Fin de la grève à la CNDA

Cour nationale du droit d’asile : fin de la grève après 28 jours de mobilisation

Face à « l’impasse des négociations », l’intersyndicale a signé lundi un protocole de sortie de grève. Les agents dénoncent leurs conditions de travail et la future loi asile-immigration.

Le Monde | • Mis à jour le

Rassemblement contre la future loi asile-immigration à
            Paris, le 21 février 2018.

La grève, historiquement longue, des rapporteurs à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a pris fin lundi 12 mars après vingt-huit jours de mobilisation visant à dénoncer leurs conditions de travail, ainsi que celle des avocats, qui menaient leur propre mouvement, a annoncé l’intersyndicale.

« Après vingt-huit jours de grève, face à l’impasse des négociations et à la stratégie d’épuisement des directions de la Cour et du Conseil d’Etat, les agents ont finalement décidé de signer un protocole de sortie de grève, pourtant largement insuffisant », écrit l’intersyndicale dans un communiqué.

Lire notre reportage :   A la Cour nationale du droit d’asile, une grève contre la future loi immigration

Si elle reconnaît « certaines avancées », elle estime toutefois « qu’aucune solution sur les revendications essentielles » portées par les agents durant le mouvement de grève n’a été apportée.

« Carences des politiques publiques »

Dénonçant « l’absence de véritable projet de juridiction » et « des carences des politiques publiques concernant la CNDA », l’intersyndicale prévient que « les agents poursuivront leur mobilisation afin que des solutions concrètes soient apportées dans les meilleurs délais ».

Les rapporteurs de la CNDA dénonçaient des conditions de travail « au rabais » et une « politique du chiffre », alors que la Cour a rendu 47 814 décisions en 2017.

En grève depuis le 13 février pour dénoncer le projet de loi asile-immigration porté par le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, les avocats déploraient quant à eux la diminution du délai pour déposer sa demande, la réduction du délai pour exercer son droit à recours, l’absence de caractère suspensif de la plupart des recours, la multiplication des décisions rendues par ordonnance et le recours à la visioconférence.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/03/13/cour-nationale-du-droit-d-asile-fin-de-la-greve-apres-28-jours-de-mobilisation_5270140_3224.html#rvESQ1cyKkmWlkDd.99

J’ai rencontré Akhmad

J’ai rencontré Akhmad le 10 janvier dans une laverie, à Saint Omer. J’étais venue pour laver une couette, lui pour sécher deux ou trois vêtements qu’il avait lavés ailleurs. Difficulté pour comprendre le fonctionnement de la machine, pas de monnaie. Je l’aide et en attendant notre linge, on bavarde.

Akhmad est afghan, il a 19 ans, un sourire magnifique. 2 mois de voyage pour arriver dans la « jungle » de Saint-Omer, la veille. Il a quitté son pays parce qu’il est dangereux. Il est coiffeur et part retrouver un ami en Angleterre, espérant exercer son métier. Tout en parlant il nettoie ses chaussures boueuses avec des lingettes.

Dans l’urgence je lui donne une tente de 2 personnes, un sac de couchage, lui indique les points de rendez vous pour prendre une douche et recharger son portable. On s’échange nos numéros de téléphone.

C’est moi qui l’appelle le samedi suivant pour prendre de ses nouvelles. Je sais que la vie dans ce nouveau camp après démantèlement est encore plus difficile qu’avant. Je lui propose de venir chez moi, puisque le samedi soir les camions ne roulent pas.

A peine arrivé il prend une douche et s’endort. Longtemps. Connecté à la wifi, il téléphone, à sa famille me dit-il. On mange, il me fait découvrir les musiques afghanes qu’il aime. Je lui lave quelques vêtements, très peu car il a tout sur lui : 2 couches de pantalons, pareil pour les tee shirts, les pulls et les blousons. Il me fait rire en rangeant dans le lave vaisselle la tasse qu’il vient de laver. Il est discret, fait attention à ce que j’aie toujours une tasse de thé pleine à côté de moi. Il est très content quand je lui propose une paire de chaussures pour la jungle, ses baskets resteront propres pour la ville. Le dimanche en fin d’après midi il prend le train pour Dunkerque (Grande-Synthe, en fait). C’est mieux pour partir en Angleterre.

Akhmad a passé deux week-end à la maison, en passant les nuits sur le canapé bien que je lui aie proposé une chambre. Je ne comprends pas tout.

Le troisième week-end, je l’ai appelé plusieurs fois sans résultat. Il a fini par me rappeler avec un autre numéro que le sien. Il avait réussi à monter dans un camion, il était dans un centre de rétention. « I stress ». Il a des empreintes en Grèce.

Et puis je n’arrive pas à le joindre sur son téléphone.

Le 4 mars, il m’appelle. Le centre de rétention n’était pas anglais comme je le croyais mais belge. Erreur de camion. « je n’y ai fait que manger et dormir ».

Retour à Dunkerque. Il sait surtout ce qu’il ne veut pas : retourner en Afghanistan. Il a des empreintes maintenant en Belgique. Il pense que la France « is good ». Urgence de trouver un interprète qui pourra lui expliquer en pachtou ses droits et leurs limites…

Il a toujours le même beau sourire.

Marche de Vintimille à Calais, voire Douvres !

L’Auberge des Migrants, en lien avec la Roya Citoyenne, organise une marche qui partira le 30 avril de Vintimille et arrivera à Calais le 7 juillet, et peut-être à Douvres le 8 juillet.

L’objectif est de plaider pour l’accueil des réfugié.e.s, contre le délit de solidarité et contre le blocage de la frontière franco-italienne et de la frontière franco-britannique. « Laissez-les passer !  » et « Accueillons les ! » seront les thèmes de cette marche de 60 étapes.

Le groupe d’une cinquantaine de marcheuses et de marcheurs sera accueilli par les sympathisant.e.s à l’entrée des villes étapes. Toutes et tous entreront en cortège dans la ville. Dans chacune des villes étapes,  repas partagé, fête, conférence-débat, projections de films, concerts… seront l’occasion d’ouvrir un dialogue avec les citoyennes et citoyens. Ce sera aussi l’occasion de mettre en valeur les actions locales en faveur de l’accueil des personnes migrantes.

L’inscription des marcheuses et marcheurs, pour une ou plusieurs étapes… ou pour la totalité du parcours, se fera à partir de mi-mars.

Des appels à parrainage et financements seront lancés à partir du 20 mars pour assurer le budget de cette Marche.

Un point fort est prévu à Paris le 17 juin, avec la proposition de multiples marches convergeant vers une grande place de la capitale.

Plus de détails très bientôt sur le site Internet de l’Auberge des Migrants : http://www.laubergedesmigrants.fr/fr/accueil/ . Les associations, collectifs, réseaux d’aide aux migrant.e.s et candidat.e.s à la marche peuvent communiquer avec nous sur l’adresse : marche.auberge@gmail.com.

Voix du Nord // Le démantélement de la jungle examiné au TA de Lille

http://www.lavoixdunord.fr/330391/article/2018-03-08/le-demantelement-de-la-jungle-examine-au-tribunal-administratif

Trois cents exilés et douze associations poursuivent la préfecture du Pas-de-Calais devant le tribunal administratif de Lille. Ils contestent les modalités du démantèlement de la zone sud du camp de la lande, en mars 2016.

Bruno Mallet | 08/03/2018

La situation migratoire s’invite à nouveau devant le tribunal administratif ce jeudi, deux jours après une audience consacrée au mur anti-intrusions le long de la rocade portuaire. Il va être question du démantèlement de la zone sud de la « jungle », en mars 2016. À l’époque, selon les associations de soutien aux migrants, 3 450 personnes avaient été délogées, 2 500 d’entre elles se « relogeant » illico dans la zone, qui sera démantelée en novembre de la même année.

Les associations de soutien aux migrants avaient contesté les conditions de ce démantèlement, décidé par la préfète, Fabienne Buccio. Douze d’entre elles (Auberge des migrants, Help Refugees, Utopia 56…) ont entamé une procédure. Elles figurent au rang des demandeurs comme 301 réfugiés, qui vivaient dans cette zone.

Quel est l’enjeu ?
« L’enjeu n’est évidemment pas de demander la reconstitution de ce camp, explique l’avocat des associations et des exilés, Lionel Crusoé. Mais de fixer un cadre jurisprudientiel dans lequel les autorités peuvent organiser de tels démantèlements, et de garantir les droits des occupants. » Le jugement sera scruté pour les démantèlements qui pourraient intervenir dans le futur. Une procédure similaire est en cours d’instruction concernant le démantèlement de la zone nord de la lande.

Ouistreham – Policiers municipaux et gendarmes ordonnent le démontage des tentes

https://actu.fr/normandie/ouistreham_14488/migrants-ouistreham-policiers-municipaux-gendarmes-ordonnent-demontage-tentes_15765956.html

Vendredi 2 mars 2018, par crainte de les voir détruits, des bénévoles du CAMO ont dû retirer rapidement tentes et duvets servant à abriter les migrants de Ouistreham.

Ce vendredi 2 mars 2018, les bénévoles ont dû rapidement ramasser duvets et tentes des migrants avant que les policiers municipaux de Ouistreham et gendarmes ne les brûlent. (©DR)

 

Il est 14h30 environ ce vendredi 2 mars 2018… Les bénévoles du CAMO (collectif d’aide aux migrants de Ouistreham) terminent leur distribution de nourriture aux jeunes Soudanais échoués dans la cité balnéaire de Ouistreham-Riva-Bella quand gendarmes et policiers municipaux interviennent.

Les objets abandonnés doivent être évacués

Les forces de l’ordre agissent en vertu d’un arrêté municipal indiquant que « les objets abandonnés sur la voie publique doivent être évacués par les services municipaux… » C’est la version officielle de l’action, confirmée ce vendredi en fin d’après-midi par le directeur de cabinet de Romain Bail. Evacuer les déchets abandonnés sur les trottoirs ou sur la plage par des touristes et promeneurs peu scrupuleux ; cela se comprend, c’est la mission du service public municipal. Mais de là à considérer que des tentes, des duvets et des couvertures utilisés par les malheureux migrants sont à classer de la même manière il y a une marge…
C’est en tout cas ce que les bénévoles du CAMO veulent dénoncer, en précisant que l’intervention des gendarmes et policiers municipaux était ferme mais sans violence !

Ce vendredi 2 mars 2018, les bénévoles ont dû rapidement ramasser duvets et tentes des migrants avant que les policiers municipaux de Ouistreham et gendarmes ne les brûlent. (©DR)

Pour éviter que tout ne soit mis dans la benne puis brûlé, nous nous sommes empressés de tout démonter pour remplir nos coffres de voiture…, raconte l’une des personnes présentes au moment de l’intervention. La question est de savoir comment faire maintenant, parce que le gymnase de Colleville et la salle paroissiale qui ont servi d’abri depuis lundi dernier sont fermés ce soir.

Alors quand ils lisent les déclarations du maire qui explique que « personne ne dort dehors à Ouistreham » en réaction à l’ouverture d’un gymnase à Colleville-Montgomery, ça fait bondir les bénévoles.

Lire aussi : 

Un arrêté municipal difficile à trouver

Demandé, ce vendredi soir, au directeur de cabinet du maire, il semble curieusement très compliqué de fournir l’arrêté municipal concerné. « Le maire et le DGS sont occupés… en commission des finances », répond le directeur de cabinet, Charles Perrot-Durand.
Ce type de document étant pourtant un document justement destiné à être publié afin d’être connu de tous et donc… respecté.

Mardi 20 février 2018, a déjà été filmée une intervention de gendarmes mobiles qui éteignent un feu dans un sous-bois à Ouistreham.

Nord Littoral // Longuenesse, le nouveau campement démantelé dans quelques jours

http://www.nrjnordlittoral.com/longuenesse-le-nouveau-campement-demantele-dans-quelques-jours/

 

> Il y a quelques semaines de cela  , le camp ‘ de la bergerie ‘ à Tatinghem était démantelé … A l’arrivée des forces de l’ordre le camp était vide … Quelques semaines plus tard un autre campement est reformé à une centaine de mètres de là .

Le nouveau campement de Longuenesse ( Photos Philippe SOUNY )> Une vingtaine de migrants !

> Depuis fin Janvier et comme il fallait le prévoir , c’est un autre campement qui prend forme à Longuenesse près du nouveau cimetière de la ville . Nullement agressifs, les migrants qui y séjournent n’ont qu’une seule idée en tête ..rejoindre l’Angleterre . Un campement positionné sur un terrain du centre hospitalier de la région de ST OMER ( qui a d’ailleurs déposé plainte pour cette occupation illégale . 2 autres plaintes également déposées par des agriculteurs qui ont vu leur plantation mises à mal ) a finalement vu les migrants arriver. De quelques uns au départ,( 3 ont été interpellés, placés en garde à vue et condmané à 150€ d’amende avec sursis ) ,  ils sont une vingtaine désormais à attendre des jours meilleurs sur ce terrain de Longuenesse.

> Démantelé dès que les températures le permettront

> ‘ST OMER n’a pas vocation à devenir annexe de Calais‘ s’exprime à notre micro le Sous Préfet de la région de ST OMER  Jean Luc BLONDEL :

http://www.nrjnordlittoral.com/wp-content/uploads/2018/02/SS-PREFET-28-02.mp3> Pas de repas non plus distribués comme à Calais . Des propositions d’hébergements sont régulièrement proposées aux migrants , visiblement ceux ci ne souhaitent pas en bénéficier.

Jean Luc BLONDEL – Sous Préfet> Parking fermé

> Depuis 1 semaine on  notera que le parking  du péage de Setques est interdit aux poids lourds comme d’autres aires il y a plusieurs mois de cela .Un objectif : dissuader les migrants de monter à bord des ensembles routiers à destinations de l’Angleterre et peut être ainsi les faire quitter le secteur de ST OMER ….  Le parking restera fermé sur direction préfectorale jusqu’en Juin prochain .

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Des interprètes érythréens accusés de travailler pour Asmara

Censés être indépendants, certains interprètes erythréens sont pourtant accusés de collaborer avec les autorités de leur pays d’origine (image d’illustration).
© GABRIEL BOUYS / AFP

Par Michel Arseneault Publié le 01-03-2018 Modifié le 01-03-2018 à 19:04

Des dissidents érythréens s’interrogent sur les interprètes auxquels leurs concitoyens font appel lorsque ces derniers demandent l’asile en Italie. Plusieurs d’entre eux seraient en relation avec l’ambassade de l’Érythrée à Rome. Des chercheurs vont plus loin en affirmant que, dans certains cas, ces interprètes ne sont pas de simples traducteurs mais des informateurs au service du parti au pouvoir à Asmara.

« Traduire c’est trahir », selon un proverbe italien. Pour des milliers d’Érythréens fraîchement débarqués en Italie, ce n’est pas qu’une figure de style : plusieurs se demandent s’ils peuvent faire confiance à leurs concitoyens installés de longue date en Italie et qui leur servent d’interprètes. Ces derniers, censés être indépendants, sont régulièrement accusés de collaborer avec les autorités de leur pays d’origine.

Selon le père Mussie Zerai, prêtre catholique et candidat au prix Nobel de la paix pour son rôle auprès des migrants érythréens en Europe, « au moins la moitié » serait en relation avec le parti au pouvoir à Asmara (PFDJ, le Front populaire pour la démocratie et la justice) et plus particulièrement la jeunesse du parti. « Certains interprètes sont membres du parti, explique le père Zerai. Ils y jouent même un rôle actif. »

Dans la péninsule, des interprètes italien-tigrinya sont à pied d’œuvre dans les centres où sont accueillis les Érythréens qui débarquent en Italie (plus de 27 000 au cours des deux dernières années, selon l’Organisation internationale des migrations) ou dans les « commissions » qui détermineront s’ils obtiendront l’asile politique en Italie.

Des « médiateurs culturels »

Dans ce processus, où les migrants sont invités à s’exprimer en toute confiance et sous le sceau de la confidentialité, les « médiateurs culturels » (comme on les appelle parfois) jouent même un rôle déterminant. « Un médiateur culturel peut nous aider à contrôler la véracité d’une déclaration, explique Anis Cassar, un porte-parole du Bureau d’appui en matière d’asile, une agence européenne qui soutient l’Italie dans de domaine. Son rôle n’est pas simplement de traduire des propos mot-à-mot mais de contrôler s’ils sont fondés. »

Plusieurs de ces interprètes semblent pourtant ignorer l’importance d’être indépendants. « Ils ne se cachent même pas ! constate Slid Negash, porte-parole de la Coordination Érythrée démocratique à Rome. Ils mettent leurs photos sur Facebook. Ils parlent de leur rôle dans les rangs du parti au pouvoir. »

Certains médiateurs culturels vont parfois plus loin en conseillant à des demandeurs d’asile de déclarer aux autorités italiennes qu’ils fuient la Corne de l’Afrique pour des raisons économiques et non politiques (la meilleure façon de ne pas obtenir le statut de réfugié). C’est, du moins, ce que certains Érythréens ont répété au père Zerai.

Code de bonne conduite

Leur rôle est d’une telle importance que les interprètes qui travaillent dans les commissioni doivent adhérer à un code de bonne conduite, qui précise qu’ils ne doivent pas avoir de relations avec les autorités de leur pays d’origine. C’est notamment le cas de la trentaine d’interprètes italien-tigrinya qui travaille pour la Cooperativa ITC, un cabinet de traducteurs et d’interprètes, à Rome.

« On fait tous les efforts pour faire comprendre à nos traducteurs et à nos interprètes qu’ils ne doivent absolument pas avoir de rapports avec les États et les gouvernements d’origine », explique Mariana De Maio, présidente du conseil d’administration de Cooperativa ITC. On pourrait croire que le message a été entendu : cette entreprise n’a jamais licencié personne pour non-respect du code de bonne conduite.

« Je ne suis pas en mesure de savoir ce qu’un interprète fait en dehors de ses heures de travail ou s’il utilise les informations qu’il obtient dans le cadre de son travail à d’autres fins, soutient Mariana De Maio. Je ne suis pas la police ! »

La Cooperative ITC soumet toutefois les noms des candidats au poste d’interprète – il s’agit en règle générale de candidatures spontanées – à la police italienne. Cette dernière, ajoute Mariana De Maio, retoque parfois des candidatures, sans révéler toutefois les raisons motivent ce désaveu.

Réseau de renseignement

Des « médiateurs culturels » peu scrupuleux réussissent, malgré cela, à passer à travers les mailles du filet, selon les défenseurs des migrants. Il ne faut guère s’en étonner car les interprètes sont au cœur du renseignement érythréen en Europe, estime Marjam van Reisen, une chercheuse néerlandaise.

« Les cabinets d’interprètes n’ont aucune façon de savoir ce qui se passe, explique-t-elle. Comment le pourraient-ils ? C’est un problème qui existe au Pays-Bas et, très certainement, en Italie. »

En 2015, cette professeure aux universités de Leiden et de Tilburg a constaté que deux interprètes installés de longue date aux Pays-Bas étaient le frère et la sœur d’un homme qui était, d’une part, le responsable local des jeunes du PFJD, et d’autre part, un agent du renseignement érythréen.

Après que l’homme mis en cause (lui aussi interprète) a porté plainte pour diffamation, l’affaire s’est retrouvée dans les tribunaux néerlandais. En 2017, un juge lui a donné raison, déclarant que la jeunesse du PFDJ était « une composante du réseau d’informateurs du gouvernement de l’Érythrée ».

Vu les tentatives d’infiltration des organisations qui viennent en aide aux migrants, notamment des églises, sur le continent européen et en Scandinavie, la chercheuse Marjam van Reisen ne voit pas pourquoi l’Italie ferait exception à la règle.

Le mauvais réflexe

La France, l’Allemagne et la Suisse n’y échappent pas non plus, selon le père Zerai. Cela teindrait parfois à des considérations pratiques : lorsque des Européens sont à la recherche de traducteurs ou d’interprètes, leur réflexe est de contacter l’ambassade, y compris dans le cas de l’Érythrée. « Quand on lui demande un interprète, c’est évident que l’ambassade enverra un des siens », soutient Don Mussie.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides se dit sensible au problème. « Nous sommes très attentifs à ça, explique le directeur général de l’Ofpra, Pascal Brice. Dès qu’il y a des faits avérés, nous en tirons les conséquences. » Il refuse toutefois de préciser si des interprètes français-tigrinya ont déjà été remerciés pour avoir été en relation avec les autorités érythréennes.

Les renseignements obtenus dans la diaspora permettraient, notamment, à Asmara de percevoir un impôt de 2% sur le revenu de ses ressortissants établis à l’étranger. Les opposants assimilent cette pratique à une forme de racket. Le régime dément prélever une taxe sur les expatriés et qualifie cette accusation de « propagande » anti-érythréenne.

Contactée par RFI, l’ambassade de l’Érythrée à Rome n’a pas souhaité s’exprimer.

Tribune d’universitaires spécialistes de l’asile

Tribune d’universitaires spécialistes de l’asile – Non à une procédure d’asile au rabais ! – Administratif | Dalloz Actualité

Par Collectif d’universitairesle 23 Février 2018

Au moment même où le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, présentait ce 21 février son projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », les personnels de Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) manifestaient afin de revendiquer le retrait de cette réforme qui ne vise en réalité pas à rendre le droit d’asile plus effectif mais à en restreindre davantage l’accès.

En notre qualité d’universitaires spécialisés dans les questions de droit d’asile, nous partageons le constat des agents de la juridiction de l’asile en grève depuis le 13 février.

Les agents de l’asile ne défendent en effet pas que leurs intérêts corporatistes, mais l’exercice effectif de ce droit fondamental, durement menacé par la réforme en cours et la logique du chiffre dans le traitement des dossiers – déjà en cours.

Certes la dernière réforme de l’asile de juillet 2015, qui a fait passer les délais d’examen des demandes d’asile de 24 à 9 mois, était nécessaire. Mais l’objectif du gouvernement d’une procédure bouclée en moins de 6 mois, soit en 2 mois pour l’OFPRA et en 4 mois pour la CNDA, n’est pas humainement souhaitable ni administrativement réaliste.

Ce n’est pas humainement souhaitable car cela se fera au détriment des demandeurs d’asile qui n’auront pas le temps, peu après leur arrivée en France, souvent après un périple traumatisant, de se poser et de construire leur récit d’asile dans de bonnes conditions et avec les soutiens nécessaires.

Ce n’est pas réaliste car cela suppose de contracter les délais d’examen des demandes d’asile en augmentant les cadences déjà infernales dans les auditions à l’OFPRA et à la CNDA, au détriment de la qualité de l’examen des dossiers.

Le système français est pourtant déjà l’un des plus « productif » en Europe.

Alors qu’en 2017, l’OFPRA a été saisi de plus de 100 000 demandes d’asile, l’Office a traité plus de 115 000 décisions et accordé une protection internationale à près de 43 000 personnes. En 2017, le taux de protection s’établit à 27 % à l’OFPRA et à 36 % en prenant en compte les décisions de la CNDA. De ce fait, le délai moyen d’attente pour les demandeurs à l’OFPRA est tombé à près de 3 mois (114 jours), deux fois moins qu’en janvier 2015.

Quant à la CNDA, elle a enregistré en 2017 près de 54 000 recours, contre 39 986 en 2016, et elle a traité près de 48 000 décisions, dont plus de 18 000 en juge unique ou par voie d’ordonnances. Le délai moyen de jugement est d’un peu plus de 5 mois et la protection accordée à un peu plus de 8 000 personnes. Les 214 rapporteurs de la CNDA traitent déjà chacun 2 à 3 dossiers par jour.

Pour parvenir à son objectif, le gouvernement envisage, par le projet de loi Collomb, des mesures qui visent en réalité à entraver l’accès au droit d’asile :

  • réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer une demande d’asile une fois arrivé sur le territoire ;
  • réduction du délai de recours devant la CNDA à 15 jours au lieu d’un mois, généralisation des audiences vidéos, comme cela se pratique déjà outre-mer, y compris sans le consentement de l’intéressé ;
  • suppression dans certains cas (pays d’origine sûr, etc.) du recours suspensif devant la CNDA avec en contrepartie une demande de sursis à exécution devant le tribunal administratif dont l’issue serait très aléatoire ;
  • multiplication des cas de retrait des conditions matérielles d’accueil ;
  • etc. etc.

Cette réforme risque de multiplier les cas d’étrangers ni « expulsables », ni éligibles à l’asile en raison de ces entraves procédurales.

Une proposition de loi « Warsmann », que le gouvernement a soutenu et qui vient d’être adoptée, a parallèlement multiplié les cas dans lesquels les « Dublinables » pourront être placés en rétention, et ce dès le début de la procédure.

On sait aussi que cette réduction des délais se fera au prix de la multiplication des cas d’examen des dossiers en procédure accélérée et avec une multiplication des ordonnances dites de « tri » ou du traitement en juge unique. Cela concerne déjà près de 50 % des dossiers, dont l’examen ne bénéficie pas de la garantie apportée par une formation collégiale composée d’un magistrat mais aussi d’un assesseur du HCR et d’un assesseur du Conseil d’État.

Dans son avis du 13 février, le Conseil d’État critique d’ailleurs sévèrement, sur un ton peu habituel pour le Palais-Royal, la méthode utilisée par le gouvernement et la pertinence même d’un tel projet de loi bricolé à la va vite, moins de deux ans après l’adoption de la dernière réforme, sans réelle évaluation de celle-ci. À plusieurs reprises dans cet avis, le gouvernement est mis en garde sur les risques de contrariété avec la Constitution et avec les engagements européens de la France. Il recommande aussi « instamment » de renoncer à certaines restrictions procédurales « contraires aux exigences d’une bonne administration de la justice ».

Pour toutes ces raisons, nous partageons les inquiétudes des agents de l’asile en grève. Nous appelons de nos vœux d’une part à une évolution du statut de l’OFPRA qui pourrait être utilement transformé en autorité administrative indépendante afin de renforcer son efficacité et son indépendance et en donnant davantage de garanties statutaires et de perspectives de carrière aux officiers de protection. D’autre part, il serait souhaitable de faire évoluer le statut des personnels de la CNDA, qui est devenue une vraie juridiction rattachée au Conseil d’État depuis 2007. Ses agents, particulièrement ses rapporteurs, qui sont des contractuels pour 170 d’entre eux, n’ont pas de réelles perspectives de carrière. Les autorités gestionnaires doivent cesser de multiplier les recrutements sous contrats à durée déterminée et doivent tout mettre en œuvre pour ouvrir des perspectives de titularisation.

Enfin à raison de l’attentisme – pour ne pas dire la surdité – du ministère de l’Intérieur et du vice-président du Conseil d’État face à la mobilisation des agents de l’asile, la nomination d’un médiateur s’impose, comme cela avait déjà été le cas avec la nomination de Jean-Marie Delarue, l’ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, lors du dernier conflit à la CNDA.

 

 

Premiers signataires :

Serge Slama, Professeur de droit public, université Grenoble-Alpes
Marie-Laure Basilien-Gainche, Professeure de droit public, université de Lyon 3
Ségolène Barbou des Places, Professeure à l’Ecole de droit de la Sorbonne, université Paris 1 Panthéo -Sorbonne
Myriam Benlolo-Carabot, Professeure de droit public, université Paris Nanterre
Caroline Lantero, Maître de conférences en droit public, université Clermont Auvergne
Guillaume Le Blanc, Professeur de philosophie à l’université Paris Est Créteil
Anne-Laure Chaumette, Maître de conférences HDR en droit public, université Paris Nanterre
Christel Cournil, Maîtresse de conférences HDR en droit public, université Paris 13
Laurence Dubin, Professeure à l’Ecole de droit de la Sorbonne, université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Marina Eudes, Maître de conférences HDR en droit public, université Paris Nanterre
François Julien-Laferrière, Professeur émérite de droit public, université de Paris Sud
Marion Tissier-Raffin, Maître de conférences en droit public, université de Bordeaux
Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche émérite au CNRS

Bondy Blog // La présidente de la CNCDH sur la loi asile et immigration

 

http://www.bondyblog.fr/201802230745/christine-lazerges-le-projet-de-loi-sur-limmigration-rend-les-procedures-encore-plus-difficiles-pour-les-plus-vulnerables/#.WpL6F3wiHIU

Christine Lazerges : « Le projet de loi sur l’immigration rend les procédures encore plus difficiles pour les plus vulnérables »

Pour la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, une autorité administrative indépendante, le projet de loi asile et immigration du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, vise avant tout à contenter une partie de l’opinion publique. Ce texte, présenté hier en conseil des ministres, sera débattu en avril au Parlement.

Le Bondy Blog : Fallait-il un nouveau texte de loi sur l’immigration, après celui du 7 mars 2016 (relatif au droit des étrangers en France) et celui du 29 juillet 2015 (relatif à la réforme du droit d’asile) ?

Christine Lazerges : Ce texte de loi est parfaitement inutile. Ce n’est pas seulement moi qui le dis et la CNCDH, c’est le Conseil d’Etat, le monde associatif en son entier, un certain nombre d’institutions comme le Défenseur des droits, des historiens, des juristes, des philosophes. Ce texte a une fonction purement déclarative. Il s’agit pour ses promoteurs de répondre à une demande d’une partie de l’opinion française, hostile aux migrants, qui représente dans les sondages 66% de la population (66% des Français sondés par l’institut Elabe publié le 18 janvier 2018 jugent la politique migratoire et d’asile “trop laxiste”, ndlr).

Le Bondy Blog : Le projet de loi prévoit de réduire de 120 à 90 jours le délai, à compter de l’entrée sur le territoire, pour déposer une demande d’asile en préfecture. Quelles conséquences cela va-t-il avoir pour les demandeurs d’asile ?

Christine Lazerges : Il est difficile dans beaucoup de préfectures de France d’arriver à déposer simplement sa demande d’asile. Le délai est réduit considérablement. Il tombe même à 60 jours en Guyane, alors que les services administratifs sont encore plus engorgés que sur le territoire métropolitain. Or, une fois ce délai expiré, plus rien n’est possible pour le migrant présent sur le territoire de la République. Là où le dispositif dysfonctionne le plus aujourd’hui, c’est dans cette phase avant l’examen par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), et donc avant l’examen d’un éventuel recours par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Le projet de loi prévoit très peu de choses sur cette phase, sur l’accueil du migrant, son hébergement et le dépôt de la demande d’asile. Il faut, non pas un nouveau texte, mais mettre des moyens dans les préfectures pour que les étrangers puissent déposer leur demande d’asile dans les trois jours. Aujourd’hui, en moyenne, ce n’est pas possible avant un mois. Et souvent, c’est deux mois, voire trois mois ou plus.

Le Bondy Blog : Le texte prévoit une réduction des délais d’examen des demandes d’asile à six mois, contre 14 en moyenne aujourd’hui en cas de recours. N’est-ce pas une avancée ?

Christine Lazerges : On ne peut que souhaiter que la procédure soit relativement courte, et plus courte qu’aujourd’hui. Mais on ne peut pas souhaiter que le délai d’appel entre une décision négative de l’Ofpra et le recours devant la CNDA soit réduit. Or, ce délai était d’un mois et il tombe à 15 jours. 15 jours pour constituer un dossier, trouver l’interprète, etc. Et il faut en premier lieu que la personne ait bien eu connaissance de la décision rendue. C’est un délai ridiculement court, avec pour seul objectif de diminuer de façon drastique les appels devant la Cour nationale du droit d’asile. Par ailleurs, le texte comprend une autre mesure très régressive : certains appels ne seront pas suspensifs, donc la personne pourra être reconduite à la frontière, si son pays d’origine est sûr. Or, rien n’est plus mouvant que le caractère sûr d’un pays.

“Nous n’avons pas besoin de nous aligner sur ce qui se fait de pire chez nos voisins européens”

Le Bondy Blog : La durée maximale de rétention administrative pourrait aller jusqu’à 135 jours, contre 45 aujourd’hui. Le ministère de l’Intérieur précise qu’il s’agit de s’aligner sur nos voisins européens. Devons-nous suivre leur exemple ?

Christine Lazerges : Nous n’avons pas besoin de nous aligner sur ce qui se fait de pire chez nos voisins européens. On ferait mieux de s’aligner sur ce qu’il y a de mieux, comme l’octroi de l’asile en Allemagne, beaucoup plus généreux qu’en France. Le délai de 135 jours est extrêmement long et dans des conditions qui ne sont pas acceptables pour un pays comme la France. Les centres de rétention administratifs (CRA) sont le plus souvent des constructions extrêmement modestes, voire des baraquements. Si on peut y passer trois mois, voire plus dans certains cas, nous mériterons des condamnations de la part de la Cour européenne des droits de l’Homme. Nos voisins européens qui prévoient de longues durées de rétentions ont en général des centres qui ne ressemblent pas du tout aux nôtres.

Le Bondy Blog : Ce projet de loi comporte-t-il malgré tout des mesures positives, selon vous ?

Christine Lazerges  : Oui, concernant les étudiants étrangers et le renouvellement du séjour. Les personnes étrangères sur le territoire, en situation régulière, sont tenues à un renouvellement fréquent de leurs papiers, tous les ans ou les deux-trois ans, selon les cas. Ce renouvellement sera moins fréquent. Et pour les étudiants étrangers, ce sera beaucoup plus facile. Le projet de loi est une avancée pour ceux que l’on qualifie de “talents “. Sur ce point-là, c’est un progrès dont on doit se féliciter. Mais pour les plus vulnérables, il rend les procédures encore plus difficiles. C’est donc une avancée uniquement pour l’élite intellectuelle ou sociale des migrants.

Le Bondy Blog : Quelle politique en matière de droit d’asile la France devrait-elle donc mener ?

Christine Lazerges : Si la France veut continuer à se présenter comme le pays des droits de l’Homme, il faut évidemment des moyens dans l’accueil, dans l’hébergement, mais aussi en préfecture. Et plus d’officiers de protection à l’Ofpra pour réaliser des auditions, surtout si on veut aller plus vite. Il faut également plus de rapporteurs à la CNDA. D’une manière générale, nous devrions avoir une interprétation plus large de la Convention de Genève sur le droit d’asile. Nous ne faisons pas partie des pays qui accordent ce droit facilement. Il n’est octroyé que pour des raisons politiques, quand le demandeur d’asile est en danger dans son pays d’origine. Or, sans forcément qu’il y ait une guerre dans le pays d’origine ou des cas de torture, on trouve souvent des situations de dénuement qui s’apparentent à des traitements inhumains.

Propos recueillis par Thomas CHENEL