Infomigrants // Grève à l’OFPRA: « On porte atteinte au droit d’asile en faisant passer les demandeurs pour des potentiels fraudeurs »

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Deux syndicats de l’Ofpra, l’institution chargée d’examiner toutes les demandes d’asile en France, ont appelé à la grève, mercredi 21 février. Ses agents s’insurgent contre le projet de loi sur l’asile et l’immigration qu’ils jugent « dangereux ».

Selon le préavis de grève envoyé à leur président, Pascal Brice, les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) redoutent que le projet de loi asile et immigration, présenté en conseil des ministres mercredi 21 février, vienne « marquer une rupture sans équivoque avec la tradition d’asile » en France.

Pour les grévistes de la seule administration française habilitée à statuer sur les demandes d’asile, le gouvernement d’Emmanuel Macron fait tout pour « nuire à l’instruction » des dossiers. Le projet de loi sur l’asile et l’immigration prévoit en effet de réduire les délais d’examen de 90 jours à 60 jours.

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« L’idée de ce projet de loi, c’est de poursuivre un double objectif : rationaliser les dépenses publiques tout en gérant mieux les flux migratoires. Cette politique dangereuse prend le pas sur la tradition française de l’asile », s’indigne Johan Ankri, co-secrétaire général du syndicat ASYL de l’Ofpra, joint par InfoMigrants.

« On craint de plus en plus de procédures accélérées »

Les agents redoutent que le projet de loi n’entache la qualité d’instruction des dossiers de demandes d’asile. « Nous avons peur qu’il y ait de plus en plus de ‘procédure accélérées’ », continue Johan Ankri, co-secrétaire général du syndicat ASYL de l’Ofpra.

Les procédures dites « accélérées » exigent actuellement, sur le papier, que les dossiers d’asile concernés soient instruits en 15 jours… Elles concernent généralement des demandeurs d’asile suspectés d’avoir fourni de faux témoignage, de faux documents lors de leur passage au guichet unique. Elles peuvent viser aussi des demandeurs d’asile venant de pays jugés « sûrs » par l’Ofpra.

« Quinze jours, c’est déjà un délai impossible à tenir », continue Johan Ankri. « Comment voulez-vous en 15 jours convoquer un demandeur d’asile, lui faire passer un entretien, faire des recherches complémentaires sur son dossier, vérifier ses dires, prendre une décision et notifier sa décision ! C’est aberrant ! »

« Un demandeur d’asile a besoin de temps ! »

La crainte des réductions de délai d’instruction des dossiers à 60 jours pour les procédures classiques, et la crainte de l’augmentation de procédures accélérées poussent les agents de l’Ofpra à sortir du silence pour dénoncer une atteinte « inacceptable » à la tradition du droit d’asile en France. « L’étranger est supposé être un fraudeur. On réduit ses droits, on réduit les délais, parce qu’il est potentiellement fraudeur ! Ce n’est pas acceptable ».

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Pour les agents grévistes de l’Ofpra, le temps est pourtant un atout nécessaire pour le demandeur d’asile. « Une personne qui demande à devenir réfugié a besoin de temps pour verbaliser les souffrances [qu’il a subies sur la route de l’exil], a besoin de temps pour parler devant l’Ofpra. On ne peut pas lui demander de préparer son entretien en quelques jours », poursuit Johan Ankri. Les agents de l’Ofpra craignent également de pâtir d’une surcharge de travail. « Cette loi va augmenter les dossiers à traiter. Nous craignons des conséquences sur nos conditions de travail ».

Pour toutes ces raisons, les agents de l’Ofpra entendent ainsi rejoindre dans leur protestation les employés de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – qui tranchent sur les recours des déboutés – en grève depuis mardi.

Pour tous les demandeurs d’asile ayant un rendez-vous à l’Ofpra le mercredi 21 février, pas d’inquiétude : si votre rendez-vous n’est pas maintenu en raison de la grève, une nouvelle convocation vous sera adressée.