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Communiqué de presse inter-associatif // « Ni trafiquants, ni délinquants : défenseurs des droits humains »

Jeudi 10 août 2017

Ni trafiquants, ni délinquants : défenseurs des droits humains

Nos organisations s’inquiètent de la décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ce mardi 8 août condamnant Cédric Herrou à quatre mois de prison avec sursis. Ce jugement ouvre la voie à la condamnation de multiples personnes dont la seule motivation est de porter assistance aux personnes migrantes et réfugiées sans autre contrepartie que de voir les droits humains respectés.

Cette motivation ne fera jamais d’eux, ni de nous, des trafiquants de migrants. Que l’on ne se méprenne pas : selon le droit international, le trafic de migrants implique d’en retirer un bénéfice matériel ou financier, pas moral.

Et selon ces mêmes règles internationales, qui lient les autorités françaises, l’État doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les personnes ou associations qui œuvrent à la protection des droits humains et qui en dénoncent les violations.

Ni trafiquantes, ni délinquantes, ces personnes, inquiétées, intimidées, poursuivies et désormais condamnées, sont avant tout des défenseurs des droits humains. Car il s’agit bien de protéger les droits violés des personnes migrantes et réfugiées, qui sont confrontées à l’inaction, aux défaillances et même aux atteintes à ces droits portées par les autorités françaises.

Aux déclarations d’intention du gouvernement et du Président, répondent les situations inhumaines à Calais, dans les campements parisiens et à la frontière franco-italienne. Toutes se caractérisent par leurs cortèges d’atteintes aux droits fondamentaux des personnes migrantes et réfugiées, conséquences d’une politique de dissuasion et de répression.

A ces atteintes, s’ajoutent les entraves délibérément portées à l’action des organisations non gouvernementales qui pallient les défaillances de l’Etat et s’assurent que la dignité de ces personnes migrantes et réfugiées soit respectée. Des consultations et des distributions alimentaires sont interrompues par les forces de l’ordre, des intimidations et des pressions sont menées pour dissuader celles et ceux qui se mobilisent au quotidien pour porter assistance et secours aux personnes migrantes et réfugiées.

Les personnes que nous rencontrons sont épuisées physiquement et moralement, avec de fréquentes blessures liées à leur parcours. Pour la plupart, elles ont dû fuir les violences dans leur pays, traverser des territoires hostiles, affronter la Méditerranée pour finir par atteindre une Europe qui tourne le dos à ses propres valeurs d’accueil et de protection.

Nous rappelons à notre gouvernement que l’hébergement d’urgence, l’accès aux soins, la protection de l’enfance et l’accès au droit d’asile sont autant d’obligations à sa charge. Nous rappelons avec vigueur que si aujourd’hui des citoyens sont exposés à des poursuites et à des condamnations judiciaires c’est uniquement en conséquence de la politique qu’il met en œuvre.

Nous, associations de solidarité et de défense des droits humains, nous réaffirmons qu’il est de notre devoir de continuer à aider, soigner et dénoncer ces violations des droits humains sur le sol français.

Il est urgent et indispensable que la politique du gouvernement soit réorientée de façon à répondre à l’impératif respect de la dignité des personnes migrantes et réfugiées et à la nécessaire protection de celles et ceux qui leur apporte leur aide.

Contacts presse

Amnesty International France  Véronique Tardivel – 01 53 38 66 00 / 06 76 94 37 05 spresse@amnesty.fr

La Cimade  Rafael Flichman – 01 44 18 72 62 / 06 42 15 77 14 rafael.flichman@lacimade.org

Médecins du Monde  Lisa Véran et Aurélie Defretin – 01 44 92 14 31 / 06 13 80 22 14 presse@medecinsdumonde.net

Médecins Sans Frontières  Charlotte Nouette-Delorme – 01 40 21 27 25 / 06 83 31 55 39 charlotte.nouette-delorme@paris.msf.org

Secours Catholique Caritas France  Catherine Coutansais et Djamila Aribi – 06 74 95 55 19 / 01 45 49 73 40 / 75 24

Calais // Communiqué inter-associatif // A Calais et dans toute la France, il faut mettre en place des systèmes d’accueil qui garantissent les droits des exilé.e.s

« A Calais et dans toute la France, il faut mettre en place des systèmes d’accueil qui garantissent les droits des exilé.e.s »

A Calais, le 10 août 2017

Les associations et collectifs qui aident, accompagnent et soutiennent les exilé.e.s calaisien.ne.s constatent ces derniers jours une très forte augmentation du nombre de personnes migrantes présentes à Calais.

Cette augmentation n’est pas due à l’installation de points d’eau, de douches, de toilettes, puisqu’à ce jour, rien n’a été mis en place par les autorités, et ce malgré les injonctions du Tribunal Administratif de Lille du 26 juin dernier, validées par le Conseil d’Etat le 31 juillet 2017.

Comme chaque année, de nombreuses personnes arrivent à cette période, les passages en Méditerranée étant relativement plus favorables. Elles viennent s’ajouter aux nombreuses personnes en errance, parfois depuis plusieurs mois, sur le territoire du Calaisis.

Mais nous avons aussi rencontré  des personnes venues à Calais, non pas pour bénéficier d’une hypothétique douche, mais dans l’espoir de pouvoir présenter, en France,  une demande d’asile dans des délais acceptables. En effet, le Ministre de l’Intérieur et le Préfet du Pas de Calais ont annoncé l’ouverture dans la région Nord Pas de Calais de deux centres d’accueil temporaires, permettant un accès rapide à la procédure d’asile en France. Ce dispositif, unique sur le territoire, attire immanquablement toutes les personnes confrontées à des délais terriblement longs pour l’accès à la procédure ou à l’hébergement.

Le défaut d’informations précises et complètes alimente les rumeurs, les tensions et les incompréhensions. Le dispositif de maraudes OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) mis en place par l’État est largement insuffisant et inadapté, ce qui laisse les coudées larges à la désinformation par les réseaux de passeurs.

Face à cette crise de l’asile et à cette crise de l’accueil, les associations signataires demandent donc la mise en place, partout en France, d’un « premier accueil » permettant, conformément aux promesses d’Emmanuel Macron, que personne ne reste à la rue.

Elles réclament que chaque demandeurs/ses d’asile, partout en France, puisse bénéficier d’un traitement aussi rapide du dépôt de sa demande. Le droit d’asile ne doit plus subir d’entrave sur notre territoire.

A Calais, elles demandent l’application immédiate des injonctions du Tribunal Administratif de Lille, avec un dimensionnement à la hauteur des besoins : maraudes France Terre D’Asile et OFII effectives, départs en bus vers des Centres d’Accueil et d’orientation pour les personnes qui le souhaitent, installation de points d’eau pour se laver, boire, laver les vêtements, ainsi que des latrines et douches accessibles.

Faute de quoi, très rapidement, la situation à Calais risque de se dégrader entrainant des drames humains et sanitaires.

 

Associations signataires

L’Auberge des migrants

La Cabane juridique / Legal Shelter

Gynécologie sans frontières

Ligue des droits de l’Homme

Médecins du Monde / Mission Migrants Littoral Nord Pas de Calais

Planning Familial 62

Refugee Youth Service France

Secours Catholique / Délégation du Pas de Calais

Utopia 56

 

Condamnation de Cédric Herrou // Communiqué Cimade + Article du monde

Communiqué de la Cimade sur la condamnation de Cédric Herrou:

http://www.lacimade.org/condamnation-de-cedric-herrou-solidarite-lhospitalite-sanctionnees/

Condamnation de Cédric Herrou : quand la solidarité et l’hospitalité sont sanctionnées

La condamnation de Cédric Herrou, intervenue le 8 août, à 4 mois de prison avec sursis pour l’aide qu’il apporte aux migrants dans la Vallée de la Roya est particulièrement choquante.

Elle intervient dans un contexte où des centaines de personnes migrantes en majorité originaires du Soudan, de l’Érythrée, de l’Afghanistan et du Tchad sont refoulées par les autorités françaises vers l’Italie, au mépris de leur droit à déposer une demande d’asile et, pour les mineurs, au mépris du devoir de protection et de mise à l’abri qui incombe à l’Etat Français.

L’action des militants et des citoyens sur le terrain vise à apporter une aide humanitaire essentielle à ces personnes en détresse mais vise aussi à leur permettre d’exercer à leurs droits. Et ils sont de plus en plus nombreux à se mobiliser, scandalisés par le sort réservé aux personnes migrantes.

Tenter de les dissuader d’apporter cette aide est un acte grave, car il met en danger des personnes venues chercher protection en Europe. Et traiter ces citoyens comme des criminels alors qu’ils pallient aux défaillances de l’Etat et des collectivités en posant des actes généreux est une aberration.

Pourtant les procès se multiplient à Calais, Nice, Cherbourg ou ailleurs. L’objectif est clair : décourager les personnes migrantes de s’installer ou de transiter par la France par une politique de non-accueil. Le « délit de solidarité » est l’un des outils de l’arsenal dissuasif et répressif utilisé par les autorités.

La Cimade demande la fin des poursuites à l’encontre de tous les citoyens solidaires et la suppression du « délit de solidarité ». L’expression de la solidarité est toujours légitime quand il s’agit de protéger la vie, la dignité ou les droits fondamentaux d’êtres humains, quels que soient leur nationalité ou leur statut administratif.

 

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/08/08/poursuivi-pour-aide-a-l-immigration-clandestine-cedric-herrou-attend-son-jugement-en-appel_5169880_1654200.html

L’agriculteur a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé quelque 200 migrants à traverser la frontière italienne par la vallée de la Roya.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné Cédric Herrou, mardi 8 août, à quatre mois de prison avec sursis. L’agriculteur de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), militant de la solidarité et de l’aide aux migrants qui traversent la frontière italienne par la vallée de la Roya, est plus sévèrement sanctionné qu’en première instance.

Jugé pour l’aide qu’il a apportée à quelque deux cents migrants, principalement érythréens et soudanais, Cédric Herrou avait été condamné, le 10 février, par le tribunal correctionnel de Nice à une amende de 3 000 euros avec sursis pour avoir acheminé de Vintimille en France des étrangers cherchant coûte que coûte à traverser la frontière. Le procureur de la République de Nice avait fait appel de ce jugement.

Contrairement au tribunal, qui l’avait relaxé du délit d’occupation illicite d’une colonie de vacances de la SNCF, inoccupée depuis 1991, la cour d’appel l’a déclaré coupable et l’a condamné à verser 1 000 euros de dommages et intérêts à la société des chemins de fer.

En octobre 2016, une vingtaine de militants de l’association Roya citoyenne avaient installé dans ces locaux désaffectés cinquante-sept migrants, dont vingt-neuf mineurs, qui avaient pu momentanément être secourus et soignés. Le tribunal avait retenu l’état de nécessité, qui exonère de toute sanction pénale. « C’est une peine d’avertissement », a prévenu le président de la cour.

Dans son arrêt, que Le Monde a consulté, la cour d’appel écarte l’état de nécessité retenu en première instance au motif que « Cédric Herrou ne fournit aucun élément concret sur la nature du péril (…) menaçant les personnes présentes [dans les locaux de la SNCF], leur simple nombre ne pouvant être constitutif d’un péril imminent ou actuel. Il n’établit pas non plus en quoi l’occupation d’un bâtiment considéré comme impropre à l’accueil des personnes pouvait constituer un acte nécessaire à leur sauvegarde ».

Plusieurs dizaines de militants étaient venus soutenir Cédric Herrou, et un « Scandaleux ! » s’est élevé du public à la lecture de la décision. « C’est le rôle d’un citoyen d’agir lorsqu’il y a défaillance de l’Etat »,avait déclaré Cédric Herrou juste avant l’audience. Commentant sa condamnation, le militant, qui a d’ores et déjà fait savoir qu’il allait se pourvoir en cassation, a déclaré qu’« on a l’impression que la politique instrumentalise la justice ».

« J’invite le parquet à venir dans la vallée de la Roya entendre les familles des quinze personnes mortes en tentant de franchir la frontière. J’attends avec impatience les trente prochaines décennies et on verra qui se retrouvera devant les tribunaux. Je continuerai à me battre. Ils n’ont qu’à me mettre directement en prison, ce sera plus simple. »

Lors de l’audience, qui s’était tenue le 19 juin, en présence de nombreux militants de Roya citoyenne et d’associations d’aide aux migrants, l’avocat général avait requis huit mois de prison contre Cédric Herrou, la peine prononcée par le tribunal de Nice étant, à son sens, « non proportionnée à l’aide apportée à plus de deux cents personnes, incohérente et de nature à encourager la récidive ».

La cour s’est rangée à cet avis estimant que « les actions de Cédric Herrou s’inscrivaient de manière générale, comme il l’a lui-même revendiqué et affirmé clairement à plusieurs reprises, dans une démarche d’action militante en vue de soustraire des étrangers aux contrôles mis enœuvre par les autorités. Cédric Herrou ne peut en conséquence pas bénéficier des dispositions protectrices du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile », qui exempte de poursuites l’aide apportée aux étrangers en séjour irrégulier visant à leur assurer la dignité et l’intégrité physique.

Pour le magistrat, l’agriculteur ne pouvait bénéficier des exemptions humanitaires aux termes desquelles l’aide au séjour irrégulier n’est pas punissable : « Lorsque l’aide s’inscrit dans une contestation globale de la loi, elle n’entre pas dans les exemptions prévues mais sert une cause militante qui ne répond pas à une situation de détresse. Cette contestation constitue une contrepartie » à l’aide apportée.

Se définissant comme « un lanceur d’alerte » se substituant à l’Etat dans l’accueil des demandeurs d’asile, Cédric Herrou a été à nouveau interpellé le 24 juillet à la gare de Cannes alors qu’il accompagnait cent cinquante-six migrants arrivés chez lui et qui souhaitaient se rendre à Marseille pour y déposer une demande d’asile. Au terme de la garde à vue de Cédric Herrou — la sixième depuis 2016 —, le parquet de Grasse (Alpes-Maritimes) a ouvert une information judiciaire.

Le juge d’instruction de Grasse a mis en examen M. Herrou et lui a imposé un contrôle judiciaire lui interdisant de quitter le territoire national et de se trouver dans une gare ou sur le parvis d’une gare. Il lui faudra également pointer tous les quinze jours à la gendarmerie de Breil-sur-Roya. A la fin de juillet, Cédric Herrou avait accueilli chez lui jusqu’à 400 personnes par semaine, a précisé son avocat Me Zia Oloumi.

 

La frontière tue! // Une chronologie des morts de la frontière franco-britannique

La frontière tue !

 

Nous ne devons pas oublier ! Un nom, une photo, au moins un signe de notre mémoire. Gardons la mémoire de tou.te.s celles et ceux qui espéraient une vie meilleure sur un bout de terre européenne et qui sont mort.e.s de la frontière franco-britannique.

Ici, une chronologie non exhaustive des personnes migrantes décédées à la frontière entre la France et l’Angleterre.

Et ici un article, rédigé par Maël Galisson, ancien coordinateur de la PSM, et publié le 2 décembre 2015 sur le blog de Migreurop:

Partir c’est (aussi) mourir – Chronologie des exilé.e.s mort;e.s à la frontière franco-britannique

A Calais et dans sa région, des personnes exilées meurent. Percutées par un train sur le site d’Eurotunnel, renversées par un camion ou une voiture – parfois volontairement –, noyées dans le port de Calais ou n’ayant pas pu bénéficier de soins à temps. Des exilés meurent principalement des conséquences du passage, mais également du fait des conditions dans lesquelles elles vivent.
Manifestation en solidarité avec les exilés, Calais, 12 juillet 2014 © Calais Migrants SolidarityManifestation en solidarité avec les exilés, Calais, 12 juillet 2014 © Calais Migrants Solidarity

 

Selon le projet The Migrant Files, en 2014, 3.519 personnes migrantes seraient décédées sur les routes de l’exil menant vers l’Europe. Et depuis 2000, c’est plus de 23 000 personnes qui seraient mortes en tentant de rejoindre la « forteresse Europe ». La majeure partie de ces drames se déroulent aux portes du continent européen (dans le détroit de Gibraltar, en Sicile et en Grèce) et en amont de celles-ci (désert du Sahara).

A Calais et dans sa région, des exilés meurent aussi. Pourtant, ici, il n’est plus question d’entrer en Europe, mais plutôt de sortir de l’espace Schengen et de pénétrer sur le territoire britannique.

Depuis le milieu des années 1990, des personnes exilées se retrouvent « bloquées » dans le Calaisis, à proximité du détroit qui sépare le Royaume-Uni de l’Europe continentale. Cet espace frontalier est devenu, au fil des accords européens et traités bilatéraux entre la France et la Grande-Bretagne, une véritable délimitation administrative et politique empêchant des personnes étrangères jugées indésirables d’accéder au territoire britannique. Bloquées dans le Nord de la France, et en l’absence de dispositifs publics d’accueil, ces victimes de migrations forcées trouvent alors refuge (de fortune) dans des espaces aux marges des villes, les « jungles » ainsi que dans le bidonville de Calais autour du centre Jules Ferry, où elles (sur)vivent dans des conditions de grande précarité, sans eau, ni électricité. Et chaque soir, elles tentent « le passage », espérant trouver un ailleurs plus accueillant par-delà la frontière.

Mais, à Calais et dans sa région, des personnes exilées meurent aussi. Percutées par un train sur le site d’Eurotunnel, renversées par un camion ou une voiture – parfois volontairement – sur des axes routiers, noyées dans le port de Calais ou n’ayant pas pu bénéficier de soins à temps. Des exilés meurent principalement des conséquences du passage, mais également du fait des conditions dans lesquelles ils vivent. Dans la presse, à quelques exceptions près et ce jusqu’à une période encore récente, ces drames n’étaient que des entrefilets classés dans les faits divers, donnant un sentiment de fatalité à ces évènements qui se succèdent plus ou moins fréquemment et que, finalement, peu de médias, d’institutions ou d’acteurs associatifs arrivent à chiffrer.

Pourtant, il n’est guère question ici de fatalité. Au contraire, il est surtout question de conséquences de politiques publiques qui se résument à une absence de politique d’accueil et à un traitement principalement policier de la situation. Par exemple, fin septembre 2014, la France et la Grande-Bretagne signaient un accord d’un montant de 15 millions d’euros destiné principalement à « sécuriser le port de Calais » et au renforcement de « la coopération policière pour démanteler les filières de passeurs » (cf site du ministère de l’Intérieur). Cet accord s’est traduit notamment par l’érection d’une double clôture, l’une de 4 mètres de haut et l’autre d’un peu moins de 3 mètres, cette dernière surmontée d’une rampe d’accès incurvée qui permet d’éviter de s’agripper, avec au sommet un fil barbelé. Enfin, entre les deux clôtures, un espace de détection infrarouge a été installé (La Voix du Nord datée du 28.04.2015).

Or, la sécurisation de l’espace portuaire aura eu pour conséquence de précariser davantage la situation des exilés présents à Calais. D’une part, la frontière étant plus hermétique, le recours aux passeurs devient de plus en plus nécessaire, renforçant ainsi l’emprise de ceux-ci. D’autre part, face aux obstacles dressés autour du port, les exilés se déplacent vers le site Eurotunnel et prennent alors davantage de risques dans leurs tentatives de passages. Si chaque soir, certains réussissent à passer la frontière contrairement à ce qu’annoncent la préfecture du Pas-de-Calais et le ministère de l’intérieur, pour d’autres personnes, les conséquences peuvent être terribles, allant de la blessure plus ou moins difficile à soigner (Le Monde daté du 07.10.2015)  jusqu’à la mort. Et face à cette « nouvelle » situation, quelle est la réponse des autorités ? La signature fin août 2015 d’un nouvel accord franco-britannique d’un montant de 10 millions d’euros, dont l’un des objectifs principaux est la sécurisation du site Eurotunnel (cf site du ministère de l’Intérieur).

Par conséquent, le nombre annuel de personnes exilées qui ont perdu la vie à la frontière du Royaume-Uni est devenu particulièrement inquiétant au cours de ces deux dernières années (cf. graphique). Depuis 1999, on dénombre au moins 155 personnes migrantes décédées. La chronologie que vous trouverez ci-jointe constitue une liste non exhaustive des exilés morts depuis l’année 1999 en tentant de franchir la frontière franco-britannique. Elle a été principalement élaborée à partir, d’une part, de l’importante activité d’investigation réalisé par la journaliste Marion Osmont dans le cadre de son ouvrage « Des hommes vivent ici » et d’autre part, du précieux travail d’observation effectué par les activistes de Calais Migrant Solidarity (CMS), mieux connus sous le nom de « No Border ».

Une précision toutefois : cette chronologie reste « en chantier », donc incomplète. Il est en effet nécessaire de souligner la difficulté de documenter les décès passés, en particulier ceux survenus à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Il est très probable que certaines disparitions n’ont pu être recensées. Aujourd’hui, entre l’importante généralisation des réseaux sociaux, le travail d’observation de terrain des militants et la surexposition médiatique de la situation à Calais, la tâche est moins compliquée, permettant ainsi de mieux redessiner les histoires de ces « exilés sans refuge ». Par ailleurs, au vu de la situation actuelle, il parait difficile de penser que ce travail de recensement soit terminé. Car, malheureusement, d’autres drames surviendront si les responsables politiques français et britanniques voire européens s’obstinent à poursuivre dans cette voie meurtrière.

En septembre 2008, un jeune érythréen vivant dans un squat à Calais, Temesghen, épaulé par le réalisateur Sylvain Georges, prend la plume (cf article daté 22.09.2008 et publié sur le blog « Libération Contre-journal »). Dans sa lettre, il rend hommage à son amie, Louam Beyene, décédée l’année précédente après avoir été percutée par une voiture sur l’autoroute A 26 alors qu’elle tentait de fuir la police. Révolté, il écrit pour nous « dire que les responsables (…) qui font de ce coin de France une annexe de l’enfer se doivent d’être retrouvés et jugés. Oui, doivent être jugés la France et aussi l’Europe, dont les politiques font que nous vivons pire que des chiens ». Son appel n’a visiblement jamais été entendu.

Vous pouvez également visualiser sur timeglider la fresque temporelle (timeline) ci-dessous

 

 

 

L’Observateur // Réponse Human Rights Watch sur l’utilisation de gaz contre les exilé.e.s calaisien.nes

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/migrants/20170803.OBS2949/abus-policiers-a-calais-gaz-lacrymogene-ou-gaz-poivre-un-abus-est-un-abus.html

Abus policiers à Calais : « Gaz lacrymogène ou gaz poivre, un abus est un abus »

Abus policiers à Calais : "Gaz lacrymogène ou gaz poivre, un abus est un abus"
De jeunes migrants à Calais. (AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN)

TRIBUNE. Human Rights Watch a publié un rapport sur les abus policiers à Calais, contesté par Beauvau. Son auteur, Michael Bochenek, témoigne.

Michael Bochenek Michael Bochenek

Mercredi, Human Rights Watch publiait un rapport sur les abus policiers contre les migrants et demandeurs d’asile à Calais, qui a fait réagir les autorités, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb niant l’usage généralisé de gaz poivre chez les policiers. Michael Bochenek, auteur du rapport, témoigne dans cette tribune.

 

« A Calais, fin juin, j’ai discuté avec un adolescent éthiopien de 17 ans (je l’appellerai Biniam T.). Il m’a raconté que des agents des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) avaient pulvérisé un produit chimique sur lui alors qu’il marchait au bord d’une route avec d’autres garçons :

‘C’était pendant la journée, ils sont arrivés dans une camionnette. Ils nous ont aspergés depuis la camionnette. Ils n’ont pas dit un mot, ils ont juste sorti les sprays.’

Ce n’était pas la première fois que j’entendais ce genre de récit – en réalité, presque tous les enfants et adultes que j’ai interrogés avaient une histoire semblable à raconter. Ce n’était pas non plus la première fois que la police traitait Biniam de la sorte :

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‘S’ils nous trouvent quand nous dormons, ils pulvérisent du gaz sur nous puis ils prennent toutes nos affaires. Ils font ça tous les deux ou trois jours. C’est normal pour nous. Ça fait partie de notre vie.’

Les conditions de vie des migrants à Calais pourraient bien être sur le point de s’améliorer en ce qui concerne les besoins de base, en tout cas dans une certaine mesure. Le 31 juillet, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a en effet annoncé que l’Etat allait ouvrir de nouveaux centres d’accueil pour les migrants, leur permettre un accès à des points d’eau, à des toilettes et à des douches, mais aussi enquêter sur les signalements d’usage excessif de la force par la police.

Migrants à Calais : « On dirait que Gérard Collomb découvre la situation »Il s’agit là d’un début de réponse positive en réaction au rapport publié par Human Rights Watch la semaine dernière faisant état de nombreux abus policiers à l’encontre des migrants à Calais, ainsi qu’à la décision de justice rendue cette semaine par le Conseil d’État, qui critique sévèrement le refus des autorités de leur fournir de l’eau et toute autre forme d’assistance humanitaire. La première réaction des autorités municipales a été de s’opposer aux plans du ministère de l’Intérieur, réaffirmant leur détermination à ne pas se conformer à l’ordonnance du tribunal.

Migrants de Calais : ce que l’on sait des deux nouveaux centres promis par Gérard Collomb

L’usage routinier de gaz poivre

Par ailleurs, le ministre a contesté nos conclusions sur l’usage routinier de gaz poivre à l’encontre de migrants enfants et adultes, dans des situations où ils ne représentent en aucun cas une menace. Un communiqué du ministère a ainsi affirmé que les policiers utilisaient du gaz lacrymogène, et non pas du gaz poivre. ‘Je rappelle que dans les forces de sécurité, il n’existe pas d’usage du gaz poivre« , a déclaré le ministre aux journalistes, avant d’ajouter : ‘Il peut y avoir quelques dérapages individuellement.’

Pourquoi le ministère semble penser que le gaz lacrymogène est préférable au gaz poivre ? Cela est un mystère. Le gaz lacrymogène (qui contient en général la molécule 2-chlorobenzylidène malononitrile, ou gaz CS) et le gaz poivre provoquent des symptômes similaires, dont une douleur aux yeux, semblable à une brûlure, et des difficultés respiratoires. Mais les effets du gaz lacrymogène durent souvent plus longtemps et peuvent être plus graves que ceux causés par le gaz poivre (oléorésine de capsicum, OC).

Le gaz lacrymogène est un agent neurotoxique et l’exposition fréquente à ce produit peut provoquer une diminution à long terme de la fonction pulmonaire et une augmentation des troubles respiratoires. Autrement dit, les personnes qui ont été exposées de manière répétée au gaz lacrymogène ne respirent pas aussi bien que la moyenne, même plusieurs mois après.

Les CRS sont équipés d’aérosols à main

Nous pouvons dire avec assurance que les CRS sont munis d’aérosols à main aussi bien que de lanceurs de grenades lacrymogènes. J’ai vu de mes propres yeux ces deux dispositifs entre les mains des policiers alors qu’ils dispersaient des distributions d’aide humanitaire à Calais. Presque chaque migrant à qui j’ai parlé m’a dit qu’il s’était fait asperger de gaz à faible distance par des policiers, en général au visage. Pour la plupart, cette expérience datait de moins de deux semaines. Les travailleurs humanitaires ont témoigné dans le même sens. Deux d’entre eux ont déclaré qu’un agent de police leur avait, à eux aussi, pulvérisé du gaz au visage.

Il est possible que les aérosols utilisés par les CRS contiennent du gaz lacrymogène plutôt que du gaz poivre. Au moins une entreprise fournissant du matériel à la police française propose à la vente des aérosols lacrymogènes à main contenant du gaz CS ainsi que des aérosols au poivre.

Si nous avons décrit les aérosols chimiques utilisés par les CRS à Calais comme étant des sprays au poivre, c’est parce que les symptômes que nous ont décrits les migrants ainsi que ceux qui les avaient soignés correspondaient davantage aux effets du gaz poivre. Et parce que des articles portant sur l’arsenal anti émeute de la police française affirment que celle-ci dispose de pulvérisateurs de gaz poivre.

Des récits convergents

Quel que soit le produit utilisé par les policiers, les récits que nous avons recueillis suggèrent qu’ils y ont recours de façon routinière et abusive. Régulièrement, ils aspergent aussi de gaz, ou confisquent, les sacs de couchage, les couvertures et les vêtements, et parfois la nourriture et l’eau des migrants, apparemment pour les pousser à quitter la région.

De tels agissements violent l’interdiction d’infliger un traitement inhumain ou dégradant ainsi que les normes internationales appelant la police à n’utiliser la force que lorsqu’elle ne peut être évitée, et alors seulement de façon proportionnée aux circonstances, et toujours dans un but légitime de maintien de l’ordre.

Les abus policiers que nous avons documentés à Calais constituent de graves violations des droits humains. Ils ont également un impact négatif sur la volonté des migrants de demander l’asile et, dans le cas des enfants, d’intégrer le système de protection de l’enfance.

Des preuves pertinentes

L’enquête du ministère de l’Intérieur devra étudier toutes les preuves pertinentes, y compris les récits des travailleurs humanitaires qui peuvent corroborer certains points rapportés par les migrants – les blessures et symptômes qu’ils ont observés, les demandes répétées de sacs de couchage et de vêtements, ou encore les pratiques abusives dont ils ont été témoins ou directement victimes.

Les migrants, ces ombres de la RépubliqueLes enquêteurs devront garder à l’esprit que de nombreuses personnes ayant été aspergées de gaz seront incapables d’identifier individuellement les agents de police. Et quand bien même elles le pourraient, elles pourraient être tentées de se taire par crainte de représailles. Toutes auront besoin d’être rassurées sur le fait que cette enquête ne servira, au final, pas à excuser des agissements répréhensibles.

L’enquête annoncée est un vrai bon début pour s’attaquer à des pratiques policières néfastes – à condition qu’elle soit menée de manière exhaustive, que ses résultats soient rendus publics et qu’elle conduise à des sanctions individuelles, si elles s’avèrent nécessaires. »

Michael Garcia Bochenek

Conseiller juridique senior auprès de la division Droits des enfants à Human Rights Watch

Michael Bochenek

Michael Bochenek

Rapport // Human Rights Watch // « C’est comme vivre en enfer »

L’ONG Human Rights Watch a rendu le 25 juillet dernier un rapport intitulé  « C’est comme vivre en enfer » qui résulte d’une enquête de l’ONG de défense des droits humains auprès de 60 exilé.e.s dont 31 mineur.e.s non accompagné.e.s  à Calais entre juin et juillet 2017.

 

Communiqué Human Rights Watch: France : La police s’en prend aux migrants à Calais

https://www.hrw.org/fr/news/2017/07/26/france-la-police-sen-prend-aux-migrants-calais

Le gouvernement ferme les yeux sur les nombreux témoignages de mauvais traitements

Abus policiers à Calais contre les migrants, enfants et adultes

Le rapport montre que les forces de l’ordre à Calais, en particulier les Compagnies républicaines de sécurité (CRS), ont recours de façon routinière à la pulvérisation de gaz poivre sur des migrants, enfants et adultes, alors qu’ils sont endormis ou dans d’autres situations où ils ne représentent aucune menace. Les policiers aspergent aussi régulièrement de gaz, ou confisquent, leurs sacs de couchage, couvertures et vêtements. Parfois ils aspergent même de gaz poivre la nourriture et l’eau des migrants – tout cela apparemment dans le but de les pousser à quitter la région. De tels agissements de la part de la police violent l’interdiction d’infliger un traitement inhumain et dégradant, mais aussi les normes internationales de comportement des forces de l’ordre, qui appellent les agents à ne faire usage de la force que lorsque cela est inévitable, et alors uniquement avec modération, de façon proportionnée aux circonstances, et toujours dans un objectif légitime de maintien de l’ordre.

Voix du Nord // Tatinghem // L’inquiétude après la demande de démantèlement du camp de migrants

http://www.lavoixdunord.fr/196975/article/2017-07-26/l-inquietude-apres-la-demande-de-demantelement-du-camp-de-migrants

L’inquiétude après la demande de démantèlement du camp de migrants

Au lendemain de l’annonce d’un courrier demandant à l’État la suppression du campement, des bénévoles qui suivent au quotidien les migrants de Tatinghem font part de leur inquiétude. Et rappellent qu’ils souhaitent « depuis des années » qu’une solution d’hébergement soit trouvée localement.

 

«  En colère  », «  choqués  », le ressenti des bénévoles à l’annonce du courrier des maires de Longuenesse et Saint-Martin-lez-Tatinghem au préfet pour demander la fin du camp de migrants. «  On est très inquiet, s’il y a démantèlement que deviendront ces gens ? Ils ne recevront plus de soins, n’auront pas d’accès à l’eau, plus de douche  », énumère Brigitte, bonne connaisseuse du site de Tatinghem depuis sa création il y a une dizaine d’années.

« Une plus grande précarité »

Les élus souhaitent que les migrants soient réorientés vers des centres d’accueil et d’orientation : «  Les CAO sont adaptés aux personnes qui demandent l’asile, mais pas à tous ceux qui n’ont pas cet objectif, qui veulent partir en Angleterre, et ceux qui ont laissé leurs empreintes dans un autre pays (ils doivent alors demander l’asile dans ce dernier). Ce sera une plus grande précarité pour eux, ils partiront se cacher dans les champs  », tempête la dizaine d’Audomarois qui a fait part de son mécontentement à la presse. «  Les élus locaux, avant de faire cette démarche auprès de la préfecture, auraient pu prendre contact avec nous pour discuter de nos propositions  », peste Jean-François Chaumette, par ailleurs directeur d’Emmaüs.

Point par point, le groupe réfute les constats des élus. Le nombre de cinquante personnes présentes, d’abord. «  Il y a peut-être eu des pics sur un week-end mais cela n’a jamais duré. Quand Calais a fermé, le camp de Grande-Synthe a brûlé, on s’attendait à plus de monde, mais ils régulent eux-mêmes le nombre de personnes  », assurent les bénévoles.

« Des démarches auprès d’un avocat »

La suppression d’une base pour des passeurs ? «  Ce serait pire sans le camp. » Les Audomarois, qui relaient l’appel de 470 organisations à un «  Grenelle des politiques migratoires  », s’efforcent au quotidien d’orienter les réfugiés de passage au camp, principalement des Afghans.

Le camp a été rendu plus vivable qu’à ses débuts, témoignent les bénévoles.

«  Depuis le démantèlement de la jungle, une trentaine a demandé le retour en Afghanistan, une dizaine, l’asile  », estime Brigitte qui sollicite ses réseaux pour mettre à l’abri ces derniers. «  Nous menons un accompagnement spécifique comme pour cette mère et ses enfants il y a quelques semaines  », insistent-ils. Enfin ils rapportent : ceux qu’ils soutiennent au quotidien «  ont fait des démarches auprès d’un avocat, pour s’opposer au démantèlement du camp  ».

Le Monde // Des centres d’accueil pour migrants d’un genre nouveau vont ouvrir à Calais

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/08/01/des-centres-d-accueil-pour-migrants-d-un-genre-nouveau-vont-ouvrir-a-calais_5167244_1654200.html

Le gouvernement annonce l’ouverture de deux nouveaux lieux, où un dispositif spécifique permettra d’accélérer les demandes d’asile

LE MONDE | • Mis à jour le | Par Maryline Baumard

Le ministère de l’intérieur fait volte-face sur la gestion des migrants de Calais. Alors que, depuis neuf mois, le gouvernement fait l’impossible pour rendre les exilés invisibles, Gérard Collomb a annoncé, lundi 31 juillet, l’ouverture de deux centres d’hébergement d’un nouveau type. Déjà centre d’accueil, l’abbaye cistercienne de Belval, à Troisvaux (Pas-de-Calais), sera transformée dès la fin de la semaine en centre d’accueil et d’examen des situations (CAES), comme l’hôtel Formule 1 de Bailleul (Nord). Trois cents places au total seront dégagées.Cette décision répond à la double injonction du président de la République et du Conseil d’Etat. Le souhait exprimé, jeudi, par Emmanuel Macron d’en finir « d’ici la fin de l’année » avec les « personnes » dormant « dans les rues, dans les bois », a évidemment donné le « la » de ce changement de pied. Mais le déclic est venu de l’arrêt rendu, lundi, par le Conseil d’Etat, ordonnant à l’Etat et à la ville de Calais de revoir leur gestion des quelque 600 migrants qui errent aux abords du tunnel et des ferrys pour la Grande-Bretagne.

Au départ, onze associations avaient déposé un référé devant le tribunal administratif de Lille. Sûrs de leur fait, l’Etat et la municipalité avaient fait appel auprès de l’institution de la décision qui les enjoignait d’installer des points d’eau. Non seulement leur appel est rejeté, mais ils se retrouvent pointés du doigt par un arrêt sévère.

Celui-ci estime que « la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des migrants qui se trouvent présents à Calais en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable demeure manifestement insuffisante et révèle une carence de nature à exposer ces personnes, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Installation de blocs sanitaires

Face à ce cinglant camouflet pour sa politique menée depuis deux mois, la Place Beauvau a donc changé son fusil d’épaule. Outre l’ouverture de deux lieux de répit, M. Collomb – qui le 23 juin avait conseillé aux humanitaires de Calais « d’aller exercer leur savoir-faire ailleurs » – va désormais devoir faire en sorte, par le biais des services de son préfet, que les exilés aient un accès à l’eau, à des sanitaires, puissent se nourrir et faire enregistrer leur demande d’asile.

Lors d’une conférence de presse, le ministre a indiqué que des blocs sanitaires mobiles seraient mis en place dans la commune, pour les quelque 600 migrants présents. Une décision qui a irrité la maire, Natacha Bouchart (Les Républicains). Cette dernière a déclaré qu’elle n’installerait « ni douche ni toilettes » de peur que « se recréent autour des squats ou des bidonvilles ». Elle a ajouté que « si le gouvernement veut le faire, il devra réquisitionner un terrain ».

A l’opposé, à Grande-Synthe, le maire Europe Ecologie-Les Verts se réjouit que l’Etat accède enfin à sa demande de « plus de dignité » pour les 1 500 exilés qui vivent là. « J’ai pu m’entretenir avec le préfet qui me propose un dispositif de préaccueil de plusieurs jours sous toiles de tente, sur la commune, avec un enregistrement administratif sur place, avant que les réfugiés ne soient orientés vers un centre en dur », rappelle Damien Carême.

Un pôle alimentation et des blocs sanitaires avec douches devraient donc revoir le jour tout début septembre sur le terrain de la Linière, qui avait abrité le premier camp humanitaire de France – un espace construit par Médecins sans frontières (MSF) pour héberger 1 500 Kurdes. Pour avoir souvent acquitté leur voyage jusqu’à son terminus, lorsqu’ils font escale à Grande-Synthe, ces exilés du Dunkerquois sont traditionnellement plus difficiles à convaincre de demander l’asile en France que ceux de Calais. Ce temps de répit sur place pourra servir au travail de persuasion.

Répartition selon le statut

A Calais, en revanche, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) va tenter lors de maraudes de convaincre directement les migrants de monter dans des bus pour être emmenés vers les CAES où des agents des préfectures feront le point sur leur statut. L’OFII y sera lui aussi présent, ce qui rendra possible l’enregistrement direct des demandes d’asile depuis ces nouveaux centres. Ce nouveau dispositif, qui gomme la case préaccueil en vigueur partout en France et évite le passage en préfecture, permettra de commencer à réduire la durée nécessaire pour obtenir l’asile, comme le promet le plan gouvernemental annoncé le 12 juillet. Il pourrait d’ailleurs servir de modèle pour faire évoluer le dispositif parisien que M. Collomb sait être son prochain sujet à traiter.

Ensuite, comme il l’a rappelé lundi, les migrants seront répartis selon leur statut. Les demandeurs d’asile rejoindront des hébergements spécifiques. Les exilés qui ont laissé leurs empreintes ailleurs en Europe (« dublinés ») devraient de toute évidence se retrouver assignés à résidence, le temps que le premier pays qu’ils ont rallié donne son accord pour les reprendre. Et comme l’ajoute Fabien Sudry, préfet de Calais : « Ceux qui sont en situation irrégulière pourront être dirigés vers des centres de rétention. » A moins qu’ils ne décident d’un retour volontaire, comme les 542 Afghans qui sont entrés dans cette procédure, proposée par l’OFII, depuis le début de l’année. Le distinguo entre toutes ces catégories de migrants est l’un des credo de M. Macron.

La grande inconnue reste l’engouement des migrants à rejoindre ces CAES, assumés comme des espaces de tri. Natacha Bouchart craint déjà que beaucoup ne refusent et continuent à tenter de passer en Grande-Bretagne. L’élue regrette d’ailleurs qu’on n’ait « pas aujourd’hui de réponse pour ceux qui refusent de demander l’asile en France » et compte bien obtenir qu’un volet spécifique figure dans le texte de loi que le gouvernement prépare pour la rentrée.

Le risque est évidemment celui d’une chasse à l’homme dans la lande… Même si, après la récente mise en cause de l’attitude des forces de l’ordre dans le Calaisis, à la suite d’une enquête de Human Rights Watch, le ministre de l’intérieur a indiqué lundi avoir demandé des enquêtes à l’inspection générale de l’administration, à l’inspection générale de la police et à l’inspection générale de la gendarmerie nationale.

Communiqué inter-associatif // N’enterrez pas nos libertés!

 http://www.lacimade.org/nenterrez-nos-libertes/

28 juillet 2017

De nombreuses associations sont signataires de cet appel contre l’état d’urgence permanent qui va permettre notamment d’étendre les contrôles d’identité 20 km autour de 118 lieux (gares, aéroports, etc.) et dans les zones frontalières, ciblant essentiellement les personnes migrantes.

L’état d’urgence a été renouvelé jusqu’à début novembre par le parlement. Or il a largement démontré son inefficacité contre les attentats. Il a été dévoyé contre les mouvements sociaux et les militant.e.s, contre les musulman.e.s ou supposés l’être, contre les migrant.e.s et leurs soutiens, contre les habitant.e.s des quartiers populaires, contre les mineur.e.s et les jeunes majeur.e.s. Des centaines d’interdictions de manifester ont été délivrées. Les discriminations et contrôles au faciès se sont multipliés et avec eux, des violences policières. La France est le seul pays d’Europe à avoir instauré l’état d’urgence en réponse aux attentats.

 

Au prétexte d’y mettre fin, le gouvernement Macron présente un projet de loi reprenant dans la loi commune les principales mesures de l’état d’urgence. Il instaurerait ainsi un état d’urgence permanent :

 

·         Le préfet pourrait créer des périmètres de « protection » dans la rue, dont l’étendue et la durée, fixée à un mois renouvelable, seraient laissées à son libre arbitre.  Ils donneraient lieu à des fouilles de véhicules, de bagages et à des palpations par la police municipale ou des agents de sécurité privés. Ce nouveau quadrillage de l’espace public imposerait une limitation dangereuse de l’expression culturelle, sociale et politique dans notre pays. Cela viserait à bâillonner le mouvement social qui s’annonce face aux attaques contre la protection sociale, les droits des salarié.e.s,  les services publics, les APL, et les manifestations de solidarité internationale…

·         Le projet de loi introduit dans le droit commun les assignations à résidence et bracelets électroniques, les perquisitions 24h sur 24, les perquisitions informatiques, à l’initiative du préfet ou du ministre de l’Intérieur sur des critères vagues et des éléments provenant des services de renseignements tels que les notes blanches anonymes.

·         Les contrôles dans les gares et les zones frontalières seraient renforcés ciblant essentiellement les migrant.e.s et les stigmatisant encore davantage.

·         Sur simple suspicion, les fermetures de certains lieux de culte seraient facilitées

·         

Le projet de loi est examiné en procédure accélérée, il a été discuté le 18 et le 19 juillet au Sénat et passera en septembre à l’Assemblée.

 

N’acceptons pas la mise à mal des garanties judiciaires !

Non à la rupture avec l’état de droit et la séparation des pouvoirs !

Ne tolérons pas la bascule dans l’arbitraire et la restriction de nos libertés individuelles et collectives !

 

CONTRE L’INSTAURATION D’UN ÉTAT D’URGENCE PERMANENT !

 

Pour nos droits et nos libertés !

Dimanche 10 septembre 

Manifestons partout en France!

A Paris, RDV 15h Père Lachaise

 

A l’appel de (premiers signataires) : Altercarto, Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT), AFD international, Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF), Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA), Association française des juristes démocrates (AFJD), Association des Marocains en France (AMF), Association Nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), ATTAC, Syndicat Français des Artistes Interprètes (SFA-CGT), Campagne BDS France, CADTM France, Coordination de l’ Action Non-Violente de l’ Arche (CANVA), CAPJPO-EuroPalestine, CNT, La Cimade, Collectif 3C, Collectif ni guerres ni état de guerre, Collectif pour la sortie de l’état d’urgence 5e-13e, Collectif des associations citoyennes (CAC), Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP), Collectif Ni guerres ni état de guerre, Collectif Vies Volées, Comité Vérité et justice pour Adama, Communistes libertaires de la CGT, Compagnie Jolie Môme, Coordination nationale Pas sans Nous, Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), Droit Au Logement (DAL), Droits devant !!, Emancipation tendance intersyndicale, Fédération Nationale des Arts de la Rue, Fédération SUD Santé Sociaux, Femmes Egalité, Femmes Plurielles, Fondation Copernic, Fondation Frantz Fanon, Front Social, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), IIdentité plurielle, Immigration Développement Démocratie (IDD), Justice&Liberté, Liberpensula Frakcio de SAT, Mouvement National des Chômeurs et des Précaires (MNCP), Montreuil Palestine, Mouvement Contre Le Racisme et pour L’Amitié Entre Les Peuples (MRAP), Observatoire International des Prisons Section Francaise (OIP Section Francaise), Pride de nuit, Participation et Spiritualité Musulmane (PSM), Réseau Education Sans Frontières (RESF), Réseau Euro Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC),  Revue Inprecor, Sciences Citoyennes, Sortir du colonialisme, Syndicat de la Médecine Générale (SMG), Syndicat de la Magistrature (SM), Syndicat National des Journalistes (SNJ), Syndicat National des Journalistes CGT (SNJ-CGT), Syndicat des Avocats de France (SAF), Sang pour Sans, SNPES-PJJ-FSU, Syndicat National Unitaire de la TERritoriale-Fédération Syndicale Unitaire (SNUTER-FSU), Sortir du colonialisme, Sortir du silence, Sud PTT, Survie, Union Juive Française pour la Paix (UJFP), Union syndicale de la psychiatrie, Union Nationale Lycéenne – Syndicale & Democratique – (UNL-SD), Union syndicale Solidaires…

Ainsi que AL, EELV, Ensemble !, NPA, PCOF, PG, PIR…

Communiqué et décision du Conseil d’Etat du 31 juillet 2017

http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Conditions-d-accueil-des-migrants-a-Calais

Conditions d’accueil des migrants à Calais : le Conseil d’État rejette les appels du ministre de l’intérieur et de la commune

L’Essentiel :

•    Malgré la fermeture en 2016 du centre d’accueil de migrants se trouvant à Calais, au profit d’une répartition de la prise en charge des migrants dans des structures d’accueil implantées sur différents points du territoire national, plusieurs centaines de migrants se trouvent à nouveau à proximité de Calais depuis le début de l’année 2017.

•    A la demande de migrants et d’associations, le juge des référés du tribunal administratif de Lille, saisi d’un référé-liberté, a notamment enjoint au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais de créer plusieurs dispositifs d’accès à l’eau permettant aux migrants de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines, et d’organiser un dispositif adapté d’accès à des douches ; en outre, il a enjoint au préfet d’organiser, à destination des migrants qui le souhaitent, des départs depuis la commune de Calais vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles.

•    Le Conseil d’État rejette les appels du ministre de l’intérieur et de la commune de Calais contre cette ordonnance :

o    il juge que les conditions de vie des migrants révèlent une carence des autorités publiques, qui est de nature à exposer les personnes concernées à des traitements inhumains ou dégradants et qui porte donc une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

o    il estime que c’est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif a prononcé les injonctions rappelées ci-dessus.

Les faits et la procédure :

Au cours de l’année 2016, face à l’afflux croissant de milliers de migrants sur le territoire de la commune de Calais, essentiellement en bordure d’un terrain dénommé « la Lande », les autorités publiques ont décidé de répartir leur prise en charge dans des structures d’accueil implantées sur différents points du territoire national. Dans ce cadre, elles ont décidé la fermeture du centre qui se trouvait sur le territoire dit de « la Lande » et des autres structures destinées à l’accueil et à l’hébergement des migrants dans cette zone, afin d’éviter que ne s’y reconstituent de nouveaux campements de migrants. Toutefois, depuis le début de l’année 2017, plusieurs centaines de migrants se trouvent à nouveau à proximité de Calais.

Des migrants et des associations ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille d’un référé-liberté en lui demandant d’ordonner plusieurs mesures de sauvegarde afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées selon eux aux libertés fondamentales des centaines de migrants vivant, à la fin du mois de juin 2017, sur le territoire de la commune de Calais.

Par une ordonnance du 26 juin 2017, le juge des référés a partiellement fait droit à cette demande :
–    il a enjoint au préfet du Pas-de-Calais de mettre en place un dispositif adapté de maraude quotidienne à Calais à destination des mineurs non accompagnés ;
–    il a enjoint au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais de créer plusieurs points d’eau situés à l’extérieur du centre de Calais dans des lieux facilement accessibles aux migrants et leur permettant de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines et d’organiser un dispositif d’accès à des douches ;
–    il a enjoint au préfet du Pas-de-Calais d’organiser des départs, depuis la commune de Calais, vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles.

Il a en revanche rejeté les demandes tendant à la création d’un centre d’accueil des migrants ou d’un centre de distribution alimentaire sur le territoire de la commune de Calais.

Seuls le ministre de l’intérieur et la commune de Calais ont fait appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État.

La décision du Conseil d’État :

Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette ces appels.

Il commence par rappeler qu’il appartient aux autorités titulaires du pouvoir de police générale, c’est-à-dire le maire sur le territoire de la commune et le préfet pour les mesures excédant ce territoire, de veiller à ce que le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants soit garanti.

Lorsque la carence des autorités publiques expose des personnes à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, dans le cadre d’un référé-liberté, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.

Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu’aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Mais dans tous les cas, l’intervention du juge du référé-liberté est subordonnée au constat que la situation en litige lui permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.

En l’espèce, le Conseil d’État constate que plusieurs centaines de migrants se trouvent présents sur le territoire de la commune de Calais, dont une centaine de mineurs. Il relève que ces migrants, qui se trouvent dans un état de dénuement et d’épuisement, n’ont accès à aucun point d’eau ou douche ni à des toilettes. Ils ne peuvent ainsi ni se laver ni laver leurs vêtements. Ils souffrent en conséquence de pathologies, de divers troubles liés à une mauvaise hygiène ou encore de plaies infectées ainsi que de graves souffrances psychiques.

Le Conseil d’État estime que ces conditions de vie révèlent, de la part des autorités publiques, une carence de nature à exposer les personnes concernées, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants. Cette carence porte ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Le Conseil d’État souligne qu’il n’appartient pas au juge des référés de remettre en cause le choix des autorités publiques de traiter la situation des migrants présents à Calais en les prenant en charge, sous réserve de la mise en œuvre des procédures d’éloignement du territoire français, dans des structures adaptées à leur situation et situées en dehors du territoire de la commune de Calais dans le but d’éviter que ne s’y reconstitue un afflux incontrôlé de migrants.

Il juge qu’il appartient néanmoins au juge des référés d’ordonner les mesures urgentes que la situation permet de prendre dans un délai de quarante-huit heures et qui sont nécessaires pour faire cesser, à bref délai, les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales.

Le Conseil d’État en déduit que c’est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a enjoint à l’État et à la commune de Calais, de créer, dans des lieux facilement accessibles aux migrants, à l’extérieur du centre ville de Calais, plusieurs dispositifs d’accès à l’eau leur permettant de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines, et d’organiser un dispositif adapté, fixe ou mobile, d’accès à des douches selon des modalités qui devront permettre un accès, à fréquence adaptée, des personnes les plus vulnérables.

Il juge en outre que l’injonction faite au préfet du Pas-de-Calais d’organiser, à destination des migrants qui le souhaitent, des départs depuis la commune de Calais vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles, est de nature à éviter que ces migrants s’installent durablement sur le territoire de la commune de Calais dans des conditions méconnaissant le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants. Il estime par suite que c’est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif a prononcé cette injonction.

Le Conseil d’État rejette donc les appels du ministre de l’intérieur et de la commune de Calais.

La procédure de référé-liberté :

La procédure de référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.

La décision se trouve ici:

Conseil d’État, 31 juillet 2017, Commune de Calais, Ministre d’État, ministre de l’Intérieur

Nos 412125, 412171

> Lire le communiqué

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux(Section du contentieux, 6ème chambre)

Séance du 28 juillet 2017 – Lecture du 31 juillet 2017

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. T…O…, M. CB…AQ…, M. AK…AQ…, Mme AN…P…, M. CC… AU…, M. V…AU…, Mme AH…Q…, Mme H…AB…, M. BH…, M. N…G…, M.BK…, M. A…AV…, M. Z…AC…, M. AY…, Dowlatzai, M. W…I…, M.BL…, M. R…AR…, M. BR…, M. L…AS…, M.BD…, M.BM…, M. AD…AF…, M. BU… K…AZ…, M. E…K…, M. BV…K…, M. BW…K…, M. AE… K…, M. AG…K…, M. CA…K…, M. G…BT…, M. U…W…, M. S…AI…, M. BN…, Mme AP…BJ…, M.BO…, M.BF…, M.BG…, M.BS…, M. AK…AJ…, M. J…M…, M. Y… BP…, M.BE…, M. F…X…, M. BX… K…BZ…K…, M. D…AL…, M. BY…K…AX…, M.BA…, M. AW…B…, M.BB…, M. K…AT…, M. AD…AO…, M. BC…, M.BQ…, M. AM… C…, les associations l’Auberge des migrants, la Cabane juridique / Legal Shelter, Care4Calais, la Cimade, Gynécologie sans frontières, Help Refugees, la Ligue des Droits de l’Homme, le Réveil voyageur, Salam, Secours catholique – Caritas France et Utopia 56 ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

– d’ordonner toutes mesures utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales des migrants vivant actuellement sans abri sur le territoire de la commune de Calais, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

– d’enjoindre au conseil départemental du Pas-de-Calais, en premier lieu, de procéder à l’identification, au recensement et à l’évaluation des besoins des mineurs non accompagnés sans abri ; en deuxième lieu, de saisir le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la finalisation de ce recensement, pour que celui-ci puisse, le cas échéant, prononcer des ordonnances de placement provisoire ; en troisième lieu, d’organiser une maraude chargée de prendre contact, de recenser et d’identifier les mineurs non accompagnés nouvellement arrivés, de fournir une information juridique et sociale à ceux de ces mineurs qui sont sans abri, et d’identifier, parmi ce public, les victimes de traite ; en quatrième lieu, d’ouvrir, sur le territoire de la commune de Calais, un lieu pour les mineurs non accompagnés ;

– d’enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, en premier lieu, d’organiser des maraudes délivrant aux migrants, mineurs et majeurs, une information sur les modalités de demande d’asile en France et sur les conditions d’accès aux dispositifs de droit commun de prise en charge des personnes sans abri ; en deuxième lieu, de mettre en place des solutions d’hébergement permettant à l’ensemble des migrants vivant actuellement sans abri sur le territoire de la commune de Calais de bénéficier d’un accès effectif à l’hébergement d’urgence ;

– d’enjoindre au maire de la commune de Calais et au préfet du Pas-de-Calais de procéder à un inventaire des ressources foncières publiques afin que les bâtiments inoccupés soient affectés au logement temporaire et d’urgence des personnes exilées et sans abri vivant actuellement sur le territoire de la commune de Calais ;

– à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais, en premier lieu, de désigner un lieu au sein duquel les personnes qui n’auront pas eu accès à l’hébergement d’urgence et au dispositif de mise à l’abri de droit commun pourront accéder à des dispositifs de douches et de sanitaires et pourront se voir distribuer des repas ; en deuxième lieu, de faire procéder à l’ouverture de centres de distribution alimentaire dans l’ensemble du Calaisis ; en troisième lieu, d’autoriser l’accès à ces centres ainsi qu’à tous les dispositifs sollicités, aux associations requérantes, aux autres associations ainsi qu’à toute personne ; en quatrième lieu, de mettre en place sur l’ensemble du territoire de la commune de Calais des points d’eau potable ; en cinquième lieu, de créer, sur le territoire de la commune de Calais, des latrines gratuites ; en sixième lieu, de mettre en place un ou plusieurs dispositifs permettant à l’ensemble des personnes sans domicile fixe, de nationalité française ou étrangère, se trouvant sur le territoire de la commune de Calais, de prendre une douche quotidienne ; en septième lieu, d’exclure les forces de l’ordre de ces centres et des autres installations afin que ces lieux ainsi préservés permettent une action humanitaire dans des conditions de sérénité indispensables ; en dernier lieu, adapter ces installations à l’évolution du nombre de migrants présents ;

– en tout état de cause, d’enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, à la communauté d’agglomération du Grand-Calais Terres et Mers et à la commune de Calais, de donner l’instruction à leurs services et aux services de police de permettre la poursuite des distributions de repas, dans les conditions conformes à l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille n° 1702397 du 22 mars 2017, de permettre, par conséquent, le déroulement de ces distributions, à chaque fois qu’elles se tiennent dans des conditions paisibles, et de prescrire toutes les mesures administratives de nature à rendre possible de telles distributions sur l’ensemble des lieux qui étaient visés dans les arrêtés dont les effets ont été suspendus par ladite ordonnance, le cas échéant, en ouvrant de nouveau l’accès à ces sites, et dans tous ceux qui ne sont touchés par aucun arrêté d’interdiction.

Par une ordonnance n° 1705379 du 26 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Lille  a, en premier lieu, enjoint au préfet du Pas-de-Calais de mettre en place, dans un délai de dix jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un dispositif adapté de maraude quotidienne à Calais à destination des mineurs non accompagnés, en deuxième lieu, enjoint au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais de créer, dans un délai de dix jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, plusieurs points d’eau situés à l’extérieur du centre de Calais dans des lieux facilement accessibles aux migrants et leur permettant de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines et d’organiser un dispositif d’accès à des douches, en troisième lieu, enjoint au préfet du Pas-de-Calais d’organiser, dans un délai de dix jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, des départs, depuis la commune de Calais, vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant le Conseil d’Etat :

1° Sous le n° 412125, par une requête, enregistrée le 5 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Calais demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’article 3 de cette ordonnance ;
2°) de rejeter les conclusions correspondantes de la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 412171, par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 23 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Calais et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. O…et autres.

1. Considérant que la requête de la commune de Calais et le recours du ministre de l’intérieur sont dirigés contre la même ordonnance ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’une même décision ;

2. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au cours de l’année 2016, face à l’afflux croissant de milliers de migrants sur le territoire de la commune de Calais, essentiellement installés dans des campements précaires situés à plusieurs kilomètres au nord ouest du centre ville de Calais en bordure d’un terrain, couramment dénommé « la Lande », les autorités publiques compétentes ont adopté une nouvelle politique visant à répartir la prise en charge des migrants se trouvant alors à Calais dans des structures d’accueil implantées sur différents points du territoire national en fonction de leur situation, selon qu’ils sont mineurs isolés, qu’ils souhaitent déposer une demande d’asile en France ou qu’ils relèvent d’un centre d’accueil et d’orientation ; que, dans ce cadre, elles ont décidé la fermeture du centre qui se trouvait sur le territoire de « la Lande » et des autres structures destinées à l’accueil et à l’hébergement des migrants dans cette zone afin d’éviter que ne s’y reconstituent des campements de migrants ; que, toutefois, depuis le début de l’année 2017, plusieurs centaines de migrants se trouvent à nouveau à proximité de Calais, qu’ils y soient revenus après un passage dans un centre d’accueil ou qu’ils y soient arrivés pour la première fois ; que cinquante quatre migrants et onze associations ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, plusieurs mesures afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales qui seraient portées aux libertés fondamentales des centaines de migrants vivant, à la fin du mois de juin 2017, sur le territoire de la commune de Calais ; que par une ordonnance du 26 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à leur demande ; qu’il a ainsi enjoint au préfet du Pas-de-Calais de mettre en place, dans un délai de dix jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un dispositif adapté de maraude quotidienne à Calais à destination des mineurs non accompagnés, enjoint au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais de créer, dans un délai de dix jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, plusieurs points d’eau situés à l’extérieur du centre ville de Calais dans des lieux facilement accessibles aux migrants et leur permettant de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines et d’organiser un dispositif d’accès à des douches, et enjoint au préfet du Pas-de-Calais d’organiser, dans un délai de dix jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, des départs, depuis la commune de Calais, vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles ; qu’il a, en revanche, rejeté le surplus des demandes et notamment celle tendant à la création d’un centre d’accueil des migrants ou de centres de distribution alimentaire sur le territoire de la commune de Calais ; que le ministre de l’intérieur et la commune de Calais font appel de cette ordonnance ;

Sur l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

3. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Toute personne admise à l’aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d’exercice d’une voie de recours » ;

4. Considérant que M. O…et les autres personnes physiques ayant été admis au bénéfice provisoire de l’aide juridictionnelle par l’ordonnance attaquée, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions renouvelant cette demande ;

Sur la régularité de l’ordonnance :

5. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 522-8 du code de justice administrative : « L’instruction est close à l’issue de l’audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l’instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l’audience et avant la clôture de l’instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d’apporter au juge la preuve de ses diligences. / L’instruction est rouverte en cas de renvoi à une autre audience » ;

6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 731-3 du même code : « A l’issue de l’audience, toute partie à l’instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré » ; que lorsque le juge des référés est saisi, postérieurement à l’audience ou, si celle-ci a été différée, postérieurement à la clôture de l’instruction, d’une note en délibéré, il lui appartient d’en prendre connaissance et, s’il estime que cette note n’apporte pas d’éléments nouveaux de nature à justifier la réouverture de l’instruction, de la viser sans l’analyser ;

7. Considérant qu’il résulte des termes de l’ordonnance attaquée que le juge des référés ne s’est fondé, pour statuer, sur aucun élément nouveau produit après la clôture de l’instruction et notamment pas sur les pièces produites à l’appui de la note en délibéré présentée pour M. O…et autres ; que par suite, le ministre de l’intérieur n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance attaquée, qui a visé cette note sans l’analyser, aurait été rendue en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ;

8. Considérant que le moyen soulevé par le ministre de l’intérieur, tiré de ce que le juge des référés aurait omis de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir des cinquante quatre demandeurs individuels en première instance, au motif qu’ils ne faisaient état d’aucun élément relatif à leur situation particulière, ne peut en tout état de cause qu’être écarté dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que le préfet du Pas-de-Calais aurait, dans son mémoire en défense ou lors de l’audience au tribunal administratif, soulevé une telle irrecevabilité ;

Sur les conclusions relatives à l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » ;

10. Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative qu’il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 précité et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte ; que ces mesures doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte ; que le juge des référés peut, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l’autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d’organisation des services placés sous son autorité lorsqu’une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale ; que, toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L.521-2, qu’ordonner les mesures d’urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale ; qu’eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s’imposent et qui peuvent être très rapidement mises en œuvre ; que, dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 est subordonnée au constat que la situation litigieuse permet de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires ;

11. Considérant qu’en l’absence de texte particulier, il appartient en tout état de cause aux autorités titulaires du pouvoir de police générale, garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine, de veiller, notamment, à ce que le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants soit garanti ; que, lorsque la carence des autorités publiques expose des personnes à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2 précité, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence ;

En ce qui concerne l’injonction tendant à mise en place de points d’eau, de latrines et de douches :

12. Considérant qu’il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit au point 2, qu’alors même que l’Etat a fait procéder, au cours de l’année 2016, à l’évacuation des différents campements de migrants installés sur le territoire de la commune de Calais et a décidé d’assurer la prise en charge de ces personnes dans des structures réparties sur le territoire national, plusieurs centaines de migrants, que le préfet du Pas-de-Calais a évalué entre 300 et 400 au mois de mai 2017 et que le Défenseur des droits a estimé entre 400 et 600 au mois de juin 2017, dont une centaine de mineurs, se trouvent présents sur le territoire de cette commune, en dehors du centre ville ; que ces migrants, qui se trouvent dans un état de dénuement et d’épuisement, n’ont accès à aucun point d’eau ou de douche ni à des toilettes et ne peuvent ainsi, notamment, ni se laver ni laver leurs vêtements et souffrent en conséquence de pathologies telles que la gale ou des impétigos, de divers troubles liés à une mauvaise hygiène ou encore de plaies infectées ainsi que de graves souffrances psychiques résultant de cette situation ;

13. Considérant que ces conditions de vie font apparaître que la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des migrants qui se trouvent présents à Calais en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable demeure manifestement insuffisante et révèle une carence de nature à exposer ces personnes, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que ces circonstances de fait, constitutives en outre d’un risque pour la santé publique, révèlent en elles-mêmes une situation d’urgence caractérisée, justifiant l’intervention du juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

14. Considérant que s’il ne relève pas de l’office du juge des référés de remettre en cause le choix des autorités publiques de traiter la situation des migrants présents à Calais en les prenant en charge, sous réserve de la mise en œuvre des procédures d’éloignement du territoire français, dans des structures adaptées à leur situation et situées en dehors du territoire de la commune de Calais dans le but d’éviter que ne s’y reconstitue un afflux incontrôlé de migrants, il lui appartient en revanche, d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, les mesures urgentes que la situation permet de prendre dans un délai de quarante-huit heures et qui sont nécessaires pour faire disparaître, à bref délai, les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales ; que le juge des référés, qui a notamment rejeté la demande dont il était saisi tendant à la création d’un centre d’accueil des migrants ou de centres de distribution alimentaire sur le territoire de la commune de Calais, pouvait ainsi, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2, prescrire aux autorités administratives, à raison d’une carence qui expose des personnes à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, d’installer des dispositifs adaptés permettant de rendre disponibles, à titre provisoire, tant que des migrants séjournent à Calais dans les conditions décrites ci-dessus, des points d’eau et des latrines ainsi que des douches ;

15. Considérant que c’est, par suite, à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a enjoint à l’Etat, dès lors que les mesures à prendre pour faire face à l’afflux massif de migrants à Calais en provenance de l’ensemble du territoire national excèdent les pouvoirs de police générale du maire de la commune, et à la commune de Calais, de créer, dans des lieux facilement accessibles aux migrants, à l’extérieur du centre de Calais, plusieurs dispositifs d’accès à l’eau leur permettant de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines, et d’organiser un dispositif adapté, fixe ou mobile, d’accès à des douches selon des modalités qui devront permettre un accès, selon une fréquence adaptée, des personnes les plus vulnérables ;

En ce qui concerne l’injonction tendant à l’organisation de départs vers des centres d’accueil et d’orientation :

16. Considérant que l’injonction faite au préfet du Pas-de-Calais d’organiser des départs depuis la commune de Calais vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles, dans la perspective de les orienter vers la procédure de demande d’asile en France, est de nature à éviter que ces migrants s’installent durablement sur le territoire de la commune de Calais dans des conditions méconnaissant le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants ; que cette injonction n’est ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de l’intérieur, pas fondée sur le droit à l’hébergement d’urgence prévu par les dispositions de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles et ne crée pas, en tout état de cause, une rupture d’égalité de traitement avec d’autres personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire national ; que, par suite, c’est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Lille, qui ne s’est pas fondé sur des faits matériellement inexacts en relevant, ainsi que l’indiquait le préfet du Pas-de-Calais, qu’il existe 11 000 places dans les centres d’accueil et d’orientation, a prononcé l’injonction contestée ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les appels du ministre de l’intérieur et de la commune de Calais doivent être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de M. O…et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. O…et autres, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et sous réserve de l’admission définitive de ses clients à l’aide juridictionnelle, de mettre à la charge solidaire de l’Etat et de la commune de Calais la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Calais et le recours du ministre de l’intérieur sont rejetés.
Article 2 : Sous réserve de l’admission définitive de M. O…et des autres personnes physiques à l’aide juridictionnelle et sous réserve que la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, l’Etat et la commune de Calais verseront solidairement une somme de  3 000 euros à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Calais, au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, et à l’association Secours Catholique, représentant désigné.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires, au ministre des solidarités et de la santé, au Défenseur des droits, au département du Pas-de-Calais, à la communauté d’agglomération Grand Calais Terres et Mers et à la section du rapport et des études du Conseil d’Etat.