Squat V.Hugo (suite) : la justice ordonne « la libération des lieux »

Le jugement est tombé mardi 19.11.2013 : le tribunal de Calais « ordonne la libération des lieux », « au besoin avec le concours de la force publique ». Il ordonne par ailleurs à charge de chaque occupant « une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision et jusqu’à libération des lieux ».

Calais

Calais

Les habitants de ce lieu de vie, qui sont majoritairement des femmes, sont donc désormais sous la menace d’une expulsion.

Nous reproduisons ci-dessous le texte qu’elles ont réalisé.

Paroles des femmes de la maison du 51 boulevard Victor-Hugo

Nous n’avons pas d’endroit où vivre, nous asseoir, ou nous reposer. Nous n’avons rien, donc nous voulons rester ici. Nous voulons avoir une chance de rester dans cette maison.

Nous avons quitté notre pays à la recherche d’une vie meilleure et maintenant nous avons encore peur. Jusqu’à quand allons-nous encore avoir peur ? Nous ne sommes pas libres ici, c’est le jeu du chat et de la souris et nous devons toujours fuir, fuir, fuir. Nous sommes venues en Europe pour trouver la liberté, mais où est-elle ?

Nous sommes toutes arrivées par la mer, d’abord au Soudan, en Libye, puis en Italie. Nous fuyons depuis le début de notre voyage. Nous n’avons pas quitté notre pays, l’Érythrée, pour des raisons économiques, nous avions de la nourriture et un abri là-bas. Quelques-unes d’entre nous allaient même à l’université. En Érythrée, les femmes et les hommes doivent faire leur service militaire pendant au moins deux ans, deux ans  qui peuvent devenir des années. Nous n’avons pas d’autre choix que d’y aller et tout le monde s’enfuit parce qu’on en a peur.

Maintenant nous sommes parties, nous avons eu une chance de quitter notre pays et nous ne pourrons jamais revenir. Si nous le faisions, nous serions en grand danger, nous risquerions la prison pour très longtemps, ou nous pourrions même être tuées. Quand nous nous sommes enfuies de notre pays, nous cherchions la liberté. Personne ne s’enfuit de son pays et ne prend autant de risques pour des raisons économiques. Notre voyage était vraiment dangereux, il y a beaucoup de racisme, par exemple en Libye, beaucoup de personnes africaines ont été tuées. Et maintenant, en Europe, c’est le jeu du chat et de la souris : chaque fois qu’on voit un policier, on fuit. Où est la démocratie ? Qu’est-ce qu’on a fait de mal ? Est-ce que c’est parce que nous sommes illégales, ou que nous sommes noires, que les gens nous traitent comme ça ?

Nous avons besoin de liberté. L’une d’entre nous pense à rester en France, mais après ce que nous avons vécu ici, on ne voit pas la liberté et on ne veut pas subir encore une fois le racisme. Nous sommes venues pour la liberté, pas pour ça. Plus que tout, c’est la liberté qui nous importe, plus que la nourriture, ou l’abri. Une de mes amies a été frappée par la police et jetée dans des ordures, une autre a été conduite en plein milieu de la nuit loin de Calais, et elle a du revenir à pied. Pourquoi ? Pour quelles raisons ? Maintenant, nous n’avons nulle part autre où aller que cette maison. Si elle est fermée, nous serons à la rue. Nous ne voulons pas bouger d’ici. Nous aimerions avoir la chance d’y rester.