Dans la nuit de jeudi à vendredi, un migrant afghan âgé d’une quinzaine d’années est mort après avoir été percuté par un véhicule sur la rocade menant au port de Calais. Les associations disent avoir signalé la présence de ce mineur isolé, qui devait être protégé. Le Département plaide sa bonne foi.
Par Olivier Pecqueux |
Abdulah avait 15 ans. Il est mort sur la rocade portuaire, percuté. Un drame de plus, le troisième en 2017. Au cours de l’année 2016, quatorze migrants avaient perdu la vie dans le Calaisis, neuf d’entre-eux avaient été percutés sur la rocade ou l’A16. Ils étaient plus nombreux encore en 2015.
Ce décès sur le chemin de l’Angleterre met en lumière la difficile protection des mineurs isolés. Après l’accident, Sabrya Guivy, de l’association Refugee Youth Service, affirmait que la présence du jeune homme avait été signalée aux services de Département, lequel a l’obligation de leur porter assistance. Dans un communiqué, deux jours plus tard, le Département du Pas-de-Calais démentait avoir reçu une information préoccupante au sujet de ce mineur isolé.
Deux enfants présentaient la même identité
Il y a de la vérité dans les deux affirmations, ce qui ajoute au tragique de la situation. « Nous avons rencontré l’enfant le 14 décembre lors d’un entretien rue des Verrotières, affirme Julie Shapira, de Refugee Youth Service. Une information préoccupante a été remontée au Département le 16 décembre. » L’information est transmise par mail à France Terre d’asile et au Département, qui gère l’accueil d’urgence des mineurs isolés. « On nous a répondu que ce mineur était déjà pris en charge à Condette depuis le 6 décembre, accueilli dans le cadre d’une procédure de rapprochement familial, poursuit la jeune femme. On a dit qu’ils se trompaient, qu’il était bien à Calais. »
Une homonymie, ou plutôt l’emprunt d’un nom par le cousin de la victime, serait à l’origine de ce quiproquo. Deux adolescents ont donné le nom d’Abdulah D. « Le conseil départemental sait que ces jeunes peuvent fournir des identités différentes », pouvait-on déjà lire dans le communiqué diffusé dimanche. Ce mercredi, au Département, le personnel se disait bouleversé et cherchait à comprendre, même si le communiqué officiel se voulait très factuel. « Le Département du Pas-de-Calais déplore le drame qui bouleverse aussi ses travailleurs sociaux. Une enquête est en cours, elle n’est pas terminée. Enfin, une incertitude persiste sur l’identité de la personne décédée. »
« Faille aux conséquences désastreuses »
Une source bien au fait de la prise en charge des mineurs isolés confesse : « Le Pas-de-Calais est confronté à une situation sans égale en France. Le système prouve son efficacité mais comporte des failles, celle-ci a des conséquences désastreuses. »
« On peut reprocher aux services du Département de ne pas avoir creusé davantage, car les salariées des associations maintenaient qu’elles avaient face à elles un migrant mineur, tranche pour sa part François Guennoc, de l’Auberge des migrants. Depuis la fermeture des conteneurs, huit enfants se présentent tous les soirs pour une prise en charge la nuit, ils sont refoulés. Abdulah faisait partie de ces huit enfants. » Ce mercredi soir, en raison d’un vent fort, la préfecture a décidé de rouvrir l’accueil de nuit aux migrants.
Mineurs isolés: un manque de place?
Les associations d’aide aux migrants considèrent que le secours apporté aux mineurs isolés est plus efficace dans le Pas-de-Calais que n’importe où ailleurs en France, pointant des dysfonctionnements dans le Dunkerquois, à Lille ou Paris. « Mais cela reste insuffisant », regrette Sabrya Guivy, de Refugee Youth Service. Selon son association et l’Auberge des migrants, ils seraient encore une centaine de mineurs isolés à errer dans le Calaisis, alors que toutes les places pour les hébergements d’urgence (80 à Saint-Omer) et l’accueil dans l’attente de la stabilisation d’une situation (40 à Condette et 30 à Béthune) seraient occupées. « Il y a un problème, le Département a l’obligation de prendre en charge les mineurs, or il n’y a pas de place pour eux, confie François Guennoc. La procédure pour les réunifications familiales est devenue trop longue, jusqu’à onze mois d’attente, cela bloque des places pour les urgences. »
Le Département et la préfecture donnent d’autres chiffres
Le Département et la préfecture contestent ces affirmations. Selon le Département, « notre opérateur de terrain (France terre d’asile) estime qu’il y a une quarantaine de jeunes mineurs étrangers à Calais. 80 % d’entre eux refusent tout hébergement. » Et rappelle que « du 1er janvier au 15 décembre 2017, 2 136 jeunes ont bénéficié d’une ou plusieurs nuitées de mise à l’abri. » La préfecture du Pas-de-Calais détaille les maraudes financées par l’État et le Département : « Des maraudes quotidiennes par France Terre d’asile permettent de repérer les mineurs isolés et de leur proposer une mise à l’abri. Six personnes assurent une présence sept jours sur sept là où sont les mineurs étrangers isolés. Tous les jours, les maraudeurs rencontrent entre 30 à 40 mineurs, soit la quasi-totalité. Tous les mineurs qui le souhaitent sont pris en charge (environ 20 %). »
Appel aux dons pour le rapatriement du corps
La jeune victime, Abdulah D., aurait été identifiée par des proches ce mardi. Son frère n’ayant pas obtenu de visa pour venir en France, la dépouille devrait être rapatriée en Afghanistan, dans la province de Nangarhar où vit encore sa famille. Le rapatriement devrait coûter entre 6 000 et 8 000 €, financés par les associations. Un appel aux dons est cependant lancé. Pour y contribuer, se rendre sur www.laubergedesmigrants.fr.
France: de plus en plus de migrants renversés, les associations inquiètes
Par RFI
Un migrant d’origine irakienne est toujours entre la vie et la mort après avoir été percuté par une voiture dimanche 24 décembre sur une autoroute près de Grande-Synthe, dans le nord de la France. C’est le deuxième incident du genre en quelques jours, après le décès d’un migrant de nationalité afghane. Une fréquence d’accidents qui commence à inquiéter les associations.
Le véhicule avait percuté le jeune Irakien de 22 ans près de Grande-Synthe, où des migrants vivent dans le campement sauvage du Puythouck, alors qu’il marchait le long de la bande d’arrêt d’urgence avec d’autres migrants. Le conducteur, qui avait pris la fuite, est en garde à vue depuis dimanche 24 décembre pour « blessures involontaires aggravées ».Deux jours plus tôt, dans la nuit de jeudi 21 à vendredi 22 décembre, un migrant de nationalité afghane est mort renversé par un véhicule près du port de Calais. Avec cet accident, ce sont trois migrants qui sont morts à Calais et ses environs en 2017.Pour François Guennoc, vice-président de l’association L’Auberge des migrants, « il y a deux types de circonstances possibles » pour ces accidents. « Quelqu’un qui marche le long de l’autoroute (…) et il peut faire un écart, ou bien c’est le véhicule qui aura fait un écart – involontaire, je l’espère – et qui aura donc percuté la personne. » Ou bien une chute qui provoque un renversement : « un migrant qui monte sur en essieu de camion ou dans un camion et il s’aperçoit que ce camion ne va pas dans la bonne direction, il essaie alors de descendre puis se fait percuter par un autre véhicule », dit-il.
François Guennoc explique que « la plupart du temps, ce sont des gens qui n’ont pas d’argent, qui donc vont prendre des risques, la nuit en particulier, pour aller sur des parkings, autour de stations-service, voire le long des autoroutes, pour essayer à l’occasion d’un bouchon ou d’un arrêt sur un parking de monter dans un camion ». « Ce qui veut dire qu’il y a beaucoup de gens qui circulent le long des autoroutes qui prennent des risques. »
Un migrant de nationalité afghane est mort dans la nuit de jeudi à vendredi après avoir été probablement percuté par un véhicule sur la rocade menant au port de de Calais, a-t-on appris auprès de la préfecture.
Jeudi vers 23H30, «sur la rocade dans le sens Calais-port», un migrant «a été retrouvé mort, probablement percuté par un véhicule qui a pris la fuite», a dit à l’AFP la préfecture du Pas-de-Calais.
«Au regard des premières constatations, il pourrait s’agir d’un individu de nationalité afghane» d’une quinzaine d’années, selon la préfecture, précisant qu’une enquête de police avait été ouverte.
Le jeune garçon a été retrouvé sur la bande d’arrêt d’urgence par un automobiliste, qui s’est arrêté, et a appelé les secours. Les forces de l’ordre ont aussitôt lancé un message d’alerte au port, afin de repérer une voiture accidentée ou ensanglantée. Cette alerte n’a rien donné
Un homme d’une cinquantaine d’années a été placé en garde à vue ce lundi pour « blessures involontaires aggravées ». Il est soupçonné d’avoir percuté un ressortissant irakien dimanche après-midi sur l’autoroute A16.
Un homme d’une cinquantaine d’années, suspecté d’avoir gravement blessé un migrant de 22 ans dimanche en le percutant sur l’autoroute A16 à Grande-Synthe (Nord), a été placé en garde à vue lundi, a-t-on appris auprès du parquet de Dunkerque.
La CRS autoroutière « a pu remonter à cette personne grâce à sa plaque d’immatriculation relevée par des automobilistes » témoins du drame, a indiqué le parquet Laconfirmant une information de LCI.
Ainsi, l’homme d’une cinquantaine d’années, domicilié dans la région dunkerquoise, a été interpellé à son domicile lundi à 06h45 et placé en garde à vue pour « blessures involontaires aggravées ».
La chaîne d’information indique par ailleurs que : « l’homme a été contrôlé par les gendarmes peu de temps après le drame, en état d’alcoolémie. Son permis de conduire lui aurait d’ailleurs été retiré. »
Toujours entre la vie et la mort
Dimanche, un migrant d’origine irakienne a été percuté vers 16h30 par un véhicule à Grande-Synthe, où des migrants vivent dans la précarité dans le campement sauvage du Puythouck, alors qu’il marchait le long de la bande d’arrêt d’urgence avec d’autres ressortissants irakiens. L’auteur de l’accident avait pris la fuite. L’homme percuté est toujours entre la vie et la mort.
Selon le parquet, à Dunkerque et aux alentours, de nombreux migrants marchent ainsi le long de l’autoroute pour rejoindre les aires de repos et tenter de monter dans les camions pour rejoindre l’Angleterre.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, un migrant de nationalité afghane est mort après avoir été percuté par un véhiculesur la rocade menant au port de Calais, portant à trois le nombre de décès de migrants à Calais et ses environs en 2017.
France : L’arrivée du froid met les migrants de Calais en danger
Abus policiers et températures glaciales menacent leur sécurité
(Paris) – Les migrants et demandeurs d’asile à Calais font face à des conditions de vie dramatiques, particulièrement en cette période de chute des températures, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. De nombreux migrants, enfants et adultes, ont rapporté que les destructions et confiscations de leurs effets par la police étaient plus fréquentes depuis début novembre 2017, leur rendant la vie dehors encore plus difficile.
Dans cette ville du nord de la France, les policiers emploient une force excessive contre les demandeurs d’asile et autres migrants. Les forces de l’ordre confisquent ou détruisent fréquemment les sacs de couchage, vêtements et autres possessions des demandeurs d’asile et des migrants, apparemment dans le but de les dissuader de rester à Calais.
« Les violences policières, les destructions et les confiscations en cours sont inhumaines et inadmissibles», a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. « Les autorités françaises doivent mettre immédiatement fin à ces abus et s’assurer que les migrants sont traités avec la dignité à laquelle tout être humain a droit. »
Human Rights Watch a constaté que, très récemment, au cours de la première semaine de décembre, la police, en particulier du corps anti-émeute des Compagnies républicaines de sécurité (CRS), avait confisqué ou détruit des effets personnels des demandeurs d’asile et des autres migrants, tels que leurs sacs de couchage, couvertures, vêtements, voire parfois leurs téléphones, médicaments et documents.
Au moins 500 migrants et demandeurs d’asile, dont on estime que 100 sont des enfants non accompagnés, vivent dans les rues et les zones boisées de Calais et des alentours. La plupart d’entre eux sont originaires d’Érythrée, d’Éthiopie et d’Afghanistan.
Depuis la fermeture du camp de Calais, dit « la Jungle », par les autorités françaises en octobre 2016, les autorités municipales et nationales ont exprimé à plusieurs reprises leur volonté d’éviter la réinstallation d’un nouveau camp permanent dans la ville ou aux alentours, où se sont regroupés des migrants dans l’espoir d’atteindre le Royaume-Uni. Pendant un temps, les autorités françaises ont défié une décision de justice leur ordonnant de procurer aux demandeurs d’asile et aux autres migrants de l’eau potable et d’autres services d’aide humanitaire, mais cela est aujourd’hui partiellement résolu.
Début décembre à Calais, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 36 migrants, dont des demandeurs d’asile, notamment avec 20 enfants non accompagnés. Human Rights Watch s’est également entretenu avec 23 employés et volontaires d’organisations non gouvernementales fournissant une assistance humanitaire, juridique et médicale. Outre la confiscation d’objets personnels, Human Rights Watch a documenté des agressions physiques de migrants par la police ainsi que des actes de harcèlement à l’encontre de travailleurs humanitaires.
En réaction aux conclusions des recherches de Human Rights Watch et du Défenseur des droits, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a annoncé que les services d’enquête interne de l’administration et des forces de sécurités françaises investigueraient les pratiques policières à Calais. Le rapport officiel des inspecteurs, publié en octobre, a conclu qu’il existait des preuves convaincantes de l’usage excessif de la force et d’autres abus commis par les policiers. Il a appelé à des améliorations dans les pratiques des policiers opérant à Calais face aux demandeurs d’asile et autres migrants.
« Ces actes représentent une stratégie de harcèlement et d’épuisement de la part des autorités, visant à dissuader la présence de migrants à Calais », selon Loan Torondel, coordinateur terrain de l’Auberge des migrants, une organisation humanitaire française. « Laisser des personnes vulnérables sans abri, par ce temps, ne fait qu’augmenter leur désespoir. » L’association a également détaillé tout récemment, dans un rapport publié début décembre, les confiscations et destructions par la police de tentes, bâches, sacs de couchage et autres effets des migrants et des demandeurs d’asile.
Le 11 décembre, après plusieurs semaines d’un froid de plus en plus vif, mais avant que la loi ne leur impose de le faire, les responsables municipaux de Calais ont ouvert des hébergements d’urgence pour deux jours, dont la durée a ensuite été prolongée jusqu’au 18 décembre au matin. D’après les déclarations des autorités locales aux organisations humanitaires, cet hébergement est constitué de containers avec 70 places pour les femmes, les enfants et les personnes vulnérables, par exemple âgées ou malades, et d’un entrepôt avec 200 places pour les hommes. Ces dispositifs ne sont ouverts que pendant la nuit.
Les informations rapportées par les groupes humanitaires varient, mais certains ont rapporté que les migrants devaient prendre des bus spécifiques, en se rassemblant à des points de départ particuliers, avant 19 heures chaque soir, à moins qu’ils ne soient amenés par les services d’urgence. Ils ont indiqué que les personnes qui parvenaient à l’abri d’urgence par d’autres moyens, à pied par exemple, étaient refoulés, tandis que d’autres ne pouvaient accéder à cet hébergement par manque d’informations sur l’ouverture des abris et sur les procédures d’admission.
La décision des autorités locales d’ouvrir ces abris d’urgence avant d’être strictement obligées de le faire est cohérent avec les engagements du président Emmanuel Macron. Il avait ainsi déclaré en juillet : « Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois […].Je veux […] partout des hébergements d’urgence. »
Les autorités devraient maintenir ces hébergements d’urgence ouverts pendant tout l’hiver, de jour comme de nuit, afin d’assurer une protection adéquate à ceux qui, sinon, seraient sans abri, notamment les demandeurs d’asile et les autres migrants, a déclaré Human Rights Watch. Par ailleurs les autorités devraient mettre fin aux pratiques policières abusives, sanctionner les agents abusant de leur pouvoir et mettre en œuvre les recommandations émises en octobre par les services d’enquête interne de l’administration et des forces de sécurité françaises.
« Les abus et le harcèlement policiers ne devraient pas être un élément constitutif de la politique de la France envers les migrants et les demandeurs d’asile », a conclu Bénédicte Jeannerod.
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Conditions de vie
Les conditions de vie précaires ont de lourdes conséquences sur la santé mentale des demandeurs d’asile et des autres migrants, ont déclaré à Human Rights Watch des membres d’équipes médicales. Avec l’arrivée du froid, les travailleurs humanitaires ont noté que les migrants avaient d’avantage de risques de souffrir d’engelures et d’hypothermie. Les groupes humanitaires apportent des réserves de gants, de chauffe-mains et d’autre matériel similaire d’urgence.
Parmi les autres problèmes de santé fréquents, il faut citer la gale, le pied des tranchées, un syndrome douloureux causé par le fait d’avoir les pieds humides de façon prolongée ; des infections oto-rhino-laryngologiques ; et des douleurs musculaires et dorsales dues à la vie en extérieur. Un nettoyage régulier des vêtements et des couchages est nécessaire pour prévenir la gale.
Suite à un jugement émis fin juillet par le plus haut tribunal administratif français, le Conseil d’État, les représentants locaux du gouvernement ont installé des points d’eau, des toilettes et des douches. Cependant, les migrants et les demandeurs d’asile ne peuvent ni laver ni sécher leurs vêtements et leurs couchages.
La loi française exige que des hébergements d’urgence soient ouverts pour toutes les personnes sans abri, y compris les migrants sans papiers, lorsque la météo atteint certaines conditions, par exemple lorsque la température tombe à -5 ºC pendant deux nuits consécutives ou bien demeure à 0 ºC ou en-dessous pendant la journée. Les responsables locaux peuvent, à leur discrétion, ouvrir des abris d’urgence dans des conditions moins rigoureuses.
Autres abus
Human Rights Watch a également réuni des informations sur des cas récents de violences physiques commises par la police à l’encontre de migrants et de demandeurs d’asile, notamment des coups sur les mains, les jambes et les chevilles, parfois alors qu’ils sont assis de manière pacifique aux points de distribution, en train de dormir ou bien de se réveiller. Certains migrants et demandeurs d’asile, aussi bien enfants qu’adultes, ont déclaré qu’ils avaient été aspergés de gaz irritant pendant qu’ils dormaient. Les travailleurs médicaux ont rapporté qu’ils avaient soigné des migrants et demandeurs d’asile qui souffraient d’irritations oculaires et d’autres symptômes concordant avec ces récits.
Human Rights Watch a également constaté que la police harcelait les travailleurs humanitaires par des contrôles d’identité répétés et des procès-verbaux pour des infractions mineures, telles qu’une quantité insuffisante de liquide lave-glace ou une pression des pneus trop faible, ou encore d’amendes de stationnement. Un travailleur humanitaire a déclaré que des agents avaient vérifié les documents d’identité de certains responsables et volontaires plusieurs fois dans la même journée.
Récits de migrants (enfants non accompagnés et adultes)
Afin de protéger la vie privée des personnes interrogées, la plupart des noms ont été modifiés et d’autres informations qui pourraient aider à les identifier n’ont pas été incluses. Si un âge est précisé, il s’agit de l’âge que la personne a déclaré à Human Rights Watch.
« Ils me font peur, je n’aime pas les policiers de Calais. J’aime bien les policiers de France, mais pas ceux de Calais. Ils m’ont aspergé le visage il y a trois jours, et tout le corps. Ils m’ont pris toutes mes affaires. »
– Un jeune garçon [âge et nationalité non divulguées], le 6 décembre 2017.
« Ils ont pris tous nos sacs de couchage aujourd’hui [le 5 décembre], après midi. Les animaux sont plus respectés que nous, ici. »
– Un homme adulte originaire d’Éthiopie, le 5 décembre 2017
« Je dors dans les bois. Les policiers [viennent] tous les jours. Ils pulvérisent du gaz. Ils frappent… Il y a deux semaines, ils m’ont aspergé les yeux de gaz et j’ai dû passer une journée à l’hôpital. »
– Un garçon de 15 ans originaire d’Érythrée, le 5 décembre 2017
« J’ai reçu du gaz deux fois. Ça fait très mal. Ça brûle aussi. La douleur met deux, trois jours à passer. Ça brûle vraiment beaucoup. Même la peau. […] La deuxième fois [que j’ai été aspergé de gaz], je dormais. Ils m’ont réveillé et m’ont aspergé. À tous, ils nous ont fait pareil. »
– Un homme adulte originaire d’Éthiopie, le 5 décembre 2017
« Ce matin, les policiers sont venus, ils étaient plus de 25. Ils ont pris tous nos sacs de couchage, mon téléphone… Quand ils viennent, ils nous frappent. Ils prennent nos sacs de couchage et nos vestes, à chaque fois. Ils me frappent parfois. Ils utilisent leurs bombes de gaz, partout sur mon visage. Ils disent : ‘Ne dormez pas. Allez-vous-en !’… Maintenant la vie est affreuse. Maintenant il commence à pleuvoir, à geler. La nuit est très, très froide. Nous dormons dehors la nuit, mais nous n’avons rien. »
– Un garçon de 17 ans, « Kuma », originaire d’Oromie, le 5 décembre 2017
« Je dors sous le pont… Hier, les policiers sont venus avec leurs bombes. Ils m’ont aspergé le visage, ont pulvérisé du gaz partout. Je n’ai plus de sac de couchage – les policiers me l’ont pris.
– Un garçon de 15 ans, « Neissa », originaire d’Oromie, le 5 décembre 2017
« Les policiers prennent les sacs de couchage, les couvertures… normal ! Ils me pulvérisent les yeux, le nez, la bouche. Après, je tousse pendant 20 ou 30 minutes.
– Un jeune garçon [âge et nationalité non divulguées], le 6 décembre 2017.
C’est vraiment dur. Les policiers viennent le matin. Ils prennent votre sac de couchage et vous pulvérisent le visage, les yeux. Ce sont les CRS [la police anti-émeute française]. »
– Un homme de 18 ans originaire d’Érythrée, le 6 décembre 2017
« Calais, ce n’est pas bon. Les policiers viennent à chaque fois. Ils ramassent les vêtements, pulvérisent de gaz, frappent. C’est vraiment très dur. Les CRS à chaque fois, nuit et jour. Ils prennent les couvertures, les sacs de couchages et même les vêtements. Aujourd’hui, [ils ont pris] mon sac de couchage… [J’ai été] frappé à la jambe. Ce matin, ils m’ont pulvérisé les yeux et les vêtements. Hier, c’était mes vêtements.
– Un garçon de 16 ans originaire d’Éthiopie, le 6 décembre 2017
En septembre dernier, le tribunal s’était penché sur le cas d’un agent de police qui, entre deux audiences à Coquelles, avait été surpris en train de gifler un migrant. Le délibéré vient d’être rendu.
Par E.O. |
J’ai été commissaire de police pendant quinze ans. Attendez-vous à devoir vous battre devant la commission de discipline pour ne pas être exclu ! » tonne le président du tribunal. En face, c’est un policier de 44 ans qui est sur le banc des prévenus. Le 3 août 2016, il a mis une gifle à un migrant alors qu’ils attendaient l’arrivée des magistrats, dans une petite salle d’audience voisine de l’hôtel de police de Coquelles. C’est une greffière, qui, en débarquant dans la salle à l’improviste, rapportera avoir assisté à la scène de la gifle.
Alors oui, le migrant en question était du genre agité, ce jour-là. Mais justement, la situation semblait être sous contrôle au moment où la gifle a été administrée. « On ne peut pas accepter un tel comportement de la part de fonctionnaires de police », et ce même dans la situation très compliquée qu’ils vivent à Calais, explique encore le président. Le parquet avait requis six mois de prison ferme et le tribunal a suivi ces réquisitions. Il a de plus révoqué 4 mois de prison avec sursis d’une précédente condamnation pour des faits de violence. Quant à savoir si le policier pouvait continuer à exercer au sein des forces de l’ordre… Le tribunal a plus ou moins botté en touche : le prévenu a interdiction d’utiliser une arme pour une durée de cinq ans. Il lui est aussi interdit d’exercer dans la fonction publique pendant deux ans, mais cette condamnation est avec sursis. Il pourra donc en théorie sauver son poste… s’il parvient à convaincre la commission de discipline.
France : Une enquête conclut à des abus de la police sur des migrants à Calais
Les recommandations doivent être mises en œuvre, la situation humanitaire critique doit être améliorée.
(Paris)–Un rapport publié le 23 octobre 2017, par les agences d’inspection interne de l’administration et des forces de sécurité françaises réunit des preuves probantes que la police a eu recours à un usage excessif de la force et a commis d’autres abus contre des adultes et des enfantsmigrants à Calais, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le rapport français est rendu public tout juste un an après la démolition du grand camp de migrants de Calais, appelé familièrement « la jungle ».
L’enquête et le rapport ont été diligentés par le ministère de l’Intérieur à la suite de la publication en juillet du rapport de Human Rights Watch faisant état d’abus commis contre des migrants adultes et enfants à Calais et dans ses environs. Les résultats de l’enquête confirment les principales conclusions de Human Rights Watch – que les forces de police ont eu recours de façon routinière à des aérosols d’agents chimiques contre des migrants, y compris des enfants, alors qu’ils sont endormis ou se trouvent dans des situations dans lesquelles ils ne posent aucune menace, et qu’elles ont régulièrement pulvérisé ou confisqué des sacs de couchages, des couvertures et des vêtements, dans le but apparent de pousser les migrants à quitter la zone.
« L’enquête diligentée par le ministère de l’Intérieur confirme que la police à Calais a eu recours à la force de manière excessive et a commis des abus contre les migrants, y compris des enfants », a déclaré Bénédicte Jeannerod, Directrice France de Human Rights Watch. « Les autorités locales et nationales devraient mettre un terme à ces pratiques, ouvrir des procédures disciplinaires contre les policiers qui abusent de leur pouvoir, et mettre en œuvre les recommandations des inspecteurs. »
Le Défenseur des droits et un grand nombre d’associations humanitaires opérant à Calais et aux alentours, notamment l’Auberge des migrants et Help Refugees, ont rendu des conclusions similaires au sujet d’abus commis par des policiers après la fermeture du vaste camp de migrants il y a exactement un an.
La plupart des abus décrits aux inspecteurs ont été imputés aux Compagnies républicaines de sécurité (CRS). Parmi d’autres choses, l’enquête a conclu que les forces de police ne respectent pas toujours l’obligation de porter leurs badges comportant leur RIO (référentiel des identités et de l’organisation). En conséquence, les officiers de police commettant des abus ne peuvent pas être identifiés facilement.
Les inspecteurs recommandent à la police française de veiller à ce que les officiers de police soient informés de la doctrine d’emploi des aérosols lacrymogènes et reçoivent des instructions spécifiques quant aux méthodes autorisées dans des interventions déterminées. Les inspecteurs recommandent également aux policiers de toujours porter visiblement leur numéro d’immatriculation, et d’utiliser des caméras piétons au cours de leurs interventions et lorsqu’ils procèdent à des contrôles d’identité. Human Rights Watch défend depuis longtemps la remise de récépissés par la police lors de contrôles d’identité, en ce qu’ils permettraient de fournir une preuve de l’intervention et de faire valoir ses droits en cas d’abus.
Les inspecteurs appellent les forces de police à dialoguer avec les associations humanitaires, et notent que l’amélioration de l’accès des migrants à la nourriture, à l’eau et autres besoins de base réduirait les tensions à Calais, et par là-même le besoin pour la police d’intervenir.
Jusqu’en juillet dernier, les autorités locales se sont efforcées d’empêcher les distributions de nourriture organisées par des associations humanitaires, et ont refusé de fournir aux migrants un accès à l’eau potable et à des douches, au prétexte que cela attirerait plus de migrants. En juin, le Défenseur des droits a observé que le manque d’accès aux services de base a contribué à « un état d’épuisement physique et mental » et à des « conditions de vie inhumaines » pour les migrants à Calais et dans ses environs.
Une question est longuement étudiée par les inspecteurs : celle du contenu des aérosols à main utilisés par les forces de police à Calais, et si ceux-ci contiennent du gaz poivre (oleoresin capsicum, OC) ou du gaz lacrymogène (le nom communément utilisé pour les aérosols qui contiennent l’agent chimique 2-chlorobenzylidene malononitrile, ou CS). Au moment où le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a annoncé l’ouverture de l’enquête dont est issu le rapport de cette semaine, le ministère a réagi au rapport de Human Rights Watch dans un communiqué de presse, en déclarant que la police utilise du gaz lacrymogène, et non du gaz poivre. En réalité, les effets du gaz CS sont encore plus graves, et leurs effets à long terme potentiellement plus dangereux pour la santé que ceux causés par le gaz poivre OC.
« Ce long débat pour savoir si la police utilise des aérosols OC ou CS passe à côté du problème, » a déclaré Bénédicte Jeannerod. « Le vrai problème est l’usage routinier et indiscriminé de ces aérosols par la police, ce qui constitue un usage excessif de la force. »
Les trois unités d’enquêtes – les inspections générales de l’administration (IGA), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN) – ont procédé à 93 entretiens avec des représentants d’associations humanitaires, des forces de police et d’autres autorités, ainsi qu’avec des migrants et des chercheurs de Human Rights Watch.
« Ces recommandations sont un pas dans la bonne direction. Il est particulièrement important que les autorités locales et nationales reconnaissent l’urgence de remédier à la situation humanitaire à laquelle les migrants sont confrontés », a déclaré Bénédicte Jeannerod.
Migrants à Calais : un rapport officiel reconnaît de « plausibles » abus chez les forces de l’ordre
Le ministère de l’intérieur s’est toutefois félicité qu’« aucun élément ne [permette] d’apporter la preuve des allégations les plus graves » de l’organisation Human Rights Watch.
Le Monde.fr avec AFP | 24.10.2017
L’organisation Human Rights Watch (HRW) avait accusé la police d’exercer des violences à l’encontre de migrants à Calais, dans une enquête rendue publique en juillet. Emmanuel Macron avait alors réclamé « des réponses précises » au ministre de l’intérieur. C’est chose faite. Commandé dans la foulée par Gérard Collomb et publié lundi 23 octobre, un rapport officiel des inspections générales de l’administration (IGA), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN) estime « plausibles » certains abus des forces de sécurité à l’encontre des migrants depuis le démantèlement de la « jungle » de Calais il y a un an.
Ce rapport sur « l’évaluation de l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois » met en lumière « la situation particulièrement difficile » à laquelle sont confrontés policiers et gendarmes, sans pour autant blanchir les forces de sécurité mises en cause par les ONG et les associations.
Un usage jugé abusif des gaz lacrymogènes
« L’accumulation des témoignages écrits et oraux, bien que ne pouvant tenir lieu de preuves formelles, conduit à considérer comme plausibles des manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière », écrivent les inspecteurs de l’administration, qui ont rencontré 93 personnes et ont eu des échanges informels avec une centaine de migrants. Chez les rédacteurs du rapport, l’utilisation du conditionnel est de rigueur.
Si le rapport évacue l’utilisation de gaz poivre par les forces de l’ordre sur Calais – l’une des principales accusations de HRW – considéré comme « hautement improbable » et « sans fondement », il n’en est pas de même avec un « usage jugé abusif des gaz lacrymogènes » pour perturber la distribution de repas ou le sommeil de migrants.
Sur les accusations de maltraitance physique, le rapport des inspections retient que « dans la plupart des cas », les blessures sont le fruit des tentatives de pénétration dans l’enceinte du port ou dans les camions, voire des rixes entre migrants.
« Pour autant, plusieurs témoignages concordants et de sources diverses semblent confirmer un usage de la force disproportionné, voire injustifié, à l’encontre de migrants et de membres d’organisations humanitaires sur place. »
La « destruction d’affaires appartenant aux migrants » ou encore le non-respect du port du matricule sont encore quelques-uns des « manquements » listés par l’IGA, l’IGPN et l’IGGN. Ceux-ci « ne doivent pas jeter une suspicion sur l’action globale de forces de l’ordre confrontées à une situation particulièrement difficile », nuance cependant la mission, consciente de l’extrême sensibilité du sujet chez les forces de l’ordre.
Un rappel à l’ordre de Gérard Collomb
Les rapporteurs reconnaissent le fossé entre le nombre élevé de témoignages de migrants et celui « très réduit » des dépôts de plainte ayant conduit à une saisine de l’IGPN (11 signalements entre 1er janvier et le 1er septembre) et de l’IGGN, mais l’expliquent par la « crainte de devoirjustifier de leur identité et de leurs conditions de séjour » au commissariat, l’éloignement du tribunal de Boulogne-sur-Mer ou encore des freins culturels à « déposer plainte à la police contre la police ».
Dans un communiqué publié à la suite de la mise en ligne du document, le ministre de l’intérieur a souligné qu’« aucun élément du rapport ne permet d’apporter la preuve des allégations les plus graves formulées » par l’organisation Human Rights Watch en juillet, en particulier l’usage « routinier » de gaz poivre. Les manquements « plausibles » ne sont pas « établis par des preuves » et ne permettent pas « de mettre en cause, de manière établie et certaine, l’action des forces intervenantes », fait valoir l’intérieur.
M. Collomb qui tient « à renouveler sa confiance aux forces de l’ordre », a cependant demandé « aux préfets et aux directions générales de la police et de la gendarmerie nationales de rappeler de façon systématique, au travers d’une chaîne de commandement unique, les directives et cadres d’intervention des forces de l’ordre, notamment lors des opérations de démantèlement des campements ».
À la veille du premier anniversaire du démantèlement de la Lande de Calais, Gérard Collomb, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, tient à faire le point sur l’intervention de l’État dans la région, concernant la gestion des questions migratoires.
I. Un an après la fermeture du camp de la Lande et la mise à l’abri de 8 000 personnes, l’État est plus présent que jamais à Calais pour concilier traitement digne des migrants et maintien de l’ordre public
L’Etat reste très mobilisé en faveur du maintien de l’ordre public à Calais, et cette action porte ses fruits. Plus d’un millier de policiers et de gendarmes participent à la sécurisation du Calaisis. Cette action a permis, depuis un an, de faire disparaître les intrusions sur le site d’Eurotunnel, de diviser par trois les intrusions sur la zone portuaire et d’intensifier les démantèlements de réseaux de passeurs. En conséquence, après des années économiquement très difficiles, la reprise est au rendez-vous dans le Calaisis, avec une hausse de l’activité sur le port, la reprise de l’exploitation de l’autoroute ferroviaire pour Calais, et une augmentation de 6% du trafic de poids lourds.
Les migrants bénéficient à Calais de conditions d’accueil dignes et de solutions de mise à l’abri. Ceci passe par des conditions d’hygiène renforcées, avec accès à des citernes d’eau et des latrines, tant à Calais qu’à Grande-Synthe. À Calais, une trentaine de douches sont également accessibles aux migrants. L’accès aux soins fait également l’objet d’une attention particulière. Ainsi, la capacité d’accueil de la permanence d’accès aux soins de santé du centre hospitalier de Calais a été doublée.
Les mineurs non-accompagnés font l’objet d’un repérage et d’une information par des maraudes dédiées, effectuées par l’association France Terre d’Asile pour le compte de l’État. Une mise à l’abri au centre de protection de l’enfance de Saint-Omer leur est proposée. 1 849 personnes se déclarant mineures ont été mises à l’abri depuis le début de l’année 2017 soit le double que l’année dernière à la même époque alors que le nombre total de migrants est nettement moins élevé.
Enfin, Gérard COLLOMB rappelle que l’Etat propose à chaque migrant à Calais une solution d’hébergement et la possibilité de déposer une demande d’asile. Quatre centres d’accueil et d’examen des situations sont ouverts dans le Nord et le Pas-de-Calais, offrant une capacité de près de 300 places, et permettant d’accéder à la demande d’asile. Des maraudes intensives sont organisées à Calais et Grande-Synthe pour permettre l’accès des personnes qui le souhaitent à ces centres.
II. Par ailleurs, le ministre d’État a reçu ce lundi 23 octobre le rapport des inspections générales de l’administration, de la police nationale et de la gendarmerie nationale sur l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois. Ce rapport met en évidence les missions essentielles pour l’ordre public et la sécurité que remplissent les forces de l’ordre, et souligne « le contexte particulièrement difficile » et « périlleux » de leur intervention.
Le rapport pointe ainsi que « la grande majorité des interlocuteurs rencontrés jugent indispensable la présence des forces de l’ordre et reconnaissent la qualité et la difficulté de leur travail ». Gérard Collomb souhaite réaffirmer « le caractère indispensable et efficace de l’action des forces de l’ordre » à cet égard.
Sécuriser la frontière est indispensable pour limiter l’attractivité de Calais pour les migrants. Les migrants viennent dans les Hauts-de-France pour tenter illégalement et par tous moyens de franchir la frontière, en pénétrant dans les infrastructures (Eurotunnel, port) ou en montant à bord des camions. En septembre 2017, près de 2 600 personnes ont été découvertes dans les poids lourds sur le Port de Calais et Eurotunnel, et plus de 7 800 tentatives d’intrusion ont été déjouées. Cela implique de lutter contre les trafics et les passeurs qui exploitent la misère, que Gérard Collomb rappelle vouloir combattre avec la plus grande des fermetés.
Le gouvernement réaffirme son attachement à l’objectif d’éviter la reconstitution de campements, qui ne seraient pas dignes et conduiraient à des points de fixation sur le littoral. L’histoire le montre sur place, après le démantèlement de Sangatte, de la jungle, puis il y a un an du camp de la Lande, où 8 000 personnes ont été mises à l’abri. Seule une action déterminée de lutte contre les campements permet aujourd’hui qu’il y ait seize fois moins de migrants à Calais (500 selon la préfecture et les associations).
Les troubles à l’ordre public sont nombreux, notamment à Calais : 23 barrages sur les routes, parfois enflammés, rixes violentes entre migrants, violence des passeurs etc. Les CRS, dans leur mission de protection de la rocade, sont ainsi régulièrement visés par des jets de projectile leur occasionnent des blessures parfois graves. En 2016, 44 fonctionnaires CRS ont été blessés sur le Calaisis. 10 l’ont été depuis le début de l’année.
Gérard Collomb souligne qu’il est « pleinement conscient de l’extrême difficulté de ces missions » et salue « l’engagement et la détermination remarquable des effectifs de police et des militaires de gendarmerie engagés sur cette mission difficile. »
III. Aucun élément du rapport ne permet d’apporter la preuve des allégations les plus graves formulées par Human Rights Watch.
L’ONG Human Rights Watch avait publié en juillet 2017 un document qui mettait en cause de façon très virulente l’action des forces de l’ordre à Calais. Contrairement à ce qu’indiquait Human Rights Watch, il est confirmé que les forces de police et de gendarmerie ne sont pas dotées de « gaz poivre ».
En outre, aucune preuve ni aucun indice concordant ne permet de lier les blessures dont ont fait état certains migrants avec l’action des forces de l’ordre, le rapport évoquant la possibilité qu’elles aient été provoquées lors d’affrontements entre migrants, ou entre ceux-ci et des passeurs, dont on sait qu’ils sont très fréquents et très violents sur le secteur.
Même si le nombre de plaintes reste très faible (seulement 10 plaintes déposées pour des faits postérieurs au démantèlement de la jungle), les inspections, sur la base de témoignages, estiment cependant que des manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie sont « plausibles », sans qu’ils ne soient établis par des preuves ni qu’ils ne permettent de mettre en cause, de manière établie et certaine, l’action des forces intervenantes.
Gérard Collomb, saisi de ces conclusions, souligne que plusieurs recommandations formulées par les inspections sont déjà en vigueur sur le secteur.
Des référents aide aux victimes et migrants existent déjà dans les circonscriptions de sécurité publique de Calais et de Dunkerque
À Calais, des réunions régulières existent depuis début août entre le sous-préfet et les associations ; comme le recommande le rapport, des représentants des forces de l’ordre pourront y être associés
Le ministre a demandé aux préfets et aux directions générales de la police et de la gendarmerie nationales de rappeler de façon systématique, au travers d’une chaîne de commandement unique, les directives et cadres d’intervention des forces de l’ordre, notamment lors des opérations de démantèlements des campements.
Il tient à renouveler sa confiance aux forces de l’ordre dont l’intervention se réalise, dans le Calaisis et le Dunkerquois, dans un contexte particulièrement difficile.
Communiqué de presse de Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, en date du 23 octobre 2017
France : Une enquête conclut à des abus de la police sur des migrants à Calais
Les recommandations doivent être mises en œuvre, la situation humanitaire critique doit être améliorée
(Paris)–Un rapport publié le 23 octobre 2017, par les agences d’inspection interne de l’administration et des forces de sécurité françaises réunit des preuves probantes que la police a eu recours à un usage excessif de la force et a commis d’autres abus contre des adultes et des enfantsmigrants à Calais, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le rapport français est rendu public tout juste un an après la démolition du grand camp de migrants de Calais, appelé familièrement « la jungle ».
L’enquête et le rapport ont été diligentés par le ministère de l’Intérieur à la suite de la publication en juillet du rapport de Human Rights Watch faisant état d’abus commis contre des migrants adultes et enfants à Calais et dans ses environs. Les résultats de l’enquête confirment les principales conclusions de Human Rights Watch – que les forces de police ont eu recours de façon routinière à des aérosols d’agents chimiques contre des migrants, y compris des enfants, alors qu’ils sont endormis ou se trouvent dans des situations dans lesquelles ils ne posent aucune menace, et qu’elles ont régulièrement pulvérisé ou confisqué des sacs de couchages, des couvertures et des vêtements, dans le but apparent de pousser les migrants à quitter la zone.
« L’enquête diligentée par le ministère de l’Intérieur confirme que la police à Calais a eu recours à la force de manière excessive et a commis des abus contre les migrants, y compris des enfants », a déclaré Bénédicte Jeannerod, Directrice France de Human Rights Watch. « Les autorités locales et nationales devraient mettre un terme à ces pratiques, ouvrir des procédures disciplinaires contre les policiers qui abusent de leur pouvoir, et mettre en œuvre les recommandations des inspecteurs. »
Le Défenseur des droits et un grand nombre d’associations humanitaires opérant à Calais et aux alentours, notamment l’Auberge des migrants et Help Refugees, ont rendu des conclusions similaires au sujet d’abus commis par des policiers après la fermeture du vaste camp de migrants il y a exactement un an.
La plupart des abus décrits aux inspecteurs ont été imputés aux Compagnies républicaines de sécurité (CRS). Parmi d’autres choses, l’enquête a conclu que les forces de police ne respectent pas toujours l’obligation de porter leurs badges comportant leur RIO (référentiel des identités et de l’organisation). En conséquence, les officiers de police commettant des abus ne peuvent pas être identifiés facilement.
Les inspecteurs recommandent à la police française de veiller à ce que les officiers de police soient informés de la doctrine d’emploi des aérosols lacrymogènes et reçoivent des instructions spécifiques quant aux méthodes autorisées dans des interventions déterminées. Les inspecteurs recommandent également aux policiers de toujours porter visiblement leur numéro d’immatriculation, et d’utiliser des caméras piétons au cours de leurs interventions et lorsqu’ils procèdent à des contrôles d’identité. Human Rights Watch défend depuis longtemps la remise de récépissés par la police lors de contrôles d’identité, en ce qu’ils permettraient de fournir une preuve de l’intervention et de faire valoir ses droits en cas d’abus.
Les inspecteurs appellent les forces de police à dialoguer avec les associations humanitaires, et notent que l’amélioration de l’accès des migrants à la nourriture, à l’eau et autres besoins de base réduirait les tensions à Calais, et par là-même le besoin pour la police d’intervenir.
Jusqu’en juillet dernier, les autorités locales se sont efforcées d’empêcher les distributions de nourriture organisées par des associations humanitaires, et ont refusé de fournir aux migrants un accès à l’eau potable et à des douches, au prétexte que cela attirerait plus de migrants. En juin, le Défenseur des droits a observé que le manque d’accès aux services de base a contribué à « un état d’épuisement physique et mental » et à des « conditions de vie inhumaines » pour les migrants à Calais et dans ses environs.
Une question est longuement étudiée par les inspecteurs : celle du contenu des aérosols à main utilisés par les forces de police à Calais, et si ceux-ci contiennent du gaz poivre (oleoresin capsicum, OC) ou du gaz lacrymogène (le nom communément utilisé pour les aérosols qui contiennent l’agent chimique 2-chlorobenzylidene malononitrile, ou CS). Au moment où le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a annoncé l’ouverture de l’enquête dont est issu le rapport de cette semaine, le ministère a réagi au rapport de Human Rights Watch dans un communiqué de presse, en déclarant que la police utilise du gaz lacrymogène, et non du gaz poivre. En réalité, les effets du gaz CS sont encore plus graves, et leurs effets à long terme potentiellement plus dangereux pour la santé que ceux causés par le gaz poivre OC.
« Ce long débat pour savoir si la police utilise des aérosols OC ou CS passe à côté du problème, » a déclaré Bénédicte Jeannerod. « Le vrai problème est l’usage routinier et indiscriminé de ces aérosols par la police, ce qui constitue un usage excessif de la force. »
Les trois unités d’enquêtes – les inspections générales de l’administration (IGA), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN) – ont procédé à 93 entretiens avec des représentants d’associations humanitaires, des forces de police et d’autres autorités, ainsi qu’avec des migrants et des chercheurs de Human Rights Watch.
« Ces recommandations sont un pas dans la bonne direction. Il est particulièrement important que les autorités locales et nationales reconnaissent l’urgence de remédier à la situation humanitaire à laquelle les migrants sont confrontés », a déclaré Bénédicte Jeannerod.
En dix jours, c’est le deuxième désaveu officiel infligé à la politique menée par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, à Calais. Après le Conseil d’Etat, qui le 23 novembre exigeait un aménagement rapide du campement où vivent plus de 5 000 migrants, c’est au tour de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté de dénoncer le non-respect des droits de l’homme, par les pouvoirs publics, dans ce no man’s land de misère et de détresse qu’est la jungle calaisienne.
Dans une recommandation rendue publique le 2 décembre, Adeline Hazan demande au ministre qu’il « soit mis fin » aux placements collectifs en rétention qui se succèdent à un rythme endiablé depuis plus de quarante jours. Elle dénonce l’enfermement de 779 migrants entre le 21 octobre et le 10 novembre (1 039 au 1er décembre selon la Cimade), « dans le but de désengorger Calais ». « Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté », constate-t-elle.
Aux yeux de cette haute autorité, la politique de M. Cazeneuve bafoue le droit des étrangers parce que ces migrants ne sont pas dans une situation où leur mise en rétention s’impose, mais aussi parce qu’on les prive « de l’accès à leurs droits » et que leur privation de liberté se fait « dans des conditions matérielles portant atteinte à leur dignité ».
Désengorger Calais
Ces violations du droit découlent du choix fait le 21 octobre par le ministre de l’intérieur. Ce jour-là, M. Cazeneuve annonce un plan pour Calais. Officiellement, il propose d’offrir un hébergement, quelque part en France, aux migrants qui acceptent de renoncer à leur projet migratoire vers la Grande-Bretagne. Il décide en même temps de renforcer largement la présence des forces de police sur le lieu afin de rendre la frontière hermétique. Pas un mot, alors, sur les places réservées jusqu’à fin décembre dans sept centres de rétention administrative (CRA) aux quatre coins du pays. Toutes les facettes de sa politique convergent vers un but unique : désengorger le site de Calais en le vidant par tous les moyens de quelques-uns des 6 500 migrants qui y résident alors.
Selon les textes juridiques en vigueur, le placement en rétention n’est pas prévu pour vider un campement: il est réservé à la préparation effective du retour d’un migrant dans son pays ou un pays tiers. Or, la contrôleure, qui a fait les calculs jusqu’au 10 novembre, est arrivée à la conclusion que seules 4 % des personnes retenues avaient effectivement quitté la France. Preuve que l’enfermement n’avait pas pour but premier de leur faire quitter l’hexagone – même si, dans sa réponse à Mme Hazan, le ministre rappelle que « tous les étrangers placés en CRA ont vocation à être éloignés et y sont placés dans ce seul but ».
La contrôleure ne donne les nationalités des « déplacés » que jusquà mi novembre mais la Cimade les a consigné jusquau 1er décembre. Sur les 1 039 personnes enfermées depuis octobre dans les sept CRA semi-réquisitionnés, figuraient 147 Érythréens, 113 Irakiens et 138 Syriens – autant de migrants qu’il est impossible de renvoyer chez eux parce que cette mesure les exposerait à des risques importants. Un bilan fait par la même association montre d’ailleurs que 94 % de ceux qui ont été enfermés depuis la mi-octobre ont été libérés, soit par la préfecture elle-même, soit par un juge. Selon nos informations, la plupart d’entre eux sont retournés à Calais par le premier train.
Entassement et indignité
Afin de disposer de tous les éléments, la contrôleure des lieux de privation de liberté et six de ses collaborateurs se sont rendus à deux reprises à l’hôtel de police de Coquelles, qui jouxte Calais. Ils ont suivi le transfert par avion de 46 personnes vers le centre de rétention de Nîmes et assisté à l’arrivée de 32 autres à Vincennes. Ils ont ainsi pu observer qu’une bonne partie des migrants mis en rétention avaient été enfermés suite à des contrôles d’identité aléatoires dans Calais, et non alors qu’ils tentaient de passer la frontière. La plupart avaient en outre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) « présentant une motivation stéréotypée et un argumentaire identique ». Un élément qui témoigne d’une absence d’examen de la situation individuelle contraire au droit.
La contrôleure a en outre pu observer que les policiers menaient les interpellations en fonction des places disponibles dans les CRA, et non en fonction des projets de renvoi. « Il reste quatre personnes à interpeller », a entendu l’un des enquêteurs de terrain, alors que 46 personnes étaient déjà gardées à vue ou retenues dans le centre de Coquelles dans des conditions d’entassement et d’indignité dénoncées par le rapport. La liste des violation des droits est tellement longue que le fait que l’« information relative à la possibilité de déposer une demande d’asile » soit « parfois omise lors de l’énumération des droits », pourrait paraître accessoire.
La contrôleure des lieux de privation de liberté n’est pas la seule à critiquer l’attitude des pouvoirs publics à Calais. Mardi 1er décembre, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), qui regroupe seize associations, de la Ligue des Droits de l’Homme aux syndicats d’avocats, a publié une lettre ouverte interrogeant le premier ministre Manuel Valls, sur le sens de ces déplacements forcés.
Contrôleure générale des lieux de privation de libertéb (CGLPL), 2 décembre 2015
Recommandations en urgence relatives aux déplacements collectifs de personnes étrangères interpellées à Calais
Au Journal Officiel du 2 décembre 2015 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives aux déplacements collectifs de personnes étrangères interpellées à Calais.
L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre.
Le ministre de l’intérieur a été destinataire de ces recommandations et a apporté ses observations, également publiées au Journal Officiel (http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2015/12/joe_20151202_0279_0091.pdf).
A l’occasion d’un contrôle du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles en juillet 2015, le CGLPL a observé une pratique de transferts groupés de personnes alors même que le centre n’était pas plein. Dans une lettre adressée au ministre de l’intérieur le 7 août 2015, la Contrôleure générale s’est inquiétée des risques d’atteintes au droit au recours de ces personnes et des conséquences anxiogènes de ces déplacements.
En octobre 2015, le CGLPL a été alerté de la mise en œuvre d’un dispositif similaire de déplacements, mais de plus grande ampleur, s’effectuant de Calais vers sept CRA du territoire national (Metz, Marseille, Rouen-Oissel, Paris-Vincennes, Toulouse-Cornebarrieu, Nîmes et le Mesnil-Amelot) dans des conditions suscitant de nombreuses questions, d’autant que le CRA de Coquelles n’était toujours pas complet.
Le contrôle a dès lors décidé de procéder à des vérifications sur place et s’est rendu à l’hôtel de police de Coquelles les 26 et 27 octobre 2015 puis dans la nuit du 9 au 10 novembre 2015, a suivi intégralement le transfert par avion de quarante-six personnes jusqu’au CRA de Nîmes le 27 octobre 2015 et a assisté à l’arrivée de trente-cinq autres personnes au CRA de Paris-Vincennes le 3 novembre 2015.
Un traitement de masse des déplacements induisant une prise en charge collective et sommaire qui prive les personnes de l’accès à leurs droits
– Des atteintes au droit au maintien des liens familiaux. Le CGLPL est attentif au respect du maintien des liens familiaux des personnes privées de liberté. Plusieurs personnes rencontrées par le CGLPL se sont plaintes d’avoir été séparées de membres de leur famille, principalement de leurs frères ou cousins mineurs laissés libres, et se sont inquiétées de l’avenir de ceux-ci, désormais seuls.
– Un accès insuffisant aux droits et à l’information. Le fait de recevoir plusieurs dizaines de personnes de manière quasiment simultanée entraîne une gestion collective des situations. La majorité des notifications des décisions administratives et des droits des personnes retenues, auxquelles les contrôleurs ont assisté, se sont déroulées de manière grandement insatisfaisante : notifications collectives dans des lieux particulièrement occupés et bruyants, mauvaises conditions d’interprétariat, voire absence d’interprète (remplacé par la remise de documents écrits), manque d’informations sur la vie au CRA et les missions des associations d’aide juridique, etc. Plusieurs des personnes retenues et des intervenants ont déclaré aux contrôleurs être convaincus, compte tenu des informations délivrées, que ce placement en rétention n’était pas destiné à organiser leur éloignement.
– Des actes stéréotypés et des procédures non-individualisées, sources d’imprécisions et d’irrégularités Il ressort de l’examen par le CGLPL de quatre-vingt-une procédures administratives (OQTF et placement en rétention administrative) que les décisions présentent une motivation stéréotypée et un argumentaire identique ; certaines sont pré-imprimées (mentions manuscrites portées dans des espaces vierges : date de la procédure, état civil de la personne et destination) et de nombreuses décisions ne fixent pas de pays de destination particulier. Ces documents, manifestement préparés à l’avance, témoignent d’une absence d’examen de la situation individuelle de chaque personne.
– Le contrôle juridictionnel. Le CGLPL estime que ces déplacements collectifs restreignent de fait l’assistance juridique et neutralisent, par la durée du trajet, une partie importante du délai de recours, ce qui porte atteinte à l’effectivité du droit au recours des personnes retenues contre les décisions les concernant. En outre, il saisit l’occasion des présentes recommandations pour rappeler sa préconisation de réduire le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention à 48 heures, ce qui permettrait un contrôle plus effectif de la régularité des procédures. Enfin, le CGLPL a constaté que de nombreuses personnes ont été libérées sur décision de l’administration avant le contrôle du juge des libertés et de la détention.
Des conditions indignes pour les personnes retenues comme pour le personnel
– Des cellules sur-occupées à l’hôtel de police de Coquelles. Les contrôleurs on constaté que des personnes séjournaient à quatre dans des cellules individuelles (7m2), parfois à treize dans des cellules collectives (11m2). La grande majorité des personnes dormait à même le sol, certaines sans couverture. Les cellules collectives sont dépourvues de WC, les personnes sont donc soumises à la disponibilité des policiers pour se rendre aux toilettes. Des WC séparés par une cloison à mi-hauteur équipent les cellules simples, les personnes se retrouvaient contraintes d’utiliser les WC en présence de co-cellulaires, situation attentatoire au respect de la dignité humaine.
– Des policiers et gendarmes très impliqués mais épuisés par la charge de travail. L’arrivée des renforts dans le Calaisis entraîne une désorganisation dans le fonctionnement, les différents fonctionnaires ne se connaissant pas et appartenant à des services distincts. Les policiers de l’hôtel de police de Coquelles sont tous soumis à une forte pression du fait du traitement de masse qui leur est imposé. Au sein des CRA de destination, le nombre de personnes déplacées simultanément pèse sur la qualité de l’accueil et des informations délivrées et nuit également à la prise en charge des autres personnes retenues.
Un usage détourné de la procédure de placement en rétention administrative
– Un ensemble d’éléments démontrant une volonté de répartir les personnes sur le territoire national pour « désengorger » Calais. Les contrôleurs ont constaté que le nombre de personnes déplacées chaque jour est élevé et stable. Des propos entendus par les contrôleurs (« il reste quatre personnes à interpeller ») ainsi qu’une mention manuscrite lue par les contrôleurs sur un tableau (« 25 personnes, CRA de Nîmes, départ 12h. Pas de Syriens ») tendent à démontrer qu’un nombre de placements est fixé à l’avance en fonction de la capacité des moyens de transport vers les CRA du territoire national. En outre, la programmation des déplacements semble être organisée selon un roulement prédéfini (tous les cinq à neuf jours pour un même établissement), qui suppose – compte tenu des capacités d’accueil des CRA de destination – que les personnes arrivées dans le CRA par un premier convoi en soient sorties au moment de la seconde arrivée de personnes déplacées.
– 578 personnes libérées sur 779 personnes déplacées entre le 21 octobre et le 10 novembre 2015. Le 10 novembre 2015, 186 personnes (24 %) sont encore retenues, dont 117 depuis moins de cinq jours. Les 593 autres (76 %) sont sorties de CRA : 15 ont été réadmises dans un pays de l’Union européenne (2 % des 779 personnes déplacées) et 578 ont été libérées (74 %). Ces dernières ont été remises en liberté par différentes instances : 397 par la préfecture (51 % des 779 personnes déplacées), 81 par un JLD ou une cour d’appel (10 %) et 100 par le tribunal administratif auprès duquel elles avaient formé un recours contre la décision d’OQTF (13 %).
– Le placement en rétention administrative doit avoir pour seule finalité de permettre à l’administration d’organiser l’éloignement de la personne. Un étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et si l’application de mesures moins coercitives ne suffit pas. Le CGLPL observe que les pays d’origine de la majorité des personnes déplacées sont particulièrement sensibles : Syrie, Afghanistan, Irak, Erythrée et Soudan. Or, compte tenu des risques encourus pour leur intégrité physique en cas de retour, nombre de ces personnes ne peuvent, en pratique, y être reconduites. Le nombre très important de remises en liberté sur décision de l’administration démontre une absence de volonté de mise à exécution des OQTF émises.
Le CGLPL est conscient de la gravité de la situation nationale créée par une crise migratoire de très grande ampleur ainsi que de la complexité de la situation locale mais il tient à rappeler que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être respectés en toutes circonstances.
La procédure utilisée par les pouvoirs publics depuis le 21 octobre 2015, instaurant des déplacements collectifs sur l’ensemble du territoire national, prive les personnes concernées de l’accès à leurs droits et est mise en œuvre dans des conditions matérielles portant atteinte à leur dignité. En outre, cette procédure est utilisé non pas aux fins d’organiser le retour dans les pays d’origine mais dans l’objectif de déplacer plusieurs centaines de personnes interpellées à Calais et de les répartir sur l’ensemble du territoire français, et ce dans le but de « désengorger » la ville. Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté.
extrait du Journal des Jungles n°0 (juin/août 2013)
En juin 2011, les No Border, soutenus par une vingtaine d’associations locales, nationales et internationales de soutien aux exilés et de défense des Droits de l’Homme remettent au Défenseur des Droits (1)un rapport sur les violences policières que subissent les exilés dans le Calaisis. Ce rapport comprend de nombreuses vidéos et témoignages du harcèlement policier.
Suite à une enquête, il a relevé et dénoncé plusieurs abus dont des contrôles d’identité, des interpellations et des conduites au commissariat de Coquelles sur une même personne dans un délai rapproché, y compris sur des étrangers en situation régulière, des visites répétées sur les lieux de vie ainsi que des comportements policiers individuels de provocations ou d’humiliations sur des migrants. Des destructions de dons humanitaires et d’effets personnels ont également été rapportés. Enfin, des expulsions hors de tout cadre juridique ont été observées. Tous ces agissements sont dénoncés dans le rapport du Défenseur des Droits daté du 13.11.2012.
Le Défenseur des Droits a appelé la police à cesser ces agissements irrespectueux. Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur, a répondu que ces faits étaient non vérifiables et anciens, niant tout en bloc. Le monde associatif a réagi par un communiqué de presse.
Depuis le rapport, les agissements illégaux de la police continuent.
Les associations appellent les migrants à leur signaler tout comportement irrespectueux de la part de la police, afin que ceux-ci soient transmis au Défenseur des Droits.
Toute fermeture de squat, toute confiscation ou destruction d’ affaires personnelles ou de matérielhumanitaire (tentes, couvertures, duvets, etc.), tout contrôle d’identité près du lieu de distribution des repas, toutes visites répétées de la police dans le squat ou la jungle sont des éléments importants à faire connaître aux acteurs associatifs. Les témoignages peuvent être anonymes.
L’accumulation de preuves significatives pourra faire évoluer cette situation concernant les violences policières. Pour rappel, la police, qui a vocation à faire respecter la loi, est également tenue de la respecter, que l’on soit avec ou sans papiers.
1 : Le Défenseur des Droits en France est une autorité indépendante veillant au respect des droits et libertés ainsi qu’à la promotion de l’égalité.