A la veille de la venue d’Emmanuel Macron à Calais, la tension monte dans le milieu associatif. Dépôt de plainte et refus d’assister à la réunion de demain montrent l’exaspération des humanitaires.
LE MONDE | | Par Maryline Baumard
A la veille de la venue à Calais du chef de l’Etat, des associations déposent plainte contre X pour destruction et « destruction et dégradation » de biens leur appartenant. A 14 heures lundi 15 janvier, un courrier de dépôt de plainte a été posté en recommandé à destination du procureur du tribunal de grande instance de Boulogne. Dans l’enveloppe, une série de témoignages racontent comment les biens appartenant aux quelques centaines de migrants qui errent dans le Calaisis et tentent de franchir la frontière, sont confisqués et détruits. Le Secours catholique et L’Auberge des migrants sont les premiers à se lancer dans la démarche. Devraient suivre toute une série d’autres associations, de Help Refugees à Women Center en passant par Utopia 56 ou Care for Calais.
Pour pouvoir porter plainte, un collectif d’associations avait « tatoué » 700 sacs de couchage et autant de bâches aux logos de leurs associations. Ce matériel a été distribué le 6 décembre à des exilés, avec signature d’un contrat de prêt. « Nous avons fait signer 120 contrats de prêts », raconte un des participants à l’opération. Cette formule permet de faire valoir que le matériel appartient toujours aux associations et de dénoncer une pratique qu’ils estiment quotidienne.
Bâches et sacs de couchage sont des éléments essentiels de la survie dans cette zone au vent glacial et humide. Mais depuis la distribution, les témoignages de confiscation de ces matériaux affluent. Ces objets finissent en général à la déchetterie et sont détruits. Ce qui exaspère les associations, qui disposent d’un large stock mais refusent de cautionner ce gâchis.
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Des confiscations non reconnues officiellement
Parmi ces témoignages, un humanitaire raconte comment le 11 décembre à 15 h 30, il est témoin d’une opération de « nettoyage ». Il demande à vérifier que des objets lui appartenant ne sont pas dans la benne. Le gendarme « me répond que je ne dois pas m’inquiéter et qu’ils ont vérifié que rien qui soit floqué avec nos logos n’est jeté ». L’humanitaire suit pourtant le camion et « à un feu rouge, la personne qui m’accompagne descend de notre voiture et prend clairement la photo du camion et de la bâche marquée avec le nom du Secours catholique et celui des autres associations », raconte-t-il, reprenant les éléments du témoignage envoyé.
Le 13 décembre déjà, une autre association, assurant une mission d’accompagnement auprès de dix exilés, arrive près d’eux alors qu’ils viennent de se faire dépouiller de leurs maigres biens. Ce groupe de migrants affirme s’être fait retirer duvets, bâches et sacs à dos. « Parmi ces duvets et ces bâches certaines appartenaient à des associations et comportaient leur logo », rappelle la personne dont le témoignage fait aussi partie de l’envoi au procureur. Là encore certaines pièces emportées avaient fait l’objet d’un contrat de prêt.
Officiellement, ces confiscations ne sont pas reconnues par les autorités. l’Etat prétend par divers canaux qu’il s’agit d’opérations de nettoyage et que les seuls objets enlevés sont des matériaux abandonnés par les migrants.
Deux associations ne rencontreront pas Emmanuel Macron
Le 5 décembre 2017, Le Monde avait été témoin du réveil d’un groupe de migrants par la police, dans la ville de Calais. Matelas, couvertures et effets personnels avaient été mis à la benne. Les migrants, eux, étant pour certains consignés sur place sous un pont de la ville pendant que leurs biens étaient chargés dans un camion benne par des agents municipaux.
« Par respect pour les migrants, bien évidemment, mais aussi pour nos donateurs, nous ne pouvons laisser passer ces confiscations sans déposer plainte », observe Vincent de Coninck, du Secours catholique.
Deux des associations importantes sur le terrain à Calais refusent d’être présentes mardi soir à la réunion à laquelle les convie le chef de l’Etat. Il s’agit d’Utopia 56 et de L’Auberge des Migrants. Toutes deux sont des piliers de la gestion locale des 500 à 600 exilés présents sur place.