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Incendies de Grande Synthe // Communiqués associatifs

Communiqué de La Ligue des droits de l’Homme Nord Pas de Calais

« Face aux déchaînements de propos haineux et aux remises en causes de toutes parts, faisant suite à l’incendie du camp de la Linière, la Ligue des Droits de l’Homme réaffirme son soutien au Maire de Grande-Synthe : rien de ce qui s’est passé ne peut remettre en cause la nécessité d’accueillir les migrants qui fuient toutes les guerres.

La détermination à mettre en œuvre, ici et maintenant, l’idéal de fraternité républicaine, envers tous ceux qui souffrent de la folie des hommes, ne saurait être remise en cause par des actes criminels.

Ceux qui ont fermé où laissé fermer Sangatte ont leur part de responsabilité dans l’installation de la jungle de Calais. Ceux qui ont vidé, ou qui ont détourné les yeux lorsque que fut vidée la jungle de Calais, ont leur part de responsabilité dans l’évolution de ce qui est survenu à Grande-Synthe, et qui a abouti au désastre de ces derniers jours. Ceux qui rêvent que rien ne vienne remplacer le Camp de la Linière ont déjà leur part de responsabilité dans ce qui surviendrait alors inéluctablement.

Gérer ce qui se passe sur la côte des Hauts de France comme s’il s’agissait d’une cause qu’il suffit de supprimer pour que l’ordre revienne, ne peut aboutir à rien. La cause est en Syrie, elle est en Afghanistan, elle est en Somalie. Nous ne vivons ici que les conséquences, et si les causes persistent, les conséquences persisteront.

L’absence de lieux d’accueils entraînera inéluctablement la multiplication de petits bidonvilles, rendra plus difficile l’intervention des associations humanitaires, et maintiendra dans la misère et aux marges de la dignité humaine des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de bébés, soumis à la loi des passeurs et des racketteurs en tous genres. Cette situation entraînera tout aussi inéluctablement le déploiement toujours plus coûteux de toujours plus de forces de police, pour un résultat contestable.

La solidarité doit continuer à jouer pleinement, et l’accueil des migrants doit se faire dans la dignité, comme nous l’aurions aimé pour nos parents ou grand parents pendant l’exode, car c’est la condition nécessaire pour restaurer un ordre public serein, républicain et fraternel ».

LIGUE DES DROITS DE L’HOMME

DÉLÉGATION RÉGIONALE

COURRIEL : ldh.npdc@gmail.com

 

Communiqué de la Cimade

INCENDIE À GRANDE-SYNTHE : L’IMPASSE DE LA MANCHE S’EST ENCORE ASSOMBRIE

11 avril 2017

L’hypocrisie diplomatique qui se joue à Calais comme à Grande-Synthe doit cesser, elle conduit la France à contrôler la frontière d’un pays tiers et les personnes migrantes à se mettre en danger.

Un incendie s’est propagé dans le camp de la Linière dans la nuit du 10 au 11 avril, réduisant en cendres une initiative de mise à l’abri dans des conditions dignes de personnes exilées « en transit » vers la Grande-Bretagne. Ce drame souligne l’urgence de créer plusieurs lieux d’accueil humanitaire dans une région où de nombreuses personnes continuent à arriver dans l’espoir de traverser la Manche.

En effet, le démantèlement du bidonville de Calais n’a pas mis fin à l’attraction du Royaume-Uni. L’État français doit sortir du statu quo et assumer son devoir de protection humanitaire de femmes, d’hommes et de mineurs isolés se trouvant en danger actuellement.

« L’impasse de la Manche s’est encore assombrie, mettant en danger encore plus de personnes en demande de protection : l’État ne peut pas persister dans ce déni de réalité », affirme Geneviève Jacques, présidente de La Cimade.

Le 28 février dernier, La Cimade interpellait avec ses partenaires – Amnesty International France, Médecins du Monde, le Secours Catholique, Emmaüs France, Médecins Sans Frontières, le Mouvement français pour le Planning familial et la Fondation Abbé Pierre – les ministres français de l’intérieur et du logement, sur « la nécessité de créer plusieurs lieux d’accueil humanitaire dans le Calaisis et le Dunkerquois pour permettre aux personnes migrantes de sortir de l’errance et des graves dangers auxquels elles sont exposées » face aux « conditions de vie et de sécurité devenues critiques à l’intérieur du camp » et à « l’apparent silence des autorités administratives et judiciaires ». La demande de réunion de crise est restée sans réponse.

La Cimade, qui assure une permanence d’accès aux droits installée dans la ville de Grande-Synthe depuis un an, réitère plus que jamais la nécessité de créer des lieux d’accueil humanitaire sur le littoral.

De plus, les personnes exilées qui souhaitent, après information, demander l’asile en France, doivent pouvoir le faire depuis un lieu aux conditions d’accueil dignes, avec un réel accompagnement social, sans risquer d’être renvoyées dans un autre pays européen en application du règlement « Dublin ».

Enfin, pour les personnes qui souhaitent rejoindre le Royaume-Uni, les démarches doivent être soutenues par l’État français. L’hypocrisie diplomatique qui se joue à Calais comme à Grande-Synthe doit cesser, elle conduit la France à contrôler la frontière d’un pays tiers et les personnes migrantes à se mettre en danger.

 

 

 

 

LE MONDE // A Grande-Synthe, un maire combatif, des associations inquiètes et des migrants désemparés

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/04/12/a-grande-synthe-un-maire-combattif-des-associations-inquietes-et-des-migrants-desempares_5109746_1654200.html

Le maire de Grande-Synthe espère que les centres d’accueil et d’orientation pourront accueillir les 1 500 migrants après l’incendie du camp de la Linière.

LE MONDE | 12.04.2017 à 01h48 • Mis à jour le 12.04.2017 à 10h28 | Par Geoffroy Deffrennes (Lille, correspondant)

En l’espace de quelques heures, le camp de la Linière, ouvert en mars 2016 par le maire écologiste (EELV) de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême, où intervient Médecins sans frontières (MSF), s’est consumé à 80 %. Dans la nuit du 10 au 11 avril, des feux manifestement volontaires sont partis, après une série de rixes entre Kurdes irakiens, historiquement majoritaires dans le camp, et Afghans, arrivés lors de la fermeture de la « jungle » de Calais. « Il n’y aura pas de reconstruction de nouveau campement ici », a déclaré le ministre de l’intérieur, Matthias Fekl, en déplacement à Grande-Synthe, mardi 11 avril.

Il sera difficile pour les enquêteurs de trouver des coupables. « On parle d’une attaque des cuisines – où vivent sommairement les Afghans, qui n’ont pas droit aux cabanons, réservés aux Kurdes –, avec représailles afghanes sur les chalets », croit savoir Christian Salomé, président de l’Auberge des migrants.

Mardi, les rares Kurdes qui desserraient les lèvres, allongés sur les pelouses ou sur des lits de camp dans les trois gymnases où ils ont été accueillis – sur les 1 500 personnes que le camp comptait, 1 000 ont été mises à l’abri –, restaient évasifs. Quant aux Afghans, impossible d’en trouver. « Ils ont peur des Kurdes, qui peuvent être violents. Ils se sentent indésirables », lâche un bénévole.

Surpopulation du camp

« J’ai entendu différentes versions. Je suis incapable de dire comment cela a commencé, affirme M. Carême. Mais nous avions monté ce camp pour 700 personnes ; au-delà les conflits devenaient inévitables. Je suis pour le maintien de ce camp, mais à condition de revenir à sa norme initiale. »

Dans son bureau, mardi en début d’après-midi, le maire de Grande-Synthe consulte ses messages sur sa tablette. « Je suis ragaillardi par les propositions d’aides que je reçois. Regardez : on m’envoie une photo des images de l’incendie diffusées sur l’écran géant d’une gare britannique. » Lundi 10, M. Carême participait au 85e anniversaire de l’Union nationale des étudiants de France, à Paris « pour intervenir précisément sur les migrants », lorsqu’on l’a averti. « Plus de train, je suis resté au téléphone jusqu’à 3 heures du matin avec mon directeur de cabinet, Olivier Caremelle, puis levé à 5 heures pour filer à la gare… »

Depuis quelques semaines, l’élu a pris son bâton de pèlerin. « La surpopulation du camp de Grande-Synthe est due au nombre insuffisant de centres d’accueil et d’orientation (CAO). » Le site du ministère de l’intérieur en dénombre près de 400. Ils devaient recevoir les 7 000 migrants expulsés de la « jungle » de Calais à l’automne 2016.

Le ministre de l’intérieur d’alors, Bruno Le Roux, avait émis l’idée de fermer la Linière, mais la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, avait aussitôt donné un avis contraire. « La ministre a signé le 17 mars une prolongation de la convention de gestion du camp, entre l’Etat, la commune et l’Association des Flandres pour l’éducation, la formation des jeunes et l’insertion sociale (Afeji), rappelle Damien Carême. On avait décidé de diminuer la taille du camp et déjà démonté les tentes et retiré 100 chalets. Mais depuis la fermeture de Calais, l’élan de création des CAO n’a pas été suffisant. Il manque 4 000 places. »

Le maire est donc parti sur les routes. « Je parcours les mairies. Je suis allé à La Rochelle, Niort, Grenoble, Montpellier, Bourg-la-Reine, Arras, je vais à Angers dans quelques jours : partout je vois des maires contents de leur CAO, pas un ne m’a dit que cela se passait mal ! J’encourage à en créer. » Son voisin, le maire de Saint-Pol-sur-Mer, Christian Hutin (MRC, ex-RPR), estimait mardi dans la presse locale que 90 % des migrants ne voulaient pas aller dans les CAO. « Absurde, réplique M. Carême. La grande majorité accepte. Les exceptions sont dans des CAO où le lien (…) est moins efficace. »

Mardi, devant la salle de sport Victor-Hugo, quelques centaines de réfugiés prennent leur repas du jour, tardivement. Les membres de l’Afeji refusent de répondre aux questions, tout comme les fonctionnaires de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). « On nous a interdit de répondre à la presse », explique poliment une jeune fille au blouson rouge de l’OFII. Même refus d’Hervé Desvergnes, le responsable des 52 salariés de l’Afeji recrutés pour le camp, dont certains se retrouveront peut-être au chômage : « La parole aux ministres ce soir… »

Lire aussi :   Des migrants dénoncent les freins au regroupement familial

A l’intérieur du gymnase, des couples se reposent, essayant d’occuper les enfants. Un bébé de quelques semaines est pris en charge par la Croix-Rouge. La directrice de l’école élémentaire Francisco-Ferrer, où sont scolarisés les enfants du camp, et deux institutrices s’affairent. Ces enseignantes ont pris l’habitude de continuer à s’occuper de ces enfants durant les vacances scolaires, bénévolement.

500 migrants manquent à l’appel

Devant la halle du Basroch, les membres de l’association britannique Dunkirk Legal Support Team (DLST), créée en avril 2016, sont, eux, plus loquaces. Evelyn McGregor, quinquagénaire écossaise, et Niamh Quille, jeune Anglaise, mettent leurs connaissances en droit au service des mineurs.

Lucille Agins est la seule Française de l’association. Après son master en droits de l’homme à Grenoble, elle s’est engagée en service civique à la Cimad et auprès de DLST. « A l’origine, il s’agissait d’information et d’orientation, puis l’asso s’est développée au sein de Citizens UK. Car le problème des mineurs isolés de leur famille en Grande-Bretagne devient aigu. »

Alors qu’on ignorait, mardi soir, où étaient passés les 500 migrants non abrités dans les gymnases, Corinne Torre, coordinatrice des programmes de Médecins sans frontières, imagine un avenir sombre. « Cela donne l’impression qu’ils sont violents, mais les tensions viennent du manque de management : pour accompagner ces réfugiés, il faut du personnel. On le voit aussi à Paris, entre Afghans et Soudanais, à la Chapelle. J’ai entendu parler de transferts vers les CAO, c’est une utopie, il n’y a pas 1 500 places libres. Ils vont se disperser, et certains iront sans doute aussi à Paris…

 

LE MONDE // Comment la France décourage les demandes d’asile

http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/04/11/paris-calais-menton-trois-strategies-pour-limiter-les-demandes-d-asile-en-france_5109138_3224.html

LE MONDE | • Mis à jour le | Par Maryline Baumard

Des techniques de dissuasion silencieuses sont mises en place par l’État pour limiter les dépôts de demandes d’asile, comme si le gouvernement voulait à tout prix éviter d’atteindre la barre des 100 000 demandes annuelles.

Comment empêcher les demandes d’asile en France ? Au pays de la Déclaration des droits de l’homme, la question est taboue. Et cela bafouerait la Convention de Genève, qui régit la protection internationale des réfugiés et n’est officiellement remise en cause par aucun candidat, ni de droite ni de gauche. Pourtant, à Paris, Menton ou Calais, des stratégies de dissuasion silencieuses sont mises en place par l’Etat pour limiter les dépôts de demandes d’asile, comme si le gouvernement voulait à tout prix éviter d’atteindre la barre des 100 000 demandes annuelles.

A Calais, l’Etat a fermé le guichet de demande d’asile de la préfecture depuis le démantèlement de la jungle en octobre 2016. Le ministère de l’intérieur répond qu’il suffit d’aller à Lille. C’est théoriquement vrai, mais pratiquement impossible dans les conditions actuelles de chasse au migrant dans le Pas-de-Calais.

Un jeune Soudanais de 26 ans, Mohamed, vient, parmi d’autres, d’en faire l’expérience. « D’abord il a attendu, à la rue, un rendez-vous fixé à plusieurs semaines. Le 28 mars, jour J, il a tenté de prendre le train de 8 h 33 à Calais mais a été arrêté par la police sur le trajet vers la gare. Ressorti à 10 h 15 des bureaux de police, son billet de train confisqué, il a dû prendre un nouveau rendez-vous fixé entre trois et cinq semaines plus tard », raconte le Secours catholique qui lui avait pourtant signé une attestation assurant qu’il se rendait bien en préfecture pour une demande d’asile.

Politique « manifestement illégale »

A l’entrée sud de la France, entre Vintimille et Menton (Alpes-Maritimes), une autre stratégie est à l’œuvre. Là, les forces de l’ordre renvoient directement les demandeurs d’asile de l’autre côté de la frontière, en s’abritant derrière des accords bilatéraux. En 2016, 35 000 migrants ont été interpellés et la plupart réexpédiés en Italie.

Dans une ordonnance du 31 mars, le tribunal administratif de Nice a qualifié cette politique mise en œuvre par le préfet de « manifestement illégale ». Le tribunal statuait sur le renvoi en Italie d’un couple d’Erythréens qui avait déclaré aux gendarmes à la frontière vouloir demander l’asile en France. La loi prévoit qu’un service de police ou de gendarmerie saisi d’un tel souhait doit orienter le migrant vers l’autorité compétente pour enregistrer sa demande. Or ce jour-là, les gendarmes ont remis le couple et leur enfant de 4 ans à la police aux frontières (PAF), qui les a longuement interrogés puis refoulés en Italie.

Les militants de l’association Roya citoyenne, avec à leur tête l’emblématique Cédric Herrou, dénoncent depuis des mois cette pratique quotidienne, mais il a fallu qu’un avocat niçois soit témoin de la procédure et la porte en justice pour que le préfet soit condamné.

État hors la loi

A Paris, pour les nombreux demandeurs d’asile qui ne parviennent pas à être hébergés au centre humanitaire de transit, le défi consiste à se faire enregistrer avant d’être interpellés par la police… C’est compliqué, car l’entrée dans les bureaux de France terre d’asile, l’association habilitée à donner un rendez-vous en préfecture, est contingentée. « Même en dormant sur le trottoir pour entrer à l’ouverture, il faut compter deux semaines avant d’y entrer, et s’ajoutent ensuite les 40 jours d’attente pour le rendez-vous en préfecture », observe une juriste du Gisti, l’association qui a mesuré ce délai moyen. Durant ces deux mois, l’exilé court le risque d’être arrêté, envoyé en rétention et expulsé. Sans compter que l’Etat est hors la loi puisque cette attente ne devrait en principe pas excéder dix jours…

Mais un système bien plus sophistiqué vise les « dublinés », ces migrants qui ont laissé des empreintes ailleurs en Europe avant d’entrer en France et souhaitent être hébergés par le centre humanitaire de Paris. Au nom du règlement de Dublin, la France peut demander au premier pays où les migrants ont laissé des traces de les reprendre et d’étudier leur demande d’asile. Cette procédure n’exempte en principe pas la France de les enregistrer comme demandeurs d’asile en attendant, afin qu’ils soient en règle au regard de la police et qu’ils perçoivent l’allocation de demandeur d’asile (ADA) et bénéficient d’une couverture médicale.

Or, lors de l’ouverture du camp humanitaire de Paris, en novembre 2016, l’Etat a imposé le passage par un point administratif, le Centre d’examen de situation administrative (CESA), qui se referme comme un piège sur cette catégorie de migrants dont Moussa fait partie. « Je suis arrivé en janvier à Paris,explique le jeune Ivoirien hébergé dans un hôtel du 18e arrondissement. Après deux nuits dehors, je suis entré dans le centre humanitaire pour être hébergé et suis allé au CESA comme il se doit. Là, on m’a dit qu’on demandait mon transfert pour l’Italie, où j’avais laissé mes empreintes et on m’a envoyé dans l’hôtel où je suis encore. » « J’ai demandé à être enregistré comme demandeur d’asile en France, mais on m’a dit que l’OFII [Office français de l’immigration et de l’intégration] le ferait plus tard »,ajoute le jeune homme.

Privés de leurs droits

Moussa insiste alors pour qu’on enregistre sa demande, sachant le récépissé nécessaire pour faire valoir ses droits. « Mais quand l’OFII venait à l’hôtel, c’était uniquement pour proposer des retours volontaires au pays, continue le jeune homme. Toujours ils éludaient ma demande. »De guerre lasse, l’Ivoirien a fait de son propre chef la file d’attente nocturne devant la plate-forme d’enregistrement de France terre d’asile, boulevard de la Villette, qui délivre les rendez-vous en préfecture. « J’ai obtenu un rendez-vous pour le 21 avril. Mais entre-temps, j’ai été convoqué par la préfecture de Paris qui m’a enjoint de quitter le territoire et m’a précisé que mon rendez-vous de demande d’asile d’avril était annulé », insiste Moussa qui a mis son dossier entre les mains de la Cimade, une des principales associations d’aide aux migrants.

Depuis l’ouverture du centre humanitaire, des milliers de migrants à Paris sont privés de leurs droits à des papiers provisoires et à une allocation, estiment quatre associations d’aide aux migrants. La Cimade, le Groupe accueil et solidarité, le Gisti et Dom’Asile viennent de déposer une plainte qui doit être instruite le 12 avril. Sans cet enregistrement, ces demandeurs d’asile sont considérés comme des sans-papiers, l’Etat économise les quelques euros quotidiens de l’allocation (6,80 euros pour une personne) et veut envoyer un signal aux 450 000 déboutés de l’asile en Allemagne, qui pourraient être tentés par la France.

Dans un des centres d’hébergement d’urgence des Hauts-de-Seine, une vingtaine de demandeurs d’asile sont dans le cas de Moussa, privés de droit après être passés par le centre humanitaire. A leurs côtés, 70 migrants sont des « dublinés » classiques. Parce qu’ils ne sont pas passés par le centre humanitaire, ils ont pu enregistrer leur demande d’asile devant le guichet de la préfecture, comme la loi les y autorise. « Mais impossible d’envoyer en préfecture la vingtaine de demandeurs non enregistrés, elle les refuse au prétexte qu’ils sont passés par le CESA… », explique un soutien des migrants.

Interrogé sur le sujet, le ministère de l’intérieur répond que « le CESA est un dispositif de vérification de la situation administrative » et assure que « l’enregistrement s’effectue dans l’un des huit guichets uniques franciliens ». Une affirmation que les faits démentent chaque jour.

Publication discrète du « Rapport Aribaud – Vignon »

Le rapport de la mission d’expertise menée par Jean Aribaud et  Jérome Vignon dans le cadre de l’expulsion des habitants du bidonville calaisien en octobre 2016  a été publiée très discrètement sur le site du Ministère de l’intérieur au début du mois de février 2017. Son contenu avait été réclamé plusieurs fois sans succès par les associations calaisiennes auprès de diverses autorités.

Plusieurs propositions ont été formulées :

  • Créer des « centres d’accueil d’urgence » dans divers « lieux d’accumulation de détresse » sur le parcours migratoire en France
  • Ouvrir trois centres d’accueil d’urgence en proximité immédiate de Calais pour les primo arrivants (séparation entre homme adultes, femmes et Mineurs Non Accompagnés)  fermés la nuit
  • Créer un « centre de transit régional » dans la région Haut de France près d’un guichet asile, les personnes y seraient orientées depuis les centres d’accueils d’urgence du calaisis

Pour consulter le rapport, cliquez ici

 

Le TA de Lille suspend les arrêtés anti-distribution de la Maire de Calais

Dans une ordonnance du 22.03.2017, le Tribunal administratif, saisi en référé-liberté, par 11 associations, a suspendu (la procédure de référé-liberté ne lui donnant que deux options: rejet du référé ou suspension des décisions contestées) les arrêtés et décisions de la Maire de Calais interdisant les distributions alimentaires en plusieurs lieux de la commune de Calais.

Le Gisti, l’une des associations requérantes a publié un communiqué de presse, reproduit ci-dessous.


La maire de Calais ne peut plus empêcher les migrant.e.s de se nourrir !

C’est ce que vient de lui rappeler assez sèchement le juge des référés du tribunal administratif de Lille.

Ce n’est pas faute pour Natacha Bouchart de s’être démenée pour compliquer par tous les moyens la vie des associations qui reprennent inlassablement les distributions de nourriture aux centaines d’exilé.e.s qui continuent de passer par Calais.

Ce fut d’abord une décision du 7 février s’opposant à l’ouverture de nouveaux lieux de distribution de repas. Ce furent ensuite deux arrêtés successifs, des 2 et 6 mars, « portant interdiction des occupations abusives, prolongées et répétées » des différents lieux où s’organisaient ces distributions. Ce fut encore l’annonce par la maire qu’elle prendrait de nouveaux arrêtés chaque fois que ces « occupations abusives » se déplaceraient. Et ce fut enfin la nouvelle décision du 9 mars rejetant la demande de plusieurs associations d’être autorisées à occuper un lieu de la zone industrielle des Dunes pour y poursuivre leurs activités de distribution de vivres.

Et pour faire bonne mesure, Madame Bouchart allait jusqu’à invoquer l’état d’urgence, entre autres arguments choc, considérant sans doute qu’il l’autoriserait à mettre entre parenthèses les principes fondamentaux de respect de la dignité de la personne humaine et de non-discrimination. Le procureur de la République et le préfet semblent d’ailleurs avoir épousé le même point de vue, le premier distribuant généreusement les réquisitions aux fins de contrôles d’identité dont les forces de l’ordre abusent à l’égard des exilé.e.s, militant.e.s et bénévoles, et le second organisant le blocage par les mêmes forces de l’ordre des rues où se tiennent les distributions.

En affamant les migrant.e.s, l’objectif affiché par la maire, activement soutenu par ces représentants des pouvoirs publics, était donc de faire place nette, d’empêcher la création de ce qu’elle appelle joliment des « points de fixation » et de faire croire ainsi que la grande opération d’évacuation « humanitaire » avait suffi à empêcher les exilé.e.s de continuer de faire route vers la Grande-Bretagne.

C’est pour rappeler ce petit monde à l’ordre que onze associations, dont le Gisti, ont saisi le juge des référés pour lui demander de suspendre l’exécution des décisions de la maire. Ces décisions sont d’autant plus graves qu’elles émanent de l’autorité tenue d’assurer le respect de la dignité humaine sur son territoire et, dans ce cadre, de tenir compte des besoins élémentaires des personnes sans abri qui s’y trouvent lorsqu’ils ne sont pas suffisamment pris en compte par les services publics.

« Considérant que, par les décisions attaquées, la maire de Calais a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et, en faisant obstacle à la satisfaction par les migrants de besoins élémentaires vitaux au droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants consacré par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », le juge a reçu cinq sur cinq les demandes de ces associations, suspendant jusqu’à nouvel ordre l’exécution de ces arrêtés et de ces décisions interdisant la distribution de repas.

Fallait-il vraiment un juge pour dire qu’il n’est pas admissible d’empêcher les exilé.e.s de se nourrir et les associations de pourvoir à ces besoins élémentaires ?

Paris, le 23 mars 2017

 

Mediapart // Migrants: à Calais, la distribution de repas recommence

https://www.mediapart.fr/journal/france/140317/migrants-calais-la-distribution-de-repas-recommence

Par Haydée Sabéran, 14 mars 2017

Pour la première fois depuis le « démantèlement » de la « jungle » de Calais, en octobre 2016, plusieurs associations ont décidé de recommencer à servir des repas aux exilés, pour beaucoup mineurs, qui se retrouvent dans les parages en espérant rejoindre la Grande-Bretagne.

Calais, de notre envoyée spéciale.– La scène est familière, mais c’est la première fois qu’on voit ça à Calais depuis la fin de la « jungle ». Des exilés fatigués font la queue devant des marmites, on leur sert un plat et ils s’en vont manger à quelques pas sur un parking.

 

C’était lundi 13 mars, rue Margolle, sous l’auvent du hangar Paul-Devot sur le port de Calais, vers 17 h 30. Comme au même endroit il y a presque sept ans. C’est là que, pendant des années, des associations calaisiennes ont distribué à manger aux milliers de personnes lancées sur leur chemin clandestin vers l’Angleterre, avant de s’installer ailleurs, bien avant la grande « jungle » en 2015.

 

Au menu, riz au curry, poulet au gingembre et crudités croquantes. « 100 % bon », dit un Érythréen en levant le pouce, qui vient se servir une deuxième fois. Un épisode de plus dans le bras de fer qui oppose les autorités – État et ville de Calais – aux associations. Ces repas sont le minimum vital dont la mairie ne veut pas, de même qu’elle ne veut pas d’un service de douches pour les exilés, au motif qu’elle veut éviter un « point de fixation ». Hier lundi, la majorité des associations étaient là pour soutenir les jeunes Britanniques de la Refugee Community Kitchen, qui ont cuisiné, et l’Auberge des migrants, qui a organisé la distribution : Secours catholique, Médecins du monde, Care4Calais, Salam et Utopia 56.

 

Un fourgon de CRS passe. Une voiture de la police municipale stationne et des policiers prennent en photo les plaques des voitures des bénévoles. « Ça fait bizarre de se retrouver ici », dit Vincent De Coninck, du Secours catholique. C’est la consigne : zéro migrant à Calais. Comme après la fermeture de Sangatte, c’est le retour de la très grande précarité, pire que la « jungle » : des migrants à la rue, que les policiers empêchent de s’installer et placent en rétention. Les associations ont signalé plusieurs expulsions vers le Soudan. « Il y a un entêtement des autorités à faire comme si la question était résolue. Au prix d’un mépris et d’un harcèlement des gens. » 

 

Un exilé érythréen, qui dit avoir 17 ans, raconte : « Hier soir, des policiers m’ont demandé mon nom, ma date de naissance, ils m’ont demandé de retirer mon écharpe et mon bonnet. Puis ils m’ont laissé repartir, et ils m’ont à nouveau approché, frappé avec une matraque, et pulvérisé du gaz lacrymogène sur le visage. Les effets du gaz ont mis deux à trois heures à disparaître. » Son ami, âgé de 15 ans, érythréen, raconte, lui, avoir été frappé au dos à coups de matraque. Un Éthiopien : « Ils m’ont aspergé le visage de gaz, et ils ont jeté mon sac à dos dans l’eau. » Sur sa tempe, des traces de brûlure, qu’il dit dues aux effets du gaz. 

 

« Parfois, c’est juste une manière de réveiller un migrant endormi dans un coin », raconte Pauline Le Coënt, d’Utopia 56. « “Good morning” et un coup de spray au visage. » Médecins du monde, qui a démarré des maraudes il y a quinze jours, constate « des blessures physiques, dues à des violences des forces de l’ordre et à des tentatives de passage », indique Amin Trouvé-Bagdouche, coordinateur de l’association. Vincent De Coninck résume : « Les gamins ont peur. » Selon lui, une majorité sont mineurs.

 

Il y a en ce moment entre 300 et 400 migrants à Calais, selon les associations. « Et ils ont faim », résume Vincent De Coninck. Depuis janvier, les migrants étaient nourris par des maraudes de nuit, près des lieux où ils se cachent, zone industrielle des dunes, et l’après-midi au local d’accueil de jour du Secours catholique, désormais trop étroit. Pour tenter d’empêcher les maraudes d’Utopia, la maire de Calais Natacha Bouchart (LR) a pris, le 2 mars, un arrêté « anti-regroupement » qui interdit non pas de nourrir les migrants mais toute « présence prolongée » dans la zone industrielle, au nom de la sécurité. C’est de fait un arrêté anti-repas, élargi cinq jours plus tard à la zone du bois Dubrulle, quelques centaines de mètres plus loin. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur, a indiqué lors de son passage à Calais le 1er mars qu’il n’était pas contre les distributions. Mais sa police, lors des maraudes de nuit, fait fuir les exilés. Plutôt que ces distributions à la sauvette, les associations ont souhaité rendre les choses visibles, en plein jour, pour montrer que rien n’était réglé.

 

Le Secours catholique a annoncé lundi qu’il cessait de servir à manger aux exilés à son accueil de jour faute de place. Mi-janvier, il y avait 15 personnes dans son local, une centaine aujourd’hui. La mairie a fait passer les services municipaux dans le hangar de l’Auberge des migrants, où se préparent les repas de la Refugee Community Kitchen, et a mis en demeure l’association de mettre aux normes ses cuisines dans les deux mois. Tarif : 120 000 euros. « C’est la fin d’une tolérance », soupire Christian Salomé, de l’association. « Je ne vois pas comment on va pouvoir payer. »

 

Ce qui avait été toléré depuis la fermeture de Sangatte en 2002, nourrir les exilés avec les moyens du bord, est désormais répréhensible. Les associations ont déposé un recours contre les arrêtés municipaux anti-repas. Il est plaidé jeudi 16 mars au tribunal administratif de Lille.

 

Exilés survivant à Calais // Lettre ouverte aux ministres de l’intérieur et du logement

Dans une lettre ouverte envoyée le 28 février 2017, huit associations nationales et locales interpellent les ministres de l’intérieur et du logement sur la situation humanitaire catastrophique à Calais.



A Calais, le 28 février 2017

 Lettre ouverte à :

Monsieur le ministre de l’Intérieur,

Madame la ministre du Logement,

 

Depuis l’évacuation du bidonville de Calais et faute d’avoir mis en place un dispositif d’urgence  indispensable d’accueil des exilés sur le Calaisis,  nous rencontrons de nombreuses personnes en danger.

Elles sont réellement en danger, compte tenu des conditions de vie dans lesquelles elles sont maintenues du fait de l’absence totale du moindre accueil. Les besoins élémentaires ne sont pas pourvus (accès à un abri pour la nuit, à l’eau potable, à la nourriture et aux toilettes…). Nous constatons avec effroi que de nombreux enfants ainsi que de nombreux réfugiés potentiels sont totalement abandonnés et, sciemment, mis en danger par les autorités de notre pays.

Les exilés que nous rencontrons souffrent notamment de ne pas pouvoir s’alimenter. Ils ont faim. A défaut d’un dispositif de distribution alimentaire sur un lieu dédié par une organisation opératrice désignée par vos services, nous envisageons donc de recommencer – comme par le passé – à organiser de nouveau une distribution alimentaire de rue.

Vous ne pouvez pas continuer à faire « comme si » les réfugiés n’étaient pas présents dans le Calaisis, continuer à nier la réalité, en pensant laisser ce « dossier »  à ceux qui vous succéderont…

Nous vous demandons une nouvelle fois de revenir sur les décisions qui ont été prises et annoncées et de répondre au respect humanitaire minimum dû à tout individu. Si tel ne devait pas être le cas,  nous sommes déterminés à prendre nos responsabilités afin de faire face à la crise humanitaire que nous constatons.

Recevez, Madame la Ministre et Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments respectueux.

Signataires :

Le Réveil Voyageur

L’Auberge des migrants

Emmaüs France

Utopia 56

Salam Nord Pas-de-Calais

Help Refugees

Refugee Community Kitchen (RCK)

Secours Catholique – Délégation du Pas de Calais

 

 

 

Communiqué du Secours Catholique // Mineurs en danger: la solidarité bafouée!

http://www.secours-catholique.org/actualites/mineurs-en-danger-la-solidarite-bafouee

Mineurs en danger : la solidarité bafouée !

Publié le 08/02/2017
France
Mineurs en danger : la solidarité bafouée !

Depuis des semaines, à Calais comme à la frontière franco-italienne, des mineurs isolés survivent dans des conditions les mettant en danger. Face à cela, les associations et des groupes de citoyens se mobilisent pour leur porter assistance, répondant à un devoir évident d’humanité. Au lieu de l’encourager, les pouvoirs publics tentent de faire obstacle à cette solidarité.

À Calais, comme dans la vallée de la Roya, les bénévoles de nos associations d’entraide rencontrent depuis plusieurs semaines des exilés contraints de survivre, en plein hiver, dans les pires conditions.

Parmi eux, beaucoup de mineurs de 15, 16 ou 17 ans, qui ont traversé des milliers de kilomètres pour tenter de trouver un refuge et une protection. Ils sont en danger, gravement en danger.

Que font les pouvoirs publics pour leur porter assistance à nos frontières ? Rien, ou si peu. Les forces de police sont au contraire mobilisées jour et nuit pour les déloger sans relâche de leurs abris sommaires.

À Calais, la mairie a même porté plainte pour « installation sur le terrain d’autrui » à l’encontre de mineurs qui cherchaient à se protéger pendant quelques heures de la pluie et du vent.

Pour éviter ces contrôles, les migrants prennent de plus en plus de risques, parfois mortels.

Dans la vallée de la Roya, des témoignages font état de renvois discrets par la police de mineurs vers l’Italie, au mépris des procédures élémentaires de protection de l’enfance.

Pour éviter ces contrôles, les migrants prennent de plus en plus de risques. Des accidents ont provoqué la mort de deux d’entre eux ces derniers jours.

réactions d’humanité

Face à ces jeunes en danger, des réactions d’humanité se développent. Des citoyens et des bénévoles s’organisent pour apporter une aide, un toit, de la nourriture, un peu de chaleur, quelques soins. Nos équipes à Calais vont ouvrir dans nos locaux un dispositif d’accès à la douche tellement l’urgence sanitaire est de nouveau criante.

Que font les pouvoirs publics pour encourager cette solidarité ? Non seulement ils ne font rien, mais ils se mobilisent au contraire pour la dissuader !

Les forces de police sont déployées pour surveiller, contrôler, interpeller et parfois placer en garde à vue des hommes et des femmes qui tentent de combler les défaillances de l’Etat.

Que font les pouvoirs publics pour encourager cette solidarité ?

Un responsable du Secours Catholique est convoqué par la police. Des bénévoles et citoyens sont poursuivis par la justice. Mais où va-t-on ?

Comment accepter qu’en France on puisse ainsi traiter les jeunes réfugiés, les pourchasser, les priver délibérément du minimum de protection et de dignité auquel a droit chaque être humain ? Comment tolérer que les réactions de solidarité de la société civile soient ainsi entravées, dissuadées, poursuivies en justice ?

rétablir l’Etat de droit

De telles dérives provoquent une certaine sidération. Et nous posons la question : ces pratiques sont-elles la traduction de consignes et de choix du gouvernement en période électorale ? Nous ne pouvons et ne voulons pas le croire.

Aussi, nous en appelons de nouveau au Premier Ministre pour qu’il rétablisse des conditions d’accueil humanitaire pour les personnes en danger et soutienne l’exercice de la solidarité de proximité. Nous l’appelons à rétablir l’Etat de droit, dont la première mission est la protection de toute personne présente sur le territoire, en particulier des mineurs.

Ces pratiques sont-elles la traduction de consignes et de choix du gouvernement en période électorale ?

En attendant, face à de tels manquements, le Secours Catholique continuera de mettre en œuvre des moyens concrets pour apporter le minimum d’aide humanitaire et de chaleur humaine dont les personnes exilées ont un besoin vital.

Comme nous continuerons de soutenir la solidarité de nos concitoyens. Et ce, au nom de la simple humanité, dusse-t-elle être considérée comme illégale par certains.
Véronique Fayet – Présidente nationale
Bernard Thibaud – Secrétaire général

 

Journal des jungles n°7 – la suite

 

Ils avaient participé à la rédaction du Journal des Jungles n° 7.

6 mois après, ils l’ont lu et racontent ce qu’ils sont devenus.

 

Mahamoud, Mohammed et Jobeni vivaient dehors, dans le parc des Olieux, à Lille.

Mahamoud

A ce jour ma minorité n’a toujours pas été reconnue. Le problème de mes papiers soi disant faux est arrivé au Ministère des affaires étrangères qui vient de décider qu’ils ne le sont pas. Mais j’aurai 18 ans dans un mois. J’ai perdu un an. Est ce que je  peux porter plainte ?

Je dors chez un ami. L’important c’est  d’aller à l’école. Je suis une formation de comptabilité et gestion.

Je suis content de voir ce journal et d’y avoir participé. C’est une trace. Aujourd’hui, il n’y a plus rien au square des Olieux.

Je vais le garder. Ça fait partie de ma vie : les photos , les amis rencontrés que je  ne reverrai plus.

Mohamed

Je vais à l’école, je suis en bac pro ‘système numérique’. Je vais faire un stage au Fresnoy, lieu de diffusion et de  productions artistiques, audiovisuelles et multimédia. Moi ce que m’intéresse c’est le cinéma d’animation.

Je suis hébergé dans une famille qui m’aide beaucoup, pour mes devoirs par exemple. Cette famille est d’accord pour que je reste chez elle même lorsque je pourrai aller en foyer. J’ai beaucoup de chance d’avoir des personnes qui m’encouragent.

Mon seul problème : ma minorité n’est toujours pas reconnue.

Les difficultés ne sont pas faites pour détruire la vie mais pour te l’enseigner.

Aujourd’hui, je peux dire Dieu merci.

 

Joël/Jobéni – L’interview, suite…

Coco m’avait dit que si mon interview n’avait pas marché c’était parce que je parlais trop bien français.  Je suis parti à Lille et j’ai fait semblant d’être quelqu’un qui ne savait pas parler français. J’ai déformé ma manière de parler et à EMA (Dispositif Évaluation Mise à l’Abri), lors d’un entretien, il m’ont même trouvé  un interprète. Je suis allé aux cours de français proposés par le collectif parce qu’à la fin on avait un repas. Mais c’était difficile de jouer ce rôle. Lors d’une réunion avec tout le monde, les jeunes et les gens du collectif, j’étais très en colère à cause d’une pagaille occasionnée par une distribution de vêtements. Et j’ai parlé normalement. Personne n’était content. Tous me disaient que je m’étais moqué d’eux.

Mon parcours depuis le mois de  mai ? Une  semaine au parc des Olieux. Et je me suis souvenu avoir connu des jeunes qui avaient quitté la mise à l’abri de Saint Omer pour retourner dans la jungle de Calais. Je me suis dit que c’était parce que ça devait être bien, mieux que dormir dans une tente qui fuit. Une semaine à Calais avec 2 essais de passage en Angleterre. C’était pire que le parc. J’y suis revenu.

Et puis, c’est la grâce de Dieu : ma minorité reconnue en 2 semaines, une place dans un foyer au bout d’un mois et maintenant un appartement, l’opération de mon oreille en août  et l’école en octobre. D’abord en CAP ‘carreleur’, la prof de français m’a dit que je n’étais pas à ma place et je suis maintenant en Bac pro ‘installation thermique et sanitaire’. Après ce sera un BTS.

Je ne suis pas encore arrivé où je dois être.

Mais je ne suis plus où j’étais. J’ai quitté l’exode.

 

Les jeunes  de la Maison du Jeune Réfugié à Saint Omer

Afzaal est en contrat d’apprentissage ‘installateur thermique’ à Arras.

Aldelsalam et Roland suivent une formation de charpentier, Assadullah une formation de peintre et ils sont toujours à Saint Omer, en appartement.

Zakir vient d’Afghanistan. Dans le JdJ, il envoyait un message aux Nations Unies.

En septembre dans le journal de la Maison du Jeune Réfugié de Saint Omer, il écrivait:

J’aime la France mais je ne veux pas faire ma vie ici  pour la simple raison que mon oncle vit et travaille en Angleterre depuis plusieurs années. Nous attendons impatiemment le jour où nous nous retrouverons enfin…Après quoi, je pourrai à nouveau rêver d’une nouvelle vie et d’un plus bel avenir.

Il a pu profiter du rapprochement familial et rejoindre son oncle en Angleterre.

Communiqué // L’étau se resserre sur les contrôles d’identité « au faciès »

https://www.hrw.org/fr/news/2017/01/27/letau-se-resserre-sur-les-controles-didentite-au-facies

L’étau se resserre sur les contrôles d’identité « au faciès »

Après le Défenseur des droits, la Cour d’Appel de Paris et la Cour de Cassation, le Conseil constitutionnel recadre à son tour les contrôles d’identité

(Paris) – Bien que le Conseil Constitutionnel ait jugé que les articles 78-2 alinéa 7 et 78-2-2 conformes à la constitution, les organisations de la plateforme « En finir avec le contrôle au faciès » considèrent que les réserves formulées par les neuf sages confirment l’urgence d’une réforme en profondeur du cadre législatif et des pratiques en matière de contrôle d’identité. 

Tandis que les occupants successifs du ministère de l’Intérieur s’échinent, au parlement et dans les instances contentieuses, à en nier l’ampleur, des voix de plus en plus pressantes et nombreuses s’élèvent pour en dénoncer l’existence et les conséquences délétères. À la dénonciation vient s’ajouter une critique désormais répandue des insuffisances législatives qui nourrissent cette pratique discriminatoire, de l’absence de récépissé de contrôle à l’imprécision des critères juridiques autorisant un contrôle.

Après la Commission nationale consultative des droits de l’hommes (CNCDH) qui, le 8 novembre 2016, a recommandé « aux pouvoirs publics d’assurer la traçabilité des opérations de contrôle d’identité », et d’introduire dans le texte encadrant les contrôles d’identité l’exigence d’objectivité des critères pour les justifier,

Après la Cour de cassation, qui le 9 novembre 2016, a confirmé la condamnation de l’Etat pour faute lourde en raison de contrôles d’identité discriminatoires.

Contrôle d’identité et fouille effectuée sur un jeune homme issu d’une minorité, à Paris, le 6 juin 2011.

Après le Défenseur des droits, qui ajoutant à ses recommandations de 2012 et observations de 2015, publie le 20 janvier 2017 une enquête soulignant l’ampleur et la persistance des contrôles au faciès. Il insiste, par ailleurs, sur « la nécessité de conduire une réflexion partagée sur l’encadrement juridique des contrôles d’identité sur leur efficacité et leurs effets ».

Le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision suite à deux questions prioritaires de constitutionnalité visant notamment l’article 78-2 alinéa 7 et l’article 78-2-2 du code de procédure pénale qui permettent les contrôles d’identité autorisés par réquisition du procureur dans un lieu et un temps déterminés et aux fins de recherches et poursuites d’infractions, quel que soit le comportement de la personne.

Certes, le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution. Mais il a fermement énoncé dans deux réserves d’interprétation que le procureur ne peut retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions, ni autoriser la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace.

Cette décision devrait mettre fin à la pratique actuelle qui voit des procureurs prendre des réquisitions tellement larges et répétées qu’elles constituent une autorisation perpétuelle et sans condition de contrôler les identités des passants, incontestable terreau du contrôle d’identité « au faciès ».

Si les organisations de la plateforme « En finir avec les contrôles au faciès » regrettent que le Conseil constitutionnel ait admis la constitutionnalité de contrôles d’identité décidés sur des critères sans lien avec le comportement de la personne, elles notent avec satisfaction que le Conseil a rappelé que ces contrôles doivent « s’opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ».

La succession de ces décisions, avis et recommandations venant des plus hautes autorités judiciaires, constitutionnelles et consultatives impose aujourd’hui au législateur de réformer en profondeur le droit des contrôles d’identité pour ne les admettre que s’ils sont fondés sur des critères objectifs et effectués dans le seul but de la prévention et de la répression des infractions pénales et imposer la délivrance d’un récépissé de contrôle.

 

Organisations signataires :

GISTI

Human Rights Watch

Ligue des droits de l’Homme

Maison Communautaire pour un Développement Solidaire

Open Society Justice Initiative

Pazapas

Syndicat des Avocats de France

Syndicat de la Magistrature

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