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Communiqué // Le Conseil d’Etat rejette les appels de la Mairie et du Ministère de l’Intérieur contre la décision du TribunaL Administratif de Lille du 26 juin 2017

A Calais, le 31 juillet 2017

Le Conseil d’Etat a reconnu ce 31 juillet 2017 que le sort réservé aux exilé.e.s dans le Calaisis, demeure constitutif d’un traitement inhumain et dégradant et d’une atteinte au principe de dignité humaine.

Il a confirmé ce que nous, militant.e.s et membres d’associations, n’avons eu de cesse de répéter, avec le Défenseur des droits, depuis maintenant plus de six mois, à partir des constatations dramatiques faites sur le terrain.

Le Conseil d’Etat a rejeté les appels qui avaient été présentés par le Ministre de l’Intérieur et la commune de Calais contre l’ordonnance du Tribunal Administratif du 26 juin dernier qui avait enjoint au Préfet et à la commune de mettre en œuvre différentes mesures de secours et d’orientation pour les exilé.e.s majeurs et mineur.e.s, notamment :

l’institution de maraudes permettant l’information, l’orientation et la protection des mineurs,

– la création de points d’eau,  de services de douches et de latrines,

– l’organisation de départs en Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO) au sein desquels les exilé.e.s qui le désirent pourraient préparer une demande d’asile.

Ces mesures s’imposaient au regard de l’urgence sanitaire qui existe à Calais, le Tribunal Administratif de Lille accordait un délai de 10 jours à l’Etat et à la Mairie de Calais pour leur mise en place en partenariat avec les associations requérantes.

La Mairie de Calais et le Ministère de l’Intérieur ont cru devoir faire appel de cette décision et -dans l’attente de ce recours- ont refusé de se soumettre aux injonctions prévues par le Tribunal Administratif alors même que cet appel n’était pas suspensif. Etat de droit ? Exemplarité des autorités publiques compétentes en la matière ? 35 jours viennent de s’écouler au mépris de la décision du Tribunal administratif dont les effets s’imposaient nonobstant l’appel.  35 jours de grande précarité infligée, de traitements indignes de la part de nos autorités.

Ces mesures sont aujourd’hui confirmées par l’ordonnance du Conseil d’Etat. Cette défaite des autorités publiques ancrées dans leur déni de réalité est un point de départ. Ce n’est certainement pas l’aboutissement du combat quotidien de nos associations. Tandis que nous sommes forcées de nous battre pour des choses aussi évidentes que de l’eau et des douches, nos forces sont détournées de la construction sur le long terme d’une politique d’accueil digne. Car c’est là que se situe le véritable enjeu.

A cet égard, l’ouverture d’un centre permettant la mise à l’abri des exilé.e.s n’a pas été ordonnée. Le juge du référé-liberté, qui est un juge dont les attributions sont limitées, a retenu qu’il s’agissait d’une mesure de trop grande ampleur qu’il n’avait pas la compétence d’ordonner.

Nous, associations, restons convaincues que seules des solutions d’hébergements au bénéfice des personnes qui parviennent exténuées dans le Calaisis, pourraient permettre d’éviter que les exilé.e.s sans abri soient exposés à des conditions de vie indignes. Nous n’hésiterons donc pas, si l’administration persiste dans sa logique inhumaine, à engager toute démarche administrative et contentieuse pour obtenir la mise en place de solutions d’accueil sur le calaisis et dans plusieurs autres villes de notre littoral ou le long des autoroutes qui y mènent.

Nous continuerons à exiger, au besoin devant la juridiction judiciaire, la fin des violences policières que nous dénonçons depuis plusieurs  semaines et que le rapport Human Rights Watch a pu confirmer. Des plaintes ont été déposées. L’inspection générale de la police nationale a été saisie. Des témoignages, des photos et des enregistrements vidéo ont été communiquées. Nous demandons donc que des suites soient enfin données à ces procédures.

Enfin, nous soulignons que la situation déplorable de dénuement existant à Calais est la même que celle connue sur plusieurs secteurs du littoral Nord, comme à Grande Synthe, à Norrent-Fontes, à Steenvoorde, à Tatinghem..

Nous exhortons les autorités publiques à prendre acte de la décision du Conseil d’Etat et à mettre en œuvre de toute urgence sur ces territoires les mesures de secours et d’assistance permettant aux exilé.e.s, d’obtenir le traitement digne auquel ils ont droit.

 

Associations signataires

L’Auberge des migrants

La Cabane juridique / Legal Shelter

Care4Calais

La Cimade

Gynécologie Sans Frontières

Help Refugees

Ligue des droits de l’Homme

Le Réveil voyageur

Salam Nord Pas-de-Calais

Secours catholique Caritas France

Utopia 56

Libération // « Nous, Calaisiens, ne nous reconnaissons pas dans ce discours de rejet »

http://www.liberation.fr/debats/2017/07/18/nous-calaisiens-ne-nous-reconnaissons-pas-dans-ce-discours-de-rejet_1584692

Le 26 juin, le tribunal administratif de Lille a ordonné la mise en place de mesures pour améliorer les conditions de vie des 600 réfugiés présents dans la zone. La mairie et la préfecture ont fait appel de cette décision. Des Calaisiens, soutenus par des personnalités du monde de la culture, récusent cette politique de non-accueil.

«Des exigences inacceptables», voici les mots utilisés par Natacha Bouchart, maire Les Républicains (LR) de Calais pour évoquer la décision du tribunal administratif de Lille ordonnant la mise en place de points d’eau, de sanitaires et une suppression des entraves à l’action des associations (harcèlement policier, verbalisation des bénévoles).

Nous sommes calaisiens, calaisiennes. Nous sommes indignés par les déclarations de madame Bouchart, qui prétend parler au nom de tous les habitants de Calais, alors que son discours n’est empreint que d’un mépris de l’humain. Nous ne nous reconnaissons pas dans ce discours de division et de rejet.

Mercredi 21 juin, certains d’entre nous étions présents au tribunal administratif, pour témoigner du traumatisme récurrent que subissent des personnes en exil dans notre ville.

Nous n’acceptons pas de voir ces gens, qui ont fui la guerre ou la misère, dans cette situation indigne de précarité et de maltraitance. Nous avons un cœur et une conscience. Nous refusons qu’ils dorment dans la rue, dans les bois. Nous voulons que cesse cette chasse à l’homme.

Nous voulons qu’ils puissent être informés de leurs droits, puissent être pris en charge pour ceux qui le souhaitent, puissent passer légalement la Manche, puisque c’est leur projet, ou puissent demander l’asile. Nous voulons que l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et que les droits fondamentaux soient respectés.

Nous pensons aux riverains qui doivent eux aussi subir la violence de cette politique de non-accueil mise en œuvre depuis vingt ans, politique qui oblige des milliers de personnes à supporter l’insupportable et les Calaisiens à en être témoins.

Invoquant le traumatisme vécu par les Calaisiens et l’économie en difficulté, madame Bouchart pointe les dommages qu’elle a elle-même engendrés en choisissant une politique non hospitalière.

La réelle cause de l’économie en déclin et de l’impact négatif qui affecte Calais, c’est la désinformation : Calais n’est pas en guerre malgré ce que la municipalité, le gouvernement et certains médias essaient de vous faire croire.

La justice a décidé que l’Etat et la ville devaient mettre en place un minimum pour les exilés présents dans le Calaisis : des points d’eau, l’accès à des douches, à des toilettes. Elle a demandé aux autorités de ne pas entraver le travail des associations. Or, madame Bouchart dit qu’elle ne respectera pas cette décision ! Quel exemple donné aux citoyens de Calais et d’ailleurs !

Ce qui est inacceptable, c’est la manière dont madame Bouchart, la municipalité entière et le gouvernement gèrent ou plutôt ne gèrent pas cette situation.

Ce qui est inacceptable, c’est la violence que créent cette frontière, les barrières et les barbelés, cette omniprésence policière.

Nous pensons aussi aux trop nombreux morts, aux accidents et à tous les autres incidents sur la rocade autoroutière provoqués par la fermeture de la frontière.

Madame Bouchart le sait, Calais représente un point stratégique par sa situation géographique. Calais sera toujours un point de passage, personne ne peut déplacer cette ville. Alors les gens souhaitant se rendre en Angleterre, qu’ils soient porteurs ou non de papiers, arriveront toujours à Calais, c’est un non-sens de l’ignorer.

Nous demandons que le droit à la liberté de circulation pour tous, garanti par l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, soit enfin appliqué.

Nous voulons que le gouvernement et la municipalité trouvent des solutions pour que Calais ne soit plus une impasse, pour enlever ces grillages qui défigurent la ville, pour arrêter de dépenser en vain des centaines de millions d’euros en forces de police, barrières, caméras, projecteurs, drones, hélicoptères, vigiles, grillages, pour les consacrer à l’accueil et à des dépenses utiles à la ville de Calais et à ses citoyens.

Lucy Bastien

Jérôme Baude

Adelaide Belleau

Hayate Bibaoui

Betty Bossart

Jason Brebion

Isabelle Brillard

Juliette Cappe

Martine Castellan-Dujovnic

Barbara Chevalier

Jacqueline Chretien

Benjamin Danon

Anne Dekeister

Virginie Delrue

Philippe Demeestère

Monique Denoeux

Mileva Devos

Martine Devries

Medhi Dimpre

Julia Druelle

Louise Druelle

Nathalie Dudek

Sylvie Dufossé

Julie Dupont

Jean-Pierre Duwat

Lou Einhorn

Marga Esco

Emy Fiolet

Jean-Luc Fiolet

Patricia Fiolet

Laetitia Fontaine

Perrine Fusil

Julie Garrigue

Georges Gilles

François-Marie Guennoc

Mylène Herbez

Céline Hermel

Perrine Hudson

Marie-Pierre Huygues

Jean-Philippe Istace

Sylvie Jacqmin

Séverine Joly

Maya Konforti

Nell Labit

Alexandra Lambec

Mandy Lambec

Teddy Lambec

Jean-Philippe Lannoy

Cathie Lay-Gilbert

Jean-Robert Lay

Grégory Lefebvre

Jeyson Legrix

Carine Lemaire

Magalie Lemaitre

Aline Le Rouzic- Leclerc

Laurent Maameri

Matthieu Marsan

Aude Martin

Patricia Martin

Dominique Mégard

Claudine Moine

Caroline Ndaye

Sandra Nedjar

Valérie Noel

Emeric Obry

Francis Peduzzi

Renaud Perrin

Aurélie Pruvost

Thierry Rat

Dominique Richard-Multeau

Marie-Claire Richard-Multeau

Céline Roger

Nadine Rubanbleu

Dominique Ruelle

Sylvain de Saturne

Marie-Caroline Serret

Marie-France Szymkowiak

Renaud Till

Julien Tribalat

Lucile Trenel

Blandine Vasseur

Pauline Vasseur

Marie-France Vertu

Gilles Wallet

Pascale Wallet

Christine Willot

Fabienne Yon

Ils ne sont pas Calaisien.ne.s, mais partagent notre indignation :

M. Abderrahman, M. Adam, M. Aleadine, Charles Alunni philosophe, Anne-Claude Ambroise-Rendu professeure d’Histoire, Jean-Pierre Améris cinéaste, Richard Andry directeur de la photographie, président de l’AFC, Jean-Christophe Angaut maître de conférences de philosophie ENS, Mathilde Annebicque, Etienne Balibar philosophe, professeur émérite (philosophie), Chrystel Barbieux, Luc Battiston cinéaste, Jacques Belin, Houria Bentouhami maîtresse de conférence en philosophie, Emmanuelle Bercot comédienne cinéaste, Elisabeth Bernard (Act and Help), Magali Bessone professeure de philosophie, Manuel Bienvenu développeur SIG, Abdallah Bihorel, Brigitte Bonnefoy-Clerc, Isabelle Bonura, Catherine Boskowitz metteure en scène, Dominique Bourgeois, Alain Bourgois, Sylvain Bourmeau journaliste, enseignant, Jean-Pierre Boutoille, Miriam Bovi chercheuse en sociologie et philosophie politique, Geneviève Brisac écrivaine, Isabelle Broué cinéaste, Michel Broué mathématicien, Robin Campillo réalisateur, Laurent Cantet cinéaste, Caroline Casadesus artiste lyrique, Martine Castellan-Dujovnic, Caroline Champetier directrice de la photographie, Claudine Chevalier, Laurent Chevallier cinéaste, Christine Citti comédienne, Collectif Lille Nouvelle Jungle, Jean-Louis Comolli cinéaste, Catherine Coquio professeure de littérature, Catherine Corsini cinéaste, Lionel Crusoé, Gonzague Cuvelier, Nadia Daam journaliste, Émilie Deleuze cinéaste, Pauline Desablens, Anne Devarieux maître de conférence HDR philosophie, Guillaume Dezecache, Ariane Doublet cinéaste, Anne-Marie Dransart (Eux C’est Nous), Miguel Drollet, Patricia Duchesne enseignante, Morgane Dujmovic, Edika dessinateur, Annie Ernaux écrivaine, Abbas Fahdel cinéaste, Jules Falquet MCF HDR en sociologie, CEDREF-LCSP, Frédéric Farrucci cinéaste, Éric Fassin sociologue, Philippe Faucon cinéaste, Pascale Ferran cinéaste, Sidonie Flahaut, Marina Foïs comédienne, Dan Franck écrivain, Costa-Gavras cinéaste, Denis Gheerbrant cinéaste, Françoise Ghestin, Stéphanie Girerd scénariste, réalisatrice, Claudia Girola enseignante-chercheure-anthropologue, Fabienne Godet cinéaste, Anne Gorouben, Marie Goupy philosophe, Maître de conférence, Ninon Grangé MC-HDR en philosophie, Anouk Grimberg comédienne, Robert Guédiguian cinéaste, Henri Guette, Manon Hagnéré, Ourdia Hamadache, Adèle Haenel comédienne, Cyrille Hanappe (Actes et Cités), M. Hashem, M. Hassan, Groupe IAM artistes, M. Idriss, Agnès Jaoui comédienne, cinéaste, Céline Jouin maître de conférence en philosophie, Nicolas Klotz cinéaste, Jan Kounen cinéaste, La Cabane Juridique, Serge Lalou producteur, Chantal Lamarre, Jimmy Lambec, Françoise Lambelin, Romain Lay, Françoise Lefait, Alain Lefebvre, Nolwenn Lemesle cinéaste, Louis-Do de Lencquesaing comédien cinéaste, Anne-Sophie Ligniert, Jacques Ligniert, Michelle Ligniert, Alexandra Limousin, Camille Louis philosophe, Seloua Luste Boulbina philosophe, Regina Mantanika philosophe, Yann Manzi, Gwenael Margollet, François Marthouret comédien, Jean-Louis Martinelli metteur en scène, Paul Marques Duarte cinéaste, Corinne Masiero comédienne, Patricia Mazuy cinéaste, Claudine Menu, Denis Merklen sociologue, professeur des universités, Agnès Merlet cinéaste, Christophe Mileschi professeur des universités, Guillaume Mille, Estelle Miramont doctorante contractuelle en sociologie, M. Mohammed, Dominik Moll cinéaste, Gérard Mordillat cinéaste, Sarah Moon photographe, Yolande Moreau comédienne, François Morel comédien chanteur, M. Mustafa, Alfredo Naccari, Georges Navet professeur émérite, Olivier Neveu universitaire ENS, Julie Obrecht, Corine Pagny, Rithy Panh cinéaste, Arnaud des Pallières cinéaste, Marc Paquien metteur en scène, Elisabeth Perceval cinéaste, Antonin Peretjatko cinéaste, Elise Pestre maître de conférence, Nicolas Philibert cinéaste, Julien Pitinome, Laurent Piton, Alain Policar, Centre de recherche politique de Sciences-Po (Cevipof), Mathieu Potte-Bonneville philosophe, Franck Prevost, Martin Provost cinéaste, Anne Querrien co-directrice de la revue Multitudes, Valérie Ranwez, Michèle Ray Gavras productrice, Eric Reinhardt écrivain, Matthieu Renault enseignant chercheur en philosophie (RUSF), Brigitte Rouan comédienne cinéaste, Dominique Ruelle, Christophe Ruggia cinéaste, président de l’ADRC, Michèle Santoussi professeure, M. Sattar, Céline Sciamma cinéaste, Julien Selleron cinéaste, Claire Simon cinéaste, Dany Simon, Patrick Sobelman producteur, Véronique Soufflet, Marion Stalens cinéaste, Virginie Stidier, Benjamin Stora, historien, Nan Suel, Frédérico Tarragoni maître de conférence en sociologie, Etienne Tassin professeur de philosophie, Bertrand Tavernier cinéaste, Gaelle Téqui Cormley (Act for Ref), Pascal Tessaud cinéaste, Philippe Torreton comédien, Patrick Vauday professeur des universités, Nathalie Verdier journaliste, Pauline Vermeren philosophe, Karin Viard comédienne, Thomas Vincent cinéaste, Dominique Wiel.

Rapport inter-associatif 2016 sur les Centres de Rétention Administrative en France

Le rapport est téléchargeable ici


La rétention outil principal de l’éloignement : les associations demandent un changement de cap

Ce mardi 27 juin 2017, ASSFAM, Forum réfugiés-Cosi, France Terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte France et Solidarité Mayotte, présentent leur septième rapport commun sur les centres de rétention administrative.

Un usage de la rétention toujours massif et trop souvent abusif

En 2016, la rétention reste le principal instrument des politiques d’éloignement, avec près de 46 000 personnes privées de liberté dans les centres et locaux de rétention administrative. Ces cinq dernières années (2012-2016), plus de 232 000 personnes ont été enfermées, démontrant ainsi la constance de cet usage au-delà de l’alternance politique.

 

4 507 enfants privés de liberté : année record malgré cinq condamnations de la CEDH

Malgré les engagements de François Hollande durant la campagne électorale de 2012 de mettre fin à l’enfermement des enfants et le caractère traumatisant de cette pratique, la loi du 7 mars 2016 a élargi le recours à la rétention pour les familles accompagnées d’enfants. En métropole, le nombre d’enfants privés de liberté a de nouveau fortement augmenté, passant de 45 en 2014 à 105 en 2015, puis 182 en 2016. À Mayotte 4 325 enfants ont été concernés.

 

Le recours abusif et/ou illégal à la rétention dans la gestion des camps de migrants

L’année 2016 a été particulièrement marquée par plusieurs démantèlements de camps de personnes migrantes sur l’ensemble du territoire national, à Paris, à Calais et à Metz, ainsi que par les « décasages » à Mayotte. De nombreuses personnes ont ainsi été placées en rétention à la suite de ces opérations, très souvent au détriment de leur situation personnelle et parfois en violation de leurs droits. Ainsi, des demandeurs d’asile, des mineurs isolés ou encore des ressortissants de pays en guerre ont été enfermés en 2016.

 

Une réforme qui maintient le recours prioritaire à la rétention

Si la réforme de 2016 ramène le contrôle du juge judiciaire à 48 heures, comme avant 2011, Mayotte en a été finalement exclue. Par ailleurs, le législateur n’est pas revenu sur la durée maximale de rétention, passée de 32 à 45 jours depuis six ans, alors que les chiffres montrent clairement que le taux d’éloignement diminue à mesure que la durée de rétention s’allonge. Plus globalement, la réforme constitue un recul des droits au vu de l’ensemble des mesures adoptées. Ainsi, le législateur a choisi de laisser une grande latitude aux préfectures pour le recours à l’assignation à résidence, dès lors davantage utilisée comme une mesure coercitive supplémentaire. Le régime dérogatoire ultra-marin est maintenu avec un droit au recours dont l’effectivité reste limitée, et la loi n’a toujours pas instauré de procédure suspensive de l’éloignement qui garantirait la protection des malades étrangers.

 

Cette année encore, nos associations constatent que l’enfermement en rétention reste le moyen privilégié par l’État pour s’assurer de l’éloignement des étrangers concernés. Elles ont décidé d’appeler l’attention du Président de la République, du gouvernement et des parlementaires pour qu’un changement d’orientation soit enfin adopté.

Communiqué de Médecins sans Frontières // Calais est une cage de zoo

Calais est une cage de zoo » 17 Juin 2017

La Jungle de Calais lors de son démantèlement en octobre 2016.

La Jungle de Calais lors de son démantèlement en octobre 2016. © Samuel Hanryon/MSF

Deux responsables de Médecins Sans Fontières témoignent des conditions de vie inhumaines imposées par l’Etat aux réfugiés.

Présentes à Calais, du 12 au 16 juin, afin de fournir des soins médicaux, les équipes de Médecins Sans Frontières ont constaté à quel point les autorités publiques intensifient la traque et le harcèlement des personnes migrantes et de ceux qui souhaitent leur venir en aide. Seules les initiatives des associations locales et nationales ayant été âprement négociées avec la mairie et la préfecture offrent un peu de répit aux quelques centaines d’Afghans, Erythréens, Ethiopiens, Soudanais et Somaliens présents dans le Calaisis et en attente d’un passage, périlleux et incertain, en Grande-Bretagne.L’essentiel des secours tolérés se produit dans une zone de distribution, entièrement grillagée depuis le 13 juin, et située non loin de l’ancienne « Jungle » démantelée en octobre dernier. Débutant à 18h, cette distribution quotidienne, la seule autorisée par la mairie, est très encadrée par les forces de l’ordre : la gendarmerie d’abord qui garde le site en journée afin d’assurer qu’aucun regroupement n’ait lieu avant 18h, puis CRS, police nationale, Brigade anti-criminalité, Police de l’air et des Frontières. L’apparition soudaine de centaines de personnes surgissant des bois et des forêts à cette occasion donne lieu à des scènes surprenantes. Calais semble être devenue une cage de zoo, une cage dont on ouvre la porte de temps à autres pour faire boire et donner à manger en s’assurant que les migrants ne s’en approchent pas trop et qu’ils ne s’enfuient pas.

En dehors de ce créneau, d’à peine plus d’une heure et bien évidemment insuffisant pour fournir de la nourriture à toutes et tous, l’accueil offert par le prêtre de l’Eglise Saint-Joseph permet la fourniture d’un deuxième repas, d’eau et un peu de repos à ceux qui osent s’aventurer en ville. Aucun point d’eau fixe n’est en effet disponible pour que les exilés puissent s’hydrater et se laver.

Toute initiative d’aide qui ne s’inscrirait pas dans ces dispositifs – pour l’un autorisé, et pour l’autre, tout juste toléré – est irrémédiablement traquée dans la ville. Au nom du refus des « points de fixations », les rassemblements de migrants sont dispersés, de même que toute tentative de leur offrir des secours supplémentaires. Présente lors d’une de ces interventions de dispersion, notre équipe a constaté l’empressement d’un groupe de la Brigade anti-criminalité à mettre fin à la distribution d’une soixantaine de repas. Selon l’agent de police en charge de l’opération interpellé par un membre de notre équipe, « un repas par jour, ce n’est pas suffisant, mais j’ai des ordres ».

Les migrants, dont certains ne sont qu’adolescents, dorment dans la forêt, les marécages, sur le sable. Ils sont généralement en bonne forme physique, mais sont épuisés, victimes de problèmes dermatologiques liés à des conditions d’hygiène désastreuses, des problèmes oculaires du fait des gazages, ainsi que d’entorses et de plaies. Il arrive que la police les réveille la nuit et les fasse déguerpir, gazant, au passage, leurs vêtements et leur sac de couchage. Par ailleurs, l’extrême précarité des conditions de vie, combinée aux fragilités psychologiques, aux addictions et aux tensions personnelles aboutit parfois à des violences. Deux personnes migrantes ont ainsi été légèrement blessées à l’occasion de la survenue en début de semaine d’une altercation en fin de distribution. La police n’est alors pas intervenue : selon l’un de ses responsables sur place, elle avait là encore des ordres en ce sens.

Au terme de cette visite, les conclusions tirées par notre équipe rejoignent celles du Défenseur des droits qui dénonçait dans un communiqué du 14 juin « les conditions de vie inhumaines que subissent les exilés à Calais ». Si ces pratiques institutionnelles de non-accueil s’inscrivent dans la continuité des années précédentes, rarement les autorités n’avaient semblé si déterminées à harceler les migrants. Dans ce contexte, nous exprimons notre pleine solidarité avec ces derniers ainsi qu’avec les associations locales ou initiatives d’aide individuelles. Nous appelons également les autorités à répondre favorablement aux recommandations émises par le Défenseur des droits et soutenons le dépôt, le 15 juin, d’un référé-liberté par les associations. Il semble malheureusement que la puissance publique ne soit capable d’agir que sous la pression, publique et juridique. Actuellement, près de 300 personnes dorment dans les sous-bois de la ville voisine de Grande-Synthe, 600 à 700 autres à Calais, plusieurs centaines sur les trottoirs de Paris et de Saint-Denis. Les arrivées de personnes migrantes en France, dont certaines n’auront d’autre projet que de se rendre en Grande-Bretagne, se feront sans doute plus nombreuses dans les mois à venir. Or, la dispersion et l’invisibilisation des migrants, par la violence et les entraves à la solidarité, ne peuvent pas tenir lieu de politique d’accueil.

Michaël Neuman, directeur d’études, MSF – Crash
Corinne Torre, chef de mission, Médecins Sans Frontières

La Cimade, 14.06.2017 // Les exilés de Grande-Synthe sans abris au Puythouk

http://www.lacimade.org/exiles-grande-synthe-sans-abris-puythouk/

Depuis l’incendie du camp de la Linière le 10 avril 2017, il n’existe plus de structure d’accueil inconditionnel pour les personnes exilées en transit à Grande-Synthe et sur le littoral. Reportage dans le bois du Puythouck où vivent près de 300 Kurdes irakiens.

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Au Puythouk, zone naturelle protégée et bucolique, quelques joggers et promeneurs circulent encore dans les allées, mais ce sont surtout près de 300 personnes exilées qui vivent dans des conditions précaires proches de l’insalubrité. Beaucoup d’enfants, des femmes enceintes et quelques mineurs isolés dorment à même le sol dans le bois et les pelouses alentours. Le seul « équipement » disponible est une benne à ordure installée par la mairie. Pas d’accès à l’eau, pas de toilette ni de douche et surtout pas d’abris. Une situation qui rappelle celle du camp du Basroch. 3 000 personnes exilées y campaient dans la boue en janvier 2016 avant la construction en mars du camp de la Linière.

Nettoyage par la police

« La police fait un ‘nettoyage’ comme ils disent, deux fois par semaine » explique Claire Millot de l’association Salam qui distribue des repas quatre jours par semaine. « Mardi ils ont fait une grosse opération, ils empêchent toute tentative d’installation, tentes ou abris précaires sont détruits, les sacs de couchage et les couvertures sont gazés. Mais le harcèlement policier ici c’est rien par rapport à Calais ! » Si les policiers semblent plus corrects que dans le Pas-de-Calais, la différence de traitement est probablement liée à la personnalité du maire, et du préfet du Nord. Magali De Lambert, coordinatrice d’accès au droit pour La Cimade à Grande-Synthe, tempère cette analyse : « On ne peut pas se féliciter, parce qu’ailleurs sur le littoral, la situation est plus violente. » Sans compter les témoignages recueillis parfois terrifiants comme cet homme qui raconte que jeudi 8 juin, à l’occasion d’une tentative de passage, la police est intervenue dans un camion : « Ils ont gazé à l’intérieur du camion, puis refermé la porte un temps avant de faire sortir les personnes et les disperser. » Un garçon d’une dizaine d’années a les yeux très irrités 24 heures après les faits.

Un projet de vie qui reste le même

Les personnes exilées ici sont presque toutes originaires du Kurdistan irakien, mais ces jours-ci, une vingtaine d’Iraniens et de Pakistanais partagent leur sort au Puythouk. À Pâques, Salam avait distribué 40 repas, désormais c’est plutôt 250, mais difficile pour les associations de faire des évaluations. « L’incendie du camp, le harcèlement policier, les conditions de vie déplorables dans le bois ne vont pas faire changer de projet de vie les personnes », explique Magali De Lambert, « elles veulent se rendre au Royaume-Uni et très peu renoncent à leur souhait ».

Les familles acceptent parfois des places en centre d’accueil et d’orientation (CAO) pour se reposer un temps. Mais plusieurs sont revenues au Puythouk pour tenter une nouvelle fois le passage. C’est le cas d’une mère avec ses deux filles adolescentes jumelles et un couple avec un enfant de quatre ans revenus pour la troisième fois de CAO. D’autres préfèrent rester près des points de passage et des passeurs, comme Silan, 35 ans, accompagnée de son bébé de six mois : « Mon mari est passé la semaine dernière avec nos deux autres enfants, il a commencé ses démarches pour demander l’asile. » La procédure de réunification familiale est longue, « ça peut durer plus de quatre mois », lui explique Magali De Lambert, « et il faut que vous puissiez fournir des documents d’état civil attestant de votre mariage ainsi que les démarches entreprises par votre mari au Royaume-Uni ». Silan ne peut pas attendre si longtemps « c’est trop long pour les enfants », le lendemain, elle tente une nouvelle fois le passage, mais sera de retour pendant la distribution du repas.

Actions juridiques

Les possibilités d’actions juridiques concernent aussi les mineurs isolés ou les rares personnes qui souhaitent demander l’asile en France, plutôt que poursuivre leur route vers Londres. Elles sont souvent découragées, car pour faire la démarche, elles sont contraintes de se rendre à Lille, sans moyen de transport. Et attendre, sans hébergement, des semaines, l’enregistrement de leur demande d’asile en préfecture. Beaucoup préfèrent donc rester au Puythouk quand elles apprennent qu’aucune place d’hébergement n’est disponible et qu’elles devront continuer de vivre à la rue.

Redir a 40 ans, il était chercheur à l’université de Duhok, grande ville du Kurdistan au nord de l’Irak. Il connaissait un peu la situation avant de venir, mais ne s’attendait pas à dormir dans la forêt enroulé dans une couverture. « Quand on est menacé de mort, l’urgence c’est la fuite, le reste importe peu. » Avec sa femme et leurs enfants de cinq et huit ans, ils espèrent rejoindre le Royaume-Uni où réside un neveu qui est de nationalité britannique.

Une mission à la rencontre des acteurs

L’action de La Cimade menée dans sa permanence d’accès aux droits à Grande-Synthe depuis juillet 2016 était liée à l’ouverture du camp de la Linière. Deux mois après l’incendie, même s’il n’y a pas de baisse de fréquentation de sa permanence, La Cimade a entrepris du 6 au 9 juin une mission de terrain à la rencontre des associations et des personnes exilées pour mieux répondre aux besoins des personnes exilées. « On présente nos actions aux partenaires, on évoque les questions de formation et on étudie la possibilité d’une présence au Puythouk pour identifier des personnes qui souhaitent un soutien juridique dans leurs démarches » détaille Magali De Lambert. Emmaüs, Médecins du Monde, Gynécologie sans frontière, Salam, Care4Calais, Refugee Community Kitchen, Dunkirk Legal Support Team, Plateforme citoyenne Bruxelles et autres militants font partie des acteurs de terrain rencontrés dans le cadre de cette mission.

Ouverture d’un nouveau camp ?

Mais la question d’une redéfinition de l’action de La Cimade sera peut-être tranchée plus vite que prévu. En effet, Damien Carême, le maire (EELV) de Grande-Synthe a annoncé qu’avec ou sans l’État, il y aurait un nouveau camp. Pour que l’accueil inconditionnel des personnes en exil dans le Nord et le Pas-de-Calais soit réel, quelle que soit leur nationalité et leur situation administrative, ce n’est pas un camp que l’État doit mettre en place, mais plusieurs camps. Une demande soutenue par les associations qui ont écrit le 2 juin au président de la communauté urbaine de Dunkerque.

Rafael Flichman (La Cimade)

Communiqué de presse inter associatif // Référé auprès du Tribunal Administratif de Lille concernant la situation des exilé.e.s à Calais

DÉNI D’HUMANITÉ, DÉNI DE RÉALITÉ

 

15 juin 2017

 

Des exilés et des associations saisissent dans l’urgence le juge du tribunal administratif de Lille pour lui demander d’enjoindre aux autorités de respecter les libertés et les droits fondamentaux des exilés présents sur le Calaisis.

 L’atteinte aux libertés fondamentales ne constitue pas une politique !

Les associations saisissent à nouveau le juge des référés du tribunal administratif de Lille

Aujourd’hui plus de 600 exilés, dont de nombreux mineurs isolés,  survivent sur le Calaisis dans des conditions effroyables. A l’absence totale de prise en charge sanitaire et sociale s’ajoutent une pression et un harcèlement policier constants destinés,  prétendent les autorités,  à  « éviter tout point de fixation ».  Les exilés fuyant la guerre et la persécution sont ainsi contraints de subir des conditions de survie intolérables. A l’occasion de  l’expulsion des habitants du bidonville de Calais en octobre 2016les préconisations du rapport de Messieurs Vignon et Aribaud (lesquels avaient reçu pour mission, du ministre de l’intérieur de l’époque, d’envisager les suites à donner au démantèlement du bidonville de la Lande) étaient claires. Les promesses ministérielles annoncées avant le démantèlement l’étaient également. Pourtant, plus aucun dispositif d’accueil n’existe à ce jour pour les réfugiés arrivant sur Calais. Les  autorités veulent faire croire que la question de la présence des exilés est résolue et que ces derniers n’arrivent plus à Calais. Or, cela fait plus de vingt ans que les exilés viennent sur Calais pour tenter le passage vers la Grande Bretagne, qu’ils  y séjournent aussi longtemps que nécessaire. Cela perdure et continuera aussi longtemps que Calais sera proche des côtes anglaises …

Ce n’est pas en privant les exilés de leurs droits fondamentaux et en leur refusant le minimum de dignité que l’on répondra de façon constructive et pérenne à la question de l’accueil des réfugiés. La solution ne naîtra pas non plus des entraves à l’action des associations et des citoyens qui leur apportent aide et soutien.

La politique menée depuis octobre 2016 est une impasse pour les exilés comme pour l’ensemble des calaisiens concernés. Ce n’est d’ailleurs pas une politique, c’est un déni de réalité – initié dans un contexte de campagne électorale – indigne de notre devise républicaine.

Une fois les élections législatives passées, le nouveau gouvernement va-t-il persévérer dans la politique de l’autruche et du tout sécuritaire ou va-t-il oser regarder la réalité en face, proposer de construire dans la durée une réelle politique d’accueil comprenant des réponses locales, nationales et européennes adaptées à cette question complexe?

Face à la situation sanitaire et sociale déplorable que subissent les exilés, et alors qu’il y a urgence à y répondre,  nous sommes donc contraintes de saisir –  une fois encore – le juge des référés du tribunal administratif de Lille,  afin de lui demander de reconnaître les atteintes graves et répétées aux droits et libertés et d’enjoindre aux autorités de mettre en place un dispositif garantissant le respect des droits fondamentaux de base , tels que l’accès à l’eau, à des toilettes, à une distribution alimentaire, à une information réelle sur les droits…

Associations signataires
L’Auberge des migrants
La Cabane juridique / Legal Shelter
Care4Calais
La Cimade
Gynécologie sans frontières
Help Refugees
Ligue des droits de l’Homme
Le Réveil Voyageur
Salam Nord Pas-de-Calais
Secours catholique Caritas France
Utopia 56

Bastamag // 300 organisations blâment le gouvernement Macron et appellent à un changement radical de sa politique migratoire

https://www.bastamag.net/300-organisations-blament-le-gouvernement-Macron-et-appellent-a-un-changement

C’est un véritable coup de gueule que poussent près de 300 organisations et collectifs de la société civile, et non des moindres. Amnesty, Emmaüs, la Ligue des droits de l’Homme, Médecins du monde, le Secours catholique, des collectifs locaux de La Chapelle (Paris) ou de la vallée de La Roya (Alpes-Maritimes), des syndicats (FSU, Solidaires)… critiquent la répression policière et les entraves préfectorales qui se multiplient contre les migrants et les Français qui leur apportent de l’aide. « Face à ce qui constitue un véritable « état d’urgence », nous appelons les responsables politiques et administratifs à poser les vraies questions : notre conception de la justice admet-elle que des militants de solidarité soient harcelés, et jugés comme délinquants, ou que des distributions alimentaires soient interdites par arrêté municipal ? », interpellent-elles. Voici leur appel.

Le ministre de l’Intérieur a fait connaître ses premières intentions en matière de politique migratoire, et nous déplorons qu’y manque l’engagement impératif de mettre un terme aux violences policières à l’encontre des migrants et réfugiés. De même, aucun mot n’a été prononcé pour annoncer la fin de l’intimidation à l’égard de citoyens ou associations, qui sur le terrain s’efforcent d’assurer accueil et solidarité à leur égard. Deux priorités qu’il faut d’urgence mettre en œuvre au regard des situations qui prévalent à Paris, de nouveau à Calais, à la frontière franco-italienne, mais aussi ailleurs en France.

Pourtant, la situation actuelle le démontre implacablement : la gestion répressive des migrations internationales et le non-respect du droit d’asile qui prévalent dans la plupart des pays d’Europe, et en France en particulier, sont un échec effroyable. Tout d’abord parce que les guerres, les violations des droits humains, l’aggravation des inégalités et les catastrophes climatiques jettent un nombre incompressible de personnes sur les routes de l’exil, et aucune police au monde ne pourra jamais empêcher des jeunes de chercher à se construire un avenir, ou des familles de vouloir protéger leurs enfants.

Ensuite parce que « tarir les flux d’arrivées », selon les mots mêmes du Ministre, relève de l’illusion et du mensonge, que nous payons au prix fort : des milliers de vies perdues chaque année en Méditerranée ou sur les autoroutes d’Europe, des centaines de millions d’euros gaspillés tous les ans, d’insupportables souffrances humaines, mais aussi des territoires sous tension, des bénévoles et des citoyens choqués et épuisés… De tels choix politiques fracturent nos territoires, dressent les hommes et femmes les uns contre les autres et nourrissent le rejet de l’autre et le repli sur soi.

Nous, membres d’associations nationales, collectifs de migrants ou citoyens réunis dans des initiatives locales de solidarité avec eux, composons une grande partie de la « société civile » organisée, qui tous les jours sillonne le terrain pour pallier les manquements, l’aveuglement et l’inhumanité des politiques publiques. Nous avons vu des dizaines de milliers de personnes, ces derniers mois, s’engager, dans leurs quartiers ou dans leurs villages, pour témoigner de l’humanité la plus élémentaire : offrir réconfort et dignité à des personnes accablées par des parcours de souffrance et de danger, voyant leurs droits fondamentaux tout simplement niés par les autorités de l’État.

Face à ce qui constitue un véritable « état d’urgence », nous appelons les responsables politiques et administratifs à poser les vraies questions : notre conception de la justice admet-elle que des militants de solidarité soient harcelés, et jugés comme délinquants, ou que des distributions alimentaires soient interdites par arrêté municipal ? Les droits fondamentaux que nous aspirons à voir respectés à travers le monde sont-ils compatibles avec la détention de milliers de personnes qui ont pour seul tort d’avoir cherché à survivre et bâtir un avenir meilleur ?

Nous qui construisons chaque jour une France solidaire et accueillante, nous appelons donc le Président de la République et le Premier Ministre à convoquer d’urgence une conférence impliquant tous les acteurs, afin qu’émergent des politiques alternatives d’accueil et d’accès aux droits empreintes de solidarité et d’humanité.

Le 15 Juin 2017

Photo : CC akahawkeyefan

L’appel demeure ouvert à signature des organisations et collectifs, à l’adresse contact@emmaus-international.org

Consulter la liste complète des signataires ici

- Toutes les initiatives citoyennes en solidarité avec les réfugiés : une carte recense plus de 1000 initiatives citoyennes de solidarité avec les migrants

Communiqué La Cimade // Les exilés de Grande Synthe sans abris au Puythouk

14 juin 2017

Depuis l’incendie du camp de la Linière le 10 avril 2017, il n’existe plus de structure d’accueil inconditionnel pour les personnes exilées en transit à Grande-Synthe et sur le littoral. Reportage dans le bois du Puythouck où vivent près de 300 Kurdes irakiens.

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Au Puythouk, zone naturelle protégée et bucolique, quelques joggers et promeneurs circulent encore dans les allées, mais ce sont surtout près de 300 personnes exilées qui vivent dans des conditions précaires proches de l’insalubrité. Beaucoup d’enfants, des femmes enceintes et quelques mineurs isolés dorment à même le sol dans le bois et les pelouses alentours. Le seul « équipement » disponible est une benne à ordure installée par la mairie. Pas d’accès à l’eau, pas de toilette ni de douche et surtout pas d’abris. Une situation qui rappelle celle du camp du Basroch. 3 000 personnes exilées y campaient dans la boue en janvier 2016 avant la construction en mars du camp de la Linière.

NETTOYAGE PAR LA POLICE

« La police fait un ‘nettoyage’ comme ils disent, deux fois par semaine » explique Claire Millot de l’association Salam qui distribue des repas quatre jours par semaine. « Mardi ils ont fait une grosse opération, ils empêchent toute tentative d’installation, tentes ou abris précaires sont détruits, les sacs de couchage et les couvertures sont gazés. Mais le harcèlement policier ici c’est rien par rapport à Calais ! » Si les policiers semblent plus corrects que dans le Pas-de-Calais, la différence de traitement est probablement liée à la personnalité du maire, et du préfet du Nord. Magali De Lambert, coordinatrice d’accès au droit pour La Cimade à Grande-Synthe, tempère cette analyse : « On ne peut pas se féliciter, parce qu’ailleurs sur le littoral, la situation est plus violente. » Sans compter les témoignages recueillis parfois terrifiants comme cet homme qui raconte que jeudi 8 juin, à l’occasion d’une tentative de passage, la police est intervenue dans un camion : « Ils ont gazé à l’intérieur du camion, puis refermé la porte un temps avant de faire sortir les personnes et les disperser. » Un garçon d’une dizaine d’années a les yeux très irrités 24 heures après les faits.

UN PROJET DE VIE QUI RESTE LE MÊME

Les personnes exilées ici sont presque toutes originaires du Kurdistan irakien, mais ces jours-ci, une vingtaine d’Iraniens et de Pakistanais partagent leur sort au Puythouk. À Pâques, Salam avait distribué 40 repas, désormais c’est plutôt 250, mais difficile pour les associations de faire des évaluations. « L’incendie du camp, le harcèlement policier, les conditions de vie déplorables dans le bois ne vont pas faire changer de projet de vie les personnes », explique Magali De Lambert, « elles veulent se rendre au Royaume-Uni et très peu renoncent à leur souhait ».

Les familles acceptent parfois des places en centre d’accueil et d’orientation (CAO) pour se reposer un temps. Mais plusieurs sont revenues au Puythouk pour tenter une nouvelle fois le passage. C’est le cas d’une mère avec ses deux filles adolescentes jumelles et un couple avec un enfant de quatre ans revenus pour la troisième fois de CAO. D’autres préfèrent rester près des points de passage et des passeurs, comme Silan, 35 ans, accompagnée de son bébé de six mois : « Mon mari est passé la semaine dernière avec nos deux autres enfants, il a commencé ses démarches pour demander l’asile. » La procédure de réunification familiale est longue, « ça peut durer plus de quatre mois », lui explique Magali De Lambert, « et il faut que vous puissiez fournir des documents d’état civil attestant de votre mariage ainsi que les démarches entreprises par votre mari au Royaume-Uni ». Silan ne peut pas attendre si longtemps « c’est trop long pour les enfants », le lendemain, elle tente une nouvelle fois le passage, mais sera de retour pendant la distribution du repas.

ACTIONS JURIDIQUES

Les possibilités d’actions juridiques concernent aussi les mineurs isolés ou les rares personnes qui souhaitent demander l’asile en France, plutôt que poursuivre leur route vers Londres. Elles sont souvent découragées, car pour faire la démarche, elles sont contraintes de se rendre à Lille, sans moyen de transport. Et attendre, sans hébergement, des semaines, l’enregistrement de leur demande d’asile en préfecture. Beaucoup préfèrent donc rester au Puythouk quand elles apprennent qu’aucune place d’hébergement n’est disponible et qu’elles devront continuer de vivre à la rue.

Redir a 40 ans, il était chercheur à l’université de Duhok, grande ville du Kurdistan au nord de l’Irak. Il connaissait un peu la situation avant de venir, mais ne s’attendait pas à dormir dans la forêt enroulé dans une couverture. « Quand on est menacé de mort, l’urgence c’est la fuite, le reste importe peu. » Avec sa femme et leurs enfants de cinq et huit ans, ils espèrent rejoindre le Royaume-Uni où réside un neveu qui est de nationalité britannique.

UNE MISSION À LA RENCONTRE DES ACTEURS

L’action de La Cimade menée dans sa permanence d’accès aux droits à Grande-Synthe depuis juillet 2016 était liée à l’ouverture du camp de la Linière. Deux mois après l’incendie, même s’il n’y a pas de baisse de fréquentation de sa permanence, La Cimade a entrepris du 6 au 9 juin une mission de terrain à la rencontre des associations et des personnes exilées pour mieux répondre aux besoins des personnes exilées. « On présente nos actions aux partenaires, on évoque les questions de formation et on étudie la possibilité d’une présence au Puythouk pour identifier des personnes qui souhaitent un soutien juridique dans leurs démarches » détaille Magali De Lambert. Emmaüs, Médecins du Monde, Gynécologie sans frontière, Salam, Care4Calais, Refugee Community Kitchen, Dunkirk Legal Support Team, Plateforme citoyenne Bruxelles et autres militants font partie des acteurs de terrain rencontrés dans le cadre de cette mission.

OUVERTURE D’UN NOUVEAU CAMP ?

Mais la question d’une redéfinition de l’action de La Cimade sera peut-être tranchée plus vite que prévu. En effet, Damien Carême, le maire (EELV) de Grande-Synthe a annoncé qu’avec ou sans l’État, il y aurait un nouveau camp. Pour que l’accueil inconditionnel des personnes en exil dans le Nord et le Pas-de-Calais soit réel, quelle que soit leur nationalité et leur situation administrative, ce n’est pas un camp que l’État doit mettre en place, mais plusieurs camps. Une demande soutenue par les associations qui ont écrit le 2 juin au président de la communauté urbaine de Dunkerque.

 

Le tatouage d'un exilé kurde d'Irak réalisé au Kurdistan.
LE TATOUAGE D’UN EXILÉ KURDE D’IRAK RÉALISÉ AU KURDISTAN.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Silan, 35 ans, accompagnée de son bébé de six mois. Son mari
SILAN, 35 ANS, ACCOMPAGNÉE DE SON BÉBÉ DE SIX MOIS. SON MARI ET LEURS DEUX AUTRES ENFANTS SONT PASSÉS AU ROYAUME-UNI.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

L'eau est une des choses les plus prisées au Puythouk. Grande-S
AUCUN POINT D’EAU DANS LE BOIS, LES BOUTEILLES SONT TRÈS DEMANDÉES.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Distribution du repas de Salam se termine au Puythouk. Grande-Sy
FIN DE LA DISTRIBUTION DU REPAS DE SALAM.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Une chorale venue chanter pendant la distribution des repas au P
UNE CHORALE VENUE CHANTER PENDANT LA DISTRIBUTION DES REPAS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Au Puythouk, seuls les buissons peuvent servir à faire sécher
SEULS LES BUISSONS PEUVENT SERVIR À FAIRE SÉCHER LE LINGE ET LES COUVERTURES APRÈS LES AVERSES.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Rechargement des téléphones et des batteries secondaires avec
RECHARGEMENT DES TÉLÉPHONES ET DES BATTERIES SECONDAIRES AVEC LE GROUPE DE CARE4CALAIS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

L'affichage municiapl en trois langues en contradiction avec la
L’AFFICHAGE MUNICIPAL EN TROIS LANGUES EN CONTRADICTION AVEC LA TOLÉRANCE DU CAMPING SAUVAGE DES EXILÉS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Dans le bois du Puythouk, les couvertures des exilés. Grande-Sy
DANS LE BOIS, LES COUVERTURES DES EXILÉS VESTIGES D’UNE NUIT FRAÎCHE ET HUMIDE.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

L'attente de la distribution du repas par Emmaüs.
L’ATTENTE DE LA DISTRIBUTION DU REPAS PAR EMMAÜS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Les exilés participent à la distribution du repas d'Emmaüs.
LES EXILÉS PARTICIPENT À LA DISTRIBUTION DU REPAS D’EMMAÜS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Forte affluence pendant la distribution du repas d'Emmaüs.
FORTE AFFLUENCE PENDANT LA DISTRIBUTION DU REPAS D’EMMAÜS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Le bois du Puythouk où dorment les exilés.
LE BOIS DU PUYTHOUK OÙ DORMENT LES EXILÉS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cimade

Emmaüs amène un second groupe électrogène qui complète celu
EMMAÜS AMÈNE UN SECOND GROUPE ÉLECTROGÈNE QUI COMPLÈTE CELUI DE CARE4CALAIS.

Puythouk, Grande-Synthe, juin 2017.
© Rafael Flichman / La Cima

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Rafael Flichman

Streetpress // A Calais les réfugiés sont chassés la nuit et traqués le jour

https://www.streetpress.com/sujet/1497350403-traque-des-refugies-calais

par Tomas Statius , Fatma Ben Hamad | 13 Juin 2017

Depuis son arrivée à Calais, Christian ne dort pas plus de 3h par nuit. Entre les lacrymos et l’interdiction des distributions de nourriture, compliqué de survivre. StreetPress te raconte l’histoire de ces réfugiés coincés aux portes de l’Angleterre

Calais (62) – Quand on l’aborde sur le parking de l’église Saint-Joseph, Christian (1) a la gueule des mauvais jours. Toute la nuit, le jeune homme aux traits tirés a tenté le passage en Angleterre aux abords du « Belgium Parking », une station-service bien connue des exilés de Calais. Alors ce lundi 5 juin, Chris’ est bien décidé à profiter de l’ombre d’un petit arbuste sous lequel il est assis en tailleur. C’est ici que, chaque midi, plusieurs assos de soutien aux réfugiés organisent une distribution de nourriture. L’occasion parfaite de se refaire la cerise après une nuit de galère :

« Je n’ai pas eu de chance. A chaque fois les policiers me sont tombés dessus. »

Sur les coups de 5h du matin, après plusieurs tentatives infructueuses d’embarquer dans un camion pour l’Angleterre, Christian a finalement pris la direction du campement de fortune où il dort avec plusieurs amis. C’était sans compter, encore une fois, sur la police. « Ils nous ont attrapé. Il nous ont mis du gaz dans les yeux, comme ça » mime t-il en tendant son bras tout près de nos yeux, tout en tirant sur sa cigarette. Contraint d’abandonner son petit coin de verdure, le jeune homme a passé la nuit sur les routes, à la recherche d’un endroit où se reposer. Le lendemain, Anghosm (1), un jeune Éthiopien nous raconte peu ou prou la même histoire :

« Chaque nuit, la police vient et asperge de lacrymos les gens qui dorment, les sacs de couchage. Ils veulent nous épuiser. »

LE RETOUR DE LA JUNGLE

À Calais, beaucoup de choses ont changé depuis le démantèlement de la jungle. Si le plus grand bidonville d’Europe n’est plus, les réfugiés, eux, sont bel et bien de retour dans la ville des Bourgeois. Ils seraient aujourd’hui entre 450 et 600 à s’y être réinstallés. Mais pour la préfecture, pas question de voir se reformer de nouvelle jungle. « Des opérations sont régulièrement menées pour retirer les tentes et abris de fortune découverts dans le Calaisis, dès qu’un point de fixation est repéré », indique-t-on à StreetPress.

Alors, nuit et jour, les réfugiés sont chassés des bois, des parcs ou des terrains vagues, où ils ont posé leurs baluchons. Si bien qu’aucun camp de grande ampleur n’a vu le jour dans la région. Coups de matraques, jets de gazs lacrymos… Les bleus ne font pas dans la dentelle pour disperser les migrants, selon plusieurs témoignages recueillis par StreetPress. La police empêche même les distributions de nourriture. « Je n’ai jamais vu autant de répression depuis Sangatte », s’inquiète Véronique, bénévole pour le Secours Catholique.

Du côté de la mairie, on fait tout pour compliquer l’installation des migrants. En mars, l’équipe de la maire Natacha Bouchart avait elle aussi tenté d’interdire la distribution de nourriture à Calais par arrêté municipal. « Les exilés sont épuisés et tendus. Ils sont écœurés par la France », s’inquiète Vincent De Conninck, coordinateur du Secours Catholique pour la ville de Calais :

« À un moment, ils ne vont plus se laisser faire. »

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A l’église Saint-Joseph, riz pilaf et haricots au curry pour tous / Crédits : Fatma Ben Hamad

DANS LA JUNGLE EN BÉQUILLE

Hamad (1) se dépêche. Il est 19h rue des Verrotières, à deux pas de l’ancienne jungle, quand on rencontre ce jeune Érythréen aux cheveux bouclés. Une centaine de réfugiés bullent sur ce terrain vague où se déroule l’une des seules distributions de nourriture tolérée par la police. Certains jouent au foot, d’autres rechargent leur téléphone grâce à un générateur apporté par un Calaisien…

Après avoir récupéré une barquette de riz pilaf, le jeune réfugié s’apprête à plier bagage. Tous les soirs, c’est le même cérémonial. Une heure après le début de la distribution, la police fait son apparition et intime aux réfugiés de lever le camp. Il le sait : c’est peut être le seul moment de calme qu’il aura dans les prochaines 24 heures.

Il y a quelques semaines, Hamad était encore moins fringant. Alors qu’il essayait d’échapper à la police, le jeune mec trébuche : « Quand je suis tombé, la police m’a frappé avec une matraque », affirme t-il. Résultat des courses : une cheville en vrac et deux semaines en béquille. Ce mineur, qui vit depuis 4 mois à Calais, annonce définitif :

« Les policiers ne veulent plus de réfugiés dans la ville. »

Samuel (1), un des potes d’Hamad, lui aussi, a eu maille à partir avec la police. Alors qu’il dormait dans un petit bois, les bleus tombent sur ce jeune Érythréen de 17 ans. « Quand la police est arrivée, tout le monde est parti, mais moi je me suis levé trop tard ». Gazage en règle de ses affaires, destruction de sa tente, il a fini en garde à vue :

« Ils m’ont emmené au commissariat et m’ont forcé à donner mes empreintes alors que je ne voulais pas. »

Samuel sort finalement au bout de 4 heures de garde à vue. Le garçon se voit remettre une citation à comparaître pour « installation en réunion dans un lieu privé en vue d’y établir son logement ». Il risque 3.750 euros d’amende.

LES ASSOS SE BATTENT POUR PROUVER L’EXISTENCE DE VIOLENCES POLICIÈRES

Peu de dépôts de plainte, pas de vidéos, pas de certificats médicaux… Difficile pour les assos de prouver l’existence de violences policières aux abords des camps qui se reforment autour de Calais. Solenne, de la Cabane Juridique, parcourt la ville plusieurs nuits par semaine, à la rencontre des réfugiés pour les informer sur leurs droits. Mais bien peu veulent porter plainte :

« Il n’y aura des dépôts de plainte qu’à partir du moment où les gens seront à l’abri, et qu’ils auront à manger et à boire »

Solenne et son asso’ ont malgré tout collecté une dizaine de témoignages de violences policières. En plus des 17 déjà transmis au défenseur des droits en avril dernier. Trois d’entre eux devraient faire l’objet d’un dépôt de plainte dans les prochains jours. Parmi eux, l’histoire de Ramidullah (1), un Afghan de 41 ans qui affirme avoir été passé à tabac par la police. « Ils m’ont fait une balayette, je suis tombé sur le dos et ma tête a frappé le sol », raconte l’homme à Solenne, qui a pris son témoignage en note. StreetPress a pu consulter le certificat que la juriste entend remettre au procureur de Boulogne :

« Puis les policiers ont commencé à me frapper comme si j’étais un ballon de foot. »

Ali (1), Afghan lui aussi, assure avoir été abondamment aspergé de gaz lacrymogène alors qu’il squattait une maison abandonnée :

« Je dormais avec 17 personnes dont 5 mineurs. Les policiers ont mis des coups de lacrymos dans la maison. Certains ont réussi à s’enfuir par la fenêtre. D’autres suffoquaient dans la pièce, pliés en deux. »

Du côté de la police et de la préfecture, on nie en bloc. « Il n’y pas de violence policière à Calais », s’insurge Gilles Debove, délégué pour le syndicat SGP-FO :

« Il n’y a pas de plaintes. Les associations sont anti-police ! »

Luc Larcher, commandant d’une compagnie de CRS et vice-président du syndicat Unsa Officier se montre, quant à lui, plus mesuré :

« Lors de notre passage à Calais, mes hommes n’ont pas eu à faire usage de la force. S’il y a eu des dysfonctionnements, cela ne vient pas de nous. »

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Les hommes en bleu chassent les migrants / Crédits : Fatma Ben Hamad

A QUOI ÇA SERT ?

Du côté des bleus, la lassitude aussi se fait ressentir. « Ce n’est pas évident d’expliquer aux hommes ce que l’on fait à Calais », poursuit le CRS au téléphone:

« Il ne faut blâmer ni le préfet, ni les forces de l’ordre. Nous, on est les dernières roues du carrosse. »

Pour l’homme, la politique mise en œuvre par l’État à Calais n’a pas vraiment de sens. « Tous ces mecs ont traversé les pires théâtres de guerre au monde, ils ne veulent qu’une chose : aller en Angleterre », développe t-il :

« C’est un leurre de croire que de les envoyer à Perpignan ou à Nice va régler la situation. »

Selon des informations de StreetPress, chaque jour entre 15 et 20 réfugiés sont envoyés au Centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles, près de Calais. Mais la plupart d’entre eux sortent rapidement. « Il n’y a pratiquement pas d’éloignement [soit une expulsion du territoire français ndlr] », confirme Denis Hurth de l’Unsa CRS.

COUP DE PRESSION

Mais à Calais, il n’y a pas que les réfugiés qui morflent. Les associations de soutien aux migrants sont aussi sous pression. « On est emmerdé à chaque distribution, depuis janvier [quand les distributions de nourriture ont recommencé à Calais, ndlr] », indique Thomas, bénévole pour Utopia 56 :

« Ce sont des intimidations constantes. La police nous dit que l’on a pas le droit de distribuer de la nourriture alors que c’est faux. »

Le constat est le même pour tous les responsables associatifs, contactés par StreetPress. Contrôles routiers, fouilles en règle des véhicules et même vérification du poids des camionnettes qui partent en maraude… Tout est bon pour rendre plus compliqué l’aide humanitaire. « C’est un vrai retour en arrière », alerte Camille Six, de la plate-forme de soutien aux migrants.

LES ASSOS JOUENT AU CHAT ET À LA SOURIS AVEC LA POLICE

« On a une demi-heure de retard, ce n’est pas possible ! », bougonne Yolène, ce mercredi 7 juin. Cette historique de Salam, l’une des plus anciennes asso’ de soutien aux réfugiés, a fixé rendez-vous à 7h30 à son équipe de bénévoles pour distribuer le petit déj’ aux exilés. Mais ce matin, l’un d’entre eux est à la bourre et c’est tout le planning qui est chamboulé. Devant sa petite camionnette bleue, remplie de vivres, Yolène ronge son frein. Elle enchaîne clope sur clope. « On commence la distribution plus tôt pour éviter la police », justifie-t-elle, soucieuse.

Ce matin, comme tous les autres, les autorités sont sur les talons de Yolène et des bénévoles de Salam. À peine le temps de déballer les thermos de thé et de café au premier point de distribution, qu’une camionnette de gendarmerie fait son apparition. À la vue des bleus, les exilés lâchent leurs gobelets et leurs petits pains pour partir se cacher dans les bois aux alentours. « Depuis le démantèlement de la jungle, on n’a jamais été traqués comme ça », se lamente cette petite dame aux cheveux ocres et au verbe haut :

« Avant, la police respectait au moins l’heure du repas. Là, on nous interdit de distribuer à manger ou à boire. La dernière fois, un cordon de CRS s’est même mis entre nous et les exilés. »

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Ali a été gazé par la police alors qu’il dormait dans une maison abandonnée / Crédits : Fatma Ben Hamad

LES BÉNÉVOLES CRAQUENT

À Calais, les bénévoles sont à bout. Au volant, Yolène s’emballe. « Bien sûr qu’on est stressés. C’est épuisant de devoir se justifier tout le temps », explique cette Calaisienne « born and raised ». La semaine dernière, plusieurs bénévoles de Salam ont été encerclés par la police alors qu’ils distribuaient de la nourriture devant la gare de Calais. Les policiers ont même menacé d’embarquer tout le monde. Trop de pression : les dames de Salam ont finalement fondu en larmes. Lors d’une autre distribution, c’est l’une des figures de cette association qui a été gazée au visage alors que la police tentait de disperser les exilés.

« J’ai pleuré tout à l’heure », confie Véronique, bénévole au Secours Catholique. Le matin de notre rencontre, cette petite dame au visage doux a pris en stop des réfugiés érythréens qui se rendaient à une distribution de nourriture. Manque de pot, les trois jeunes hommes ont été interpellés par la police, à peine sortis de sa voiture. « Je les sens tellement méprisés », lâche cette ancienne prof, bénévole auprès des réfugiés depuis 1997 :

« Quand ils marchent dans la ville, tu vois qu’ils essaient de se faire tout petits. »

La pression de la police se fait également ressentir autour des locaux des différentes associations. La semaine dernière, la maréchaussée a fait irruption dans le grand hangar occupé par l’Auberge des Migrants, Utopia 56 et les anglais de Refugee Community Kitchen. La journée, elle traîne également autour de l’accueil de jour du Secours Catholique, où les exilés viennent taper le carton ou recharger leur téléphone. « Pour eux, il n’y pas de répit », s’insurge Vincent De Conninck :

« Les autorités ne pensent pas en terme de politique d’accueil. Ils ne pensent qu’en gestion des flux. À Calais, on avait construit une vraie culture de l’asile. Aujourd’hui, il n’y a plus rien. »

LES ASSOS NE LÂCHENT PAS

Il est minuit quand Gaël et Lucie garent leur petite camionnette blanche aux abords du Chemin du Pont Trouille, juste derrière ce que l’on appelait autrefois, le « Bois des Afghans ». Ce soir, les deux humanitaires de l’association Utopia 56 sont de maraude de nuit. Ils apportent provisions et vêtements aux exilés qui se planquent dans les bosquets de cette zone industrielle.

Rapidement, le quartier de l’ancienne Jungle s’anime. Trois jeunes Érythréens sortent des fourrés pour recevoir leur ration du soir. Ils sont affamés et assoiffés. Aussitôt leur assiette de riz pilaf au curry engloutie, ils préviennent leurs potes qui rappliquent aussitôt à travers les étendues de sable. Rapidement, la distribution prend des allures de cohue. Entre 60 et 80 jeunes garçons (et filles, peu nombreuses) se bousculent devant la petite camionnette. Ça crie, ça hèle. Lucie fait respecter l’ordre. « Si vous ne faîtes pas une “line”, j’arrête de distribuer », menace la jeune bénévole. À peine le temps de digérer, qu’il faut déjà se remettre en route. « La police arrive, vous devez vous en aller », explique un jeune homme aux rastas peroxydés sans qu’on ait le temps de lui demander son nom. Il disait vrai. Quelques secondes plus tard, une voiture de police s’avance au pas, plein phare dans le petit chemin arboré. Les réfugiés détalent. Le camion blanc de Gaël et Lucie reprend la route.

Après une ultime distribution de bouffe, la police finit par retomber sur la petite troupe sur les coups de 5h du matin. Contrôle des papiers du véhicule, contrôle d’identité… L’ambiance est plutôt tendue entre les salariés d’Utopia et les forces de l’ordre. Un policier tente : « Il y a un arrêté préfectoral qui vous interdit de distribuer de la nourriture. » Et Gaël de répondre :

« Il n’y a rien qui nous interdit de nourrir des gens qui ont faim. »

Les policiers finissent par lever le camp. Gaël exulte. À Calais, il n’y pas de petite victoire.

Calais 4
A l’accueil de jour du Secours Catholique, les exilés viennent taper le carton ou recharger leur téléphone / Crédits : Fatma Ben Hamad

(1) Les prénoms ont été changés

Défenseur des droits // Compte rendu de visite du 12 juin à Calais

https://defenseurdesdroits.fr/node/23868

Le Défenseur des droits dénonce une nouvelle fois les conditions de vie inhumaines que subissent les exilés à Calais

Très préoccupé par les faits portés à sa connaissance, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a demandé à ses services de se rendre sur place lundi 12 juin 2017. A cette occasion, ses agents se sont longuement entretenus avec de nombreux exilés et les associations leur venant en aide.

Le Défenseur des droits demande dès à présent que soit mis un terme aux atteintes aux droits fondamentaux les plus élémentaires dont sont victimes les exilés, notamment les mineurs, et qui demeurent à ce jour sans précédent.

Des atteintes aux droits fondamentaux d’une exceptionnelle et inédite gravité

La volonté de ne plus voir de migrants à Calais conduit à ce que plus aucun abri ne soit toléré : les personnes – entre 500 et 600 selon plusieurs informations croisées – dont des mineurs, dorment à même le sol, quelles que soient les conditions climatiques, parfois avec un sac de couchage donné par les associations. Ils disent être traqués jour et nuit dans plusieurs sous-bois de la ville. Les migrants ne peuvent dès lors plus dormir, ni même se poser ou se reposer et restent constamment sur le qui-vive. Ils sont visiblement dans un état d’épuisement physique et mental.

Tous les points d’eau ayant été supprimés, les migrants ne peuvent pas se laver, ni même boire. Se laver et boire de l’eau est leur principale demande.

Alors que Tribunal administratif de Lille a considéré le 22 mars 2017 que l’interdiction de distribution de repas par les associations était constitutive d’un traitement inhumain ou dégradant, une seule distribution associative est tolérée le soir, pendant une heure, ce qui ne permet pas de nourrir tous ceux qui le souhaiteraient. Les autres sont empêchées par les forces de l’ordre, au motif de « consignes préfectorales » quel que soit le public concerné (familles, jeunes enfants). Une association procède à des distributions itinérantes, cherchant ainsi à accéder aux exilés qui n’osent plus se rendre sur les lieux de distribution, de peur de se faire interpeller. Depuis une semaine, parce qu’un prêtre s’est ouvertement opposé à la présence policière sur le parvis de son église, une distribution peut y avoir lieu tous les midis.

Un impact particulier sur les femmes et les enfants

Les femmes, qui ne bénéficient plus d’aucune structure dédiée depuis le démantèlement du Centre Jules Ferry, sont susceptibles de faire l’objet de viol et d’exploitation sexuelle. Certaines femmes ont des nourrissons et plusieurs bébés sont à naître dans les prochaines semaines. Aucun dispositif d’accueil ou d’hébergement ne leur semble accessible alors même que la protection maternelle et infantile impose une telle prise en charge.

Parmi les enfants non accompagnés présents, certains sont primo arrivants, d’autres reviennent de CAOMI avec l’idée persistante de se rendre en Grande-Bretagne. Ils indiquent subir le même traitement. La prise en charge par l’aide sociale à l’enfance implique, le soir et la nuit, un passage par le commissariat, ce qui rend particulièrement dissuasive la démarche.

Des associations sous pression

Lorsqu’elles tentent de mettre en œuvre des dispositifs qui devraient l’être par les pouvoirs publics (douches, distribution de repas et d’eau), les associations sont entravées et menacées : verbalisation des véhicules garés devant les locaux associatifs, injonction de mettre aux normes la cuisine d’une association présente de très longue date à Calais, menaces de poursuites pour aide au séjour irrégulier. Le Défenseur des droits mène d’ailleurs des investigations s’agissant des entraves qu’auraient subies les associations et les mineurs dans l’accès au dispositif de douches mis en place jusqu’au mois de mai par le Secours Catholique.

Il est par ailleurs difficile à ces associations de conseiller les migrants sur des démarches d’accès au droit. A cet égard, le Défenseur des droits regrette que les départs vers les CAO depuis Calais ne soient plus organisés, de même qu’il ne soit plus possible de déposer une demande d’asile dans la ville, la préfecture située à Lille dissuadant d’entreprendre de telles démarches.

Tout en réitérant ses recommandations générales, notamment à l’égard des mineurs (), le Défenseur des droits demande dès à présent la fin de cette sorte de traque, l’autorisation des distributions de repas, la mise à l’abri des mineurs sur place, la mise en place d’un lieu où les personnes peuvent se reposer, se ressourcer et envisager la suite de leur parcours migratoire.

Dans son , le Défenseur des droits écrivait : « Depuis les années 2000, c’est la crainte du risque « d’appel d’air » que pourrait provoquer un traitement digne et respectueux des droits des migrants qui est à l’œuvre dans la gestion de la situation du Calaisis. Pour ne pas prendre ce risque, les pouvoirs publics ont d’abord cherché à rendre le moins visible possible le regroupement de migrants et à ne pas créer de « points de fixation » ».

Plus récemment, à l’occasion d’observations présentées devant le Tribunal administratif de Lille dans le cadre du démantèlement de la Lande, il précisait : « le défaut d’anticipation de ces opérations d’expulsion est contreproductif puisqu’il ne fait que déplacer le problème vers un autre site, imposant aux exilés un « nomadisme » forcé ».

Le Défenseur des droits regrette que les faits constatés aujourd’hui lui aient à ce point donné raison. Il exhorte les pouvoirs publics à ne pas s’obstiner dans ce qui s’apparente à un déni d’existence des exilés qui, présents sur notre territoire, doivent être traités dignement, conformément au droit et aux engagements internationaux qui lient la France.