En chantier. Un nouveau site pour la PSM, c'est pour très bientôt !

Europe 1 // Calais : migrant.e.s et militant.e.s associatifs manifestent contre les « politiques répressives »

17h43, le 31 mars 2019
Les manifestants brandissaient des drapeaux arc-en-ciel, symboles de paix, ou des banderoles « Welcome réfugiés ». © AFP

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Ils répondaient à l’invitation du collectif « Appel d’air », créé il y a un mois suite au démantèlement de l’un des derniers campements de migrants du Calaisis.

Quelque 150 militants associatifs et migrants se sont rassemblés dimanche à Calais pour dénoncer « le durcissement de la politique répressive », la « maltraitance institutionnelle » et les « violences policières » dont sont « victimes », selon eux, les demandeurs d’asile, a constaté un journaliste de l’AFP.

Une quarantaine de migrants. Brandissant des drapeaux arc-en-ciel, symboles de paix, ou des banderoles « Welcome réfugiés », les manifestants ont rejoint à 14 heures la place d’Armes, à Calais et pris la parole tour à tour, dans le calme. Parmi eux, se trouvaient une quarantaine de migrants notamment érythréens, éthiopiens ou iraniens. Tous répondaient à l’invitation du collectif « Appel d’air », créé il y a un mois suite au démantèlement de l’un des derniers campements de migrants du Calaisis, dans la zone industrielle des Dunes.

« A Calais, la politique envers les personnes exilées s’est durcie depuis un mois, avec un harcèlement soutenu et des violences policières accrues, ainsi que des expulsions quotidiennes. Les communautés sont chassées (…) les tentes jetées à l’eau, saisies, détruites et les associations déplorent plusieurs blessés graves suite à ces opérations policières », avait dénoncé ce collectif dans son appel à manifester. Le collectif regrette aussi « le règlement Dublin III (texte décrié qui définit quel pays est responsable du traitement d’une demande d’asile ndlr) et son absurdité administrative, les aménagements urbains ‘antimigrants’, clôtures, murs et barbelés » installés autour de Calais et la « maltraitance institutionnelle et étatique », qui pousse, selon lui, les migrants à « se mettre toujours plus en danger pour passer la frontière ».

« Je continue de tenter de passer ». « Nous voulons montrer la violence » faite aux exilés, « nous qui sommes dublinés et aujourd’hui bloqués à Calais », sans possibilité de rejoindre le Royaume-Uni, a expliqué à l’AFP Sherifo, un Érythréen de 26 ans « bloqué » depuis sept mois à Calais après être passé par l’Italie. « Je ne veux pas tenter d’aller clandestinement en Angleterre en bateau, c’est trop cher et trop dangereux, je continue de tenter de passer en camion, mais sans succès », a-t-il dit. « Le Brexit ne nous empêchera pas de passer mais la frontière est devenue meurtrière et on veut que l’Europe nous accueille, nous donne des papiers et du travail », a aussi déclaré Abe, également Érythréen.

Début mars, « une centaine de personnes se sont organisées pour tenter le passage en Angleterre de façon collective à bord d’un ferry. Le 9 mars, une personne âgée de 20 ans est décédée dans un camion de marchandises », a aussi indiqué le collectif dans son communiqué.

Itinérance Cherbourg dénonce

Le 13 mars Itinérance Cherbourg convoquait une conférence de presse.

Devant la presse régionale et une cinquantaine de personnes, nous avons dénoncé :

Les dérives de la loi asile publiée au JO le 11 septembre 2018 et sa mise en application,

Le durcissement constaté des conditions d’accueil et de la situation des exilés.

A partir de ce qui se vit à Cherbourg.

Le non hébergement des demandeurs d’asile : Des personnes arrivées seules en France 40, mais aussi des familles 5 soit 20 personnes

Des hébergements précaires qui coûtent très chers (nuitées d’hôtel en moyenne 40 euros par nuit !

Des hébergements indignes

Les obstacles administratifs

L’allongement des délais entre la PADA et le GUDA.

Actuellement 2 mois. C’est-à-dire deux mois de non droit, sans CMU, sans Hébergement, sans aide financière

Avec des démarches centralisées à Rouen à 250km de Cherbourg (train 3H)

Parcours d’un migrant résidant à Cherbourg placé sous convocation Dublin.

 ROUEN FTDA convocation pour la domiciliation tous les jours à partir de 14H

ROUEN FTDA convocation pour ouverture des droits CMU un autre jour (mardi ou jeudi entre 9H et 10H30).

 ROUEN : tous les 15 jours pour le courrier

ROUEN : Préfecture Convocation dans le cadre de la procédure Dublin, délai variable.

 Coût moyen pour une personne sur 1 mois :

En train                                                                                                            475 euros

A l’heure du tout numérique et de la transition écologique ces mesures nous semblent ridicules.

Les Conditions de vie « à la rue » sur le « camp », dans la « jungle ». L’existant : Des migrants, hommes seuls, vivent (« survivent ») dehors toute l’année dans des conditions inacceptables : sans eau, sans sanitaire, juste quelques tentes.

Des solutions ont été proposées et chiffrées (document rédigé par un collectif d’associations locales : Itinérance, CCFD, Pastorale des migrants, Conscience humanitaire, Welcome, La Chaudrée, l’Oasis du savoir)

Une manifestation publique le samedi 16 mars à 11 heures, sur le terre- plein des ELEÏS, place Jacques Hébert, sous forme d’un thé de la solidarité.

 

 

Le forum de la PSM

  • Le Forum de la PSM s’est déroulé le 30 mars dernier. Une cinquantaine de participant∙e∙s ont pu échanger toute au long de la journée sur la thématique de l’hébergement des personnes exilées. Après un accueil ponctué de lectures chuchotées du dernier Journal des Jungles, réalisé à Cherbourg, un point sur le droit à l’hébergement a été réalisé par Marie Rothhahn, juriste à la Fondation Abbé Pierre. Cette intervention a soulevé les manquements de l’Etat vis à vis de l’hébergement et sur la nécessité d’agir contre les expulsions de lieux de vie des personnes exilées à la frontière franco-britannique, de les visibiliser notamment via l’Observatoire des expulsions.Autour d’une table ronde, deux initiatives pour l’hébergement des personnes exilées et/ou des demandeur∙euse∙s d’asile ont ensuite été présentées : le RAIL, un réseau d’hébergement solidaire de la métropole lilloise et le KASS, un collectif amiénois luttant pour le droit à l’hébergement pour tou∙te∙s. Ces deux interventions nous ont permis de prendre du recul sur les actions que l’on pouvait mener au sien du réseau mais surtout d’échanger sur des pratiques et des moyens d’action.

    L’après-midi, trois ateliers ont été proposés, le premier sur la négociation, le second sur l’hébergement solidaire et le dernier sur la construction de solutions autonomes au sein du réseau. Lors des restitutions, quelques conseils ont pu être établis sur la façon dont on pouvait mener une négociation avec les pouvoirs publics ou encore sur les conditions les plus propices pour héberger des personnes exilées. La question du projet de la Maison du Migrant est également revenu sur la table. Nous avons ensuite pu écouter deux contes sur l’hospitalité, raconté par Nathalie de Terre d’Errance Norrent-Fontes. La journée s’est conclue par un super DJ set de sudanese beat par Shishani.

Les chiffres des expulsions des squats et bidonvilles publiés par Romeurope

Communiqué des 48 associations et collectifs du CNDH Romeurope

Expulsions de bidonvilles et squats :
le discours et les actes

Aujourd’hui, les 48 associations et collectifs du CNDH Romeurope publient les chiffres sur les expulsions collectives de squats et bidonvilles, occupés par des personnes originaires d’Europe de l’Est, Roms ou perçues comme telles. En France, en 2018, 9 688 personnes ont été expulsées de 171 lieux de vie différents. Si le nombre de personnes expulsées est en légère baisse, le nombre d’opérations d’expulsion a explosé (+45%), preuve de la « fragmentation » de ces lieux de vie par les expulsions répétées.

Le « en même temps » appliqué aux bidonvilles : un discours volontariste mais des expulsions qui cassent la dynamique de résorption
Si sur le papier, le discours du Président et du Gouvernement va dans le sens d’une réelle politique globale de résorption des bidonvilles, actuellement les actes et les paroles s’opposent.

En effet, d’une part le chef de l’Etat déclarait en septembre dernier vouloir résorber les bidonvilles, après la signature par 8 ministres de l’instruction du 25 janvier 2018 qui précisait qu’« Il s’agit de dépasser l’approche centrée sur les évacuations et d’inscrire l’intervention publique dans une dimension plus large, depuis l’implantation du campement jusqu’à sa disparition (…) ». Nous avons salué la démarche portée par la DIHAL et qui a fixé un objectif clair de résorption des bidonvilles, par l’insertion des personnes et leur accès au logement.

Et dans le même temps les Préfets continuent de procéder sans réserve à des expulsions, brisant la dynamique d’insertion. Ceci y compris en pleine trêve hivernale, suite à des demandes des propriétaires et des mairies, comme à Vigneux (91) le 8 mars dernier où 50 familles ont été expulsées et seulement 6 mises à l’abri temporairement à l’hôtel. Le préfet a pourtant le pouvoir de décaler dans le temps ces opérations pour trouver des solutions concertées et dignes pour les habitants, comme le préconise l’instruction du 25 janvier 2018.

Au moins 8 189 personnes (soit près de 85 %) n’ont eu aucune proposition de mise à l’abri, d’hébergement ou de relogement suite à leur expulsion en 2018. Les conséquences sont dramatiques pour ces personnes : retour à la rue, errance et reformation d’un autre bidonville, plus petit, plus isolé, plus fragile. Une façon indigne de multiplier et de faire perdurer les bidonvilles plutôt que de les faire « disparaitre ».

La région parisienne, championne de France des expulsions
L’accélération des expulsions est particulièrement notable à la fin de l’année scolaire (juillet) et peu avant le début de la trêve hivernale (octobre). Sans surprise, c’est en Ile-de-France que les expulsions sont les plus nombreuses : en 2018, on comptabilise 79 expulsions mettant à la rue au moins 6 132 femmes, hommes et enfants (63 % du total des personnes expulsées). C’est ensuite dans les Pays de la Loire (905 personnes) et en Auvergne-Rhône Alpes (885 personnes) que le nombre de personnes expulsées est le plus élevé.

Des solutions alternatives à l’expulsion existent
Certains territoires, qu’il faut saluer, démontrent que des solutions alternatives à l’expulsion sont possibles. Cependant elles restent trop peu nombreuses et les projets sont souvent sous-dimensionnés par rapport aux besoins des territoires. Des solutions stables ont ainsi été proposées aux habitants de bidonvilles à Haubourdin (59), Saint Denis (93), Toulouse (31), Ivry (94), Villeurbanne (69), Montpellier (34) etc. Ces opérations sont d’autant plus réussies lorsqu’elles sont concertées en amont avec les personnes concernées et les associations, en application de l’instruction du 25 janvier 2018.

Nous appelons le Président de la République et le Gouvernement à respecter leurs engagements afin d’inverser cette tendance dramatique des expulsions. Il est grand temps de les remplacer par des opérations de résorption avec des propositions de relogement stable, adaptées aux besoins et qui impliquent dès le départ les personnes concernées et les associations.

Contact presse :
Manon Fillonneau – 06 68 43 15 15  –
manon.fillonneau@romeurope.org
Twitter : @CNDH_Romeurope

Chiffres : lire la note d’analyse détaillée

lettre ouverte concernant la situation au 5 étoiles

Préfecture du Nord 12, rue Jean Sans Peur

CS 20003 – 59039 Lille Cedex

A l’attention de M. Michel Lalande, Préfet du Nord 

Copie à : Madame Martine Aubry, Maire de Lille

Monsieur Jean-René Lecerf, Président du Conseil départemental du Nord Monsieur Max-André Pick, Président de Partenord Habitat, Monsieur Damien Castelain, Président de la MEL, Monsieur Emmanuel Richard, Directeur de la DDCS du Nord, Monsieur Sylvain Mathieu, Délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement, Mme Sophie Kapusciak, Directrice territoriale de l’OFII, Monsieur Daniel Barnier, Préfet délégué pour l’égalité des chances Monsieur Jacques Toubon, Défenseur des droits

 Lettre ouverte concernant la situation des habitants du squat situé 25 rue de Valenciennes

 A Lille, le 19/03/19

Monsieur le Préfet

Nous revenons une nouvelle fois vers vous concernant la situation des personnes occupant les locaux du 25 rue de Valenciennes à Lille.

Environ 200 personnes, dont un tiers de mineurs non accompagnés en situation de grande vulnérabilité, continuent d’y vivre dans des conditions extrêmement précaires et indignes.

Si elles sont présentes dans ces lieux insalubres, ce n’est nullement par choix, mais parce que leurs appels au 115 ne débouchent que très rarement sur une proposition d’hébergement. En outre, contrairement à ce que votre représentant a pu avancer devant le Conseil d’Etat dans le cadre des recours que vous avez formulés contre les ordonnances du tribunal administratif de Lille du 16 novembre 2018 vous enjoignant à installer, avec la Ville de Lille, des toilettes et un point d’eau, les personnes présentes sur ce site n’ont nullement « les moyens de se tirer d’affaire eux-mêmes »1.

Seuls les demandeurs d’asile en cours de procédure peuvent toucher une allocation pour demandeur d’asile (ADA) mais tous ne l’ont pas et son montant2 est bien trop faible pour permettre l’accès à un logement, rendu encore plus difficile par la précarité de leur situation administrative. Les autres, mineurs ou en situation administrative instable, ne bénéficient d’aucune aide financière.

1 Propos repris par La Voix du Nord dans son édition du 11 janvier 2019

2 6.8€/jour pour notamment se nourrir et un complément de 7.4€/jour si aucune place d’hébergement n’est proposée. Soit pour une personne seule au total 426€/mois.

La fin de la trêve hivernale approche et nous craignons l’expulsion prochaine des personnes présentes dans le bâtiment. Aussi, nous vous demandons quelle prise en charge vous avez prévue pour protéger ces personnes vulnérables et en détresse, et leur permettre d’accéder à leurs droits fondamentaux. La loi prévoit en effet le droit à l’hébergement pour toute personne en situation de détresse sociale, et un dispositif spécifique d’hébergement pour des personnes en demande d’asile. Le département devrait quant à lui mettre à l’abri les mineurs au titre de la protection de l’enfance.

Alors que les juges des référés du tribunal administratif de Lille vous ont enjoint à procéder à une évaluation sociale des situations en vue de rechercher une solution d‘orientation adaptée dans un délai de quinze jours, il ne nous semble pas qu’une telle action de diagnostic ait été réalisée.

Des recours DAHO (Droit à l’hébergement opposable) ont par ailleurs été déposés ces derniers mois par des habitants du squat et une soixantaine de personnes ont pu être reconnues prioritaires pour un hébergement par la commission de médiation. La plupart de ces personnes n’ont pas reçu de proposition d’hébergement stable et adapté dans le délai de 6 semaines. Si certaines personnes ont pu être hébergées dans le cadre de la veille saisonnière, elles risquent de se retrouver à la rue à compter du 1er avril et ce alors même que la loi prévoit un « droit au maintien » en hébergement3. Elles n’auront alors pas d’autre alternative que d’aller rejoindre le bâtiment de la rue de Valenciennes, ou le prochain squat qui se créera si celui-ci est expulsé sans que de véritables solutions d’hébergement soient proposées.

Pour toutes ces raisons, nous sollicitons à nouveau l’organisation d’une réunion en urgence avec toutes les parties concernées.

Espérant recevoir une réponse favorable de votre part, nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre considération distinguée.

P remiers signataires : APU Fives APU Moulins, APU du Vieux Lille, Association La Cloche – Carillon de Lille ATD Quart Monde Hauts-de-France BANTA!,  CASA – Coordination d’Actions Solidaires et d’Accompagnement CNL 59, CSP59, Centre de la Réconciliation Collectif des Olieux

3 Article L345-2-3 du CASF : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »

Collectif des SDF de Lille, Collectif Solidarité Roms de Lille Métropole, Conseil Régional des Personnes Accueillies/Accompagnées des Hauts-de-France La Cimade Nord Picardie, Ecole sans frontière, Entraide de l’Eglise Protestante Unie de Lille Emmaüs Hauts-de-France, Fédération des Acteurs de la Solidarité Hauts-de-France Fondation Abbé Pierre, Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) Groupe de réflexion inter-religieux d’aide aux migrants (GRIAM) INDECOSA-CGT 59,

Ligue des droits de l’Homme de Lille L’île de Solidarité

La Sauvegarde du Nord Magdala

Médecins Solidarité Lille MRAP

La Pastorale des Migrants RAIL

Secours Catholique Nord-Lille Société de Saint-Vincent-de-Paul

Uriopss Hauts-de-France Nord Pas-de-Calais Utopia 56

Wambrechies Entraide Réfugiés

 julie Gommeaux, avocate au Barreau de Lille, Présidente de la commission droit des étrangers Emilie Dewaele, avocate au Barreau de Lille

Père Christian Berton, doyen de la ville de Lille et responsable du Conseil œcuménique Pasteur Christian de la Roque, Eglise de « La Réconciliation »

Michel Ruef, diacre, Collectif Mémoire Fraternité

Clotilde Delbecque, Service Evangélique des Malades du Doyenné Adrien Quatennens, député de la première circonscription du Nord Ugo Bernalicis, député de la seconde circonscription du Nord Julien Poix, candidat France insoumise aux élections européennes Julie Nicolas et Maroin Al Dandachi, porte-parole d’EELV Lille Jérémie Crépel, président du groupe des élus EELV de la MEL Stéphane Baly, président du groupe des élus EELV de Lille

Hugo Vandamme, secrétaire du PCF Lille

Laurence Perrault-Lefebvre, directrice du Centre d’Information et d’Orientation de Lille Christine Carlier, secrétaire générale de l’UL CGT de Lille et Environs

France insoumise de Lille UNEF Lille

Solidaire Étudiant·e·s Lille SUD Santé Sociaux du Nord

People’s Health Movement Nord de France Collectif le social déchaîné

Les habitants du 5 étoiles

Le 5 étoiles n’est pas un choix d’habitation pour nous qui sommes contraints d’y vivre. L’existence de ce squat et de sa longévité n’est que le résultat de l’(in)action des autorités. Ce lieu nous l’occupons depuis novembre 2017 après l’expulsion de la gare de Saint Sauveur pour éviter que l’on se disperse dans la ville. Cela fait des années que les autorités ne respectent presque jamais leur obligation légale d’hébergement. Ainsi en théorie, l’ensemble des demandeur.es d’asiles devrait être loger par l’État quand le département pour sa part doit prendre en charge les mineur.es isolé.es. Mais le manque de place dans les structures est leur excuse depuis toujours, le fait que personne n’y remédie laisse penser qu’il s’agit d’une volonté. Avec la fin de la trêve hivernal, comme l’année passée, nous allons voir le retour au squat de quelques uns de nos amis logés pour l’hiver.

Comment pourrait-on consciemment choisir de vivre dans un lieu avec des conditions de vie aussi compliquées? Nous dormons dans un hangar sous des tentes ou alors dans les quelques bureaux désaffectés. L’eau et les toilettes sont présents simplement parce que cet été nous nous sommes mobilisés avec nos soutiens et l’aide d’associations pour réclamer ce droit le plus simple. L’électricité coupe régulièrement alors qu’elle nous permet de nous chauffer et de cuisiner un peu. Les associations humanitaires qui passent nous donnent bien souvent de la nourriture périmée (depuis 2016 dans certains cas) qui ne nous convient pas. On se débrouille alors pour faire nos propres préparations. Après 17h, nous sommes obligé.es de rentrer dans les tentes tant le froid fait sentir sa présence. Dans ces conditions, c’est avec tristesse et révolte que nous voyons certains de nos amis se comporter de manière perdue.

Pour nous, il nous semble évident que c’est à partir d’un logement décent que l’on peut construire notre futur dans ce pays. Nous avons tous ici envie d’avancer dans nos démarches administratives, d’aller à l’école ou de faire une formation, de faire des activités associatives ou sportives. Comment cela peut-il être possible sans un endroit tranquille où nous reposer ? Nous pensons que c’est à partir de l’hébergement, quand nous ne vivrons plus dans la rue, que nous pourrons nous en sortir. D’ailleurs quel drame pour nous de voir ce qu’est en réalité la France. Pour la plupart d’entre nous nous sommes francophones suite à l’histoire coloniale de nos pays. La France était à nos yeux un pays de droit et d’égalité. Mais quelle est cette liberté de choisir entre un hangar et la rue ? On ne peut être libre en vivant à la rue sans ressource.

Aujourd’hui, les rumeurs courent que l’expulsion approche. Nous sommes obligé.es d’accepter ce fait car c’est leur loi. S’il y a expulsion, nous espérons que des lieux d’hébergement seront proposés. Sans cela, nous ne comprenons pas que l’on puisse nous expulser pour nous mettre à la rue. Nous sommes inquiets pour la suite de nos procédures et des activités que nous avons entamé. Nous voulons rester à Lille. Nous voulons un hébergement pour tout le monde. Nous voulons la scolarisation et la formation pour tout.es et tous.

Pour s’entraider, lutter, chanter, danser, partager un repas, vivre, s’organiser collectivement, n’hésitez pas à nous rejoindre à l’assemblée ouverte chaque dimanche 15h au 5 étoiles (15rue jean Jaurès).

PARTOUT CHEZ NOUS !!

 

observatoire de l’enfermement des étrangers

Mobilisations et révoltes dans les lieux d’enfermement des personnes étrangères

Malgré l’opacité de ces lieux, des informations circulent : articles dans la presse généraliste et alternative, témoignages de personnes retenues. On peut ainsi constater que le mal-être des personnes enfermées s’accroît, aggravé par l’allongement de la durée de la rétention, portée à 90 jours depuis le 1er janvier, et par des conditions de vie dégradées engendrant le désespoir : des tentatives de suicide sont rapportées. Les retenu·e·s se sentent traité.e.s comme des criminel·le·s et dénoncent la répression subie. Un mouvement de grève de la faim, entamé au centre de rétention de Vincennes, s’est répandu dans plusieurs CRA, mettant en évidence l’organisation d’une mise en réseau des personnes retenues, phénomène nouveau dans l’histoire des luttes qui secouent régulièrement ces lieux d’enfermement. La société civile soutient ces mouvements, notamment en les relayant. Les observatoires citoyens, les collectifs et les associations présent·e·s dans les centres de rétention administrative s’en font régulièrement l’écho sur les réseaux sociaux.

Depuis sa création, l’OEE (Observatoire de l’enfermement des étrangers) s’est donné pour objectif la dénonciation de la banalisation de l’enfermement et des violations des droits humains.

Pour faire connaître ces mobilisations et ainsi donner la parole aux premier·e·s concerné·e·s, l’OEE propose une rencontre le lundi 15 Avril 2019, à la bourse du travail, 29 boulevard du temple – 75011 Paris Grande salle métro République pour informer sur :

– les grèves en rétention :témoignage d’une retenue libérée

– l’organisation des luttes : un membre du collectif Chapelle Debout

– l’augmentation des tensions et des formes de violences dans les CRA (Cimade – David Rohi)

– les plaintes contre les violences policières

– les visites des parlementaires dans les CRA : Esther Benbassa, sénatrice

Evenement Facebook: https://www.facebook.com/events/439497933458418/

 http://observatoireenfermement.blogspot.com/

Appel à rassemblement – Dimanche 31 mars – Calais

Ci-dessous un appel à venir participer au rassemblement qui se tiendra ce dimanche 31 mars, 14h, Place d’Armes à Calais (rassemblement déclaré hier en mairie).

Ce rassemblement est organisé par le collectif Appel d’air, réunissant des personnes exilées de Calais et leurs soutiens. Il s’agit notamment pour les personnes exilées de reprendre leur droit à la parole et de dénoncer les différentes violences et discriminations subies. Toutes les informations sont dans le communiqué ci-dessous.

Vous êtes invité.e.s à venir soutenir en grand nombre cette action, et à faire circuler l’invitation dans vos réseaux.

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L’Appel d’air
Dimanche 31 mars, Place d’Armes à Calais.

Le collectif Appel d’air est un mouvement spontané des personnes exilées de Calais, habitant de plusieurs campements, et de leurs soutiens, qui veulent se réapproprier le droit à la parole.
Cette mobilisation a émergé suite à l’expulsion définitive de la zone industrielle des Dunes, c’est pourquoi le collectif lance aujourd’hui cet appel à soutien :

Citoyen.ne.s calaisien.ne.s, bénévoles associatifs, militant.e.s,
Depuis un mois maintenant, la politique envers les personnes exilées s’est durcie :
cela se traduit par un harcèlement soutenu et des violences policières accrues, ainsi que des expulsions quotidiennes des campements de toute la ville de Calais.
Une expulsion définitive du terrain occupé jusque là a eu le lieu le 12 mars, d’autres expulsions sont planifiées prochainement pour empêcher définitivement l’occupation de la zone industrielle des Dunes et de tout autre lieu de vie proche de Calais. Les communautés en sont désormais chassées, victimes jour et nuit du harcèlement des policier.e.s. Les tentes sont jetées à l’eau, saisies, détruites et les associations déplorent plusieurs blessé.e.s graves suite à ces opérations policières.

Déjà très isolées, la situation aujourd’hui place les personnes dans une plus grande précarité encore.
Face à la maltraitance institutionnelle et étatique les personnes exilées sont obligées de se mettre toujours plus en danger pour passer la frontière.
Ainsi, le 2 mars au soir, une centaine de personnes se sont organisées pour tenter le passage en Angleterre de façon collective à bord d’un ferry.
Le 9 mars, une personne âgée de 20 ans est décédée dans un camion de marchandise.
Le 20 mars, une personne d’origine soudanaise a été déportée malgré le danger de mort auquel elle fera face dans son pays ; d’autres encourent le même sort au Centre de Rétention Administrative de Coquelles.

Face cette politique répressive, les personnes exilées de Calais se mobilisent :
Elles dénoncent le règlement Dublin III et son absurdité administrative devenue épidémique, condamnant les personnes à l’errance. Les personnes exilées souhaitent ouvrir un dialogue avec les gouvernements français et anglais afin de réclamer leur droit à la mobilité et à l’installation en Europe. Elles veulent que des solutions réelles et adaptées leur soient proposées.

Elles dénoncent les aménagements urbains « antimigrants » de la ville de Calais.
L’abondance de clôtures, de pierres, de barbelés et de murs, pensée pour empêcher les personnes de s’installer, les contraignants à survivre dans un environnement hostile, indigne et dangereux.

Elles dénoncent la discrimination, la stigmatisation et la criminalisation dont elles font l’objet. Le harcèlement et l’enfermement à répétitions fragilisent psychologiquement les personnes jusqu’à les faire sombrer dans la dépression.

Elles dénoncent les violences policières, verbales et physiques, ainsi que les humiliations incessantes qu’elles subissent.

Elles dénoncent la responsabilité de l’État face aux décès qui adviennent à la frontière.
L’état français doit arrêter de nier l’existence des personnes en portant assistance aux vivants et en rendant hommage aux morts.

C’est au vu de toutes ces revendications que nous vous proposons de vous joindre à nous, le dimanche 31 mars à 14h, sur la place d’armes de Calais.

Des expulsions vers le Soudan en 2019

Expulsions vers le Soudan, en Mars 2019

Gibril retenu au centre de rétention de Coquelles depuis le 26 février, (près de Calais, juste en face du terminal EuroTunnel) a été expulsé vers le Soudan, dont il est originaire. Il avait été transféré au CRA après avoir été arrêté pour un délit mineur un mois auparavant. Il a été contraint de se rendre à l’ambassade du Soudan pour être finalement déporté dans son pays d’origine, pays qu’il a fuit pour chercher la liberté et la sécurité.
Comme cela arrive souvent aux étrangers, en particulier (mais pas uniquement) à ceux qui sont sans papiers, quelle que soit la peine prononcée au procès pour le crime dont ils sont accusés, la France leur impose une interdiction de territoire justifiée par des risques à l’ordre public. Quitter la France, destination: Soudan. C’est le préfet du Pas-de-Calais, qui a pris l’Obligation de Quitter le Territoire à son encontre, à destination d’un pays tout sauf sûr.

A., un homme âgé du Soudan, a été arrêté alors qu’il tentait le passage pour rejoindre le Royaume-Uni. Il est également détenu au CRA de Coquelles au moment où nous écrivons. Comme Gibril, il a déjà été présenté à l’ambassade, qui, une fois qu’elle a reconnue la personne comme étant originaire du pays qu’elle représente, peut délivrer un laisser-passer permettant la déportation. Pour le moment, son avocate tente tous les recours possibles.

En ces jours de manifestations , de solidarité et de rage dans de nombreuses villes d’Europe pour dénoncer la répression du dictateur Al-Bachir, la France, pays des droits de l’homme, tente de renvoyer ces deux personnes au Soudan.
Malgré les nombreuses enquêtes publiées au cours des dernières années, il ne s’agit pas de cas isolés, et de nombreuses personnes ont été déportées vers le Soudan, ainsi que vers d’autres pays considérés “à risque”, tels que l’Irak et l’Afghanistan. La nouvelle loi Asile a doublé la durée maximale de rétention administrative, passant de 45 à 90 jours, soit trois mois, au 1er janvier 2019.

Voici le  témoignage de Gibril, que l’on publie avec son accord : “N’importe quoi mais pas retourner au Soudan. Je suis en danger là-bas, je n’y suis pas en sécurité. Je veux être libre, je suis venu en Europe pour ça. Je voulais aller au Royaume-Uni mais ils m’ont arrêté à Calais parce qu’ils disaient que j’avais commis une infraction. J’ai trouvé cela injuste, mais tout s’est passé très vite. Ils m’ont mis en prison pendant environ un mois. Puis ils m’ont dit que j’allais être déporté. Mais la punition de cette infraction, je suis sûr que ce ne doit pas être une condamnation à mort, alors que c’est le cas si on me déporte au Soudan. “

Ce que vous pouvez faire – et cela a déjà marché par le passé:

– Faire pression sur le gouvernement :
sec.immigration@interieur.gouv.fr, 01 49 27 49 27
premier-ministre@pm.gouv.fr

– Interpeller par mail Fabien Sudry, le préfet du Pas-de-Calais pour lui demander d’annuler toutes les OQTF pour le Soudan, ainsi que sa décision d’expulser Gibril S. et monsieur A. , ou encore
Par téléphone : (+33) (0) 3.21.21.20.00
Par fax : (+33) (0)3.21.55.30.30
Ou via le formulaire de contact de la préfecture.

 

 

 

Politis // Ma ville est devenue une forteresse

https://www.politis.fr/articles/2019/03/ma-ville-est-devenue-une-forteresse-temoignage-dun-no-border-de-calais-40148/

« Ma ville est devenue une forteresse » : témoignage d’un No Border de Calais

Il a grandi à Calais. Indigné par le système d’« apartheid » local, il s’est engagé auprès des populations en transit. D’abord avec des associations locales puis dans le mouvement No Border qui lutte contre les frontières. Témoignage.

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Le mouvement No Border, tout le monde peut s’en revendiquer. Et personne ne le représente. C’est d’abord une idée : nous sommes pour l’ouverture des frontières. Mais c’est aussi des manières de faire et d’agir qui peuvent différer selon les groupes et les spécificités des territoires ou des frontières. Le terme No Border a beaucoup été utilisé par les autorités pour criminaliser et marginaliser toutes pratiques qui vont à l’encontre des stratégies mises en place contre les personnes migrantes. Plus précisément, à Calais, on a été accusé de travailler avec la « mafia » impliquée dans la gestion des passages, tout comme de diriger les migrants en les incitant à la violence… Comme si ces personnes avaient besoin du « blanc » pour s’organiser ou décider comment elles veulent répondre à la violence de la frontière, aux violences policières ou aux violences de groupuscules d’extrême droite.

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Nous, nous avons pris pour habitude de rester discret et de ne pas répondre aux accusations, quitte à laisser les autorités nous criminaliser et créer l’image de nous qui les arrange. No Border est devenu le bouc émissaire que les autorités sortent de leur chapeau pour justifier l’horreur qu’elles ont créée à cette frontière. Toute violence créée par l’existence même de la frontière est imputée à ce mouvement. Du coup, on peut nous mettre beaucoup de choses sur le dos. Plus largement, les défenseurs des migrants qui ont l’air d’avoir des positions plus radicales que juste humanitaires sont taxés de No Border. C’est devenu un terme générique un peu fourre-tout.

Mais, pour nous, il renvoie à un certain mode d’organisation et à des manières de faire : ne pas agir pour les communautés de personnes en situation de migration mais avec elles, les inclure dans un maximum de processus, protéger leur anonymat, leur rendre possible l’accès à la ville, ne pas parler à leur place, faire en sorte qu’elles puissent être autonomes, qu’elles puissent s’approprier l’outil médiatique par exemple, qu’elles soient moins dépendantes de l’aide humanitaire en étant en mesure de préparer des repas elles-mêmes sur leurs lieux de vie, soutenir les personnes enfermées en centre de rétention. Bref, on essaie d’être cohérent avec les problématiques du terrain qui peuvent changer vite et de s’adapter aux demandes des personnes migrantes. Ce sont des expérimentations, des tentatives remises en question constamment avec toujours en toile de fond l’idée de ne pas accepter ce qui ne devrait pas être acceptable, la fatalité de la frontière, de ne pas réduire des personnes à la catégorie « migrant » et à l’image misérabiliste qui souvent va avec. C’est tout simplement de reconnaître que ce sont des individus avec une histoire, un parcours, des connaissances, des savoir-faire, etc.

À Calais, après le camp No Border de l’été 2009, l’une des grandes décisions a été de rester de manière permanente et continue dans le Calaisis. Des gens venaient nous rejoindre pour une semaine, un mois, un an, avec leur propre projet ou pour s’impliquer dans ceux existant déjà. Le temps qu’ils étaient là, ils déployaient toute leur énergie avec une disponibilité folle et un engagement total. On avait des débats sur la question de la communication avec les médias, la question des privilèges de ceux nés du « bon côté » de la frontière, sur les approches à avoir. Certains étaient plus légalistes que d’autres, certains attachés à ne pas arriver avec ses gros sabots d’athée, à respecter la culture de l’autre. Tous étaient contre la frontière.

Toutes nos pratiques visent à répondre aux principes de la liberté de circulation, la liberté d’installation et la fermeture instantanée des centres de rétention. On essaie de mettre à la base de toutes nos actions et de notre manière de nous organiser l’antiracisme, l’antisexisme et l’antiautoritarisme entre autres. Des fois, on échoue, on en discute et on réessaie. C’est peut-être ça au fond, pour moi, la différence avec des associations classiques, qui sont souvent hiérarchisées et ralentissent l’émergence de questionnements quant aux manières de fonctionner et d’agir.

Morning watch et patrouilles

Juste après notre arrivée à l’été 2009, il y a eu la destruction de la grande jungle « pachtoune » et de tous les autres lieux de vie des personnes migrantes. Pour essayer de faire face à cette nouvelle situation où les autorités empêchaient les espaces de vie de se recréer, on avait mis en place des stratégies qui rendaient le travail de la police moins efficace : Morning Watch et patrouilles. On restait de très longues heures devant les squats, et si la police débarquait, on sifflait pour que les migrants puissent se sauver, qu’ils soient moins nombreux à être conduits en rétention. Cela a beaucoup énervé la police. La violence a grimpé. Alors on s’est mis à filmer.

Après des mois de récoltes de vidéos, photos, témoignages, on a monté un dossier « Calais, la frontière tue » et publié des vidéos « Calais, vidéos de la honte ». Les deux montraient et dénonçaient la violence policière et institutionnelle. Ça a été un travail difficile, très violent. On se levait tôt, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, et on risquait de prendre des coups, d’être embarqués en garde à vue, de voir des ami.e.s se faire enfermer en centre de rétention… C’est comme ça que j’ai grandi dans cette ville.

Calais fut le dossier initial de Dominique Baudis, le premier Défenseur des droits, décédé en 2014. On avait recueilli beaucoup de témoignages de personnes migrantes. Je crois qu’on a réussi à les faire entendre. L’équipe du Défenseur des droits a pris conscience du caractère véridique de nos informations. C’est la première fois qu’on s’est ouvert aux médias. Et ce fut notre première approche légaliste : mettre la pression sur les autorités pour qu’enfin elles respectent la notion de squat et d’inviolabilité du domicile.

La stratégie des autorités, c’est de briser les migrants physiquement et psychologiquement, pour qu’ils veuillent repartir ou qu’ils ne soient plus en capacité physique et mentale de passer. Nous défendions qu’ils puissent se poser. Qu’ils puissent avoir le temps de reprendre des forces. Pour cela, il fallait préserver des espaces où la police ne pouvait pas faire ce qu’elle voulait.

Une des victoires a été de forcer la police à respecter le droit et à ne plus venir dans les squats de migrants en procédure juridique, comme par exemple le squat Galou ou la Maison des femmes de l’avenue Victor-Hugo, un espace non mixte. Ce sont les habitantes de ce lieu qui ont décidé d’écrire aux Calaisien.nes pour qu’ils et elles viennent à leur rencontre, et qui ont également décidé d’ouvrir leur maison aux médias . Je pense que cette maison explique bien ce qu’est No Border : on n’a jamais décidé pour elles, on les a juste soutenues dans leurs choix, peu importe les risques que ces choix comprenaient.

L’État a renoncé à l’évacuation de la Maison des femmes, parce qu’il était devenu inacceptable pour la population locale que ces femmes se retrouvent à la rue. Sa seul condition était que les personnes No Border quittent le lieu pour laisser la place à une association officielle. Celle-ci a accepté de maintenir les pratiques décidées par les habitantes : pas de prises d’empreintes à l’entrée, pas d’identité demandée, pas d’hommes et leurs règles de vie.

Renforcer la frontière augmente le prix de passage

Quand on soutient des personnes, on ne sait pas qui on aide. Il y a des enjeux qu’on ne voit pas, des choses que l’on ne sait pas, parce qu’une frontière est un lieu flou dont les règles peuvent être invisibles, mais les effets, eux, ne le sont pas. Il y a aussi des hiérarchies intérieures à comprendre et à prendre en compte dans nos manières d’aborder les différentes jungles et squats. Lutter contre la frontière ça passe aussi par reconnaître ce qu’elle peut être. Elle engendre des conflits propres : quand on empêche des personnes de vivre, et qu’on les force à survivre, par exemple en détruisant leurs habitations, en confisquant leurs couvertures et leurs tentes, les autorités mettent différents groupes en concurrence face aux besoins de base.

Ça m’a toujours choqué à Calais de voir des personnes plutôt « amies » devenir « ennemies » parce qu’on a privé un groupe de telle ou telle chose, je me suis souvent demandé si les autorités n’avaient pas un intérêt à créer cette situation de concurrence pour pouvoir punir les « fautifs » et ainsi, rendre légitime la répression quotidienne. Des gens survivent dans les camps, d’autres en vivent. Ça fait partie de la réalité des frontières. Renforcer la frontière n’a fait qu’augmenter le prix de passage pour les migrants, et les forcer à se mettre de plus en plus en danger. Aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, il n’y a plus de jungle à Calais. Il y a moins d’exilés qu’il y a encore deux ans. Mais ceux qui y sont aujourd’hui prennent encore plus de risques. Beaucoup se sont rendus à Paris, qui joue un rôle de réservoir, ou dans d’autres villes. La frontière n’est pas qu’aux frontières.

En tant que Calaisien, c’était compliqué de fermer les yeux sur la situation des personnes migrantes qui arrivaient dans ma ville. Adolescent, j’ai trouvé insupportable de vivre dans une ville soumise à un système d’apartheid. J’ai d’abord rejoint des associations comme La Belle Étoile et Salam. Mais cela me frustrait de m’en tenir à préparer des repas sans essayer d’autres choses, que la seule réponse à la situation se résumait aux besoins de première nécessité. Je trouvais que l’organisation des files d’attente pour la distribution des repas, par exemple, était très pénible à vivre. J’ai eu envie de faire autre chose et autrement. Dans une organisation autogérée, tout le monde est invité à cuisiner ensemble. Les personnes migrantes s’approprient ce dont on les prive.

À Calais, tout le monde est impacté par la frontière d’une manière ou d’une autre, personne n’ignore la présence des migrants, que les gens l’exprime ou non, qu’ils prennent position ou non. Ça fait partie de la réalité, de la vie quotidienne. La question est plutôt de quelle manière cette frontière nous impacte. Calais est anéanti par la psychose de l’appel d’air et de la peur du « migrant. » Tout est fait et mis en œuvre dans cette ville pour que les personnes migrantes inspirent un sentiment de peur et d’insécurité.

Les gens prennent leurs voitures avec la peur au ventre, la peur d’écraser un migrant qui traverse l’autoroute, la peur de voir quelqu’un traverser le jardin, de prendre un caillou dans le pare-brise : une des manières de passer est de stopper les poids lourds sur la route et de s’y cacher pour aller en Angleterre. La maire a créé une adresse électronique pour que les habitants puissent « signaler » l’installation d’un squat de migrants. C’est un appel à la délation, à la vigilance. La population se scinde entre promigrants et antimigrants, mais ces derniers sont plus décomplexés, car rendu plus légitimes par les positions de la maire.

Calais est une ville portuaire, une ville côtière, un espace de transit par définition. Mais elle est devenue une forteresse où les arbres et les buissons sont coupés pour ne pas pouvoir servir d’abris. Une ville entourée de grilles et de barbelés. Ce qui peut être encore choquant ailleurs, ici est banal. La normalité n’est pas d’accueillir et vivre avec, mais de dénoncer, enfermer, avoir peur de l’Autre. Récemment, le magasin Decathlon a reçu l’ordre de ne plus vendre de gilets de sauvetage sans papiers d’identité. La frontière grandit.

Le Brexit a soulevé l’espoir de voir les accords du Touquet tomber. Mais l’Angleterre a dû négocier avec la France. Quelle offre a été faite pour que la France accepte d’être le chien de garde du Royaume-Uni ? Quel sont les avantages dont la France a bénéficié ? Quel est le prix pour accepter de défigurer cette ville, de faire de la chasse à l’homme, de bien vouloir que des personnes y meurent ? Quel prix a été payé pour que les calaisien.nes soient obligé.es de vivre avec des murs comme horizon ?

Les frontières ont toutes leurs caractéristiques propres. Des zones particulières avec leur propre réalité. À Calais, le passage de toutes ces populations différentes pourrait être une force. Une frontière, ça pourrait être beau, si ça n’était pas fermé. Or, « Calais » ne veut plus être une zone de passage. Mais une impasse.

Je n’ai pas appris à être No Border, c’est Calais qui m’a appris. »