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Tribune dans Libération // L’accueil des réfugié.e.s et la ville de demain

http://www.liberation.fr/debats/2017/08/24/l-accueil-des-refugies-et-la-ville-de-demain_1591718

Dans la chambre d'un mineur isolé au foyer Bellevue, à Châlons-en-Champagne, en février.
Dans la chambre d’un mineur isolé au foyer Bellevue, à Châlons-en-Champagne, en février. Photo Cyril Zannettacci pour Libération

Il faut sortir l’accueil des déplacés des logiques d’urgence et favoriser une approche globale, digne et humaine. Nous pouvons construire des lieux de vie qui favorisent l’émancipation personnelle.

Alors que le président de la République a annoncé fin juillet sa volonté de ne plus voir un seul migrant dormir dans les rues d’ici la fin de l’année, et que de nouveaux types de centres sont en invention, il convient d’aborder la question de l’architecture de l’accueil avec une vision globale et de long terme. L’arrivée de personnes dans certaines cités européennes dans des proportions qui excèdent leurs capacités d’assimilation classiques ne manque pas de poser des questions sur l’urbanisme et l’architecture de celles-ci.

Si l’accueil répond à des logiques techniques et foncières différentes des approches constructives classiques, son architecture demande une grande rapidité dans son mode de production, mais ne peut faire l’économie de la réflexion sur le temps long et de son inscription dans des politiques urbaines globales. Ces lieux de vie sont insérés dans les villes et les quartiers qui les entourent et y demeurent souvent bien plus longtemps que les logiques d’urgence donnent à le penser au départ.

Penser l’accueil, c’est penser la forme de la ville de demain dans une approche qui intègre accompagnement de la mobilité, dignité, respect, émancipation humaine mais également écologie, rapidité d’installation, transformation et recyclage de l’acte constructif. Le droit à la mobilité est adossé au droit à la ville.

Six typologies architecturales sont identifiables. La première est celle de quartiers d’accueil dépassant la logique de camps puisqu’ils s’inscrivent dans des quartiers sur le long terme. Si leur mode constructif peut recourir à la préfabrication ou à l’utilisation de modules, ils n’en sont pas moins pensés avec autant et même plus d’attention que celle portée à l’architecture du logement classique. Il est également possible, comme l’Allemagne l’a fait, de construire des petits bâtiments d’accueil avec des hébergements et des services dédiés, des «Maisons de migrants» intégrées et réparties dans les villes.

Une autre option, plus complexe qu’il n’y paraît, consiste à investir des logements inoccupés ou voués à la démolition. Il est souvent plus simple, comme à Berlin ou Athènes, d’investir des bureaux abandonnés ou des usines, en centre-ville ou en proche périphérie. Une approche plus audacieuse architecturalement serait de construire des bâtiments réversibles, servant aujourd’hui à l’accueil, mais demain à des résidences services (étudiants ou personnes âgées), du logement classique, voire des bureaux. Enfin, il serait peut-être temps de reconnaître les quartiers précaires comme des établissements humains et de les sécuriser : cette approche s’opère avec succès dans de nombreux pays du monde car elle ne vient pas détruire les solidarités et les économies existantes entre des habitants aux statuts fragiles. La «question des bidonvilles» a cessé d’en être une dans nombre de lieux sur la planète pour être reconnue comme une typologie parmi d’autres, quand 30 % de la population urbaine mondiale habite dans des quartiers informels. Il s’agit alors de leur donner un statut de droit, d’y mettre en place des services communs, de faire baisser les risques, de travailler sur les sols, et de favoriser les interactions entre les quartiers.

Ces scénarios ne sont pas en concurrence les uns avec les autres : ils sont appelés à être intégrés dans des démarches globales et peuvent s’additionner et se mélanger les uns aux autres en fonction des politiques et des conditions d’accueil locales, de manière synchrone, ou en se chevauchant au cours du temps. Plusieurs points demeurent néanmoins comme des constantes : l’importance des villes et des politiques municipales dans l’invention de l’accueil doit être pleinement reconnue en évitant toute pensée étatique centralisatrice sur le sujet ; c’est dans cet esprit qu’il est fondamental d’impliquer tous les acteurs locaux (administratifs, associatifs, économiques) qui doivent être parties prenantes dans la construction de cet accueil et y trouver leur compte. Il est nécessaire de laisser se mettre en place des micro-économies au sein des lieux d’accueil : dans tous les cas trop faibles pour gêner les activités économiques environnantes, elles sont des vecteurs de qualité de vie ; ces lieux doivent être pensés comme des tremplins pour aller dans le sens de l’émancipation personnelle. C’est dans cet esprit que la cogestion doit être la règle pour reconnaître les habitants comme des acteurs à part entière et non comme des personnes assistées à charge pour la société. Enfin, les lieux ne doivent pas être monofonctionnels mais bien au contraire ouverts à différents types d’activités adressées à tous. On peut penser au modèle des zones franches urbaines pour les activités économiques, les résidences artistiques peuvent par exemple se montrer fertiles dans les coexistences et la vie des lieux. L’accueil des personnes déplacées, réfugiées aujourd’hui, mais demain potentiellement victimes de catastrophes comme on l’a vu dans le Sud au début de l’été, s’inscrit dans la longue histoire des établissements humains. Penser la ville accueillante, c’est penser la ville de demain : transformable, légère, écologique, recyclable… mais avant tout humaine.