attention, ne parlons pas de faits de violences à calais …

Le préfet du Pas-de-Calais menace de poursuivre en justice une bénévole pro-migrants qui accuse des CRS

Le 26 avril, Mathilde Robert a dénoncé certaines pratiques des CRS, comme le fait de jeter des affaires des réfugiés dans une mare. Le préfet conteste la véracité des faits.

Des CRS qui « déversent des seaux d’eau » dans les tentes des migrants et « jettent » leurs affaires dans une « mare attenante ». C’est ce qu’a dénoncé dans un tweet, le 26 avril, Mathilde Robert, étudiante avocate diplômée à l’automne 2017 et depuis bénévole au sein de L’Auberge des migrants, une association qui apporte aide matérielle et alimentaire aux réfugiés dans la région de Calais (Pas-de-Calais).

Sur le moment, la préfecture du Pas-de-Calais n’a pas réagi. Mais un mois plus tard, mercredi 30 mai, elle a adressé une lettre à la jeune femme, diffusée sur Twitter. « J’ai demandé au directeur départemental de la sécurité publique du Pas-de-Calais de réaliser une enquête interne », écrit le préfet. « Il ressort de cette enquête que les services de police n’ont mené aucune opération selon les modalités que vous décrivez », poursuit Fabien Sudry dans ce courrier.

« Soucieux de rétablir la vérité, je vous demande de porter à ma connaissance et à celle du procureur de la République les éléments de preuve à l’appui de vos déclarations », indique le préfet. Il estime que ces « écrits » présentent « un caractère diffamatoire à l’encontre des forces de l’ordre » et se « réserve la possibilité » de lancer des poursuites.

« Les gens sur place m’ont raconté »

Contactée par franceinfo, samedi 2 juin, Mathilde Robert se dit « choquée ». A sa connaissance, c’est la première fois que le préfet menace de poursuivre un militant pour un tweet. Elle n’a pas assisté aux agissements qu’elle impute aux CRS le 25 avril aux alentours de 19 heures, mais elle s’est rendue sur le campement en question plus tard dans la soirée, dans le cadre d’une maraude nocturne quotidienne. « Les gens sur place m’ont raconté ce qui s’est passé », assure-t-elle.

Une salariée de L’Auberge des migrants a consigné l’incident dans un rapport, après avoir recueilli les témoignages de deux migrants. Quatre CRS « ont entrepris de briser les armatures de la tente avec leurs mains ainsi qu’en donnant des coups de pieds dans celles-ci. Les fonctionnaires de police ont ensuite (…) ramassé un jerrycan d’eau potable de 15 litres (…) et ont jeté le contenu du jerrycan à l’intérieur de la tente, sur les duvets et couvertures, ainsi que sur les personnes installées à l’intérieur », affirme ce document, que franceinfo a consulté.

Toujours selon ce récit, contesté donc par la préfecture, les agents auraient répété la même opération sur une autre tente, puis jeté des chaussures et une tente dans une des mares de la zone.

Des photos à l’appui

Arrivée sur place une heure plus tard, une volontaire d’Utopia 56, autre association d’aide aux migrants, a pris des photos. Mathilde Robert a diffusé ces clichés sur son compte Twitter samedi. Elle a également rédigé une saisine au Défenseur des droits sur ces faits.

De son côté, la préfecture, contactée par franceinfo samedi, ne sait pas encore si elle va déposer plainte : « On s’en tient à ce courrier pour l’instant. »

Communiqué sur l’affaire Martine Landry: le parquet requiert la relaxe

http://www.anafe.org/spip.php?article474

La décision sera rendue le 13 juillet 2018

[Communiqué de presse AIF / Anafé]

Mercredi 30 mai 2018

Le tribunal correctionnel de Nice a mis son jugement en délibéré dans l’affaire des poursuites engagées à l’encontre de Martine Landry, pour ‘délit de solidarité’. Suite à l’audience qui s’est tenue aujourd’hui, le parquet a requis la relaxe de Martine. La décision sera rendue le 13 juillet 2018.

Amnesty International France (AIF) et l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) réitèrent leur soutien à leur militante.

« Cette décision est très attendue à l’heure où nous sommes régulièrement alertés par des citoyens et des organisations sur les entraves que les autorités françaises mettent à leurs actions d’aide humanitaire et de défense de droits des personnes migrantes et réfugiées. De Calais, de Briançon ou de Gap – où trois personnes seront jugées demain pour « aide à l’entrée irrégulière » – certains témoignent d’entreprises délibérées de dissuasion mises en place par l’Etat français pour freiner ou leur faire abandonner leurs actions », souligne Laure Palun, Coordinatrice associative de l’Anafé.

« Même avec les modifications apportées par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi ‘asile- immigration’ la législation française souffre d’imperfections et le ‘délit de solidarité’ subsiste. Des poursuites injustes comme celles qui visent Martine Landry continueront d’être possibles si la loi est adoptée en ces termes », déclare Jean-François Dubost, Responsable du programme Protection des populations d’AIF.

Pourtant, le protocole de Palerme, ratifié en 2002 par la France, exclut que des actions pénales soient engagées à l’encontre de personnes ou d’organismes qui apportent une aide à des migrants en situation irrégulière, sans rechercher aucun avantage financier ni matériel, qu’il s’agisse de l’entrée ou du séjour de personnes sur le territoire d’un Etat. Ce protocole, par l’effet de la Constitution française, a une autorité supérieure à la loi.

« La France doit se conformer à ses engagements et s’aligner sur le droit international en cessant de criminaliser l’action de personnes ou d’associations qui viennent en aide à des personnes migrantes ou réfugiées, dès lors que cette aide ne donne lieu à aucun avantage financier ou matériel », rappelle Jean-François Dubost.

« L’examen par le Sénat du projet de loi doit être l’occasion de supprimer le ‘délit de solidarité’ afin de rendre impossible les poursuites pénales à l’encontre de personnes dont l’aide à l’entrée ou au séjour n’a été motivée que par un élan d’humanité », précise Laure Palun.

Dans l’attente de ce jugement, les deux organisations demandent aux autorités de mettre un terme à toutes les poursuites judiciaires relevant de cette situation. AIF et l’Anafé seront présentes aux côtés de Martine le 13 juillet à Nice.

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

Martine Landry est membre d’Amnesty International depuis 2002. Elle est la référente régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur sur la question des réfugiés et migrants depuis 2011 et est chargée d’une mission d’observation en zone d’attente pour AIF. En parallèle, elle conseille les demandeurs d’asile et les accompagne dans l’accès à leurs droits, missions pour lesquelles elle a bénéficié de plusieurs formations. Martine Landry travaille avec l’Anafé depuis 2011 et en est membre depuis 2017. Dans ce cadre, elle participe activement à la mission d’observation à la frontière franco-italienne.

Il lui est reproché d’avoir « facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière ». Elle risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

Résumé des faits

Le 28 juillet 2017, la police italienne a renvoyé, à pied, deux mineurs isolés étrangers vers la France.

Martine Landry les a « récupérés » du côté français de la frontière Menton/Vintimille, au panneau « France » plus exactement, pour les accompagner à la police aux frontières (PAF), munie des documents attestant de leur demande de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Les deux mineurs, tous deux âgés de 15 ans et d’origine guinéenne, ont par la suite été pris en charge par l’ASE.

Le 31 juillet, Martine Landry s’est rendue à la PAF de Menton suite à l’interpellation et au transfert de onze migrants. Ce jour-là, elle se voit remettre une convocation pour une audition le 2 août. Le lendemain, Martine Landry reçoit une convocation du tribunal correctionnel de Nice. Elle devait être jugée le 8 janvier pour « avoir facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière […], en ayant pris en charge et convoyé pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France ». Son audience a été renvoyée à trois reprises : le 14 février, le 11 avril et enfin, le 30 mai 2018.

Droit international applicable

Le 29 octobre 2002, la France a ratifié le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. Ce texte définit le trafic illicite de migrants comme « le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État […] d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État ». En posant la condition d’en retirer un avantage financier ou un autre avantage matériel, les auteurs de ce texte ont clairement voulu exclure les activités des personnes apportant une aide aux migrants pour des motifs humanitaires ou en raison de liens familiaux étroits. L’intention n’était pas, dans le Protocole, d’incriminer les activités de membres des familles ou de groupes de soutien tels que les organisations religieuses ou non gouvernementales. Cette intention est confirmée par les travaux préparatoires des négociations en vue de l’élaboration de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et des protocoles s’y rapportant (2008), p. 514 – (Office des Nations unies contre la drogue et le crime, Travaux préparatoires).

« Le délit de solidarité » dans le projet de loi asile et immigration

Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi, la question du « délit de solidarité » été débattue alors même qu’il n’y avait rien dans le projet initial du gouvernement.

La mobilisation de la société civile a permis une prise de conscience des députés sur les situations auxquelles sont confrontées les personnes solidaires des migrants qui sont poursuivies.

Pourtant, la rédaction de l’amendement du gouvernement adopté par l’Assemblée n’apporte pas de modification suffisante par rapport à la situation actuelle. La liste des immunités et les conditions requises pour ne pas être poursuivi feront toujours courir un risque aux militants, citoyens et organisations qui agissent pour le respect des droits humains. Enfin, ces exceptions ne concernent que le séjour et la circulation et non l’entrée sur le territoire.

Ainsi, les actions des personnes, comme Martine Landry, qui viennent en aide à des personnes à la frontière, ne seront pas concernées.

Cependant, rien n’est encore acté car le projet de loi sera, à partir de juin, entre les mains des sénateurs. AIF et l’Anafé appellent donc les sénateurs à abroger le « délit de solidarité » afin de mettre un terme à toute poursuite judiciaire relevant de situations similaires.

Enquête d’Amnesty International à la frontière franco-italienne « Des contrôles aux frontières du droit » : https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/frontiere-franco-italienne-des-controles-aux-frontieres

Note de l’Anafé sur le « rétablissement des contrôles aux frontières internes et état d’urgence – Conséquences en zone d’attente » : http://www.anafe.org/spip.php?article412

Amnesty International France

Créée en 1961, Amnesty International est un mouvement mondial et indépendant de plus de 7 millions de membres et sympathisants qui œuvrent pour le respect, la défense et la promotion de tous les droits inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Amnesty International a reçu le prix Nobel de la paix en 1977. Amnesty International France (AIF) a été créée en 1971. Son financement repose sur la générosité du public (200 000 donateurs), sur les ventes de produits de soutien et les cotisations de ses 75 000 membres. AIF est agréée par le Comité de la charte du don en confiance.

www.amnesty.fr – @amnestypresse – Agir – Faire un don

Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers)

Depuis 1989, l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) agit en faveur des droits des étrangers se présentant aux frontières françaises et européennes et dénonce les violations des droits des personnes maintenues en zones d’attente résultant des pratiques de maintien et de refoulement aux frontières. Les actions de l’Anafé sont financées notamment grâce à des subventions de fondations privées ou onusiennes, des cotisations de ses membres et des dons.

www.anafe.org – contact@anafe.org – Agir avec l’Anafé – Faire un don

Tribune dans le monde contre l’incrimination des aidant.e.s

« Nous avons aidé, nous aidons et aiderons toute personne migrante dans le besoin »

Un collectif, dont font partie Benoît Hamon, Cédric Herrou, J.M.G. Le Clézio ou François Morel, dénonce dans une tribune le procès intenté à trois personnes qui se sont montrées solidaires de migrants.

LE MONDE | 30.05.2018

Tribune. Le samedi 21 avril, quelques dizaines de militants du mouvement extrémiste Génération identitaire se retrouvent au col de l’Echelle, dans les Alpes, avec pour objectif de bloquer l’arrivée des personnes migrantes et de les renvoyer vers l’Italie, quitte à les mettre en danger. Ils déploient des banderoles haineuses et matérialisent symboliquement la frontière avec une barrière de chantier. Ils s’instaurent en milice, dont les slogans et motivations sont clairement racistes.

Nous rappelons que les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale constituent un délit (art. 24, alinéa 6, loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) punissable d’un an d’emprisonnement et/ou d’une amende de 45 000 euros au plus. Les forces de l’ordre ne sont pas intervenues pour mettre fin à cette action, la considérant donc, implicitement, comme tout à fait légale. Le ministre de l’intérieur lui-même a d’ailleurs minoré ces faits en les qualifiant de « gesticulations ».

En réaction à cela, plus de 160 personnes solidaires ont lancé un cortège spontané pour passer la frontière avec des personnes migrantes. Contrairement aux identitaires, les solidaires se sont heurtés à un cordon de gendarmes, qui ont finalement laissé la manifestation avoir lieu.

Lire aussi : Militants identitaires dans les Alpes : les autorités dénoncent « une opération de communication »

Quelques heures plus tard, alors que le cortège était terminé depuis longtemps, trois jeunes gens qui en faisaient partie, Bastien et Théo, deux Suisses, et Eleonora, une Italienne, ont été arrêtés et placés en garde à vue. Ils sont restés en détention provisoire à la maison d’arrêt des Baumettes à Marseille pendant neuf jours avant d’être libérés le 3 mai. Leur procès a été fixé à la date du 31 mai.

Poursuivis pour « aide à l’entrée de personnes en situation irrégulière en bande organisée », ils encourent une peine allant jusqu’à dix ans de prison et 750 000 euros d’amende, assortie d’une interdiction de pénétrer sur le territoire français. Bastien, Théo et Eleonora s’ajoutent à la longue liste de ceux que les médias ont appelés « délinquants solidaires » : Pierre-Alain, Francesca, René, Dan, Sylvain, Françoise, Raphaël, Martine, Cédric… Tous condamnés selon les articles L.622-1 et L.622-4 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), communément appelé le « délit de solidarité ».

Cet article a d’ailleurs été légèrement modifié par l’Assemblée nationale française le lendemain des faits relatés ci-dessus, lors de l’adoption du controversé projet de loi « asile et immigration » en première lecture. L’aide à la circulation ou au séjour irrégulier pourrait ne plus donner lieu à des poursuites pénales si « l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, […] des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif ».
Fraternité illégale

Force est de constater que la preuve repose sur le simple citoyen et non pas sur le parquet, et que la notion de « contrepartie directe ou indirecte » est suffisamment floue pour permettre des poursuites pénales, alors que l’action n’est dictée que par le seul souci d’humanité et mue par la mise en œuvre de la fraternité, devise de la République. Rappelons par exemple que la cour d’appel d’Aix-en-Provence a reproché à Cédric Herrou une « contrepartie militante ». C’est pourquoi cette modification est inutile, et hypocrite.

CES CITOYENS SONT POURSUIVIS POUR AIDE À L’ENTRÉE, AU SÉJOUR ET À LA CIRCULATION DE PERSONNES EN « SITUATION IRRÉGULIÈRE », TERMES D’UNE FROIDEUR DÉSHUMANISANTE

Nous rappelons que la demande d’asile à la frontière est un droit fondamental très souvent bafoué par l’Etat français, créant des situations complexes, avec des personnes qui n’ont effectivement pas accès à leurs droits et qui sont considérées « en situation irrégulière ». Des citoyens se trouvent confrontés à cette réalité, décident de les aider, et réagissent pour beaucoup impulsivement.

Ils sont poursuivis pour aide à l’entrée, au séjour et à la circulation de personnes en « situation irrégulière », termes d’une froideur déshumanisante qui invitent à considérer les personnes migrantes dépossédées de leurs droits comme des sous-hommes… Avant d’agir pour assurer la dignité de la personne en face de soi, il faudrait l’interroger sur sa situation administrative, alors même que ce contrôle ne relève pas du citoyen.

Lire aussi : Entre l’Italie et la France, la frontière de tous les dangers

Aussi, s’il devient dangereux, illégal, d’aider ces « sous-hommes », alors que devient notre devise républicaine, et que deviennent nos valeurs d’égalité et de fraternité ? Nous, citoyens de la République française, déclarons que nous avons déjà aidé, que nous aidons actuellement, et que nous aiderons à l’avenir toute personne migrante dans le besoin, même en situation irrégulière, au nom des valeurs d’égalité et de fraternité inscrites dans notre devise nationale, qui est le socle de notre République.
Liste complète des signataires

1 Cédric Herrou, Président de DTC – Défends ta citoyenneté
2 Agnès Jaoui Cinéaste, Comédienne
3 Alice de Poncheville Scenariste, Ecrivaine
4 Alice Diop Cinéaste
5 Anne Vellay Médecin
6 Annie Ernaux Ecrivaine
7 Arié Mandelbaum Peintre
8 Arno Bertina Ecrivain
9 Audrey Estrogou Cinéaste
10 Benoit Hamon Homme politique
11 Bernard Pagès Sculpteur
12 Bertrand Tavernier Cinéaste
13 Bevinda Chanteuse
14 Bruno Caliciuri (CALI) Chanteur
15 Bruno Sol Acteur
16 Médecins du Monde
17 Carmen Castillo Ecrivaine, cinéaste
18 Catherine Corsini Cinéaste
19 Catherine Withol de Wenden Chercheuse au CNRS
20 Celhia de Lavarène Journaliste
21 Céline Chapdaniel Productrice
22 Christian Guémy (C215) Street artiste
23 Christian Olivier (Têtes Raides) Chanteur
24 Christophe Ruggia Cinéaste
25 Claire Simon Cinéaste
26 Colin Lemoine Historien de l’art
27 Costa-Gavras Cinéaste
28 Cyril Celestin (Guizmo du groupe Tryo) Chanteur
29 Didier Bezace Acteur, metteur en scène
30 Didier Super Humoriste, chanteur
31 Dominique Cabrera Cinéaste
32 Edmond Baudoin Auteur et dessinateur de BD
33 Eliette Abecassis Femme de lettres, scénariste
34 Elisabeth Perceval Cinéaste
35 Emmanuel Finkiel Cinéaste
36 Eric Bellion Navigateur
37 Eric Fassin Sociologue
38 Erick Zonca Cinéaste
39 Ernest Pignon Ernest Artiste plasticien
40 Etienne Balibar Philosophe
41 Farida Rahouadj Actrice
42 François Flahault Directeur de recherche émérite au CNRS
43 François Gèze Éditeur
44 François Morel Cinéaste
45 Françoise Vergès Politologue
46 Fred Vargas Ecrivaine
47 Frédéric Lordon Économiste
48 Geneviève Brisac Ecrivaine
49 Geneviève Garrigos Ancienne présidente d’Amnesty international
50 Gérard Krawczyk Cinéaste
51 Gérard Mordillat Romancier et cinéaste
52 Gilles Perret Documentariste
53 Guillaume Meurice Humoriste et chroniqueur radio
54 Guy Baudon Documentariste
55 Henri Leclerc Avocat
56 Imhotep du groupe IAM Compositeur
57 Ingrid Metton Avocate
58 Ingrid Thobois Écrivaine
59 Jalil Lespert Acteur
60 Jean-Michel Ribes Comédien
61 JMG Le Clezio Ecrivain
62 Jonathan Zaccai Réalisateur
63 José Bové Député européen
64 Joseph Beauregard Auteur, documentariste
65 Josiane Balasko Comédienne, cinéaste
66 Juliette Binoche Comédienne
67 Juliette Kahane Ecrivaine
68 Kaddour Hadadi (HK) Chanteur

69 Kéthévane Davrichewy Ecrivaine
70 Laurence Côte Actrice
71 Laurent Cantet Cinéaste
72 Les Ogres de Barback Groupe de musique
73 Lilian Thuram Président de la Fondation Education contre le racisme
74 Lou de Fanget Signolet Scénariste
75 Lucas Belvaux Comédien
76 Magyd Cherfi Chanteur
77 Mariana Otero Cinéaste
78 Marianne Chaud Ethnologue, cinéaste
79 Marie Darrieussecq Ecrivaine
80 Marie Hélène Lafon Ecrivaine
81 Marie Payen Actrice
82 Marie-Christine Vergiat Députée européenne
83 Mark Melki Photographe
84 Martine Voyeux Photographe
85 Maryline Desbiolles Ecrivaine
86 Michel Agier Anthropologue
87 Michel Broué Mathématicien
88 Michel Toesca Cinéaste
89 Michèle Ray Gavras Productrice
90 Natacha Régnier Actrice
91 Nicolas Bancel Professeur ordinaire à l’université de Lausanne / CRHIM
92 Nicolas Bouchaud Comédien
93 Nicolas Klotz Cinéaste
94 Nicolas Philibert Cinéaste
95 Nicolas Sirkis (Indochine) Chanteur
96 Pascal Blanchard Historien
97 Pascale Dollfus Anthropologue, CNRS
98 Patrick Pelloux Syndicaliste / écrivain
99 Philippe Claudel Ecrivain
100 Philippe Faucon Cinéaste
101 Philippe Poutou Ouvrier, syndicaliste
102 Philippe Torreton Comédien
103 Pierre Grosz Auteur
104 Pierre Lemaitre Ecrivain
105 Pierre Salvadori Cinéaste
106 Pierre Schoeller Cinéaste
107 Rachid Oujdi Réalisateur
108 Rachida Brakni Comédienne
109 Raphaël Glucksmann Essayiste
110 Rithy Panh Cinéaste
111 Robert Guédiguian Cinéaste
112 Robin Campillo Cinéaste
113 Rokhaya Diallo Journaliste et réalisatrice
114 Sam Karmann Comédien, Réalisateur
115 Samuel Le Bihan Acteur
116 Sophie Adriansen Ecrivaine
117 Valérie Rodrigue Ecrivaine
118 Vincent Fillola Avocat, président d’Avocats Sans Frontières
119 William Karel Cinéaste
120 Yvan le Bolloc’h Acteur
121 Yves Cusset Philosophe

intox // Non! Monsieur Collomb n’a pas assoupli le délit de solidarité!

 

Collectif « Délinquants solidaires »

Examen du projet de loi asile/immigration par l’Assemblée nationale
NON ! Monsieur Collomb n’a pas assoupli le délit de solidarité !

Rarement un sujet absent d’un projet de loi n’aura mobilisé tant de députés lors de son examen. Lors de la discussion par l’assemblée nationale du projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », ils étaient nombreux, dans chacun des groupes parlementaires, à avoir déposé des amendements portant sur le « délit de solidarité » : pour mieux le sanctionner sur les bancs situés le plus à droite de l’hémicycle, pour le supprimer sur tous les autres, majorité comprise.

La longue histoire du « délit d’aide directe ou indirecte » commis par une personne ayant « facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France » [1] a amplement démontré toute son ambivalence. Censé pénaliser les « passeurs » qui tirent profit des obstacles à l’entrée et au séjour en France pour maltraiter et exploiter les migrant⋅e⋅s, on a vu comment il peut devenir un « délit de solidarité » c’est à dire permettre de poursuivre une personne « coupable » d’une action désintéressée et solidaire.

Les ministres de l’intérieur successifs n’ont pas cessé de proclamer que le délit de solidarité n’existe pas. « J’observe qu’en 65 années d’application de cette loi, personne en France n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière » (Eric Besson, 23 mars 2009). En 2012, Manuel Valls affirmait à son tour avoir mis « fin au délit de solidarité qui permet de poursuivre l’aide désintéressée, apportée […] à des étrangers en situation irrégulière ». Dès le début de l’examen du projet de loi (mardi 19 avril) Gérard Collomb éludait le sujet : « vous avez soulevé en particulier la question du délit de solidarité. Je veux d’ores et déjà souligner ici que ce délit n’existe pas ».

Pourtant, à plusieurs reprises, des vagues de poursuites et de condamnations d’aidant⋅e⋅s ont provoqué de larges mobilisations contre le délit de solidarité. Des réformes successives ont prétendu répondre à cette émotion en dressant des catalogues d’immunités : lois « Chevènement » de 1998, « Sarkozy » de 2003 et 2009, « Besson » de 2011 et « Valls » de 2012. À chaque fois, la fin du délit de solidarité était annoncée… Mais le catalogue d’exemptions prévues par la loi [2] a à chaque fois conservé toutes ses ambiguïtés au dispositif [3].


Comment le ministre a neutralisé la dynamique parlementaire pour une suppression du délit de solidarité…

La loi « Collomb » de 2018 serait-elle la bonne ? Les circonstances s’y prêtaient. Les fortes solidarités récentes dans le Calaisis, à Paris, dans la vallée de la Roya, dans le Briançonnais ou ailleurs et les multiples poursuites judiciaires engagées contre des aidant⋅e⋅s avaient eu de larges échos. Plusieurs rédactions de la loi avaient été suggérées afin de supprimer ce délit tout en restant en conformité avec le droit européen [4] et bon nombre des amendements proposés s’en inspiraient.

Lors de la séance matinale de l’Assemblée nationale du dimanche 22 avril, quatre intervenant⋅e⋅s – membres du Modem, de l’UDI, de LREM et de la GDR – ont présenté leurs amendements visant à la suppression du délit [5]. Le ministre de l’intérieur a alors annoncé que le gouvernement déposait une proposition de rédaction destinée à « aménager le régime d’exemption pénale » de ce délit dont, quelques jours plus tôt, il niait l’existence. Entre temps Macron avait établi la feuille de route : pénaliser les « gens qui aident, consciemment ou inconsciemment, les passeurs. Ceux-là, je ne veux pas les affranchir du délit de solidarité car ce qu’ils font est grave » (BFM-TV, 15 avril).

L’amendement du gouvernement, est-il annoncé, adopte « une ligne juste et responsable » entre l’immunité des aides quotidiennes et la sanction de « toutes celles qui voudraient détourner la volonté de l’État de contrôler les frontières ». Que ceux qui s’inquiètent de la difficulté à discerner ces intentions se rassurent : une circulaire adressée aux instances judiciaires en précisera les contours.

Puisque ce qu’il faut protéger c’est le contrôle des frontières – et non les migrants exploités –, l’amendement purement destiné à étouffer la contestation reprend la tradition des remèdes cosmétiques au catalogue des immunités : les exemptions à l’aide au séjour s’appliqueront aux déplacements en France aux fins d’apporter certaines aides, auxquelles est ajouté l’accompagnement « linguistique et social » ; tout cela « sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif ». Or la jurisprudence sait hélas se montrer inventive en matière de contrepartie directe ou indirecte, ou, à l’inverse, tatillonne quand il faut caractériser les atteintes à l’intégrité physique, devenues « conditions de vie dignes et décentes ».

Le combat pour en finir avec le délit de solidarité avait été bien engagé : il se solde pour celles et ceux qui ont tenté de le porter au sein de l’assemblée nationale par une amère défaite en rase campagne. Seul a survécu l’amendement dérisoire du gouvernement, enrobé de beaux discours et sous les applaudissements de la majorité. Le délit de solidarité a de beaux jours devant lui.

Paris, le 23 avril 2018

 

LE TEXTE

L. 622-1
(Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 – art. 11)
Sous réserve des exemptions prévues à l’article L. 622-4, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €. (…)

EXTRAIT DU CESEDA DANS SA RÉDACTION ACTUELLE…

L. 622-4
Sans préjudice des articles L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l’aide au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

  • 1o Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint ;
  • 2o Du conjoint, de l’étranger de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;
  • 3o De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci.

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

LE CESEDA DÉCOULANT DU TEXTE ADOPTÉ DIMANCHE 22 AVRIL PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE (qui sera donc discuté par les sénateurs courant mai/juin 2018)…

L. 622-4
Sans préjudice des articles L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l’aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

  • 1o Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint ;
  • 2o Du conjoint, de l’étranger de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;
  • De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif.

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

[1Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), art. L. 622-1.

[2Ceseda, art. L. 622-4.

[3Le dossier www.gisti.org/delits-de-solidarite créé en 2009 en présente de nombreux exemples.

[4Notamment la CNCDH (avis du 16 mai 2017, « Mettre fin au délit de solidarité ») et le Collectif Délinquants solidaires (« Pour mettre hors-la-loi le délit de solidarité », février 2018).

[5Amendements n°235, 723, 801 et 803.

 

 

Vous pouvez retrouver ce communiqué sur le site
www.delinquantssolidaires.org

 

Communiqué délinquants solidaires

Auberge des migrants et Délinquants solidaires

« Délit de solidarité » : une association accusée d’avoir distribué des tentes à Calais

Vendredi 23 mars, vers 9h, le campement situé Rue des Verrotières dans la Zone industrielle des Dunes a été détruit, une fois de plus. Il n’y avait pourtant, sur ce lieu-là, pas eu d’opération d’expulsion depuis plus d’un mois. Les exilé.e.s étaient installé.e.s dans des dizaines de tentes et essayaient d’améliorer leurs conditions de survie.

Depuis l’été 2017, les autorités préfectorales du Pas-de-Calais, en lien étroit avec la municipalité de Calais, mènent une lutte contre ce qu’elles appellent des « points de fixation ». Cette politique conduit à une destruction systématique des lieux de vie des exilé.e.s bloqué.e.s à la frontière franco-britannique, et à la confiscation par la police ou les services de nettoyage privés ou municipaux de leurs effets personnels (tentes, sacs de couchage, etc.).

Tant bien que mal, les exilé.e.s essayent de poser leur tente dans des bois, des champs ou des terrain vagues. Ces campements sont alors régulièrement détruits, parfois 2 ou 3 fois par semaine. Les conséquences de cette politique sur les personnes exilées sont catastrophiques, augmentant leur état d’épuisement physique et psychologique. Les autorités, au lieu de rechercher des solutions dignes pour les personnes présentes à Calais, continuent sans relâche leur lutte contre « les points de fixations », quitte à utiliser des procédés inhumains et dégradants.

Le démantèlement du 23 mars a eu lieu pendant la distribution de repas organisée par l’État : les personnes qui étaient parties prendre leur petit déjeuner n’ont donc pas pu récupérer leurs affaires.

Le même jour, dans l’après-midi, une équipe de l’entrepôt de l’Auberge des Migrants a organisé une distribution de tentes et de sacs de couchage, pour éviter que les gens ne se retrouvent sans aucun abri et matériel pour se protéger du froid. Les bénévoles ont seulement donné les tentes (environ 150), depuis un véhicule garé sur le bord de la route. Ils n’ont pas aidé les exilés à les monter. Au cours de cette distribution, deux bénévoles ont subi un contrôle d’identité.

Quelques heures après, ces deux bénévoles, le Président et un coordinateur de l’Auberge des migrants se voyaient remettre par 3 membres de la police judiciaire des convocations en vue d’une audition libre le lundi matin suivant au commissariat de Calais. Le motif : délit d’installation en réunion sur le terrain d’autrui.

Interrogatoires très agressifs, culpabilisation, fausses informations, prises d’empreintes, photos anthropométriques… Tout cela pour avoir distribué des tentes et des sacs de couchage à des exilé⋅e⋅s. Ces auditions n’avaient en fait qu’un seul but : intimider les volontaires, ceux de l’Auberge des migrants, et plus largement tous ceux intervenant à Calais, en les criminalisant.

Pour les 2 bénévoles, c’était une première. Pour l’association, c’est la suite d’une longue série de pressions : intimidations variées sur les bénévoles et salarié.e.s, contrôles d’identité et fouilles des bénévoles, amendes répétées et sans fondement pour les véhicules aux abords des campements, convocations au commissariat etc. Ce nouvel épisode de pression et d’intimidation n’est donc que le dernier d’une trop longue série. Pourtant, face à la politique d’expulsion systématique conduisant à un épuisement généralisé des personnes exilées, la réponse des associations, collectifs et de citoyens reste la solidarité. Une solidarité qui ne faiblit pas.

Il n’est pas tolérable, quelles que soient les politiques mises en place, qu’en France, en 2018, la solidarité soit une nouvelle fois entravée. Il n’est pas tolérable que des bénévoles et militant.e.s soient intimidé.e.s, convoqué.e.s au commissariat, et peut-être poursuivi.e.s.

Nous, associations signataires, soutenons l’Auberge des migrants et l’ensemble des personnes intervenant à Calais en soutien aux personnes exilé.e.s bloqué.e.s à la frontière franco-britannique. Le délit de solidarité est inacceptable. Le délit de solidarité doit être enfin abrogé.

30 mars 2018

Signataires :

Retrouver ce communiqué sur le site du Collectif Délinquants solidaires

Vous pouvez retrouver ce communiqué sur le site
www.delinquantssolidaires.org

Bonne nouvelle // Communiqué de presse sur l’acquittement des 6 héros


Communiqué de presse – 13 décembre 2017

Les « 6 héros » sont acquittés . Une victoire pour la solidarité.  #jenelabouclepas
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a prononcé ce matin l’acquittement des six passagers poursuivis pour s’être opposés à l’expulsion d’une personne sans papiers à bord de leur avion le 17 août 2016.
Les passagers avaient été inculpés d’une part  d’avoir « commis une entrave méchante à la circulation aérienne » et d’autre part de  « ne pas s’être conformé aux instructions données par le commandant de bord ».
Le tribunal considère que les passagers doivent être acquittés de la première prévention car ils n’étaient pas mus par l’intention d’entraver la circulation aérienne : au contraire, ils ont agi « par sympathie envers la personne expulsée ou par indignation envers une personne maintenue détenue sous la contrainte à bord de leur vol et poussant des cris selon eux « de douleur » suite à des violences commises à son égard par des policiers l’entourant. »
Pour ce qui est de la deuxième prévention, le tribunal relève que trente à quarante passagers se sont levés pour protester contre l’expulsion, que la tentative d’expulsion a été abandonnée, et que le commandant de bord a enjoint aux passagers de regagner leurs sièges après que la personne à expulser ait été débarquée. Il considère ensuite que rien ne prouve que les six prévenus, en particulier, ont désobéi aux injonctions du commandant de bord, raison pour laquelle ils doivent être acquittés de cette seconde prévention également.
Les six prévenus étaient soutenus par une centaine d’associations dont la Ligue des droits de l’Homme, Tout Autre Chose, le Réseau ADES, Hart Boven Hard et Vrede. Celles-ci avaient lancé une pétition proposant à tout citoyen d’assumer publiquement, qu’en pareille situation, il « ne la bouclerait pas ». Plusieurs personnalités artistiques ont témoigné leur soutien dans une vidéo: Philippe Geluck, Bénédicte Liénard, Geneviève Damas, David Murgia…
 
Si les associations se félicitent de cette victoire judiciaire, elles dénoncent « une instrumentalisation de la justice » par le Secrétaire d’Etat à la Migration Theo Francken : « Le jour des faits, alors que les six passagers étaient toujours au commissariat, M. Francken avait annoncé sur les réseaux sociaux que des poursuites seraient menées. Ils semble clair que c’est ici une manière pour lui de faire passer un message politique et médiatique. Par cet acquittement, la justice montre qu’elle ne se laisse pas instrumentaliser. Cela dit, on regrette que cette affaire soit allée aussi loin et que les ressources des appareils policier et judiciaire aient été mobilisées pendant de nombreux mois contre des personnes qui n’ont rien fait d’autre que faire preuve d’humanité. »
 

Communiqué d’Amnesty International // délit de solidarité

Une de nos membres poursuivie pour « délit de solidarité »

https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/une-de-nos-membres-poursuivie-pour-delit-de-solidarite

Martine Landry, militante d’Amnesty International France (AIF), sera jugée à Nice, lundi 8 janvier 2018. Il lui est reproché d’avoir « facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière ». Elle risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Des poursuites injustes, explication.

Engagée auprès d’AIF depuis 2002, Martine Landry est en charge d’une mission d’observation à la frontière entre la France et l’Italie pour notre organisation.

Accusée… de faire appliquer la loi sur la protection des mineurs

Le 28 juillet 2017, la police italienne a renvoyé, à pied, deux mineurs étrangers isolés vers la France. Martine Landry les a récupérés au poste frontière Menton/Vintimille du côté français pour les accompagner à la Police aux frontières (PAF), munie des documents attestant de leur demande de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Les deux mineurs, tous deux âgés de 15 ans et d’origine guinéenne, ont par la suite été pris en charge par l’ASE.

Le 31 juillet, Martine Landry s’est rendue à la PAF de Menton suite à l’interpellation et au transfert de onze migrants. Ce jour-là, elle se voit remettre une convocation pour une audition le 2 août. Le lendemain, Martine Landry reçoit une convocation du tribunal correctionnel de Nice. Elle doit être jugée le 8 janvier 2018 pour « avoir facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière […], en ayant pris en charge et convoyé pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France ».

À la frontière française, les enfants non accompagnés ne font pas l’objet de l’attention requise au regard de leur situation de vulnérabilité. C’est pourtant ce qu’exige la législation française relative à la protection de l’enfance. Les enfants sont renvoyés au même titre que les adultes, de façon expéditive et sans possibilité d’exercer leurs droits ni même d’être accompagnés.

Une militante expérimentée

Martine est une militante expérimentée, respectueuse du droit et qui connaît parfaitement le cadre juridique dans lequel son action s’inscrit.

Martine Landry est membre d’Amnesty International depuis 2002. Elle est également la référente régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur sur la question des réfugiés et migrants depuis 2011 et chargée d’une mission d’observation en zone d’attente pour AIF. En parallèle, elle participe aux missions militantes de conseil aux demandeurs d’asile et d’accompagnement dans l’accès à leurs droits, missions pour lesquelles elle a bénéficié de plusieurs formations.

Par ailleurs, en dehors de ses activités pour AIF, Martine Landry est engagée au sein de différentes associations locales et nationales pour la défense des migrants et des réfugiés dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).

L’injuste « délit de solidarité »

Ces personnes qui aident les réfugiés sont inquiétées, intimidées, poursuivies alors qu’elles défendent avant tout les droits humains. Elles agissent pour protéger les droits des personnes migrantes et réfugiées auxquels portent atteintes les autorités françaises. Ces personnes sont des défenseurs des droits humains et, ils doivent bénéficier de la protection de l’État.

Lire aussi : 3 questions sur le délit de solidarité

Alors que, depuis plus de deux ans, nos organisations dénoncent les violations du droit international, européen ou français, à la frontière franco-italienne par les autorités françaises, ces dernières intimident et poursuivent celles et ceux qui tentent de protéger les droits humains de personnes aussi vulnérables que des mineurs isolés.

Une criminalisation insupportable

Le procès de Martine Landry doit être l’occasion pour le gouvernement français de modifier sa législation qui permet, comme cette situation le démontre, de criminaliser l’aide apportée par des citoyens pour protéger les droits des personnes migrantes et réfugiées.

Lire aussi : Réfugiés, ce que cache le mot « délit de solidarité »

Il est urgent et indispensable que la politique du gouvernement français soit réorientée de façon à répondre à l’impératif du strict respect des droits des personnes migrantes et réfugiées qui franchissent la frontière franco-italienne et à la nécessaire protection de celles et ceux qui leur apportent leur aide.

Arte TV // Les associations tirent-elles une rente de la crise migratoire à Calais

https://info.arte.tv/fr/les-associations-tirent-t-elle-une-rente-de-la-crise-migratoire-calais

Les associations tirent-elles une « rente » de la crise migratoire à Calais ?

« Moi je dis ça suffit de continuer à soutenir des activistes qui ne sont pas là pour régler un problème mais pour en provoquer d’autres. » Lors de son point presse du mardi 16 octobre, la maire de Calais Natacha Bouchart a assumé une ligne dure envers les associations qui continuent à venir en aide aux quelque 1 000 migrants revenus dans la ville dans le but de rejoindre l’Angleterre, malgré le démantèlement de la jungle il y a un an : « J’en veux aux associations qui ont de très grands moyens financiers qui sont plutôt là pour continuer à exister face aux médias. » Elle évoque même une « rente »  dont bénéficieraient peut-être les associations qui « ne vivent qu’à travers la problématique des migrants ».  Un portrait au vitriol auquel sont habitués celles et ceux qui s’engagent auprès des migrants dans la ville. Derrière cette image peu flatteuse d’agitateurs de premier ordre, se dessine en filigrane l’accusation de profiter, économiquement, de la situation. Qu’en est-il dans les faits ? Focus sur les deux principales associations engagées sur place, l’Auberge des Migrants et Utopia 56.

Une « rente » qui ne fait pas vivre grand monde

944 160 euros. C’est le budget dont disposait l’association l’Auberge des Migrants en 2016. Une somme « énorme », reconnaît son président Christian Salomé. Qu’il s’agit cependant de relativiser, selon lui, quand on considère que l’ONG « couvre actuellement les besoins d’environ 1 000 personnes à la place de l’Etat, près de 10 000 avant le démantèlement de la jungle« .

 Nous ne dégageons pas de bénéfices, notre visibilité économique à long terme dépasse rarement le mois à venir.

Alexandra Limousin – comptable de l’association

« Nous ne dégageons pas de bénéfices, notre visibilité économique à long terme dépasse rarement le mois à venir« , précise la comptable de l’Auberge, Alexandra Limousin. Comme pour toute association touchant plus de 153 000 euros de dons par an, les comptes sont vérifiés par un commissaire placé sous l’autorité du ministère de la Justice, qui a émis un avis favorable concernant l’ONG l’année dernière — l’avis concernant l’année 2017 n’est pas encore disponible.

L’argent provient à 95% de dons privés, principalement des « petits donateurs versant des montants allant de 10 à 50 euros » selon Christian Salomé. « La dernière subvention que nous ait versée la mairie de Calais date de 2016 : 1 000 euros« . Le budget de cette année-là a principalement servi à construire des abris pour les migrants et à leur assurer des repas, ainsi qu’à entretenir les véhicules et l’entrepôt dont dispose la structure associative, selon sa comptable.

L’association compte trois salariés permanents, un temps plein et deux temps partiels. Elle fait également recours de temps en temps à des jeunes en service civique. Les comptes d’ Utopia 56 ne seront vérifiés qu’à partir de l’année prochaine par un commissaire placé sous l’autorité de la Chancellerie, puisque l’association n’a été créée qu’en 2016, mais d’après son président Hervé le Bloa, elle n’emploie qu’un seul salarié, sur Calais : un contrat aidé.  Pour le reste, ces deux associations reposent sur le bénévolat. Si « rente » il y a, elle ne fait donc pas vivre grand monde. « Ceux qui adhèrent à notre association le font par conviction, parce qu’ils ont été indignés par la situation des migrants », explique ainsi Christian Salomé. Et ils ne sont pas les seuls : le défenseur des droits Jacques Toubon  exhortait encore cet été les pouvoirs publics à « ne pas s’obstiner dans ce qui s’apparente à un déni d’existence des exilés » à Calais. Christian Salomé rappelle que l’Auberge des Migrants a été créée en 2008, sur demande de la mairie : « mais désormais, l’opinion publique a changé, l’aide aux migrants n’est plus politiquement rentable ».

« Dissuader la solidarité » à coup de procès-verbaux

Il ne faut donc pas s’attendre à toucher le gros lot en s’engageant auprès des migrants à Calais. Bien à l’inverse,  cela peut coûter cher… en contraventions. Le président évoque environ « une contravention par semaine », pour des motifs variés allant du stationnement gênant au « manque de liquide lave-glace » en passant par la « circulation de véhicules à moteur non munis de pneumatiques ». Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) a émis l’année dernière un rapport dénonçant l’accumulation des procès-verbaux afin de « dissuader la solidarité dans la jungle de Calais », peu avant son démantèlement. Il semble que les forces de l’ordre fassent toujours preuve de la même rigueur en ce qui concerne les activités des personnes engagées auprès des migrants à l’heure actuelle.

En service civique pour l’Auberge en mai dernier, Margot a dû s’acquitter de deux contraventions pour « déchets laissés sur la voie publique », en son nom propre. Alors qu’il s’agissait selon elle de détritus laissés par les migrants, sur un site ne disposant pas de benne à ordures malgré les demandes répétées de l’association. Juriste auprès de la Plateforme de services aux migrants (PSM), Camille Six dénonce une véritable « créativité juridique de la police à Calais. Les bénévoles sont souvent des jeunes étudiants, personnes en recherche d’emploi ou retraités, et le plus souvent ils et elles ne roulent pas sur l’or, ça peut être vraiment très dissuasif. »

Comme tous les êtres humains, les migrants représentent un marché économique comme un autre. Mais sont-ce vraiment les associations qui interpellent régulièrement les pouvoirs publics quant à leurs conditions de vie catastrophiques qui tirent le gros lot ?

Les associations en conflit avec la mairie
L’État et la Ville de Calais ont été contraints par le Conseil d’État fin juillet de mettre en place des toilettes et des douches pour les migrants, après que des associations comme Utopia 56 et l’Auberge des migrants aient saisis en justice le tribunal administratif de Lille à ce sujet. Alors que l’État a commencé à appliquer la décision de justice au mois de septembre, en périphérie de la ville, Natacha Bouchart s’y est toujours opposée fermement symboliquement.

Communiqué // La France continue de harceler les défenseurs des droits des migrant.e.s

Paris-Genève, 12 septembre 2017 – Le 11 septembre 2017, M. Pierre Alain Mannoni a été condamné par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence à deux mois de prison avec sursis pour avoir aidé et transporté en France trois jeunes migrantes dont une mineure. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (un partenariat FIDH-OMCT) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’inquiètent de la multiplication des cas de personnes harcelées en France pour leur soutien aux personnes migrantes et réaffirment leur totale solidarité avec Pierre Alain Mannoni.

Depuis près d’un an, M. Pierre-Alain Mannoni fait l’objet d’un harcèlement judiciaire suite à son interpellation par la gendarmerie de Grasse alors qu’il transportait dans son véhicule trois jeunes femmes d’origine érythréenne. Celui-ci les avait pris en charge à Saint-Dalmas-de-Tende, alors qu’elles se trouvaient dans un bâtiment abandonné, investi par un collectif d’associations. Face à leur situation de dénuement, M. Pierre-Alain Mannoni les a accueilli à son domicile, avant de les conduire à une gare.

Pierre-Alain Mannoni a alors été poursuivi pour violation de l’article L.622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), avant d’être relaxé par le Tribunal correctionnel de Nice, qui concluait à son immunité pénale, l’assistance en question n’ayant donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte. Le Procureur a décidé de faire appel de la décision et la Cour d’appel d’Aix en Provence vient de condamner M. Mannoni comme elle l’avait fait pour Cédric Herrou.

La LDH et l’Observatoire s’indignent de voir à nouveau la solidarité envers les migrants être jugée comme un délit. Cette nouvelle condamnation fragilise le statut des défenseurs des droits des personnes migrantes en France, qui font face à une multiplication des cas de convocations au commissariat, de gardes à vue et de poursuites pour aide au séjour irrégulier ou autres délits (1).

« La décision de l’Etat de faire appel de la première décision de relaxe témoigne d’un réel harcèlement des pouvoirs publics envers les femmes et les hommes engagées de manière désintéressée à apporter aide et assistance à celles et à ceux réfugiés que l’Etat abandonne dans les rues. Cette décision de justice sera pourvue en Cassation pour apprécier le statut des secours aux plus précaires », ont déclaré les deux organisations.

La LDH et l’Observatoire regrettent cette décision de justice qui fragilise les acteurs de la solidarité et appelle les autorités françaises à garantir une protection efficace contre des poursuites visant des actions « humanitaires et désintéressées » en amendant les dispositions de l’article L. 622-4 du Ceseda (2).

L’Observatoire appelle les autorités françaises à mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains et particulièrement des droits des personnes migrantes et réfugiées en France et à se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1 et 12.2 ainsi qu’aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la France.

(1) Cf. dossier web du Groupe d’information et de soutien des immigrées (GISTI) sur la recrudescence du délit de solidarité : http://www.gisti.org/spip.php?article5179

(2) Cf. l’avis n°0131 du 4 juin 2017 de la CNCDH, Avis : mettre fin au délit de solidarité, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034851164

Pour plus d’informations, veuillez contacter :
FIDH: Samuel Hanryon : +33 6 72 28 42 94
Mail : shanryon@fidh.org
Twitter : @Sam_hanryon