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Le 115 devra bientôt transmettre la liste

Le « 115 » devra bientôt transmettre la liste des réfugiés qu’il héberge

Le gouvernement planche sur un projet qui renforce l’échange d’informations entre les associations d’hébergement d’urgence et l’office de l’immigration. 

Par  Julia Pascual   Publié aujourd’hui à 09h58

Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, et la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, préparent une instruction interministérielle visant à renforcer l’échange d’informations entre la plate-forme d’urgence pour les sans-abri (115) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). D’après le projet de texte, non encore publié et que Le Monde s’est procuré, le gouvernement veut relancer la dynamique de la « circulaire Collomb » du 12 décembre 2017. Celle-ci avait provoqué une levée de boucliers des associations d’hébergement et de solidarité parce qu’elle essayait d’organiser le contrôle du statut administratif des migrants qui se trouvent dans l’hébergement d’urgence. Le Conseil d’Etat, saisi par les associations, avait d’ailleurs encadré sa mise en œuvre.

Un an et demi après, le projet d’instruction entend généraliser la transmission d’informations entre le 115 et l’OFII. Le premier devra ainsi « communiquer mensuellement à l’OFII la liste des personnes hébergées dans un dispositif d’hébergement d’urgence », qu’il s’agisse de demandeurs d’asile ou de réfugiés. Des réunions devront ensuite se tenir au niveau des départements, entre l’OFII et le 115, « sous l’autorité du préfet », pour examiner leur situation. L’idée étant notamment de mieux orienter ces personnes migrantes vers des dispositifs d’hébergement dédiés.

Jusque-là, la circulaire Collomb prévoyait que les préfectures envoient des équipes mobiles dans les structures d’hébergement d’urgence afin de recueillir ces informations. Mais les visites étaient conditionnées à l’accord de l’hébergeur et au consentement des personnes. « Ça a marché doucement », constate un cadre de l’administration. « Ça a été un échec », tranche Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe 870 associations et organismes de lutte contre l’exclusion. Il cite l’exemple de Paris, où « onze centres d’hébergement d’urgence ont été visités, dans lesquels 10 % des ménages avaient accepté de rencontrer les équipes. Cela a débouché sur six relogements, aucune orientation vers le dispositif d’hébergement pour demandeur d’asile et aucune régularisation, donc le résultat est très faible ».

Préoccupation budgétaire

Selon l’instruction interministérielle en préparation, chaque 115 départemental transmettra désormais à l’OFII un fichier comprenant l’identité des demandeurs d’asile et des réfugiés hébergés, ainsi que le lieu où ils se trouvent. A terme, une interconnexion des fichiers des deux administrations est envisagée. L’objectif est de mieux orienter les personnes vers « des prestations qui leur sont dédiées », c’est-à-dire vers le dispositif national d’accueil (DNA) ou le logement de droit commun pour ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugié. D’après une estimation récente, 11 000 demandeurs d’asile et 8 000 réfugiés se trouveraient dans l’hébergement d’urgence. Cette situation est notamment due au sous-calibrage du DNA, qui ne permet d’héberger qu’un demandeur sur deux. Elle résulte aussi des difficultés d’accès au travail et au logement – et donc à l’autonomie – des réfugiés. Difficile d’imaginer comment, dans ce cadre contraint, l’Etat arrivera à faire sortir les migrants des centres du 115.

Mais le projet d’instruction ne se limite pas à cette ambition puisqu’il prévoit aussi le transfert des migrants recherchant une protection internationale et déjà enregistrés dans un autre Etat membre – les « dublinés » – vers le pays en question. Il planifie en outre la « préparation au retour des déboutés du droit d’asile ». Ces derniers ont « vocation à quitter le territoire », rappelle le projet d’instruction, et la coopération entre le 115 et l’OFII doit permettre d’organiser leur éloignement. Les acteurs associatifs voient là une mise au pas de l’hébergement d’urgence par le ministère de l’intérieur. « Le principe d’inconditionnalité de l’accueil est clairement remis en question », estime Florent Gueguen, qui dénonce aussi une atteinte au secret professionnel. « Les travailleurs sociaux n’ont pas à communiquer sur la situation administrative, de santé ou familiale des personnes hébergées, dit-il. La confidentialité est un pilier de la déontologie du travail social. » « Appeler le 115 deviendra un piège, redoute Katya Benmansour, juriste de la FAS. Cela va alimenter les campements de rue. »

Derrière le projet d’instruction, une préoccupation budgétaire est également à l’œuvre. Alors que les fonds alloués au versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) ne cessent d’augmenter (ils avoisinent les 450 millions d’euros en 2019), l’échange d’informations entre le 115 et l’OFII doit permettre de suspendre son attribution en partie pour ceux qui ne sont pas à la rue.

Julia Pascual Le Monde 30 Juin 2019

Une invitation à la délation

Une invitation à la délation

 

Cette page (ci-dessus) a été publié pendant toute une semaine dans la Voix du Nord, le quotidien régional. Présenté comme ça, il s’agit de « sauver des vies » ce qui qui semble réaliste puisque la traversée est dangereuse. Mais dans ce texte, la question de fond de l’accueil digne de personnes est volontairement escamoté, en présentant les exilés comme des délinquants qu’il faudrait dénoncer. L’État choisit de communiquer sur les effets dus aux politiques de migrations, en diabolisant les exilés, sans communiquer sur les causes des départs et surtout sur les effets des politiques nationales et européennes. L’État ne parle pas des conditions de vie dans les pays qui forcent les exilés à partir, l’État ne communique pas sur les ventes d’armes qui accentuent les migrations et qui rapportent de l’argent, l’État ne communique pas sur les conditions de vie dans les pays tiers comme la Libye, et autres pays.
Les préfectures sont condamnées régulièrement sur leurs pratiques qui ne respectent pas la dignité de personnes qui ont des parcours traumatiques.
Alors je dirais à l’État, « SAUVEZ DES VIES » par une politique autre et respectueuse de la vie de personnes qui aspirent à vivre tranquillement comme tout le monde.
Inciter à la délation sans remettre en cause les politiques mises en œuvre, c’est déplacer les responsabilités pour les projeter sur les autres.

Pierre Tourbier

The Globe // Plongée dans la dictature érythréenne: « sans changement, nous serons fichus »

THE GLOBE AND MAIL (TORONTO)

Rapport 2018 sur les centres et locaux de rétention administrative

https://www.lacimade.org/publication/rapport-2018-centres-locaux-retention-administrative/

4 juin 2019

24 centres de rétention sont passés au crible : statistiques précises, témoignages et spécificités locales. Analyses et chiffres inédits pour décrypter une politique migratoire menée au détriment des droits fondamentaux des personnes étrangères.

Rapport commun sur les centres de rétention administrative par ASSFAM Groupe SOS Solidarités, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte France et Solidarité Mayotte.

Les six associations intervenant dans les centres de rétention administrative présentent leur neuvième rapport commun sur ces lieux anxiogènes marqués par la violence, résultat d’un durcissement de la politique d’éloignement.

L’année 2018 a été marquée par une utilisation importante de l’enfermement des personnes étrangères en centres de rétention administrative, y compris les plus vulnérables. Ainsi, plus de 45000 personnes ont été placées dans des lieux de rétention administrative, en métropole et en outre-mer. Le gouvernement a également décidé d’accroître très fortement la capacité de ces lieux de privation de liberté avec 480 places supplémentaires en métropole (de 1069 à 1549) par le moyen d’ouvertures de LRA, de réouvertures de CRA, d’extensions des centres déjà existants.

Cette politique d’enfermement s’est encore renforcée à travers l’adoption de la loi du 10 septembre 2018 qui a instauré au 1er janvier 2019 le doublement de la durée maximale de rétention, passée de 45 à 90 jours. Aucun gouvernement français n’avait jusque-là proposé une telle durée de privation de liberté pour tenter d’éloigner des personnes étrangères.

Dans ce rapport, nos associations font le constat alarmant d’une forte dégradation du respect des droits des personnes enfermées. Nos associations en appellent donc au gouvernement pour que cessent le recours prioritaire à l’enfermement dans la politique d’éloignement des personnes étrangères et la violation des droits qui s’attachent, en toute circonstance, à la privation de liberté.

 

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Voix du nord // Lille Le Squat 5 étoiles évacué, un important dispositif policier sur place

Quelque 200 réfugiés sont actuellement évacués du squat dit « 5 étoiles » à Lille. Un important dispositif policier est sur place. Des opposants à l’évacuation sont également présents.

Un peu moins de 200 personnes – des hommes, des femmes et des mineurs non accompagnés – sont en train d’être évacués du squat «5 étoiles» à Lille. Un peu moins de 200 policiers sont sur place, le secteur de la rue de Valenciennes est quadrillé par les forces de l’ordre depuis 5 h 30 ce mardi matin.

Une centaine de militants se sont rassemblés dès 4h30 pour s’opposer à l’expulsion. Une partie d’entre eux ont formé une chaîne humaine devant les grilles, comme le montre notre vidéo.

D’autres étaient à l’intérieur. Ils ont tous été évacués par la police. Une douzaine ont été interpellés. Certains ont dénoncé des violences policières lors de l’opération.

Des conditions de vie précaires

Installé à Lille depuis plus d’un an et demi, ce squat a défrayé la chronique tant les conditions dans lesquelles survivaient ces quelque 200 réfugiés et migrants étaient précaires et indignes.

Plus d’une centaine d’entre eux a survécu durant des mois dans cet entrepôt voisin de la friche Saint-Sauveur, sans eau potable, ni commodités d’hygiène de base. Avant que la justice n’exige l’installation d’équipements sanitaires en novembre dernier. En mai dernier, une jeune femme enceinte avait exprimé toute sa détresse de survivre en ces lieux.

En mars un collectif d’associations avait écrit une lettre ouverte à la préfecture devant les craintes d’une expulsion attendue et liée à la fin de la trêve hivernale. Le collectif, porté par la Cimade et l’association Abbé-Pierre avaient fait part de leur inquiétude quant au sort qui serait réservé aux migrants, en majorité des personnes d’Afrique subsaharienne (des Guinéens pour beaucoup).

La préfecture avait alors assuré que « chaque situation sera étudiée ». À suivre donc puisque ce mardi matin, l’expulsion annoncée par une décision de justice le 15 juillet 2018, suite à une action du propriétaire du bâtiment, le bailleur social Partenord, a été appliquée.

La préfecture précise ce mardi matin que les situations de chaque personne sont étudiées sur place  : « Les personnes ayant engagé une procédure de régularisation seront mises à l’abri dans des centres adaptés et les personnes sans droit, ni titre feront l’objet d’une procédure administrative d’éloignement du territoire. »

Communiqué des associations soutenant les personnes à Grande Synthe

2 mai 2019

Deux personnes exilées, avec le soutien de 9 associations, saisissent ce jour le tribunal administratif des conditions de vie de centaines de personnes vivant à Grande-Synthe.

(Grande-Synthe, le 2 mai 2019) – Deux personnes exilées, avec le soutien de l’Auberge des Migrants, La Cimade, DROP Solidarité, la Fondation Abbé Pierre, le GISTI, la Ligue des droits de l’Homme, Médecins du Monde, le Refugee Women’s Centre et Salam Nord/Pas-de-Calais, déposent ce jour une requête au tribunal dénonçant les conditions de vie de centaines de personnes vivant à Grande-Synthe. Elles demandent que des mesures urgentes soient prises afin de sauvegarder leur dignité et garantir le respect de leurs droits fondamentaux dans l’attente de propositions d’hébergement dignes et pérennes.

Nos organisations estiment que 600 personnes vivent à Grande-Synthe dans des conditions sanitaires, précaires et extrêmement indignes malgré la décision du maire de la ville d’ouvrir temporairement un gymnase et un centre aéré pour accueillir hommes, femmes et enfants.

Fin mars, quatre associations[1] ont mené une enquête d’observation des conditions de vies des personnes exilées dans le bois du Puythouck et autour du gymnase. Les résultats sont accablants[2] :

  • Près de 60% des personnes interrogées affirment ne pas avoir un accès suffisant à l’eau potable (80% n’ont pas accès à une douche et 87 % à des toilettes).
  • Plus de la moitié des personnes indiquent ne pas bénéficier d’une prise en charge médicale en cas de problème de santé.
  • Plus de la moitié des personnes indique ne pas manger à leur faim.
  • Près de 69% déclarent ne pas connaître le numéro d’appel d’urgence 115 pour demander un hébergement.

Un sentiment d’insécurité découle de ces situations d’extrême précarité, facteur de tensions qui apparaissent aujourd’hui sur la commune de Grande-Synthe. Ce sentiment est accentué par la crainte d’être expulsé chaque jour de son lieu de vie. En effet, depuis le mois de décembre 2018, les opérations d’expulsion se répètent et s’intensifient. Souvent accompagnées de la destruction des effets personnels, elles précarisent encore davantage ces personnes.

Cette situation déplorable n’est pas nouvelle. Elle est la conséquence directe d’une politique délibérée et systématique de la part des autorités de fragilisation de ces populations.

A l’instar de la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l’Homme, ces agissements « constituent une violation […] flagrante du droit à un logement convenable en vertu du droit international des droits de l’homme. [Ils] constituent aussi des violations des droits à la santé, à l’alimentation et à l’intégrité physique », comme l’a dénoncé également le Défenseur des Droits. Leur caractère systématique et répété constitue aux yeux de la Rapporteure, un traitement cruel, inhumain et dégradant contre l’une des populations les plus vulnérables en France. Ces pratiques doivent cesser et les autorités doivent prendre leurs responsabilités.

 

Associations signataires : Auberge des Migrants, La Cimade, DROP Solidarité, Fondation Abbé Pierre, GISTI, Ligue des droits de l’Homme,Médecins du Monde, Refugee Women’s Centre, Salam Nord/Pas-de-Calais

 

[1] La Cimade Nord Picardie, DROP Solidarité, Médecins du Monde et le Refugee Youth Service

[2] Le rapport d’observation est disponible ici.

 

Le fichier biométrique des mineur.e.s isolé.e.s étrangers

Fichier biométrique des mineur.e.s

L’article 51 de la « nouvelle  » loi asile, la ènième !  prévoit la création d’un fichier biométrique comportant photos et empreintes des jeunes demandant une protection en tant que mineur isolé pour « assurer un suivi plus rapproché des mineurs.. ». Le décret d’application lui, va bien au delà de l’objectif de la loi : il veut accélérer et rendre plus fiable l’évaluation de l’âge, lutter contre la fraude documentaire et contre la fraude à l’identité. Soit. Mais les moyens prévus pour cela semblent contraires aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés. Qu’on en juge : Il s’agit entre autre, d’empêcher un jeune de faire des demandes successives dans différents départements. Or les modalités d’accueil sont extrêmement différentes selon les départements, il est donc logique pour un jeune de tenter sa chance ailleurs… de plus, le jeune a pu, parfois se faire envoyer par la suite des documents, acte de naissance ou jugement, qu’il souhaite faire valoir dans une nouvelle demande. Il a pu aussi résider chez un tiers considéré, à tort ou à raison, comme un représentant légal, et voir sa demande refusée pour cette raison. Lorsque ce tiers ne l’héberge plus, il est logique qu’il fasse une demande à nouveau… Pouvoir renouveler une demande « dans l’intérêt supérieur de l’enfant » fait pourtant partie des recommandations du Conseil de l’Europe1.

Le projet de décret prévoit aussi de transférer le fichier établi par le Conseil Départemental en vue de la protection de l’éventuel mineur au fichier « étrangers » des préfectures lorsque la minorité est refusée. Cela permettrait de notifier au jeune, dès la fin de sa procédure d’évaluation de minorité, une OQTF (obligation de quitter le territoire français), voire une interdiction de retour sur le territoire. Et donc de l’expulser ! Ceci sur une simple évaluation administrative, sans que le jeune ait pu faire un recours auprès du juge des enfants, comme la loi le permet !

Les conditions de recueil d’empreintes et d’identité nécessaires à la demande de protection ne sont pas des conditions sereines et n’inspirent pas la confiance pour celui qui doit les les fournir : bien souvent, cela est fait au poste de police ou de gendarmerie, bien souvent sans interprète, sans explication sur ce à quoi cela doit servir. Impossible pour le ou la jeune de se sentir en confiance, d’autant plus que, pour la majorité, ils ou elles, ont subi, ou ont été témoins de violences ou d’abus de la part d’adultes, parfois des policiers au cours de leur périple. Il n’y a aucune mesure d’accompagnement ou de soutien prévue pendant la procédure pour ces jeunes particulièrement vulnérables. Il n’est pas prévu de respecter un secret professionnel pour des données à caractère pourtant personnel. Et l’information donnée au mineur est trop restreinte pour qu’il puisse donner son « consentement éclairé ». Même dans le cas favorable où les informations sont données dans la langue adéquate, l’information est donnée par écrit, ce qui ne convient pas à tous, il n’y a pas de temps prévu pour les questions, la réflexion, ou les conseils. Le refus du jeune de se soumettre à ce recueil est souvent rédhibitoire, et conduit à un refus de le reconnaître comme mineur.

Pourtant, là encore, selon le Conseil de l’Europe3, le refus de participer à une procédure de détermination de l’âge ne doit pas entraîner une décision sur l’ âge ou le statut.

Neuf associations2 ont déposé une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) et le Conseil d’Etat a décidé le 16 Mai de transmettre cette demande au Conseil Constitutionnel « pour qu’il reconnaisse l’atteinte injustifiée et disproportionnée que ce fichier porte à l’exigence de l’intérêt supérieur de l’enfant et au respect de la vie privée ».

1Conseil de l’europe, division des droits de l’enfant, détermination de l’âge : politiques, procédures et pratiques des Etats membres du conseil de l’europe respectueuses des droits de l’enfant, septembre 2011

2Anafé, Avocats sans frontières, GISTI, La Cimade, LDH, MdM,Secours catholique Caritas france, SAF, SM.

Radioparleur // A Ouistreham, histoire de solidarité avec les réfugié.e.s

https://radioparleur.net/2019/04/26/a-ouistreham-histoires-de-solidarites-avec-les-refugies/

Scarlett Bain
26 avril 2019

En Normandie, le collectif d’aide aux migrants de Ouistreham (CAMO) existe depuis septembre 2017. Une structure devenue indispensable dans cette ville portuaire. Les personnes réfugié.e.s y attendent leur visa et espèrent franchir le bras de mer qui les sépare de l’Angleterre. Michèle et Laëtitia font partie des 160 bénévoles. Leurs témoignages reflètent l’humanisme à l’origine de la création du CAMO.

Ce samedi matin de mars 2019, dans les rues de Ouistreham, Michèle nous guide lors d’une visite pas comme les autres. Cette femme d’une soixantaine d’années, dynamique, démonstrative, déterminée à aider les personnes réfugié.e.s. En voiture avec Michèle, des arrêts sont régulièrement marqués sur les lieux de leurs errances. Là où les jeunes, parfois très jeunes, Soudanais et Tchadiens attendent, espérant embarquer à bord d’un ferry vers leur destin anglais.

À Ouistreham, l’arrivée de ces hommes, qui sont aujourd’hui environ cent-soixante, remonte à l’été 2017. Elle découle du démantèlement de la jungle de Calais. En réaction à celle-ci, certains résidents de Ouistreham et des environs ont créé le CAMO, dont Michèle est membre. Le CAMO se structure en différents pôles : CAMO Repas, CAMO Santé, CAMO Administration, CAMO Vêtements et CAMO Dodo.
Un port transformé « en ghetto »

Le trajet débute à l’entrée de la ville portuaire. Michèle indique les ruisseaux dans lesquels les réfugiés se cachent en guettant le passage des camions. Aux abords du port, en passant devant le petit square, elle précise, « ici normalement l’endroit est investi parce qu’il y a un abri, mais là il est totalement vide. Il n’y a plus un migrant, c’est la preuve de l’efficacité policière d’un harcèlement qui a fonctionné ». À Ouistreham, les dispositifs pour faire fuir les migrants se sont largement renforcés. Des brigades mobiles de gendarmerie changent toutes les semaines et surtout les contrôles aux abords du ports prennent des formes inhumaines.

Ce port, Michèle en fait une description saisissante : « Il est transformé en ghetto, il rappelle des lieux autrement plus sinistres. À l’origine, il était entouré de deux clôtures, dont l’aspect s’est modifié l’année dernière, avec des barbelées au-dessus, comme dans les camps de concentration. Maintenant, nous en sommes à quatre clôtures avec un nouveau dispositif de pics. Si des réfugiés essaient de l’enjamber, ils pourraient s’empaler dessus ».
Clôtures, barbelés et pics encercle le port de OuistrehamClôtures, barbelés et pics encerclent le port de Ouistreham. Crédit: Scarlett Bain pour Radio Parleur.
Portrait d’un engagement sans faille

Michele raconte « le début de solidarité » manifeste chez certaines « figures ouistrehamaises ». Dont une poissonnière, bien connue des locaux, a fait partie des premières à faire un geste, afin d’améliorer le quotidien de ces jeunes hommes. Et pourtant, elle-même l’a confié à Michèle, au début elle n’était pas aidée « par son con de mari raciste ». Un mari qui, finalement, a lui aussi appris à secourir ceux qu’il nommait « ces grands noirs ». L’histoire de cette poissonnière marque les prémices de l’engagement de Michèle dans le CAMO. Michèle se dit « dévastée » par le traitement que la population et surtout le maire réservait à ces hommes. Elle décide alors d’en héberger et contribue à la création du pôle CAMO Dodo.

Le délit de solidarité n’effraie pas Michèle : « mais alors, pas le moins du monde » insiste-t-elle. Malgré une arrestation et « une gentille leçon de morale », tant que des personnes auront besoin de son aide, sa porte restera ouverte. Elle explique cet engagement : « la conviction des jeunes à s’entêter à vouloir aller en Angleterre fait écho à notre ténacité à vouloir les aider. On peut nous envoyer cinquante fois au tribunal, mais si on a envie d’héberger on hébergera, c’est clair ».

Michèle rencontre ces jeunes lors des distributions de repas organisées par le CAMO Repas. Elle propose un logement aux plus jeunes, selon elle, « les plus fragiles ». La bénévole revient sur le lent processus durant lequel la confiance s’établit pour que le jeune accepte d’être logé et puisse se sentir un peu chez lui. Elle éclaire aussi la nature du lien qui doit unir les bénévoles à ces personnes : « On est une étape dans leur existence. On n’est ni le père, ni la mère, ni la famille… C’est une position délicate, surtout pour l’affect, mais globalement c’est très enrichissant ».
« Ce sont des jeunes avec plein d’espoir »

Toujours ce samedi matin, Michèle prend la direction du quai Charcot. Au bout du chemin de Halage, la distribution d’un petit déjeuner est en cours. Une soixantaine d’hommes majoritairement Soudanais et Tchadiens échangent avec les bénévoles. le collectif tient une permanence de tous ses pôles. Un ancien camion de pompier accueille les consultations médicales, un coffre de voiture abrite des kits d’hygiène, sur des étals des vêtements s’amoncellent… Sur plusieurs grandes tables, se trouvent des boissons et nourritures.

Depuis novembre 2017, Laëtitia, la trentaine, s’occupe de la distribution des habits collectés. Avec l’humilité des gens qui agissent, elle analyse son travail quotidien : « Les gens ont tendance à penser que parce que les migrants ont des besoins on leur donne tout et n’importe quoi. Mais ce sont des adolescents et ils ont la même mode que les nôtres. Ce sont des jeunes avec plein d’espoir. L’apparence et les vêtements font partie aussi d’une toute petite part de leur moins mal-être ». Le but est bien là : satisfaire les besoins les plus urgents, sans déroger au droit à l’intégrité et à la dignité de ces hommes.
Ouistreham, vue sur le canal de l’Orne, depuis le lieu de la distribution du CAMO.Ouistreham, vue sur le canal de l’Orne, depuis le lieu de la distribution du CAMO. Crédit : S. Bain pour Radio Parleur

Au bord du canal de l’Orne où les canards cancanent, le rendez-vous peut prendre un air bucolique. Ici, on s’appelle par son nom, on discute, on rigole. Rares sont les confidences sur les atrocités vécues, mais ce jour-là Abdallah, jeune adolescent de 15 ans accepte de partager son quotidien. « Au Darfour, on a été chassé, en Lybie on a été torturé, on vient ici on nous maltraite… ». Abdallah décrit l’action des gendarmes, « on nous gaze, on nous matraque, on nous emmène en voiture et on nous dépose à 5 kilomètres d’ici ».
Un seul rêve : l’Angleterre

Pire, il semblerait qu’au cours de plusieurs arrestations, le traducteur présent ait menti sur l’âge des interpellés. Michèle assure qu’Abdallah n’est pas le seul à faire le récit de cette ignominie. Abdallah précise les faits: « un ami parlant français a assisté à des scènes de ce genre ». Alors le jeune adolescent s’interroge et tranche : « Où est-ce qu’on peut aller, qu’est-ce qu’on peut faire en France ? On veut aller en Angleterre ».

Le séjour dans l’Hexagone de ses personnes réfugié.e.s se déchire entre violences infligées par les appareils d’État et la solidarité de ceux qui s’organisent pour les soutenir. Michèle et Véronique font parties de ces hommes et de ces femmes qui s’activent au quotidien pour montrer qu’un autre accueil en France est possible. Reste que ce serait à l’Etat et aux collectivités de prendre leurs responsabilités.
À Ouistreham, un reportage réalisé par Scarlett Bain