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En 2019, l’Europe compte ses murs

En 2019, l’Europe compte ses murs

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Alors que l’Europe célèbre le 30e anniversaire de la chute du Rideau de fer, de nouveaux murs sont érigés un peu partout sur le Vieux Continent qui s’est barricadé face aux migrants. Reportages des rives de la Méditerranée à Calais et ses barbelés.

Le Rideau de fer s’est déchiré il y a trente ans. L’Europe célèbre partout sa réunification, les images de liesse de la chute du mur de Berlin tournent en boucle sur les écrans de télévision. Que fête-t-on, au juste ? La débâcle du bloc soviétique ? Après trois décennies de libéralisme, le triomphe du «camp» capitaliste a un mauvais arrière-goût, économique comme écologique. La «fin de l’histoire» promise par Francis Fukuyama ? Théorie démodée, à l’heure des convulsions mondiales du modèle démocratique et du retour en force de l’autoritarisme (lire pages 6-7).

Reste les libertés. De parler, d’écrire, de débattre, de critiquer, de voter. Et la première offerte par la chute du Mur, le 9 novembre 1989 : celle de se déplacer, de réunir des familles, de voyager, d’émigrer. Avec l’espace Schengen, l’Union européenne a poussé très loin l’abolition des frontières : dans le prolongement de la chute du Mur, elle a permis à ses citoyens de passer d’un pays à l’autre sans visa, donc sans contrôle gouvernemental.

Au fur et à mesure que l’Europe faisait disparaître ses bordures internes, elle en a pourtant érigé de nouvelles, sur ses contours externes. Le mur Est-Ouest a été remplacé par un mur Nord-Sud, plus long et plus haut que le Rideau de fer. Au tournant des années 2000, le continent commence à se refermer sur lui-même. La coupure n’est plus dictée par un affrontement idéologique entre deux puissances, mais par une peur – économique, politique, culturelle, sécuritaire – de l’étranger venu de Syrie, du Nigeria, de Chine, de Tunisie, du Bangladesh, d’Afghanistan, d’Erythrée, etc. Lors de la crise migratoire de 2015, l’Europe finira de se barricader.

Les rares points de franchissement de la frontière extérieure de l’Union européenne sont aujourd’hui devenus des noms familiers. Des images aussi : l’enclave de Ceuta et ses hautes grilles qui séparent l’Espagne du Maroc, les îles de Lampedusa (Italie) ou Lesbos (Grèce) et leurs réfugiés en gilets de sauvetage, ou les campements de tentes de Calais… Ils forment, en pointillé, ce nouveau mur européen. A la différence du soviétique, celui-ci offre des possibilités de passage. Depuis 2010, l’UE a accordé l’asile à 1,2 million de réfugiés. L’Allemagne elle-même a accueilli sur son sol plus d’un million de migrants en 2015. Mais ce nouveau rempart est aussi plus mortifère. Plusieurs centaines de personnes ont péri en tentant de franchir le Rideau de fer. Ces cinq dernières années, 17 419 exilés sont morts aux portes de l’Europe.

Calais, le 26 septembre 2019. Dans la zone
                    Industrielle des Dunes. Grille anti-intrusion
                    (rocade) au dessus d’un pont (ajouté en 2016).
                    Financé par la Grande Bretagne.

A Calais, le 26 septembre, dans la zone industrielle des Dunes, des grilles financées par le Royaume-Uni. Photo Aimée Thirion

Ceuta, toujours plus haut

Il existe seulement deux points de jonction terrestres entre l’Afrique et l’Union européenne : Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles situées au nord du Maroc. Des deux, Ceuta est la plus convoitée. Sa frontière serpente sur huit kilomètres au milieu des rochers, depuis le poste-frontière de Tarajal jusqu’à celui, fermé, de Benzu. Le grillage qui la dessine, parsemé de cabanes de surveillance éclairées de jour comme de nuit, est visible de loin. Haute de six mètres, la barrière métallique érigée à la demande de l’Europe il y a dix-huit ans (pour un coût de 30 millions d’euros) sera relevée dans les prochains mois. Elle atteindra dix mètres, la taille d’un immeuble de trois étages.

Madrid a aussi promis le retrait de la «concertina», un fil barbelé serti de petites lames de rasoir qui dévore la chair et les habits. A Ceuta, chaque jour, de jeunes Marocains, Erythréens ou Soudanais se pansent les mains ou les jambes, là où les barbelés ont attaqué leur peau et leurs manteaux. Le 30 août à l’aube, à la faveur d’un épais brouillard, 155 d’entre eux ont réussi à escalader les hautes barrières de la frontière.

Malgré tous les efforts des gouvernements, ces huit kilomètres de séparation, en plein cœur d’une région montagneuse, accidentée, n’ont jamais été totalement imperméables. Du côté espagnol, la police s’est équipée de caméras à vision nocturne, de câbles et de détecteurs de bruit, enterrés, pour prévenir de tout mouvement. Et du côté marocain, où les petits cabanons de guet se succèdent le long de la frontière, la terre est remuée, terrassée, des tentes et campements de l’armée sont installés et des jeeps patrouillent. Un no man’s land sépare désormais la double barrière, l’espagnole et la marocaine, offrant plus de visibilité aux forces de sécurité.

Pourtant, année après année, les candidats à l’exil continuent de passer. Ils étaient 4 961 en 2018 à avoir franchi les barbelés. L’an dernier, ce sont surtout des enfants marocains, cartable sur le dos, qui s’agrippaient sous les camions, quittant le port à bord de ferries en direction de l’Espagne. De l’autre côté, «c’est la liberté», disait en février Salah, 17 ans, originaire de Martil, un village marocain proche de la frontière.

Kerkennah, entre deux mondes

«Si tu arrives à Kerkennah, c’est comme si tu étais déjà en Europe», promet un rabatteur installé à Tunis. L’archipel, à 20 kilomètres du continent africain et à 150 de l’île italienne de Lampedusa, est un tremplin. L’Afrique dans le dos, l’Europe à portée de main. Pour beaucoup de migrants, fouler le quai de Sidi Youssef, au sud de Kerkennah, marque la fin d’un périple terrestre entamé plusieurs mois plus tôt de l’autre côté du Sahara.

Qu’importe donc si les premiers pas peuvent se révéler glissants à cause des poissons jetés négligemment par les marins qui trient leur pêche à même le débarcadère. Qui sait d’ailleurs si l’un de ces pêcheurs indélicats ne sera pas, demain, le pilote qui conduira le bateau à destination de l’île italienne ? La surpêche aux chaluts et aux crabes bleus, prédateurs récemment arrivés sur les côtes, ont vidé les fonds marins, obligeant les travailleurs de la mer à se diversifier.

Kerkennah n’a rien d’une île touristique. L’endroit, plat, est balayé par le vent et la salinité du sous-sol offre un paysage de terre aride, hérissé de quelques palmiers aux dattes sèches, peu sucrées. Ici, les migrants mettent à profit quelques jours de tranquillité avant le départ pour appeler et rassurer leurs proches. Ils sont installés par dizaines dans des gouna, les maisons abandonnées réquisitionnées par les passeurs, où ils dorment sur des matelas sans âge, posés à même le sol.

Les risques d’arrestation sont minimes. Les policiers du coin ne sont pas obsédés par la chasse aux harraga (les «brûleurs de frontière») tunisiens et subsahariens. «Il existe une complicité des autorités. Au port de Sfax [d’où embarquent les passagers pour Kerkennah, ndlr], il est facile de repérer ceux qui veulent partir. Ils ont tous de longs manteaux même s’il fait chaud, en prévision de la traversée qui a lieu la nuit. Mais la police ferme les yeux. Si on les laisse venir jusqu’à Kerkennah, ce n’est pas pour les arrêter ici», assure Ahmed Souissi, ancien responsable de l’Union des diplômés chômeurs de Kerkennah.

Les voyageurs de passage dorment, mangent, en attendant le mot d’ordre : «C’est pour ce soir.» Alors, à la nuit tombée, ils se dirigent vers le nord en direction du port d’Al-Attaya. Autrefois haut lieu de la pêche aux poulpes, le site a perdu de sa superbe. Des filets rafistolés s’entassent en vrac sur le ponton où sont amarrés des chalutiers rouillés et des vieux bateaux de bois à fond plat, sur lesquels embarqueront les clandestins. Ahmed Arous, quarante ans de pêche derrière lui, en a vendu deux, pour plus de 2 000 euros. «Mais j’ai toujours refusé de jouer les pilotes», assure-t-il, conscient du danger de sortir des eaux peu profondes de Kerkennah avec un bateau rendu difficilement manœuvrable par la surcharge des passagers. Après plusieurs naufrages macabres et le renforcement des contrôles en mer par l’Union européenne, les réseaux de passeurs promettent qu’ils ont amélioré la qualité du «service». Selon l’agence Frontex, 1 347 migrants sont partis de Tunisie de janvier à août, contre 4 016 l’an dernier sur la même période.

Coquelles, le 29 septembre 2019. Sortie
                    parking centre commercial Cité Europe. Mur grillage
                    anti-intrusion tunnel sous la manche.

A Coquelles, le 29 septembre, à la sortie d’un parking, un grillage qui empêche de s’introduire dans le tunnel sous la Manche. Photo Aimée Thirion

Leptis Magna, la plus meurtrière

Il fut un temps où la Méditerranée était le contraire d’une frontière. Les Grecs, les Phéniciens, les Romains, les Vénitiens, entre autres, la considéraient comme un espace de circulation commun, un trait d’union reliant les cités des deux rives. Pendant des siècles, Athènes ou Rome furent infiniment plus proches d’Alexandrie ou Carthage que de Paris ou Berlin. En Libye actuelle, Leptis Magna, la ville natale de l’empereur Septime Sévère, en témoigne : le vestige le plus spectaculaire du site portuaire antique est un arc de triomphe majestueux aux portes ouvertes sur l’Europe.

La guerre a depuis longtemps chassé les touristes. Le parking géant, écrasé de soleil, semble disproportionné pour les quelques voitures des habitants de Khoms, la ville moderne construite autour de Leptis, qui viennent pique-niquer dans les herbes folles, entre les thermes d’Hadrien et l’amphithéâtre romain. Plus personne ne fait payer l’entrée. A l’ombre des pins, sur la terrasse d’un bureau abandonné, des hommes en treillis boivent des sodas fluorescents, leurs armes posées contre un muret. Ils sont là pour dissuader les pillards. Les migrants, eux, se tiennent à distance prudente des ruines et de leurs gardiens.

A quel moment «Mare Nostrum», comme l’appelait Jules César, s’est-elle transformée en obstacle ? En novembre 2019, des rivages de Leptis Magna, s’élancent chaque semaine des embarcations de fortune, souvent de simples canots pneumatiques, qui mettent cap au nord au plus noir de la nuit. Cette année, les plages nues de la région de Khoms constituent la zone de départ la plus prisée des passeurs libyens. Au sud, la ville est directement reliée à Beni Walid, plaque tournante du trafic d’être humains, pompe à migrants subsahariens qui, après les avoir dépouillés de leur argent, les propulse vers la mer, et parfois vers la mort.

En Libye, la frontière ne se voit pas. Elle est là-bas, derrière la ligne d’horizon, à quelques dizaines de kilomètres, en haute mer. Il n’y a ni murs, ni grillages, ni barbelés, ni même une bouée pour matérialiser la séparation. C’est pourtant la porte vers l’Europe la plus meurtrière. Cette année, 694 personnes sont mortes en tentant la traversée (14 739 depuis 2014). Les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations ne comptabilisent que les corps retrouvés – repêchés ou échoués. Personne ne connaît le nombre réel des victimes englouties par la Méditerranée.

La plupart des exilés interceptés en mer par les garde-côtes libyens, équipés et formés par des pays européens, sont débarqués au port de Khoms. Certains sont enfermés dans les centres de détention «officiels» du ministère de l’Intérieur, en réalité gérés par des milices, où ils croupissent pendant des mois, voire des années. D’autres sont envoyés ou vendus à des trafiquants, torturés, violés, entassés dans des mouroirs en attendant de pouvoir retenter une sortie en mer. Ceux qui parviennent à s’enfuir se terrent pour échapper à l’ultraviolence d’un pays sans Etat, plongé dans un conflit interminable depuis la chute du dictateur Muammar al-Kadhafi, en 2011. La Libye compterait environ 700 000 clandestins sur son territoire, dont 45 000 demandeurs d’asile enregistrés par le Haut-Commissariat aux réfugiés qui rêvent de franchir cette mer.

Lesbos, le purgatoire

De l’autre côté du miroir. Sur l’île de Lesbos comme sur celles de Samos, Kos ou Symi, les lumières d’en face semblent si proches, on pourrait se croire au bord d’un lac. De petits bateaux proposent la traversée aux touristes. De 20 à 40 euros, pour s’offrir un parfum d’Orient, pendant quelques heures, entre deux farniente à la plage. Mais ce trajet ne marche que dans un sens. Ou plutôt pour une seule catégorie de citoyens : les Européens, et ceux qui disposent d’un visa leur permettant d’aller et venir librement entre ces deux rives, entre les îles grecques et la Turquie.

Pour tous les autres, le nouveau mur de la mer Egée se révèle très onéreux (entre 1 500 et 3 000 dollars, entre 1 350 et 2 700 euros environ, le passage). Et surtout dangereux, puisqu’il s’agit de le franchir de nuit pour échapper aux garde-côtes, sur des embarcations fragiles voire défectueuses qui vacillent facilement quand le vent se lève. Depuis le début de l’année, près de 70 personnes, en majorité des femmes et des enfants, se sont noyées pendant cette traversée. Malgré les risques et le coût, ils sont pourtant toujours plus nombreux à tenter le passage : en 2019, la Grèce est redevenue la principale porte d’entrée des routes migratoires en Europe, avec 60 % des arrivées, soit 46 100 cette année jusqu’au 30 septembre. Certes, on ne retrouve pas encore l’afflux massif de 2015, mais malgré la signature du fameux accord entre l’UE et la Turquie en mars 2016, les arrivées n’ont jamais cessé. Depuis peu, elles augmentent à un rythme exponentiel. En juillet, plus de 5 000 personnes ont accosté sur les îles grecques, leur nombre est monté à 8 000 en août, puis 10 000 en septembre. Rien que la semaine dernière, entre le 28 octobre et le 3 novembre, trente bateaux se sont échoués sur les côtes grecques avec 1 098 personnes à bord.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est souvent accusé d’ouvrir les vannes au gré de ses relations tumultueuses avec l’Europe. En réalité, de début juillet à fin septembre, les garde-côtes turcs ont intercepté plus de 25 500 personnes qui tentaient la traversée. Ils retenteront certainement leur chance. Chaque départ, chaque tentative de franchir ce mur, est une décision individuelle. Elles s’additionnent à l’infini sans aucun plan collectif. A l’arrivée, ils doivent attendre sur l’île où ils accostent l’issue de leur procédure, qui prend souvent un à deux ans. Pendant ce temps-là, il faut survivre dans des camps de réfugiés de plus en plus surpeuplés. Sur l’île de Lesbos, celui de Moria est devenu le plus grand d’Europe. Prévu pour accueillir 3 000 personnes, il en abritait 4 500 en mai. Et plus de 14 500 fin octobre. Quatre heures de queue pour obtenir un repas infect, toilettes et douches rouillées, insuffisantes et crasseuses, absence de chauffage et souvent d’électricité, matelas posés sur la terre au milieu des rats et des serpents…

En Hongrie, la double clôture

Les policiers se déplacent seulement quand l’alarme sonne. Elle est souvent déclenchée par les oiseaux qui se posent sur la clôture. Des haut-parleurs installés tous les 100 mètres diffusent le même message en anglais, en arabe, en ourdou : «Attention ! Vous êtes à la frontière, sur un territoire qui appartient à la Hongrie. Si vous vandalisez la clôture, si vous la franchissez illégalement ou tentez de la franchir, vous commettrez un crime. Ceci est un avertissement : ne commettez pas ce crime. Vous pouvez déposer votre demande d’asile dans la zone de transit.» De part et d’autre de la frontière avec la Serbie, c’est le même paysage de bois et villages qui se ressemblent, éparpillés entre des champs de blé. Un terrain si plat qu’en 2015, 400 000 réfugiés n’ont eu aucun mal à franchir la frontière. Guidés par les passeurs, ils traversaient les champs ou longeaient la voie ferrée. Aujourd’hui le petit train ne circule plus : la voie est coupée par la «clôture antimigrants» voulue par le nationaliste Viktor Orbán, Premier ministre hongrois.

En 2015, les autorités ont d’abord érigé un grillage de plus de trois mètres de haut, surmonté de barbelés, sur la quasi-totalité de la frontière. Mais la barrière étant facile à cisailler, les Hongrois ont achevé en 2016 un deuxième mur «intelligent», lui aussi hérissé de barbelés, équipé de caméras infrarouges et de capteurs de chaleur et de mouvement.

La double clôture court sur 175 km, s’interrompant seulement sur quelques dizaines de mètres, là où un bout de rivière sépare les deux pays. «Des clandestins tentent parfois la traversée sur des bateaux pneumatiques mais nous les repérons facilement avec nos caméras», indique une policière hongroise. Entre les deux grillages, distants d’environ sept mètres, une route a été aménagée pour la circulation des véhicules de police. Quelque 3 000 hommes et femmes surveillent la frontière.

A quelques kilomètres du mur, en territoire serbe, des groupes de jeunes Afghans et Pakistanais ont trouvé refuge dans une ferme en ruines. Mohammed Ousman, un Afghan de 21 ans, a franchi la clôture de nuit plus de dix fois, mais s’est fait refouler et rouer de coups par les policiers hongrois. Tous sont prêts à réessayer. Ils savent qu’ils n’ont aucune chance d’être admis comme demandeurs d’asile légaux dans les «zones de transit». Destinées à accueillir «ceux qui frappent légalement à notre porte», avait promis Orban, il s’agit de deux camps situés tout près de la double clôture. Les réfugiés sont logés dans de petits containers bleus, sur un terrain ceint de grillages et gardé par des policiers. C’est ici qu’échouent les plus vulnérables, les malades, les familles avec enfants, les handicapés. Ils sont actuellement plus de 300, originaires d’Irak, d’Afghanistan, d’Iran, qui ont demandé l’asile à la Hongrie. Mais le gouvernement Orban a érigé un autre mur, juridique celui-là, qui permet de rejeter quasi automatiquement les demandes d’asile.

Terespol, le verrou oriental

A Terespol, petite ville polonaise tranquille, seuls les nombreux bureaux de change annoncent la proximité avec la Biélorussie. C’est pourtant l’un des points de passage les plus actifs du pays, qui en compte 70 pour 3 500 kilomètres de frontière. Au poste de contrôle routier, grillagé et vidéosurveillé, les voitures, plus nombreuses à entrer qu’à sortir de l’UE, patientent en attendant la vérification des passeports, systématique, et des véhicules, optionnelle. Dernière grosse prise : 200 kilos de haschich. Ce ne sont moins les migrants qui préoccupent les garde-frontières polonais que les trafics en tout genre.

A la gare de Terespol, les quais sont grillagés et surveillés. Depuis 2014, c’est par ce train qu’arrivent de Brest (la ville biélorusse) chaque jour ou presque, des dizaines ou des centaines de Tchétchènes, dans l’espoir d’obtenir l’asile politique en Pologne. «La plupart du temps, après un entretien de cinq minutes, leur demande est rejetée et ils repartent à Brest en train. Avant de revenir le lendemain, et les jours suivants», explique Joanna Subko, du bureau de médiateur des droits de l’homme. «A part quelques Vietnamiens, il n’y a pratiquement pas de migration illégale en Pologne», explique Ewa Moncure, la porte-parole de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. C’est pourtant à Varsovie que se trouve son siège, conséquence de l’élargissement de 2004, année de la création de l’agence. «Nous avons cinq personnes déployées en Pologne. A titre de comparaison, en Grèce ils sont 677», poursuit la porte-parole.

Avec la crise des réfugiés de 2015, Frontex a étendu ses prérogatives et s’apprête à recruter 700 garde-frontières. «La frontière extérieure de l’UE a besoin de 5 000 officiers supplémentaires», conclut Ewa Moncure. La Pologne a aussi décidé d’investir dans la protection de ses frontières : pour la période 2017-2020, une enveloppe de 3,28 milliards d’euros a été débloquée.

Calais, le cul-de-sac

Sortie de l’autoroute, en suivant Calais-Est. Le panneau clignote au-dessus de la rocade portuaire, en anglais, en français : «Ralentir, risque de piétons et d’obstacles sur la chaussée». C’est le premier signe de la frontière. Ceux qui n’ont pas l’habitude le trouvent choquant, les autres ne le voient plus. Les migrants étaient prêts à tout pour embarquer à bord des poids-lourds vers l’Angleterre. Ils traversaient la double voie pour rejoindre les parkings, y dressaient des barrages pour provoquer des embouteillages et en profiter pour grimper sous les essieux, ou dans la remorque. La pratique s’est perdue, le message est resté.

Calais est le cul-de-sac de l’Europe, la fin de l’espace Schengen, dont le Royaume-Uni ne fait pas partie. Le pays a négocié que tous ceux qui veulent entrer sur son territoire soient contrôlés en France. Alors, depuis 2004 et le traité du Touquet, les forces de l’ordre françaises retiennent sur le continent ceux qu’ailleurs elles empêchent de venir.

Dans le début de soirée pluvieux, scintillent les rassurantes lumières d’une station-service. La dernière avant le port ferry. L’enseigne Total se profile au-dessus d’un mur de béton lisse, trois mètres de haut, surmonté de rouleaux de fil barbelé. C’était l’un des spots prisés pour grimper dans les camions, mais en janvier, le préfet a convaincu Total de se barricader. Dans un coin, un fourgon de CRS assure la surveillance. A l’intérieur, des routiers ont pris leurs aises, avec des cafés chauds, on se salue entre habitués. Anastasios, un Grec, qui fait souvent des allers-retours avec l’Irlande, balaie l’air d’un geste : «On dirait une prison, mais on est plus en sécurité. Avant, c’était trop simple de s’introduire.»

Après la station-service, commence vraiment le mur de Calais. La double voie devient un corridor grillagé, qui mène à l’embarquement, jusqu’au pied des contrôles frontaliers. Des barrières blanches, hautes, qui hachurent le paysage d’usines et de landes, le rendent flou avec la vitesse. Le Royaume-Uni l’a financé, pour 15 millions d’euros. Frédéric, un riverain, approuve : «Depuis qu’il y a les grilles, je n’ai plus les hélicoptères au-dessus de ma maison la nuit.» Leur phare puissant était nécessaire pour débarrasser en urgence la rocade des barrages improvisés. Ailleurs dans la ville, le mur est insoupçonnable et les migrants presque invisibles, depuis le démantèlement de la grande «jungle de Calais», en octobre 2016. Ils ont été jusqu’à 10 000, d’après les associations, ils sont encore 600.

 

Stéphanie Maurice (à Calais) , Florence La Bruyère (en Hongrie) , Célian Macé (à Leptis) , Maria Malagardis (à Lesbos) , Mathieu Galtier (à Kerkennah) , Justine Salvestroni (à Terespol) , Louis Witter (à Ceuta)

De l’Arabie Saoudite aux Etats-Unis, 40 000 kilomètres de murs

Par Maria Malagardis — 8 novembre 2019 à 19:16

Le nombre de barrières censées protéger les populations d’une menace supposée ou réelle s’est envolé depuis trente ans : jusqu’à soixante-dix sur la planète. Bienvenue dans l’ère du repli sur soi.

Vue du ciel, la Terre doit désormais sembler lacérée de coups de griffes. Autant de murs, barrières, barbelés, érigés sur tous les continents et qui incarnent l’impératif de l’époque : se protéger. C’est une évidence : la chute du communisme n’a pas enterré les grandes peurs séculaires. Et les nouvelles menaces, prétendues ou réelles, ont même conduit à multiplier les murs de séparation. Il y en avait onze à travers le monde au moment où l’euphorie d’une ère nouvelle semblait s’imposer à coups de pioches à Berlin. Il y en aurait désormais entre vingt et soixante-dix, selon qu’on prenne en compte dans ce calcul les grillages et barbelés ou uniquement les murs bétonnés. Sophistication des nuances qui révèle d’ailleurs combien la panoplie s’est élargie.

Indésirables

In fine, ces nouvelles barrières couvriraient l’équivalent de la circonférence de la Terre, soit 40 000 km de long. C’est déjà considérable. Mais les intentions des nouveaux bâtisseurs ont également changé. Car si le mur de Berlin avait été érigé pour empêcher la sortie, et donc la fuite des Allemands de l’Est, les nouveaux murs sont, eux, tous destinés à bloquer l’entrée de ceux qui sont jugés indésirables. Réflexe défensif qui en dit long sur la méfiance et le repli sur soi, la peur de l’Autre, qui contaminent le monde actuel. La palme du mur le plus médiatisé revient évidemment aux Etats-Unis depuis que Donald Trump a fait du bétonnage total de la frontière avec le Mexique sa principale promesse électorale. Trois ans après son arrivée à la Maison Blanche, les coups de menton restent plus visibles que les coups de truelle. Mais, début septembre, le président américain a fini par obtenir du Pentagone le déblocage de 3,6 milliards de dollars pour la construction de 280 km de mur supplémentaires. Lesquels viennent ainsi s’ajouter aux 1 050 km déjà érigés par ses prédécesseurs. Avec un coup d’accélérateur donné par George W. Bush en 2006, dans un pays hanté par les attentats du 11 septembre 2001.

The prototypes for the planed building of
                      a new wall on the American - Mexican border.
                      Donald Trump wants to put his plan into action
                      next year.
                      San Diego, USA, Mai 2018.

Des prototypes pour le mur prévu à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, à San Diego, en mai 2018. Photo Kai Wiedenhoefer

Terrorisme et migrations sont d’ailleurs partout les deux épouvantails agités par les dirigeants qui s’emploient à transformer leurs pays en châteaux forts. C’est au nom de ces deux «menaces» que l’Europe est ainsi en passe de devenir une vaste «community gate» (lire pages 2 à 5) du terme de ces résidences fermées où se calfeutrent les plus riches. Concept apparu aux Etats-Unis et en Amérique latine et qui tend à s’étendre à tous les pays marqués par un écart grandissant des richesses. Vivre séparé des pauvres ou du moins de plus pauvres que soi ? C’est également ce qui motive implicitement l’érection des nouveaux murs transfrontières depuis la fin de la guerre froide. La mondialisation a rendu la circulation de l’argent immatérielle, et celle des biens, inévitable. Seule la circulation des personnes est perçue comme une menace que les nouveaux murs doivent limiter.

Trafiquants

Un réflexe qu’on retrouve aussi hors du monde occidental. Depuis 2002, Israël multiplie ainsi les «murailles de protection» pour s’isoler des Palestiniens en Cisjordanie, et plus récemment, a accéléré la construction de clôtures «antimigrants» le long de ses frontières avec la Syrie et la Jordanie. L’Arabie Saoudite a bâti un mur antimigrants de 75 km à sa bordure avec le Yémen, et un autre de 965 km l’isolant de l’Irak. Depuis 2007, le Brésil s’emploie, lui aussi, à dresser des murailles avec tous ses voisins pour freiner les migrants et les trafiquants. En 2010, l’Iran a amorcé la construction d’un mur de 700 km de long sur la frontière afghane.

Tous ces remparts sont-ils pour autant efficaces ? A court terme peut-être. Mais il y aura toujours des chemins détournés et des failles qui déjouent ces stratégies sécuritaires. La semaine dernière, des trafiquants mexicains ont ainsi réussi à percer des trous dans la nouvelle section du fameux «mur puissant» de Trump à la frontière. Visiblement, sans beaucoup de mal. Avec de simples petites scies ordinaires.

Maria Malagardis

Communiqué de presse : respect des droits aux frontières

#DroitsAuxFrontières

Nous demandons une commission d’enquête parlementaire pour le respect des droits des personnes exilées à nos frontières 

Aujourd’hui, des mobilisations vont avoir lieu dans plusieurs villes-frontières afin d’appeler les député·e·s à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire pour que soient respectés les droits fondamentaux des personnes migrantes et réfugiées aux frontières intérieures. À midi, au moment où les sirènes des pompiers retentissent partout en France comme autant de symboles de nos alertes, des centaines de personnes seront rassemblées aux frontières à Briançon, à Calais, à Dunkerque ou encore à Hendaye et à Menton mais aussi à Londres, devant l’ambassade de France.

De Grande Synthe à Menton, en passant par la vallée de la Roya et par Hendaye, les frontières françaises sont les lieux d’atteintes inacceptables aux droits fondamentaux des personnes exilées. Absence de tout dispositif sanitaire et social, destruction d’abris, obstacles à la demande d’asile, non-protection des mineur·e·s isolé·e·s, refoulements systématiques, comportements brutaux, harcèlement des personnes qui, par solidarité, tentent d’apporter une aide aux exilé·e·s… La liste d’atteintes aux droits humains est longue.

Malgré les dizaines de rapports venant d’autorités publiques indépendantes et d’ONG qui documentent ces violations, le gouvernement reste sourd à ces alertes. Pourtant, la protection des droits et libertés fondamentales de toute personne constitue un impératif commun sur lequel nous ne pouvons transiger et dont nous appelons la représentation nationale à s’emparer.

Nos associations s’adressent aujourd’hui aux député·e·s pour demander la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de procéder à des investigations aux frontières et surtout de proposer des mesures pour que les droits des personnes migrantes et réfugiées soient enfin respectés.

Partout sur les territoires frontaliers, des dizaines d’associations agissant en soutien aux personnes exilées se joignent à cet appel.

Les constats de nos cinq associations et de tous les acteurs locaux sont alarmants. L’état de santé physique et/ou psychologique de ces personnes est dramatique, que ce soit, comme à la frontière italienne, en raison de leurs arrestations, refoulements et privations de liberté dans des conditions indignes, ou en raison du harcèlement et de la destruction de leurs abris, notamment à la frontière britannique.

Rares sont les obligations, prévues par la loi française et le droit international, qui sont respectées aux frontières italienne et espagnole : les personnes ne sont pas informées de leurs droits, ne peuvent pas demander l’asile et certaines sont même détenues pendant des heures sans fondement légal. Ces frontières sont devenues des zones de non-droit, à l’image du lieu d’enfermement situé à Menton, où même des élu·e·s de la République se sont vues refuser l’accès, en octobre et novembre dernier. Sur le littoral nord, les personnes exilées se font expulser de leurs campements précaires sans solution digne d’hébergement.

Tous les jours, les acteurs de terrain recueillent des témoignages de mineurs isolés : leur minorité est rarement prise en compte par les forces de l’ordre aux frontières, qui les refoulent, au mépris des lois françaises et des conventions internationales, aggravant leur précarité et leurs traumatismes. Une fois sur le territoire, leur situation n’est pas meilleure, comme le dénoncent les associations de terrain, notamment à Calais et à Grande Synthe, où ces jeunes survivent en attendant d’essayer d’aller au Royaume-Uni.

Face aux manquements de l’État, de nombreux citoyens, des collectifs et des associations viennent en aide aux personnes exilées. Mais, au lieu de voir leurs missions encouragées, ils doivent faire face à des pratiques d’intimidation, de harcèlement, des poursuites et, dans certains cas, à des condamnations en justice. Le droit international est pourtant très clair : aider des personnes réfugiées et migrantes n’est pas une infraction et aucune poursuite pénale ne devrait avoir lieu.

 

CONTACTS PRESSE

Amnesty International France I Véronique Tardivel I 06 76 94 37 05 I vtardivel@amnesty.fr

La Cimade I Rafael Flichman I 01 44 18 72 62 – 06 42 15 77 14 I rafael.flichman@lacimade.org

Médecins du Monde I 06 09 17 35 59 I presse@medecinsdumonde.net

Médecins Sans Frontières I Laurie Bonnaud I 06 76 61 97 80 I msff-france-com@paris.msf.org

Secours Catholique Caritas France I Djamila Aribi I 06 85 32 23 39 I djamila.aribi@secours-catholique.org

 

Signatures :

Amnesty International France

La Cimade

Médecins du Monde

Médecins sans Frontières

Secours Catholique-Caritas France

Anafé

MRAP

Syndicat des avocats de France

 

Frontière franco-espagnole

Diakité

Collectif Etorkinekin – solidarité migrants

Ongi Etorri Errefuxiatuak – Pais Vasco

SOS Racismo – Bizkaiko SOS Arrazakerria

 

Frontière franco-italienne

Adn Association pour la démocratie à Nice

Collectif Kesha Niya

Diaconia Valdese

Emmaüs Roya

Ligue des droits de l’homme – Nice

OdV Caritas Intemelia

Pastorale des migrants du diocèse de Nice

Roya Citoyenne

Tous Migrants

WeWorld

 

Frontière franco-britannique

ADRA France antenne de Dunkerque

AMIS (Aide Migrants Solidarité Téteghem)

ASR adhérents

Auberge des Migrants

Bethlehem

Cabane Juridique

Cercle de Silence Hazebrouck

Collectif Cambresis pour l’Aide aux Migrants

ECNOU

Emmaüs Dunkerque

Flandre Terre Solidaire

Fraternité Migrants Bassin Minier 62

Help Refugees

Ligue des droits de l’Homme – Dunkerque

Refugee Women’s Centre

Refugee Youth Service

Salam Nord /Pas-de-Calais

SAVE

Solidarity Border

Terre d’Errance Steenvoorde

Terre d’Errance Norrent-Fontes

Utupia56 Calais

 

 


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CAFFIM – Coordination des Actions à la Frontière Franco-Italienne pour les personnes Migrantes
Projet intégré à la CAFI – Coordination d’Actions inter-acteurs aux Frontières Intérieures, piloté par Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans frontières et le Secours Catholique-Caritas France.
La CAFI a pour but de faire respecter les droits fondamentaux des personnes migrantes aux frontières intérieures.

Vous recevez ce message, car vous êtes abonné au groupe Google Groupes « CAFFIM ».
Pour vous désabonner de ce groupe et ne plus recevoir d’e-mails le concernant, envoyez un e-mail à l’adresse caffim+unsubscribe@googlegroups.com.
Cette discussion peut être lue sur le Web à l’adresse https://groups.google.com/d/msgid/caffim/02f601d5aabd%24765c29b0%2463147d10%24%40caffim.com.

Communiqué de presse – Audiences sur les expulsions de Calais le 4 décembre 2019

Expulsion des occupants de terrains à Calais
Ce mercredi 4 décembre à 9h au Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur mer, un juge examinera la légalité de ces expulsions

Nous, personnes occupantes de terrains à Calais requérantes et associations en soutien, dénonçons les violations successives du droit à la protection de notre domicile, garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme. C’est pourquoi nous saisissons le président du Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur Mer d’une procédure de « référé-rétractation » visant plusieurs « ordonnances sur requête » qui ont permis des expulsions à répétition.

La procédure d’ordonnance sur requête est utilisée par les propriétaires pour demander en urgence l’expulsion des occupants de terrains. La décision est prise sans que les occupants ne soient consultés ni même convoqués. Ils n’ont donc aucune possibilité d’y défendre leurs droits fondamentaux. Aucune mise en balance des intérêts des occupants – parfois présents depuis plusieurs mois – et des propriétaires n’est effectuée par le juge qui autorise l’expulsion, contrairement aux prescriptions de la Cour européenne des droits de l’Homme.

A Calais, la fermeture de la frontière entraîne des prises de risques mortels, conséquences directes de la politique de non-accueil qui nous est réservée. Le gouvernement mène sans relâche une politique de lutte contre ce qu’il appelle « les points de fixation », qui consiste en un harcèlement incessant matérialisé par des expulsions quotidiennes. Nous, exilés et habitants des terrains, subissons la violence de ces pratiques. Ce harcèlement est épuisant, tant physiquement que mentalement. Nous sommes constamment forcés de quitter nos lieux de vie au point que nos espaces de vie, de survie, se rétrécissent. Nos biens sont détruits ou confisqués et les personnes sont maltraitées, insultées et/ou arrêtées. Quant aux opérations de prétendue « mise à l’abri en CAES », elles se font sans le consentement des personnes visées.

Par ce référé-rétractation, les habitants des terrains concernés, soutenus par des associations, dénoncent et contestent l’utilisation abusive de cette procédure non contradictoire et, plus globalement, les conditions dans lesquelles les expulsions sont autorisées et réalisées.

Une solution de logement inconditionnelle et viable doit être proposée aux exilés qui vivent à la rue à Calais, quelle que soit leur situation administrative. Si cette exigence était respectée, aucune expulsion ne serait nécessaire. Au lieu de résoudre le problème de l’habitat plus que précaire à Calais en recourant à des solutions dignes et durables, le choix est fait de rendre les occupants des terrains invisibles et de les réduire au silence. C’est cette politique gravement discriminatoire que nous dénonçons.

Par cette action, nous rappelons une nouvelle fois nos requêtes permanentes.
Nous demandons la régularisation de toutes les personnes sans-papiers présentes sur le territoire français, ou l’ouverture de voies sûres et légales de circulation pour tous au sein de l’Union Européenne.
Nous dénonçons les accords du Touquet et les failles du règlement Dublin III, car ces accords entravent la libre circulation des personnes exilées.

Indignés et exténués, nous attendons de la justice qu’elle nous rétablisse dans nos droits à un procès équitable et à la protection de nos domiciles, aussi précaires soient-ils.

3 décembre 2019

Signataires :

  • Des habitants expulsés
  • Le Gisti
  • Human Rights Observers
  • L’Auberge des migrants
  • La Cabane Juridique

Communiqué du GISTI : La radicalisation… de l’ordre public

Communiqué du Gisti

La radicalisation… de l’ordre public

- Mercredi 6 novembre 2019 : la brigade de gendarmerie de Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) mobilise sept gendarmes, un hélicoptère et trois véhicules pour confisquer deux tentes et trois bâches posées en plein champ entre une autoroute et une route nationale, en présence de six des exilé·es qui s’y s’abritaient et de quelques bénévoles venus leur apporter des crêpes ; l’une de ces bénévoles sera ensuite convoquée et entendue à la gendarmerie pour « dépôt d’immondices ». Ou quand le grotesque le dispute au honteux.

- Jeudi 14 novembre 2019 : le préfet du Val-de-Marne renvoie vers son pays d’origine un demandeur d’asile vénézuélien incarcéré à Fresnes – qui avait difficilement obtenu l’enregistrement de sa demande d’asile sur injonction d’un juge – alors qu’il était convoqué quelques jours plus tard à un entretien avec un officier de protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Ou quand un représentant de l’État s’assoit sur le droit d’asile.

- Samedi 16 novembre 2019 : à la sortie du tribunal qui vient de les relaxer de poursuites du chef de « groupement en vue de commettre des violences », une femme et un homme de nationalité belge interpellé·es pendant une manifestation des « gilets jaunes » sont enfermé⋅es en rétention par le préfet de police de Paris qui a délivré à leur encontre une obligation de quitter le territoire français ; motif ? leur comportement personnel constituerait, « du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société ». Ou quand, pour étouffer le droit de manifester, les textes protégeant les citoyen.nes de l’Union européenne contre une expulsion sont délibérément transgressés.

- Jeudi 21 novembre 2019 : le premier président de la cour d’appel de Paris valide le placement en rétention pour 28 jours, décidé par le même préfet de police de Paris et pour le même motif, d’un Italien établi en France, interpellé le 16 novembre au soir près de son domicile parisien alors que la manifestation des « gilets jaunes » est terminée et qu’aucune charge n’a été retenue contre lui à l’issue de sa garde à vue. Ou quand un juge prête la main à la violation du droit européen pour se ranger, coûte que coûte, du côté de la répression de la contestation.

Regrettables exceptions ? Simples bavures ? En réalité, il ne se passe pas de jour sans que des personnes étrangères soient la cible de la violence institutionnelle qui, s’exerçant indistinctement sur les plus précaires, va crescendo au fur et à mesure que l’exécutif se raidit. Sans surprise, elle s’étend aux étrangers et étrangères soupçonné·es de s’associer aux manifestations d’une opposition populaire.

La doctrine de maintien de l’ordre aujourd’hui à l’œuvre libère une violence policière assumée, destinée à dissuader d’apparaître ou de se maintenir dans l’espace public aussi bien des exilé·es dans le plus complet dénuement que des manifestant·es dont l’insistante détermination dérange.

En accumulant ces démonstrations de crispation autoritariste, des préfets et des juges se font les premiers de cordée d’une nouvelle conception de l’ordre public, un ordre public de combat qui maltraite, nasse, frappe disperse et expulse dans un même mouvement.

Instruments de contrôle des étrangers et de répression de la contestation sociale sont indifféremment activés par les tenants d’une politique également hostile aux un·es et aux autres. Comme s’ils anticipaient, en somme, la convergence des luttes de tou⋅tes celles et ceux qui subissent aujourd’hui la violence d’un ordre public radicalisé.

Le 2 décembre 2019

 

[Legal team] En cas de rencontre avec la police

Que faire en cas de rencontre avec la police :

Avant de partir en manifestation :

  • Pense à avoir le numéro du téléphone de la Legal team sur toi
  • Pense à avoir le nom d’un.e avocat.e
  • Dans l’idéal, écris les numéros de téléphone de la Legal team et d’un.e avocat.e sur ton bras, pour pas qu’ils soient lisibles si tu en as besoin
  • Évite d’avoir sur toi : drogues illégales, objets considérés comme des armes (même par « destination »), carnet d’adresse ou répertoire téléphonique

Lors de la confrontation :

  • Ne laisser aucune personne isolée : en cas de charge policière, essaie de rester avec des gens que tu connais
  • Protège ton visage en cas de lacrymo, mais fais attention, dissimuler volontairement ton visage peut être considéré comme un délit
  • Filme les forces de l’ordre en action : c’est un droit, malgré les demandes d’arrêt qu’ils peuvent prononcer
  • Repère (si possible) les matricules, plaques d’immatriculation, numéro de compagnie

Contrôles d’identités : les forces de l’ordre peuvent contrôler l’identité de toute personne suspectée d’être l’auteur.e d’une infraction, de se préparer à en commettre une, ou de pouvoir fournir des renseignements sur une infraction, ou pour « prévenir une atteinte à l’ordre public ». Les contrôles d’identités sont aussi possibles dans des zones répertoriées (ports, aéroports, gares). Le procureur peut ordonner par écrit des contrôles massifs dans un espace et un temps limité. Tu es libre d’avoir tes papiers ou non sur toi, mais tu as l’obligation de décliner ton identité. Si cela n’est pas fait, tu peux être emmené-e au poste de police pour vérification d’identité.

Les fouilles dans les affaires personnelles (sac, portefeuille, poches) sont assimilées à des perquisitions. Il faut dont en théorie être suspecté-e d’avoir commis une infraction. Lors d’un simple contrôle d’identité, seule la «palpation de sécurité » est autorisée. Dans ce cas, elle doit être faite par une personne du même sexe que la personne palpée, si cette dernière le demande. En principe, toute fouille doit donner lieu à un procès-verbal qu’il n’y a pas obligation à signer.

En garde à vue :

La mise en garde à vue doit t’être notifiée. Fais attention à l’heure, l’heure prise en compte doit être celle de ton interpellation et non celle de la notification de la garde à vue !!

Tu peux demander :

  • Un.e avocat.e dont tu as le nom ou un.e commis.e d’office
  • Un.e médecin : même si tu es en bonne santé, le certificat médical est une protection en cas de violence policière à venir
  • D’appeler un proche, c’est la police qui appelle pour toi : appelle quelqu’un qui saura prévenir soutiens juridiques et fournir des garanties de représentations. (Les garanties de représentations sont des preuves d’adresse, de boulot, d’études, qui prouvent que tu ne vas pas t’enfuir)

Pour la signature des PV et dépositions, RELIS, si tu constates une erreur, modifie-la au bas de la déposition au stylo. Tu as le droit de refuser de signer également, afin de pouvoir plus tard revenir sur tes déclarations et contester le PV.

REFUSE la comparution immédiate même si les flics te proposent en échange d’écourter la garde à vue.

Ne DIS RIEN même si la police te dit que « tes amis ont parlé », rappelle-toi que les flics ne sont pas tenus de dire la vérité. Il faut s’en tenir à « je n’ai rien à déclarer », «je ne parlerais qu’en présence de mon avocat », c’est un droit. Ceci évite qu’un casier vierge se remplisse d’un coup avec de faits erronés.

En cas d’arrestation : tu peux refuser de signer un PV. Le refus d’empreinte, d’ADN, de signalétique (digitales et photos numérique), de prélèvement biologique sont des délits (à toi de voir ce que tu veux faire).

Les seules informations que tu es obligé-e de donner sont : ton nom, ta date de naissance, ton lieu de naissance.

Filmer les forces de l’ordre : CF circulaire de 2008

Les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l’image : ils peuvent être filmés dans l’exercice de leur fonction, malgré un refus de leur part. Ils ne peuvent pas saisir un appareil photo, une caméra ou leur contenu, à moins qu’il ne s’agisse d’un officier de police judiciaire habilité par le parquet. Vous avez le droit de demander, avant de débloquer votre téléphone, si l’officier est véritablement habilité par le parquet. (Ceci implique que le téléphone soit bloqué par un code d’accès).

Les forces de l’ordre ont en principe l’obligation d’être identifiables : un matricule caché n’est en principe pas autorisé.

Copwatching :

En cas de copwatching, sur une interpellation ou intervention de la police etc… Note :

  • Le type de force de l’ordre : gendarmerie, CRS, police nationale…
  • Le matricule s’il n’est pas caché (situé au niveau du cœur)
  • Le véhicule et la plaque
  • Le numéro de la compagnie et celui du véhicule (marquée en haut à gauche à l’arrière du véhicule)
    • chez les CRS, il s’agit d’un chiffre arabe et d’un chiffre romain renvoyant au numéro de la compagnie
    • chez les gendarmes c’est une lettre et un chiffre
  • L’heure
  • Le lieu
  • Un signe particulier chez les flics : roux, couleur de peau, présence féminine (qui permet d’identifier au mieux la compagnie).

Qu’est-ce qu’une « Legal team »?

Qu’est-ce qu’une legal team ?

Une legal team est un groupe de soutien juridique contre la répression des événements militants. Ce groupe s’inscrit plus largement dans  une pratique plus large et organisée de défense collective qui sensibilise, pose un cadre et rassure les manifestant.e.s.

L’équipe intervient donc en amont de la mobilisation, pendant son déroulement et assure le suivi des incidents s’il y en a.

Ce n’est donc pas une protection contre les débordements car la Legal team n’a aucun contrôle sur le comportement des agents de police et des manifestants . En revanche elle propose une défense collective, qui inclue la totalité des participants à la manifestations. Ce, qu’une erreur soit commise ou non, tout le monde doit être défendu.

En préalable à une manifestation ou une action, sont aussi généralement diffusés le numéro de téléphone de la legal team ainsi que les noms des avocat.e.s qui se sont proposé.e.s. Il faudra les écrire sur le bras afin d’avoir en permanence le numéro de la legal team à appeler et de donner le nom de l’avocat.e en cas d’arrestation.

Dans l’idéal, une équipe d’observateurs peut être présente autour de la manifestation, en retrait afin de limiter au maximum les risques d’interpellation. Ainsi, les membres de l’équipe pourront filmer au mieux toutes les « rencontres » avec la police, et apporter des preuves si besoin. Aucune qualité particulière n’est requise, une légère formation / explication de ce rôle peut être proposée.

Action commune aux trois frontières

APPEL À MOBILISATION LE 4 DÉCEMBRE 2019

 

Mesdames, Messieurs les député·e·s, IL FAUT ENQUÊTER

Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans frontières, le Secours catholique et leurs partenaires locaux appellent à une mobilisation le 4 décembre à 12h pour dénoncer les atteintes aux droits des personnes exilées commises aux frontières par les autorités françaises.

Elles appellent à la mise en place d’urgence d’une commission d’enquête parlementaire pour mettre un terme à ces violations.

Aujourd’hui, de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux sont constatées aux frontières : absence de tout dispositif sanitaire et social, destruction d’abris, obstacles à la demande d’asile, non-protection des mineur·e·s isolé·e·s, refoulements systématiques, comportements brutaux, harcèlement des personnes solidaires…

Nous demandons aux député·e·s l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire afin de confirmer et de compléter ces constats et, surtout, de proposer des mesures concrètes pour que soient respectés les droits fondamentaux des personnes exilées.

En partenariat avec les acteurs présents sur les terrains, des mobilisations portant les mêmes messages auront lieu sur plusieurs villes-frontières le 4 décembre prochain, lorsque les sirènes des pompiers retentiront partout en France à 12h, comme symboles de nos alertes.

 

RENDEZ-VOUS LE 4 DECEMBRE À :

Briançon : à 11h30 près du rond-point en bas de l’Avenue de la République (la Chaussée) pour former une chaîne solidaire jusqu’à la Sous-Préfecture.

Calais : à 11h30 devant la statue des « Bourgeois de Calais »

Dunkerque : à 11h place Jean Baert

Hendaye : à 11h30 devant la gare SNCF

Menton : à 11h30 Pont Saint Ludovic

 

Premier Bilan de l’Observatoire national des expulsions collectives des lieux de vie informels

Paris, 15 novembre 2019

Aujourd’hui, au moins 91 500 personnes sont contraintes de vivre dans des cabanes, des tentes, des caravanes installées sur des terrains, ou bien d’occuper des immeubles ou des maisons inoccupées1.

A ces conditions de vie indignes s’ajoutent de nombreuses expulsions ! L’observatoire inter-associatif des expulsions collectives de lieux de vie informels2, en place depuis un an, a recensé 1 159 lieux de vie expulsés par les forces de l’ordre en France métropolitaine entre le 1er novembre 2018 et le 31 octobre 2019.

Près de 63 000 personnes vivaient dans ces lieux. Les résultats de l’observatoire des expulsions de lieux de vie informels montrent que :

  • Près de 85% des expulsions ont été recensées dans les seules villes de Calais et Grande-Synthe, où de nombreuses personnes exilées sont contraintes de vivre des semaines, voire des mois, dans des lieux de vie indignes. La grande majorité sont des ressortissants afghans, érythréens et soudanais. Dans ces villes, la base juridique des expulsions est à 94% inconnue : les pouvoirs publics ne s’efforcent même plus de justifier ces pratiques.
  • Les 181 autres expulsions recensées dans le reste du territoire métropolitain ont concerné au moins 15 400 personnes3, originaires pour la plupart d’Europe de l’Est, Roms ou perçues comme telles. A l’inverse de Calais et Grande-Synthe , ces expulsions font le plus souvent suite à des procédures juridiques.
  • Près de 90 % de ces expulsions n’ont donné lieu à aucune proposition de mise à l’abri, d’hébergement ou de relogement suite à leur expulsion. Ceci n’est pas sans conséquence sur les personnes : retour à la rue, errance et reformation d’autres bidonvilles ou squats.

Les associations de l’observatoire des expulsions de lieux de vie informels rappellent que des solutions d’hébergement et de logement dignes et pérennes doivent être proposées à chacun, quelle que soit l’origine des habitants, leur situation administrative, leurs projets et leurs besoins. Les pouvoirs publics doivent se saisir de manière urgente de cette question, pour la dignité des personnes et pour enrayer une des manifestations les plus dures de la crise du logement.

1 : Fondation Abbé Pierre, rapport 2019 sur l’état du mal-logement
2 : Les partenaires de cet observatoire sont : la Fondation Abbé Pierre, Médecins du Monde, la Ligue des droits de l’Homme, le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, la Plateforme des Soutiens aux migrants, la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage et l’Association Nationale des Gens du Voyage Citoyens.
3 : Parmi ces personnes, 10 800 étaient encore présentes dans les lieux le jour de l’expulsion.

Téléchargez ici ce communiqué de presse.

Téléchargez ici la note d’analyse.

Lettre des exilés au sous préfet de Calais

Monsieur le sous-préfet,

Nous, les habitants des camps de Calais, aimerions participer aux réunions que vous organisez avec les associations qui nous viennent en aide. Ces réunions sont très importantes pour nous, parce que nous trouvons que nous sommes les plus concernés.

Comme vous le savez, nos conditions de vie sont inhumaines et indignes. Nous vivons comme des animaux cachés dans des bois, notre seule propriété est notre tente et notre sac de couchage. Nous sommes venus à Calais avec l’espoir d’avoir la liberté, la sécurité et un meilleur accueil comparé à la souffrance à laquelle nous étions confrontés dans nos pays d’origine. Mais ce qui nous a attendu, ce sont les violences policières quotidiennes, la pression des évacuations quotidiennes ainsi que les expulsions définitives. Tout ceci nous force à vivre dans des mauvaises conditions d’hygiène : nous n’avons pas de benne à ordure. La municipalité est pourtant forcée de mettre en place des bennes dans lesquelles nous pouvons jeter nos déchets pour éviter le surpeuplement de rats.

Nous voudrions vous rappeler, monsieur le sous-préfet, que comme tout être humain nous voudrions avoir un meilleur avenir. Nous voudrions vous rappeler que la France est un des pays qui a signé la convention de Genève. Cela veut dire qu’elle doit respecter les droits fondamentaux des personnes réfugiées. Le fait que la majorité des demandes d’asile soient rejetées par la France et par les pays européens contraint les personnes exilées à être des nomades à qui aucun droit n’est accordé.

Ce qui nous empêche de sortir de cette misère c’est le règlement Dublin. Voici la traduction d’une lettre rédigée à votre attention par l’un d’entre nous, dont la version originale figure dans ce courrier. Elle illustre les conséquences de ce règlement que nous subissons.

« Voici l’histoire d’exilés africains.

Apparemment je ne peux pas demander l’asile ici encore une fois, parce que je l’ai déjà fait dans un autre pays et ils m’ont rejeté après deux ans. Maintenant je ne peux pas faire confiance à aucun pays, où se répétera le même scénario. Et j’ai des gros problèmes de famille, auxquels personne ne prête attention depuis trois ans. Si je n’avais pas de problème dans mon pays, je n’hésiterais pas à y retourner. Mais j’ai de réels problèmes, laissez-moi vivre. La réalité, personne ne nous regarde comme des humains. Je suis humain, j’ai le droit d’avoir une bonne vie pour mes enfants, en Europe. J’ai vraiment perdu espoir et j’ai besoin d’aller en Angleterre pour accomplir mon rêve. Personne ne me causerait d’ennuis et je pourrais vivre comme un humain.

Je suis désolé de ne pas pouvoir écrire mon nom. »

Les gens arrivent à Calais avec l’espoir de traverser la Manche parce que ça leur semble être la dernière solution. L’accord Dublin est aussi praticable en Angleterre, cela montre que la misère n’a pas de fin.

Il n’existe même pas de protection pour les mineurs alors qu’en France la scolarisation est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. La demande de la part des exilés d’aller à l’école est très importante. Cela éviterait aussi aux personnes d’avoir des problèmes physiques et mentaux, donc d’améliorer leurs conditions de vie. Comme un jeune français, les exilés aimeraient aussi avoir des formations pour obtenir un travail dans le futur. Cela leur donne la liberté d’être indépendant.

En parallèle, je tiens à vous dire, monsieur le sous-préfet, que parmi nous se trouvent des personnes avec des qualifications qui pourraient être utiles pour la France. Alors que le fait de ne pas nous laisser l’opportunité de nous intégrer nous empêche d’exercer notre métier qu’on aime et que nous sommes capables d’exercer. Parmi nous il y a des architectes, instituteurs, médecins etc.

Nous voudrions vous dire qu’il n’y a aucune personne qui quitte son pays par plaisir. Le fait est que ces personnes en fuite sont en danger, sachant que qu’elles se feront arrêter, torturer, ou encore assassiner. Nous aimerions que la France donne la protection à ces personnes, non pas qu’elle les renvoie dans leur pays d’origine où leur vie sera forcément en danger. Chacun de nous a déjà été enfermé en centre de rétention pour être renvoyer de France, comme si nous étions des criminels alors que notre seule volonté est d’avoir la liberté.

Nous vous demandons alors d’intervenir à toutes les prochaines réunions que vous aurez avec les associations qui nous viennent en aide, nous avons le soutien de ces associations.

Nous vous remercions pour l’attention que vous porterez à ce courrier,

Cordialement,

Les habitants des camps de Calais.