Expulsions à Calais : nouveau communiqué inter-associatif !

A Calais : soigner la gale en mettant les « galeux » à la rue !
Bernard Cazeneuve répète les erreurs de ses prédécesseurs.

Et rebelote ! Une nouvelle expulsion de camps à Calais, programmée par le préfet du département pour le 28 mai 2014, cette fois sous couvert d’épidémie de gale qu’il faudrait arrêter en dispersant les victimes. La France chasse donc les « galeux » au lieu de les soigner.

Il va de soi qu’une telle décision ne relève pas du seul préfet du département. Elle bénéficie nécessairement de l’aval du nouveau ministre de l’Intérieur. Bernard Cazeneuve entend sans doute ainsi s’inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs, célèbres pour avoir manié le bâton contre les étrangères et les étrangers du Calaisis : entre autres, Nicolas Sarkozy avec sa fermeture de Sangatte en 2002, et Eric Besson avec son évacuation théâtrale et musclée de la « jungle des Pashtouns » en 2009. Les ministres changent. Leur politique stérile de la violence perdure.

Cette décision, qui prend donc prétexte d’une épidémie de gale, fait suite, en réalité, à la pression de la maire de Calais pour qui les camps où s’abritent les migrants donneraient une mauvaise image de la ville.

Natacha Bouchart a raison : ces camps d’infortune font la honte de la ville, de la France et de l’Europe, qui se refusent à accueillir dignement des personnes qui ont fui des pays en guerre. Leur insalubrité comme leur indignité devraient conduire à se féliciter de leur disparition si l’administration imaginait des alternatives décentes. Mais les solutions proposées relèvent du mépris et sont contraires au principe d’inconditionnalité de l’hébergement tout comme à la circulaire du 26 août 2012.

Seuls les mineurs et les demandeurs d’asile se verront offrir un hébergement. Et là encore, quel sérieux dans les propositions annoncées !

– Les mineurs seront conduits à la base d’Ohlain, propriété du conseil général en charge de l’aide sociale à l’enfance. Mais cette base de loisirs n’est pas prévue pour recevoir des adolescents traumatisés, et leur gardiennage, organisé dans la précipitation, et plus encore les conditions dans lesquelles leur sera proposée cette mise à l’abri laissent présager une dépense inutile et négative de l’argent public.
– Les demandeurs d’asile seront dirigés dans des structures d’hébergement d’urgence sociale inadaptées à leur situation.
– Une fois de plus les personnes majeures en transit vers la Grande-Bretagne sont totalement ignorées.

Comme d’autres États de l’Europe, la France ne sait qu’opposer une politique de dissuasion à ces étrangères et à ces étrangers. Dans ces conditions, ils et elles ne risquent pas de vouloir s’établir sur le territoire et de solliciter une protection. Acculés à l’errance et à l’invisibilité, les unes et les autres devront ouvrir d’autres squats insalubres en y colportant leur gale.

Leur maladie, prétexte aux démantèlements, a été signalée à l’Agence Régionale de Santé (ARS) depuis deux mois déjà par les associations, sans que rien ne soit mis en œuvre pour y remédier. Mais le préfet promet des soins le jour de l’expulsion alors que l’information sur l’imminence de l’opération disperse les malades qui entendent ainsi éviter leur placement en centre de rétention et leur éloignement. Écœurante propagande et mépris absolu des impératifs de santé publique.

Cette nouvelle initiative répressive dans le Calaisis est en cohérence avec la politique du gouvernement qui vient d’annoncer une réforme de la réglementation relative à l’asile. Bâti sur l’idée que la grande majorité des demandes d’asile repose sur des mensonges, le projet de loi vise principalement à multiplier leur examen dans des conditions expéditives et à expulser les victimes qui n’auront ainsi pas pu bénéficier d’une étude équitable de leur situation.

Les organisations signataires réclament que :

– Au vu de l’urgence de la situation, un camp humanitaire encadré par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et/ou des ONG missionnées soit installé à Calais et partout où ce sera nécessaire ;
– Conformément à la décision du Défenseur des droits du 13 novembre 2012, l’usage de la violence policière cesse dans le Calaisis ;
– La situation de toutes les personnes migrantes soit sérieusement et individuellement examinée et qu’elles puissent être correctement soignées, sans menace d’expulsion ;
– L’État respecte l’inconditionnalité de l’hébergement et mette en place des dispositifs d’accueil adaptés et suffisants ;
– Les associations soient effectivement parties prenantes aux discussions et ne servent pas de faire-valoir à des décisions arbitraires ;
– Le traité du Touquet soit renégocié ;
– Le gouvernement et le Parlement renoncent à modifier dans un sens dissuasif la réglementation relative à l’asile (cf. préconisations de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) ).

Liste des signataires :

ACC Minorités Visibles / Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) Calais / ADRA Dunkerque / Aide Migrants Solidarité (AMiS) Téteghem / L’Auberge des migrants / Calais, Ouverture et Humanité / Carrefour des Solidarités du littoral Nord / La CIMADE Nord-Picardie / Collectif de soutien des exilés (Paris) / Comité Anne Geneviève pour les droits des étrangers / Collectif contre le racisme et les idées d’extrême droite de Cherbourg / Fédération des associations de solidarité avec les travailleur.euse.s immigré.e.s (FASTI) / Fédération du Pas-de-Calais de la Ligue des droits de l’Homme / Flandre Terre Solidaire (FTS) / FNARS Nord-Pas-de-Calais / Fraternité migrants Bassin minier 62 / Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) / Intégration « Les 3I » / Itinérance Cherbourg / Jesuit Refugee Service (France) / Ligue des Droits de l’Homme Dunkerque / Médecins du Monde délégation Nord-Pas-de-Calais / MRAP Dunkerque / Réseau Education Sans Frontières (RESF) / Le Réveil Voyageur / Salam Nord-Pas-de-Calais / Terre d’errance Flandres littoral / Terre d’Errance Norrent-Fontes / Terre d’Errance Steenvoorde /

Contacts :
Terre d’Errance (Norrent-Fontes) : Nan Suel (06 95 28 29 43).
Médecins du Monde délégation Nord-Pas-de-Calais : Mathieu Abt (06 17 90 62 54).
Collectif de soutien des exilés (Paris) et Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) : Jean-Pierre Alaux (06 81 90 74 33).

CP expulsions Calais 27-05-2014

Expulsions à Calais : communiqué inter-associatif

Expulser en soignant, un nouveau protocole thérapeutique contre la gale ?

(Paris, le 22 mai 2014) Hier, le préfet du Pas-de-Calais annonçait sa décision d’expulser les migrants présents sur différents sites de la ville de Calais tout en leur proposant un traitement contre la gale alors même qu’une épidémie touche ces personnes vivant dans des conditions intolérables. Les associations sur place s’indignent de cette décision prise sans concertation et dénoncent la mise en danger de personnes en grande précarité.

Dans les conditions annoncées, les malades ne seront pas correctement soignés et l’épidémie ne sera pas stoppée. Cette annonce va amener les populations à quitter leurs lieux de vie sans avoir été soignées, ce qui risque d’étendre l’épidémie aux autres camps de la région.

Par ailleurs, les centaines de migrants qui ne s’inscrivent pas dans une démarche de demande d’asile seront dans une situation de vulnérabilité encore accrue. Les propositions de prise en charge des mineurs isolés étrangers ne semblent pas adaptées à l’accueil spécifique dont doit bénéficier tout mineur sur le territoire français.

L’épidémie de gale est bien la conséquence du non-respect des recommandations émises depuis des années par les associations et les autorités de santé qui demandaient que des structures d’hygiène (points d’eau, douches, latrines) soient installées à Calais.

Ces conditions d’expulsion ne respectent pas la circulaire du 26 août 2012 « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites ». Celle-ci prévoit notamment un temps de concertation entre tous les acteurs impliqués pour que des solutions alternatives de relogement soient anticipées.

Les associations dénoncent des mesures prises sans concertation qui combinent des soins inadaptés à des expulsions. Elles souhaitent que des mesures efficaces soient prises pour assurer une prise en charge des personnes migrantes respectueuse des droits fondamentaux.

Associations signataires :
Médecins du Monde ; Délégation du Secours Catholique du Pas de Calais ; France Terre d’Asile ; L’auberge du migrant ; Calais ouverture humanité.

Contacts presse
MdM : Emmanuelle Hau / Aurélie Defretin 01 44 92 14 31 / 13 81 – 06 09 17 35 59
Secours Catholique : Véronique Devise 06 31 88 89 12 devise.veronique@wanadoo.fr
FTDA : Christophe Harrison 01 53 04 39 93 charrison@france-terre-asile.org

CP 22.05.2014

 

Lancement de l’émission radio « Passagers du monde »/ Numéro 0…ou le début du voyage radiophonique

les-ptites-oreilles-2

 

Appuyée par Radio Rencontre, une radio associative émettant sur le Dunkerquois (93.3 FM), une petite équipe rassemblant des bénévoles et militants membres ou proches de la Plate-forme de Services aux Migrants (PSM) s’est lancée dans l’élaboration d’une émission de radio. L’objectif est de parler (autrement) de la situation des personnes exilées présentes sur le littoral Nord de la France, et plus vastement de la thématique migratoire d’ici ou d’ailleurs.

Pour lire la suite, cliquez ici !

Retour sur le passage de l’Agence de voyageurs

L’Agence de voyageurs ou quand la migration rime -avant tout- avec voyage…

(Par Martine Devries, Dominique Ruelle-Bourgeois, Nan Suel)

Du 07 au 10 avril, trois étudiants-chercheurs de l’ENSAD-LAB, Afrouz, Rahaf et Pejman, sont venus écouter les récits de voyage de ceux qui voulaient bien raconter…C’est un projet sur lequel ils travaillent depuis plusieurs mois : plans, visuels, essais, ce sont des designers, et ils procèdent méthodiquement, en collaboration avec le PEROU, et Sébastien Thiery…

Pour lire la suite de cet article, rendez-vous ici !

Crédits : Rahaf Demashki

Crédits : Rahaf Demashki

 

Parution du Journal des Jungles nouvelle version (numéro 2) !

Oyez, oyez braves âmes ! Le « Journal des Jungles » est de retour !

Oui, c’est vrai, mea culpa, la livraison de ce numéro 2 est quelque peu tardive, mais cela s’explique !

En effet, une bonne nouvelle : la petite équipe de réalisation du Journal s’est agrandie et a accueilli d’une part, trois modestes mais extraordinaires étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD), Rahaf Demashki, Afrouz Razavi et Pejman Mirzaei (chapeautés par Rudi Bauer) et d’autre part, le regard avisé de Sébastien Thierry, coordinateur du PEROU.

Et pour que tout ce petit monde rentre dans le comité de rédaction, il a fallu un peu pousser les murs (de la création) ! Raison pour laquelle nous sommes un peu en retard ! Mais pour quel résultat !

Le Journal est en téléchargement ici. Et en guise d’avant-goût, vous trouverez ci-dessous l’éditorial réalisé par Sébastien Thiéry.

 Bonne lecture et rendez-vous au mois de juin pour le numéro 3 !

Crédits : Afrouz Razavi

Crédits : Afrouz Razavi

Éditorial du Journal des Jungles (numéro 2)

 Faire l’hospitalité : seule politique responsable.

Les tenants de la politique dite « de fermeté » détiennent la solution : il convient d’expulser et de détruire toute installation illicite (compter 100 000 euros pour une telle opération sur un bidonville de 100 personnes, selon les calculs de l’association PEROU), reconduire les clandestins à la frontière (compter 21 000 euros par tête, selon les chiffres de François Gemmene, de l’Institut du développement durable et des relations internationales), rétablir la totalité des postes de contrôle douanier, redéployer par milliers des forces de polices aux frontières, abroger des dizaines de conventions internationales, défaire par conséquent les accords commerciaux qu’elles contiennent et réduire de moitié les ambitions d’exportation, changer de régime afin de se débarrasser des principes fondamentaux de cette République, inviter enfin, une fois exécutées ces quelques formalités, la population française à procréer 2,2 fois plus qu’à l’accoutumé afin de donner à la pyramide démographique une silhouette digne de ce nom et de garantir au pays une survie au-delà de 2050.

 Nul besoin d’être grand clerc pour conclure que l’irresponsabilité et la démagogie sont de ce parti-là : nous n’avons pas les moyens d’expulser toute la misère du monde ! Pire : nous avons besoin de l’accueillir, et dans les meilleurs conditions qui soient. D’où notre obstination, à nous tous qui nous retrouvons sur les terrains où l’hostilité fait rage : faire l’hospitalité, au moins parce que nous n’avons pas d’autre choix que celui-ci.

 Sébastien Thiéry, coordinateur du PEROU (Pôle d’exploration des ressources urbaines)

Recherche de bénévoles pour l’accompagnement des demandeurs d’asile

Vous avez envie de vous engager auprès des migrants qui se trouvent dans le Nord-Pas-de-Calais?

Les associations membres de la Plate-forme de Services aux Migrants (PSM) recherchent des bénévoles pour aider les demandeurs d’asile dans leurs démarches. Pas besoin de connaissances particulières, la PSM vous accompagnera et vous formera à l’accompagnement des demandeurs d’asile en Préfecture ainsi qu’à l’aide à la rédaction de dossiers de demande d’asile.

Lieu : Nord-Pas-de-Calais (Calais, Dunkerque, Norrent-Fontes, etc.)

Si vous êtes intéressés par ce bénévolat, contactez Clémence Gautier au 06.58.20.60.75 ou à l’adresse mail suivante : contactjuriste@psmigrants.org.

Valls à Calais : Les associations d’aide aux migrants demandent des mesures concrètes

Communiqué de presse

 

Visite de Manuel Valls à Calais

Les associations d’aide aux migrants demandent des mesures concrètes

 

(Paris, jeudi 12 décembre 2013)

Le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls a rencontré aujourd’hui les associations de défense des migrants, lors de la quatrième table de concertation avec le préfet organisée à la sous-préfecture de Calais.

 Alors qu’environ 400 exilés sont présents à Calais et 250 dans le reste de la région, dans une situation de dénuement extrême en pleine vague de froid, les associations d’aide aux migrants ont pu alerter aujourd’hui Manuel Valls sur la situation dramatique de ces populations précaires et réaffirmer la nécessité de mettre rapidement en œuvre des solutions dignes et pérennes garantissant le respect de leurs droits fondamentaux et des engagements internationaux de la France.

Les acteurs qui interviennent auprès des exilés de Calais font état d’un réel manque de dispositifs de mise à l’abri, d’équipements favorisant l’accès à l’eau et à l’hygiène et les expulsions à répétition sans solutions de relogement et sans concertation préalable avec les associations propulsent ces populations dans l’errance et aggravent leur état de santé. La pression policière dont sont encore victimes les exilés à Calais ne font par ailleurs que détériorer davantage leurs conditions de vie.

 Dans un rapport rendu par le Défenseur des Droits en novembre 2012, celui-ci « dénonçait » la situation faite aux migrants : pression policière, expulsion des lieux de vie, destruction des biens personnels et du matériel humanitaire, absence d’hébergement, etc. A la suite de cette réunion, les associations notent avec intérêt la volonté de l’Etat d’expérimenter sur la région des projets de « maisons des migrants » et entendent y être associées rapidement. Les orientations discutées lors de cette table de concertation feront l’objet d’un suivi dans les prochains mois de la part Manuel Valls et la mise en place d’un diagnostic concerté avec les associations a été envisagée. Aucune solution immédiate n’a cependant été proposée pour répondre aux besoins urgents des migrants.

 Si Manuel Valls s’est dit prêt soutenir le projet de « maisons de migrants » avec la participation des associations, la situation d’urgence à Calais n’a pas encore reçu de réponse concrète. Les associations réaffirment avec force la nécessité de mettre en place des mesures immédiates  pour répondre à la couverture des besoins essentiels et urgents des migrants : mise à l’abri inconditionnelle, facilité d’accès à la santé et aux droits, accès à l’eau et à l’hygiène ainsi que pour mettre fin aux pressions policières.

  Associations signataires :

L’Auberge des Migrants, Carrefour des Solidarités, le Collectif Fraternité Migrants Bassin Minier 62, Emmaüs, France Terre d’Asile, la Marmite aux Idées, Médecins du Monde, Terre d’Errance Norrent-Fontes et la Délégation du Secours Catholique du Pas-de-Calais.

CP final Valls 12.12.2013

Morts aux frontières

Dans la nuit du lundi 09 au mardi 10.12.2013, Y.G.E., de nationalité érythréenne et âgé d’une vingtaine d’années, est décédé à Calais. Il souffrait d’une maladie cardiaque et devait prendre un traitement de manière continue. Il s’est rendu à la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) de Calais et n’a pas pu obtenir le traitement dont il avait besoin. Il est décédé en essayant de passer la frontière. Mariam Guerey, Animatrice au Secours Catholique de Calais, a rédigé un texte pour lui, que vous pouvez trouver ici).

Un décès de plus. Un nom qui s’ajoute à une liste déjà beaucoup trop longue de personnes migrantes tuées pour des raisons liées (de près ou de loin) au « passage » de la frontière franco-britannique.

Nous reproduisons ci-dessous un texte rédigé par Nan Suel, présidente de Terre d’Errance Norrent-Fontes, à l’occasion d’une cérémonie religieuse en l’honneur des exilé.e.s décédé.e.s le 03.10.2013 lors du naufrage d’une embarcation au large de l’île de Lampedusa.

Une autre frontière. Les mêmes conséquences dramatiques.

 

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête

 

Tout le temps, partout des gens meurent, de maladie, d’accident, de vieillesse, de pauvreté, de haine,

C’est la vie, le destin, la volonté de Dieu,

Va savoir, c’est comme ça.

 

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête

 

Notre tristesse accompagne la vôtre, vous qui dans ces naufrages, avez perdu un frère, un voisin, un ami

Nous ne pouvons que ça : être avec vous dans ce moment de peine

Nous qui, protégés par notre carte d’identité, par le hasard qui nous a nés, nous ne pouvons imaginer les derniers instants des noyés.  

Et avant eux, de tous ceux que le désert n’a pas enterrés. De tous les autres que les eaux ont emportés.

Ces instants, vous les avez vécus, vous y avez survécus. Et vous voilà ici.

 

C’est la vie, le destin, la volonté de Dieu,

Va savoir, c’est comme ça.

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête

 

Colère car s’ils sont morts, si vous avez tant souffert le long du chemin qui vous a amené ici,

Et si ici vous souffrez encore, et si ici d’autres meurent encore en essayant de nager jusqu’aux bateaux,

C’est à cause de lois, de règlements décidés en nos noms.

 

Quelque part, dans un bureau européen

Des gens ont décidé que vous nous faisiez peur,

Des gens ont décidé que vous étiez dangereux,

Des gens ont décidé que vous étiez la cause de nos petits ou de nos gros problèmes

Ces gens ont décidé qu’il fallait vous empêcher de venir vous protéger, de venir vivre ici

Vous en empêcher au prix de votre vie s’il le fallait

Ces gens décident pour nous, en notre nom. Ils mentent ou ils se trompent.

 

Nous ne sommes pas d’accord avec ces gens.

Alors nous nous battrons, avec nos mots, avec nos dons, avec nos corps et puis nos cœurs.

Nous nous battrons jusqu’à ce que ces lois changent, jusqu’à ce que partout, tout homme et toute femme ait le droit de quitter librement son pays pour aller s’installer librement dans le pays de son choix.

 

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête

 

Squat V.Hugo (suite) : la justice ordonne « la libération des lieux »

Le jugement est tombé mardi 19.11.2013 : le tribunal de Calais « ordonne la libération des lieux », « au besoin avec le concours de la force publique ». Il ordonne par ailleurs à charge de chaque occupant « une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision et jusqu’à libération des lieux ».

Calais

Calais

Les habitants de ce lieu de vie, qui sont majoritairement des femmes, sont donc désormais sous la menace d’une expulsion.

Nous reproduisons ci-dessous le texte qu’elles ont réalisé.

Paroles des femmes de la maison du 51 boulevard Victor-Hugo

Nous n’avons pas d’endroit où vivre, nous asseoir, ou nous reposer. Nous n’avons rien, donc nous voulons rester ici. Nous voulons avoir une chance de rester dans cette maison.

Nous avons quitté notre pays à la recherche d’une vie meilleure et maintenant nous avons encore peur. Jusqu’à quand allons-nous encore avoir peur ? Nous ne sommes pas libres ici, c’est le jeu du chat et de la souris et nous devons toujours fuir, fuir, fuir. Nous sommes venues en Europe pour trouver la liberté, mais où est-elle ?

Nous sommes toutes arrivées par la mer, d’abord au Soudan, en Libye, puis en Italie. Nous fuyons depuis le début de notre voyage. Nous n’avons pas quitté notre pays, l’Érythrée, pour des raisons économiques, nous avions de la nourriture et un abri là-bas. Quelques-unes d’entre nous allaient même à l’université. En Érythrée, les femmes et les hommes doivent faire leur service militaire pendant au moins deux ans, deux ans  qui peuvent devenir des années. Nous n’avons pas d’autre choix que d’y aller et tout le monde s’enfuit parce qu’on en a peur.

Maintenant nous sommes parties, nous avons eu une chance de quitter notre pays et nous ne pourrons jamais revenir. Si nous le faisions, nous serions en grand danger, nous risquerions la prison pour très longtemps, ou nous pourrions même être tuées. Quand nous nous sommes enfuies de notre pays, nous cherchions la liberté. Personne ne s’enfuit de son pays et ne prend autant de risques pour des raisons économiques. Notre voyage était vraiment dangereux, il y a beaucoup de racisme, par exemple en Libye, beaucoup de personnes africaines ont été tuées. Et maintenant, en Europe, c’est le jeu du chat et de la souris : chaque fois qu’on voit un policier, on fuit. Où est la démocratie ? Qu’est-ce qu’on a fait de mal ? Est-ce que c’est parce que nous sommes illégales, ou que nous sommes noires, que les gens nous traitent comme ça ?

Nous avons besoin de liberté. L’une d’entre nous pense à rester en France, mais après ce que nous avons vécu ici, on ne voit pas la liberté et on ne veut pas subir encore une fois le racisme. Nous sommes venues pour la liberté, pas pour ça. Plus que tout, c’est la liberté qui nous importe, plus que la nourriture, ou l’abri. Une de mes amies a été frappée par la police et jetée dans des ordures, une autre a été conduite en plein milieu de la nuit loin de Calais, et elle a du revenir à pied. Pourquoi ? Pour quelles raisons ? Maintenant, nous n’avons nulle part autre où aller que cette maison. Si elle est fermée, nous serons à la rue. Nous ne voulons pas bouger d’ici. Nous aimerions avoir la chance d’y rester.