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La loi du 10 septembre 2018 entre en vigueur le 1er janvier 2019 dans le domaine du droit d’asile et de la rétention. Inventaire des nouvelles mesures.
Trois décrets ont été pris pour l’application de la loi du 10 septembre 2018 . Le plus important est celui du 14 décembre 2018
Frontière et demande d’asile
La police aux frontières peut notifier un refus d’entrée à une personne interpellée à dix kilomètres d’un poste frontière lorsque le contrôle aux frontières intérieures de l’Espace Schengen est rétabli. Exemple, une personne qui est interpellée dans un train à Roquebrune Cap-Martin (soit à dix kilomètres de Menton) peut être refoulée en Italie. Depuis septembre, ce refoulement peut se faire sans que la personne puisse demander à bénéficier d’un jour franc (y compris lorsqu’elle est mineure alors qu’elle ne peut contester cette décision sans un représentant légal).
Asile à la frontière
Possibilité pour l’OFPRA de faire des entretiens par téléphone à la frontière (pratique courante encore mais sans base légale). Sinon l’entretien doit avoir lieu de vive-voix à Roissy et par visio-conférence (carte des lieux concernés) .
Enregistrement dans les guichets uniques des demandeurs d’asile (GUDA)
Après s’être rendue dans une structure de premier accueil (SPADA) (voir carte) ou être hébergée dans un centre d’accueil et d’étude de situation (CAES), la personne étrangère fait enregistrer sa demande d’asile auprès du guichet unique de demandes d’asile (GUDA). A cette occasion, il lui est demandé de choisir une langue dans une liste établie par l’OFPRA. Ce choix lui sera opposable pendant toute la procédure. Si un interprète n’est pas disponible, il peut être décidé de prendre un interprète dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’elle la comprend.
Si la personne relève de la procédure Dublin, elle est orientée vers le pôle régional Dublin (voir article).
Si la personne demande l’asile plus de 90 jours après son entrée irrégulière, elle est placée en procédure accélérée par constat du préfet. Ce délai est réduit à 60 jours en Guyane.
Orientation directive
Lors du passage au GUDA, l’OFII fait l’offre de prise en charge. En fonction d’une clé de répartition qui sera fixé par le schéma national d’accueil, s’il considère que les capacités d’accueil de la région sont dépassées, l’OFII oriente la personne dans une autre région soit en proposant un hébergement disponible, soit en lui indiquant l’adresse de la structure de premier accueil (SPADA). Elle doit s’y rendre dans un délai de cinq jours, sous peine de se voir irrévocablement couper l’allocation de demandeur d’asile. Elle ne peut quitter la région désignée par l’OFII sans autorisation de ce dernier (sauf si elle se rend aux entretiens OFPRA ou aux audiences CNDA). Si elle ne respecte pas ce cantonnement, les conditions d’accueil sont immédiatement et irrévocablement interrompues.
A l’exception des personnes disposant d’un titre pour fixer un domicile (actes de propriété,contrat de location ou de commodat), les personnes ont l’obligation d’être domiciliées dans les SPADA ou dans les lieux d’hébergement.
Examen de la demande d’asile à l’OFPRA
Dépôt de la demande d’asile (introduction) : la personne dispose d’un délai de vingt et un jours pour envoyer le formulaire OFPRA. Ce délai peut être augmenté de huit jours si la demande envoyée est incomplète. L’OFPRA est tenu de clore l’instruction si le délai n’est pas respecté. La personne peut rouvrir le dossier en se rendant de nouveau au GUDA et dispose d’un délai de huit jours pour renvoyer le formulaire augmenté de quatre si la demande est incomplète.
Convocation à un entretien : En même temps que la lettre d’introduction de la demande, l’OFPRA convoque le demandeur à un entretien dans un délai d’un mois. Cet entretien peut se dérouler lors de missions foraines permanentes (à Lyon ou à Metz) ou occasionnelles (à Nantes par exemple) ou encore par visio-conférence si la personne est retenue dans un centre de rétention administrative (CRA) ou détenue dans un établissement pénitentiaire (voir carte des lieux concernés).
A plus ou moins long terme, la convocation sera transmise via un portail électronique auquel la personne accédera via un mode de passe personnel et dont elle sera informée des modalités dans une langue qu’elle comprend. La décision de l’OFPRA sera transmise selon les mêmes modalités. Elle sera réputée notifiée dès la première consultation ou quinze jours après sa mise en ligne si la personne ne consulte pas le portail.
En Guyane, la décision est notifiée en mains-propres dans un délai de quinze jours après l’introduction depuis le mois de septembre 2018.
Fin de protection : l’OFPRA est tenu d’exclure du statut de réfugié ou de mettre fin à une protection accordée (article L.711-6 du CESEDA) si la personne relève des dispositions de l’article 1er F) de la convention de Genève, si elle représente une atteinte à la sûreté de l’Etat ou si elle a été condamnée pour terrorisme dans les 32 Etats appliquant le règlement Dublin (UE 28 +Norvège, Islande, Suisse et Liechtenstein). Si le préfet le décide, la procédure peut être accélérée (trouble grave à l’ordre public).
CNDA
Recours à la CNDA : le délai de recours est toujours d’un mois. Cependant l’aide juridictionnelle ne peut être demandée que dans un délai de quinze jours après la notification. Cette demande suspend le délai au lieu de l’interrompre. Exemple si une personne demande l’aide juridictionnelle le quinzième jour , l’avocat qui est désigné ne dispose que de quinze jours pour formuler un recours.
Le préfet peut notifier une obligation de quitter le territoire “s’il est manifeste que la personne n’a pas formulé de recours dans le délai.
Lorsque la CNDA convoque la personne pour une audience, elle peut l’informer qu’elle aura lieu par vidéo.
La CNDA envisage de tenir les premières audiences de ce type pour les recours déposés après le 1er janvier 2019 par des personnes domiciliées dans le ressort du TA de Lyon (soit Ain, Ardèche, Loire, Rhône et métropole de Lyon) à la Cour administrative d’appel de Lyon et par celles résidant dans le ressort des TA de Nancy et de Strasbourg (Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin et Vosges) à la CAA de Nancy.
Depuis le 1er décembre 2018, la lecture publique de sa décision (l’affichage des résultats à la CNDA, une ou trois semaines après l’audience ou la notification en cas d’ordonnance) suffit pour que le préfet en cas de rejet prenne une décision d’obligation de quitter le territoire.
Droit de rester pendant la procédure d’asile
Les personnes ont le droit de rester jusqu’à la lecture publique de la décision CNDA en procédure normale et en procédure accélérée, à l’exception des personnes ressortissantes d’un pays considéré comme sûr (liste); les personnes qui font l’objet d’une décision sur une demande de réexamen (qu’elle soit une décision d’irrecevabilité ou un rejet), celles qui font l’objet d’une décision d’irrecevabilité en raison d’une protection effective dans un autre Etat, celles qui font l’objet d’une demande d’extradition ou d’un mandat européen et celles qui représentent une menace grave à l’ordre public.
Dans ces cas, le préfet peut décider de mettre fin au droit de rester et notifier une décision d’expulsion qui peut faire l’objet d’un recours dans un délai de quinze jours ou de quarante-huit heures si la personne est assignée à résidence ou placée en rétention. Dans ce recours, elle peut demander au juge de suspendre la décision d’obligation de quitter le territoire , le temps que la CNDA statue sur le recours déjà formulé ou sur le point de l’être. Le juge du tribunal administratif fait droit à la demande lorsque la personne présente des “éléments sérieux au titre de la demande d’asile ” de nature à justifier son maintien sur le territoire. En cas de suspension, la personne assignée ou retenue n’est plus soumise aux mesures coercitives mais n’est pas pour autant admise à rester avec une attestation de demande d’asile.
Si une décision d’expulsion est déjà prise et a été confirmée, un recours pour un sursis à exécution de la mesure est possible dans un délai de quarante-huit heures, le juge statuant en 96 heures. La suspension entraîne la main levée des mesures coercitives sauf si la personne fait l’objet d’une mesure d’expulsion. Dans ce cas, elle peut être retenue ou assignée pendant l’examen du recours par la CNDA.
Le recours ainsi créé est difficilement compréhensible et n’est pas conforme au droit européen. En outre, il demande au juge du TA de se prononcer sur le bien-fondé de la demande d’asile alors que cela relève de la compétence de la CNDA.
Conditions matérielles d’accueil
Domiciliation
Les personnes sans domicile stable sont obligées d’être domiciliées soit dans un lieu d’hébergement dédié, soit dans une structure de premier accueil (SPADA) . Celles qui disposent d’un domicile doivent déclarer leur changement d’adresse auprès de l’OFII et de l’OFPRA. Un domicile stable est un lieu où la personne est hébergée en ayant un titre (acte de propriété, contrat de location ou de prêt à usage gratuit).
Lieux d’hébergement asile : les missions des lieux sont fixées par arrêtés (à venir). elles comprennent : ;
– la domiciliation
-l’information sur les missions et le fonctionnement du lieu d’hébergement
-l’information sur la procédure d’asile et l’accompagnement dans les démarches administratives à l’OFPRA et à la CNDA (rien n’est prévu pour les personnes Dublinées);
– l’information sur les soins de santé et la facilitation d’accès aux services de santé afin d’assurer un suivi de santé adapté aux besoins;
– l’accompagnement dans les démarches d’ouverture des différents droits sociaux;
– l’accompagnement pour la scolarisation des enfants mineurs hébergés;
– la mise en place d’activités sociales, bénévoles et récréatives, en partenariat, le cas échéant, avec les collectivités locales et le tissu associatif de proximité; (c’a d. cours de français toujours bénévole)
– la préparation et l’organisation de la sortie du lieu d’hébergement, en lien avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration, à la suite de la décision définitive sur la demande d’asile et l’accompagnement à l’accès au logement pérenne social ou privé pour les bénéficiaires de la protection internationale.
Le dispositif d’accueil va être divisé en deux pôles : les CADA qui accueilleront par priorité les personnes en procédure normale (taux d’encadrement 1 ETP pour 15 à 20 personnes, prix de journée 19.50€ par personne) et les autres lieux d’hébergement (taux d’encadrement 1 ETP pour 20 à 25 personnes, prix de journée 17%). Il sera fixé un taux d’occupation (97%) et de présence indue (3% pour les personnes réfugiées, 4% pour les déboutées).
Les responsables de centres doivent signaler à l’OFII toute absence, sans autorisation, de plus d’une semaine, qui entraîne l’interruption immédiate des conditions d’accueil par l’OFII. Ils doivent également notifier les décisions de sortie et saisir le juge administratif d’une requête en référé mesures utiles pour ordonner l’évacuation d’une place “occupée indûment”.
Refus ou retrait des conditions d’accueil
Les conditions d’accueil peuvent être refusées ou retirées de plein droit par l’OFII et sans procédure préalable si :
- la personne refuse de se rendre dans un lieu d’hébergement ou le quitte. Lorsque le schéma national d’accueil sera publié, cela s’appliquera également aux personnes qui refusent l’orientation directive même sans hébergement proposé.
- la personne ne se rend pas à une convocation des autorités (préfet, OFII, OFPRA). C’est notamment le cas des personnes Dublinées qui ne se rendent pas à une convocation.
Cette disposition a été appliquée illégalement et de façon anticipée depuis septembre 2018 à des personnes “Dublinées ” dont la demande est requalifiée après l’expiration du délai de transfert prolongé en raison d’une fuite.
Cette disposition est contraire au droit européen qui prévoit le rétablissement partiel ou total des conditions d’accueil si la personne est retrouvée ou si elle se présente de nouveau aux autorités;
Le décret du 28 décembre 2018 prévoit que la décision de refus ou de retrait entre en vigueur à compter de sa signature. Elle peut être contestée devant les juridictions administratives à condition qu’un recours administratif préalable obligatoire soit formulé, dans le délai de deux mois, auprès du directeur général de l’OFII qui a deux mois pour statuer, l’absence de réponse valant rejet. Cette nouvelle modalité vise à limiter ou à retarder les saisines des juridictions.
Elles peuvent être refusées ou retirées, après procédure contradictoire :
si la personne a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d’hébergement ;
Le décret du 28 décembre prévoit que la personne doit rembourser les sommes indûment perçues.
si elle présente une demande de réexamen de sa demande d’asile ou si elle n’a pas sollicité l’asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l’article L. 723-2. (délai de 90 jours)
Aménagement des conditions d’accueil si la personne fait l’objet d’une décision de refus du droit de rester
La personne peut être assignée (dans le lieu d’hébergement) pendant une période de quarante cinq jours et bénéficie du maintien des conditions d’accueil pendant l’examen du recours sur le droit de rester (soit pendant 6 jours).
Si le juge fait droit à la demande, elle bénéficie des conditions d’accueil jusqu’à la lecture publique de la décision de la CNDA
si le juge rejette, elle perd ses droit au terme du mois de notification
Un décret (à venir) va prévoir une adaptation de l’allocation pour demandeur d’asile ou son remplacement par une aide matérielle.
Recours contre l’obligation de quitter le territoire des déboutés ou la décision de transfert Dublin
Le recours s’effectue dans un délai de quinze jours selon les modalités prévues par le décret du 12 décembre 2018. Il est réduit à quarante huit heures si la personne est assignée à résidence ou placée en rétention. Le recours peut être sommaire. Le juge unique du TA statue dans un délai de six semaines pour les OQT, quinze jours pour les décisions de transfert et 96 heures si assignation ou rétention.
Rétention à 60 jours voire à 90 jours
Une personne est placée en rétention pour une période initiale de 48 heures. Le juge de la libertés et de la détention statue sur une demande de prolongation de vingt-huit jours puis de trente. Si un laissez passer consulaire est sur le point d’être délivré oui si la personne fait obstruction à l’exécution de la mesure, demande l’asile ou sollicite un avis médical pour ne pas être renvoyée dans son pays, la rétention peut être prolongée exceptionnellement de quinze jours qui peut être prorogée de quinze jours supplémentaires si une de ces circonstances apparaît pendant cette prolongation exceptionnelle.
Au total la durée de rétention pourrait être de 90 jours.