La statistique, si elle est exacte, ne permet pas d’étayer la supposée «préférence étrangère» dans le logement social dénoncée par le parti d’extrême droite.
Lors du débat de l’entre-deux tours, Marine Le Pen a rappelé sa volonté de mettre «en œuvre la priorité nationale au logement et à l’emploi», détaillant que «les Français ne seront pas exclusivement mais prioritairement bénéficiaires de l’accès aux logements sociaux». Un point central du programme du Rassemblement national faisant écho à la rhétorique d’une supposée «préférence étrangère», qui serait actuellement de mise en France. Le président du RN, Jordan Bardella, rappelle ainsi ce chiffre à longueur d’interviews (pas plus tard que le 18 avril dernier sur LCI, face à Olivier Véran) : un tiers des immigrés occupent des logements sociaux ou HLM.
Ce chiffre n’est pas faux. Mais il ne suffit pas, en soi, à démontrer une «préférence étrangère» dans le logement social. D’abord parce qu’un ménage immigré ne peut être confondu avec un ménage « étranger » : sur les 7 millions d’immigrés que compte la France en 2021, 36 % sont en effet de nationalité française..
On retrouve le pourcentage cité par Marine Le Pen dans une fiche du ministère de l’intérieur intitulée «L’essentiel de l’immigration, données de cadrage» publiée en 2020 par le département des statistiques, des études et de la documentation. On peut y lire que 31 % des ménages immigrés sont locataires HLM en 2017, contre 13 % des ménages non immigrés. A l’inverse, 36 % des ménages immigrés sont propriétaires, contre 60 % des ménages non immigrés.
Le ministère de l’Intérieur lui-même indique que cette proportion n’est en rien liée à une «préférence étrangère» (sic), puisqu’elle s’explique essentiellement par les revenus et la taille des ménages. On lit ainsi dans le document : «La surreprésentation des immigrés dans les logements HLM peut être liée à leurs plus faibles revenus, mais aussi à la plus grande taille de leur ménage.»
On peut aussi, pour être complet, rapporter ce pourcentage aux données en valeur absolue. Nos confrères de France Inter ont opéré ce calcul sur la base de chiffres de 2013, établis dans une précédente étude de l’Insee sur le logement et les ménages. A l’époque, la répartition locataires /propriétaires entre ménages immigrés et non immigrés était sensiblement la même, à savoir que 34 % des ménages immigrés étaient locataires d’un HLM, contre 15 % des ménages non immigrés.
Le document indiquait alors qu’en 2013, selon l’enquête logement, il y avait en France métropolitaine «2,7 millions de ménages immigrés et 25,3 millions de ménages non immigrés». Cela signifie que cette année-là, environ 918 000 ménages immigrés étaient locataires d’un HLM (34 % de 2,7 millions) contre un peu moins de 3,8 millions de ménages non immigrés. Pour le dire autrement, 20 % des logements sociaux étaient occupés par des «ménages immigrés». Une proportion qui diminue si on se focalise sur les seuls étrangers. En 2013, selon les données de l’Insee, les étrangers représentaient 12 % des locataires du secteur social.
Il y a cinq ans, CheckNews avait enquêté sur le fantasme de cette «préférence étrangère» dans le logement social, déjà brandi par la candidate Marine Le Pen, en comparant, selon la nationalité des demandeurs, les demandes de logement social émises, et les demandes satisfaites.