Communiqué // La Cimade // La France expulse vers l’Afghanistan malgré une situation explosive

http://www.lacimade.org/presse/la-france-expulse-vers-lafghanistan-malgre-une-situation-explosive/
8 juin 2017
Quelques mois après la signature en catimini d’un accord informel entre l’Union Européenne et l’Afghanistan facilitant le retour forcé des Afghans déboutés du droit d’asile, les expulsions commencent à se multiplier dans plusieurs pays européens. C’est le cas de l’Allemagne, de la Norvège et désormais de la France où six personnes afghanes enfermées au centre de rétention du Mesnil-Amelot sont directement menacées à ce jour. La Cimade dénonce ces renvois forcés vers un pays où la situation sécuritaire est déplorable.

En amont d’une grande conférence de donateurs organisée à Bruxelles pour l’Afghanistan les 4 et 5 octobre derniers, l’Union européenne a annoncé en toute discrétion qu’elle avait signé un accord avec ce pays afin de faciliter le retour forcé de personnes afghanes déboutées du droit d’asile dans ses pays membres. Ce texte d’envergure internationale a échappé au processus démocratique n’ayant même pas été soumis à l’attention des parlementaires européens. La même méthode avait été employée pour la déclaration commune « UE-Turquie » du 18 mars 2016 dont l’objectif était de stopper les arrivées en Grèce.

Ainsi, l’UE et ses États membres souhaitent établir une coopération durable avec l’Afghanistan afin d’organiser rapidement le renvoi de plusieurs dizaines de milliers de personnes afghanes en situation irrégulière. Plus de 80 000 seraient potentiellement concernées actuellement dont des personnes fragilisées telles que des mineurs isolés. Parmi les contreparties de cet accord, l’UE s’engage à construire un terminal à l’aéroport de Kaboul spécifiquement dédié aux expulsions.

Il est édifiant de voir que ce texte ne fait aucune mention de la situation politique et de l’instabilité chronique, notamment sécuritaire qui règne en Afghanistan actuellement et depuis des années. Les programmes de réintégration des personnes expulsées n’évoquent que les enjeux économiques pour consolider le marché du travail, comme si l’exil des nationaux afghans était purement économique. Ils constituent actuellement le troisième principal groupe de demandeurs d’asile dans l’Union européenne après les Syriens et les Irakiens. En France, ils obtiennent un taux de protection proche de 80 % en reconnaissance des violences généralisées qui ravagent une grande partie du pays. Les récents attentats de Kaboul viennent rappeler que l’Afghanistan est tout sauf un « pays sûr ».

Pourtant, suite à la signature de ce « dialogue commun », plusieurs pays européens en ont profité pour accélérer ou reprendre des renvois forcés de ressortissants afghans. Depuis décembre 2016, l’Allemagne a expulsé plus d’une centaine d’Afghans vers Kaboul, dont plusieurs vivaient depuis des années en Allemagne et y avaient leur famille, et ce, malgré de nombreuses mobilisations. Il aura fallu un attentat sanglant dans le quartier des ambassades la semaine dernière coûtant la vie à plus de 150 personnes, pour qu’elle annule temporairement les expulsions vers l’Afghanistan. La France, qui n’avait pas renvoyé de ressortissants afghans depuis des années a finalement commencé à en expulser en 2016.

Le 29 décembre 2016, une personne a d’abord subi 41 jours d’enfermement en centre de rétention à Metz puis au Mesnil-Amelot où elle avait été transférée la veille de son expulsion. Une autre a été libérée par un juge in extremis, avant un vol pour la capitale afghane, tandis qu’une troisième personne y a été expulsée après avoir d’abord été remise aux autorités norvégiennes qui ont procédé au renvoi à Kaboul.

Depuis début 2017, cette politique s’accélère. Le nombre d’Afghans enfermés en rétention s’élève à 80 [1]. Dix-sept d’entre eux actuellement au centre de rétention du Mesnil-Amelot et six sont sur le point d’être renvoyées de force à Kaboul. Un premier vol est programmé pour ce vendredi 9 juin et les suivants s’échelonnent jusqu’au 24 juin.

Parallèlement, des renvois sont à nouveau exécutés via la Norvège dans le cadre des accords de Dublin. Ainsi, un homme hébergé au CAO de Marvejols a été réadmis au mois de mai vers ce pays européen qui l’a expulsé à Kaboul le 3 juin.

L’accélération des expulsions directes vers Kaboul ou via des pays européens est donc la conséquence de cet arrangement entre l’UE et l’Afghanistan. Il ne prévoit aucune garantie, même minimale, quant au respect des droits des personnes visées. Il instaure même la possibilité pour l’UE d’exécuter les renvois sur la base de laissez-passer européens, en se passant de l’accord des autorités afghanes quand ces dernières ne donnent pas suite à une demande de laissez-passer consulaire dans un délai de quatre semaines. Deux des 17 personnes enfermées au Mesnil-Amelot risquent d’être expulsées dans les tout prochains jours selon ce procédé.

Pour endiguer les migrants et réfugiés le plus en amont possible et augmenter le nombre des personnes expulsées, l’Union Européenne continue de marchander avec des pays dont la situation sécuritaire et politique est particulièrement préoccupante. La Cimade dénonce vivement cette logique incompatible avec le respect des droits fondamentaux et demande à la France d’arrêter immédiatement tout renvoi forcé vers l’Afghanistan.

Contact presse :
Vincent Brossel : 01 44 18 60 56 – vincent.brossel@lacimade.org

[1] Pour les seuls CRA de Bordeaux, Rennes, Toulouse et du Mesnil-Amelot, du 1er janvier au 31 mai 2017 ; la préfecture du Pas-de-Calais est à elle seule responsable de 50 % de ces placements en rétention.

Le Monde // « Les pouvoirs publics face à un nouvel afflux de migrants à Calais »

Par Maryline Baumard

http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/06/03/les-pouvoirs-publics-face-a-un-nouvel-afflux-de-migrants-a-calais_5138214_3224.html
Dans les Hauts-de-France, le nombre des migrants augmente avec l’arrivée des beaux jours. Le gouvernement veut à tout prix éviter de nouveaux « points de fixation ».

Deuxième ramadan en face des côtes britanniques. Pourtant, Ahmad, Soudanais de 30 ans reste confiant dans son passage prochain au Royaume-Uni. Les portes du poids lourd qu’il a refermées à l’aube, jeudi matin 1er juin, sur son ami Israël ne se sont rouvertes qu’à Londres. Une vraie victoire ! Et Ahmad sourit d’aise, en imaginant, là-bas, celui qui tentait depuis sept mois le passage, et en jurant que la prochaine fois, il ne sera « pas celui qui ferme la porte, mais celui qui se cache dans le camion ».

Lové dans les fauteuils de velours de la salle paroissiale de Steenvoorde (Nord), un gros bourg situé au bord de l’A25 entre Lille et Dunkerque, il discute avec une dizaine d’Erythréens. Lui qui a séjourné à Calais (Pas-de-Calais) préfère ce lieu discret, un peu en retrait dans les terres.

Pour soutenir la centaine de migrants qui vivent depuis 2008 dans la petite jungle qui jouxte l’aire d’autoroute, l’évêché a ouvert cet accueil de jour qu’Anne-Marie Defrance et son époux de l’association Terre d’errance, font tourner.

En dépit des attaques diverses, de la perquisition et même de l’incendie de leur maison, le couple continue à apporter aux Africains de passage cette humanité que la République leur refuse. « Quand le maire a fermé les douches, des citoyens ont ouvert leur salle de bain », commente celle que tous appellent « mamie » et qui telle une mère de famille, trouve une solution à tous les soucis.

La mécanique des flux migratoires sur laquelle la dissuasion et les violences institutionnelles ne semblent pas avoir beaucoup d’effet, s’est réactivée dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais avec l’arrivée des beaux jours. Alors que certains passent la Manche vers Londres ou Manchester, d’autres arrivent de Paris ou du sud du pays, souvent quelques semaines à peine après leur traversée de la Méditerranée.

600 migrants à Calais

A Steenvoorde, le nombre de migrants reste identique, comme bloqué autour de la centaine depuis 2008. Mais à Grande-Synthe, dans la banlieue de Dunkerque, il croît doucement en dépit des destructions récurrentes de mini-campements.

« La police a vidé trois fois la réserve naturelle du Puythouk, observe le maire du lieu, Damien Carême, mais chaque fois les réfugiés reviennent un peu plus nombreux. » Le maire Europe Ecologie-Les Verts (EELV), qui avait construit un camp en mars 2016 n’exclut pas aujourd’hui de « refaire un lieu de transit plus sécurisé, de plus petite taille » sur sa commune où les Kurdes se donnent rendez-vous depuis des années.

A Calais, l’Auberge des migrants et le Secours catholique estiment à 600 les Erythréens, Ethiopiens et Afghans présents là en ce début juin. « Il y a quelques mois, je connaissais tous les mineurs présents ici, au moins de vue. Aujourd’hui je suis dépassée », se désole Pauline, en service civique à Utopia 56.

Ils sont nombreux, avec leurs visages enfantins, à errer par petits groupes, à nouveau visibles dans la ville depuis plusieurs semaines. Près de l’ancienne jungle, ils squattent les fossés, se cachent dans les bosquets, tuant le temps comme ils peuvent en attendant les camions.

Jeudi à l’aube, sur la rocade portuaire, le premier feu de branchage depuis la grande évacuation de la jungle en octobre 2016, a signé un peu plus officiellement leur retour. C’est l’un des moyens qu’ils employaient, l’an passé, pour ralentir ou stopper les camions et se glisser dans les remorques.

Eviter de nouveaux camps

Les autorités refusent l’évidence, persuadées que l’évacuation de la jungle a définitivement réglé le problème de Calais. Le préfet, Fabien Sudry tient un discours rassurant, rappelant que « des opérations sont régulièrement menées pour retirer les tentes et abris de fortune découverts dans le Calaisis, dès qu’un point de fixation est repéré ».

De son côté, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a signifié son intérêt pour le sujet à la maire (Les Républicains) de Calais, Natacha Bouchard. Reprenant la méthode de Bernard Cazeneuve, lorsque ce dernier était Place Beauvau, il l’a appelée dès son arrivée au ministère, assurant l’édile qu’il ferait tout pour éviter les nouveaux camps…

De Beauvau aux préfectures, le concept du « point de fixation » est devenu le terme technocratique le plus en vogue, et le mal à combattre dans la France de 2017.

Sur le terrain, tous les coups semblent permis pour parvenir à rendre invisibles ces indésirables. Jeudi et vendredi, à Calais, les associations d’aide se sont vues interdire de distribuer de la nourriture et même de l’eau hormis entre 18 heures et 19 h 15. Et la distribution du soir s’est faite encadrée d’une présence policière massive et hostile.

Prétextant un « tapage diurne » dans la zone industrielle désertée à cette heure, les forces de l’ordre ont même fait éteindre la musique au milieu du repas, avant, une fois la dispersion ordonnée, de passer aux contrôles d’identité aléatoires.

« On a reculé d’un siècle »

Bien rodés à la pratique, les plus jeunes se disaient tous mineurs. Une stratégie qui contre toute attente semble leur garantir de rester libres, même s’ils sont justement ceux que la France devrait légalement mettre à l’abri…

Le préfet avait prévenu qu’« un contrôle des étrangers en situation irrégulière est mis en œuvre et que des reconduites à la frontière sont menées ». En revanche, il a aussi rappelé que « l’action de la police s’effectue dans le respect du droit ». Or, sur ce point, la somme des récits de migrants doublée de celle des témoignages d’humanitaires laisse planer un doute.

Uzer Khan, un Pakistanais de 23 ans, un bras dans le plâtre et un poignet bandé raconte avoir été poursuivi par la police mercredi soir. Plusieurs autres parlent de coups de matraque en plus des gaz lacrymogènes, le même soir. Les blessures visibles sont nombreuses et elles s’ajoutent au gazage récurrent des sacs de couchage, voire des stocks d’eau ou de nourriture que beaucoup racontent comme habituels. Utopia 56 et l’Auberge des migrants avaient convoqué une conférence de presse jeudi sur ce sujet.

D’ailleurs, les associations sont désormais elles aussi prises pour cibles par les forces de l’ordre. Des motards de la police sont spécialement venus, jeudi midi, faire une inspection scrupuleuse des véhicules des associatifs. Le camion de L’Auberge des migrants a été pesé, ce qui a valu verbalisation de l’association et obligation de vider les bouteilles d’eau qui occasionnaient son surpoids. La même association se voit d’ailleurs contrainte sous huitaine par les services vétérinaires à engager des travaux dans la cuisine du hangar où sont préparés les 600 repas quotidiens, faute de quoi le lieu sera fermé.

« On a reculé d’un siècle. On n’est même plus crédibles aujourd’hui quand on rappelle aux migrants qu’ils peuvent demander l’asile en France », se désole Vincent de Conninck du Secours catholique.

Vers « une ligne dure anti-migrants »

De toute manière, c’est matériellement impossible et compte tenu de la chasse à l’homme autour de la gare de Calais, les derniers réfugiés encore désireux de rester, se sont retrouvés dans les bureaux de la police de l’air et des frontières en tentant d’honorer leur rendez-vous de demande d’asile.

« Franchement, je comprends mal la ligne politique du chef de l’Etat qui d’un côté félicite [la chancelière allemande] Angela Merkel pour son accueil des réfugiés et de l’autre laisse ses administrations agir ainsi face à ces jeunes Erythréens, Ethiopiens et Afghans », déplore Vincent de Conninck.

Côté ministère de l’intérieur, difficile d’y voir clair. Selon certains hauts responsables on s’engage « sur une ligne dure anti migrants ». Si officiellement le directeur adjoint du cabinet, Nicolas Lerner, est pour l’heure chargé de ce dossier, officieusement, beaucoup lisent déjà la patte du directeur du cabinet, Stéphane Fratacci, dans la gestion répressive du sujet. En attendant un conseiller migration qui viendra. Ou non.

Journal des jungles n°8 // The Loop

Une résidence de rédaction du Journal des jungles s’est tenue à Dieppe début mars 2017. Elle a réuni des exilés albanais (sur)vivant dans des interstices de la ville de Dieppe, des jeunes mineurs non accompagnés originaires d’Afrique de l’Ouest et d’Irak qui attendent une réelle prise en charge par les services de protection de l’enfance du département de Seine-Maritime, des exilés éthiopien et soudanais habitant dans le bidonville de Norrent-Fontes, des bénévoles des associations Itinérance Dieppe, Terre d’errance Norrent Fontes, Itinérance Cherbourg qui se battent chaque jour pour le respect des droits des exilés.

Suite à cette résidence, un journal est né!

Le voici (pour une meilleure lecture cliquer sur l’image, ou télécharger le JdJ en .pdf ici).

 

Rapport Amnesty International // Le droit de manifester menacé

Depuis près d’un an, nous avons enquêté sur le respect du droit de manifestation pacifique en France. Le constat est sans appel : l’application de l’état d’urgence et un usage disproportionné de la force ont restreint ce droit fondamental de manière préoccupante.
Le droit de manifester est un droit fondamental, indispensable à la liberté d’expression, et à la possibilité de revendiquer ses opinions et ses droits. Il ne peut être restreint qu’à des conditions très strictes . Les autorités ont pour responsabilité de protéger tous nos droits fondamentaux, pourtant, ils sont de plus en plus présentés comme secondaires voire comme des menaces qu’il faudrait donc limiter.

L’état d’urgence détourné pour restreindre le droit de manifester

En France, sous l’état d’urgence, 155 manifestations interdites en 18 mois

Depuis novembre 2015 et les terribles attentats qui ont touché la France, l’état d’urgence a été instauré et renouvelé à cinq reprises. Alors que son objet est de prévenir de nouvelles attaques, les mesures de l’état d’urgence ont été utilisées pour interdire 155 manifestations. Tous les 3 jours environ, une manifestation est interdite en France sous ce prétexte. Par ailleurs, 595 interdictions individuelles de manifester ont été ordonnées par les préfectures en France, sous l’argument de prévenir les violences lors des manifestations, alors que le plus souvent il n’existait que peu ou pas d’éléments démontrant que ces personnes auraient participé à des violences.

Lire aussi : l’histoire de Joël, un militant écologiste constamment surveillé

L’Etat n’a pas été en mesure de prouver pour chacune de ces interdictions qu’elles visaient à prévenir une menace spécifique, qui ne pouvait être évitée qu’en limitant un droit pourtant fondamental. De telles mesures, sans lien démontré avec la lutte contre la menace terroriste, ont un impact démesuré sur le droit des personnes à exercer leur liberté d’expression pacifique.

Ainsi, de nombreuses personnes interdites de manifester avaient simplement été présentes lors de manifestations ayant donné lieu à des actes de violences par des manifestants, mais rien ne permettait de leur reprocher la participation aux dites violences.

639 mesures d’interdictions individuelles de manifester ont été prises contre des personnes dont 21 dans le cadre des manifestations liées à la COP21, et 574 dans le cadre des manifestations contre la loi travail

Des pratiques policières contestables

Les nasses, cette pratique qui vise à confiner des manifestants pour les empêcher de manifester ou de rejoindre une manifestation © Yann Lévy / Hans Lucas

Nous avons aussi pu constater un usage récurrent de certaines pratiques de maintien de l’ordre contraires au droit international.

Par exemple, la fouille systématique et la confiscation d’outils de premiers secours, tels que les sérums physiologiques, les lunettes qui ne peuvent pas être considérées comme des armes par destination, empêchent les personnes de se soigner. Le fait que du matériel de premier secours ait été confisqué aux street medics est aussi choquant, car ce matériel peut être indispensable pour prodiguer des soins de première urgence. :

À chaque fois on leur expliquait qu’on avait besoin de ce matériel pour prodiguer les premiers secours aux manifestants qui, par exemple, se sentaient mal à cause des lacrymogènes. Ils nous répondaient qu’on ne devait pas venir en manifestation si on avait peur que les lacrymogènes puissent être utilisés ».

Annaliese, une Street-Medic (secouriste) à Nantes

Des stratégies de maintien de l’ordre peuvent aussi mener à une hausse des tensions et limiter de manière disproportionnée le droit de manifester. Par exemple, l’usage fréquent et prolongé des nasses, cette pratique qui vise à confiner des manifestants pour les empêcher de manifester ou de rejoindre une manifestation, est une atteinte disproportionnée au droit de manifester, en particulier lorsque les personnes « nassées » sont des manifestants pacifiques. Pourtant, il existe des stratégies de maintien de l’ordre qui visent à diminuer les tensions plutôt qu’à les attiser.

Un usage disproportionné et arbitraire de la force

Notre recherche, confortée par l’observation de plusieurs manifestations, nous a permis de constater le recours par les forces de l’ordre à un usage disproportionné de la force. Selon des témoignages concordants recueillis auprès des streets medics, des bénévoles qui soignent les personnes blessées au cours de manifestations, plus de 1000 personnes auraient été blessées rien qu’à Paris lors des manifestations contre la loi travail. Bien sûr, les actes de violence de la part de certains manifestants à l’encontre des forces de l’ordre doivent aussi être condamnés. Toutefois, ils ne peuvent justifier une violence disproportionnée de la part des forces de l’ordre.

Ces pratiques d’usage de la force, outre qu’elles peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les personnes touchées, peuvent également, selon de nombreux témoignages, avoir un impact sur le droit de manifester en lui-même, les personnes ayant peur de revendiquer leurs droits en participant à des manifestations.

Je manifeste depuis mon jeune âge et je n’ai jamais vu une telle agressivité des forces de police. Je suis une femme de 50 ans, cadre dans le secteur privé et pacifique.

Sandrine, manifestante à Rennes.

Elle rajoute « et je veux démentir les autorités qui disent que la police ne s’en est prix qu’aux casseurs lors des manifestations du printemps 2016 ».

Plus de 1000 personnes auraient été blessées rien qu’à Paris lors des manifestations contre la loi travail © Yann Levy / Hans Lucas

Des journalistes intimidés et violentés

Les violences à l’encontre de journalistes et autres travailleurs des médias lors des récentes manifestations ont fait le tour de la presse.

L’usage de la violence de la part des forces de l’ordre contre des personnes filmant ou documentant des manifestations est particulièrement inquiétant car il remet en cause le droit à une information libre. Même en cas de violence, il est du devoir des autorités de permettre aux journalistes de mener à bien leur travail.

Je n’ai pas d’autres explications que d’avoir été visé volontairement car je filmais l’interpellation violente d’un manifestant. Il n’y avait pas d’autres manifestants autour de moi, ils étaient à au moins 20/30 mètres à l’arrière et ils étaient en train de se disperser.

Joël, réalisateur indépendant

Manifester est un droit, pas une menace

Une manifestation doit toujours être considérée comme légale a priori, à moins que l’Etat puisse avancer des éléments précis justifiant son interdiction.

De plus, les actes de violences commis pendant une manifestation ne peuvent être imputés qu’à leurs auteurs et ne suffisent pas à qualifier une manifestation de violente.

Ainsi, toute intervention des forces de l’ordre ne doit viser que les individus responsables des violences. Il est du devoir de l’Etat de reconnaitre que les manifestations sont un usage légitime de l’espace public et il doit justifier d’une certaine tolérance envers les éventuelles perturbations non violentes qui pourraient avoir lieu. Pourtant, depuis l’instauration de l’état d’urgence, un glissement dangereux s’est opéré : des stratégies de maintien de l’ordre sont mises en place qui impactent fortement des droits fondamentaux dans l’objectif de prévenir des risques qui pourraient avoir lieu, sans aucune preuve concrète et solide que des événements dangereux pour la nation vont en effet arriver et que la seule solution pour y faire face est la restriction d’un ou de plusieurs droits fondamentaux. Cette logique dangereuse est celle de l’état d’urgence.

Il est temps de mettre un terme à cette dérive : manifester est un droit, pas une menace.

« Al Hurriya – Freedom – Liberté »: film d’animation de Loup Blaster

Le court-métrage d’animation « Al Hurriya » (Liberté en  arabe), de Loup Blaster (http://loupblaster.tumblr.com/), est désormais en ligne. Ce film, basé sur la situation à Calais, est « un portrait de la frontière et des personnes bloquées, au pied du mur, entre les squats et les camps » (Nord Littoral, 18.02.2017).

Conçu par l’artiste pour inviter les spectatrices et spectateurs à se questionner sur la condition des personnes exilées, ce film d’animation est un beau support de sensibilisation. A vous de vous en saisir!

Le film d’animation est ici:

 

Six mois plus tard // Rapport du Refugee Rights Data Project // Avril 2017

En 2016, cherchant à combler les lacune en terme de données statistiques sur les exilé.e.s (sur)vivant dans le bidonville de Calais, le Refugee Rights Data Project avait publié un rapport intitulé « La longue attente ». 6 mois après l’expulsion des habitant.e.s de ce bidonville, RRDP publie un nouveau rapport sur les centaines d’exilé.e.s de retour à Calais. Vous le verrez, la violation des droits et la violence sont le quotidien des 213 exilé.e.s mineur.e.s et majeur.e.s, rencontré.e.s par les équipes de RRDP.

Interpellation des autorités // Rdv sous préfecture de Dunkerque 14 avril 8H30

Les bénévoles, militant.es, et soutiens se sont retrouvé.es ce matin devant la sous préfecture de Dunkerque pour demander qu’une réponse humaine soit apportée aux exilé.es du camp de la Linière à Grande Synthe

Catastrophe de la Linière
Les associations dénoncent l’inhumanité de la réponse de l’Etat

2016 : près de 3000 personnes sur le camp du Basroch. Ce camp n’a jamais été reconnu par l’Etat. Des hommes, des femmes et des enfants sont dans la boue et le froid.

Le Maire de Grande-Synthe, soutenu par des ONG et le tissu associatif local, prend la responsabilité de mettre les personnes à l’abri dans le camp de la Linière afin de leur offrir des conditions de vie les plus dignes possibles.

Le démantèlement de Calais provoque une pression démographique importante sur le camp de Grande-Synthe. Malgré tout l’Etat poursuit sa politique de retrait des abris en bois sur le camp. Les cuisines communautaires deviennent des dortoirs. La municipalité et les associations interpellent l’Etat pour libérer des places en CAO pour les personnes qui sont prêtes à partir, environ 200. La situation traine depuis plusieurs mois, les places ne sont toujours pas débloquées. Sur le camp les tensions dues aux conditions de vie montent.

11 avril : 1 700 personnes sur le camp. Les tensions montent d’un cran. Le camp est détruit par un incendie. Dans la nuit les exilés sont dispersés et des salles de sports sont mobilisées pour les accueillir. Les associations arrivent en renfort sur les questions d’urgence auprès de la municipalité.

Depuis, nous constatons que l’Etat ne fait pas face comme il le devrait à la situation. La seule information de la part de l’Etat est qu’il interdit tout renouvellement de ce camp, deux semaines après avoir re signé une convention tripartite avec la municipalité et l’association gestionnaire.

L’Etat gère d’une manière opaque les départs en CAO, n’informe pas correctement les exilés sur les suites, ni même les associations humanitaires qui accompagnent les exilés sur le Dunkerquois depuis 15 ans.

Ceux qui ne veulent pas partir vers les CAO sont condamnés à l’errance, nous estimons ce chiffre à environ un millier sur le littoral. Ce qui démontre, encore une fois, qu’il n’y a pas de politique migratoire. Ce qui laisse présager le pire pour l’avenir. Nous dénonçons la maltraitance dont les exilés sont victimes.

Nous demandons le respect des droits fondamentaux, que l’Etat reconnaisse enfin la présence de personnes exilées en transit sur notre sol et qu’il mène une politique cohérente d’accueil. Ce drame souligne l’urgence de créer plusieurs lieux d’accueil humanitaire dans une région où de nombreuses personnes continuent à arriver dans l’espoir de traverser la Manche.

Signataires : la Ligue des Droits de l’Homme de Dunkerque, le MRAP, SALAM Nord-Pas de Calais, AMiS Téteghem, ADRA Dunkerque, Médecins du Monde, l’Auberge des Migrants, Terre d’Errance Flandre Littoral, le Secours Catholique, L’entraide de l’église Protestante Unie de France à Dunkerque, ACCMV, Cimade Nord Pas de Calais Picardie

Incendies de Grande Synthe // Communiqués associatifs

Communiqué de La Ligue des droits de l’Homme Nord Pas de Calais

« Face aux déchaînements de propos haineux et aux remises en causes de toutes parts, faisant suite à l’incendie du camp de la Linière, la Ligue des Droits de l’Homme réaffirme son soutien au Maire de Grande-Synthe : rien de ce qui s’est passé ne peut remettre en cause la nécessité d’accueillir les migrants qui fuient toutes les guerres.

La détermination à mettre en œuvre, ici et maintenant, l’idéal de fraternité républicaine, envers tous ceux qui souffrent de la folie des hommes, ne saurait être remise en cause par des actes criminels.

Ceux qui ont fermé où laissé fermer Sangatte ont leur part de responsabilité dans l’installation de la jungle de Calais. Ceux qui ont vidé, ou qui ont détourné les yeux lorsque que fut vidée la jungle de Calais, ont leur part de responsabilité dans l’évolution de ce qui est survenu à Grande-Synthe, et qui a abouti au désastre de ces derniers jours. Ceux qui rêvent que rien ne vienne remplacer le Camp de la Linière ont déjà leur part de responsabilité dans ce qui surviendrait alors inéluctablement.

Gérer ce qui se passe sur la côte des Hauts de France comme s’il s’agissait d’une cause qu’il suffit de supprimer pour que l’ordre revienne, ne peut aboutir à rien. La cause est en Syrie, elle est en Afghanistan, elle est en Somalie. Nous ne vivons ici que les conséquences, et si les causes persistent, les conséquences persisteront.

L’absence de lieux d’accueils entraînera inéluctablement la multiplication de petits bidonvilles, rendra plus difficile l’intervention des associations humanitaires, et maintiendra dans la misère et aux marges de la dignité humaine des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de bébés, soumis à la loi des passeurs et des racketteurs en tous genres. Cette situation entraînera tout aussi inéluctablement le déploiement toujours plus coûteux de toujours plus de forces de police, pour un résultat contestable.

La solidarité doit continuer à jouer pleinement, et l’accueil des migrants doit se faire dans la dignité, comme nous l’aurions aimé pour nos parents ou grand parents pendant l’exode, car c’est la condition nécessaire pour restaurer un ordre public serein, républicain et fraternel ».

LIGUE DES DROITS DE L’HOMME

DÉLÉGATION RÉGIONALE

COURRIEL : ldh.npdc@gmail.com

 

Communiqué de la Cimade

INCENDIE À GRANDE-SYNTHE : L’IMPASSE DE LA MANCHE S’EST ENCORE ASSOMBRIE

11 avril 2017

L’hypocrisie diplomatique qui se joue à Calais comme à Grande-Synthe doit cesser, elle conduit la France à contrôler la frontière d’un pays tiers et les personnes migrantes à se mettre en danger.

Un incendie s’est propagé dans le camp de la Linière dans la nuit du 10 au 11 avril, réduisant en cendres une initiative de mise à l’abri dans des conditions dignes de personnes exilées « en transit » vers la Grande-Bretagne. Ce drame souligne l’urgence de créer plusieurs lieux d’accueil humanitaire dans une région où de nombreuses personnes continuent à arriver dans l’espoir de traverser la Manche.

En effet, le démantèlement du bidonville de Calais n’a pas mis fin à l’attraction du Royaume-Uni. L’État français doit sortir du statu quo et assumer son devoir de protection humanitaire de femmes, d’hommes et de mineurs isolés se trouvant en danger actuellement.

« L’impasse de la Manche s’est encore assombrie, mettant en danger encore plus de personnes en demande de protection : l’État ne peut pas persister dans ce déni de réalité », affirme Geneviève Jacques, présidente de La Cimade.

Le 28 février dernier, La Cimade interpellait avec ses partenaires – Amnesty International France, Médecins du Monde, le Secours Catholique, Emmaüs France, Médecins Sans Frontières, le Mouvement français pour le Planning familial et la Fondation Abbé Pierre – les ministres français de l’intérieur et du logement, sur « la nécessité de créer plusieurs lieux d’accueil humanitaire dans le Calaisis et le Dunkerquois pour permettre aux personnes migrantes de sortir de l’errance et des graves dangers auxquels elles sont exposées » face aux « conditions de vie et de sécurité devenues critiques à l’intérieur du camp » et à « l’apparent silence des autorités administratives et judiciaires ». La demande de réunion de crise est restée sans réponse.

La Cimade, qui assure une permanence d’accès aux droits installée dans la ville de Grande-Synthe depuis un an, réitère plus que jamais la nécessité de créer des lieux d’accueil humanitaire sur le littoral.

De plus, les personnes exilées qui souhaitent, après information, demander l’asile en France, doivent pouvoir le faire depuis un lieu aux conditions d’accueil dignes, avec un réel accompagnement social, sans risquer d’être renvoyées dans un autre pays européen en application du règlement « Dublin ».

Enfin, pour les personnes qui souhaitent rejoindre le Royaume-Uni, les démarches doivent être soutenues par l’État français. L’hypocrisie diplomatique qui se joue à Calais comme à Grande-Synthe doit cesser, elle conduit la France à contrôler la frontière d’un pays tiers et les personnes migrantes à se mettre en danger.

 

 

 

 

LE MONDE // A Grande-Synthe, un maire combatif, des associations inquiètes et des migrants désemparés

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/04/12/a-grande-synthe-un-maire-combattif-des-associations-inquietes-et-des-migrants-desempares_5109746_1654200.html

Le maire de Grande-Synthe espère que les centres d’accueil et d’orientation pourront accueillir les 1 500 migrants après l’incendie du camp de la Linière.

LE MONDE | 12.04.2017 à 01h48 • Mis à jour le 12.04.2017 à 10h28 | Par Geoffroy Deffrennes (Lille, correspondant)

En l’espace de quelques heures, le camp de la Linière, ouvert en mars 2016 par le maire écologiste (EELV) de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême, où intervient Médecins sans frontières (MSF), s’est consumé à 80 %. Dans la nuit du 10 au 11 avril, des feux manifestement volontaires sont partis, après une série de rixes entre Kurdes irakiens, historiquement majoritaires dans le camp, et Afghans, arrivés lors de la fermeture de la « jungle » de Calais. « Il n’y aura pas de reconstruction de nouveau campement ici », a déclaré le ministre de l’intérieur, Matthias Fekl, en déplacement à Grande-Synthe, mardi 11 avril.

Il sera difficile pour les enquêteurs de trouver des coupables. « On parle d’une attaque des cuisines – où vivent sommairement les Afghans, qui n’ont pas droit aux cabanons, réservés aux Kurdes –, avec représailles afghanes sur les chalets », croit savoir Christian Salomé, président de l’Auberge des migrants.

Mardi, les rares Kurdes qui desserraient les lèvres, allongés sur les pelouses ou sur des lits de camp dans les trois gymnases où ils ont été accueillis – sur les 1 500 personnes que le camp comptait, 1 000 ont été mises à l’abri –, restaient évasifs. Quant aux Afghans, impossible d’en trouver. « Ils ont peur des Kurdes, qui peuvent être violents. Ils se sentent indésirables », lâche un bénévole.

Surpopulation du camp

« J’ai entendu différentes versions. Je suis incapable de dire comment cela a commencé, affirme M. Carême. Mais nous avions monté ce camp pour 700 personnes ; au-delà les conflits devenaient inévitables. Je suis pour le maintien de ce camp, mais à condition de revenir à sa norme initiale. »

Dans son bureau, mardi en début d’après-midi, le maire de Grande-Synthe consulte ses messages sur sa tablette. « Je suis ragaillardi par les propositions d’aides que je reçois. Regardez : on m’envoie une photo des images de l’incendie diffusées sur l’écran géant d’une gare britannique. » Lundi 10, M. Carême participait au 85e anniversaire de l’Union nationale des étudiants de France, à Paris « pour intervenir précisément sur les migrants », lorsqu’on l’a averti. « Plus de train, je suis resté au téléphone jusqu’à 3 heures du matin avec mon directeur de cabinet, Olivier Caremelle, puis levé à 5 heures pour filer à la gare… »

Depuis quelques semaines, l’élu a pris son bâton de pèlerin. « La surpopulation du camp de Grande-Synthe est due au nombre insuffisant de centres d’accueil et d’orientation (CAO). » Le site du ministère de l’intérieur en dénombre près de 400. Ils devaient recevoir les 7 000 migrants expulsés de la « jungle » de Calais à l’automne 2016.

Le ministre de l’intérieur d’alors, Bruno Le Roux, avait émis l’idée de fermer la Linière, mais la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, avait aussitôt donné un avis contraire. « La ministre a signé le 17 mars une prolongation de la convention de gestion du camp, entre l’Etat, la commune et l’Association des Flandres pour l’éducation, la formation des jeunes et l’insertion sociale (Afeji), rappelle Damien Carême. On avait décidé de diminuer la taille du camp et déjà démonté les tentes et retiré 100 chalets. Mais depuis la fermeture de Calais, l’élan de création des CAO n’a pas été suffisant. Il manque 4 000 places. »

Le maire est donc parti sur les routes. « Je parcours les mairies. Je suis allé à La Rochelle, Niort, Grenoble, Montpellier, Bourg-la-Reine, Arras, je vais à Angers dans quelques jours : partout je vois des maires contents de leur CAO, pas un ne m’a dit que cela se passait mal ! J’encourage à en créer. » Son voisin, le maire de Saint-Pol-sur-Mer, Christian Hutin (MRC, ex-RPR), estimait mardi dans la presse locale que 90 % des migrants ne voulaient pas aller dans les CAO. « Absurde, réplique M. Carême. La grande majorité accepte. Les exceptions sont dans des CAO où le lien (…) est moins efficace. »

Mardi, devant la salle de sport Victor-Hugo, quelques centaines de réfugiés prennent leur repas du jour, tardivement. Les membres de l’Afeji refusent de répondre aux questions, tout comme les fonctionnaires de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). « On nous a interdit de répondre à la presse », explique poliment une jeune fille au blouson rouge de l’OFII. Même refus d’Hervé Desvergnes, le responsable des 52 salariés de l’Afeji recrutés pour le camp, dont certains se retrouveront peut-être au chômage : « La parole aux ministres ce soir… »

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A l’intérieur du gymnase, des couples se reposent, essayant d’occuper les enfants. Un bébé de quelques semaines est pris en charge par la Croix-Rouge. La directrice de l’école élémentaire Francisco-Ferrer, où sont scolarisés les enfants du camp, et deux institutrices s’affairent. Ces enseignantes ont pris l’habitude de continuer à s’occuper de ces enfants durant les vacances scolaires, bénévolement.

500 migrants manquent à l’appel

Devant la halle du Basroch, les membres de l’association britannique Dunkirk Legal Support Team (DLST), créée en avril 2016, sont, eux, plus loquaces. Evelyn McGregor, quinquagénaire écossaise, et Niamh Quille, jeune Anglaise, mettent leurs connaissances en droit au service des mineurs.

Lucille Agins est la seule Française de l’association. Après son master en droits de l’homme à Grenoble, elle s’est engagée en service civique à la Cimad et auprès de DLST. « A l’origine, il s’agissait d’information et d’orientation, puis l’asso s’est développée au sein de Citizens UK. Car le problème des mineurs isolés de leur famille en Grande-Bretagne devient aigu. »

Alors qu’on ignorait, mardi soir, où étaient passés les 500 migrants non abrités dans les gymnases, Corinne Torre, coordinatrice des programmes de Médecins sans frontières, imagine un avenir sombre. « Cela donne l’impression qu’ils sont violents, mais les tensions viennent du manque de management : pour accompagner ces réfugiés, il faut du personnel. On le voit aussi à Paris, entre Afghans et Soudanais, à la Chapelle. J’ai entendu parler de transferts vers les CAO, c’est une utopie, il n’y a pas 1 500 places libres. Ils vont se disperser, et certains iront sans doute aussi à Paris…