à Paris, des tentes d’exilés dans des locaux de start-up

Face à la saturation des centres d’hébergement et aux expulsions de réfugiés hors de la capitale, des propriétaires privés, sensibles à leur situation, mettent temporairement leurs locaux vacants à la disposition d’associations d’aide aux migrants.

par Gurvan Kristanadjaja, publié le 10 avril 2023 dans Libération

C’est un grand duplex désaffecté de 500 m² au fond d’une cour pavée du XXe arrondissement de Paris. On y entre par une petite porte en bois qui donne sur un couloir exigu, au bout duquel sous les néons blafards d’une grande pièce à vivre… des dizaines de tentes ont été déployées. Lorsqu’on monte l’escalier, plusieurs autres abris sont installés entre quatre murs avec vue sur les terrasses voisines. Assis sur un matelas gonflable, Ali (1), un Ivoirien de 17 ans, mordille une cuisse de poulet. Il scrute autour de lui et plaisante : «C’est ici qu’on habite maintenant. C’est beau, hein ?»

Comme Ali, entre 70 et 80 jeunes étrangers en recours passent la nuit dans ces bureaux d’entreprise vides. Les lieux appartiennent à la start-up française de David Peronnin, fondateur de Clubfunding Group, spécialisée dans l’investissement participatif en immobilier. La jeune pousse fait partie du Next 40, un label conçu pour promouvoir 40 jeunes entreprises françaises considérées comme susceptibles de devenir des «leaders technologiques». Quand il passait dans l’Est parisien, à Stalingrad ou la Chapelle, le PDG de 39 ans s’inquiétait de voir ces jeunes migrants dormir à la rue. Des ados dans une «zone grise» de l’Etat français, selon les associations : à leur arrivée dans le pays, ils ont été soumis à un entretien d’évaluation sociale – comme tous les étrangers qui se déclarent mineurs – au cours duquel leur âge a été mis en doute, parfois par manque de documents ou pour des récits imprécis. La plupart contestent cette décision auprès d’un tribunal pour enfants mais, en attendant le jugement, ils sont laissés dehors, sans prise en charge et sans accompagnement. En y réfléchissant, David Peronnin y a vu une équation simple à résoudre : «D’un côté, j’ai des locaux vides parce qu’on veut les rénover bientôt et de l’autre, il y a des jeunes qui dorment dehors. Pourquoi ne pas leur en faire profiter ?» explique le chef d’entrepriseUne mesure de «bon sens» selon lui plutôt qu’un acte politique ou militant. Il s’est tourné vers Utopia 56, qu’il ne connaissait pas avant de s’intéresser à la question, et les deux parties se sont mises d’accord pour signer un bail temporaire jusqu’en juin, date du début des travaux. Une bouffée d’air pour les jeunes exilés.

Dans le milieu, lorsque l’on parle des «mineurs en recours», on sait ce que cela implique : des ados vulnérables qui dorment sur le bitume, sans leurs parents, sans aller à l’école, certains vivant avec une souffrance psychologique liée à leur histoire ou à leur exil. Une situation «injuste» et «inappropriée» selon Yann Manzi, le fondateur d’Utopia 56, qui les accompagne. «On accompagne plus de 300 gamins comme eux dans la rue en ce moment et plus de 50 % sont finalement reconnus mineurs à l’issue de la décision du juge pour enfants», regrette l’homme en fumant une cigarette roulée à l’extérieur. Ces derniers mois, les Jeux olympiques de Paris approchant, il a été de plus en plus difficile – voire impossible – pour ces ados de poser une tente dans la capitale. Il faut faire place nette. Leurs petits campements ont été à chaque fois expulsés par les forces de l’ordre et les exilés errent en bordure de Paris, sous des ponts ou dans des parcs où ils redoutent les bagarres et les vols. Quant aux hébergement d’urgence, « ils sont tous saturés », regrettent en chœur les jeunes hommes accueillis dans les locaux de Clubfunding Group.

«L’avantage c’est qu’ici, contrairement à la rue, ils ne seront pas expulsés par la police, se satisfait Yann Manzi. Ce n’est pas le grand luxe, mais c’est toujours mieux que le bitume. Une équipe fait des rondes la nuit pour s’assurer que tout se passe bien, on a mis quatre salariés sur le projet.» Clubfunding Group, de son côté, a engagé 30 000 euros de travaux environ pour mettre les lieux aux normes électriques. Le binôme association-propriétaire a aussi prévenu les voisins, la mairie, et les bénévoles ont dressé une liste de jeunes à appeler en fonction de leur ancienneté dehors. Le confort est rudimentaire : pas de douches mais des toilettes et un point d’eau à l’étage. Pour ne pas trop perturber la tranquillité du quartier, les lieux sont ouverts de 20 heures à 9 heures seulement. «On surnomme ça le 115 de la débrouille. Ça fonctionne plutôt bien : ça redonne de la dignité aux jeunes et à nous, les associations. On n’en pouvait plus d’être dehors. Depuis qu’ils sont ici, il faut voir comment ils ronflent les jeunes ! Ils avaient besoin de repos», s’amuse Manzi.

John (1) est arrivé en France le 19 janvier. Il est originaire du Liberia et affirme avoir 16 ans. Il rit fort : l’ado fait partie de ceux que les bénévoles voient peu parce qu’il rattrape le sommeil perdu durant les nuits d’errance. «Quand je suis arrivé en France, c’était horrible. J’ai passé un mois dehors, j’avais perdu tous mes documents sur la route. Tout ce que je voulais, c’était aller à l’école», se souvient-il, assis près d’une table où des jeunes dînent. Sa mère est décédée quand il était enfant, il a grandi avec son père, un fermier libérien, et sa belle-mère qui le battait. John est parti en quête d’une «vie meilleure», celle qu’il imaginait en France, une terre de football, sa passion. Entre deux tentes, un autre éclat de rire fait grésiller le faux plafond. John regarde au loin. «Ici, je ne dirais pas que je suis heureux, mais c’est mieux que rien. J’attends mon recours et après on verra. Je veux être footballeur professionnel comme Mesut Özil. Et si je ne deviens pas footballeur, je veux être acteur», sourit-il avec fierté.

«Tout le monde est content»

Près de l’entrée, Abdoulie, un Gambien de 17 ans se tient raide. Il est arrivé dans la capitale il y a dix mois après avoir traversé la Méditerranée sur une petite embarcation depuis le Maroc. L’expérience reste un traumatisme dont il parle en mots-clés : «57 personnes. 17 janvier. Fuerteventura.» Le jeune longiligne rêve aussi de cette «vie en France», celle qui lui permettrait d’aller à l’école plus longtemps que les six années passées sur les bancs en Gambie et de soigner ses maux de ventre qui parfois le paralysent. Il montre son estomac gonflé. «J’espère avoir des traitements et trouver ce qui me fait mal. Pour me soigner, dormir avec un toit au-dessus de sa tête c’est mieux», estime Abdoulie. Dans ces lieux, même précaires, il peut aussi conserver ses documents médicaux dans sa tente sans avoir peur de se les faire voler. Un luxe inestimable pour les jeunes à la rue.

«Il y a plein de locaux vides à Paris. Si ça se passe bien, il suffit de trois ou quatre endroits comme ça et plus personne ne dort dehors.»

—  Yann Manzi, fondateur de l’association Utopia 56

Les membres d’Utopia 56 envisagent cette expérience comme un tournant dans leur manière de venir en aide aux migrants. «Il y a plein de locaux vides à Paris. Si ça se passe bien, il suffit de trois ou quatre endroits comme ça et plus personne ne dort dehors», espère déjà Yann Manzi. Dans le sud de Paris, un lieu similaire a été mis à disposition en novembre par un autre propriétaire, cette fois à destination de familles. Le mystérieux bailleur, qui souhaite rester anonyme, lègue pour sa part un garage de 500 m² jusqu’en mai. Et l’expérience le montre déjà : «Tout le monde est content, tout se passe très bien.»

A quelques pas de l’Arc de triomphe, dans le très chic XVIIe arrondissement, près d’un hôtel de luxe, il faut s’engouffrer dans la rampe d’accès à un parking. Au premier étage, sous des fenêtres en PVC, de nombreuses mères sont assises dans leurs tentes. Les enfants courent dans les allées et d’autres femmes sont à la cuisine. En fin de journée, ceux qui ne trouvent pas de place au 115 se présentent sur le parvis de l’hôtel de ville, d’où Utopia les redirige vers ce lieu. Ce n’est pas le grand luxe non plus, mais les bambins ont l’air heureux et les adultes peuvent se reposer un peu. «Je faisais partie des gens qui avaient peur, car ça reste un hébergement précaire. Et au début, quand on arrive ici, on se demande “est-ce qu’on ne peut pas trouver mieux ?” Mais en fait, tu leur enlèves la faim, le froid, la peur, la solitude et la violence : c’est déjà énorme», constate Nikolaï Posner d’Utopia 56, le coordinateur parisien de l’association. Sous les toiles, on trouve ici aussi quelques sourires, comme ceux des trois jeunes filles de Berthe, 10, 7 et 4 ans qui serrent contre elles des peluches distribuées par l’association. La famille a fui la Côte-d’Ivoire où elles risquaient d’être excisées. En France depuis 2019, leur demande d’asile a été refusée. Ces dernières semaines, elles ont dormi tantôt dehors, tantôt dans des stations de métro, au risque de se faire agresser. Les filles sont déscolarisées. Dans le parking, leur avenir reste incertain, mais elles s’y sentent au moins en sécurité pour la nuit, en attendant mieux.

Pour David Peronnin, ces initiatives doivent interroger l’apport d’une entreprise au sein de notre société, au-delà de sa croissance et de sa productivité. «Nous bénéficions d’une période plutôt positive. Les chiffres sont bons, on a levé 125 millions d’euros, il nous arrive des choses positives. On est une entreprise qui a de l’ambition. Mais ce n’est pas pour autant qu’on ne peut pas prendre des initiatives un peu en marge de ce qui se fait», plaide le chef d’entreprise. Elles disent aussi en creux une forme de solidarité silencieuse nouvelle qui se met en place face aux difficultés croissantes que rencontrent les exilés dans l’Hexagone. «Si ça fonctionne bien, je m’adresserai aux professionnels de l’immobilier avec qui on travaille. Je sens qu’il ne faut pas grand-chose pour qu’ils puissent ouvrir leurs lieux vacants, peut-être pas pendant des années, mais déjà pendant quelques mois», devine-t-il. «On réfléchit. Il nous faut trouver un modèle de convention qui nous permette de rassurer les propriétaires et de pouvoir essaimer», estime de son côté Nikolaï Posner d’Utopia 56. Il faudra faire vite : les baux des deux lieux se terminant avant l’été, 150 ados, enfants et parents étrangers seront à nouveau à la rue dans la capitale.

(1) Son prénom a été changé.

« Nouvelle stratégie italienne » en mer Méditerranée

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/03/16/a-bord-de-l-ocean-viking-les-marins-sauveteurs-face-a-la-nouvelle-strategie-italienne-en-mer-mediterranee_6165787_3212.html

A bord de l’« Ocean-Viking », les marins sauveteurs face à la « nouvelle stratégie italienne » en mer Méditerranée

Un décret-loi controversé impose aux navires humanitaires de faire route « sans délai » vers le port qui leur a été assigné, sans possibilité de porter secours à d’autres migrants en détresse.

Par Nissim Gasteli, publié le 16 mars dans Le Monde

Les équipes de SOS Méditerranée secourent 84 personnes d’un canot pneumatique dans les eaux internationales au large de la Libye, le 14 février 2023.

La lumière matinale frappe les couvertures de survie dans lesquelles les rescapés se sont emmitouflés, le 14 février, faisant scintiller le pont de l’Ocean-Viking, le navire humanitaire de l’ONG SOS Méditerranée. La radio crépite : « A-t-on confirmation du nombre de personnes à bord ? » Au bout du fil, dans son uniforme rouge, Mattia (qui ne souhaite pas donner son nom de famille), chargé de protection pour la Croix-Rouge, s’active pour référencer les personnes secourues en mer. Armé de son smartphone, il note leurs âges et nationalités puis leur octroie un numéro permettant de les comptabiliser. « Nous avons 84 personnes, 8-4 personnes », annonce-t-il à la radio. « 8-4 personnes, bien reçu », lui répond instantanément Anita Zugarramurdi de l’autre bout du navire.

Assise à son bureau, à proximité de la table à cartes et du radar, la coordinatrice des opérations de recherche et de sauvetage note minutieusement l’information tout en sirotant son maté. Quelques heures plus tôt, vers 4 heures du matin, elle a été réveillée par l’officier de quart : un e-mail d’alerte envoyé par Alarm Phone, la ligne téléphonique d’urgence pour les migrants en mer, rapportait un cas de détresse à proximité. Après concertation avec le capitaine, le navire a dévié sa course vers la dernière position connue de l’embarcation, dans les eaux internationales au large de la Libye. Peu avant les premiers rayons du soleil, l’équipage a repéré le canot pneumatique dangereusement surpeuplé.

Tout au long de l’opération de sauvetage, Anita Zugarramurdi a tenu informées les autorités italiennes, maltaises et libyennes. Les rescapés sont principalement originaires d’Afrique de l’Ouest. Ils ont des visages jeunes, parfois enfantins : 58 d’entre eux sont des mineurs non accompagnés. Certains montrent des signes d’hypothermie et de déshydratation, et ont été pris en charge par l’équipe médicale.

Vingt et un jours d’errance

Une fois la situation stabilisée, Anita Zugarramurdi demande que lui soit assigné un lieu sûr pour débarquer les rescapés. « Avant, les autorités nous gardaient en mer plusieurs jours ou semaines, jusqu’à ce que cela devienne invivable d’avoir plusieurs centaines de rescapés à bord », se remémore la navigatrice uruguayenne.

Ces tergiversations ont atteint leur paroxysme en novembre 2022, lorsque le gouvernement italien d’extrême droite de Giorgia Meloni a fermé ses ports à plusieurs navires humanitaires, dont l’Ocean-Viking. Après vingt et un jours à errer en mer Méditerranée – un record, se souvient-on à bord –, le bateau avait finalement été accueilli « à titre exceptionnel » par la France dans le port militaire de Toulon, occasionnant une brouille diplomatique entre les voisins transalpins. Les autres furent finalement reçus à Catane (Sicile) à l’issue d’un long bras de fer.

Les rescapés tentent de se réchauffer après avoir été secourus par l’« Ocean-Viking » au large de la Libye, le 14 février 2023.

Depuis, Rome a revu ses méthodes : l’attribution d’un « port sûr » est désormais plus diligente, mais aussi plus contraignante. A peine une demi-heure après l’envoi de sa requête, l’Ocean-Viking reçoit une réponse du centre italien de coordination et de sauvetage. Dans la salle à vivre du bateau, les équipes qui ne sont pas d’astreinte sont dans l’expectative. Quand Anita Zugarramurdi déboule dans la pièce, le suspense est à son comble. « Devinez où ils nous envoient cette fois ? », lance-t-elle d’un ton ironique. « Gênes ? », « Trieste ? », « La Spezia ? », tentent des membres d’équipage. « Ce sera Ravenne », annonce finalement la coordinatrice des opérations.

Pour rallier ce port commercial de la région d’Emilie-Romagne, où il a déjà accosté un mois plus tôt, l’Ocean-Viking va devoir entreprendre un long voyage de plus de 1 600 kilomètres à travers les mers Méditerranée, Ionienne et Adriatique. Quatre jours de navigation et autant pour le retour, durant lesquels le navire sera éloigné de son aire d’opération. L’objectif est de « décongestionner les ports de Calabre et de Sicile » auxquels les ONG étaient habituées, expliquait en janvier le ministre de l’intérieur, Matteo Piantedosi, artisan de cette nouvelle stratégie.

« L’impact pour nous, c’est bien sûr une augmentation des coûts », explique Anita Zugarramurdi. « Selon nos prévisions, notre budget carburant risque de doubler sur l’année, détaille Carla Melki, la directrice adjointe aux opérations, présente à bord quelques jours plus tôt. Cela représente 1 million d’euros en plus. »

Sauvetages multiples empêchés

Peu après, le navire met le cap vers Ravenne. Un décret-loi controversé impose désormais aux navires humanitaires de faire route « sans délai » vers le port qui leur a été assigné. Tout contrevenant s’expose à des amendes allant jusqu’à 50 000 euros et à une détention administrative du bâtiment. Jusque-là, dans l’attente d’une réponse des autorités, les navires restaient généralement au large de la Libye. Si d’autres cas de détresse se présentaient, ils leur portaient aussi assistance. Ces sauvetages multiples sont désormais empêchés.

Pour Anita Zugarramurdi, « l’objectif est clair : maintenir les navires le plus loin possible de la Méditerranée »

A mesure que le navire s’éloigne de la zone de recherches, l’émotion laisse la place à la frustration. Les mines des marins sauveteurs se crispent. « Ça y est, un sauvetage et on remballe », souffle l’un d’eux, jetant sa combinaison encore trempée. « Avant, on avait l’habitude d’en faire plusieurs, parfois six, sept, huit d’affilée. On enchaînait », explique Lucille Guenier, chargée de communication à bord. « La nouvelle stratégie italienne est la dernière tentative d’un gouvernement européen d’entraver l’assistance aux personnes en détresse, répond Anita Zugarramurdi. Pour moi, l’objectif du nouveau décret est clair : il s’agit de maintenir les navires de la flotte civile le plus loin possible de la Méditerranée. »

Les naufragés débarquent de l’« Ocean-Viking » dans le port de Ravenne, en Italie, le 18 février 2023.

En janvier, alors qu’il faisait route vers La Spezia à la suite d’un premier sauvetage, le navire Geo-Barents, de Médecins sans frontières (MSF), a été informé de deux autres cas de détresse et les a secourus. Il avait échappé aux sanctions, mais un mois plus tard, lors du débarquement de 48 personnes au port d’Ancône, le bateau a écopé de vingt jours de détention administrative et de 10 000 euros d’amende pour n’avoir pas transmis aux autorités locales les informations de l’enregistreur de données de voyage, comme l’y oblige le nouveau décret.

Pour l’Ocean-Viking, aucun sauvetage multiple ne s’est encore présenté, mais Anita Zugarramurdi est catégorique : « Si d’autres cas de détresse se présentent après un sauvetage, nous ne quitterons jamais la zone. Au-dessus de tout gouvernement, il y a le droit maritime. » 

La convention d’accès au droit

La convention d’accès au droit : en partenariat avec les associations, depuis novembre 2022, le bus d’accès au droit de l’université catholique de Lille, le CNB et les barreaux de Lille et Boulogne sur Mer proposent une permanence avec un.e avocat.e en droit des étrangers à Calais (le CNB finance la venue de l’avocat.e et son temps de permanence depuis novembre 2022 et pour l’année 2023). Cet.te avocat.e a un droit de suite ! Il peut prendre le dossier d’une personne. Cette permanence est prévue dans une convention multipartite, qui reprend des modalités d’une précédente convention qui avait été co-construite en 2016 avec les CDAD du Nord et du Pas de Calais, les associations, les barreaux, l’école d’avocat.e.s de Lille, etc, et qui est maintenant éteinte. Dans le cadre de cette même convention, sont prévues une permanence de seconde ligne téléphonique pour répondre aux questions des associatifs et solidaires. Dans le futur, il y aurait aussi une permanence 1 fois par semaine avec le bus d’accès au droit et un.e avocat.e dans le Dunkerquois. Ce qui est également prévu, c’est l’embauche tous les 6 mois d’un.e élève avocat.e pour soutenir les permanences juridiques également dans le bus juridique. La convention prévoit aussi de la formation pour les avocat.e.s des différents barreaux, mais aussi des associatifs, on vous tient informé.e.s pour les formations prévues

À Calais, la France coupable envers les migrants ? Oui, répond Louis Witter à Didier Leschi

https://www.marianne.net/agora/humeurs/a-calais-la-france-coupable-envers-les-migrants-oui-repond-louis-witter-a-didier-leschi

Par Louis Witter
4–5 minutes

Il m’est arrivé de croiser Didier Leschi. À Calais, bien sûr, fin 2021, lors de la mission de médiation qui lui avait été confiée alors qu’un père jésuite et deux Mulhousiens en signe de protestation, engageaient une grève de la faim. Et lors de débats sur des chaînes d’information. À chaque fois, j’avais été frappé par ses propos qui balayaient les faits d’un revers de la main.

L’ouvrage dont il parleLa battue. L’État, la police et les étrangers, publié le 3 février dernier aux Éditions du Seuil, est le résultat de plusieurs années passées sur le terrain, à la frontière franco-britannique. Une enquête journalistique menée auprès des exilés d’une part, des bénévoles et personnes solidaires d’autre part, mais également auprès des Calaisiens et Calaisiennes. Mais Didier Leschi ne cite pourtant aucun des faits que je rapporte dans mon livre.

Des faits documentés

Son billet suggère en synthèse que mon livre n’est qu’une tribune politique résumée à « tous des nazis ! » Ce faisant, il nie le travail de journaliste, documenté et sourcé que j’ai mené, et décrédibilise la parole des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont témoigné de leur difficile quotidien à la frontière franco-britannique. Il ne conteste pas le fait que les expulsions des campements sont réalisées toutes les 48 heures, quelles que soient les saisons ou les conditions météorologiques. En 2021, près de 1 300 expulsions de ce type ont eu lieu, accompagnées quasi systématiquement de la confiscation et de la destruction de 7 000 tentes et bâches servant aux personnes à s’abriter.

Il ne conteste pas non plus l’existence pendant deux ans de l’interdiction, par la préfecture, de distribuer gratuitement de l’eau et de la nourriture aux personnes qui en ont besoin dans une trentaine de rues de la ville. Il ne conteste pas les verbalisations par dizaines des bénévoles durant les différents confinements. Enfin, Didier Leschi ne conteste pas les violences, souvent dénoncées et parfois condamnées de certains membres des forces de l’ordre sur les exilés ou les bénévoles. En somme, la critique portée par le directeur de l’OFII fait totalement abstraction des faits que j’ai documentés.

Fébrilité de l’État

Le titre même de son billet pose la question : « La France coupable envers les migrants ? » La réponse est « Oui », et ça n’est pas le journaliste qui le dit mais la justice : la France est bel et bien coupable envers les migrants. La CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) l’a condamnée plusieurs fois (iciici ou encore ici) pour mauvais traitements. Et la justice française a elle-même condamné le préfet du Pas-de-Calais pour une expulsion menée par ses services en septembre 2020 après s’être affranchi de l’autorité judiciaire.

Dans ce texte, l’auteur m’attribue injustement certains propos que je n’aurais même jamais osé penser. Où lit-il, dans cette enquête, que tous les fonctionnaires engagés à Calais sont de mon point de vue « tous fascistes » ? Dans un enchaînement d’idées, celui-ci sous-entend que je compare la situation à Calais à celle de la barbarie nazie, que je compare les barbelés encerclant le port et le tunnel aux camps d’extermination. Cela est aussi faux qu’intellectuellement malhonnête.

Mais au-delà de la violente négation des faits, qui par ailleurs n’ont jamais été contestés, ce billet de Didier Leschi me semble traduire la fébrilité de l’État sur ce sujet. Durant ces années d’enquête, j’ai à plusieurs reprises sollicité les services du ministre de l’Intérieur, des préfets et sous-préfets pour qu’ils puissent apporter leurs réponses à mes questions, respectant ainsi l’un des fondamentaux du journalisme. Toutes ces demandes sont restées sans suite. Alors comme d’autres confrères et consœurs, je continuerai donc à raconter le quotidien de cette frontière en ne m’imposant qu’une seule contrainte : rapporter les faits.

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À Calais, la France coupable envers les migrants ? Didier Leschi répond à Louis Witter

Billet

Par Didier LeschiPublié le 21/03/2023 à 16:46

Dans son livre, « La battue : L’État, la police et les étrangers » (Seuil), le photoreporter Louis Witter, qui a passé dix-huit mois à Calais (Pas-de-Calais) et Grande-Synthe (Nord), accuse l’État de brutalité à l’égard des migrants. Essayiste et actuel directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), Didier Leschi lui répond.

Il m’est arrivé de croiser Louis Witter. À Calais, bien sûr, fin 2021, lors de la mission de médiation qui m’avait été confiée alors qu’un père jésuite et deux Mulhousiens en signe de protestation, engageaient leur santé dans une grève de la faim. Et lors de débats sur des chaînes d’information. À chaque fois, j’avais été frappé par des propos où le réel dans toute sa complexité s’absentait.

Un propos aujourd’hui condensé dans ce livre qui pourrait être résumé par l’équation suivante : à Calais, élus, fonctionnaires, de droite comme de gauche tous fascistes. Et au premier chef, les ministres de l’Intérieur qui tentent depuis des années de faire face, avec plus ou moins de succès confrontés aux décisions politiques des autorités britanniques, à la volonté de nombre de migrants de traverser coûte que coûte la Manche dans des conditions mettant en jeu leur vie au seul bénéfice des passeurs, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Gérald Darmanin… Ils sont les superviseurs de la « battue », une chasse à l’homme où les policiers seraient chasseurs, les migrants le gibier.

Un enchaînement de poncifs

Le livre accumule donc toutes les images et les poncifs qui alimentent la pensée politique de militants dont la générosité n’a d’égal que la cécité devant le fait qu’indirectement, par le biais de dégrèvement fiscaux au bénéfice de généreux donateurs, ou directement grâce à l’attribution de subventions ou de marché publics, leurs structures associatives sont de fait soutenues par l’État. On n’échappera donc pas à l’utilisation la plus caricaturale de la pensée de Michel Foucault avec ses mots fétiches. La réalité de Calais c’est le « biopouvoir » et la volonté de l’État, de sa maire, de Calaisiens « néo-nazis », serait de « laisser mourir » les migrants.

La centaine d’emplois que l’État subventionne pour que des associations servent des repas, organisent des douches, proposent des hébergements, loin des côtes et des passeurs, pour toutes ces victimes du chaos du monde, ne correspondrait qu’à la volonté pour lui d’avoir une armée de kapos ayant comme seule consigne de « faire survivre ». L’auteur appelle à ne pas s’y laisser prendre, le réel des millions dépensés par l’État serait de « laisser mourir ». On se demande même si dans ce schéma, l’hôpital de Calais, son service d’urgence, sa permanence d’accès à la santé et aux soins gratuits pour les immigrants qui en ont le besoin ne seraient pas comparables aux antichambres de la mort qu’étaient les revier des camps de concentration. Le vocabulaire distillé suggère, sans cesse, cette comparaison avec le pire, la maltraitance serait « industrielle », les barbelés empêchant l’accès au tunnel sous la Manche seraient comparables à ceux des camps. Et les migrants seraient dépouillés de leurs effets, comme l’étaient les victimes de la barbarie…

Face à tant de désorientation intellectuelle, on ne saurait trop conseiller à Louis Witter de lire ou relire un célèbre livre de Lénine, La maladie infantile du communisme, le gauchisme. Il y fustigeait ceux qui n’arrivaient plus à faire la distinction entre les régimes parlementaires et le fascisme. Était visé en particulier Amedeo Bordiga, pour qui, dès les années 1920, toute démocratie « bourgeoise » n’était qu’un paravent du fascisme. Au moins ce révolutionnaire italien, qui a subi les geôles d’un vrai fascisme, avait l’expérience de sa pensée.

« Il est urgent de remettre de la raison et du débat démocratique dans le traitement des questions de migration »

Tribune du Monde publiée le 27 février 2022

A l’initiative de l’association Désinfox-Migrations, 400 scientifiques, parmi lesquels François Héran, Catherine Wihtol de Wenden et Perin Emel Yavuz, appellent, dans une tribune au « Monde », à une convention citoyenne sur la migration afin de permettre la tenue d’un débat public informé.

Les chercheurs de toutes les disciplines sont d’accord : il n’y a pas de submersion migratoire, les régularisations et les sauvetages en mer n’ont jamais provoqué d’« appel d’air » et le grand remplacement de la population française est un mythe. Sociologues, politistes, économistes, juristes, démographes, géographes, historiens et philosophes sont unanimes sur ces questions. Malgré leurs efforts pour se faire entendre, les scientifiques se désolent de voir les résultats de la recherche ignorés ou détournés dans les débats publics et les discours politiques.

Selon l’ONU, les migrations augmentent dans le monde. Mais, avec 281 millions de migrants internationaux en 2020, ces derniers représentent moins de 4 % de la population mondiale. Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas davantage d’arrivées dans les pays développés ; les flux migratoires vers les pays du Sud global sont équivalents quantitativement.

Classée 77e en 2020 en part d’immigrants dans sa population, la France est loin derrière les pays de la péninsule Arabique, le Luxembourg, la Suisse, le Canada, l’Australie ou encore les Etats-Unis. Pourtant, la France a été une terre d’immigration et elle compte aujourd’hui 10 % d’immigrés, dont une partie de nationalité française. Nous sommes également un pays d’émigration avec 2,5 millions de Français vivant à l’étranger.

Les spécialistes des migrations partagent un constat : les perceptions des phénomènes migratoires sont souvent erronées. Plusieurs études ont démontré que le grand public surévalue le nombre de personnes étrangères par rapport à la réalité des chiffres. En revanche, l’indice de tolérance à l’égard des minorités, établi chaque année par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, nous apprend qu’en France les préjugés reculent et que la tolérance à l’autre gagne du terrain. La politisation à outrance des questions de migration et d’intégration biaise aussi nos représentations. Créer un espace serein et informé de débat démocratique pourrait permettre d’échapper à l’instrumentalisation politique des questions migratoires.

Les citoyens méritent mieux

Une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration est en discussion au Parlement dans un contexte d’essoufflement démocratique. Les questions en jeu (régularisation, accès au travail, éloignement, double peine…) sont difficiles à clarifier dans un contexte de compétition entre médias professionnels, réseaux sociaux et sites amateurs dans la production et la diffusion d’informations et d’infox. Les citoyens méritent mieux : ils ont le droit de se faire leur propre opinion et d’exprimer un jugement éclairé, avec l’aide des scientifiques. Une convention citoyenne sur la migration, inspirée de la précédente pour le climat, permettrait d’organiser un débat construit et bien informé sur une question hautement inflammable.

Malgré ses limites, la convention citoyenne pour le climat a montré que les citoyens peuvent prendre des décisions à la fois concrètes, justes et ambitieuses pour la société française. Une convention citoyenne repose sur la montée en compétence des citoyens tirés au sort. Ces derniers écoutent et débattent avec des scientifiques et des experts de la société civile. C’est donc une délibération pluraliste qui permet la prise de décision sur des sujets complexes et sur des questions controversées. Et, comme l’ont relevé des chercheurs, les citoyens démontrent leur capacité à s’emparer d’un sujet complexe, à en maîtriser les enjeux et à faire des propositions éclairées.

Comme pour le climat, il est urgent de remettre de la raison et du débat démocratique dans le traitement des questions de migration, d’intégration ou encore de diversité et d’asile. Davantage qu’un référendum, un débat citoyen a un rôle à jouer pour guider l’action publique. Des initiatives comme le Groupe international d’experts sur les migrations ou des collectifs citoyens comme les Etats généraux des migrations ont déjà amorcé ce travail. Une convention citoyenne permettra d’amplifier ce processus en y associant l’Etat et le Conseil économique, social et environnemental comme le lui permet la loi organique du 15 janvier 2021.

Pour ces raisons, nous, chercheuses et chercheurs, soutenons l’appel de l’association Convention citoyenne sur la migration.

Premiers signataires : Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l’université Lyon-III ; Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD) ; François Gemenne, chercheur à l’université de Liège (Belgique) ; Flore Gubert, économiste, directrice de recherche à l’IRD ; François Héran, professeur au Collège de France, directeur de l’Institut Convergences Migrations ; Mirna Safi, professeure à Sciences Po Paris ; Patrick Simon, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques ; Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes ; Tania Racho, chercheuse associée en droit européen à l’université Paris-Saclay, membre de Désinfox-Migrations ; Hélène Thiollet, politiste, chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), administratrice de Désinfox-Migrations ; Jérôme Valette, économiste, maître de conférences à l’université Paris-I ; Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS ; Perin Emel Yavuz, historienne de l’art, présidente de Désinfox-Migrations.

 

Formulaire contact RLS

INITIAL CONTACT FORM

Form Ref No: RLS USE ONLY

 

Essential information

 

Refugee Legal Support (RLS) launched the Family Reunion From Europe (FRFE) project on February 1st 2021 with the support of eight commercial law firms in the UK. This project aims at utilising pro bono capacity to help with family reunion work for applicants in Europe, Turkey and Libya with family members in the UK following the Dublin Regulations coming to an end in December 2020.

This initial contact form is to be used by organisations or individuals wishing to refer a family reunion case for legal support to RLS. Please note that not all referrals will be accepted, but all of them will receive appropriate attention and feedback. A response to all referrals will be expected to be sent within seven working days of receipt in writing via email.

Please complete the form below according to the details on the person’s identity documents. If any information across documents is inconsistent please note this and provide any further details in the relevant fields. All fields marked with an asterisk (*) are mandatory. The ones without an asterisk are optional at this stage and you can leave them blank if you don’t know them or will take long to find them. All data included in this form and any email correspondence with RLS is covered by confidentiality and is governed by the applicable Data Protection laws in the UK. You can find RLS’s Data Protection Policy (DPP) and more on how the data in this form will be used by following this link. You can request a digital copy of RLS Data Protection policy by typing “YES” in the blank field below and by indicating an email address you would like us to send it to:

I want a copy of the RLS Data Protection Policy to be sent to me _______

I want the copy of the DPP to be sent to this email address: _________________________

Before filling out the form below, make sure you (if self-referring), the person you wish to refer or the sponsor in the UK do not have legal representation for the purposes of this particular family reunion case in the UK. We are unable to assist individuals who are already represented in this matter.

Completed referral forms as well as any queries regarding this form should be sent to FRFE Project Coordinator Ellie Doyle at casework.uk@refugeelegalsupport.org

 

 

 

 

 

 

 

 

Date*: ……………….

Referred by*: ……………..

Please provide name, organisation and email/phone number of the person completing this form

 

Case number/reference with you, if any:

 

How did you hear about the project?*

RLS Social Media  
RLS website  
Refugee Legal Group in the UK  
Other (please specify)  

 

Has consent been obtained to make this referral? (Y/N)

 

Applicant = person you are referring

Sponsor = family member or relative in another European country, Turkey or Libya that applicant wishes to reunite with

 

INFORMATION ON THE APPLICANT

(the family member outside the UK)

First name of Applicant*  
Surname of Applicant*  
Nationality of Applicant*  
Date of birth of Applicant*  
Any inconsistencies between passport/national ID and asylum applicant’s card? If yes, please state specifically. You can also state aliases here  
Phone number(s) *

specify if used for normal calls or/and WhatsApp

 
Email address*  
Home Address or city/island where the Applicant resides*  
Languages spoken*  
Interpreter required?*

Specify the language and dialect as necessary

 
Any vulnerabilities?*  
Any dependents?*

 If yes, how many and how are they depending on the Applicant? If the Applicant has dependent children, please provide their ages

 
What is the immigration status of the Applicant in the country of residence? (i.e unregistered, registered asylum seeker, recognised refugee, subsidiary protection, humanitarian VISA etc)  
Does the Applicant have a valid national passport? Until when? If not, would it be safe and possible for them to obtain one?  
If the Applicant has dependents, do the dependents have valid national passports?  If not, would it be safe and possible for them to obtain one?  

 

 

 

INFORMATION ON THE SPONSOR

(the family member in the UK)

First name of the Sponsor*  
Surname of Sponsor*  
Date of birth of the Sponsor*  
Nationality of the Sponsor*  
Phone number(s) *

specify if used for normal calls or/and WhatsApp

 
Email address*  
Languages spoken*  
Interpreter required?*

Specify the language and dialect as necessary

 
What is the relationship between the Applicant and the Sponsor?* Be as specific as possible  
Immigration status of the Sponsor*  
Does the Sponsor have a copy of their immigration record?  

 

CASE HISTORY

Has the Applicant ever applied to join the Sponsor under the Dublin Regulations? If yes when was the EIU refusal letter issued or when was the Applicant notified?*  
Has the Applicant ever applied to join the sponsor through any other legal route?* If yes, please specify  

 

ADDITIONAL INFORMATION

(add any relevant comments or case summary-the box below is expandable)

 

 

 

Refugee Legal Support

je m’appelle Francesca Parkes et je suis coordinatrice des activités de l’association Refugee Legal Support (RLS) en France. 
Sur le littoral, Refugee Legal Support organise des ateliers sur la demande d’asile au Royaume-Uni auprès des personnes concernées afin de répondre aux questions sur la procédure et parler de l’entretien préliminaire à l’arrivée en Angleterre. En outre, RLS organise des visites mensuelles par des avocat.e.s. britanniques afin de proposer des rendez-vous individuels aux personnes intéressées. Au Royaume-Uni, RLS travaille sur le regroupement familial, voici notre annonce ci-dessous. Vous pouvez me contacter sur coordinator.france@refugeelegalsupport.org si vous avez des questions ou en cas de besoin de traduction pour remplir le formulaire.
 
Le projet de regroupement familial depuis l’Europe (FRFE+) de Refugee Legal Support vise à aider les personnes se retrouvant en Europe continental, en Turquie, ou en Libye à faire une demande de regroupement familial pour rejoindre un membre de leur famille basé au Royaume-Uni. Nous nous efforçons de prendre en charge le plus grand nombre de dossiers possible; nous assisterons les clients à faire une demande de financement exceptionnel (dans les cas où l’aide juridictionnelle n’est pas accordée) et de les transmettre à notre partenaire conseil juridique qui prepare les dossiers. Pour les personnes ayant toujours le statut de demandeur d’asile au Royaume-Uni ou les personnes qui se retrouvent en dehors de l’Europe/la Turquie et la Libye, nous ne pourrions pas prendre en charge des dossiers mais nous pouvons offrir des conseils initiaux et orienter vers d’autres organisations si besoin.

Si vous avez un membre de votre famille au Royaume-Uni avec lequel vous souhaitez faire une demande de regroupement, et si vous souhaitez organiser un premier rendez-vous, veuillez remplir et envoyer notre formulaire de recommandation à Ellie Doyle, conseil juridique et coordinatrice de projet, à l’adresse casework.uk@refugeelegalsupport.org. Bien que nous ne soyons pas en mesure de prendre en charge tous les cas, nous répondrons à toutes les demandes de renseignements. Nous sommes dans l’attente de vos demandes.

Le Danemark renonce à sous-traiter les demandes d’asile… pour le moment

Médiapart, Nejma Brahim, 27 janvier 2023

Le Danemark renonce à sous-traiter les demandes d’asile… pour le moment

Alors que le pays avait voté, en juin 2021, une loi visant à délocaliser les exilés présents sur son sol dans un pays tiers, le temps d’y examiner leur demande d’asile, le gouvernement a rétropédalé. Il compte sur une « approche plus large » de l’Union européenne pour s’y aligner.

C’est devenu un sujet récurrent en Europe. L’externalisation des demandes d’asile, c’est-à-dire la possibilité pour un État d’envoyer des personnes en recherche de protection, arrivées sur son sol, dans un pays tiers pour que leur demande y soit traitée, semble avoir le vent en poupe.

Le Royaume-Uni n’a pas tardé, après le Brexit, à chercher à mettre en place un tel système, notamment pour freiner les arrivées de migrants, de plus en plus nombreux à tenter la traversée de la Manche pour rejoindre son territoire.

Dans le même temps, le Danemark a suivi la même logique et voté, en juin 2021, une loi permettant l’externalisation de ses demandes d’asile, tout en assumant de vouloir opter pour une politique « zéro réfugié » – des efforts paraissant risibles dans un pays qui enregistre quelques milliers de demandes d’asile par an et où les réfugié·es représentent seulement 1 % des étrangers obtenant un permis de séjour (les chiffres ont d’ailleurs atteint un niveau historiquement bas en 2022).

Le projet de loi avait été adopté à une forte majorité par le Parlement danois et se voulait, selon le gouvernement social-démocrate de l’époque, « humanitaire », arguant qu’il empêcherait les exilé·es de tenter le « dangereux voyage à travers la Méditerranée pour atteindre l’Europe » et qu’il contrarierait le très lucratif business des passeurs – les mêmes arguments avancés par le Royaume-Uni.

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Des personnes déboutées du droit d’asile, placées au centre de déportation de Sjaelsmark, lors d’une manifestation à Copenhague en 2019. © Liselotte Sabroe / Ritzau Scanpix / AFP

Oui mais voilà. Le Danemark vient de reculer. Son nouveau gouvernement, alliant sociaux-démocrates et libéraux, dit vouloir « maintenir l’ambition » du projet mais souhaite opter pour un « processus différent », rapporte l’AFP. Dans un entretien à Altinget, un quotidien danois, le ministre des migrations, Kaare Dybvad, a exprimé mercredi 25 janvier le souhait de voir naître, « en coopération avec l’Union européenne ou un certain nombre d’autres pays », un centre d’accueil en dehors de l’Europe visant à recevoir les demandeurs d’asile le temps du traitement de leur demande, voire au-delà, une fois leur demande acceptée.

« Si l’approche plus large a également du sens pour nous, c’est précisément parce qu’il y a du mouvement au sein de nombreux pays européens, a déclaré le ministre. Nombreux sont ceux qui commencent à pousser pour obtenir une politique d’asile plus stricte en Europe. » Mais il prévient, un peu plus loin : « Que nous finissions par le faire nous-mêmes parce que l’autre voie s’avère être une impasse est toujours une possibilité. » Tant pis si le projet va à l’encontre du droit international et de la Convention relative aux réfugiés.

Un projet pas si simple

Sans doute le Danemark a-t-il été échaudé, aussi, par la démarche du Royaume-Uni, qui a connu de multiples rebondissements ces derniers mois : alors qu’un avion était prêt à décoller en juin dernier avec à son bord les premiers cobayes de cette externalisation de l’asile, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par des ONG, a cloué l’engin au sol par une décision rendue in extremis.

Celle-ci estimait que les autorités britanniques devaient d’abord garantir des procédures « équitables et efficaces » aux demandeurs d’asile qui seraient expédiés au Rwanda, pays avec lequel le Royaume-Uni a signé un accord en avril 2022 pour mettre en place son « plan », et s’assurer que le pays pouvait être considéré comme « sûr ».

« Depuis 2015 en particulier, la protection des frontières prime sur la protection des personnes. Les États européens ne veulent plus accueillir »

Brigitte Espuche, co-coordinatrice du réseau Migreurop

Dans le même temps, la justice britannique, qui devait se prononcer sur la légalité du projet, a validé en décembre l’accord (informel) signé par Londres et Kigali, jugeant qu’il était « légal » de « mettre en place des dispositions pour envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda et que leur demande d’asile soit examinée au Rwanda plutôt qu’au Royaume-Uni », faisant bondir les associations. Le Haut-Commissariat aux réfugiés avait souligné, dans la foulée, que l’accord contrevenait aux obligations internationales du Royaume-Uni. Depuis, aucun avion n’a décollé en direction de Kigali.

Le Rwanda faisait aussi partie des pays plébiscités par le Danemark pour la mise en place de l’externalisation de ses demandes d’asile, et ce malgré sa triste réputation en matière de respect des droits humains. Au quotidien Altinget, le ministre des migrations danois a assuré que son pays n’était plus en négociation avec les autorités rwandaises pour la création d’un centre visant à accueillir des demandeurs d’asile sur place.

Comme le rappelait Brigitte Espuche, spécialiste de l’externalisation et co-coordinatrice du réseau Migreurop, le Danemark avait déjà envisagé de sous-traiter ses demandes d’asile à la fin des années 80. « Et c’est parce que ces velléités sont profondes qu’elles se donnent à voir aujourd’hui. Entre-temps, des digues se sont rompues. Depuis 2015 en particulier, la protection des frontières prime sur la protection des personnes. Les États européens ne veulent plus accueillir », analysait-elle dans un entretien sur Mediapart.

Si le Danemark espère aujourd’hui voir l’Union européenne poser la première pierre, c’est donc aussi parce que l’idée a eu le temps de cheminer, d’année en année, avec le concours de l’extrême droite, qui estime que les exilé·es doivent faire leur demande d’asile (ou demander un visa humanitaire en vue de faire une demande d’asile dans un pays européen ensuite) depuis leur pays d’origine, ignorant les situations de conflits, de guerre, de persécutions ou de menaces de mort qui, de fait, ne permettent pas de se lancer dans de telles démarches.

Éloigner pour mieux fermer les yeux

L’UE s’oriente ainsi de plus en plus vers l’externalisation de l’asile : le pacte européen sur l’asile et la migration, lancé en septembre 2020 par la Commission européenne, et qui peine à avancer, envisageait d’extraterritorialiser les demandes d’asile dans des pays tiers ou d’instaurer l’examen des demandes aux frontières européennes.

L’UE a aussi missionné les autorités libyennes, sans beaucoup de scrupules, pour qu’elles gèrent le contrôle aux frontières de l’Europe en Méditerranée centrale, et participé au financement et à la formation des gardes-côtes libyens, qui chaque jour interceptent des embarcations en mer pour les refouler vers la Libye, un pays pourtant loin d’être considéré comme « sûr ».

Ces velléités en matière d’externalisation montrent, une fois de plus, comment l’Europe cherche à se voiler la face en tentant de contenir les migrations. Enfermée dans une politique du chiffre et des injonctions venant de la droite et de l’extrême droite (dans l’entretien donné à Altinget, le ministre des migrations danois admet lui-même craindre une montée des partis d’extrême droite si la « pression de l’asile » se fait trop sentir), l’UE estime sans doute, à tort, que l’idée d’empêcher à tout prix les exilé·es de fouler le sol européen contribuera à réduire les mouvements de population en direction de l’Europe et dissuadera, avec le temps, d’autres personnes d’emprunter les chemins de l’exil.

C’est nier la réalité de notre monde, à l’heure où les conflits font rage, où la crise climatique détruit l’environnement de nombreuses populations et où la misère ne cesse de gagner du terrain. Celles-ci se mettront davantage en danger pour contourner les politiques migratoires de plus en plus restrictives et répressives. Les morts aux frontières, déjà invisibilisées, pourraient donc s’intensifier.

à l’Ofpra, les troublantes questions sur «l’occidentalisation» des demandeurs d’asile afghans

«Page TikTok», rencontres «avec des femmes en France» : à l’Ofpra, les troublantes questions sur «l’occidentalisation» des demandeurs d’asile afghans

Libération, 17 février 2023, par Gurvan Kristanadjaja

«Vous faites quoi sur votre portable ?», «Vous aimeriez faire des rencontres avec d’autres femmes ici ?»… Pour espérer obtenir le statut de réfugié, les exilés afghans sont régulièrement interrogés sur leur adhésion à de supposées valeurs françaises. A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’embarras est visible.

Quand il est convoqué à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) en juin 2022 pour un entretien, Y.M. sait que le moment est important : l’officier qui se trouve en face de lui doit décider si oui ou non il pourra vivre légalement en France. Cet Afghan de 39 ans pense y décrire les raisons qui l’ont poussé à demander l’asile. Quand il vivait près de Mehtarlâm, à l’est de Kaboul, Y.M. tenait un commerce. Régulièrement, les talibans y entraient pour voler des produits, surtout des boissons énergétiques et des biscuits. Un jour, l’homme issu d’une famille d’agriculteurs s’y oppose. Selon son récit, il est agressé après avoir dénoncé les pillards. Par peur d’être tué, il prend seul la fuite, sans sa femme et ses cinq enfants, direction le sud de la France, où il débarque en juillet 2021 après plusieurs mois de périple.

Mais rapidement, l’entretien, dont Libération a pu lire le compte rendu, prend une drôle de tournure. Plutôt que de s’attarder sur la nature des menaces reçues, l’officier de protection semble interroger Y.M. sur l’adéquation de son mode de vie avec de supposées valeurs françaises. «Vous ne voulez pas vous créer une page TikTok ?», «vous postez sur Facebook ?», «vous regardez quoi sur YouTube ?», «vous faites quoi […] sur votre portable ?» interroge-t-il. Il s’attarde aussi sur la question religieuse : «Votre mère, votre femme, votre fille, […] est-ce qu’elles pourraient sortir seules ou travailler, sans porter le voile par exemple ?» «Les talibans vont obliger quasiment toutes les femmes à porter la burqa, qu’en pensez-vous ?» Réponse : «Je suis totalement contre, ils privent les femmes de leur liberté.» L’entretien se poursuit : «Vous aimeriez bien faire des rencontres avec d’autres femmes ici ?» ou encore «Par rapport à votre femme, vous en pensez quoi de faire des rencontres ici ?» Retranscription des mots de Y.M. : «Je peux le cacher (il rit)

En septembre, l’Ofpra lui communique sa décision par courrier : «La demande d’asile est rejetée.» Dans le motif invoqué, il est précisé que «s’agissant des accusations émises à son égard par un groupe de talibans de sa localité, ses déclarations se sont révélées sommaires». Depuis, Y.M. et les membres de la Cimade qui l’accompagnent à Béziers s’interrogent : l’Afghan n’était-il pas assez «occidentalisé» aux yeux de l’Ofpra pour bénéficier de l’asile en France ? Ou ses réponses ont-elles été trop succinctes pour convaincre l’officier ?

«Prouver qu’ils sont motivés à vivre en France»

Cette décision semble d’autant plus injuste qu’elle le condamne à une vie d’errance dans l’illégalité : la France n’expulse pas les Afghans, faute d’accord diplomatique avec les talibans. Pour des raisons incompréhensibles, les autorités continuent d’ailleurs de prononcer des mesures d’éloignement à l’encontre de ces ressortissants. «L’Ofpra et la Cour nationale du droit d’asile [la CNDA, qui étudie les recours, ndlr] ont très vite considéré après la prise de pouvoir des talibans qu’il n’y avait plus de guerre en Afghanistan. De ce fait, certaines personnes n’avaient, selon eux, plus besoin de protection, alors que les rapports disent le contraire», regrette Héloïse Cabot, avocate et membre du Gisti, une association spécialisée dans la défense des étrangers.

Certains sont déboutés, et le nombre de protections subsidiaires (1) attribuées aux Afghans a considérablement baissé – elle concernait environ 90 % des ressortissants protégés en 2020 contre moins de 1 % en 2022 – car ils ne répondent plus aux conditions d’attribution en cas de «conflit armé». Pourtant, nombre d’entre eux continuent d’affluer en France : en 2022, l’Afghanistan représentait la première nationalité d’origine des demandes d’asile auprès de l’Ofpra, avec 22 570 dossiers sur 137 046, une augmentation de 40,1 % par rapport à 2021. Face à l’évolution des conditions d’accès à la protection, pour partie conséquence du contexte politique tendu autour de l’immigration, «c’est désormais à eux de prouver pendant les entretiens qu’ils sont motivés à vivre en France», regrette une avocate qui défend nombre de ces ressortissants et a souhaité rester anonyme.

Depuis la prise de Kaboul par les talibans le 15 août 2021, les avocats ont souvent invoqué «l’occidentalisation» de certains Afghans, qui leur ferait courir un risque en cas de retour au pays. Des études menées par l’anthropologue allemande Friederike Stahlmann soulignent en effet que «les Afghans rapatriés d’Occident sont également identifiés par des inconnus comme “occidentalisés”, et sont menacés ou attaqués, car ils sont considérés comme des traîtres ou des infidèles». «Ces rapports permettaient jusque-là, dans certains cas, d’obtenir la protection d’Afghans en France et donc de leur éviter une vie d’extrême précarité», explique l’avocate précédemment citée.

«Valeurs subjectives»

A la CNDA, le cas d’un homme a même fait jurisprudence en septembre 2021. Il craignait d’être menacé en cas de retour en raison «du profil “occidentalisé” qui peut lui être imputé», peut-on lire dans le compte rendu de décision. Les juges lui ont accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. «C’est un moyen de faire entrer dans la convention de Genève des personnes qui ont un profil un peu spécifique», estime un magistrat, sous couvert d’anonymatLe critère de «l’occidentalisation» reste néanmoins très subjectif et à l’appréciation des juges et des officiers de protection. «A partir d’août 2022, quand l’émotion du retour des talibans au pouvoir est retombée, on a eu moitié moins de cas de personnes protégées sur le fondement du critère de l’occidentalisation. On constate un fort aléa qui conduit à des résultats contraires selon la formation de jugement qui tranche à la CNDA», affirme Férielle Kati, avocate.

Cette évolution récente pourrait donc expliquer les questions posées à Y.M. sur son mode de vie. «Mais cette notion d’occidentalisation, il ne faudrait pas la retourner. Il ne faudrait pas s’en servir pour ne pas protéger ceux qui vont à la mosquée, par exemple», prévient le professeur de droit à l’université Paris-Saclay Thibaut Fleury Graff.

Du côté de la Cimade, qui accompagne Y.M., c’est ce que l’on craint désormais. Selon Daniel Martin, membre de l’antenne biterroise de l’association, le critère peut être désormais utilisé à charge pour questionner l’intégration à travers des «valeurs subjectives». «C’est ce qui commence a commencé à poindre, de la même manière que l’Ofpra fait systématiquement des vérifications sécuritaires auprès du ministère de l’Intérieur à chaque demande d’asile, ce qui n’était pas le cas auparavant», regrette le responsable de la thématique asile à la Cimade, Gérard Sadik. Ce que l’on réfute du côté de l’Ofpra. «Nous n’avons pas pour rôle de rechercher si les personnes sont intégrées, ce n’est pas notre mission, précise le directeur général de l’établissement public, Julien Boucher. Mais il s’agit de rechercher si l’exercice d’un certain nombre de droits et libertés, impossible sous le régime taliban, revêt dans la vie du demandeur d’asile une importance telle qu’il ne pourrait y renoncer, ou si son parcours l’expose objectivement à des persécutions en cas de retour. Nous n’avons pas de questionnaire prédéfini, l’entretien suppose une forme de dialogue.» Une façon d’assurer que les questions sur TikTok et la pratique religieuse ne sont pas systématiques, mais qu’elles peuvent être posées dans certains cas.

Un terme «réducteur et attrape-tout», selon le patron de l’Ofpra

La jeune Khatira est pourtant un exemple de cette dérive. En 2021, l’adolescente – alors âgée de 14 ans – fuit avec ses parents un mariage forcé qui l’attend en Afghanistan pour s’installer en France. La demande d’asile de la jeune fille est rejetée. La raison est écrite noir sur blanc : la famille n’est pas assez «occidentalisée», selon la CNDA. Dans sa décision, la cour demande même à la famille d’«apporter les éléments de son occidentalisation». «Ce critère n’est pas du tout objectif, clair, défini», regrette Férielle Kati, qui est aussi l’avocate de la famille. «C’était ahurissant», se souvient Mounir Satouri, eurodéputé EE-LV qui avait invité l’adolescente au Parlement à Strasbourg pour médiatiser son cas. «Quand je l’ai rencontrée, nous avons déjeuné au restaurant : elle mangeait avec sa fourchette et son couteau, elle s’est assise sur une chaise, elle n’a pas demandé à s’asseoir par terre, elle est comme n’importe quel enfant de son âge», ironise-t-il, estimant que «l’argument est tellement caricatural qu’il n’y a pas d’autre manière d’y répondre». «C’est tendancieux de conditionner une protection à une occidentalisation. Il y a un arrière-fond d’islamophobie. Si l’on suit ce raisonnement, quelqu’un qui irait à la mosquée, porterait le voile ou ne consulterait pas les réseaux sociaux ne serait pas occidentalisé», fulmine Daniel Martin.

Ces cas embarrassent désormais les magistrats, avocats, associations, ainsi que les demandeurs d’asile eux-mêmes, car ils demandent de définir ce qu’est une personne occidentalisée, selon des critères soumis à interprétation. «Je prends mes distances avec ce terme que je place entre guillemets parce qu’il est réducteur et attrape-tout», estime le patron de l’Ofpra – qui a pris soin de ne jamais l’utiliser lors de notre entretien. «Ce sont des dossiers assez difficiles à traiter», reconnaît un juge à la CNDA sous couvert d’anonymat. «Pour être considéré comme “occidentalisé”, il faut cocher beaucoup de cases. On va attendre de la personne qu’elle parle français, qu’elle déclare qu’elle écoute de la musique occidentale, qu’elle rejette les traditions afghanes. Il y a un élément objectif qui entre en ligne de compte, c’est la durée de vie sur le territoire français. Mais ça peut mettre mal à l’aise, en effet, car ce n’est pas parce que vous allez à la mosquée que vous n’êtes pas occidentalisé. Et ce n’est pas parce que vous allez à l’église que vous l’êtes…» poursuit-il.

Selon l’avocate interrogée, cette notion sert désormais autant qu’elle dessert. Et elle «ouvre à des thèses du type assimilation qu’on avait plutôt l’habitude de voir en préfecture». Depuis, Khatira et ses parents ont obtenu le statut de réfugiés lors du réexamen de leur demande. Y.M. a, lui, déposé un recours auprès de la CNDA où il sera peut-être à nouveau questionné… sur son «occidentalisation».

(1) La protection subsidiaire bénéficie à une personne qui ne remplit pas les conditions d’obtention du statut de réfugié, mais qui prouve qu’elle est exposée dans son pays d’origine à la peine de mort, à une exécution ou à une menace en raison d’un conflit armé.