Morts aux frontières

Dans la nuit du lundi 09 au mardi 10.12.2013, Y.G.E., de nationalité érythréenne et âgé d’une vingtaine d’années, est décédé à Calais. Il souffrait d’une maladie cardiaque et devait prendre un traitement de manière continue. Il s’est rendu à la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) de Calais et n’a pas pu obtenir le traitement dont il avait besoin. Il est décédé en essayant de passer la frontière. Mariam Guerey, Animatrice au Secours Catholique de Calais, a rédigé un texte pour lui, que vous pouvez trouver ici).

Un décès de plus. Un nom qui s’ajoute à une liste déjà beaucoup trop longue de personnes migrantes tuées pour des raisons liées (de près ou de loin) au « passage » de la frontière franco-britannique.

Nous reproduisons ci-dessous un texte rédigé par Nan Suel, présidente de Terre d’Errance Norrent-Fontes, à l’occasion d’une cérémonie religieuse en l’honneur des exilé.e.s décédé.e.s le 03.10.2013 lors du naufrage d’une embarcation au large de l’île de Lampedusa.

Une autre frontière. Les mêmes conséquences dramatiques.

 

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête

 

Tout le temps, partout des gens meurent, de maladie, d’accident, de vieillesse, de pauvreté, de haine,

C’est la vie, le destin, la volonté de Dieu,

Va savoir, c’est comme ça.

 

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête

 

Notre tristesse accompagne la vôtre, vous qui dans ces naufrages, avez perdu un frère, un voisin, un ami

Nous ne pouvons que ça : être avec vous dans ce moment de peine

Nous qui, protégés par notre carte d’identité, par le hasard qui nous a nés, nous ne pouvons imaginer les derniers instants des noyés.  

Et avant eux, de tous ceux que le désert n’a pas enterrés. De tous les autres que les eaux ont emportés.

Ces instants, vous les avez vécus, vous y avez survécus. Et vous voilà ici.

 

C’est la vie, le destin, la volonté de Dieu,

Va savoir, c’est comme ça.

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête

 

Colère car s’ils sont morts, si vous avez tant souffert le long du chemin qui vous a amené ici,

Et si ici vous souffrez encore, et si ici d’autres meurent encore en essayant de nager jusqu’aux bateaux,

C’est à cause de lois, de règlements décidés en nos noms.

 

Quelque part, dans un bureau européen

Des gens ont décidé que vous nous faisiez peur,

Des gens ont décidé que vous étiez dangereux,

Des gens ont décidé que vous étiez la cause de nos petits ou de nos gros problèmes

Ces gens ont décidé qu’il fallait vous empêcher de venir vous protéger, de venir vivre ici

Vous en empêcher au prix de votre vie s’il le fallait

Ces gens décident pour nous, en notre nom. Ils mentent ou ils se trompent.

 

Nous ne sommes pas d’accord avec ces gens.

Alors nous nous battrons, avec nos mots, avec nos dons, avec nos corps et puis nos cœurs.

Nous nous battrons jusqu’à ce que ces lois changent, jusqu’à ce que partout, tout homme et toute femme ait le droit de quitter librement son pays pour aller s’installer librement dans le pays de son choix.

 

Des gens sont morts

Tristesse et colère dans le corps et dans la tête