Le nombre d’arrivées de personnes migrantes aux Canaries a doublé depuis le début de l’année

 

Entre le 1er janvier et le 14 septembre, plus de 11 000 migrants ont accosté sur les côtes de l’archipel, selon les chiffres espagnols – près de deux fois plus que lors des neuf premiers mois de l’année 2020. Et le nombre de morts serait de 785.

Le Monde, Sandrine Morel (Madrid, correspondante)

Publié le 29 septembre 2021 à 21h09

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) s’est dite « extrêmement préoccupée », dans un communiqué daté du vendredi 24 septembre, par la forte augmentation du nombre de morts sur la route des Canaries. Depuis le début de l’année, l’organisme dépendant des Nations unies a comptabilisé 785 morts, dont 177 femmes et 50 enfants, deux fois plus qu’en 2020. Durant le seul mois d’août, près de 380 migrants ont trouvé la mort en cherchant à rejoindre l’archipel espagnol. Un chiffre qui pourrait être encore plus élevé, étant donné les nombreux « naufrages invisibles ». Selon l’ONG Caminando Fronteras, en contact avec les communautés de migrants, 1 922 personnes seraient mortes durant la traversée durant le premier semestre 2021.

Le 20 août, une embarcation pneumatique s’est ainsi renversée à 250 kilomètres des côtes canariennes, avec 52 passagers. Une seule personne a survécu, qui est encore hospitalisée. Une pirogue partie le 15 août, qui s’était perdue à 500 kilomètres de l’île d’El Hierro, a été localisée après quatorze jours à la dérive, avec 26 survivants à bord. Vingt-neuf personnes, dont sept enfants, étaient eux déjà morts. A Fuerteventura, ce sont une trentaine de migrants qui sont décédés fin août dans une embarcation partie du Maroc. Et ainsi de suite. La liste des tragédies s’allonge encore et encore au fil des mois.

Leur nombre pourrait dépasser les 40 000 sur l’année

Entre le 1er janvier et le 14 septembre, plus de 11 000 migrants ont accosté aux Canaries, selon les chiffres du ministère espagnol de l’intérieur – près de deux fois plus que lors des neuf premiers mois de l’année 2020 (+ 117 %). Si cette tendance devait se maintenir durant les trois prochains mois, sachant que les traversées se concentrent essentiellement en automne – période privilégiée par les migrants pour emprunter la dangereuse route canarienne, les eaux de l’océan Atlantique étant réputées plus calmes –, leur nombre pourrait dépasser les 40 000 sur l’année. Bien plus que lors de la « crise des pirogues » de l’année 2006, lorsque 31 000 migrants étaient entrés dans l’archipel.

Cependant, contrairement à 2020, lorsqu’un flux de migrants inattendu avait débordé les Canaries, avec huit fois plus de migrants qu’en 2019, les îles se disent « prêtes » à faire face à l’augmentation de la pression migratoire. Le « plan Canaries », mis en place avec le gouvernement espagnol en 2020, a permis de doter les îles de près de 7 000 places de logements d’urgence, dont moins d’un millier se trouvent actuellement occupées. « Nous sommes beaucoup mieux préparés, parce que nous avons fait un effort énorme », a résumé le ministre des migrations et de l’inclusion sociale, José Luis Escriva, début septembre. Surtout, la reprise des transferts de migrants vers la péninsule, paralysés en 2020, a permis de libérer les infrastructures et d’éviter les scènes de migrants dormant dans la rue, qui avaient provoqué l’indignation aux Canaries.

Cependant, il reste encore près de 2 500 mineurs sous tutelle de l’administration de l’archipel, malgré les appels du président du gouvernement régional canarien, Angel Victor Torres, à ce que « soit activée la solidarité obligatoire » afin que les mineurs isolés soient répartis dans le reste des régions espagnoles.

« Nous observons une augmentation très importante du nombre d’arrivées en septembre, avec en moyenne 130 migrants par jour en ce moment, même si le chaos n’est plus aussi visible », confirme Txema Santana, porte-parole du Comité espagnol d’aide aux réfugiés (CEAR) aux Canaries. La plupart partent de Dakhla ou de Laâyoune, au Sahara occidental, de Mauritanie, ou de Tan-Tan, dans le Sud du Maroc, et 34 % des passagers sont des femmes et des mineurs. Ils viennent essentiellement du Mali, du Sénégal, du Maroc, de Côte d’Ivoire et de Guinée-Conakry. » Le rythme s’est accéléré, ce dimanche 26 septembre, avec 340 migrants arrivés sur les côtes canariennes en une seule journée.

Sur le reste des côtes espagnoles, la pression migratoire est également en hausse. Près de 24 000 migrants sont arrivés en Espagne durant les neuf premiers mois de l’année, soit une hausse de 53 % par rapport à la même période de 2020, en particulier du fait d’une forte augmentation des départs d’Algérie vers la côte d’Almeria et les Baléares. L’entrée massive, en mai, à Ceuta, de près de 10 000 Marocains, dont l’immense majorité a été reconduite à la frontière, n’a pas été incluse au décompte, car les chiffres sont encore « en cours d’analyse » au ministère de l’intérieur. Le 19 septembre, le corps d’un enfant âgé de 3 à 4 ans a été retrouvé sur une plage du Cabo de Gata, non loin de celui d’une femme et de six autres adultes, probablement des migrants algériens ayant fait naufrage.

Sandrine Morel(Madrid, correspondante)