En chantier. Un nouveau site pour la PSM, c'est pour très bientôt !

Contrer le renvoi d’exilés parvenus en UK par petit bateau


Contrer le renvoi d’exilés passés en Angleterre par petit bateau

I’m getting in touch today about an issue that we have noticed recently about people who went to the UK by boat. We wondered whether l’Auberge des Migrants might be able to provide any information. We are concerned that there may be an unpublished and unlawful policy about how Dublin III is applied to people who go to the UK by boat. In particular, we have noticed that the Home Office has been relying on Article 13(2) Dublin III to remove people to France. We are looking into challenging such a policy. We wondered whether you had noticed something similar. It would be really helpful if you could provide us with further information about this. In particular, we would be interested in:

-the number of people you have worked with who have been returned to France after going to the UK by boat

-how quickly this happened/timeframes

-any other indicators/trends you have noticed regarding those who went to the UK by boat

 We would also be grateful for as many legal details as you can provide, such as what section of Dublin III the Home Office relied on to remove your clients to France (for example, Article 13(1), Article 13(2) etc). We would be eager to gather your insights on this troubling trend. We would be grateful for any information you can provide about this issue. If you prefer to speak directly, we hope to visit Calais within the coming weeks and would be happy to have a meeting. Please let me know if you have any questions about this or would like to discuss it further, as I would be happy to speak with you about it. Thank you & kind regards,

 Lily Parrott Caseworker
DDI: 02031141319
Fax: 020 7923 3320
Branch:  Harrow

projet LOVIS : mettre les voiles contre le racisme

Mettre les voiles contre le racisme – Invitation à une rencontre de préparation le 11 janvier 2020

L’AVENIR
En été 2020, le voilier LOVIS va larguer les amarres pour soutenir et mettre en lien différentes luttes antiracistes et pour la solidarité.
L’idée est de partir début juin de Hambourg, Allemagne, en suivant la côte des Pays-Bas et de la Belgique en passant par la Manche pour participer aux fêtes maritimes internationales de Brest et de Douarnenez, en juillet en France. Le long du trajet, le bateau peut être utilisé de plusieurs façons sur mer ou aux ports – comme scène, lieu de rencontre, cuisine, symbole, véhicule, etc.

Nous, le groupe de préparation ouvert, vous invitons ainsi que d’autres antiracistes, des groupes migrants & de réfugié*e*s, des activistes, musicien*ne*s, actrices & acteurs, écrivain*e*s – tou*te*s celles & ceux qui dépassent les frontières et qui œuvrent contre le racisme et pour la liberté de circulation, la décolonisation et pour des communautés solidaires. Vous êtes invité*e*s à vous joindre au processus de planification !

Venez à la rencontre de préparation le 11 janvier 2020 à Ostende/Belgique. Ou envoyez-nous vos idées sur la manière dont nous
pourrions soutenir votre groupe et qu’est-ce que vous imaginez pour l’été prochain
. Écrivez-nous, faites circuler l’information,
rassemblons-nous !

Pour tout contact : campaign@lovis.de

LE PRÉSENT

LOVIS est un vieux gréement à deux mâts de type lougre, fait 36 mètres de longueur et peut héberger 33 personnes. Toutes les voiles sont hissées ensemble et manuellement et tou*te*s participent également à la navigation, à la cuisine, au nettoyage, etc.. Le voilier LOVIS en soi est un objet qui attire l’attention et ainsi facilite le contact avec les gens qui flânent sur les quais du port. Le bateau peut être ouvert pour des visiteu*se/r*s, devient un lieu de rencontre, un espace ouvert pour des débats et un lien entre différents lieux – en général, c’est un outil utile pour rendre nos luttes plus visibles.
Nous sommes conscient*e*s que faire de la voile à bord de la LOVIS est un grand privilège mais que nous voulons partager. Nous voulons offrir le bateau comme scène et le mettre à disposition de celles & ceux qui n’ont pas encore eu accès à une telle infrastructure.

Vous trouverez plus d’informations sur le voilier LOVIS sur www.lovis.de (allemand, anglais, polonais).

LE PASSÉ
La planification de cette campagne antiraciste, prévue pour juin/juillet 2020, a démarré cet été par des visites aux camps no-border en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Mi-octobre a eu lieu un premier week-end
de mise en réseau et à la voile à Greifswald, au nord de l’Allemagne. 14 activistes de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Allemagne y
participaient avec des membres de l’équipage de la LOVIS. Lors de cette rencontre ont été échangées des premières idées, comme p. ex. :
– participer à des festivals maritimes, en tentant de les politiser
– organiser des concerts, des manifs de bateaux, des débats publics, des expositions
– utiliser la grande voile comme cinéma de plein-air
– utiliser le bateau comme support pour hisser des banderoles.

Ici, vous pouvez lire le premier appel à cette campagne : https://lovis.de/wp-content/uploads/campaign-flyer-fran.pdf

ET MAINTENANT?
Nous espérons que vous avez maintenant une petite idée de nos plans ! Quelles sont vos idées concernant le sujet ? Quelles sont vos luttes en ce moment et quels sont vos plans pour l’été prochain ? Comment cette campagne pourrait-elle soutenir vos luttes ? Pouvez-vous imaginer de vous joindre à la campagne avec une action ou un événement dans votre ville ?
Qui pourrait participer à la navigation le long de la côte ?
Connaissez-vous des groupes ou des personnes pour qui ce serait une bonne plateforme de mise en réseau ou de campagne ? Ou seule l’expérience de la voile vous intéresse ?

Pour soutenir et inclure davantage des luttes locales le long du trajet prévu, la prochaine rencontre de préparation aura lieu à Ostende/Belgique, le 11 janvier 2020. Nous espérons votre soutien !
Actuellement, nous sommes à la recherche d’un espace pour nous rencontrer.

Et enfin, même si nous essayons de les limiter, il y a quand même quelques exigences ou obstacles pour monter à bord : seuls les enfants accompagnés par une personne responsable peuvent le faire, les chiens ne sont pas acceptés, la langue principale sera l’anglais de base, il n’y a pas d’infrastructure pour les personnes à mobilité réduite. Mais contactez-nous quand même pour voir ensemble ce qui serait possible.

Les coûts (de voyage) de la prochaine rencontre seront partagés aussi solidairement que possible. L’argent ne doit pas être un obstacle à la participation : contactez-nous s’il y a un problème. Il est possible que le lieu implique d’autres exigences. Informez-nous s.v.p. si vous envisagez de participer via campaign@lovis.de

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English
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ANTI-RACIST SAILING CAMPAIGN – Invitation for preparation meeting on 11th of January 2020

THE FUTURE
In summer 2020 the sailing vessel LOVIS will go on a journey to support and connect struggles against racism and for solidarity. The idea is to sail in the beginning of June from Hamburg, Germany, along the coast of Netherlands, Belgium through the English Channel to finally participate in the international harbour festivals in Brest and Dournaenez, France in July. Along this route the ship can be used in any way either on the sea or in harbours as a stage, meeting place, kitchen, symbol, vehicle, etc.

We, an open preparation group, invite you and other anti-racist, migratory and refugee groups, activists, musicians, actors or writers –
anyone who is subverting borders and working against racism and towards freedom of movement, decolonialisation and solidary communities. Join the planning process! Come to the preparation meeting on 11th of January in Oostende Belgium. Or give us feedback about how we can support your group and the things you are already planning for next summer. Write to us, spread the word, let‘s get together!

To contact us write to: campaign@lovis.de

THE PRESENT
LOVIS is a two mast gaff-rigged sailing vessel (logger) which is 36m and provides (sleeping) space for 33 persons. All sails are managed together by hand and additionally, everyone is involved in navigation, cooking, cleaning etc. The sailing vessel LOVIS itself is an object of attention and as such facilitates access to people who are in the vicinity of the harbour. The ship can be opened for visitors, become a meeting place, an open space for discussion and a link between different spaces – overall
it is a useful tool to make our struggles more visible. We do realise that sailing with LOVIS is a huge privilege, this is why we want to share it consciously, offer the ship as a stage and put it at the disposal of those who haven’t had access to this kind of infrastructure so far.

More information about the sailing vessel LOVIS can be found on the website: https://www.lovis.de (German, English, Polish)

THE PAST
The planning of our campaign trip in June/July 2020 has started this summer with first trips to NoBorder Camps in France, the Netherlands and the UK. In mid-October there was a first networking sailing weekend in Greifswald, Northern Germany, in which 14 activists from Belgium, Germany and the Netherlands as well as crew members of the LOVIS sailing ship took part.

In this meeting first ideas were exchanged, such as
– joining and politicising harbour festivals
– organising concerts, boat demonstrations, panel discussions, exhibitions
– using the mainsail as open-air harbour cinema
– using the ship as a framework for hanging banners.

Here you can read the first call for this campaign: https://lovis.de/wp-content/uploads/campaign-flyer-eng.pdf

AND NOW?
We hope this provides you an idea of our plans! What are your ideas on this topic?
What are your struggles at the moment and plans for the summer next year?
How can the campaign support your struggles?
Can you imagine to join the campaign with a concrete action or event in your city?
Who should sail on board along the coast?
Do you know groups or people for whom this would offer a great networking and campaigning platform?
Or do you simply want to have a sailing experience?

In order to support and involve more local struggles along the route, the next preparation meeting will take place in Oostende, Belgium on 11th of January 2019. Hopefully with your support!

We try to keep them low, but there are some requirements to join. On the ship: Children only with a responsible person, main language is simple english, no dogs, not barrier-free. But contact us anyway to see what we can do together! The (travel) costs for the next meeting will be shared as solidary as possible. Please contact us in advance if you cannot raise the money. Other requirements depending on the location.

Please let us know if you plan to take part via campaign@lovis.de

Le tribunal administratif annule 3 décisions prises par la maire de Calais

La maire de Calais jugée incompétente …
… pour interdire les distributions de nourriture aux personnes exilées

Par un jugement rendu ce lundi 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé trois décisions prises par la maire de Calais les 2, 6 et 9 mars 2017 dans le but d’empêcher les distributions de nourriture aux exilé·es, alors joliment qualifiées « d’occupations abusives, prolongées et répétées » de la zone industrielle des Dunes, du site du Bois Dubrulle et de la place d’Armes.

Une décision qui devrait mettre un coup d’arrêt à l’une des mesures les plus honteuses dans la panoplie des pratiques de harcèlement des personnes migrantes toujours en vigueur sur la commune.

*

Le 7 février 2017, la maire de Calais opposait un refus à la demande des associations d’être autorisées à mettre en place un nouveau lieu de distribution de repas pour les exilé·es. Par deux arrêtés des 2 mars et 6 mars, elle avait ensuite interdit « des occupations abusives, prolongées et répétées » des différents lieux où s’organisaient ces distributions dans le but d’y faire obstacle. Enfin, par une décision du 9 mars, elle avait rejeté la demande de plusieurs associations visant à être autorisées à occuper un lieu de la zone industrielle des Dunes pour y poursuivre leurs activités de distribution de vivres.

Nos associations [1] avaient alors saisi le tribunal administratif de Lille d’une requête en référé-liberté afin d’obtenir la suspension de ces décisions et d’une requête au fond tendant à obtenir leur annulation. Par une ordonnance du 22 mars 2017, le juge des référés avait ordonné leur suspension, estimant que « la maire de Calais avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et, en faisant obstacle à la satisfaction par les migrants de besoins élémentaires vitaux, au droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants consacré par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Dans son jugement du 16 décembre dernier, le tribunal administratif prononce cette fois l’annulation des mêmes décisions, constatant que, dans la commune de Calais, les pouvoirs de police en matière d’encadrement des rassemblements appartiennent au seul préfet et en déduisant fort logiquement que la maire « était incompétente pour prendre ces arrêtés ».

Ce rappel à l’ordre est d’autant plus opportun que la maire n’avait pas hésité, le 18 octobre dernier, à prendre un arrêté interdisant à nouveau « toutes occupations abusives, prolongées et répétées du centre-ville de Calais » visant en particulier « les distributions de repas et d’eau non encadrée (sic) organisées par quelques Associations ».

Il faudra donc que cet entêtement cesse et que la maire renonce définitivement à se fourvoyer dans des initiatives aussi indignes qu’illégales.

Le 20 décembre 2019

Associations signataires :

  • Auberge des Migrants
  • La Cabane Juridique
  • Gisti
  • Help refugees
  • Ligue des droits de l’homme
  • Médecins du monde
  • Secours Catholique
  • Utopia 56

[1L’Auberge des migrants, la Cabane Juridique, Care 4 Calais, le Gisti, Help Refugees, la LDH, Médecins du Monde, Community Refugees Kitchen, le Réveil Voyageur, le Secours Catholique et Utopia 56


					

A Grande Synthe, un modèle d’accueil malmené

Migrants : à Grande-Synthe, un modèle d’accueil malmené

Par Julia Pascual Publié dans Le Monde du 4 janvier 2020

Les associations et les proches de l’ancien maire de la ville du Nord – longtemps présentée comme un refuge pour les migrants – dénoncent la politique menée par son successeur, le socialiste Martial Beyaert.

Une famille kurde Irakienne dans un hangar où des centaines de migrants s’abritent, à Grande Synthe, le 30 décembre 2019.
Une famille kurde Irakienne dans un hangar où des centaines de migrants s’abritent, à Grande Synthe, le 30 décembre 2019. Aimée Thirion pour Le Monde

Grande-Synthe (Nord) reste-t-elle un havre pour les personnes migrantes ? La question taraude certains esprits depuis que l’ancien maire, Damien Carême, a rejoint le Parlement européen, cédant son fauteuil il y a six mois à son premier adjoint, le socialiste Martial Beyaert.

Passé du Parti socialiste à Europe Ecologie-Les Verts (EELV), maire de 2001 à 2019, M. Carême avait fait de l’accueil des migrants un marqueur politique fort, et mené une politique unique en son genre, dans cette ville littorale devenue depuis près de quinze ans une étape vers l’Angleterre. L’édile a fait de sa ville un refuge et un symbole national. Depuis sa succession, cet héritage semble voler en éclats.

Premier camp humanitaire pour réfugiés de France

M. Carême n’avait pas hésité à engager un bras de fer avec l’Etat en ouvrant avec Médecins sans frontières (MSF), en mars 2016, le premier camp humanitaire pour réfugiés de France, afin d’y accueillir plus d’un millier de Kurdes, alors relégués dans un bidonville. Le maire mettait volontiers en scène son engagement. Il avait appelé les maires de France à ouvrir des centres d’accueil dans leur commune, faisant fi de ceux qui y voyaient un risque d’appel d’air.

« Tant pis si ces décisions dérangent, écrivait M. Carême dans son livre paru en 2017, On ne peut rien contre la volonté d’un homme [Stock]. La presse me présente comme le maire des migrants et je suis fier d’avoir rendu un peu de dignité à ces femmes et ces hommes qui dormaient dans la boue sur ma commune. (…) J’ai rappelé aux Grand-Synthois que la solution choisie pouvait nous grandir aux yeux de tous ceux qui nous observent. »

La suite s’était moins bien passée. Confronté à une saturation de ses capacités et à des tensions croissantes – notamment dues à la présence de réseaux de passeurs –, le camp avait été ravagé par un incendie en avril 2017. M. Carême avait alors, à l’hiver suivant, ouvert un gymnase pour y mettre à l’abri d’une tempête de neige une centaine de migrants. Il avait réitéré l’opération à l’hiver 2018, cette fois sans obtenir le soutien de l’Etat.

A quelques mois des municipales, la tension entre M. Carême et son successeur est montée d’un cran. L’ancien maire a choisi de soutenir une liste dissidente, contre son ancien premier adjoint. Dans son bureau, il se défend d’avoir fait de Grande-Synthe une ville moins accueillante. Elle l’est « ni plus, ni moins qu’avant », estime M. Beyaert. Dans un exercice d’équilibre inconfortable, le socialiste de 47 ans, qui brigue une réélection, tente de s’inscrire dans la continuité d’une politique qu’il a accompagnée, tout en s’affranchissant d’un prédécesseur qui l’a désavoué.

« On ne l’entend plus, il ne fait rien »

En septembre, l’élu a signé, au côté de douze autres maires, l’appel dénonçant la « situation indigne » des campements de migrants. « Mais depuis, on ne l’entend plus et il ne fait rien »,considère Claire Millot, de l’association Salam, qui distribue des repas à Grande-Synthe et Calais. « On a eu deux contacts à son arrivée mais depuis, c’est silence radio, malgré nos relances et alors qu’on avait de bons contacts avec l’ancienne équipe », abonde Karim (le prénom a été modifié), membre de l’association locale Solidarity Border.

Près du site de l’ancien camp humanitaire, sous des hangars éventrés et abandonnés qui servaient autrefois de lieux de stockage de lin, des centaines de migrants – kurdes en majorité – campent actuellement dans des tentes et au milieu des gravats de béton et des ordures. Il y a ce jour-là plusieurs familles, dont une avec un bébé de quatorze jours à peine. Tous ont l’Angleterre en ligne de mire.« Parce que le système y est meilleur », se sont laissé convaincre Hedi et Truska, un couple de Kurdes iraniens originaires de la région de Sardasht. « Parce qu’il y a beaucoup de travail », assure Falah, originaire de Souleimaniye, la deuxième ville du Kurdistan irakien, et qui a des amis « livreurs, barbiers, employés de restauration ou encore laveurs de voiture » en Angleterre. En l’espace d’un mois, l’homme de 25 ans dit avoir déjà tenté onze fois de se cacher dans des camions pour passer outre-Manche.

Immobile devant un petit feu de bois de palettes qui réchauffe l’eau d’une future toilette, un Syrien pleure en regardant une photo de ses enfants sur son téléphone, restés dans la région kurde du Rojava, il y a trois mois. « C’est compliqué de passer, mais après, si Dieu le veut, tu gagneras les papiers et tu feras venir ta famille », le rassure un Irakien.

« Dans la boue au milieu des rats »

Outre ces hangars, le tout proche bois humide du Puythouck abrite aussi des campements. En octobre, la ville a fait installer à proximité une benne à ordures ainsi qu’une auge métallique surmontée de quelques robinets d’eau. Reza et Farad s’y rendent tous les soirs pour remplir des bidons afin de se laver et cuisiner. « Il n’y a pas de toilettes ni de douche », fait remarquer Claire Millot. « Ils vivent dans la boue et [au milieu des] rats, ajoute le membre de Solidarity Border. Et il fait entre 0 °C et – 1 °C la nuit. »

Sollicitée, Anne Peny, secrétaire générale de la sous-préfecture de Dunkerque, parle pourtant d’une « situation maîtrisée » et estime que 300 personnes migrantes se trouvent actuellement à Grande-Synthe. « Les arrivées augmentent, on est autour de 800 personnes », croit plutôt Karim, de Solidarity Border. Une évaluation que ne dément pas le maire. Ces chiffres approchent ceux atteints à l’automne, lorsque un millier de personnes campaient à l’intérieur et surtout autour d’un gymnase mis à disposition par l’ancien maire. Le site avait alors été évacué et les gens mis à l’abri.

« C’EST À L’ETAT DE PRENDRE SES RESPONSABILITÉS », SE JUSTIFIE LE MAIRE MARTIAL BEYAERT.

Aujourd’hui, et malgré l’hiver, Martial Beyaert n’a pas l’intention de rouvrir un lieu semblable. « C’est à l’Etat de prendre ses responsabilités », se justifie-t-il. Beaucoup y voient la preuve d’une rupture avec la politique menée jusque-là. L’élu revendique d’ailleurs le fait d’avoir pris le contre-pied de son prédécesseur en « reprenant contact avec les services de l’Etat », dès son élection le 3 juillet.

« Avec M. Beyaert, on est revenu à des relations normales, constructives et appréciées de part et d’autre », souligne Anne Peny. « Le préfet de région a pris le pouvoir grâce à un maire plus conciliant », estime plutôt Olivier Caremelle, ancien directeur de cabinet de M. Carême. « Une stratégie à la calaisienne est en train de se déployer », ajoute-t-il, en référence aux opérations quotidiennes de démantèlement de campements menées par les autorités dans la ville voisine de 30 kilomètres, dans le but d’en chasser les migrants, qui reviennent pourtant aussitôt les opérations de police achevées.

Les détracteurs du nouveau maire veulent aussi pour preuve du changement de ligne les opérations municipales de déboisage dans la zone du Puythouk pour empêcher, selon eux, les migrants de s’installer. Par ailleurs, depuis plusieurs semaines, la police municipale chasse ceux qui s’abritent sous quelques ponts de la ville. « [Le maire] a même été demander au service technique de la ville d’évaluer le coût de la pose de grilles », assure un ancien proche de M. Carême, qui y voit une « stratégie purement électorale », à trois mois des municipales.

Sous l’un de ces ponts, un groupe de Syriens s’apprête justement à passer la nuit. « La police vient tous les matins et nous donne des coups de pied pour nous réveiller et nous dire de partir », assure Wael. Lui a un frère qui vit depuis six ans en Grande-Bretagne.

« Moi aussi je suis un humaniste »

« Moi aussi, je suis un humaniste, se défend pourtant M. Beyaert. Moi aussi, je dénonce les accords du Touquet [traité franco-anglais relatif à la surveillance de la frontière], mais ce sont des grandes paroles… S’il y avait une recette magique, ça se saurait, et force est de constater que [Damien Carême] n’a pas réussi sur ce dossier. On a toujours eu des camps de la honte. »

Le socialiste se dit favorable à ce que l’Etat suspende sur le territoire l’application du règlement de Dublin pour inciter les migrants à demander l’asile en France, sans craindre d’être renvoyés vers l’Etat membre de l’Union européenne où leurs empreintes ont été enregistrées. C’est le cas aujourd’hui de nombreux migrants sur le littoral, qui croient que l’Angleterre se montre plus souple que ses voisins.

M. Beyaert regrette aussi que « les solutions d’accueil [proposées par l’Etat] se fassent en dehors de la bande littorale », poussant les migrants à les refuser. « Nous faisons des mises à l’abri quotidiennes, de dix, vingt ou trente personnes, mais nous avons des refus trop régulièrement », reconnaît Anne Peny. « De toute façon, les gens ne veulent pas rester, rappelle Karim, de Solidarity Border. Ne serait-ce que parce qu’ils ont déjà payé leur passage. »

A Bruxelles, un centre d’hébergement pour les migrants en transit

A Bruxelles, un refuge pour les migrants chassés de Calais

Le centre d’hébergement de la Porte d’Ulysse a ouvert en 2015 contre l’avis des nationalistes flamands alors au gouvernement. Malgré ses 350 lits, le lieu n’est pas toujours en mesure de répondre à l’urgence.

Au centre d’hébergement  « La Porte d'Ulysse » à Haren, près de Buxelles, en février 2018. Au centre d’hébergement  « La Porte d’Ulysse » à Haren, près de Bruxelles, en février 2018. LAURIE DIEFFEMBACQ / BELGA/AFP

Pour lui, la Belgique n’est qu’une étape. Ahmed, jeune Syrien de 23 ans, s’étire sur le canapé élimé de la Porte d’Ulysse, un centre d’hébergement d’urgence spécialisé dans l’accueil des migrants « en transit », situé au nord-est de Bruxelles. Cela fait bien longtemps qu’il a quitté son pays. « Peut-être quatre ans », estime-t-il, les yeux dans le vague. Longtemps bloqué en Turquie avec sa femme et ses enfants, Ahmed a décidé, en septembre dernier, de partir en éclaireur vers l’Europe, avec un seul objectif en tête : gagner le Royaume-uni.

Depuis, l’exilé syrien erre entre Dunkerque, Calais, Bruxelles et les autoroutes de Wallonie, dans l’espoir de se faufiler dans un camion qui traversera la Manche. Il a déjà tenté le passage « une vingtaine de fois ». « La prochaine fois, j’essaierai en bateau », lance-t-il sans trop y croire car la traversée est risquée et difficile : soixante et onze migrants qui tentaient de passer la Manche sur différentes embarcations ont été interceptés et pris en charge, jeudi 26 décembre au petit matin, par les autorités françaises et britanniques.

La Porte d’Ulysse, Ahmed ne la fréquente qu’occasionnellement, comme un lieu de repli stratégique. « Je reviens ici quand je n’en peux plus de dormir dans des maisons abandonnées à Dunkerque. Ici, c’est plus sécurisé, il fait chaud et il y a un lit. Lorsque c’est complet, je dors dans le parking du Décathlon, juste à côté. » Car ce centre, malgré ses 350 couchages, n’est pas toujours en mesure de répondre à l’urgence. « Ces jours-ci, environ 950 personnes par nuit ont besoin d’un hébergement », estime Mehdi Kassou, porte-parole de la plate-forme citoyenne initiatrice du projet.

Une bataille entre région et fédéral

A 19 h 30, une foule d’hommes de tous âges attendent en file devant l’entrée de la Porte d’Ulysse. C’est l’heure de l’ouverture. Un par un, les migrants, préenregistrés, entrent calmement dans « le camp » et se saisissent de draps propres. Ils gagnent l’un des six étages du bâtiment et s’installent dans de vastes dortoirs de 75 places. A l’heure du dîner, c’est un va-et-vient permanent qui rythme la vie du centre.

Sous les quelques guirlandes décolorées accrochées au plafond, les migrants semblent apprécier des restes du repas de réveillon. L’atmosphère est plutôt calme. On est ici pour reprendre des forces. Parmi les pensionnaires de la Porte d’Ulysse, 87 % ont comme première intention de se rendre au Royaume-Uni. D’autres voudraient s’extirper du règlement dit de « Dublin », qui les contraint à demander l’asile dans le pays de leur entrée dans l’Union européenne. Un dispositif contesté qui les destine à un transfert, souvent vers l’Italie.

A la consigne, comme à la buanderie et en cuisine, des bénévoles s’activent aux côtés des salariés. Leur place y est essentielle car la Porte d’Ulysse est née dans le giron d’un groupe apparu spontanément : la plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés, créée en 2015 pour venir en aide aux milliers de réfugiés syriens qui débarquaient à Bruxelles et dormaient dehors, dans le parc Maximilien, proche de la gare du Nord.

Au fil des mois, après 2015, le public de migrants présents dans ce secteur de la ville a changé. Les demandeurs d’asile ont trouvé des places dans le réseau d’accueil et d’autres exilés ont afflué vers le parc. Des migrants sans solution, souvent en attente d’un passage vers l’Angleterre et lassés de la vie à la dure dans le Calaisis.

En 2017, face au désastre humanitaire en plein centre de Bruxelles, des milliers de Belges membres de la plate-forme ont accueilli chez eux ces exilés. « Plus de neuf mille personnes ont ouvert leur foyer. Cela a permis de prendre en charge jusqu’à six cents personnes par nuit », se souvient Mehdi Kassou, qui, au même moment, réclamait que le gouvernement belge s’implique pour trouver une solution.

De 2014 à 2018, la coalition dirigée au niveau fédéral par Charles Michel incluait cependant les nationalistes flamands de la NVA. L’un des leurs, Theo Francken, le secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration, n’a cessé d’enchaîner les piques provocantes contre la plate-forme et ses initiatives suspectées de créer un « appel d’air ». « Vu l’absence totale d’implication du gouvernement, nous avons dû prendre le relais », explique-t-on au cabinet de Rudi Vervoort, ministre-président socialiste de la région bruxelloise. La région et la ville de Bruxelles ont débloqué des moyens pour que la Porte d’Ulysse voit le jour – 3,3 millions d’euros en 2019.

Six rescapés dans la nuit

Il est presque 22 heures, un groupe d’Erythréens termine son repas. Ashenafi, le plus âgé, jure qu’il aurait aimé demander l’asile en Belgique. « Mais l’administration est contre nous, croit-il. C’est pour ça que nous allons en Angleterre. » Face à la désinformation des passeurs, les travailleurs de la Porte d’Ulysse donnent des éléments objectifs. Le premier d’entre eux : 92 % des demandeurs d’asile érythréens ont obtenu une protection, en 2018, en Belgique.

Mais peu importe. Tafari, jeune homme de 19 ans, l’affirme haut et fort : « J’essaierai jusqu’au bout. » Il enchaîne les verres de soda, sous l’œil amusé de ses amis. « Il me faut de l’énergie. » Le carburant pour enjamber la Manche. Il a déjà tenté sa chance si souvent, s’est fait arrêter à Calais, avant d’être relâché. Sa volonté reste intacte. Après tout, ces péripéties ne sont que des broutilles face aux deux années passées dans une prison libyenne. « J’y ai perdu des amis », murmure-t-il, le regard vers le sol.

Il est 22 heures, le « refuge » n’est pas plein. Six places sont vacantes. Alors Simon Franssen et Félix Hottet, salariés de la Porte d’Ulysse, prennent le volant de leur camionnette. Direction le parc Maximilien, pour « trouver des gens ». A l’approche du véhicule, une trentaine de migrants jaillissent d’un abribus. C’est la bousculade. En ce 25 décembre, le thermomètre n’affiche que 2 degrés. Les trente hommes jouent des coudes. Simon Franssen hausse la voix : « Nous n’avons que 350 lits, pas un de plus, je suis désolé ». « Si c’est pour nous faire ça, autant ne pas venir », assène, les yeux rouges, un jeune homme dans le brouillard. Il a compris que, pour son groupe, il n’y aura pas de solution. Ils devront dormir dehors, à l’exception des six chanceux convoyés vers la Porte d’Ulysse.

A leur arrivée, quelques personnes devisent encore dans le salon. Un Guinéen qui refuse son transfert vers l’Italie. Un Yéménite qui n’a toujours pas demandé l’asile et s’interroge sur l’opportunité de suivre son frère outre-Manche. Un Syrien qui ne rêve que de Londres. Tous partagent une conviction : le sentiment d’être piégés dans ce coin du continent, à quelques encablures de leur objectif fantasmé. Et tous s’offrent quelques nuits de répit, dans cet abri imparfait, avant de sauter vers l’inconnu.

Soutien aux expulsé.es et inculpé.es du 5*, les 11 et 12 janvier à Lille

Nous, différents collectifs et individus, vous invitons à un week-end de soutien aux expulsé.es et inculpé.es du 5* les 11 et 12 janvier 2020 à Lille.

La journée commencera à 15h au parc des Olieux par une DÉAMBULATION en fanfare dans le quartier de Moulins pour arriver à 16h30-17h devant l’ancien squat 5* où un goûter/pizza/open mic’ nous attendra. Il y aura des tables de presse et des prises de parole. Le soir, à partir de 20h30, le CCL nous accueillera pour des concerts avec Mirles et Krondstadt ; des dj set et open mic’ avec DJ Dirty Berlin et DJ Hope.Le dimanche, on t’invite à une FRITES PARTY à 13h12, ainsi qu’à la réunion hebdomadaire du collectif des Olieux, au 32 rue d’arras

À Lille le 4 juin dernier, sur ordre du préfet du Nord, quelques 200 CRS ont violemment expulsé des personnes exilées qui occupaient un ensemble de bureaux et hangars, surnommé ironiquement le 5 étoiles.
Cet espace était squatté par environ 250 personnes en grande majorité exilées mais aussi par des sans-abri.Tous et toutes sont arrivé.es là car le Département et l’État refusent de leur donner un hébergement durable et décent.
Ces institutions profitaient sans scrupule de ce lieu ouvert pour y envoyer les personnes exilées qui se présentaient dans leurs services.
Particulièrement brutale, cette expulsion s’est soldée par la rafle et la déportation de 178 habitant.es. Une cinquantaine d’exilé.es ont été enfermé.es en centres de rétention administratif (CRA) et les autres ont été réparti.es aux quatre coins de la région, dans des lieux pourris qu’ils nomment «foyers».
Isolé.es, éloigné.es de leurs ami.es, de leurs soutiens. Loin aussi des lieux où ils avaient l’habitude de s’organiser ou de défendre leurs droits.
Lors de l’intervention policière, 16 soutiens ont été arrêté.es et placé.es 36 heures en garde à vue. Inculpé.es pour attroupement illégal (16/16), dissimulation du visage (6/16), violences aggravées (4/16) et refus de signalétique (14/16).
Le dossier judiciaire n’ayant toujours pas été transmis à leurs avocat.es, le procès initialement prévu à Lille le 16 janvier 2020, sera probablement reporté à une date ultérieure.
Dans cette mascarade, ce qui est important, ce n’est pas le procès concernant les 16 inculpé.es, mais l’intimidation et le traitement réservé à l’ensemble des habitant.es et aux soutiens du 5*.
Nous sommes conscient.es qu’à travers les expulsions et les procès comme ceux-ci, ce sont aussi nos solidarités et nos luttes qui sont visées.
Nous continuerons à dénoncer et à refuser ces pratiques de contrôles administratifs et policiers qui visent à précariser, exploiter, violenter, enfermer et expulser.
Nous pensons qu’il est urgent et important de construire et renforcer les liens entre collectifs et individus impliqués dans les luttes des exilé.es, d’échanger et de s’organiser au-delà de nos localités respectives.
Cette idée trotte dans nos têtes depuis un moment, mais pris dans l’urgence du quotidien, nous ne l’avons encore jamais concrétisée. Ce procès et les enjeux qu’il soulève nous semble une bonne occasion pour vous proposer une première rencontre, pour entamer une discussion, échanger sur nos pratiques…
Partout chez nous!

Pour plus d’informations sur le collectif des Olieux et l’expulsion du 5*, voir sur le site olieux.herbesfolles.org les communiqués n° 63 et 64.

Communiqué de presse – Jugement du 16 décembre 2019 déclarant la mairie de Calais incompétente pour des arrêtés anti-distribution

La maire de Calais jugée incompétente …
… pour interdire les distributions de nourriture aux personnes exilées

Par un jugement rendu ce lundi 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé trois décisions prises par la maire de Calais les 2, 6 et 9 mars 2017 dans le but d’empêcher les distributions de nourriture aux exilé·es, alors joliment qualifiées « d’occupations abusives, prolongées et répétées » de la zone industrielle des Dunes, du site du Bois Dubrulle et de la place d’Armes.

Une décision qui devrait mettre un coup d’arrêt à l’une des mesures les plus honteuses dans la panoplie des pratiques de harcèlement des personnes migrantes toujours en vigueur sur la commune.

*

Le 7 février 2017, la maire de Calais opposait un refus à la demande des associations d’être autorisées à mettre en place un nouveau lieu de distribution de repas pour les exilé·es. Par deux arrêtés des 2 mars et 6 mars, elle avait ensuite interdit « des occupations abusives, prolongées et répétées » des différents lieux où s’organisaient ces distributions dans le but d’y faire obstacle. Enfin, par une décision du 9 mars, elle avait rejeté la demande de plusieurs associations visant à être autorisées à occuper un lieu de la zone industrielle des Dunes pour y poursuivre leurs activités de distribution de vivres.

Nos associations [1] avaient alors saisi le tribunal administratif de Lille d’une requête en référé-liberté afin d’obtenir la suspension de ces décisions et d’une requête au fond tendant à obtenir leur annulation. Par une ordonnance du 22 mars 2017, le juge des référés avait ordonné leur suspension, estimant que « la maire de Calais avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et, en faisant obstacle à la satisfaction par les migrants de besoins élémentaires vitaux, au droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants consacré par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Dans son jugement du 16 décembre dernier, le tribunal administratif prononce cette fois l’annulation des mêmes décisions, constatant que, dans la commune de Calais, les pouvoirs de police en matière d’encadrement des rassemblements appartiennent au seul préfet et en déduisant fort logiquement que la maire « était incompétente pour prendre ces arrêtés ».

Ce rappel à l’ordre est d’autant plus opportun que la maire n’avait pas hésité, le 18 octobre dernier, à prendre un arrêté interdisant à nouveau « toutes occupations abusives, prolongées et répétées du centre-ville de Calais » visant en particulier « les distributions de repas et d’eau non encadrée (sic) organisées par quelques Associations ».

Il faudra donc que cet entêtement cesse et que la maire renonce définitivement à se fourvoyer dans des initiatives aussi indignes qu’illégales.

Le 20 décembre 2019

Associations signataires :

  • Auberge des Migrants
  • La Cabane Juridique
  • Gisti
  • Help refugees
  • Ligue des droits de l’homme
  • Médecins du monde
  • Secours Catholique
  • Utopia 56

[1L’Auberge des migrants, la Cabane Juridique, Care 4 Calais, le Gisti, Help Refugees, la LDH, Médecins du Monde, Community Refugees Kitchen, le Réveil Voyageur, le Secours Catholique et Utopia 56

Voix du Nord // Une banderole déployée sur le Dragon de Calais

https://www.lavoixdunord.fr/681977/article/2019-12-17/calais-une-banderole-deployee-sur-le-dragon-de-calais-passe-ce-mardi-en-mode
Une banderole déployée sur le Dragon de Calais, passé ce mardi en mode transport

Alors que le Dragon de Calais passait officiellement en mode transport ce mardi après-midi, quatre jeunes femmes ont profité de l’événement pour passer un message militant.

Le directeur de la compagnie n’a pas souhaité commenter.

L’attraction tant attendue du front de mer, le Dragon de Calais devenu mode de transport, s’est mise en marche ce mardi après-midi à 14 heures. Sur le dos de la bête enfin réveillée, une banderole a été déployée au bout d’un quart d’heure environ, alors que le Dragon arrivait en bord de mer. Elle a été dépliée le long de la plateforme où siègent les passagers (voir photo). Tous les yeux des badauds étaient rivés sur elle. Seulement, elle n’était pas du tout prévue au programme…

En substance, le message de la banderole pointait un trop plein d’affection à l’égard du Dragon, dont pâtiraient les plus démunis, notamment les exilés.

Attendues à l’arrivée

Quatre jeunes filles de Lille ont revendiqué cet acte militant. Elles ont été confrontées peu avant 15 h à la police municipale. Les forces de l’ordre s’étaient postées, avant l’arrivée de ces passagères, à hauteur du point de chute de la machine, près du poste de secours.

À la lumière des informations recueillies, Philippe Mignonet, adjoint à la sécurité à la ville, aux côtés des policiers à l’arrivée, a « condamné » fermement la méthode. « Calais ne sera pas le terrain de jeu des activistes », a-t-il déploré. Le directeur de la Compagnie du Dragon, Jean-Philippe Javello, n’a, pour sa part, pas souhaité commenter.

Pauline, une amie du quatuor restée sur la terre ferme, nous précisait : « Ce n’est pas contre le Dragon ou contre les Calaisiens. Nous cherchons à «visibiliser» les sans-abri et les exilés, et à dénoncer les millions mis dans le Dragon, alors que rien n’est fait pour les exilés. (…) On réclame un plan de mise à l’abri, on a d’ailleurs lancé une pétition à ce propos. » Les jeunes femmes ont été laissées libres après un relevé d’identité.

Communiqué de presse – Terre d’errance Norrent Fontes le 14 novembre 2019 : « Stop aux destructions »

Stop aux destructions coûteuses, inutiles et inhumaines !

14 novembre 2019

L’association Terre d’Errance dénonce la destruction illégale d’un campement à Saint-Hilaire Cottes avec un hélicoptère, trois véhicules et plus de gendarmes que d’exilés présents.  Une semaine après, les personnes sont encore là, encore un peu plus précaires.

Des conditions de vie indignes

Mercredi 6 novembre en fin d’après-midi, la gendarmerie d’Isbergues a détruit le campement de Norrent-Fontes / Saint-Hilaire Cottes, constitué de deux pauvres tentes et de quelques bâches et couvertures, posées le long de bosquets, en plein champs, entre l’autoroute et la route nationale.

Deux petites tentes où s’abritaient à peine une dizaine de personnes. Seules 6 d’entre elles étaient présentes lors de la destruction.

Deux tentes, trois bâches et rien d’autre. Même pas de quoi faire un feu pour se réchauffer ou cuisiner. Pas de ramassage des poubelles. Ce sont les bénévoles qui cuisinent et amènent les repas et de l’eau à ces jeunes hommes qui cherchent à aller en Angleterre.

Le harcèlement jusqu’à détruire deux tentes que se partagent une dizaine de  personnes en souffrance.

Ce harcèlement n’est malheureusement pas nouveau et, qu’il soit le fait des autorités ou d’individus, cela se répète depuis des mois :

  • Début mai,  les tentes de l’association ont été lacérées et détruites ;
  • 17 mai: les effets personnels des exilés sont ramassés par la brigade mobile de gendarmerie, pourtant assez loin de l’autoroute, son territoire théorique d’intervention ;
  • 24 septembre: destructions des effets personnels (tentes, sacs de couchages, sacs, téléphone), jetés à la déchetterie immédiatement, rendant impossible toute récupération ;
  • 19/20 octobre: une tente a été brûlée. Quelqu’un aurait pu se trouver à l’intérieur ;

Une expulsion illégale et coûteuse

La destruction du mercredi 6 novembre s’inscrit dans cette triste liste.

Est-ce parce que des bénévoles se trouvaient sur les lieux ? Il a été question cette fois d’un arrêté municipal sur lequel se basait l’expulsion.

Pourtant, malgré les recherches, aucun arrêté n’était affiché, ni sur place ni même en mairie. L’avis interdisant le campement n’a été affiché que le lendemain de la destruction du dit campement : honte.

Aucun huissier, aucun travailleur social, mais 7 gendarmes, un hélicoptère et trois véhicules pour confisquer 2 tentes et ignorer  les 6 personnes présentes à ce moment-là : honte.

De plus, aucune enquête sociale n’a été menée. Ainsi, le gendarmes ont affirmé qu’aucun de ces jeunes hommes n’était mineur, sans même leur avoir posé la question : honte.

Enfin, aucune proposition de mise à l’abri n’a été présentée à ces personnes sans domicile, alors qu’on leur enlevait leur seul abri : honte.

Du mépris pour les personnes expulsées

Est-ce parce que des bénévoles se trouvaient sur les lieux ? A aucun moment les gendarmes ont adressé la parole aux personnes dont ils détruisaient les seuls abris. Aucun interprète n’était présent et les gendarmes ne parvenaient pas à s’exprimer en anglais.

Et lorsque posément, l’un des jeunes hommes s’est adressé aux gendarme pour demander où et comment il pouvait s’abriter sans sa tente, seul le silence lui a répondu : honte.

Des pressions sur les bénévoles témoins

Lorsque les trois bénévoles qui se trouvaient sur les lieux ont voulu filmer la scène de destruction, ils ont subi une pression mensongère de la part des gendarmes afin de leur faire effacer les images honteuses.

Pire: leurs identités et adresses ont été prises, avec la promesse d’une convocation prochaine pour dépôt d’ordures.

Ces bénévoles avaient amené des crêpes à partager avec les personnes exilées. Est-ce déposer des ordures que d’amener des crêpes à des personnes dans le dénuement le plus extrême ? D’ailleurs, les bénévoles veillent quotidiennement à ramasser les ordures lors de leur venue pour apporter de l’aide humanitaire : Honte.

Une expulsion inutile et inhumaine

Cette situation est identique à Steenvoorde, Grande-Synthe, Paris, Calais et ailleurs. Sans solutions, les personnes ainsi harcelées sont dans des situations toujours plus précaires et errent de campements en campements.

D’ailleurs le mercredi 6 novembre, aucune autorité ne s’est souciée des être humains qui vivaient là.

Ces être humains s’abîment au fur et à mesure du harcèlement subi. Et cela fait honte.

Des chercheurs belges font 4 propositions aux députés européens pour une réforme de la politique d’asile et de migration en Europe

https://plus.lesoir.be/264352/article/2019-12-02/migration-et-si-laissait-les-demandeurs-dasile-choisir-leur-pays-daccueil

Migration : et si on laissait les demandeurs d’asile choisir leur pays d’accueil?

En prenant la présidence du Conseil, il y a six mois, la Finlande se fixait pour objectif notable de paver le terrain pour permettre une réforme de la politique migratoire et d’asile européenne jusque-là totalement bloquée. C’est à Helsinki que la France et l’Allemagne ont posé les premières pierres d’un mécanisme de répartition des migrants. A Tampere, que des spécialistes du droit européen de la migration ont été rassemblés pour tester une série de propositions de réforme, emmenés par une équipe de chercheurs belges. En ressort un programme présenté lundi devant un public épars de députés européens, « De Tampere 20 à Tampere 2.0 » (une référence au Conseil européen de 1999 de Tampere, un des textes fondateurs des principes de la politique migratoire européenne).

La Commission von der Leyen, fraîchement installée, souhaite présenter début 2020 un « nouveau pacte européen sur la migration » qui inclurait une réforme du règlement de Dublin, un système d’asile européen « réellement commun » et un renforcement de Frontex. Des pistes trouvant écho dans les propositions de Tampere. « Il faut un consensus entre la Commission, le Parlement et le Conseil », souligne le rapport des chercheurs, qui propose une « task team » qui ferait le tour des capitales européennes pour évaluer la situation et mesurer les attentes. Quitte à prendre le temps, dans un contexte politique où la question migratoire est extrêmement clivante. « Des conversations en profondeur seront nécessaires pour restaurer la confiance et faciliter une réflexion innovante. »

Quatre mesures pour réformer la politique migratoire européenne

1  . Laisser les demandeurs choisir leur pays d’accueil

C’est LE casse-tête européen de ces dernières années. Selon le règlement de Dublin, c’est le pays d’entrée dans l’Union qui a la charge de gérer le dossier d’asile d’un nouveau demandeur. Le système, adopté dans sa dernière mouture en 2013, induit une surcharge automatique pour les pays à l’extérieur de l’espace européen qui sont des points d’entrée, comme la Grèce, l’Italie ou désormais l’Espagne. Depuis la crise de l’accueil de 2015-2016, un large consensus reconnaît le règlement comme obsolète et inéquitable, pour autant, il demeure le socle de la politique migratoire européenne. Mais toute tentative de réforme tentant de rééquilibrer la charge s’est heurtée, ces dernières années, à une opposition frontale de pays d’Europe de l’Est, notamment, mais pas seulement.

A ce paradoxe, les chercheurs belges apportent une réponse ambivalente : repenser totalement les paradigmes, ne pas réformer.

« La proposition que la Commission a formulée en 2016 est extrêmement mauvaise, même si le Parlement l’a améliorée », assène Philippe De Bruycker, spécialiste du droit européen de la migration (ULB). « Elle propose qu’à partir du moment où un pays accueille plus que 100 % de sa capacité – selon des critères obtenus sur base d’un calcul complexe de la Commission –, on opérera des transferts vers les autres pays. Sauf qu’on le sait : ça ne fonctionne pas. Cela fait 25 qu’on essaie de faire des transferts. Même lorsqu’ils sont décidés, on ne parvient pas à les rendre effectifs. »

En guise de contre-modèle, la note propose… d’écouter le souhait des migrants. Et permettre à un demandeur d’asile voulant aller en France, d’aller en France. « Pour des raisons politiques, de mauvaises raisons politiques, on refuse de donner le choix aux migrants, comme s’il fallait les punir. On refuse le système le plus simple et le plus efficace en évoquant l’effet d’appel d’air : s’ils savent qu’ils peuvent choisir alors d’autres viendront. Mais c’est très discutable. »

Quant au risque d’un nouveau déséquilibre, qui chargerait les pays les plus attrayants économiquement, les chercheurs proposent d’introduire un système de solidarité financière et opérationnelle : des fonds européens seraient attribués et des équipes européennes se chargeraient de la procédure d’asile. « Dans le contexte actuel, c’est invendable. Mais on aura eu le mérite d’aborder le problème sur une base rationnelle », défend le professeur de l’ULB.

2. Revoir les critères de solidarité

« On n’a jamais mené d’étude sérieuse et objective pour juger de l’ampleur des déséquilibres entre les Etats membres », relève Philippe De Bruycker. Les experts proposent d’introduire de nouveaux critères pour calculer les inégalités réelles des pays en matière d’accueil des demandeurs d’asile et de gestion des frontières. « L’idée est de ne plus réfléchir en termes de fardeau mais de capacité réelle. Jusqu’à présent, on prend en compte le nombre de demandeurs d’asile et la longueur de la frontière mais il faudrait peut-être relativiser la charge par rapport au PIB, par exemple. L’Allemagne bénéficiera bientôt de davantage de fonds pour l’asile que la Grèce ou l’Italie. Le pays a accueilli beaucoup de demandeurs d’asile, certes, mais est-ce qu’il a davantage besoin de fonds européens ? »

3. Centraliser l’évaluation de l’asile

En 2018, 85 % des personnes ayant déposé une demande d’asile en Irlande ont reçu un titre de séjour. Ils étaient à peine plus de 10 % en République Tchèque. Ces écarts d’un pays à l’autre (ici, les deux extrêmes) sont symptomatiques de ce qu’on appelle « la loterie de l’asile » : un même dossier aboutira à des décisions différentes malgré des règles communes. Les chercheurs proposent donc de renforcer le bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) qui édicterait les directives concernant l’évaluation des risques dans les pays d’origine. Les Etats seraient obligés de s’y conformer, sauf à spécifiquement motiver leur décision d’y déroger.

S’il est plus juste, le modèle pose cependant la question de l’instance de recours, chaque demandeur ayant droit de faire appel de la décision. « Le risque, c’est que la Cour de justice de l’Union européenne, qui pourrait être désignée comme compétente, se retrouve saturée, reconnaît Philippe De Bruycker. Il faut évaluer les solutions possibles pour éviter de surcharger les services. »

4. Mettre fin aux contrôles aux frontières internes

Qui dit migration, dit gestion des frontières. Les chercheurs soulignent que le retour des frontières internes dans l’espace Schengen a largement outrepassé l’exception provisoire autorisée par les traités. « Ces contrôles ont un effet boule de neige toxique aux dépens de la libre circulation en Europe », relève Marie De Somer, chercheuse à la KULeuven, co-autrice de l’étude. Or cette sécurisation se justifie peu au regard de son efficacité, jugent les experts, qui y voient davantage un moyen de rassurer les populations. Un « scénario favorable » serait de remplacer les contrôles systématiques par des contrôles mobiles aléatoires dans la région frontalière, voire à l’intérieur des terres.