Pâques Orthodoxe fêtée au Secours Catholique

La Semaine Sainte et la Pâques Orthodoxe de personnes exilées venant de l’Afrique de l’est de passage à Calais

Chaque jour, de 9h du matin jusque dans l’après-midi, l’église Saint Joseph résonnait  de longues mélopées, de lectures bibliques et de profonds silences, la veillée de Pâques de 23H à 3h du matin conclut cette semaine.

« I am very happy »  dit le jeune diacre, visage rayonnant. Il avait tant souhaité célébrer dans une église plutôt que dans un campement  précaire. Joie pour la Maison Maria Skobtsova de se laisser surprendre par les demandes des exilés et de les accompagner.

Les bénévoles du Secours Catholique – Caritas France (SCCF) ouvrent l’accueil de jour le dimanche 28 avril 2019 pour tous souhaitant une belle fête chrétienne aux uns et une fête de la joie aux autres. Les femmes exilées et aidantes avaient préparé la veille « l’injerra » crêpe salée , faisant partie du repas de fête dans certains pays de l’Afrique de l’est, le reste du repas a été offert par la communauté Maria Skobtsova. Habituellement nous n’ouvrons jamais le dimanche mais ils sont venus très nombreux, plus de 150 et une vingtaine de personnes sympathisantes, bénévoles compris. L’ambiance y fut très joyeuse et chaleureuse, nous avions mis de la musique, décoré les tables avec des dessins, des fleurs et des corbeilles faits durant l’accueil de jour, les jours précédents, avec des œufs de Pâques de toutes les couleurs, affiché au mur des « joyeuses Pâques ! » la joie était là. Tout s’est vécu dans la paix.

Merci à tous ceux qui ont préparé de près ou de loin cette fête, merci à tous ceux qui ont aidé au bon déroulement et à la remise en ordre.

A revivre une autre fois !!

Calais, Mai 109, Soeur Joêlle Staquet et Véronique Pigeon, bénévoles de la maison Maison Maria Skobtsova et du Secours Catholique Caritas France (SCCF) respectivement.

Migrants : terminus Bruxelles, gare du nord

Marianne Klaric

Publié le lundi 06 mai 2019 à 18h42
On les appelle les migrants en transit. La plupart ne demandent pas l’asile en Belgique. Ils ont trop peur d’être renvoyés dans le premier pays européen où ils ont mis le pied, en vertu du règlement de Dublin. Souvent, c’est un pays d’Europe du Sud, débordé par l’afflux de réfugiés et incapable de leur fournir l’assistance nécessaire. « En Italie, je devais chercher à manger dans les poubelles », raconte un Africain dans un récent rapport du CIRE (Coordination et Initiatives pour réfugiés et étrangers). Comme ils ne demandent pas l’asile, ils ne reçoivent pas d’aide du gouvernement fédéral via Fedasil.
Au sous-sol de la Gare du Nord, ils dorment sur des cartons, sans accès ni aux douches, ni aux toilettes. Certains ont accepté de nous parler. C’est qu’ils ne font pas confiance aux journalistes. « Dernièrement, un reporter m’avait promis de ne pas montrer mon visage et il ne l’a pas fait. Nous sommes des êtres humains comme vous, nous ne voulons pas être filmés dans cette misère ».

Un jeune Erythréen de 17 ans raconte : « Je ne demande pas l’asile ici. Je suis ici depuis sept mois. Je dors ici. Je suis très déçu par l’Europe. Tout ce qu’ils font, c’est prendre tes empreintes digitales… Et après, tu dois partir. Moi je veux aller au Royaume-Uni. Là-bas, j’aurai un boulot. On y vit très bien ». Vous allez trouver un moyen d’y aller ? Oui, tout ira bien ». Parce qu’en Grande-Bretagne, il n’y a pas de contrôles d’identité. Les migrants sont convaincus qu’ils pourront y travailler même dans la clandestinité. Mais c’est dangereux et de plus en plus difficile d’y aller. « J’essaye chaque semaine. Je connais les endroits où il faut aller (monter dans les camions). Il y a aussi des bus. C’est possible. Vous espérez toujours ? Oui, je n’ai pas le choix. C’est la seule possibilité. J’ai essayé partout »

Un autre, un Soudanais de 20 ans, raconte : « Ici je ne me sens pas en sécurité. Tous les jours, il y a des problèmes. Et puis tu ne sais jamais si tu ne vas pas être pris par la police. On ne sait jamais ce qui peut arriver… Tu voudrais rentrer au Soudan, demande l’interprète. Tu es fou ou quoi ? Rentrer ? Après tout ce que j’ai fait et sans avoir réussi… Ce n’est pas possible ».

En bout de course, la plupart d’entre eux n’osent dire à leur famille qu’ils ont échoué. Ils leur mentent ou alors, ils évitent de les appeler. Au premier étage de la gare, il y a un Hub humanitaire, monté par des ONG et par la Plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés. Médecins Sans Frontières y tient une consultation de santé mentale. « On pensait qu’on allait avoir des troubles de stress post-traumatique à cause de leur voyage. » raconte Xavier Guillemin, psychologue chez MSF. « Mais on s’est trompé. Ici, les gens souffrent principalement de dépression. Après tout ce qu’ils ont enduré, ils arrivent ici et doivent vivre dans des conditions déplorables… Et de poursuivre : « on essaye de leur redonner des repères, mais ça prend du temps. Certains ont été vendus en Libye pour 5 dollars. C’est moins qu’un menu McDo. Ils ont été vendus par les passeurs comme esclaves. Comment refaire confiance en l’être humain après ça ? »

Ces migrants en transit ne survivent que grâce aux dons, aux bénévoles et aux ONG. Pour le gouvernement fédéral, ils n’entrent pas en ligne de compte. « Je n’ai pas l’intention d’installer un centre d’accueil pour des gens qui ne demandent pas l’asile, nous a répondu Maggie De Block, OpenVLD, en charge de la politique d’asile. « Nous n’allons pas résoudre leur situation de cette manière, d’autant que cela va créer un appel d’air ».

Pour la Plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés, l’appel d’air est un épouvantail. « Depuis deux ans, nous organisons un accueil à la Porte d’Ulysse, ou chez l’habitant. On les amène avec des chauffeurs, et on n’a pas vu affluer des hordes de migrants », nous dit Mehdi Kassou, son porte-parole, qui demande ce centre d’accueil et d’orientation.

« Il ne faut pas en faire un problème national, nous dit Pierre Verbeeren, directeur de Médecins du Monde. « C’est gérable. On a déjà le HUB et la Porte d’Ulysse, on peut prendre en charge tous les soirs, six à sept cents personnes. Il leur faut un lieu où ils pourront se poser. Leur état se détériore. Il faut pouvoir faire un travail juridique et d’intégration. Ils veulent contribuer à notre société et vivre mieux ».

Françoise Romnée, bénévole et gestionnaire de la Plate-forme de soutien aux réfugiés de la Gare du Nord, n’a pas sa langue en poche : « J’ai envie de dire au gouvernement fédéral : bouger votre c… imaginez-vous à leur place et tendez-leur la main. Aidez les bénévoles qui travaillent depuis 2015 ».

Depuis que les chauffeurs de De Lijn et de la STIB ont décidé de ne plus s’arrêter à la Gare du Nord, Maggie De Block promet de tout faire pour trouver une solution rapide.

 

Bilan 2018 de l’association Itinérance

 

Le contexte

Lors de la création de l’Association ITINERANCE fin 2015 et au cours de sa première année de fonctionnement, en 2016, l’essentiel de l’activité de l’association était consacré à l’accompagnement des exilés adultes cherchant à rejoindre la Grande-Bretagne, cette population allant jusqu’à dépasser le seuil des 150 personnes sur Dieppe pendant l’été 2016.

Mais en 2017, le contexte a radicalement changé avec une forte diminution de la population migrante adulte, réduite à moins d’une cinquantaine de personnes, et un important développement de la population des mineurs isolés. L’activité de l’Association s’est alors adaptée à cette évolution et en 2017, ses actions se sont recentrées majoritairement sur l’accompagnement des mineurs isolés et des jeunes majeurs.

En 2018, la tendance s’est poursuivie : la population des exilés adultes cherchant à rejoindre la Grande-Bretagne est restée stable par rapport à 2017, autour d’une cinquantaine de personnes sur l’année. Parallèlement, celle des mineurs isolés a continué à se développer, par l’arrivée de près d’une trentaine de nouveaux jeunes mineurs à Dieppe, venant s’ajouter aux 27 jeunes déjà arrivés en 2017. L’activité de l’Association est donc restée portée à environ 80%, sur l‘accompagnement des mineurs.

En 2018, le principal événement marquant pour l’association, en terme organisationnel, a été son installation dans un local en location le 1er juillet 2018. Ce local a permis :

  • La mise en place de 3 permanences hebdomadaires de l’association pour accueillir les personnes exilées (lundi, mercredi et vendredi de 17 à 19h), à partir du mois d’août (soit 60 permanences organisées entre le 1er août et le 31/12/2018).
  • La conduite d’entretiens individuels des exilés que nous suivons (bilans, orientation, etc.).
  • La mise à disposition d’un espace d’information avec documentations, espace cyber ordinateurs mis à disposition et accès à internet.
  • L’organisation de réunions de travail internes à l’association, et avec ses partenaires.
  • L’organisation de petits ateliers de formation (rédaction de CV, etc.) et de cours individuels d’alphabétisation et de renforcement (maths, français, etc.).
  • Le stockage de quelques denrées alimentaires et de produits d’urgence.
  • La distribution de produits d’urgence et de première nécessité (denrées alimentaires,

repas, boissons chaudes, tentes, etc..), préparation de repas chauds, conseils et informations.

  • L’organisation de consultations médicales (Bobologie et pré-diagnostics pour orientation). Une dizaine de consultations ont été dispensées dans le local entre le 1/07 et le 31/12/2018.

 

Au mois de mai 2018, avec l’accord de la Fondation Abbé Pierre qui nous l’avait financé, le camion a été prêté à l’Association de Ouistreham (CAMO) où il est utilisé intensément depuis cette date, car nous n’en n’avions plus l’utilité sur Dieppe.

En 2018, notre partenariat s’est poursuivi avec la Fondation Abbé Pierre (subventions), la paroisse protestante de Dieppe-Luneray (dons réguliers, prêt de la salle Monod pour l’AG et la fête de Noël), l’ONM (prêt du garage, hébergement d’urgence), et Victoric BELLET, avocat. Avec l’ASE, notre partenariat s’est déroulé dans des conditions plus sereines et plus constructives que l’année précédente, facilité par l’organisation de réunions de travail régulières. Les relations avec la Mairie de Dieppe se sont également nettement améliorées en 2018, avec une reconnaissance de nos actions et un certain nombre de pistes de partenariat pour l’année 2019 évoquées au cours d’une réunion constructive avec Le Maire de Dieppe (subvention, soutien pour des solutions d’hébergement pour les jeunes, organisation d’un événement commun pour lutter contre les préjugés, etc.).

Par ailleurs, nous avons apporté tout notre soutien et travaillé en collaboration avec RSM (Rouen Solidarité Migrants) en leur faisant don de tentes, kits hygiène et couvertures, et en participant aux différentes manifestations de soutien à leur cause dans la région rouennaise, notamment lors de l’ouverture et l’expulsion du squatt de la Varenne.

1 – Le suivi des exilés adultes majeurs

En 2018, la population migrante adulte cherchant à rejoindre la Grande-Bretagne a été stable par rapport à 2017 sur Dieppe, en restant à un niveau plutôt bas. Elle s’est limitée à quelques personnes albanaises (une vingtaine environ) et à quelques petits groupes de 2-3 personnes venant ponctuellement à Dieppe pour quelques jours afin de tenter un passage en Angleterre. Dans ce dernier groupe, nous avons essentiellement accueilli des exilés irakiens kurdes (15 personnes), des Iraniens (10 personnes) et des Egyptiens (8 personnes).

Sur l’année 2018, ce sont au total 55 personnes exilées adultes de passage à Dieppe qui ont pu continuer à bénéficier de notre fonds d’urgence (tentes, nourriture, couvertures, vêtements), de conseils et d’accompagnement (santé, mise à l’abri, hygiène, administratif).

 

 

2 – Le suivi des mineurs isolés et jeunes majeurs sur Dieppe

Au total, depuis le début de notre action en faveur des mineurs en décembre 2016, notre Association ITINERANCE a été amenée à suivre au total 74 jeunes mineurs isolés. En 2018 plus précisément, nous avons assuré l’accompagnement de 56 jeunes, dont 27 qui étaient arrivés sur Dieppe en 2017, et auxquels sont venus s’ajouter 29 nouveaux jeunes mineurs arrivés au cours de l‘année 2018. Parmi ces jeunes, 47 étaient pris en charge par l’ASE dans les hôtels Formule 1, Crocus et B&B, tandis que 9 autres ne l’étaient pas ou plus, parmi lesquels : 4 jeunes majeurs en appartement et 5 jeunes dont la minorité n’avait pas été reconnue par le Département. Nous avons alors dû les héberger via notre petit réseau de familles volontaires. Des recours ont permis par la suite de les faire prendre tous en charge.

En 2018, les différentes actions d’Itinérance menées en faveur des mineurs isolés et des jeunes majeurs ont été plus précisément les suivantes :

Formation : 1300 heures de cours et de formation dispensées, via notre réseau d’une dizaine de bénévoles enseignants. Des cours de français ont été organisés à la Maison Jacques Prévert chaque mardi et jeudi soir, le vendredi matin au CFA de Dieppe à partir d’avril, et dans notre local, ce dernier étant plutôt dévolu à des cours particuliers de soutien scolaire (maths, physique, etc.). Les jeunes ont été également été accompagnés pour participer à des ateliers à la Maison Jacques Prévert : 5 ateliers « cuisine » avec l’ITEP, ateliers informatiques et ateliers rédaction de lettres et CV.

– Mise à l’abri, hébergement solidaire : 936 nuitées ont été assurées par  25 familles/personnes bénévoles (dont 2 sont entrées dans le dispositif « Tiers Accueillant Bénévole » du Département et 1 « Tiers Digne de Confiance ») pour mettre à l’abri des mineurs à la rue, en attente de leur évaluation, refusés ou sortis de l’hôtel par l’ASE et 1 avec projet professionnel à Paris (Nina Ricci).

– Transport : en 2018, les bénévoles de l’Association ont parcouru près de 30 000 km avec leurs propres véhicules, pour conduire les jeunes mineurs à des rendez-vous administratifs, sur leurs lieux de stage, de travail ou d’apprentissage, ou pour leur permettre de participer à des évènements particuliers (sorties loisirs, ateliers, etc.).

Accompagnement juridique des jeunes : grâce à un partenariat étroit avec le cabinet EDEN et Clémence FLAUX à Rouen, avec le Cabinet de Victoric BELLET sur Dieppe, notre Association a, autant que nécessaire, accompagné les jeunes dans des actions en justice pour faire valoir leurs droits en matière de mise en l’abri, de prise en charge par l’ASE, et de reconnaissance de leur minorité (10 Mineurs dont 9 ont été  pris en charge  suite aux recours : référés liberté, audiences juge des enfants, cour d’appel… (1 est encore en cours, suite à des complications documentaires). A noter,  1 demande d’asile également en cours pour 1 des mineurs. 2 jeunes majeurs ayant reçu une OQTF fin 2017 sont toujours suivis.

Soutien logistique pour l’autonomisation des jeunes majeurs en appartements : accompagnement dans la recherche d’appartements, initiation à la citoyenneté et à la gestion des budgets, soutien logistique pour les emménagements, appel aux dons en mobiliers et équipements, fourniture de fonds alimentaires (5 jeunes dont 3 que nous avons aidé à s’installer à Rouen).

  • Recherche de stages et contrats d’apprentissage, médiation, placement et suivi : plus forts de notre expérience de l’année précédente, nous avons prospecté auprès des entreprises locales, pour trouver des employeurs intéressés par la signature de stages et de contrats d’apprentissages avec les jeunes. Au total, ce sont 20 contrats d’apprentissage (13 à Dieppe, 5 à Rouen, 1 à Paris) qui ont été conclus en 2018, c’est-à-dire pour la quasi-totalité des jeunes arrivés au cours de l’année, à l’exception d’un seul, scolarisé au collège. Une vingtaine de stages également ont été suivis par des jeunes envoyés ensuite au Havre ou à Rouen (la majorité en Cuisine, Boulangerie, Pâtisserie , 2 en hôtellerie, 1 en Maçonnerie, 1 en Coiffure).

Pour certains jeunes ne maîtrisant pas du tout la langue française à leur arrivée, et pour lesquels il n’y avait pas d’urgence compte-tenu de leur jeune âge, nous avons intensifié l’apprentissage du français pour leur permettre de démarrer leur apprentissage en 2019 dans de meilleures conditions    .

Dans leur grande majorité, les contrats d’apprentissage ont été conclus avec des Restaurateurs (10 en Cuisine, 2 en Hôtellerie, 3 en boulangerie, 2 en Pâtisserie, 1 en peinture, 1 en plomberie, 1 en Couture). Les bénévoles d’Itinérance ont également effectué un suivi régulier des jeunes en stage/apprentissage et sont notamment intervenus tant que nécessaire en tant que médiateurs et « facilitateurs » entre les jeunes, les employeurs, les organismes de formation et les organismes signataires des conventions (Mission Locale, Département, CFA, Chambre des Métiers). Les difficultés rencontrées en début d’année pour obtenir la signature des conventions de stages ont par exemple pu se trouver résolues suite à notre interpellation du Président du Département.

Organisation d’évènements spécifiques : participation à 2 ciné-débats à Veules-Les-Roses (« Les réfugiés de St-Join » le 8/03/18) et organisation d’un ciné-objectif à Dieppe (23/05/18) autour du film « J’ai marché jusqu’à vous » de Rachid Oujdi, fête de Noël (17/12/2018) avec distribution de cadeaux pour les jeunes.

Participation à une quinzaine d’évènements locaux avec les jeunes, culturels, sportifs et professionnels : fête de la citoyenneté du lycée Agricole d’Yvetôt (16/02/18), 5 ateliers « cuisine » à la Maison Prévert avec l’ITEP, Forum de l’Alternance à Neuville-les-Dieppe (16/04/2018), réunions d’informations aux CFA Bâtiment et Métiers de Bouche et Services (1/06/18), Gala de boxe maison des Sports de Dieppe (15/04/18), bal afro participatif à Rouen Compagnie DonKaDi (1/06/18), Fête du Nautisme de Dieppe (10/06/18), séance de cinéma à DSN (Makala, le 25/03/18), ciné débat à Veules-les-Roses (12/07/18), rendez-vous « coupes de cheveux » à l’école de coiffure du CFA (14/01/2018).

D’une manière générale, 2018 a été assez chaotique en interventions auprès du Département, suite au transfert des évaluations de la minorité, pour tous les jeunes du Département de Seine Maritime au CAPS à Petit Quevilly et de la création de L’UMNA (Unité des Mineurs Non Accompagnés) à l’Hôtel du Département à Rouen.

Suite à nos interpellations, nous avions pu obtenir un rendez-vous avec la Vice-Présidente du Département, le chef de Service de la Protection de l’Enfance et le chef de Service des Solidarités. Ce rendez-vous s’est avéré extrêmement décevant, nos interlocuteurs, assumant complètement les manquements du Département et s’en remettant à la Société Civile. Un point positif cependant,  une rencontre mensuelle pour faire le point sur le suivi des jeunes nous a, dès lors, été proposée par les services de l’ASE de Dieppe. Nous avons pu obtenir une avancée sur les conditions de prise en charge globale des jeunes (cartes de bus, repas mieux adaptés…) et individuelle (difficultés, besoins particuliers, passage à la majorité) et surtout être considérés comme des partenaires à part entière.

 

Au cours de l’été 2018, le Responsable de l’Equipe Educative de l’ASE de Dieppe nous annonçait sa demande au Département de ne plus envoyer de jeunes à Dieppe, compte-tenu du manque de formation de l’équipe et du manque de moyens d’hébergement adaptés (uniquement en hôtel). Certains jeunes, n’ayant pas encore de projet professionnel confirmé, ont alors été transférés à Rouen en appartements ou hôtels. 9 jeunes, en apprentissage, ont été maintenus à l’hôtel F1 de Dieppe (4 étaient en familles de notre réseau).

 

Cette situation restera stable jusqu’au tout début du mois de mars 2019, date à laquelle l’ONM sera retenu par le Département pour ouvrir et gérer des appartements sur Dieppe destinés à accueillir les mineurs isolés, en remplacement des hébergements hôteliers. Une évolution très positive sur Dieppe saluée par notre Association, qui a été sollicitée par l’ONM pour la mise en place d’un partenariat concret entre nos deux organismes. En Mars et avril 2019, 11 nouveaux jeunes seront alors transférés de Rouen à Dieppe pour être installés dans ces nouveaux appartements. A la fin du premier trimestre 2019, le nombre de jeunes suivis sur Dieppe par l’Association Itinérance repartira donc à la hausse : 23 jeunes, dont 20 jeunes placés dans les appartements de l’ONM, et 4 nouveaux jeunes arrivés spontanément, suivis et mis à l’abri par l’Association dans l’attente de leur prise en charge par l’ASE.

 

Grande Synthe : le gymnase, une solution d’urgence qui dure

http://www.nordlittoral.fr/124593/article/2019-05-01/migrants-le-gymnase-une-solution-temporaire-qui-dure

Ouvert aux exilés installés dans la commune, l’espace jeunes du Moulin
ne désemplit pas et il n’est pas question d’en fermer les portes.

➱ Cinq mois plus tard, le dispositif d’urgence est toujours en place.

➱ La solution d’hébergement temporaire devient permanente, mais aucune
solution alternative ne se dessine.

Avec le temps qu’il fait en ce moment, ça fait du bien d’avoir un
endroit où s’abriter », résume Hadnan, Kurde irakien trentenaire.

Comme lui, environ 500 personnes ont trouvé refuge à l’espace jeunes du
Moulin.

« Le climat est plus serein ici que lorsque c’était dans des sous-bois
du Puythouck, c’est sûr. »

Quelques familles sont également encore hébergées au centre de culture
populaire du Puythouck.

L’endroit est géré par la Ville de Grande-Synthe avec le soutien des
associations.

« Le climat est plus serein ici que lorsque c’était dans des sous-bois
du Puythouck, c’est sûr, confie une bénévole humanitaire.  Il n’y a plus
d’opération de police à répétition. Ce n’est pas la meilleure des
solutions, mais ça répond à un besoin au moins… »
Une visite ministérielle express

Ce sont principalement des hommes kurdes irakiens qui résident à
l’espace jeunes du Moulin.

Jeudi dernier, les résidents ont eu l’occasion de croiser l’ambassadeur
d’Irak en France accompagné du ministre de l’Immigration irakien.

« Ce n’est pas quand ils arrivent en face des côtes anglaises qu’on va
les décourager. »

Les dignitaires, accompagnés du sous-préfet de Dunkerque, sont venus
échanger avec eux dans l’espoir de les inciter à un retour au pays.

« Ça n’a pas vraiment marché, assure un autre bénévole. Beaucoup n’ont
plus rien là-bas ou rejoignent de la famille en Grande-Bretagne. Ce
n’est pas quand ils arrivent en face des côtes anglaises qu’on va les
décourager. »
« Ils sont la cible d’un acharnement de la police »

Si, depuis l’ouverture du gymnase en décembre dernier, aucun incident
majeur n’a été relevé, les associations ont notamment des inquiétudes
pour un groupe originaire du Pakistan, installé dans la zone du
Puythouck.

« Ils ne cohabitent pas avec les Kurdes et restent donc dans les bois.
Mais ils sont la cible d’un acharnement de la police », dénonce
différentes associations comme l’Auberge des migrants ou Drop
Solidarité.

Sur les réseaux sociaux, les deux associations évoquent des usages
démesurés de la force lors d’opération de démantèlement.

« Eux n’ont pas de solution d’hébergement. Si quelque chose était
proposé pour les accueillir, ça changerait la donne. »

Pour l’heure, aucune solution particulière ne se dessine, puisque
l’espace jeunes est déjà plein et que la Ville ne peut pas se permettre
d’ouvrir un nouveau lieu.

Pourquoi le nombre de migrants baisse-t-il dans le Calaisis ?

Calais Pourquoi le nombre de migrants baisse-t-il dans le Calaisis?

Combien sont-ils ?

Moins nombreux dans les rues de Calais, même en périphérie, depuis plusieurs semaines, les migrants sont, selon la préfecture du Pas-de-Calais et François Guennoc de l’Auberge des migrants, « entre 250 et 300 » dans le Calaisis. Un nombre en baisse par rapport aux années précédentes. Juste avant le démantèlement de la « jungle » en octobre 2016, ils étaient plus de 7 000 à vivre dans le camp. En octobre 2018, ils étaient environ 700.

« Les exilés sont découragés »

Le 2 mai 2019, les migrants à Calais, à proximité de la rocade portuaire. PHOTO JOHAN BEN AZZOUZ LA VOIX DU NORDLe 2 mai 2019, les migrants à Calais, à proximité de la rocade portuaire. PHOTO JOHAN BEN AZZOUZ LA VOIX DU NORD – VDNPQR

Pour François Guennoc de l’Auberge des migrants, qui n’a « jamais vu si peu d’exilés » depuis son arrivée en 2014, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse : « Il y a eu quelques traversées réussies en bateau vers l’Angleterre mais la pression policière reste importante. Les démantèlements à répétition et l’installation de grillage entre le chemin des Dunes et la rue des Verrotière les ont découragés. »

Selon lui, aujourd’hui, Érythréens, Éthiopiens, Afghans et Pakistanais vivent à Calais « dans des conditions toujours très difficiles »

« Ce n’est pas le fruit du hasard », pour le préfet

Selon la préfecture du Pas-de-Calais, 250 migrants sont présents dans le Calaisis.Selon la préfecture du Pas-de-Calais, 250 migrants sont présents dans le Calaisis. – VDNPQRDu côté de la préfecture du Pas-de-Calais, on estime que « ce n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat d’une lutte déterminée de l’État pour éviter les zones de non-droit, bonnes ni pour les Calaisiens ni pour les migrants. C’est aussi grâce à une lutte accentuée depuis trois ans contre les réseaux de passeurs ».

Selon le préfet, Fabien Sudry, 14 filières auraient été démantelées depuis le début de l’année, contre 26 en 2018 et 24 en 2017. « Ce travail a un impact dissuasif, les intrusions au port et au Tunnel sous la Manche ont beaucoup diminué et l’économie du Calaisis va mieux », selon le préfet, qui rappelle qu’à chaque démantèlement, des propositions de départs en CAES sont faites. Depuis août 2017, 2 050 migrants seraient allés dans des centres d’hébergements.

Les migrants tentent de plus en plus loin

Pour Pascal Marconville, procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, cette baisse de nombre de migrants est liée à plusieurs facteurs : « Les migrants montent dans des camions de plus en plus loin sur le territoire français ou en Belgique. Il est de plus en plus difficile pour eux de passer depuis Calais. »

Il précise également que les réseaux de passeurs se diversifient « de la Scandinavie jusqu’au Pas-de-Calais ». Selon le préfet du Pas-de-Calais, environ 60 % des migrants grimpent dans des camions en Belgique, 15 % à Calais et 15 % à Dunkerque. Avant, la majorité partait de Calais.

Radioparleur // A Ouistreham, histoire de solidarité avec les réfugié.e.s

https://radioparleur.net/2019/04/26/a-ouistreham-histoires-de-solidarites-avec-les-refugies/

Scarlett Bain
26 avril 2019

En Normandie, le collectif d’aide aux migrants de Ouistreham (CAMO) existe depuis septembre 2017. Une structure devenue indispensable dans cette ville portuaire. Les personnes réfugié.e.s y attendent leur visa et espèrent franchir le bras de mer qui les sépare de l’Angleterre. Michèle et Laëtitia font partie des 160 bénévoles. Leurs témoignages reflètent l’humanisme à l’origine de la création du CAMO.

Ce samedi matin de mars 2019, dans les rues de Ouistreham, Michèle nous guide lors d’une visite pas comme les autres. Cette femme d’une soixantaine d’années, dynamique, démonstrative, déterminée à aider les personnes réfugié.e.s. En voiture avec Michèle, des arrêts sont régulièrement marqués sur les lieux de leurs errances. Là où les jeunes, parfois très jeunes, Soudanais et Tchadiens attendent, espérant embarquer à bord d’un ferry vers leur destin anglais.

À Ouistreham, l’arrivée de ces hommes, qui sont aujourd’hui environ cent-soixante, remonte à l’été 2017. Elle découle du démantèlement de la jungle de Calais. En réaction à celle-ci, certains résidents de Ouistreham et des environs ont créé le CAMO, dont Michèle est membre. Le CAMO se structure en différents pôles : CAMO Repas, CAMO Santé, CAMO Administration, CAMO Vêtements et CAMO Dodo.
Un port transformé « en ghetto »

Le trajet débute à l’entrée de la ville portuaire. Michèle indique les ruisseaux dans lesquels les réfugiés se cachent en guettant le passage des camions. Aux abords du port, en passant devant le petit square, elle précise, « ici normalement l’endroit est investi parce qu’il y a un abri, mais là il est totalement vide. Il n’y a plus un migrant, c’est la preuve de l’efficacité policière d’un harcèlement qui a fonctionné ». À Ouistreham, les dispositifs pour faire fuir les migrants se sont largement renforcés. Des brigades mobiles de gendarmerie changent toutes les semaines et surtout les contrôles aux abords du ports prennent des formes inhumaines.

Ce port, Michèle en fait une description saisissante : « Il est transformé en ghetto, il rappelle des lieux autrement plus sinistres. À l’origine, il était entouré de deux clôtures, dont l’aspect s’est modifié l’année dernière, avec des barbelées au-dessus, comme dans les camps de concentration. Maintenant, nous en sommes à quatre clôtures avec un nouveau dispositif de pics. Si des réfugiés essaient de l’enjamber, ils pourraient s’empaler dessus ».
Clôtures, barbelés et pics encercle le port de OuistrehamClôtures, barbelés et pics encerclent le port de Ouistreham. Crédit: Scarlett Bain pour Radio Parleur.
Portrait d’un engagement sans faille

Michele raconte « le début de solidarité » manifeste chez certaines « figures ouistrehamaises ». Dont une poissonnière, bien connue des locaux, a fait partie des premières à faire un geste, afin d’améliorer le quotidien de ces jeunes hommes. Et pourtant, elle-même l’a confié à Michèle, au début elle n’était pas aidée « par son con de mari raciste ». Un mari qui, finalement, a lui aussi appris à secourir ceux qu’il nommait « ces grands noirs ». L’histoire de cette poissonnière marque les prémices de l’engagement de Michèle dans le CAMO. Michèle se dit « dévastée » par le traitement que la population et surtout le maire réservait à ces hommes. Elle décide alors d’en héberger et contribue à la création du pôle CAMO Dodo.

Le délit de solidarité n’effraie pas Michèle : « mais alors, pas le moins du monde » insiste-t-elle. Malgré une arrestation et « une gentille leçon de morale », tant que des personnes auront besoin de son aide, sa porte restera ouverte. Elle explique cet engagement : « la conviction des jeunes à s’entêter à vouloir aller en Angleterre fait écho à notre ténacité à vouloir les aider. On peut nous envoyer cinquante fois au tribunal, mais si on a envie d’héberger on hébergera, c’est clair ».

Michèle rencontre ces jeunes lors des distributions de repas organisées par le CAMO Repas. Elle propose un logement aux plus jeunes, selon elle, « les plus fragiles ». La bénévole revient sur le lent processus durant lequel la confiance s’établit pour que le jeune accepte d’être logé et puisse se sentir un peu chez lui. Elle éclaire aussi la nature du lien qui doit unir les bénévoles à ces personnes : « On est une étape dans leur existence. On n’est ni le père, ni la mère, ni la famille… C’est une position délicate, surtout pour l’affect, mais globalement c’est très enrichissant ».
« Ce sont des jeunes avec plein d’espoir »

Toujours ce samedi matin, Michèle prend la direction du quai Charcot. Au bout du chemin de Halage, la distribution d’un petit déjeuner est en cours. Une soixantaine d’hommes majoritairement Soudanais et Tchadiens échangent avec les bénévoles. le collectif tient une permanence de tous ses pôles. Un ancien camion de pompier accueille les consultations médicales, un coffre de voiture abrite des kits d’hygiène, sur des étals des vêtements s’amoncellent… Sur plusieurs grandes tables, se trouvent des boissons et nourritures.

Depuis novembre 2017, Laëtitia, la trentaine, s’occupe de la distribution des habits collectés. Avec l’humilité des gens qui agissent, elle analyse son travail quotidien : « Les gens ont tendance à penser que parce que les migrants ont des besoins on leur donne tout et n’importe quoi. Mais ce sont des adolescents et ils ont la même mode que les nôtres. Ce sont des jeunes avec plein d’espoir. L’apparence et les vêtements font partie aussi d’une toute petite part de leur moins mal-être ». Le but est bien là : satisfaire les besoins les plus urgents, sans déroger au droit à l’intégrité et à la dignité de ces hommes.
Ouistreham, vue sur le canal de l’Orne, depuis le lieu de la distribution du CAMO.Ouistreham, vue sur le canal de l’Orne, depuis le lieu de la distribution du CAMO. Crédit : S. Bain pour Radio Parleur

Au bord du canal de l’Orne où les canards cancanent, le rendez-vous peut prendre un air bucolique. Ici, on s’appelle par son nom, on discute, on rigole. Rares sont les confidences sur les atrocités vécues, mais ce jour-là Abdallah, jeune adolescent de 15 ans accepte de partager son quotidien. « Au Darfour, on a été chassé, en Lybie on a été torturé, on vient ici on nous maltraite… ». Abdallah décrit l’action des gendarmes, « on nous gaze, on nous matraque, on nous emmène en voiture et on nous dépose à 5 kilomètres d’ici ».
Un seul rêve : l’Angleterre

Pire, il semblerait qu’au cours de plusieurs arrestations, le traducteur présent ait menti sur l’âge des interpellés. Michèle assure qu’Abdallah n’est pas le seul à faire le récit de cette ignominie. Abdallah précise les faits: « un ami parlant français a assisté à des scènes de ce genre ». Alors le jeune adolescent s’interroge et tranche : « Où est-ce qu’on peut aller, qu’est-ce qu’on peut faire en France ? On veut aller en Angleterre ».

Le séjour dans l’Hexagone de ses personnes réfugié.e.s se déchire entre violences infligées par les appareils d’État et la solidarité de ceux qui s’organisent pour les soutenir. Michèle et Véronique font parties de ces hommes et de ces femmes qui s’activent au quotidien pour montrer qu’un autre accueil en France est possible. Reste que ce serait à l’Etat et aux collectivités de prendre leurs responsabilités.
À Ouistreham, un reportage réalisé par Scarlett Bain

La police des migrants

La Police des Migrants sous la direction de Michel Agier

collection Babels editions le passager clandestin

Pour qui s’intéresse, fréquente, soutient les migrants ici en France, la police, l’intervention de la police d’Etat est un motif de colère, de dégoût, d’incompréhension la plupart du temps. Il est facile de comprendre, sur le terrain, que ce n’est pas le fait de telle ou tel policier. Il était temps de réfléchir à ce qu’est la police dans un état européen comme le nôtre, quels rôles elle tient en réalité. Ce petit livre y contribue de manière assez heureuse. Comme les autres opus de la collection Babels il est le fruit du travail de chercheurs de terrain1, de leur réflexion et de leurs confrontations, sous la direction et l’orientation de Michel Agier. A quoi s’ajoutent des références bienvenues à des travaux sociologiques dans des domaines voisins2, qui permettent d’élargir encore le point de vue. Cela donne un livre court, ramassé, agréable à lire et qui ouvre la réflexion.

Que les personnes migrantes franchissent les frontières de manière régulière ou non, les forces de police sont les 1ères représentantes de l’Etat qu’elles rencontrent. Violences, contrôles répétés, destruction des campements ce sont les réalités des frontières de l’Europe.

La recherche historique permet de pointer que la gestion policière des migrations est précédée au XIX ème siècle par la gestion des mobilités des « indigents, des criminels, et des vagabonds » d’abord autochtones. La création de fichage permet de surveiller les exclus de la citoyenneté en même temps que la distinction entre nationaux et étrangers. Au XXeme siècle , à la suite de la décolonisation, la régulation des migrations se fait à travers les régularisations jusque dans les années 70. La PAF devient chargée de lutter contre l’immigration irrégulière à cette période. L’accord (1985)puis la convention(1990) de Schengen, en renforçant le contrôle aux frontières de l’Europe entraîne un épaississement de la frontière : moyens de contrôle renforcés, visas obligatoires, technologies biométriques pour les documents, d’où l’apparition de voies d’entrée différentes et dangereuses. Dans le vocabulaire, l’étranger devient le travailleur immigré, puis le sans papier, le réfugié et maintenant le migrant, le mot révélant le caractère transitoire de sa présence et la menace que constitue « le potentiel migratoire » de l’Afrique en particulier. Les pratiques policières changent d’échelle, le contrôle de l’immigration commence dans le pays d’origine, ou dans les pays limitrophes de l’Europe.

Le répertoire d’action de la police et les expériences des personnes migrantes s’organise autour du tryptique «  Filtrer, disperser, harceler », c’est ce qu’on retrouve sur les différents lieux d’enquête.

Pour filtrer à la frontière en un temps qui n’entrave pas le flux des voyageurs, les forces de l’ordre doivent déterminer le plus efficacement possible les personnes à contrôler. Cela est laissé à leur propre appréciation, leur « flair », et aboutit à ce qu’on observe : une différenciation selon l’apparence, l’âge, le genre, la couleur de peau des voyageurs et voyageuses, une logique de racialisation. Les pratiques de filtration relèvent aussi du contexte politique frontalier : ainsi, à la frontière entre la république tchèque et l’Autriche, lutter contre l’immigration irrégulière et contre les formes de criminalité engendrées par elle est une façon de s’européaniser, et d’effacer son passé communiste.Ailleurs, la mise en scène du refoulement des étrangers ou de leur expulsion sert également des objectifs de politique intérieure. Les pratiques de filtration sont aussi sous la pression des nécessités économiques : laisser passer les touristes,les travailleurs transfrontaliers, et les personnes ukrainiennes, bulgares et roumaines recrutées par le ministère des affaires sociales. Contrôler les autres et les refouler.

A la frontière maroco-espagnole, c’est le tri selon un système carrément raciste et genré. Les personnes sub-sahariennes , noires, n’ont absolument pas accès aux bureau de demande d’asile. Si elles arrivent à franchir l’entrée dans les territoires espagnols, elles sont encore discriminées ensuite pour accéder à l’Espagne.

Une fois la frontière franchie, à l’intérieur du territoire, les contrôles sont les outils du quotidien notamment dans les grandes villes. Associés à la menace d’expulsion, ils amènent les personnes migrantes à des pratiques d’évitement, de dissimilation, voire de réclusion. Il ne s’agit pas seulement de mener à une expulsion, mais aussi d’imposer un ordre social, pas seulement de délimiter des territoires, mais séparer des populations.

Les expulsions, qu’elles soient vers le pays d’origine, ou vers le pays de « première frontière », ou même de dispersion à travers le territoire sous couvert de protection et de mise à l’abri, contribuent ainsi à balloter les personnes, les insécuriser, les humilier, et parfois les mettent en danger vital , tant la notion de « pays sûr » est discutable.

Aux côtés des agents des forces de l’ordre, un nombre croissant d’acteurs est impliqué dans le contrôle des migrant.e.s : agents de la CPAM, contrôleurs SNCF, sociétés de transport ( ferries, bus,) employeurs, écoles et collèges, agents de sécurité en tous genres. Sans compter les milices ou comités de quartier parfois. Dans ce contexte, les migrants intériorisent l’idée que certains lieux leur sont interdits, et alors, jusqu’où les logiques du contrôle policier vont-elles ? Et alors, comment faire confiance ? Ce qui entrave la vie relationnelle, mais aussi l’accès aux soins, à la justice …

Expulser ou au moins disperser les migrant.e.s, les invisibiliser, faire du chiffre, c’est aussi une arme électorale. Refouler « à chaud » sur certaines frontières est parfaitement admis, c’est une violence terrible en même temps qu’un déni du droit d’asile. En mer la surveillance frontalière comporte une injonction contradictoire de sauvetage en mer et de limitation d’arrivée, donc de refoulement. Et de mise en danger.

Les interventions répétées sur les lieux de vie, la destruction d’effets personnels, les contrôles répétés permettent aux forces de l’ordre d’exercer une emprise, de contribuer à invisibiliser, à empêcher tout lien social et ainsi à marginaliser les personnes migrantes.

La violence réduit ceux et celles qui la subissent au statut de migrant, escamotant les singularités . Il est rare qu’elle détourne les personnes de leur projet migratoire, mais il est habituel que cela leur rende la vie impossible et insupportable. Parfois elle décourage, parfois aussi elle précipite l’engagement de migrant.e.s et de leurs soutiens. Il y a donc un répertoire des actions de soutien et de résistance des divers lieux.

Confier à la police le traitement de questions sociales amène inévitablement à la violence, telle est la conclusion. Parler de police des migrants, c’est cerner une nouvelle figure de l’étranger : le migrant, mobile, précarisé, errant. Il ne faut pas oublier la place qu’il prend dans l’économie, du fait même de sa précarité et de sa mobilité. Mais le régime policier de contrôle s’accompagne aussi d’un gouvernement humanitaire des populations migrantes. Ce qui signifie que les mesures sécuritaires sont recouvertes d’un vernis humanitaire : ainsi les expulsions se font souvent sous prétexte de mesures d’hygiène, et sont nommées « mises à l’abri ». La surveillance des eaux territoriales passe pour du secours en mer. Les autorité européennes développent des programmes visant à protéger les candidats à la migration contre leur propre volonté de tenter une traversée périlleuse alors que ce sont les règlements européens qui créent le danger. Présenter les migrant.e.s comme inconsicents et irresponsables, au mieux victimes, et les empêcher de se constituer comme sujets politiques, voilà l’enjeu.

1Les terrains sont les frontières : franco-anglaise dans le Nord de la France, maroco-espagnole à Ceuta et Melilla, austro-tchèque, et les îles grecques.

2Pratiques de contrôles au facies ailleurs qu’à la frontière, Expulsions des personnes roms depuis 2014, souffrances à la frontière et santé mentale.

Libération // Migrant.e.s en Libye : huit ONG trainent la France au tribunal

Par Pierre Alonso et Kim Hullot-Guiot — 24 avril 2019 à 20:46

Dans le centre de détention d’Abou Slim à Tripoli, en 2017. Photo Guillaume Binet. Myop

Plusieurs organisations de défense des droits humains s’associent pour déposer ce jeudi des recours en justice contre la livraison de six bateaux par le ministère des Armées aux gardes-côtes libyens.

  •  Migrants en Libye : huit ONG traînent la France au tribunal

La France complice des exactions commises en Libye contre les exilés ? Amnesty International, Médecin sans frontières et six autres ONG estiment en avoir la preuve, fournie par le ministère des Armées français lui-même. Le 21 février dernier, la porte-parole du ministère annonçait la livraison prochaine de six embarcations à la Libye. La décision avait été actée quelques jours plus tôt, lors d’une rencontre entre Florence Parly et Faïez el-Sarraj, le chef du gouvernement d’union nationale, en marge de la conférence de Munich sur la sécurité. Ces embarcations doivent aider Tripoli à lutter contre l’immigration illégale, avait alors indiqué l’exécutif français.

Huit ONG déposent ce jeudi devant le tribunal administratif de Paris des recours pour s’opposer à ces livraisons destinées aux gardes-côtes libyens. «Aller en justice est un acte important car il permet à la fois de demander au gouvernement de justifier cette livraison de bateaux et d’en demander la suspension», argumente Lola Schulmann, chargée de plaidoyer sur la question des réfugiés à Amnesty.

En Libye, où les migrants interceptés sont reconduits, les mauvais traitements sont généralisés dans les centres de rétention officiels et clandestins, rappellent les ONG (lire ci-contre). Une source gouvernementale assurait mercredi que «l’accord [était] conclu avec la marine, qui lutte contre tous types de trafics, pas avec les gardes-côtes».

Absence de solidarité

Aucun n’a encore été transféré. Les deux premiers le seront en juin, gratuitement comme les quatre autres. Le ministère les a acquis auprès du fabricant, l’entreprise Sillinger, qui équipe aussi des forces spéciales. Il s’agirait de modèles 1200 Rafale, des bateaux de presque 12 mètres, très rapides, pouvant embarquer jusqu’à 25 personnes. Selon les informations données par Sillinger sur son site internet, des supports pour mitrailleuses à l’avant et à l’arrière sont disponibles en option. Ce qui inquiète les ONG. «Si la France avait voulu donner des bateaux pour faire du sauvetage en mer, elle aurait fourni d’autres types de bateaux. Sur le site de Sillinger, on voit bien qu’il y a des bateaux spéciaux pour le sauvetage en mer», remarque Lola Schulmann.

«Ces bateaux sont les symboles de l’externalisation des frontières européennes», poursuit-elle. Si les responsables politiques réfutent le terme, les navires cédés à la Libye semblent effectivement en être une énième étape. En 2016, un accord controversé entre l’Union européenne et Ankara a été conclu dans le but de renvoyer vers la Turquie les migrants foulant les îles grecques. La Turquie étant alors considérée comme un «pays tiers sûr» et pouvait traiter de ce fait les demandes d’asile selon des standards jugés acceptables par l’UE.

Un an plus tard, Rome a signé un accord migratoire directement avec Tripoli afin de limiter les arrivées sur son sol, en échange d’un soutien financier et technique. Que l’Italie soit le premier pays européen à avoir conclu un tel contrat avec la Libye n’a rien de surprenant. L’absence de solidarité entre Etats membres sur le dossier migratoire – caractérisée par le règlement Dublin II selon lequel le pays responsable de l’instruction d’une demande d’asile est le premier Etat européen dans lequel la personne cherchant une protection a laissé ses empreintes – a laissé la Botte en première ligne.

Le 6 août 2018, sur fond de fermeture des ports siciliens aux navires humanitaires, le Parlement italien, dominé par l’extrême droite et les populistes, a ainsi voté la cession de 10 Zodiac et de 2 navires aux Libyens, à des fins de lutte contre l’immigration clandestine. Un mois plus tôt, le 28 juin, l’Union européenne avait reconnu Tripoli responsable des opérations de secours en mer entre ses côtes et celles du sud de l’Europe, qui relevaient jusque-là des Italiens. Et tant pis si selon un rapport de 2016 de Frontex, l’agence officielle européenne de gardes-côtes et gardes-frontières, donc peu soupçonnable de militantisme, «des membres des autorités locales de Libye sont impliqués dans des activités de contrebande». Le document faisait également état de témoignages selon lesquels certains passeurs portaient des uniformes libyens, rappelle Politico. Un rapport de l’ONU datant de décembre va dans le même sens.

«La France ne peut pas appuyer les gardes-côtes libyens sans garantie sur le traitement des personnes», critique Lionel Crusoé, l’avocat qui porte les recours des ONG. Il rappelle que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme oblige les signataires à ne pas exposer, même indirectement, des personnes à des traitements inhumains ou dégradants. Les organisations invoquent aussi le droit d’asile à l’appui de leur requête : en fournissant du matériel aux gardes-côtes libyens, la France rend possible le refoulement des exilés, sans même qu’ils aient pu déposer leur demande d’asile. La Libye n’étant en outre pas signataire de la convention de Genève, elle n’est «pas du tout en capacité d’accueillir des personnes en recherche de protection», selon Lola Schulmann .

Effroi

Il y a enfin la question de l’embargo sur les armes à destination de la Libye. Instauré en 2011 par le Conseil de sécurité de l’ONU, il n’a pas été levé depuis. Il existe bien des dérogations, notamment pour le «matériel militaire non létal destiné exclusivement à un usage humanitaire ou de protection», mais pour les huit organisations, la lutte contre l’immigration illégale n’entre pas dans ce cadre. Elles rappellent que l’UE a aussi décrété en 2015 un embargo sur la Libye prohibant tout transfert des «équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne». Pour Aymeric Elluin, d’Amnesty, c’est ici le cas : «Les personnes interceptées en mer sont ensuite envoyées dans les centres de détention où ils font l’objet de répression».

«La France fournit une aide directe pour que ceux qui tentent de fuir l’enfer libyen ne puissent pas atteindre l’Europe. Quand les gardes-côtes interceptent des bateaux, c’est parfois violent, avec des coups de feu, des menaces…» déplore Lola Schulmann. En mars, des migrants secourus en Méditerranée par un pétrolier ravitailleur ont tenté de le détourner pour ne surtout pas débarquer en Libye. Le bateau a finalement été escorté par la marine maltaise jusqu’à La Valette, mais l’affaire illustre bien l’effroi que provoque la perspective du retour en Libye. D’autant que «la situation y est catastrophique, juge Lola Schulmann. E n ce moment, 3 000 migrants sont piégés dans des centres de détention situés à proximité des lieux de conflit». En déplacement en Libye début avril, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, s’est dit «choqué par le niveau de souffrance, et surtout par le niveau de désespoir» qu’il a observé dans un centre de détention pour réfugiés et migrants à Tripoli.

Pierre Alonso Kim Hullot-Guiot