LE MONDE | 16.01.2016 à 09h30 | Par Maryline Baumard
Lors du dépôt d’une demande d’asile, à Calais, en août 2015. Lors du dépôt d’une demande d’asile, à Calais, en août 2015. REGIS DUVIGNAU / REUTERS
S’il y a bien une crise que la France ne connaît pas, c’est la « crise migratoire ». Rendues publiques vendredi 15 janvier par la Direction générale des étrangers en France (DGEF), les statistiques de 2015 portent à peine trace du million de réfugiés qui a franchi les portes de l’Europe cette année-là. Preuve que l’importance des migrants dans le débat public est bien inversement proportionnelle à leur présence sur le territoire.
Seul indice d’une année hors du commun, le nombre de demandes d’asile déposées dans l’Hexagone a crû sensiblement. Cette hausse du nombre de dossiers enregistrés s’est faite en septembre et sur le dernier semestre. Au 31 décembre, la France comptabilisait 22 % de demandeurs supplémentaires par rapport à 2014. Mais elle plafonne à 79 100 dossiers quand l’Allemagne en a enregistré plus de 400 000 fin novembre (source Eurostat) et en escompte beaucoup plus, une fois le retard rattrapé. Même si elle est réduite, cette hausse est le seul indicateur concret en France qu’une crise migratoire majeure se déroule à nos portes. Pour le reste, les statistiques sur les étrangers en France restent sur la même ligne que les années précédentes.
Alors que près de 4 000 migrants sont morts sur les routes de l’exil en 2015, la France n’a pas multiplié sa délivrance de visas d’asile. Octroyés dans le but de permettre aux futurs réfugiés de venir déposer une demande d’asile en France, ceux-ci n’ont bénéficié qu’à 1 800 Syriens et 2 286 Irakiens. La DGEF précise qu’« elle a offert d’autres voies d’entrées comme l’octroi d’autres types de visas classiques » aux Syriens. Reste que le ministère de l’intérieur préfère ne pas dire lesquels, comme il tait les nationalités qui ont majoritairement essuyé les 358 771 refus de visas en 2015 (en hausse de 17,6 % par rapport à 2014).
Tapis rouge
A l’inverse, les expulsions d’étrangers en situation irrégulière (hors Union européenne) ont augmenté de 11 % en 2015, avec un peu plus de 6 300 personnes renvoyées vers leur pays. Quelques-uns proviennent de la « jungle » de Calais et certains ont été, en 2015, renvoyés vers le Soudan, alors que la France avait arrêté les expulsions vers ce pays depuis plusieurs années, après une condamnation de cette pratique par l’Europe. Si on ajoute les renvois vers un autre pays de l’Union européenne, 15 485 personnes ont été concernées par un éloignement, soit 2 % de plus qu’en 2014.
2 734 413 personnes vivent en France avec un titre de séjour
Globalement, 2015 n’a pas été non plus une année différente des précédentes pour la délivrance de titres de séjour. Leur nombre s’est élevé à 212 365 (contre 210 940 en 2014). La majorité de ces titres concerne des motifs familiaux (90 000), auxquels s’ajoutent 66 520 étudiants. Le ministère de l’intérieur se félicite des 2,3 % d’augmentation de cette dernière catégorie.
Les étudiants sont en effet un maillon fort au sein du pôle des « immigrés choisis ». Si le gouvernement réfute ce concept trop marqué à droite, certains entrants voient tout de même le tapis rouge se dérouler sous leurs pieds. Même s’ils ne sont pas nombreux, c’est le cas des 230 personnes entrées avec la carte de séjour « compétences et talents », des 3 810 qui ont obtenu un visa « scientifique » et des 185 sous visa « artiste ». Trois catégories que la nouvelle loi sur les titres de séjour, qui sera discutée en commission des lois de l’Assemblée nationale mercredi 20 janvier, veut encore choyer un peu plus.
Aujourd’hui, 2 734 413 personnes vivent en France avec un titre de séjour. Avec les ressortissants de l’Union européenne, qui ne sont pas comptabilisés là, ce sont quelque 4 millions d’étrangers qui évoluent sur le territoire, selon la DGEF. Et la nationalité française, qui était acquise par 90 000 personnes chaque année en 2009 et 2010, n’a été octroyée qu’à 86 608 personnes en 2015.