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Amende avec sursis pour Rob Lawrie, qui avait tenté de faire passer une enfant afghane en Angleterre // Libération // 14.01.2016


Rob Lawrie avec Bahar à Boulogne-sur-mer jeudi/Photo Benoît Tessier/Reuters 

Le Britannique Rob Lawrie a été condamné ce jeudi à 1000 euros d’amende avec sursis par le tribunal de Boulogne-sur-Mer

L’affaire s’est terminée par des applaudissements. Rob Lawrie n’a écopé que de 1000 euros d’amende avec sursis pour avoir mis en danger la petite Bahar Ahmadi 4 ans, en tentant de la faire passer en Angleterre, avec l’accord de son père, rencontré dans la jungle. L’audience avait commencé sous tension, dans une salle pleine à craquer de soutiens et de militants. «Je sais, c’était irrationnel, stupide. J’étais émotionnellement épuisé. La nuit était froide», raconte Rob Lawrie au tribunal. «On était autour du feu, et elle s’est endormie sur mes genoux. Son père m’avait demandé à plusieurs reprises de l’emmener rejoindre sa famille à Leeds, à 3 ou 4 miles de chez moi. Je ne pouvais pas la laisser là. Je suis désolé.»

Ce Britannique de 49 ans, originaire de la banlieue de Leeds, dans le nord de l’Angleterre, père de quatre enfants, était jugé ce 14 janvier à Boulogne-sur-Mer pour avoir tenté de faire passer en Angleterre Bahar, une petite Afghane de 4 ans qui vivait dans la «jungle» de Calais. Après des mois d’allers et retours dans le bidonville où il construisait des abris de bois et de bâche avec les exilés, il a glissé la petite fille, qui le connaissait bien, le 24 octobre 2015 dans une cachette dans son van. L’homme, qui se définit comme un «nettoyeur de tapis au chômage qui fait du bénévolat», reconnaît les faits, et risque 5 ans de prison et 30000 euros d’amende. Quelques heures avant l’audience, pendant une conférence de presse improvisée dans le presbytère de Saint-Martin-Boulogne, il se défendait avec aisance : «Dans les années 50 aux Etats-Unis, il était illégal pour les Noirs et les Blancs d’être assis côte à côte. Et maintenant on se dit « quelle vaste blague! » Un jour on dira : «Oh mon Dieu, à une époque on laissait les enfants dans de sordides camps de réfugiés, et ils n’allaient pas à l’école».» À la barre du tribunal de grande instance de Boulogne, il semble accablé, cherche ses mots. Rob Lawrie est par ailleurs bipolaire. Il a été placé en foyers à 6 ans. «A l’époque, j’aurais aimé que quelqu’un vienne à mon secours.»

«Je voyais son désespoir de ne pas pouvoir donner une meilleure vie à sa fille»

Dans la salle d’audience, au second rang, Reza Ahmadi, la jambe cassée, est là avec sa fille Bahar, au deuxième rang, la petite joue sur une tablette, en pantalon rose et pull bleu marine, blottie entre son père et une bénévole britannique. Elle murmure pour elle-même, tranquille comme un enfant qui joue : «La police arrive, il faut qu’on se sauve. La police doit nous attraper. Il faut courir.»

Le 24 octobre, il est 23h35 quand l’utilitaire est contrôlé au terminal ferry. Les chiens policiers détectent une présence, des Érythréens se sont cachés à l’arrière. Ils racontent aux policiers avoir vu la camionnette abords du camp, et s’y être caché cinq heures à l’insu de Rob Lawrie. le Britannique est arrêté, la garde à vue dure. Vers 2 heures du matin il craque, et avoue qu’une petite fille est caché au-dessus du siège du chauffeur, dans une cache aménagée en couchette, d’1,30 sur 50 centimètres. Quand les policiers ouvrent la cache, la petite dort.

À l’audience, il explique qu’il a une relation de confiance avec le père, qu’il lui a confié Bahar, qu’elle doit donner l’enfant à ses cousins et à sa grand-mère. «Je voyais son désespoir de ne pas pouvoir donner une meilleure vie à sa fille. À chacun de mes dix ou douze allers-retours, je les ai vus. Cette nuit, je ne pouvais plus la laisser là.»

«Je n’ai pas réfléchi j’aurais dû»

Il assure qu’il n’a pas touché d’argent. «Il est hors de question que je fasse ce genre de chose pour l’argent. Elle a 4 ans, elle est très intelligente, elle vit dans une tente, dans un lieu dangereux et très froid.» Le président lui parle de «mise en danger», de «conditions de transport». Lawrie: «Si je n’avais pas eu un compartiment de couchage, si j’avais voyagé dans une voiture je ne l’aurais pas imaginé le faire. C’était très confortable. Elle était en sécurité.»

Quand le procureur suggère de condamner Lawrie à 1000 euros d’amende pour «mise en danger de la vie d’autrui», une partie de la salle, pleine à craquer de militants et de soutiens, hue. Lawrie répète : «Je n’ai pas réfléchi j’aurais dû.» Le procureur se dit sensible à la détresse de l’exil, mais plaide des «conditions indignes du passage», une «mise en danger de la vie d’autrui»: «On ne peut pas faire n’importe quoi. Elle n’avait pas de ceinture de sécurité, pas de réhausseur prévu par la loi, en cas de choc frontal, elle devenait un boulet de canon qui s’écrasait contre le pare-brise. Sa vie était en danger.» Huées dans la salle. «Qu’est-ce qui se passe ?», chuchote Bahar à son père. Lawrie raconte avoir été ému par la photo du petit Aylan, en août, ce met à convevoir des abris sur la table de sa cuisine, laisse tomber sa boîte de nettoyage de moquette contre l’avis de sa femme, et sans la consulter, commence des allers retours vers Calais en septembre.

Entendu comme témoin, Christian Salomé, président de l’association L’auberge des migrants explique au tribunal : «Il y a 5000 personnes dans la jungle, dont 500 à 600 enfants, dont des nouveau-nés. Jusqu’à lundi dernier, il n’y avait rien pour abriter les pères avec enfant, sauf les cabanes de la jungle, qu’on peut comparer au confort d’un abri de jardin. Les enfants vivent dans le froid et pataugent dans la boue. C’est difficile de rester insensible. De donner à manger, puis de rentrer chez soi. Ces enfants ont l’âge de nos petits enfants. Je comprends très bien ce monsieur qui à un moment donné n’a pas réussi à la laisser là. Des relations naissent, c’est le propre des humains.» Dans la salle d’audience, Bahar en a fini avec la tablette, elle joue avec une boule de Noël au but d’un bâton.

Communiqué de presse // La solidarité en procès à Boulogne-sur-Mer

Robert Lawrie, ressortissant britannique, va être jugé au tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer, jeudi 14 janvier à 13h30, pour avoir, selon la citation à comparaître, « facilité la circulation irrégulière d’un étranger en France ». L’ « étranger » en question est une petite fille âgée de 4 ans, que son père voulait faire quitter la boue et le dénuement du bidonville de Calais et rejoindre le reste de la famille en Angleterre. Quant à Robert Lawrie, le tribunal devra dire s’il s’est conduit comme un passeur, un criminel, ou en citoyen pris de compassion pour cette situation.

Alors qu’une réforme adoptée fin 2012 avait été présentée comme mettant fin aux poursuites pour « délit de solidarité », de telles poursuites, avec des qualifications diverses, se multiplient depuis plusieurs mois.

Une conférence de presse se tiendra

jeudi 14 janvier à 11h

27 route de Desvres
à Saint-Martin Boulogne
(Pas-de-Calais)

(à 5 minutes en voiture du tribunal, un parking juste à côté)

Prendront la parole pour introduire la conférence :

Robert Lawrie

Martine Devries, militante de longue date à Calais
Nan Suel, co-présidente de Terre d’errance à Norrent-Fontes
Richard Moyon, de RESF (Réseau éducation sans frontières)

et, sous réserve,

– Hubert Jourdan, directeur d’Habitat et citoyenneté, association dont une membre a été condamnée à Grasse récemment pour être elle aussi venue en aide à des étrangers en situation irrégulière.

De nombreux membres d’associations et comités de soutien aux réfugiés des jungles du nord de la France seront présents dans la salle.

La nuit à Calais, les CRS arrosent la «jungle» de lacrymogènes // Libération // 07.01.2016

Image tirée de la vidéo diffusée par «Calais Migrant Solidarity».
Image tirée de la vidéo diffusée par «Calais Migrant Solidarity».

Une vidéo, mise en ligne par les militants de «No border», montre des jets massifs de gaz lacrymogènes des forces de l’ordre sur des cabanes où vivent femmes et enfants.

Un feu d’artifice de gaz lacrymogènes. Depuis lundi, la «jungle» de Calais a été arrosée de grenades par les CRS plusieurs nuits de suite. Témoin, ce petit film de sept minutes mis en ligne par le groupe No Border «Calais Migrant Solidarity». On y distingue les cabanes du bidonville, côté rue des Garennes et chemin des Dunes, plongées dans un nuage de gaz, dans la lumière blafarde des lampadaires de la rocade. On entend des cris, des applaudissements, des rires de la centaine d’exilés qui tentent d’en découdre avec les forces de l’ordre. Certains migrants, parfois très jeunes, retournent les grenades à l’envoyeur ou jettent des pierres. Pour ces jeunes hommes afghans et kurdes qui en ont vu d’autres, désespérés de ne pouvoir passer en Angleterre après des mois de tentatives, on dirait un jeu. On aperçoit des averses d’étincelles quand les grenades touchent les toits des cabanes. Certaines grenades sont envoyées à tir tendu (voir à 6’55 »). Dans ces cabanes, il y a aussi des gens qui dorment, des femmes et des enfants, surtout dans la zone la plus proche de la rocade, où se trouvent de nombreuses familles kurdes d’Irak.

«En ce moment, c’est toutes les nuits», raconte Mehdi, un Iranien qui ne participe pas aux heurts. «Tout le monde mange du gaz. Les calmes et les énervés. Les familles qui n’ont rien demandé à personne, comme les autres». Il estime à une centaine le nombre de grenades jetées chaque nuit. On avait rencontré ces familles en novembre, dans le carré des Kurdes. Elles racontaient comment des tentes avaient pris feu à cause des grenades. Une femme expliquait que son fils de 4 ans respirait avec difficulté à cause des gaz. Pour un activiste No Border qui veut rester anonyme, cette stratégie qui consiste à arroser tout le monde relève de la «punition collective». «La nuit, la jungle est en état de siège. La police bloque les gens. En retour, ces jeunes qui viennent de pays en guerre le vivent comme un jeu. C’est tragique.» Les No Border annoncent deux blessés au visage.

Rondins et poteaux

Selon le groupe No Border «Calais Migrant Solidarity», qui s’exprime en anglais sur son site, dans la nuit du 4 au 5 janvier, les migrants avaient répondu à une provocation d’un groupe d’extrême droite contre les exilés aux abords de la jungle. La nuit suivante, le scénario est plus classique : des exilés tentent de ralentir le trafic sur la rocade portuaire pour créer un embouteillage et tenter d’entrer dans les camions, comme le font les plus hardis de ceux qui n’ont pas les moyens de payer les milliers d’euros que coûte désormais le passage. Ils jettent des rondins de bois et des poteaux métalliques sur le trajet des camions. Réaction policière : repousser les exilés jusqu’à l’entrée de la «jungle» et bombarder de grenades lacrymogènes la jungle elle-même. Résultat, le bidonville est plongé dans un épais brouillard qui brûle les yeux et la gorge de tous. Les quelque 100 exilés excités, et les milliers d’autres.

La préfecture du Pas-de-Calais, à qui on a demandé de commenter la vidéo, a répondu par écrit : «Cette vidéo présente une vision tronquée des événements. Les réactions des forces de l’ordre que l’on peut voir sur la vidéo étaient des réponses à des tentatives de blocage de la rocade portuaire.» Etonnante réponse : à l’image, ce sont les cabanes et les tentes du bidonville qui sont bombardées de grenades lacrymogènes, pas la rocade portuaire. Comme si ceux qui y vivent, y compris des hommes, femmes, et enfants endormis, n’existaient pas.

Entre 4 000 et 7 000 personnes vivent dans la jungle de Calais, selon les sources. La préfète a annoncé lundi qu’elle souhaitait faire descendre ce chiffre à 2 000. Elle souhaite faire démanteler les cabanes du bidonville, à mesure que se remplit une aire de bungalows chauffés, prévue pour 1 500 personnes, un «camp humanitaire», qui doit ouvrir lundi. On construit un «camp humanitaire» le jour, et on arrose la jungle de lacrymogènes la nuit.

Haydée Sabéran

GRANDE SYNTHE: TROIS VISIONS DE L’URGENCE HUMANITAIRE POUR LE CAMP DE MIGRANTS

« le Monde », 7 janvier 2016

par Maryline Baumard

La préfecture du Nord devait donner mercredi 6 janvier son accord pour la création d’un camp humanitaire à Grande-Synthe. A l’issue d’une nouvelle séance de travail entre le maire de la ville et le directeur général de Médecins sans frontières (MSF), le sous-préfet de Dunkerque a préféré réserver sa réponse et fixer un nouveau rendez-vous lundi 11 janvier. Pour faire patienter, 230 places de mise à l’abri des migrants les plus vulnérables ont été débloquées dès mercredi soir dans le cadre du plan hivernal.
La balle est pourtant dans le camp de l’Etat depuis longtemps. Jusqu’au 23 décembre 2015, il a fait la sourde oreille aux appels désespérés de Damien Carême, le maire EELV qui voulait déménager les 3 000 Kurdes en attente d’un passage pour la Grande-Bretagne. Leur installation sur un terrain marécageux de sa commune du Dunkerquois sous des tentes à peine doublées ne pouvait perdurer durant la mauvaise saison. L’avant-veille de Noël, M. Carême est finalement reçu Place Beauvau et le ministre de l’intérieur demande au préfet du Nord de « mettre en œuvre une solution très rapide qui apportera une réponse humanitaire aux besoins élémentaires des migrants ». Quatorze jours plus tard, l’aval du préfet se fait toujours attendre et devrait intervenir lundi, soit 19 jours après la rencontre.
Mercredi, le directeur général de MSF, Stéphane Roques, venu spécialement pour la réunion, se disait « confiant mais vigilant ». Comme le maire de Grande-Synthe. D’autres, plus critiques, s’étonnaient que l’Etat manifeste des exigences de sécurité tatillonnes alors que des femmes et des enfants vivent dans la boue depuis des mois dans un camp officieux, avec un seul point d’eau et pas d’électricité… Outre ce revirement, l’épisode confronte en fait trois approches de l’urgence humanitaire.

« Nous attendons l’aval »

Depuis l’automne, une équipe médicale de MSF offre des consultations aux côtés de Médecins du monde pendant qu’une dizaine de logisticiens travaillent sur le déménagement. « Nous sommes prêts et attendons l’aval », rappelle Laurent Sury, responsable des programmes d’urgence à MSF Paris, qui a déjà sa liste d’entreprises dans les starting-blocks et les 500 tentes chauffables permettant d’abriter 2 500 personnes. Les médecins ne cessent de l’alerter que chaque jour qui passe augmente le risque d’hypothermie chez les jeunes enfants, présents en nombre, et celui de complications pulmonaires chez les adultes soumis au froid et à la pluie.
En face, la préfecture attend de disposer des réponses écrites à toutes ses questions de sécurité. « Mercredi, nous leur avons expliqué comment nous allions protéger le camp de l’autoroute voisine et de la voie SNCF », rappelle le maire. De son côté, MSF a répondu sur la disposition des tentes, afin d’éviter la propagation d’un feu, mais aussi sur les voies d’évacuation. Tous deux devaient consigner leurs réponses par écrit d’ici à jeudi soir pour que la préfecture les étudie vendredi et réponde lundi.
Entre ces deux rapports à l’urgence, s’en glisse un troisième : celui du maire. Fondateur du réseau des maires hospitaliers dans sa région, Damien Carême a déjà installé durant plusieurs hivers des tentes chauffées pour les familles qui font depuis 2006 une halte sur sa commune avant l’Angleterre. C’est à son initiative qu’ont été posés sanitaires et douches dans l’actuel camp de misère. C’est aussi lui qui a demandé à MSF de concevoir un camp digne, puisque l’Etat ne lui répondait pas. A l’automne 2014, il avait élaboré un plan de « maison des migrants » qu’il n’a pas pu mettre en œuvre en 2015 car le flot des arrivants a trop grossi, rendant son projet caduc. C’est en effet depuis le démantèlement par l’Etat d’un camp voisin et l’intense quadrillage policier de Calais que le nombre de Kurdes a flambé à près de 3 000 sur cette commune habituée à une centaine.
Damien Carême se retrouve donc entre un Etat très frileux, des administrés inquiets du nombre de migrants, et MSF, son partenaire, qui n’aura peut-être pas longtemps la même approche du sujet que lui. L’ONG rappelle déjà volontiers qu’elle ne sera pas le bras armé de la politique sécuritaire française. Ni en matière de lutte contre les passeurs, très présents à Grande-Synthe, où beaucoup arrivent en ayant payé le voyage jusqu’en Grande-Bretagne ; ni en matière de contrôle des migrants dans le camp.

« UN HUMAIN SUR 122 EST UN REFUGIE »

http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35007#.VnQeIfXhCVM

18 juin 2015 – Les guerres, les conflits et la persécution ont généré le plus grand nombre jamais observé dans l’histoire moderne de personnes déracinées en quête de refuge et de sécurité, indique un nouveau rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), rendu public jeudi.

La dernière édition du rapport du HCR sur les Tendances mondiales fait état d’une hausse considérable du nombre de personnes forcées à fuir, avec 59,5 millions de déracinés à la fin 2014 comparé à 51,2 millions l’année précédente et 37,5 millions il y a une décennie.

L’augmentation depuis 2013 est la plus importante jamais enregistrée en une seule année », a précisé le HCR dans un communiqué de presse annonçant la sortie du rapport.

Cette hausse majeure a commencé au début de l’année 2011 avec l’éruption du conflit en Syrie qui génère désormais les plus importants déplacements de population jamais enregistrés à travers le monde, précise le rapport. En 2014, chaque jour, environ 42.500 personnes sont devenues des réfugiés, des demandeurs d’asile ou des déplacés internes, soit quatre fois plus que quatre ans auparavant. A travers le monde, un humain sur 122 est désormais un réfugié, un déplacé interne ou un demandeur d’asile. Si cette population correspondait à celle d’un pays, celui-ci se classerait au 24ème rang mondial en termes de population.

« Nous sommes les témoins d’un changement de paradigme, d’un glissement incontrôlé vers une ère qui est désormais le théâtre de déplacements forcés sans précédent à travers le monde. La réponse nécessaire éclipse désormais tout ce que nous avons mis en œuvre auparavant », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres. « Il est terrifiant que, d’une part, l’impunité augmente quant à l’éruption de ces conflits et que, d’autre part, la communauté internationale semble totalement incapable de travailler de concert pour faire cesser les guerres ainsi que pour édifier et préserver la paix ».

Selon le rapport du HCR, dans toutes les régions, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées internes est en hausse. Ces cinq dernières années, au moins 14 conflits ont éclaté ou ont repris : huit en Afrique (en Côte d’Ivoire, en République centrafricaine, en Libye, au Mali, au nord du Nigéria, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud et, cette année, au Burundi) ; trois au Moyen-Orient (en Syrie, en Iraq et au Yémen) ; un en Europe (Ukraine) et trois en Asie (Kirghizistan ainsi que dans plusieurs régions du Myanmar et du Pakistan). Seul un petit nombre de ces crises ont été résolues et la plupart continuent de générer de nouveaux déplacements de populations. En 2014, seulement 126.800 réfugiés ont pu retourner dans leurs pays d’origine, c’est le nombre le plus faible enregistré en 31 ans.

Parallèlement, après plusieurs décennies d’instabilité et de conflits en Afghanistan, en Somalie et ailleurs, des millions de ressortissants de ces pays demeurent déracinés ou – et ce, de plus en plus souvent – bloqués durant des années en marge de la société et dans l’incertitude de la vie en tant que déplacé interne ou réfugié, indique le rapport du HCR. Parmi les conséquences récentes et visibles des conflits à travers le monde ainsi que des terribles souffrances qu’ils causent, le HCR observe une croissance spectaculaire du nombre de réfugiés en quête de sécurité qui entreprennent des traversées périlleuses en mer, y compris en Méditerranée, dans le golfe d’Aden et en mer Rouge, ainsi qu’en Asie du Sud-Est.

Le rapport du HCR sur les Tendances mondiales montre que, pour la seule année 2014, environ 13,9 millions de personnes sont devenues des déplacés internes, soit quatre fois le nombre observé en 2010. A travers le monde, il y avait 19,5 millions de réfugiés (contre 16,7 millions en 2013), 38,2 millions de déplacés à l’intérieur de leur propre pays (contre 33,3 millions en 2013) et 1,8 million de personnes qui attendaient le résultat de l’examen de leur demande d’asile (contre 1,2 million en 2013). Plus de la moitié de la population réfugiée est composée d’enfants, une proportion tout à fait alarmante.

« Du fait de graves pénuries de fonds et de profondes lacunes dans le régime mondial de protection des victimes de guerre, les personnes ayant besoin de compassion, d’aide et de refuge sont laissées à elles-mêmes », a indiqué António Guterres. « Dans cette ère de déplacements de population massifs et sans précédent, nous avons besoin d’une réponse humanitaire de grande ampleur et d’un engagement mondial renouvelé envers la tolérance et la protection des personnes fuyant le conflit et la persécution. »

La Syrie est le plus important pays générateur au monde, à la fois de personnes déplacées internes (7,6 millions) et de réfugiés (3,88 millions à la fin 2014). L’Afghanistan (2,59 millions) et la Somalie (1,1 million) sont respectivement les deuxième et troisième pays générateurs de réfugiés, précise le rapport.

Même dans ce contexte d’importante augmentation, la répartition mondiale des réfugiés demeure fortement biaisée. Les réfugiés continuent de rejoindre principalement des pays moins avancés, plutôt que des pays riches.

Près de neuf réfugiés sur 10 (soit 86%) se trouvaient dans des régions et des pays considérés comme économiquement moins développés, et un quart de la population réfugiée se trouvait dans des pays classés parmi la liste des Nations Unies sur les Pays les moins avancés (PMA), indique le rapport du HCR.

A Calais, détournement de procédure et atteinte aux droits fondamentaux

Par Sylvain Mouillard
 La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, fustige la politique de placements massifs en centres de rétention de migrants de la «jungle» de Calais.

Après Jacques Toubon contre Bernard Cazeneuve, voici Adeline Hazan contre le même Cazeneuve. Comme le Défenseur des droits, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) remet fermement en cause la politique du ministre de l’Intérieur pour «désengorger» la «Jungle» de Calais dans un document de huit pages publié ce mercredi. L’ancienne maire (PS) de Reims estime que la stratégie de placements massifs en centre de rétention enclenchée fin octobre représente une «utilisation détournée de la procédure», qui «entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes». Elle recommande au ministre d’y «mettre fin».

Entre le 21 octobre et le 10 novembre, 779 personnes ont été «déplacées» de la Jungle vers des centres de rétention (des prisons pour sans-papiers) sur tout le territoire français. Adeline Hazan pointe une série de violations de principes élémentaires. Plusieurs migrants ont ainsi été séparés de leur famille, «principalement de leurs frères ou cousins mineurs laissés libres». Elle évoque une notification des droits réalisée de manière «grandement insuffisante», des procédures «non-individualisées» voire «stéréotypées».

A l’hôtel de police de Coquelles (à côté de Calais), où des vérifications ont été menées fin octobre, le CGLPL a pu constater que jusqu’à treize personnes s’entassaient dans une cellule de 11 m². L’accès aux toilettes «en présence de co-cellulaires» représente une «situation attentatoire au respect de la dignité humaine». La suite des opérations – en l’occurrence l’envoi vers les centres de rétention –, n’est pas plus reluisante.

«Usage détourné de la procédure»

Selon Adeline Hazan, le «nombre de placements est fixé à l’avance», selon un «roulement prédéfini» ayant pour objectif de «désengorger» Calais. C’est un «usage détourné de la procédure de placement en rétention administrative», affirme la contrôleure. Qui établit un bilan chiffré de la politique du ministère de l’Intérieur : entre le 21 octobre et le 10 novembre, sur les 779 personnes déplacées, 578 ont été libérées, soit 74 % du total. Seules 15 d’entre elles ont été réadmises dans un pays de l’Union européenne (2 %). Plus de la moitié des personnes libérées l’ont été sur décision de la préfecture, celle-là même qui avait décidé de leur placement en rétention…

Par ailleurs, Adeline Hazan signale que «les pays d’origine de la majorité des personnes déplacées sont particulièrement sensibles : Syrie, Afghanistan, Irak, Erythrée et Soudan. Or, compte tenu des risques encourus pour leur intégrité physique en cas de retour, nombre de ces personnes ne peuvent, en pratique, y être reconduites.» Autrement dit, la politique du ministère de l’Intérieur traduit bien un strict objectif comptable, en l’occurrence de faire baisser la population dans la Jungle, où vivaient quelque 6 000 personnes en octobre. Quitte à enfreindre le droit.

Ce rapport entre en contradiction frontale avec les propos tenus par Bernard Cazeneuve à Libération, dans une interview publiée le 11 novembre. Le ministre de l’Intérieur affirmait alors qu’il n’y avait «pas de singularité calaisienne dans la politique de lutte contre l’immigration irrégulière conduite par l’Etat».

Sylvain Mouillard

PARTIR, C’EST (AUSSI) MOURIR

2014_07_12_Calais_Solidarity Migrants_O2e-7631 (Copier)Manifestation en solidarité avec les exilés, Calais, 12 juillet 2014

(Chronologie des exilés morts à la frontière franco-britannique)

Selon le projet « The Migrant Files »[1], en 2014, 3 519 personnes migrantes seraient décédées sur les routes de l’exil menant vers l’Europe. Et depuis 2000, c’est plus de 23 000 personnes qui seraient mortes en tentant de rejoindre la « forteresse Europe ». La majeure partie de ces drames se déroulent aux portes du continent européen (dans le détroit de Gibraltar, en Sicile et en Grèce) et en amont de celles-ci (désert du Sahara).

A Calais et dans sa région, des exilés meurent aussi. Pourtant, ici, il n’est plus question d’entrer en Europe, mais plutôt de sortir de l’espace Schengen et de pénétrer sur le territoire britannique.

Depuis le milieu des années 1990, des personnes exilées se retrouvent « bloquées » dans le Calaisis, à proximité du détroit qui sépare le Royaume-Uni de l’Europe continentale. Cet espace frontalier est devenu, au fil des accords européens et traités bilatéraux entre la France et la Grande-Bretagne, une véritable délimitation administrative et politique empêchant des personnes étrangères jugées indésirables d’accéder au territoire britannique. Bloquées dans le Nord de la France, et en l’absence de dispositifs publics d’accueil, ces victimes de migrations forcées trouvent alors refuge (de fortune) dans des espaces aux marges des villes, les « jungles » ainsi que dans le bidonville de Calais autour du centre Jules Ferry, où elles (sur)vivent dans des conditions de grande précarité, sans eau, ni électricité. Et chaque soir, elles tentent « le passage », espérant trouver un ailleurs plus accueillant par-delà la frontière.

Mais, à Calais et dans sa région, des personnes exilées meurent aussi. Percutées par un train sur le site d’Eurotunnel, renversées par un camion ou une voiture – parfois volontairement – sur des axes routiers, noyées dans le port de Calais ou n’ayant pas pu bénéficier de soins à temps. Des exilés meurent principalement des conséquences du passage, mais également du fait des conditions dans lesquelles ils vivent. Dans la presse, à quelques exceptions près et ce jusqu’à une période encore récente, ces drames n’étaient que des entrefilets classés dans les faits divers, donnant un sentiment de fatalité à ces évènements qui se succèdent plus ou moins fréquemment et que, finalement, peu de médias, d’institutions ou d’acteurs associatifs arrivent à chiffrer.

Pourtant, il n’est guère question ici de fatalité. Au contraire, il est surtout question de conséquences de politiques publiques qui se résument à une absence de politique d’accueil et à un traitement principalement policier de la situation. Par exemple, fin septembre 2014, la France et la Grande-Bretagne signaient un accord d’un montant de 15 millions d’euros destiné principalement à « sécuriser le port de Calais » et au renforcement de « la coopération policière pour démanteler les filières de passeurs »[2]. Cet accord s’est traduit notamment par l’érection d’une double clôture, l’une de 4 mètres de haut et l’autre d’un peu moins de 3 mètres, cette dernière surmontée d’une rampe d’accès incurvée qui permet d’éviter de s’agripper, avec au sommet un fil barbelé. Enfin, entre les deux clôtures, un espace de détection infrarouge a été installé[3].

Or, la sécurisation de l’espace portuaire aura eu pour conséquence de précariser davantage la situation des exilés présents à Calais. D’une part, la frontière étant plus hermétique, le recours aux passeurs devient de plus en plus nécessaire, renforçant ainsi l’emprise de ceux-ci. D’autre part, face aux obstacles dressés autour du port, les exilés se déplacent vers le site Eurotunnel et prennent alors davantage de risques dans leurs tentatives de passages. Si chaque soir, certains réussissent à passer la frontière contrairement à ce qu’annoncent la préfecture du Pas-de-Calais et le ministère de l’intérieur, pour d’autres personnes, les conséquences peuvent être terribles, allant de la blessure plus ou moins difficile à soigner[4] jusqu’à la mort. Et face à cette « nouvelle » situation, quelle est la réponse des autorités ? La signature fin août 2015 d’un nouvel accord franco-britannique d’un montant de 10 millions d’euros, dont l’un des objectifs principaux est la sécurisation du site Eurotunnel[5].

Par conséquent, le nombre annuel de personnes exilées qui ont perdu la vie à la frontière du Royaume-Uni est devenu particulièrement inquiétant au cours de ces deux dernières années (cf. graphique). Depuis 1999, on dénombre au moins 155 personnes migrantes décédées. La chronologie que vous trouverez ci-jointe constitue une liste non exhaustive des exilés morts depuis l’année 1999 en tentant de franchir la frontière franco-britannique. Elle a été principalement élaborée à partir, d’une part, de l’importante activité d’investigation réalisé par la journaliste Marion Osmont dans le cadre de son ouvrage « Des hommes vivent ici » et d’autre part, du précieux travail d’observation effectué par les activistes de Calais Migrant Solidarity (CMS), mieux connus sous le nom de « No Border ».

Une précision toutefois : cette chronologie reste « en chantier », donc incomplète. Il est en effet nécessaire de souligner la difficulté de documenter les décès passés, en particulier ceux survenus à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Il est très probable que certaines disparitions n’ont pu être recensées. Aujourd’hui, entre l’importante généralisation des réseaux sociaux, le travail d’observation de terrain des militants et la surexposition médiatique de la situation à Calais, la tâche est moins compliquée, permettant ainsi de mieux redessiner les histoires de ces « exilés sans refuge ». Par ailleurs, au vu de la situation actuelle, il parait difficile de penser que ce travail de recensement soit terminé. Car, malheureusement, d’autres drames surviendront si les responsables politiques français et britanniques voire européens s’obstinent à poursuivre dans cette voie meurtrière.

En septembre 2008, un jeune érythréen vivant dans un squat à Calais, Temesghen, épaulé par le réalisateur Sylvain Georges, prend la plume[6]. Dans sa lettre, il rend hommage à son amie, Louam Beyene, décédée l’année précédente après avoir été percutée par une voiture sur l’autoroute A 26 alors qu’elle tentait de fuir la police. Révolté, il écrit pour nous « dire que les responsables (…) qui font de ce coin de France une annexe de l’enfer se doivent d’être retrouvés et jugés. Oui, doivent être jugés la France et aussi l’Europe, dont les politiques font que nous vivons pire que des chiens ». Son appel n’a visiblement jamais été entendu.

Maël Galisson, coordinateur de la Plate-forme de Services aux Migrants (PSM) de juin 2012 à mai 2015

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Pour une meilleure qualité de lecture de la chronologie, cliquez ici.
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Pour aller plus loin


Note de bas de page

[1]    http://www.themigrantsfiles.com/

[2]    Cf. site du ministère de l’Intérieur : http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Communiques/Conclusion-d-un-accord-avec-le-Royaume-Uni-sur-la-gestion-de-la-pression-migratoire-a-Calais

[3]    Cf. article de la Voix dua Nord daté du 28.04.2015 : http://www.lavoixdunord.fr/region/calais-une-cloture-de-quatre-metres-bordera-la-rocade-ia33b48581n2799723

[4]    Cf. article du Monde daté du 07.10.2015 : http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2015/10/07/dans-la-jungle-de-calais-medicalement-ce-que-nous-avons-vu-est-inacceptable_4784404_1654200.html

[5]    Cf. site du ministère de l’Intérieur : http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Deplacement-de-Bernard-Cazeneuve-et-de-son-homologue-britannique-Theresa-May-a-Calais

[6]    Cf. article daté 22.09.2008 et publié sur le blog « Libération Contre-journal » : http://contrejournal.blogs.liberation.fr/2008/09/22/migrants-la-let/

Action collective Piscine de Calais – mesure discriminatoire dans un établissement recevant du public Des organisations saisissent le Procureur et le Défenseur des Droits

La maire de Calais, Madame Natacha Bouchart, a modifié les conditions d’accès à la piscine Icéo, piscine de la ville la plus proche de la jungle où survivent plusieurs milliers de migrant⋅e⋅s ; seules pourront entrer dans cet équipement municipal les personnes présentant 1) un justificatif de domicile, 2) une pièce d’identité.

Mme Bouchart et son cabinet expliquent au soutien de leur décision[ qu’« ‘’une dizaine’’ d’exilés par jour fréquentent l’établissement », et que cette présence d’exilés expliquerait que « la fréquentation de la piscine Icéo [soit] en baisse », ce qui occasionne une perte de recettes.

La mesure prise est présentée comme étant de portée générale, et n’ayant donc pas de caractère discriminatoire. Or, on peut prévoir que ces exigences nouvelles affecteront les sans-domicile fixe, et par ricochet les exilé.e.s du bidonville Jules Ferry.

Plusieurs organisations ont donc saisi le Procureur de Boulogne-su-mer et le Défenseur des droits de cette mesure discriminatoire, sanctionnée dans les conditions définies par l’article 225-2 du code pénal, lequel prévoit cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque « le refus discriminatoire (…) est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès ».

Textes des saisines et articles de presse

Organisations signataires : _ – associations du Nord-Pas-de-Calais :

ACC Minorités visibles (Dunkerque)
Médecins-du-Monde Nord Pas-de-Calais
Réveil voyageur (Calais)
Terre d’errance (Norrent Fontes)

– associations nationales :

AILES Femmes du Maroc
Amnesty international France
Collectif de soutien des exilés (Paris) :
Emmaüs France
Ensemble !
Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s (Fasti)
Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR)
Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s (Gisti)
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap)

– syndicats :

Syndicat des avocats de France (SAF)
Syndicat de la magistrature (SM)
Union syndicale Solidaires

– parti :

Parti de gauche (PG)

L’Etat devra améliorer les conditions de vie dans les campements de fortune

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par Maryline Baumard

La « jungle » de Calais, dans le Pas-de-Calais, le 20 novembre 2015.
Fini l’insalubrité dans tous les camps de fortune ? L’Etat, qui a été condamné lundi 23 novembre par le Conseil d’Etat à rendre les conditions de vie plus dignes dans la « jungle » de Calais (Pas-de-Calais), devra aussi rendre salubres tous les campements que compte le pays. « En tout cas si les conditions de vie y sont telles que les personnes peuvent être soumises à des traitements inhumains ou dégradants », rappelle Me Patrice Spinosi, avocat des associations et des migrants requérants.
En décidant que la « jungle » de Calais doit avoir plus de points d’eau et de toilettes, qu’un dispositif de collectes d’ordures doit être mis en place et que des voies carrossables doivent être aménagées, permettant l’accès des services d’urgence, le juge des référés du Conseil d’Etat améliorera certes la vie des 4 500 à 6 000 migrants qui campent là.
Mais sa décision changera aussi le quotidien de gens du voyage ou de Roms qui sont soumis à la même incurie que les réfugiés calaisiens. Le 23 novembre, les magistrats du Conseil d’Etat ont rendu définitive la condamnation de l’Etat prononcée par le tribunal administratif de Lille le 2 novembre. L’Etat, qui avait fait appel de cette décision, se voit donc définitivement condamné, et obligé de commencer les travaux dans les huit jours.

Saisine d’ONG et de migrants

A l’origine, Médecins du monde et le Secours catholique, tous deux très présents sur le site, ainsi que quatre des migrants qui vivent là, avaient saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille d’un référé-liberté. Ils demandaient qu’il soit ordonné à l’Etat, à la commune de Calais et à l’agence régionale de santé de Nord–Pas-de-Calais de mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour « faire cesser les atteintes graves » portées « aux libertés fondamentales des migrants se trouvant sur le site, notamment le droit au respect de la vie et le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ».
Le tribunal leur avait donné partiellement raison. Le Conseil d’Etat a bien relevé que « les autorités publiques font actuellement et continueront à faire dans les prochains mois de nombreux efforts pour l’hébergement ainsi que pour la prise en charge sociale, médicale et psychologique des personnes les plus vulnérables vivant sur le site ». Il a aussi estimé, que « le juge des référés du tribunal administratif avait eu raison de juger que des mesures de sauvegarde n’étaient pas nécessaires sur ce point ».
Ce jugement est une première. Pour Me Patrice Spinosi, « c’est une défaite pour le ministère de l’intérieur, qui a fait appel. Pour la première fois, nous avons la condamnation de l’Etat à propos d’un camp de réfugiés. La plus haute juridiction administrative rappelle dans une ordonnance — qu’elle a choisi de rendre publique — que l’Etat ne peut manifester un désintérêt total à propos de ce qui se passe sur son territoire au point de soumettre les migrants qui vivent là à des traitements humains et dégradants », analyse l’avocat.

Une condamnation qui tombe mal

Une approche que partage le Secours catholique, pour qui il est important que « les pouvoirs publics soient mis face à leur obligation d’assurer un accès effectif aux droits fondamentaux des gens qui vivent dans des campements », rappelle Laurent Giovannoni, le responsable du département accueil et droits des étrangers. Côté Médecins du monde, Jean-François Corty insiste, lui, sur le fait que « cette décision fera jurisprudence. En cela, c’est une décision historique », ajoute le médecin, responsable des missions en France.
Si l’Etat est condamné sur les points cités, le Conseil d’Etat a confirmé, après le tribunal administratif, « qu’aucune carence caractérisée ne pouvait être reprochée aux autorités publiques en ce qui concerne la nutrition des personnes présentes sur le site : le centre Jules-Ferry distribue des repas, et de nombreux migrants pourvoient à leurs besoins alimentaires soit grâce aux associations présentes sur le site, soit par leurs propres moyens ». Il a confirmé aussi qu’« aucune carence caractérisée ne pouvait être reprochée à l’Etat en matière d’asile dans la mesure où il était déjà suffisamment fait pour la prise en charge des migrants présents sur le site au titre de l’asile (information, accompagnement des demandeurs, places en centre d’accueil) ».
Pour l’heure, le ministère de l’intérieur n’a pas réagi. Mais cette condamnation tombe assez mal, alors que Bernard Cazeneuve a lancé une opération de « desserrement de Calais ». D’une part il propose aux volontaires qui veulent s’éloigner de cette frontière avec la Grande-Bretagne de bénéficier d’un hébergement ; d’autre part, il répartit dans des centres de rétention administrative à travers le pays des migrants arrêtés arbitrairement, qui sont dans 97 % des cas libérés par des juges, et qui regagnent Calais…

Officiellement ouvert au printemps pour libérer le centre-ville de ses migrants et les regrouper, la "jungle" a pris l'aspect d'un immense bidonville, structurée par une économie de survie. Les magasins affichent souvent l'origine du propriétaire.

 

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2015/11/23/l-etat-devra-ameliorer-les-conditions-de-vie-dans-les-campements-de-fortune_4815883_1654200.html#OgORz1yzPJ5FQRCo.99

Conférence de Michel Agier // 30.11.2015 – 19h // Auberge de jeunesse, Calais

L’encampement: du monde à Calais

un-monde-des-camps

« Camps de réfugiés, camps de déplacés, campements de migrants, camps d’étrangers, zones d’attente pour personnes en instance, zone de transit, centres de rétention ou de détention administrative, centres d’identification et d’expulsion, points de passage frontalier, centres d’accueil de demandeurs d’asile, centres d’accueil temporaires, villages de réfugiés, villages d’insertion de migrants, « ghettos », « jungles », foyers, maisons des migrants… Ces mots, dont la liste s’allonge sans cesse, sont devenus depuis la fin des années 1990 chaque jour davantage présents dans l’actualité sociale, politique et médiatique de tous les pays. Presque familier déjà, ils désignent une réalité aussi évidente que polémique et complexe: les camps sont en train de devenir l’une des composantes majeures de la « société mondiale », et le lieu de vie quotidienne de dizaines des millions de personnes dans le monde. […]. La solution du camp sous toutes ses formes […], [l’e]ncampement du monde se présente ainsi comme l’une des formes du gouvernement du monde, une manière de gérer l’indésirable. »

C’est par ces mots que débute l’ouvrage collectif « Un monde de camps » dirigé par Michel Agier (2014, éd. La Découverte).

Invité par la Plateforme de services aux migrants (PSM), Michel Agier (anthropologue, directeur d’Études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)), sera présent à Calais pour une conférence publique au cours de laquelle il défendra l’idée que la « new jungle » n’est pas seulement un bidonville, qu’elle n’est pas seulement un désastre humanitaire, et qu’elle n’est pas uniquement un campement; mais bien un camp mis en place par l’autorité publique pour gérer des personnes indésirables.

Un débat avec la salle suivra l’intervention de Michel Agier.

La conférence se tiendra le lundi 30 novembre à 19h à l’Auberge de jeunesse-Centre européen de séjour de Calais (rue du Maréchal de Lattre de Tassigny à l’angle avec la rue Alice Marie).

Inscription souhaitée: https://frama.link/agier