière les barbelés du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles (Pas-de-Calais), qu’a reçu, mardi soir, Laurent Caffier, militant solidaire des exilés dans le Calaisis. « Y a un Érythréen qui s’est suicidé. On ne sait pas s’il est mort ou non. C’est la troisième fois cette semaine. S’il vous plaît ! C’est un SOS ! » entend-on sur l’enregistrement audio qu’il a immédiatement fait parvenir à l’Humanité. « Il faut nous aider ! » lance une autre voix derrière celle du premier témoin.

Joint, mercredi, par téléphone, ce dernier se présente sous le prénom d’Ahmad, un immigré marocain enfermé depuis vingt-quatre jours. Il dit avoir été interpellé lors d’un contrôle d’identité. Sa situation administrative aurait basculé à la suite de son divorce d’avec sa femme française, il y a quelques années. Une véritable descente aux enfers. « J’avais une maison, un travail en CDI, raconte l’homme. À la suite de cette séparation, j’ai tout perdu. » Le voilà aujourd’hui passible d’expulsion vers un pays où il n’a plus aucune attache et retenu entre les murs de ce CRA, témoin abasourdi du sort réservé à ses semblables. « On n’a rien fait de mal ! clame-t-il. On est enfermés comme dans une prison. Mal logés, mal nourris, sans suivi médical. C’est grave ! »

Ahmad a tenté de dénoncer ce à quoi il assiste au sein du CRA en adressant un courrier à la Ligue des droits de l’homme. L’envoi lui a été refusé. Il nous a fait parvenir une photo du courrier. « Je vous informe d’une tentative de suicide, hier soir, à 8 h 30, à cause de la maltraitance au centre et des comportements abusifs envers des personnes qui n’ont commis aucune infraction pénale, peut-on lire dans cette lettre. J’estime que tout ce qui se passe ici est contraire à mes droits. »

« Je préférerais être en prison »

Ce mercredi matin, un autre retenu se présentant comme Farouk se saisit du téléphone d’Ahmad. « Je suis enfermé depuis quinze jours, indique l’homme d’origine algérienne. Ils m’ont emmené ici en pyjama et sans mes lunettes. Je n’ai aucun habit. J’ai assisté à plusieurs tentatives de suicide. Un homme a bu une bouteille de shampoing devant moi, hier, à la douche. Moi-même, j’ai des pensées suicidaires. On nous dit qu’on peut rester enfermés ici trois mois. J’ai une femme, une maison, ma mère vit en France. Je ne comprends pas ce que je fais ici. Je préférerais être en prison. Au moins, là-bas, tu sais quand tu sors. »

Que se passe-t-il derrière les murs de cette prison pour étrangers ? « Je n’ai pas le droit de vous répondre, indique l’infirmière présente mercredi au CRA. Contactez le chef de poste. » L’officier de la police aux frontières nous invite, pour sa part, à contacter sa hiérarchie : « Je ne peux pas vous donner les informations que vous demandez. » Le centre d’information et de commandement nous renvoie, à son tour, vers la préfecture. « Nous ne savons pas si nous pourrons répondre dans les délais, indique une dame au téléphone. Il faut que les informations que nous vous donnons soient validées par mes supérieurs. »

L’omerta sur les conditions dans lesquelles vivent Ahmad et Farouk et les drames auxquels ils disent avoir été confrontés est totale. Même chez France Terre d’asile (FTA), organisme chargé de l’accompagnement des retenus au sein du CRA de Coquelles, rien ne filtre. « Il faut contacter Paris », nous indique une des personnes de l’association présente sur place. « Le porte-parole de FTA ne souhaite pas commenter vos informations », nous répond le service de communication de la structure. La personne au bout du fil confirme toutefois avoir été informée de trois tentatives de suicide depuis dimanche. Elle s’autorise également à pointer l’absence d’accompagnement psychologique au sein des CRA et le facteur aggravant de la détresse psychique que constitue l’allongement de la durée de rétention, adopté par le législateur au début du mois d’août 2018.

Absence de psychologue

Des affirmations que confirme la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui a publié jeudi, au Journal Officiel, un nouvel avis relatif à la prise en charge sanitaire des personnes étrangères au sein des centres de rétention administrative. « Lors de la création des CRA en 1981, la durée d’enfermement ne pouvait dépasser 7 jours, rappelle l’ex-présidente du Syndicat de la magistrature. L’allongement de cette période, jusqu’à 90 jours aujourd’hui, rend de plus en plus vulnérables des personnes déjà fragilisées par une grande précarité du fait de leur situation administrative. »

Après avoir visité une soixantaine de CRA, Adeline Hazan dénonce l’absence de psychologue, de psychiatre et de garantie d’accès aux soins à l’entrée dans les centres et durant la période de rétention. « Dans un cas, nous avons même vu un policier chargé de filtrer les demandes de prise en charge médicale des retenus », assure-t-elle. Les étrangers enfermés dans les CRA « ne sont pas des délinquants, mais on les retient dans des lieux très carcéraux, dans lesquels l’hygiène et le confort sont inacceptables », pointe encore Adeline Hazan. Et d’ajouter à l’annonce des trois tentatives de suicide vraisemblablement survenues à Coquelles, cette semaine : « Les récentes grèves de la faim étaient déjà des actes de désespoir. »

Le cri de détresse lancé par Ahmad et Farouk pourrait bien n’être qu’une petite partie, rendue audible par l’attention de quelques militants solidaires, d’un grondement bien plus profond de tous ceux qu’on enferme pour n’être pas nés du bon côté de la frontière.

Émilien Urbach

La Cimade // Ce qui entre en vigueur le 1er janvier 2019 en matière d’asile

https://www.lacimade.org/ce-qui-entre-en-vigueur-le-1er-janvier-2019-en-matiere-dasile/

Trois décrets ont été pris pour l’application de la loi du 10 septembre 2018 . Le plus important est celui du 14 décembre 2018 

FRONTIÈRE ET DEMANDE D’ASILE

La police aux frontières peut notifier un refus d’entrée à une personne interpellée à dix kilomètres d’un poste frontière lorsque le contrôle aux frontières intérieures de l’Espace Schengen est rétabli. Exemple, une personne qui est interpellée dans un train à Roquebrune Cap-Martin (soit à dix kilomètres de Menton) peut être refoulée en Italie.  Depuis septembre, ce refoulement peut se faire sans que la personne puisse demander à bénéficier d’un jour franc (y compris lorsqu’elle est mineure alors qu’elle ne peut contester cette décision sans un représentant légal).

Asile à la frontière

Possibilité pour l’OFPRA de faire des entretiens par téléphone à la frontière (pratique courante encore mais sans base légale). Sinon l’entretien doit avoir lieu de vive-voix à Roissy et par visio-conférence (carte des lieux concernés) .

ENREGISTREMENT DANS LES GUICHETS UNIQUES DES DEMANDEURS D’ASILE (GUDA)

Après s’être rendue dans une structure de premier accueil (SPADA) (voir carte) ou être hébergée dans un centre d’accueil et d’étude de situation (CAES), la personne étrangère fait enregistrer sa demande d’asile auprès du guichet unique de demandes d’asile (GUDA).  A cette occasion, il lui est demandé de choisir une langue dans une liste établie par l’OFPRA. Ce choix lui sera opposable pendant toute la procédure. Si un interprète n’est pas disponible, il peut être décidé de prendre un interprète dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’elle la comprend.

Si la personne relève de la procédure Dublin, elle est orientée vers le pôle régional Dublin (voir article).

Si la personne demande l’asile plus de 90 jours après son entrée irrégulière, elle est placée en procédure accélérée par constat du préfet. Ce délai est réduit à 60 jours en Guyane.

ORIENTATION DIRECTIVE

Lors du passage au GUDA, l’OFII fait l’offre de prise en charge. En fonction d’une clé de répartition qui sera fixé par le schéma national d’accueil, s’il considère que les capacités d’accueil de la région sont dépassées, l’OFII oriente la personne dans une autre région soit en proposant un hébergement disponible, soit en lui indiquant l’adresse de la structure de premier accueil (SPADA). Elle doit s’y rendre dans un délai de cinq jours, sous peine de se voir irrévocablement couper l’allocation de demandeur d’asile. Elle ne peut quitter la région désignée par l’OFII sans autorisation de ce dernier (sauf si elle se rend aux entretiens  OFPRA  ou aux audiences CNDA). Si elle ne respecte pas ce cantonnement, les conditions d’accueil sont immédiatement et irrévocablement interrompues.

A l’exception des personnes disposant d’un titre pour fixer un domicile (actes de propriété,contrat de location ou de commodat), les personnes  ont l’obligation d’être domiciliées dans les SPADA ou dans les lieux d’hébergement.

EXAMEN DE LA DEMANDE D’ASILE À L’OFPRA

Dépôt de la demande d’asile (introduction) : la personne dispose d’un délai de vingt et un jours pour envoyer le formulaire OFPRA. Ce délai peut être augmenté de huit  jours si la demande envoyée est incomplète. L’OFPRA est tenu de clore l’instruction si le délai n’est pas respecté. La personne peut rouvrir le dossier en se rendant de nouveau au GUDA et dispose d’un délai de huit jours pour renvoyer le formulaire augmenté de quatre si la demande est incomplète.

Convocation à un entretien : En même temps que la lettre d’introduction de la demande, l’OFPRA convoque le demandeur à un entretien dans un délai d’un mois. Cet entretien peut se dérouler lors de missions foraines permanentes (à Lyon ou à Metz) ou occasionnelles (à Nantes par exemple) ou encore par visio-conférence si la personne est retenue dans un centre de rétention administrative (CRA) ou détenue dans un établissement pénitentiaire (voir carte des lieux concernés).

A plus ou moins long terme, la convocation sera transmise via un portail électronique auquel la personne accédera via un mode de passe personnel et dont elle sera informée des modalités dans une langue qu’elle comprend.  La décision de l’OFPRA sera transmise selon les mêmes modalités. Elle sera réputée notifiée dès la première consultation ou quinze jours après sa mise en ligne si la personne ne consulte pas le portail.

En Guyane, la décision est notifiée en mains-propres dans un délai de quinze jours après l’introduction depuis le mois de septembre 2018.

Fin de protection : l’OFPRA est tenu d’exclure du statut de réfugié ou de mettre fin à une protection accordée (article L.711-6 du CESEDA)  si la personne relève des dispositions de l’article 1er F) de la convention de Genève, si elle représente une atteinte à la sûreté de l’Etat ou si elle a été condamnée pour terrorisme dans les 32 Etats appliquant le règlement Dublin (UE 28 +Norvège, Islande, Suisse et Liechtenstein). Si le préfet le décide, la procédure peut être accélérée (trouble grave à l’ordre public).

CNDA

Recours à la CNDA : le délai de recours est toujours d’un mois. Cependant l’aide juridictionnelle ne peut être demandée que dans un délai de quinze jours après la notification. Cette demande suspend le délai au lieu de l’interrompre. Exemple si une personne demande l’aide juridictionnelle le quinzième jour , l’avocat qui est désigné ne dispose que de quinze jours pour formuler un recours.

Le préfet peut notifier une obligation de quitter le territoire “s’il est manifeste que la personne n’a pas formulé de recours dans le délai.

Lorsque la CNDA convoque la personne pour une audience, elle peut l’informer qu’elle aura lieu par vidéo.

La CNDA envisage de tenir les premières audiences de ce type pour les recours déposés  après le 1er janvier 2019 par des personnes domiciliées dans le ressort du TA de Lyon (soit Ain, Ardèche, Loire, Rhône et métropole de Lyon) à la Cour administrative d’appel de Lyon et par celles résidant dans  le ressort des TA de Nancy et de Strasbourg (Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin et Vosges) à la CAA de Nancy.

Depuis le 1er décembre 2018, la lecture publique de sa décision (l’affichage des résultats à la CNDA,  une ou trois semaines après l’audience ou la notification en cas d’ordonnance) suffit pour que le préfet en cas de rejet prenne une décision d’obligation de quitter le territoire.

DROIT DE RESTER PENDANT LA PROCÉDURE D’ASILE

Les personnes ont le droit de rester jusqu’à la lecture publique de la décision CNDA en procédure normale et en procédure accélérée, à l’exception des personnes ressortissantes d’un pays considéré comme sûr (liste); les personnes qui font l’objet d’une décision sur une demande de réexamen (qu’elle soit une décision d’irrecevabilité ou un rejet), celles qui font l’objet d’une décision d’irrecevabilité en raison d’une protection effective dans un autre Etat, celles qui font l’objet d’une demande d’extradition ou d’un mandat européen et celles qui représentent une menace grave à l’ordre public.

Dans ces cas, le préfet peut décider de mettre fin  au droit de rester et notifier une décision d’expulsion qui peut faire l’objet d’un recours dans un délai de quinze jours ou de quarante-huit heures si la personne est assignée à résidence ou placée en rétention. Dans ce recours, elle peut demander au juge de suspendre la décision d’obligation de quitter le territoire , le temps que la CNDA statue sur le recours déjà formulé ou sur le point de l’être. Le juge du tribunal administratif fait  droit à la demande lorsque la personne présente des “éléments sérieux au titre de la demande d’asile ” de nature à justifier son maintien sur le territoire. En cas de suspension, la personne assignée ou retenue n’est plus soumise aux mesures coercitives mais n’est pas pour autant admise à rester avec une attestation de demande d’asile.

Si une décision d’expulsion est déjà prise et a été confirmée, un recours pour un sursis à exécution de la mesure est possible dans un délai de quarante-huit heures, le juge statuant en 96 heures. La suspension entraîne la main levée des mesures coercitives sauf si la personne fait l’objet d’une mesure d’expulsion. Dans ce cas, elle peut être retenue ou assignée pendant l’examen du recours par la CNDA.

Le recours ainsi créé est difficilement compréhensible et n’est pas conforme au droit européen. En outre, il demande au juge du TA de se prononcer sur le bien-fondé de la demande d’asile alors que cela relève de la compétence de la CNDA.

CONDITIONS MATÉRIELLES D’ACCUEIL

Domiciliation 

Les personnes sans domicile stable sont obligées d’être domiciliées soit dans un lieu d’hébergement dédié, soit dans une structure de premier accueil (SPADA) . Celles qui disposent d’un domicile doivent déclarer leur changement d’adresse auprès de l’OFII et de l’OFPRA. Un domicile stable est un lieu où la personne est hébergée en ayant un titre (acte de propriété, contrat de location ou de prêt à usage gratuit).

Lieux d’hébergement asile : les missions des lieux sont fixées par arrêtés (à venir). elles comprennent : ;

– la domiciliation

-l’information sur les missions et le fonctionnement du lieu d’hébergement

-l’information sur la procédure d’asile et l’accompagnement dans les démarches administratives à l’OFPRA et à la CNDA (rien n’est prévu pour les personnes Dublinées);

– l’information sur les soins de santé et la facilitation d’accès aux services de santé afin d’assurer un suivi de santé adapté aux besoins;

– l’accompagnement dans les démarches d’ouverture des différents droits sociaux;

– l’accompagnement pour la scolarisation des enfants mineurs hébergés;

– la mise en place d’activités sociales, bénévoles et récréatives, en partenariat, le cas échéant, avec les collectivités locales et le tissu associatif de proximité;  (c’a d. cours de français toujours bénévole)

– la préparation et l’organisation de la sortie du lieu d’hébergement, en lien avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration, à la suite de la décision définitive sur la demande d’asile et l’accompagnement à l’accès au logement pérenne social ou privé pour les bénéficiaires de la protection internationale.

Le dispositif d’accueil va être divisé en deux pôles : les CADA qui accueilleront par priorité les personnes en procédure normale (taux d’encadrement 1 ETP pour 15 à 20 personnes, prix de journée 19.50€ par personne) et les autres lieux d’hébergement (taux d’encadrement 1 ETP pour  20 à 25 personnes, prix de journée 17%). Il sera fixé un taux d’occupation (97%) et de présence indue (3% pour les personnes réfugiées, 4% pour les déboutées).

Les responsables de centres doivent signaler à l’OFII toute absence, sans autorisation, de plus d’une semaine, qui entraîne  l’interruption immédiate des conditions d’accueil par l’OFII. Ils doivent également notifier les décisions de sortie et saisir le juge administratif d’une requête en référé mesures utiles pour ordonner l’évacuation d’une place “occupée indûment”.

Refus ou retrait des conditions d’accueil

Les conditions d’accueil peuvent être refusées ou retirées de plein droit par l’OFII  et sans procédure préalable  si :

  • la personne refuse  de se rendre dans un lieu d’hébergement ou le quitte. Lorsque le schéma national d’accueil sera publié, cela s’appliquera également aux personnes qui refusent l’orientation directive même sans hébergement proposé.
  • la personne ne se rend pas à une convocation des autorités (préfet, OFII, OFPRA). C’est notamment le cas des personnes Dublinées qui ne se rendent pas à une convocation.

Cette disposition a été appliquée illégalement et de façon anticipée depuis septembre  2018 à des personnes “Dublinées ” dont la demande est requalifiée après l’expiration du délai de transfert prolongé en raison d’une fuite.

Cette disposition est contraire au droit européen qui prévoit le rétablissement partiel ou total des conditions d’accueil si la personne est retrouvée ou si elle se présente de nouveau aux autorités;

Le décret du 28 décembre 2018 prévoit que la décision de refus ou de retrait entre en vigueur à compter de sa signature. Elle peut être contestée devant les juridictions administratives à condition qu’un recours administratif préalable obligatoire soit formulé, dans le délai de deux mois,  auprès du directeur général de l’OFII qui a deux mois pour statuer, l’absence de réponse valant rejet. Cette nouvelle modalité vise à limiter ou à retarder les saisines des juridictions.

Elles peuvent être refusées ou retirées, après procédure contradictoire :

si la personne a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d’hébergement ;

Le décret du 28 décembre prévoit que la personne doit rembourser les sommes indûment perçues.

si elle présente une demande de réexamen de sa demande d’asile ou si elle  n’a pas sollicité l’asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l’article L. 723-2. (délai de 90 jours)

Aménagement des conditions d’accueil si la personne fait l’objet d’une décision de refus du droit de rester

La personne peut être assignée (dans le lieu d’hébergement) pendant une période de quarante cinq jours et bénéficie du maintien des conditions d’accueil pendant l’examen du recours sur le droit de rester (soit pendant 6 jours).

Si le juge fait droit à la demande, elle bénéficie des conditions d’accueil jusqu’à la lecture publique de la décision de la CNDA

si le juge rejette, elle perd ses droit au terme du mois de notification de la décision du TA

Un décret (à venir) va prévoir une adaptation de l’allocation pour demandeur d’asile ou son remplacement par une aide matérielle.

RECOURS CONTRE L’OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE  DES DÉBOUTÉS OU LA DÉCISION DE TRANSFERT DUBLIN

Le recours s’effectue dans un délai de quinze jours selon les modalités prévues par le décret du 12 décembre 2018. Il est réduit à quarante huit heures si la personne est assignée à résidence ou placée en rétention. Le recours peut être sommaire.  Le juge unique du TA statue dans un délai de six semaines pour les OQT, quinze jours pour les décisions de transfert et 96 heures si assignation ou rétention.

RÉTENTION À 60 JOURS VOIRE À 90 JOURS

Une personne est placée en rétention pour une période initiale de 48 heures. Le juge de  la libertés et de la détention statue sur une demande de prolongation de vingt-huit jours puis de trente. Si  un laissez passer consulaire est sur le point d’être délivré oui si la personne fait obstruction à l’exécution de la mesure, demande l’asile ou sollicite un avis médical pour ne pas être renvoyée dans son pays, la rétention peut être prolongée exceptionnellement de quinze jours qui peut être prorogée de quinze jours supplémentaires si une de ces circonstances  apparaît pendant cette prolongation exceptionnelle.

Au total la durée de rétention pourrait être de 90 jours.

Circulaire du 31 décembre 2018

En complément de cette excellente synthèse, voir aussi (https://www.gisti.org/spip.php?rubrique39) :

Droit des étrangers en France : ce que change la loi du 10 septembre 2018

Co-édition Acat / ADDE / Anafé / Ardhis / Elena / Fasti / Gisti / Mom / ODSE / Saf / SM

Calvados // Le Maire de Ouistreham verbalisait lui même les bénévoles qui aidaient les migrants

JUSTICE Romain Bail, le maire de Ouistreham, doit comparaître devant le tribunal correctionnel de Caen au mois de juin prochain pour avoir verbalisé lui-même des bénévoles

20 Minutes avec agence

Publié le 12/02/19 à 15h18 — Mis à jour le 12/02/19 à 18h32

Treize contrevenants ont déposé plainte. Romain Bail, le maire de Ouistreham (Calvados), doit comparaître devant le tribunal correctionnel de Caen au mois de juin prochain pour « atteinte à la liberté par personne dépositaire de l’autorité publique ».

De novembre 2017 à mars 2018, il aurait personnellement verbalisé 17 personnes qui aidaient des migrants et dont le véhicule était mal garé, rapporte France 3 Normandie.

Des PV de 135 euros

La maison du maire se situe à proximité de l’un des principaux lieux de rassemblement des réfugiés. Des bénévoles se rendent régulièrement sur place afin de les aider et l’élu estime que le stationnement de leurs véhicules provoque un risque pour la sécurité des personnes.

François Geindre est un ancien avocat qui héberge régulièrement des migrants. Il fait partie des personnes verbalisées ayant porté plainte. « 135 euros parce qu’on est stationné cinq minutes sur le bord de la route à cet endroit, ça ne veut rien dire en termes de police du stationnement, c’est uniquement fait pour intimider tous ceux qui, avec un peu de générosité, viennent aider ces jeunes garçons », a-t-il confié à France 3.

Le maire envisage aussi de porter plainte

Romain Bail nie avoir abusé de sa position en dressant personnellement ces PV. « Nous étions dans des situations suffisamment graves, estime-t-il. (…) J’ai agi de la même manière ailleurs dans la ville. »

Il considère que les procédures engagées contre lui portent atteinte aux pouvoirs de police du maire. Il a annoncé qu’il envisageait de porter plainte à son tour pour harcèlement.

Grande Synthe: des associations d’aide aux migrants attaquent l’état pour contester une expulsion au puythouck

http://www.lavoixdunord.fr/534014/article/2019-02-07/des-associations-d-aide-aux-migrants-attaquent-l-etat-pour-contester-une

Grande-Synthe Des associations d’aide aux migrants attaquent l’État pour contester une expulsion au Puythouck

Le 19 septembre, l’état d’urgence avait été invoqué pour justifier la mise à l’abri de 600 migrants installés au Puythouck. Photo Marc Demeure

Le 19 septembre, l’état d’urgence avait été invoqué pour justifier la mise à l’abri de 600 migrants installés au Puythouck. Photo Marc Demeure – VDNPQR

Ce jeudi, devant le tribunal administratif de Lille, plusieurs associations d’aide aux migrants comptent contester le fondement légal d’un ordre d‘évacuation de la jungle du PuythouckLe 19 septembre 2017, près de 400 migrants étaient priés de quitter les lieux, encadrés par les forces de l’ordre.Des bus avaient été affrétés pour les héberger dans des centres d’accueil et d’orientation.

Une opération devenue presque de routine, puisqu’en 2018 , plus d’une quarantaine d’évacuations de ce type ont été ordonnées. Sauf que ce 19 septembre, la préfecture du Nord s’est appuyée sur un article de l’état d’urgence, alors en vigueur à l’époque après les attentats, pour justifier la légalité de cet ordre d’expulsion.

« Il n’y avait pas de risque terroriste et cette opération ne rentre pas dans les critères de l’état d’urgence. »

Selon les associations humanitaires, il s’agit d’un « détournement des mesures de l’état d’urgence à des fins de gestion de questions migratoires. Il n’y avait pas de risque terroriste et cette opération ne rentre pas dans les critères de l’état d’urgence. Le concours de la force publique, par ricochet, a été fait dans l’illégalité », croit savoir Marie Rotane, juriste à la Fondation Abbé-Pierre.

Une action symbolique

Ce sont ces arguments qui seront exposés devant la juridiction administrative, opposant les associatifs à l’État. Une action de principe à la portée symbolique. Si les plaignants obtenaient gain de cause, ils obtiendraient l’annulation de l’arrêté du préfet du 13 septembre 2017 et des euros symboliques pour les sept associations engagées dans cette procédure. L’évacuation ayant déjà eu lieu, il ne peut y avoir de retour en arrière.

« À travers cette action, il s’agit aussi de dénoncer publiquement des évacuations de campement coûteuses, inadaptées, inefficaces et inhumaines », insiste la Fondation Abbé-Pierre. De son côté, la préfecture a toujours soutenu qu’il était plus « humain » d’inciter les migrants à rejoindre des structures d’accueil adaptées, plutôt que de les laisser prospérer dans des « bidonvilles ».

Le jugement du tribunal administratif ne sera pas rendu avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.